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3 mai 2025
Economie
COMMENT LE SENEGAL DOIT GERER SES RESSOURCES MINIERES APRES LE COVID-19
L’ingénieur pétrolier Samba Tall Sarr souhaite que les autorités prennent date en se lançant dans la réflexion profonde du Sénégal des hydrocarbures après le Covid19.
La riposte au Covid-19 ne se joue pas seulement dans le domaine sanitaire ni dans celui de la résilience économique. Elle doit être aussi articulée dans la prospective. Et sur ce registre, l’ingénieur pétrolier Samba Tall Sarr souhaite que les autorités prennent date en se lançant dans la réflexion profonde du Sénégal des hydrocarbures après le Covid19. Le consultant en ressources minières estime que le Sénégal pays producteur de gaz et de pétrole à l’orée 2023 et riche en matière minière de toutes sortes, a tout le potentiel pour passer de pays assisté à pays développé s’il s’oriente vers une vision anticipative faite d’investissements massifs productifs.
Samba Tall Sall croit à un destin du Sénégal pays développé. Parce que le bon Dieu a doté notre pays d’une grande richesse de son sous-sol. Il s’agit de ressources minérales parmi lesquelles on peut citer du marbre, du phosphate, de l'alumine, du zircon, de l’ilménite, du rutile, du phosphate de calcium, de l’attapulgite, du calcaire, de l’argile, du basalte, de la latérite, du sel, du fer, du pétrole, du gaz, du cuivre, du molybdène, du lithium, du chrome, leucoxene etc.).
Sans parler de l'or qui se trouve dans les périmètres de Sabodola, de Khosanto, de Massawa, de Tomborokoto, de Mako etc. dont la production est estimée de 8 à 10 tonnes par année. Au niveau des ressources gazières et pétrolières, 29 blocs sont répertoriés en 7 blocs en onshore, 13 blocs en offshore et 9 blocs en offshore profond. Un joli tableau qui autorise à rêver de lendemains de prospérité pour notre pays. « L'exploitation pétrolière et gazière devrait normalement avoir pour conséquence, l'industrialisation du pays. Et comme l'ossature de toute industrie repose sur l'acier, l'Etat ne pourra pas s'empêcher de s'orienter vers la métallurgie et la sidérurgie, s'il veut apporter un petit goût d'indépendance.
Toutefois, la création de grandes raffineries en capacité de production 100 milles barils /jour va permettre la baisse vertigineuse du prix du carburant et de l'électricité chez nous et le chargement de toutes sortes de navires. En effet, c'est toujours mieux de vendre des produits finis ou semi-finis pour optimiser la valeur ajoutée des ressources naturelles. L'achat de méthanier pour liquéfier le gaz serait en réalité le premier pas vers cette optimisation » estime Samba Tall Sarr.
Le covid19 ne devant être qu’une parenthèse à ses yeux, il soutient qu’il faut dès à présent faire dans la prospective, surtout dans le domaine de la gestion de nos ressources minières. Cet ingénieur pétrolier estime que les terres sénégalaises regorgent de tout ce qui peut le faire passer de pays assisté à pays développé. « Si nous considérons nos économies actuelles comme mondialisées et en conséquence, le monde lui-même tel un village au gré et au rythme des connexions des différents secteurs de l'écosystème, alors, le COVID 19 ne vient que confirmer ce phénomène avec une prise de conscience supplémentaire : toutes nos forces incarnent nos faiblesses», explique Samba Tall Sarr, consultant en ressources minérales.
Eviter le chaos pour le Sénégal, c’est aller vers des investissements massifs productifs
Par ailleurs ce membre de la Cellule des cadres du parti Rewmi et responsable politique à Mekhé / Tivaouane ajoute que « dans cet ordre d'idées, de la même manière que cette pandémie a su et dû mobiliser toutes les stratégies des gouvernants pour s' y adapter et la combattre, mobiliser les intelligences et les capitaux, de la même manière ou plus, elle modifiera le mode de fonctionnement de nos économies. Et comme le secteur de l'énergie est le centre de gravité de nos échanges commerciaux, il est à parier que l'impact du COVID 19 en sera déductible : les conditions d'exploitation et de commercialisation, en fonction de l'offre et de la demande sur le marché ne sont jamais les mêmes avant, pendant et après une crise ».
Transmutant ce discours dans le cas du Sénégal, Samba Tall Sarr indique qu’ « après avoir tant mobilisé des fonds pour faire face à la pandémie, tous les pays passeront par un plan de relance qui se matérialisera par des dettes pour de longues années. Les pays qui ont une manne financière pétrolière ou gazière en réserves, surmonteront facilement la reprise. Les pays en attente de production profiteront de la garantie des contrats existants pour emprunter et relancer l'économie et le social. Dans tous les cas, la période post COVID 19 laisse présager une sérieuse crise un peu partout et le Sénégal ne pourrait y échapper surtout si la vision anticipative du gouvernement ne prend pas en compte cette donnée essentielle de la dépendance de notre économie aux aléas et turpitudes de l'économie mondiale et surtout de l'économie énergétique. Il faudrait, pour éviter le chaos, que les investissements soient de plus en plus productifs ».
par Justin Corréa
FISCALISATION DU SECTEUR DE L’IMMOBILIER : DE LA RÉSILIENCE FACE AU COVID19 A L’AUBAINE
La crise sanitaire liée au coronavirus nous interpelle tous et met à rude épreuve, notre capacité de riposter mais aussi à réajuster nos politiques
Le Sénégal peine à mobiliser de manière optimale les recettes fiscales, principal instrument de financement de son budget.
La crise sanitaire liée au Corona virus nous interpelle tous et met à rude épreuve, notre capacité à riposter mais aussi à réajuster nos politiques.
Ce qui nous amène à repenser nos stratégies, dorénavant remises en question.
ET SI LE COVID19 ETAIT LA SOLUTION ?
D’un potentiel d’impôt foncier exploité à moins de 7% : l’exploitation des résultats du recensement général de la population et de l’habitat permet de constater que de 1.500.000 logements peuvent être potentiellement soumis à une imposition foncière, sous réserve d’exemption. Toutefois, en 2019, le nombre de propriétés soumis à la contribution foncière n’atteint pas 65.000 contre un potentiel estimé à 900 000 propriétés. Cela explique aisément les limites des collectivités territoriales à bénéficier de recettes propres pour le financement de l’Acte III de la décentralisation.
Ce gap est du reste confirmé par le rapport entre les recettes issues de l’impôt foncier sur le PIB qui classe le Sénégal derrière beaucoup de pays de la sous-région : Sénégal : 0,30%, Gambie : 0,53%, Maroc : 1,75%, Ile Maurice : 1,39%, Afrique du Sud : 1,60%.
Un manque à gagner estimé à des centaines de milliards chaque année.
Pour combler ce GAP, il n’existe pas mille solutions. Il faut élargir l’assiette fiscale, ce qui passera forcément par l’identification de nouveaux contribuables.
Par ailleurs, le 12 Mars 2020, la DGID a lancé un nouveau projet dénommé «YAATAL », dans le but de relever la contribution citoyenne à travers notamment l’élargissement de l’assiette fiscale et à la maitrise de l’assiette foncière pour la période 2020. Consciente de la responsabilité qui est la sienne dans la réussite des stratégies de croissance économique et sociale et soucieuse de trouver des réponses aux problématiques soulevées par la question fiscale et foncière, la DGID, sur la base des orientations du Directeur général, a élaboré un programme opérationnel quadriennal (2020-2023) dénommé Programme YAATAL.
Ce nouveau paradigme est né selon M Bassirou NIASS, Directeur des impôts et domaines du fait que : ‘’peu de citoyens contribuent mais tous les citoyens revendiquent le droit de bénéficier de biens et services publics de qualité’’.
Les défis majeurs auxquels l’état est confronté pour élargir son portefeuille contribuable demeurent :
➢ L’identification de nouveaux contribuables
➢ La mobilisation des ressources humaines et financières pour bien mener le projet.
➢ La stratégie.
COMMENT REBONDIR ET SE RECONSTRUIRE APRES LE COVID19?
Ceci passe par la prise en charge par l’État des loyers dans les deux prochains mois. (Le projet pourrait être financé par une partie des 155 milliards dédiés à la construction du Stade Olympique de Diamniadio), ce qui va soulager les locataires et les bailleurs qui, si la crise persiste, risquent de ne pas encaisser les loyers les prochains mois.
Pour ce faire, chaque bailleur, devra impérativement présenter sa déclaration d’enregistrement avant de recevoir son dû. Cette démarche permettra de les identifier par l’enregistrement de leur bail au niveau des services compétents de l’État, ce qui va enrichir la base de données et augmenter considérablement le portefeuille des contribuables de l’administration fiscale. Ainsi, dans un élan de solidarité, les droits d’enregistrements des loyers à usage d’habitation seront rendus gratuits.
Au sortir de cet exercice, la base de données connaitra une hausse exponentielle et permettra à l’état dans les mois suivants, de récupérer tout l’investissement dès la reprise d’activités.
L’objectif de relever le taux de pression fiscale à 20% à l’horizon 2023 (voir programme yaatal), sera vite atteint.
Ayons espoir en l’avenir.
Du chaos peut émerger l’ordre.
Derrière chaque crise, se profile une opportunité.
Entre un député rompu au business dans les arrière-cours de l’État, un ministre beau-frère du président omnipotent dans ses décisions et des fournisseurs inconnus du milieu des denrées alimentaires, un vrai scandale sénégalais éclate au cœur du covid-19
Sputnik France |
Momar Dieng |
Publication 16/04/2020
À peine débutée, la campagne de distribution de vivres initiée par le gouvernement pour venir en aide à un million de ménages sombre dans la pagaille. Et comme d’habitude, le riz, principale denrée de consommation de la population, est au cœur de la polémique. L’enjeu est de taille: 69 milliards de francs CFA (105,182 millions d’euros), structurés autour d’un dispositif politique dirigé par Mansour Faye, ministre du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, et accessoirement beau-frère du Président de la République.
La première controverse porte sur l’identité du principal transporteur des 100.000 tonnes de riz mobilisées pour la campagne de distribution, Demba Diop Sy, plus connu sous le sobriquet de Diop Sy.
Celui-ci est député à l’Assemblée nationale. C’est aussi un homme d’affaires ayant la réputation de savoir flairer les bons coups grâce à sa capacité d’adaptation aux changements de régime politique. Plutôt connu comme spécialiste du transport de déchets avec sa société Urbaine d’entreprises (UDE), la surprise n’en a été que plus grande de le voir retenu par le ministre Mansour Faye.
«L’urgence de venir en aide aux populations n’abroge absolument pas les règles constitutionnelles de bonne gouvernance et les incompatibilités parlementaires. L’article 114 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale interdit à tout parlementaire d’être, en cours de mandat, actionnaire majoritaire d’une société, établissement ou entreprise…», s’indigne, dans une publication sur Facebook, Moustapha Diakhaté, ancien président du groupe parlementaire de la majorité présidentielle, ex-chef de cabinet du Président Macky Sall.
«Figurant, prête-nom, mule…», les soupçons fusent
Mais il faut croire que les super pouvoirs du chef de l’État en cette période d’exception ne sont pas une vue de l’esprit, note le juriste Papa Moussa Ndour, cité par le site Pressafrik.
«Le Président Macky Sall a pris en mars un décret qui dispose que les travaux, fournitures et prestations de services réalisés dans le cadre de la lutte contre le Covid-19 ne sont pas soumis aux dispositions du décret n° 20141212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics modifié par le décret 2020-22 du 7 janvier 2020», explique-t-il.
Demba Diop Sy, le principal concerné, s’en tient aux faits et bombe le torse: «C’est une consultation et c’est tombé sur moi. Je suis né dans le transport et j’ai grandi dans le transport.» Mais pour Gora Khouma, lui aussi député et syndicaliste en chef dans le secteur du transport routier, la réalité est évidente.
«Nous savons tous que Diop Sy n’est qu’un figurant, voire un prête-nom. Ce ne sont pas ses véhicules qui sont sur les routes pour acheminer la marchandise. Il ne gère pas de transport. Il y a juste des pointures politiques qui veulent s’accaparer l’argent débloqué dans le cadre du fonds Force Covid-19», assure-t-il à Pressafrik.
La controverse porte également sur le coût du transport de ces marchandises. Pas plus de 1,5 milliard de francs CFA (environ 2,286 millions euros), a précisé urbi et orbi le ministre Mansour Faye. Sur la télévision publique, son collègue de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique avance, lui, le chiffre de 3,5 milliards de francs CFA (environ 5,335 millions d’euros). Qui croire? Sur les réseaux sociaux, les interrogations fusent de toutes parts.
Les incongruités ont également leur part dans cette opération nationale de distribution de vivres.
L’opérateur économique Moustapha Tall, pendant longtemps un des plus grands importateurs de riz au Sénégal, s’en est ému lors d’un bref entretien avec Sputnik.
«Deux des sociétés qui ont gagné le marché de la fourniture de riz sont de grandes inconnues sur le marché local. Elles sont logées à la même adresse à Dakar. À elles deux, elles ont capté 17,876 milliards de francs CFA (environ 27,250 millions d’euros). Et c’est d’autant plus suspect que ces deux entreprises sont des SUARL (société unipersonnelle à responsabilité limitée), c’est-à-dire une forme juridique peu contraignante et assez flexible pour des opérations peu transparentes», dénonce-t-il.
Ces imbroglios sont d’autant plus durs à avaler dans une opinion publique scandalisée que, bien avant la réception des denrées au port de Dakar, le Conseil des acteurs des transports routiers du Sénégal (CATRS) avait publié un communiqué dans lequel il mettait gratuitement à la disposition de l’État son parc de camions de marchandises afin d’assurer la distribution des vivres sur tout le territoire sénégalais. Une contribution à l’effort national qui ne semble pas avoir été entendue des autorités.
Le spectre d’une pénurie de riz
Au regard de tous ces éléments, c’est l’unité nationale affichée tant bien que mal depuis le début de la crise sanitaire qui vole en éclats. Les doutes et les suspicions montent en puissance alors que l’opération n’en est qu’à ses débuts.
«Le Président [Macky Sall, ndlr] a mis la charrue avant les bœufs. Le Comité de gestion du fonds appelé Force Covid-19 devrait être opérationnel en amont pour gérer tout le processus d’appels d’offres, d’achats, de convoyages ou autres. Il ne devrait en aucun cas être laissé entre les mains d’un seul ministère», analyse le Dr Cheikh Tidiane Dièye, spécialiste des questions de gouvernance et de développement, sur le plateau d’une émission télévisée diffusée sur Télé Futurs Médias.
À en croire Moustapha Tall, la démarche de l’État est incompréhensible et cela augure de lendemains difficiles pour la filière riz.
«Ces gens qui dirigent les opérations ne connaissent pas spécialement le secteur du riz. Ils auraient dû parler aux acteurs locaux, connaître les quantités en stock, leur durée de consommation avant d’en arriver là. Aujourd’hui, avec la crise du coronavirus, il est difficile de faire des approvisionnements, de faire bouger les navires. Pour un pays comme le Sénégal, c’est un risque énorme qui pourrait même engendrer des pénuries.»
Et en cas de pénurie, les producteurs locaux pourront-ils venir au secours des consommateurs? Pour l’heure, l’opinion scrute la réaction des plus hautes autorités. D’après Seydi Gassama, le directeur exécutif d’Amnesty International au Sénégal joint par Sputnik, il n’y a pas mille solutions.
«S’il y a des gens qui ont fauté, ils doivent être sanctionnés. D’où la nécessité de situer les responsabilités des uns et des autres sans exception. Ce n’est pas parce que des pleins pouvoirs ont été donnés au Président de la République pour mieux lutter contre le coronavirus qu’il ne doit pas rendre des comptes. Il appartient au chef de l’État de montrer qu’il n’est pas d’accord avec ces façons d’utiliser les deniers publics.»
À plusieurs reprises, Sputnik a tenté de joindre par téléphone et par SMS le porte-parole du gouvernement sénégalais, Seydou Guèye, sans succès.
LES PHOTOJOURNALISTES DU SÉNÉGAL DANS L'EFFORT DE LUTTE CONTRE LE COVID-19
L'union Nationale des Photojournalistes du Sénégal, par son Président, a remis une participation de 500.000f cfa à Abdoulaye Diop, ministre de la culture et de la communication
Notre pays vit la pandémie du coronavirus. Cette calamité sans précédent a plongé toute la planète dans une situation qui suscite un élan de solidarité de toutes les forces vives de la nation. L'union Nationale des Photojournalistes du Sénégal, par son Président, est honoré de remettre sa modeste participation de 500.000f cfa à Abdoulaye Diop, ministre de la culture et de la communication pour répondre à l’appel de Monsieur le Président de la République.
"IL N'Y AURA JAMAIS DE SCÉNARIO UNIQUE"
Sur la note du CAPS intitulée « L'effet Pangolin : la tempête qui vient d'Afrique ? », le grand intellectuel africain, Achille Mbembe, livre son analyse
Le Point Afrique |
Malick Diawara et Viviane Forson |
Publication 16/04/2020
Le Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères a récemment publié une note extrêmement alarmiste sur ce qui attend l'Afrique à la suite de la crise du Covid-19. Les scénarios mis en évidence en ont ému plus d'un tant ils sont pessimistes pour l'avenir du continent. Intitulée « L'effet Pangolin : la tempête qui vient d'Afrique ? », elle a beaucoup fait réagir autant en Afrique qu'en France. Pour Le Point Afrique, le grand intellectuel camerounais, professeur à l'université sud-africaine du Witwatersrand, cofondateur avec Felwine Sarr des Ateliers de la pensée de Dakar, auteur, entre autres, de Brutalisme (Paris, La Découverte, 2020) a accepté de réagir à tous les aspects de cette note.
Le Point Afrique : Quelle signification faut-il donner au timing de cette note publiée à quelques mois de la tenue du sommet Afrique-France, aujourd'hui reporté, et du début de l'année culturelle Africa2020 organisée sous l'égide de l'Institut français ?
Il ne faut pas accorder plus d'importance à cette note qu'elle n'en a véritablement. Des notes de conjoncture, le Centre d'analyse, de prévision et de stratégie en a très souvent produit. Ce qu'il faut déplorer, c'est que très peu d'États africains et très peu d'institutions continentales se soient penchés sur cette question qui ne préoccupe pas que la France, mais l'ensemble des puissances du monde. Les compétences locales existent pourtant, mais elles sont soit à l'abandon, soit mieux utilisées ailleurs par d'autres nations et institutions que les nôtres.
Si nous étions mieux organisés, nous serions nous aussi en train de produire, sur la base de nos recherches et intérêts propres, nos propres analyses concernant l'impact prévisible du Covid-19 sur l'Europe, les États-Unis, la Chine, l'Inde ou la Russie. Chez nous cependant, le rapport entre savoir, connaissance et pouvoir est pratiquement inexistant. Ceux qui gouvernent n'agissent pas sur la base d'études ou de connaissances fondées. Souvent, ils n'ont que mépris pour la recherche locale. Du coup, toute forme d'expertise sur nos propres sociétés et leur devenir leur vient presque toujours de l'extérieur. Cette forme d'extraversion mentale ne nous coûte pas seulement cher. Elle nous conduit tout droit dans l'impasse.
Cette note oppose d'emblée les populations et les États africains. A-t-elle raison ? Si oui, pourquoi ?
À ma connaissance, il n'existe aucun agent social ou force historique appelé « les populations ». Le terme « populations » est un concept sociodémographique. Ce n'est pas, en soi, une force sociale-historique dotée d'une volonté et d'une intentionnalité. Pour saisir les grandes fractures qui traversent nos sociétés, il faut des analyses plus complexes. Par exemple, on doit savoir que hors l'État, il y a très peu d'assemblages sociaux d'envergure nationale. Là où existent des partis d'opposition, les logiques de prébende ne manquent point et les coalitions se font et se défont au gré d'intérêts souvent alimentaires. Parfois, ce sont les partis au pouvoir qui fabriquent eux-mêmes leur propre opposition, qu'ils ne se cachent pas, au demeurant, de financer.
En d'autres termes, l'État est capturé par la société et la société est capturée par l'État. On ne comprend rien aux processus sociaux si on ne tient pas compte de cette gémellité et de cet enchevêtrement. Tout le reste est très fragmenté. De mouvements sociaux dignes de ce nom, il n'en surgit qu'épisodiquement, et la plupart font très vite l'objet de récupération. Je dirais donc que les grandes lignes de fracture n'opposent pas l'État à « la population ». Au fond, « la population » n'est pas foncièrement dressée contre l'État. Ce que revendiquent individus et collectifs, ce n'est pas tant le démantèlement du système que leur part de la rente étatique, peu importe qu'ils y aient accès directement par la prédation ou que celle-ci tombe en miettes de la table des dominants et autres entrepreneurs sociaux, religieux ou ethniques. Parce qu'il s'agit de systèmes qui, souvent, ont su décentraliser les occasions de ponctionner et toutes sortes d'opportunités d'accaparement, y compris par la force. Leurs racines sont plus profondes au sein de la société qu'il n'y paraît.
La décapitation au sommet ne suffit donc pas à les détruire. C'est un mécanisme pervers d'appropriations et de transferts de toutes sortes qu'il faut casser ou réformer. Par ailleurs, la sédimentation de ces assemblages de la domination est très avancée et, en soixante ans de post-colonialisme, ils ont largement eu le temps de rendre transnationaux leurs intérêts. Ce ne sont plus seulement des formations locales. Elles s'inscrivent dans des réseaux et cartels transnationaux dont elles servent les intérêts tout en se servant elles aussi, et ces réseaux et cartels ont à leur tour intérêt à garantir leur maintien au pouvoir sur la durée. Il en sera ainsi tant que ne s'est pas constituée une véritable force contre-hégémonique. Si on veut réfléchir sérieusement sur l'impact potentiel de la pandémie sur le devenir de ces sociétés et de leurs régimes politiques, il faudra donc éviter de greffer sur une réalité mobile et pluriforme des catégories tirées d'histoires et d'expériences lointaines.
Cette note n'est-elle pas en creux et peut-être de manière non volontaire une critique acerbe de la politique même de la France qui a contribué à mettre en place ces États, les a épaulés et soutenus dans la logique de pratiques logées dans ce qu'on a appelé la Françafrique ?
Vous évoquez la Françafrique. Le président Emmanuel Macron est, pour sa part, préoccupé par ce qu'il appelle « la montée du sentiment anti-français » en Afrique francophone. Là où un tel sentiment existe, on a vite fait de l'attribuer à Moscou, aux djihadistes, ou à ce que d'aucuns appellent désormais « les nouveaux panafricanistes ». Ici également, on se trompe. Il ne faut pas confondre le « sentiment anti-français » et la nouvelle demande d'autonomie et de souveraineté portée par les nouvelles générations. Cette nouvelle aspiration politique et culturelle est légitime. Elle se justifie au regard des inqualifiables abus perpétrés au cours des soixante années de post-colonialisme.
Ce qu'il convient par conséquent d'organiser, en bon ordre, c'est en quelque sorte le parachèvement de la décolonisation. Il faut bien se rendre compte de la charge polémique de ce terme, mais ce que j'ai à l'esprit, c'est une « grande transition » d'ampleur véritablement historique. La France a des intérêts militaires, économiques, financiers et culturels en Afrique. Elle y est d'ores et déjà présente. Elle y intervient de plusieurs manières. Elle n'est donc pas neutre. Au contraire, elle est partie prenante du drame qui se joue sous nos yeux. Il serait irréaliste de lui demander de saborder ses intérêts. Par contre, ce qu'il nous faut identifier, consolider et clarifier, ce sont nos intérêts propres, dans une nouvelle aventure commune qu'impose au demeurant la planétarisation de notre monde, mais une aventure dans laquelle nous ne serons pas, comme par le passé, les éternels perdants.
Pour y parvenir, nous avons besoin d'un changement radical de direction, d'une autre sorte d'intelligence collective, d'autres coalitions sociales, d'autres élites gouvernantes, de nouvelles classes dirigeantes, d'un nouveau rapport entre le pouvoir et la vie. Ma conviction est qu'il est de l'intérêt de la France de soutenir et d'accompagner, en toute connaissance de cause, un tel retournement stratégique, faute de quoi il s'effectuera contre elle. Car, tant que dans l'imaginaire des nouvelles générations, le nom de la France demeure associé à la persistance de la tyrannie, de la brutalité et de la corruption en Afrique, le désir d'autonomie et de souveraineté se construira nécessairement contre la France et ses soutiens locaux.
Ceci passe par la mise en place de relais institutionnels dont la vocation explicite serait de contribuer au développement des libertés fondamentales et de la démocratie en Afrique. La déstabilisation de l'informel et la crise autour de la rente pétrolière sont présentées comme des éléments de rupture des équilibres sociaux et donc déclencheurs de processus de transition politique.
Pensez-vous que la crise du Covid-19 soit suffisamment impactante pour vraiment faire atteindre à ce processus son point de bascule ?
Tout dépend de la capacité de résilience des régimes en place et des sociétés concernées. Souvent, les grands basculements ne surviennent pas au moment même où se déroulent les calamités, mais bien après que celles-ci ont eu lieu. Bien des régimes en bout de course ne tomberont donc pas demain matin. Certains ont encore de quoi brader, en particulier à la Chine à laquelle ils doivent d'ores et déjà des dettes colossales.
Supposons par ailleurs que des centaines de milliers d'Africains perdent la vie en conséquence de ce virus, ce ne sera pas la première fois que ces pays feront l'épreuve d'une catastrophe de cette ampleur, même si, dans le cas qui nous concerne ici, le rythme sera plus rapide que d'ordinaire. En d'autres termes, il n'y a aucun rapport mécanique entre les catastrophes sanitaires et les soulèvements populaires. Il ne faut sous-estimer ni les capacités des sociétés africaines à encaisser de terribles chocs (ce qui ne veut pas dire qu'il faut leur en infliger davantage) ni la capacité des régimes africains à instrumentaliser le chaos et à tirer parti du désordre pour renforcer leur emprise sur le pouvoir. La plupart n'ont fait que cela depuis les décolonisations formelles.
Pour que la mort de masse se transforme en levier d'une politique du soulèvement et de la révolte, encore faut-il que la mort en tant que telle fasse l'objet d'une interprétation politique. Or, dans la plupart de ces pays, les gens n'ont pas coutume d'établir des rapports de causalité entre le trépas individuel, la structure du pouvoir, les mécaniques de l'inégalité ou même les politiques d'abandon pratiquées par les régimes en place. Souvent, la maladie et la mort sont perçues comme une affaire de sorcellerie au sein de la famille, du clan ou du lignage, lorsqu'elles ne sont pas le résultat d'un décret supposément divin. Sans interprètes et traducteurs culturels capables d'inscrire la mort de masse dans le registre de la causalité politique, la calamité risque de n'être qu'une tragédie de plus dans la longue série des tragédies africaines, un facteur de plus d'affaiblissement et de dissipation des potentialités insurrectionnelles sur le continent.
La note du CAPS parie sur un scénario glaçant partant de la question du ravitaillement (eau, nourriture, électricité) à des phénomènes de panique urbains sur fond de manipulations populistes. Le trouvez-vous crédible ? Si oui, si non, pourquoi ?
Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de scénario unique, et ce n'est pas vrai que nous allons affronter cette calamité les mains entièrement nues. Après tout, ce n'est pas la toute première fois que nous sommes exposés à des risques qui mettent en péril la vie de centaines de milliers de nos gens. Songeons, par exemple, aux cyclones, aux sécheresses, à Ebola, aux invasions de criquets, aux pénuries alimentaires.
Pour le reste, dans plusieurs pays, de véritables stratégies de riposte et d'innombrables formes de mobilisation ont été imaginées ou sont à l'œuvre. Au Sénégal, par exemple, le gouvernement a utilisé l'expertise de mon ami Felwine Sarr et de son équipe de jeunes économistes locaux pour élaborer un plan de résilience à l'échelle nationale. En ce moment même, la petite équipe est en train de réfléchir sur l'après-Covid-19 et sur la manière dont cette crise pourrait être mise à profit non pour relancer l'économie sur les bases anciennes, mais pour la réinventer littéralement, en mettant au centre l'équilibre entre les humains et la biosphère. On le voit bien, il s'agit là de questions qui n'intéressent pas que le Sénégal puisqu'elles sont d'ordre planétaire. La catastrophe n'est donc pas inévitable.
Ce que Felwine Sarr et ses collègues font sur le plan de l'expertise économique, d'autres le font à d'autres niveaux, sur le plan des savoirs et pratiques populaires. Il n'y a pas assez de masques ? Les couturiers et les tailleurs en créent de toutes les couleurs, utilisant les tissus locaux. Les conducteurs de mobylette inventent de nouvelles formes de transport qui permettent une distanciation plus ou moins adéquate entre eux et leurs clients. Dans ce que l'on appelle « la débrouillardise » ou « l'informel » gît en réalité un immense réservoir de savoirs pratiques, d'immenses gisements cognitifs qu'il s'agit de libérer et pas seulement pour ces temps de crise. Nos sociétés ont appris à calibrer adroitement la frugalité des moyens et l'habileté inventive. Elles auront appris à s'en sortir souvent avec très peu, à partager à plusieurs le peu qu'il y a, à tisser des liens neufs de solidarité quand sonne le glas, à pratiquer d'ores et déjà la sorte de politique de la sobriété que commande l'époque. Il existe donc une intelligence collective et des formes locales d'expertise qu'il suffit de mobiliser et d'exploiter au service de nos peuples.
Les conséquences les plus tragiques, et malheureusement les plus invisibles, risquent d'avoir lieu dans les satrapies de l'Afrique centrale, ou le gouvernement par la négligence, l'abandon et l'improvisation est devenu, depuis près d'un demi-siècle, la norme. Ici, sous la férule de pouvoirs autophages, le sens du bien public ou du bien commun a pratiquement disparu. On vole tout, sans exception, y compris l'aide humanitaire.
Le ratio dette/PIB est désastreux et la crise d'endettement est réelle. Les cours du pétrole ne cessent de tomber. Le Cameroun, à lui tout seul, doit près de 5,7 milliards de dollars à la Chine. Les décennies de tyrannie, de brutalité et de crétinisme ont profondément affaibli les capacités de résistance y compris morales des individus. Les pays corrompus et mal gouvernés paieront donc le prix fort à la pandémie. Mais que tout cela se termine par des soulèvements populaires n'est pas garanti.
Dans le chaos annoncé, où trouver les autorités auxquelles les populations pourraient s'identifier, les processus auxquels elles pourraient adhérer pour que l'Afrique reparte du bon pied ?
Comme je l'indiquais tout à l'heure, plusieurs possibilités s'ouvrent à nos sociétés, et les trajectoires qu'elles suivront seront multiples. Les sociétés les plus vulnérables sont celles dont les appareils étatiques ont été capturés et monopolisés par des tueurs à gages et leurs sicaires. Il s'agit d'États qui, derrière les oripeaux formels, ne fonctionnent en réalité qu'à coups de corruption et d'arbitraire, où les régimes au pouvoir ne sont comptables devant nul autre qu'eux-mêmes, où le rapport à toutes les formes d'autorité est un mélange de défiance passive, de simulation et de compromission, où l'obéissance a fini par revêtir la forme de la crainte, de l'obséquiosité et de la peur. Viendrait-elle à prendre des proportions gigantesques, ces sociétés sortiront profondément affaiblies de cette épreuve.
Cela ne signifie pas qu'elles connaîtront nécessairement des soulèvements. On risque plutôt d'assister à de longs et interminables processus d'involution susceptibles de déboucher sur une atonie généralisée. De tels processus autophages menacent en particulier les satrapies d'Afrique centrale. Si vous voulez, c'est le scénario haïtien, celui de l'enkystement et d'une « tonton-macoutisation » généralisée de la société, de la culture et du pouvoir, sur fond d'extractivisme sauvage et de bradage des forêts et du pétrole, des métaux rares et des richesses naturelles du sous-sol. Si elle veut sortir par le haut de cette crise, il faudra que l'Afrique la mette à profit pour changer radicalement de direction et reconstitue les fondements de l'autorité. Nous avons la chance de disposer, dans le fonds culturel de nos sociétés, d'innombrables réserves de savoirs et de pratiques d'auto-organisation, de mutualisation de ressources, de formes relationnelles relativement paritaires même si elles vont de pair avec de fortes hiérarchies (hommes/femmes, cadets sociaux/aînés sociaux, castes etc.). Il nous faut utiliser ce fonds culturel pour construire une « société de pairs » et réimaginer la communauté sur la base du principe de la parité, et de la réciprocité, du partage et de la mutualité. Il s'agit de principes très ancrés dans nos imaginaires collectifs et dans nos pratiques culturelles, même si les vies réelles de nos sociétés sont aussi faites de rivalités, de compétition et de divisions segmentaires. C'est à partir de tels principes que s'édifieront de nouvelles formes légitimes d'autorité.
Cette note n'illustre-t-elle pas quelque part le fait qu'au plus haut niveau de la diplomatie française, on a pris son parti du discrédit de nombre de nos gouvernements actuels ?
Les responsables français ne partagent pas tous la même analyse de la situation des États et régimes africains postcoloniaux. Ils n'ont pas de position unanime concernant ce que la France doit faire, où, quand, avec qui et pourquoi. Le président Emmanuel Macron a raison de dire que ce n'est pas à lui d'exiger la chute de tel régime ou de tel autre en Afrique. Si les Africains veulent la démocratie chez eux, c'est à eux qu'il appartient de penser et de mener ces luttes en toute autonomie.
Cela dit, la France n'est pas une tierce partie en Afrique francophone. Elle n'est pas neutre. Elle aura été et elle reste une actrice à part entière des drames qui s'y sont joués et qui s'y jouent encore. Elle a donc d'importantes responsabilités à assumer dès lors qu'il est question de dénouer les impasses qu'elle a contribué, souvent de par sa complicité, à nouer. Faux débat à mon sens, entre ceux qui, dès qu'elle dit un mot, lui opposent le principe d'une souveraineté nationale à la vérité fictive, et ceux qui, espérant tirer les marrons du feu le moment venu, en appellent à un interventionnisme sans ménagement.
Ce qui est reproché à la France, c'est son soutien actif à des régimes foncièrement corrompus, dont tout le monde sait qu'ils violent au quotidien aussi bien les droits humains élémentaires que les libertés fondamentales. C'est l'obséquiosité dont font preuve ses représentants chaque fois qu'il s'agit de traiter avec sévérité les tyrans africains, de leur imposer des sanctions ciblées lorsque la nécessité s'impose. C'est cela qui jette suspicion et discrédit sur son action en Afrique et nourrit en partie ce que l'on appelle le « sentiment anti-français ». La question est de savoir comment sortir de cette spirale ? La réponse est simple : en opérant un retournement historique et en inscrivant la politique africaine de la France dans le droit fil de la « grande transition » que j'évoquais tout à l'heure, celle qui répondrait aux aspirations des nouvelles générations.
Que pensez-vous des interlocuteurs potentiels identifiés par la note : autorités religieuses, diasporas, artistes populaires, entrepreneurs économiques et businessmen néolibéraux ?
Aucune de ces catégories n'échappe a priori à la recherche de rentes, qui est devenue l'activité majeure de la vie sociale et politique en Afrique francophone. Et aucune n'est indépendante de l'État au point où elle constituerait à elle seule un contre-pouvoir effectif. Pour répondre aux aspirations culturelles et politiques des nouvelles générations, nous avons besoin de faire émerger des forces neuves qui comprennent qu'il nous faut changer radicalement de direction. C'est une « grande transition » presque civilisationnelle qu'il nous faut organiser, ou en tout cas un grand changement d'ère qui touche également les domaines de la mémoire et du sens, des valeurs et des finalités. Pour imaginer ce saut dans une nouvelle phase historique, à un moment mondial où les processus naturels de la planète sont mis en péril, nous avons plus que jamais besoin d'investir dans la science et la technologie, la connaissance et la pensée. Ceci est une priorité presque existentielle.
Pour semer les germes d'une nouvelle société et mettre en œuvre ce dessein transformatif, une réforme fondamentale de l'État est absolument nécessaire. Il s'agit d'arrêter de copier des modèles inadaptés et qui nous ont menés à la faillite, de tourner le dos au modèle d'État parasite et prédateur hérité de la colonisation. Et surtout, il nous faut réinventer les formes institutionnelles d'une manière qui permette la libération de l'énergie sociale des petites communautés et de la myriade de petits collectifs qui forment le tissu vivant de nos sociétés. C'est à partir d'elles qu'il faut développer de nouvelles formes de ce que j'appelle « les pouvoirs civiques ». De la coalition de tels pouvoirs civiques capables de produire et de disséminer de l'intelligence et dotés de capacités translocales et transnationales naîtra un État génératif, différent de l'État parasite et prédateur actuel.
Plutôt que de penser en termes de sujets historiques dans le sens classique du terme, il faut donc plutôt réfléchir à partir de la réalité de l'énergie sociale, c'est-à-dire des lieux où de petits collectifs se créent des moyens d'existence ou inventent des savoirs et de la valeur pour les communautés. Il faut partir de la différence entre la part d'énergie sociale consacrée à l'extractif et la part d'énergie consacrée au génératif, dans des activités liées au sol et à la santé, à la nutrition, à la mobilité, au logement, bref aux besoins fondamentaux. Nous sommes riches en formes directes de réciprocité et en capacités d'auto-organisation, comme l'attestent bien les mondes de l'informel. Il est possible de reconfigurer la production, l'échange et l'organisation de nos sociétés à partir de cette donnée fondamentale.
Avec la crise du Covid-19, la question de la santé des populations se repositionne au cœur de la notion de bien public. Comment réhabiliter cette notion auprès des populations et des gouvernants pour renforcer le civisme des uns et le sens des responsabilités des autres dans la perspective de l'éradication définitive de tous les systèmes de corruption mis en place ici et là ?
Le Covid-19 pose, de façon très générale, le problème du rapport que l'humanité entretient avec le vivant. Si, de fait, la Terre est composée de plusieurs espèces, quel type de rapport susceptible de garantir la durabilité de tous faut-il établir entre ces différentes espèces ? Pouvons-nous, par exemple, continuer de détruire les forêts au rythme où cela se fait en ce moment sans, à un moment donné, aboutir à des dérèglements vitaux ? Pouvons-nous continuer de traiter le monde animal et le monde organique comme si ces mondes étaient au service exclusif de l'humanité et n'étaient pas dotés d'une force propre ? Qu'est-ce que cela signifie d'ouvrir les entrailles de la Terre et de forer les fonds des mers pour en extraire des métaux rares dont l'exploitation effrénée exige chaque fois la combustion extensive de carburants fossiles ? Que dire de l'accélération de l'érosion des sols, de l'épandage agricole, de la perturbation du cycle du carbone, du processus d'artificialisation en cours et du dépassement en cours de la capacité de charge des systèmes naturels ?
C'est tout cela, et bien d'autres défis, que pose le Covid-19. Il s'agit de questions planétaires, qui résultent de l'accélération des transformations de la biosphère, et de notre capacité à détruire les conditions du vivant sur la Terre. C'est dans ces termes qu'il nous faut repenser la problématique du soin ou de la santé et reconstruire l'État comme instance de protection de la vie et non comme appareil de capture et de prédation.
Comment pourrait-on bâtir de nouvelles formes de souveraineté en Afrique ?
Au vu de ce que je viens de dire, et du fait que les conditions du vivant ont changé, peut-être faudrait-il plutôt sortir des problématiques de la souveraineté. Pour ce qui nous concerne, la réorganisation des écosystèmes et des sociétés dans un contexte de basculement global impose de renégocier collectivement les frontières entre États africains, dans la perspective d'un partage continental des ressources essentielles. Dans ces conditions, il ne s'agit pas seulement de construire un sentiment de solidarité continentale, mais aussi de disposer au moins d'une capacité minimale d'autonomie.
Sans cette capacité minimale d'autonomie et sans ce progrès vers la mutualisation de nos ressources et capacités, nous ne serons pas en mesure d'encaisser les chocs qui s'annoncent. Nous avons besoin de cette capacité d'autonomie afin de nous réinventer dans un mouvement fondamentalement optimiste et constructif. Il faut donc commencer par réduire la vulnérabilité en généralisant les systèmes coopératifs entre États et en articulant ceux-ci aux systèmes de nos régions écologiques.
MORATOIRE SUR LA DETTE DES PAYS PAUVRES : UN GESTE POSITIF, MAIS TRÈS INSUFFISANT POUR L'AFRIQUE
"La décision du G20 est ridicule, ce n'est pas à la hauteur de la situation. C'est une insulte à l'égard des pays pauvres", estime l'économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé
Un geste positif mais il faudra aller beaucoup plus loin: c'est l'avis largement partagé en Afrique après l'annonce d'un moratoire sur la dette pour aider les pays pauvres à faire face à la pandémie de coronavirus et à son impact dévastateur.
"C'est une bouffée d'oxygène", estime Qutes Hassane Boukar, responsable de l'Analyse budgétaire d'Alernative espace citoyen (AEC), une des plus importantes ONG du Niger, après la décision du G20 mercredi de suspendre pour un an le service de la dette pour les pays les plus pauvres, dont une quarantaine de pays africains.
"Il y a beaucoup de dépenses prévues dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le fait qu'il y ait un moratoire permet à ces Etats de mobiliser les ressources qu'ils auraient pu engager pour rembourser la dette publique", explique M. Bukar.
L'Afrique est encore relativement peu touchée par l'épidémie, selon les bilans officiels, mais l'on craint une flambée de la maladie sur un continent où les systèmes de santé sont notoirement insuffisants, ainsi que des conséquences économiques dévastatrices.
La Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont averti que l'Afrique subsaharienne connaitra en 2020 sa première récession économique généralisée depuis 25 ans.
"Cette suspension de dette va permettre au pays africains de respirer un peu, mais elle ne vaut pas annulation", souligne Djidénou Kpoton, analyste économique béninois.
Le moratoire sur la dette des pays pauvres devrait "libérer 20 milliards de dollars", a précisé mercredi le ministre des Finances saoudien Mohammed al-Jadaan à l'issue du G20.L'endettement total du continent africain est estimé à 365 milliards de dollars, dont environ un tiers dû à la Chine.
Le moratoire "va permettre aux économies africaines de ne pas plonger dans l'immédiat, mais si on ne trouve pas d'autres solutions on va à la catastrophe", juge l'économiste ivoirien Jean Alabro.
- "Une insulte" -
"La plupart de nos économies dépendent de l'extérieur.Les deux tiers des exportations sont des matières premières ou des produits semi-finis.Or la demande internationale va s'effondrer et les prix avec", avertit l'économiste sénégalais Demba Moussa Dembélé, directeur du Forum africain des alternatives.
"La décision du G20 est ridicule, ce n'est pas à la hauteur de la situation.C'est une insulte à l'égard des pays pauvres", affirme-t-il.
Plutôt qu'un simple sursis pour les remboursements, économistes et acteurs de la société civile réclament une annulation complète des dettes.
En effet le moratoire "ne permet ni d’enclencher un cercle vertueux ni de donner un coup d’arrêt au processus d’endettement chronique des pays africains", explique Christian Abouta, évaluateur des politiques publiques au Bénin.
Pour l'économiste congolais Noël Magloire Ndoba, "c'est une manœuvre cosmétique (...) le vrai problème est celui de la dette en tant que telle, il faut l'annuler purement et simplement".
Annuler, oui, mais "sous réserve de réformes majeures.Car tant que nous avons des dirigeants qui confondent leur poche et la poche du pays, peu importe le nombre de moratoires ou d'annulations de dette, ça ne changera rien", fulmine l'opposant tchadien Masra Succès, président du Parti Les Transformateurs.
Au delà des questions de la dette et de la mauvaise gouvernance, qui sont cruciales, il faut aussi réformer en profondeur les économies africaines pour qu'elles soient moins dépendantes des marchés mondiaux et plus résilientes face aux crises, analyse Jean Alabro.
"Aujourd'hui les ministres des Finances africains sont considérés comme bons quand ils arrivent à emprunter de l'argent.Il faut qu'ils s'intéressent davantage à favoriser les entreprises locales plutôt que les multinationales, pour promouvoir la production locale et pour créer des emplois.Les dirigeants africains doivent bâtir des économies tournées vers l'intérêt des populations", conclut-il.
«C’EST NATUREL QUE LES PAYS PAUVRES DEMANDENT UN DIFFÉRÉ DE PAIEMENT DE LEURS DETTES»
Meissa Babou, trouve tout à fait normal que les pays pauvres demandent aux institutions financières de lever leurs dettes pour mieux faire face à la pandémie.
Hier, le G20 s’est mis d’accord sur un moratoire concernant la dette des pays africains. En effet, les pays les plus pauvres de la planète avaient sollicité une annulation du service extérieur de la dette pour atténuer l’impact de la pandémie du Coronavirus sur leurs économies. Interrogé sur le moratoire accordé aux pays pauvres, notamment africains, l’enseignant à l’université Cheikh anta Diop de Dakar, Meissa Babou, trouve tout à fait normal que les pays pauvres demandent aux institutions financières de lever leurs dettes pour mieux faire face à la pandémie.
Les pays du g20 semblent avoir entendu le président Macky Sall en accordant un moratoire aux pays les plus pauvres sur la dette pour lutter contre le Covid-19. Comment analysez-vous cela ?
Ce sont des mécanismes naturels qui se sont déclenchés. Et la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (Fmi) ont mis en place des mécanismes en cas de catastrophes sanitaires, guerres, tremblements de terre etc… pour soutenir les pays. Et cela n’a rien à voir avec les appels de Macky Sall, de Macron et du Pape. On a déclenché ce mécanisme au niveau mondial. Maintenant, concernant ces pays dits pauvres qui sont très impactés par la pandémie, je crois comprendre que quand on est un dépendant du pétrole comme le Nigeria, et que le baril est trop bas, ou qu’on dépend de la fiscalité comme le Sénégal alors que les activités ne marchent plus, c’est normal pour ces pays qui n’ont plus de ressources pour faire face à des engagements de bénéficier de l’apport de la banque pour un différé de paiement. Pour les institutions financières internationales et les grandes banques, c’est plus facile de demander un report d’échéances que dans le marché financier. C’est ce qui s’est passé et les pays les plus vulnérables ont été cités. En Afrique, c’est 40 sur 53 pays. Il ne faut pas oublier que tous ces pays sont actionnaires. Alors, quand des membres ont des problèmes, il faut faire le minimum en aidant ceux qui sont très touchés. D’ailleurs, le Sénégal ne fait pas partie de ces pays. Et le troisième axe était de décaisser très rapidement des Droits de Tirages Spéciaux (DTS) dans les 48 heures pour tout le monde. Ce sont trois mécanismes qui sont lancés par les organisations internationales pour venir en aide aux économies très affectées.
On a constaté aussi qu’après chaque annulation, ces pays pauvres, surtout africains, s’endettaient de nouveau jusqu’à attendre un taux très élevé. N’urge-t-il pas aujourd’hui de changer de démarche?
Il faut savoir s’endetter. Et on s’endette pour faire quoi aussi ? Nous payons le prix d’un endettement de 65%. On n’a pas de pétrole encore moins de l’or. Il faut faire la différence et éviter les comparaisons parce que notre pays n’a pas les moyens résilients. Nous n’avons que des impôts. Il faut un ordre prioritaire de développement. Il faut que ce qu’on fait soit réellement une demande sociale. C’est ça le problème. Aujourd’hui, est-ce que le TER est une demande sociale ? Je ne crois pas. Est-ce que le BRT est une demande sociale ? Je ne crois non plus. Nous avons besoin d’eau ; pas encore d’électricité. Ce pays manque de tout en termes d’alimentation. Nous n’avons pas atteint l’autosuffisance en riz. On n’est même pas dans les 90%. Nous n’avons même pas suffisamment d’universités et beaucoup d’étudiants ont été orientés bêtement. Nous n’avons pas d’hôpitaux. Quels sont les ordres de priorité ? Et je pense que c’est là où les politiques sont en train de pécher. C’est là où nous avons des problèmes
Comment expliquer le fait que les pays pauvres s’endettent en monnaie étrangère comme le dollar par exemple ?
Il y a d’abord le fait que toutes les institutions internationales travaillent en dollar. Tout le commerce international se fait en dollar. Idem pour le pétrole et tout cela. D’ailleurs, la Russie a commencé à changer de cap, parce que le dollar devient plus difficile pour tout le monde. Aujourd’hui, le dollar n’est plus une valeur sûre, parce qu’il valse trop comme toutes les monnaies. C’est pour cela que les gens sont en train de changer de paradigme pour essayer de trouver un autre langage, c’est-à-dire une autre monnaie capable d’être utilisée dans le business mondial.
Donald Trump a décidé de suspendre la contribution des Etats-unis à l’oMS. quel va être l’impact de cette suspension sur le fonctionnement de l’organisation
C’est une décision très grave. Parce que l’OMS est une organisation qui lutte pour la santé communautaire dans tout le monde et un alerteur aussi avec des spécialistes dans tous les domaines. Trump dit que si le virus du Covid-19 est arrivé aux Etats-Unis, c’est parce que l’OMS n’a rien fait. Mais qu’estce que l’OMS peut faire contre un virus qu’on a envoyé dans l’air comme ça. Je pense que Trump est un fou heureux. Il est loin d’être un exemple. En conséquence, tout le monde va pâtir de ses boulimies. Parce que d’abord, c’est la Chine, après, c’est l’Europe, ensuite l’Afrique. Trump ne suit aucune logique politique et même géopolitique. Nous sommes dans une mondialisation, il faut aussi qu’il accepte les principes. D’ailleurs, il est habitué de ces genres de décisions comme il l’avait fait avec l’environnement
Quelles peuvent être les conséquences de l’aprèsCovid-19 sur l’économie sénégalaise ?
Les conséquences sont énormes économiquement et financièrement. Parce que les Etats sont en train de se surcharger avec des dettes. Financièrement, les Etats ont perdu beaucoup d’argent avec la perte des fiscalités et même en termes de ressources intérieures parce que les matières premières ne valent plus rien. Donc, tous les Etats ont en fait des problèmes de finances. Il y a un fonds de roulement que les gens ont déjà épuisé en deux mois et trois mois parce que les bénéfices ne sont pas aussi importants. Beaucoup d’entreprises comme celles qui évoluent dans le tourisme ne peuvent pas supporter de payer des salaires alors que les gens ne travaillent pas. Le transport, c’est pareil. J’ai vu en France et en Italie deux entreprises qui risquent d’être nationalisées pour sauver au moins les gens. Comme nous sommes en cours de pandémie, c’est difficile de mesurer l’impact réel. Il faut vraiment une étude très approfondie et très élargie concernant tous les secteurs d’activités. Mais on peut au moins comprendre que cela va coûter des points de croissance peut-être à trois ou quatre points. Nous serons peut-être en récession. Mais cela peut nous ramener à des taux de 2% et ailleurs, ce serait des récessions pures et simples. Globalement, ce sera un tableau noir qu’il est difficile actuellement d’évaluer.
par Bachir Diop
IMPACT ECONOMIQUE, PLAN DE RESILIENCE : QUE FAUT-IL SAVOIR ?
Le pire est que tout est bâtis sur des hypothèses d’une fin de crise dont on ne connait quasiment pas l’issue
La situation est de plus en plus claire maintenant, l’Afrique ira vers la récession de son PIB. Une récession arrive quand la valeur de la richesse produite dans l’année courante est inférieure à celui de l’année passée.
Les pays africains vont perdre de 3 à 5 points en moyenne de croissance en 2020, selon les dernières prévisions des organisations spécialisées (FMI, Banque Mondiale, BAD, Agences de notation).
Ceux qui avaient les meilleurs taux de croissance du continent (entre 5 et 6%) combinés à une certaine stabilité des structures de production échapperont peut-être à cette récession globale. Il s’agit probablement de l’Ethiopie, du Kenya, de l’Ouganda, du Mozambique, du Rwanda, des pays de la CEDEAO à l’exception du Nigéria, du Liberia, de la Guinée Bissau et dans une moindre mesure du Mali. Pour le Sénégal, les dernières estimations prévoient une décroissance jusqu’à moins de 3%.
Le problème majeur qui se situe dans toutes ces prévisions actuelles demeure l’impossibilité de savoir la fin exacte de la crise, malgré les énormes mesures de contingence sanitaire, sociale et économique prises partout dans le monde. Toutes les prévisions supposent une reprise timide de l’activité économique à partir de juillet 2020 et normale à partir de Septembre 2020.
A défaut, un prolongement de la pandémie au-delà de ces prévisions serait juste une catastrophe à tous points de vue pour nos économies.
Qu’entraîne une récession :
L’économie est une chaîne liée et connectée, les entreprises produisent, gagnent de l’argent, donnent une partie aux travailleurs, et partagent le reste entre elles et l’Etat. L’ensemble des trois entités utilisent cette richesse créée en le consommant ou en l’épargnant.
Quand les entités (Etat, travailleurs, entreprises) consomment, le cycle de production reprend de nouveau, les entités investissent leur épargne dans des facteurs de productions (matières premières, services, emplois, recherche et développement), créent de la richesse qui croit avec l’augmentation de la demande due en partie aux « nouveaux venus » dans le marché (naissances, progrès, progression, comportements).
L’Etat, sur ce qu’il gagne dans ce processus permet de soigner tout le monde y compris lui-même, de garder la paix, de favoriser les conditions accrues et stables de création de richesse (formation, régulation, infrastructures et au secours quand tout va mal). (Etat gendarme-Etat providence).
Si une récession surgit, elle entraîne une réduction de la taille du gâteau, les travailleurs reçoivent moins (Licenciement, chômage partiel), L’Etat aussi (moins de dépenses pour soigner, éduquer, garder la paix…), itou pour l’Entreprise (pas d’épargne, pas d’investissement, pas d’achat de services, ni de matières premières et…de nouveau recrutement).
En gros, une récession entraînera une augmentation du taux de chômage, une baisse de la consommation, des dépenses publiques et tout ce qui s’en suit en conséquence sociale.
Quand ces cas arrivent les Etats ont dans leur rôle de maintenir la meilleure situation possible (sauvegarde de l’emploi, de la consommation et des capacités d’investissement des entreprises) tout en se maintenant en vie, étant lui-même un agent de l’entité et garant du bon fonctionnement de tout l’écosystème, c’est ce qui entraîne les plans d’assistance ou plans de soutien.
Pour survivre actuellement, l’Etat du Sénégal a prévu d’injecter 1000 milliards permettant de faire face, son « bras de financement de l’Economie », la Banque centrale a accru les ressources monétaires (pour les 8 pays quand même) de 340 milliards par semaine pour un total de 4750 milliards, assouplit certaines règles de financement, de faire reporter des échéances en cours, etc. (Sic).
Le perfusion de l’Etat devrait permettre de faire face aux lourdes dépenses sanitaires contre la maladie (69 Mds), à maintenir la consommation des ménages quasi-intacte (survie, aides sociales) pour 100 milliards, de vacciner les entreprises à 657 Mds et de se soigner lui-même (couvertures des pertes de recettes) à 178 Mds.
Cette intervention, adossée à des conditions, permettra à la structure de production de ne pas totalement flancher, à défaut, on se remettrait des années à le relever.
Seulement, toutes ces mesures n’empêcheront pas une baisse de la croissance, parce que les entreprises sont connectées au niveau mondial, ils ont besoins du cultivateur ukrainien qui leur fournissent du blé, confiné chez lui, du riziculteur indiens, confinés chez lui également, de l’ouvrier des champs pétroliers d’Aramco Arabie saoudite, également confiné chez lui, et de la main d’œuvre du sénégalais lambda à qui on de demande de « rester aussi chez lui sagement ».
Mais elles permettront (ces mesures) de ne pas amener samba Khoule au chômage, lui donnera sa part, même réduite, du Gâteau qui n’est pas ou peu produit, et favorisera à Samba de continuer à acheter…entraînant la continuité du cycle de production. Aucune chaine ne doit se casser entre la production et la consommation, c’est la règle principale de résilience d’une économie.
Enfin, pour financer ces 1000 milliards, l’Etat n’avait besoin que de chercher 783 Mds en liquide, le reste étant des renonciations de recettes effectives (remises de dettes fiscales, exonération, suspension TVA).
Il a bénéficié d’un apport externe de ses bailleurs de fonds principaux à hauteur de 586 Mds (74% des besoins) [Fonds monétaire international (264 milliards), la Banque mondiale (138 milliards), la Banque ouest africaine de développement (26 milliards 749 millions), la Banque islamique de développement (98 milliards), la Banque africaine de développement (60 milliards).]
Les Sénégalais eux-mêmes (individus et entreprises compris) ont apporté 15 Mds dans l’escarcelle (en moyenne 800 FCFA par personnes).
Pour le reste des coupes et réduction budgétaires le comblera, il s’agit pour ces coupes et sans suspenses les frais de voyages en première ligne et des dépenses courantes principalement. On touche en dernier ressort les investissements et les salaires.
Ces mesures, bonnes ou mauvaises, acceptables ou faibles, sont adossées déjà à d’énormes contraintes, dont la principale est la perte de recette de l’Etat, et des critères macroéconomiques à surveiller (niveau de la dette, pression fiscale limitée, déficit budgétaire) tout un casse-tête et…Le pire est que tout est bâtis sur des hypothèses d’une fin de crise dont on ne connait quasiment pas l’issue.
NB : Quelque chiffre pour se faire une idée des …chiffres de notre économie.
Le Sénégal c’est en moyenne (référence 2019) :
- 1177 milliards CFA de richesses produits par mois, 38 Mds par jour, 1.6 Mds/heures
- 9 millions de personnes en âge de travailler et 7,7 millions environs qui ont une occupation rémunératrice. Un taux de chômage officiel de 15%. Environ 4 personnes sur 10 ont un emploi salarié.
- Chaque personne active au Sénégal apporte en moyenne 152.000 F de richesse à l’économie, en comparaison, la moyenne mondiale est d’une personne contribuant 1,859 millions de FCFA à l’économie (sources BM) soit un taux de productivités de 8% par rapport à la capacité moyenne mondiale. (92% d’oisiveté économique).
- L’Etat a gagné en 2019 en moyenne par mois 213 Milliards de recette, a dépensé 332 milliards et a consommé 119 milliards d’emprunt. 62 des 332 milliards dépensés par l’Etats ont été en salaire pour environs 143 milles fonctionnaires et Cie.
- Ces chiffres rapportaient à un niveau plus bas permet de comprendre notre immense retard : L’Etat paie en moyenne 433.000 FCFA à ses supports pour permettre au Sénégal de produire 152.000 de richesse par travailleur. En comparaison avec la France, leur Etat paye en moyenne 1,464 millions de FCFA à ses supports pour garantir une production de richesse de 5 millions par travailleur. Cela ne signifie nullement qu’on ait un trop plein de fonctionnaires, nous en avons que 8 pour 1000 habitants, là où les pays développés ou émergeant pointent à plus de 50 pour 1000 et des pics de 150 pour les pays scandinaves.
Bachir Diop est Diplômé d’Analyse et Politiques économiques
FASEG/UCAD 2006
Par Calame
INDIGNITÉS
Comment comprendre qu’un seul individu, dont la réputation ne s’est pas faite sur l’approvisionnement en riz de notre pays, puisse capter les deux-tiers du marché de fourniture de cette denrée, en procédure d’urgence ?
Ce que bon nombre de Sénégalais et d’observateurs craignaient, pire que le coronavirus, est en train de se dérouler sous nos yeux ébahis et nos oreilles abasourdies. Non, jamais au grand jamais, on aurait imaginé qu’ils oseraient, sitôt, si vite, sur une telle échelle, avec un tel cran qu’on ne retrouve d’habitude que chez les parrains et les dictatures sangsues.
La manœuvre est à la fois ignominieuse et grossière, cousue de fil blanc. Mais plus c'est gros, mieux ça passe, l'occasion faisant le larron n'est-ce pas ? Ainsi, la belle affaire pour profiter de la détresse des populations pour les détrousser, mettre l'économie en coupe réglée pour être l'unique pourvoyeur et bénéficiaire des ressources capturées sous couvert d'urgences sanitaires et sociales, après avoir mis en quarantaine les libertés, les critiques sous le boisseau, la conscience en berne, voilà que l'imaginé inimaginable surgit des tréfonds de l'âme de prédateurs compulsifs. La galaxie des gens d’affaires spécialisés dans l’importation de denrées alimentaires, principalement le riz, remballant craintes et suspicions légitimées par un vécu défavorable et culpabilisant, est systématiquement mise à l’écart.
Pourtant ces véritables opérateurs privés nationaux, ont démontré non seulement leurs capacités financières et d’approvisionnement, mais aussi leurs savoir-faire et leur patriotisme. Des affairistes associés, casting bureaucratique et compradore, frappent le «grand corps malade» de notre société, avec une froide et incroyable cruauté.
Comment comprendre qu’un seul individu, dont la réputation ne s’est pas faite sur l’approvisionnement en riz de notre pays, puisse capter les deux-tiers du marché de fourniture de cette denrée, en procédure d’urgence avec toutes les facilités et exonérations accordées en la circonstance ? La proximité avec l’Autorité, justifierait-elle ces faveurs?
Les fonctionnaires en charge de ce dossier, comme de celui du transport de ces denrées à l’intérieur du pays doivent des explications aux Sénégalais et à tous ceux qui, nationaux comme étrangers, ceux parmi eux qui manifestent une solidarité bienveillante, faite d’empathie et de compassion, les partenaires institutionnels, bilatéraux et multilatéraux.
Les ministres concernés et ou/impliqués doivent édifier l’opinion, le chef de l’Etat illustrer la transparence opérationnelle et, le cas échéant, faire jouer la compétence juridictionnelle pour débusquer et traiter les actes de prévarication et de concussion. Les corps de contrôle dont l’Ofnac, la Cour des Comptes, l’IGE et bien entendu une commission de veille citoyenne multipartisane, pluridisciplinaire devraient accompagner le processus, avec des rapports d’étapes au chef de l’Etat, communiqués au public au fur et à mesure.
Le Gouvernement le fait quotidiennement pour rendre compte de l’évolution de la situation de la pandémie, un contrôle ex-post ne fera que constater les dégâts alors que le mal est déjà fait, l’impunité faisant le reste. Qui peut le plus, peut le moins! Ces vérifications devraient également concerner la distribution et la répartition des vivres de soutien et de soudure -l’hivernage approche - des crédits de campagne, des semences et des engrais, afin de s’assurer que ce qui est prévu et annoncé est conforme à ce que reçoivent les ayants-droits et destinataires légitimes.
Autrement, on risque de sentir le ciel nous tomber sur la tête avec ce qui s’annonce comme pouvant déboucher, si on n’y remédie pas, tout de suite, sur le scandale du siècle, compte non tenu des éléments de controverse dans le secteur des hydrocarbures.
Au-delà des légitimes suspicions, le discrédit de la classe politique sénégalaise (et africaine) risque de porter un coup fatal à nos démocratures tropicales, quand toutes les digues institutionnelles, notamment les partis politiques et les organisations de la société civile, auront cédé. La sarabande des professionnels et autres intermittents du spectre politique de notre pays, tenaillés entre connivence et collusion, dialogue ou petits arrangements entre soi, est sujette à caution -et à questions.
Le silence assourdissant de certains ténors qui nous avaient habitués à donner de la voix sur tous les sujets majeurs ou mineurs, ne laisse d’interpeller quant à une complicité tacite ou active lourdes de menaces sur le cours politique.
Plus que le coronavirus qui sera sinon vaincu, du moins confiné en attendant que les multinationales pharmaceutiques et les oligarchies financières lui fassent -et nous fassent-un sort, nos sociétés déstructurées, précarisées, vulnérables et friables sont plus que jamais exposées au danger d’un grand remplacement à l’envers. Le monde d’après coronavirus ne sera plus le même. Certains sont en train de redessiner la carte du monde, un nouveau Yalta dans un contexte post mondialisation. Alors, penser qu’il est possible de tirer son épingle du jeu en faisant du «business as usual», en éliminant les garde-fous et les facteurs de contrôle social, c’est comme qui dirait, se fourrer le doigt dans l’œil, jusqu’au coude !
Calame
L’IMPORTATEUR MOUSTAPHA TALL S’ÉTONNE DE LA DÉMARCHE D'ACQUISITION DE RIZ PAR L'ÉTAT
«Personnellement, j’ai été informé de cette affaire la veille, voire le jour par une connaissance. Et de manière claire, je lui ai marqué mon désaccord, au motif que les choses ne devraient pas se passer ainsi»
L’importateur de riz, Moustapha Tall n’agrée pas la démarche du ministère du développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale relative à l’acquisition de riz pour l’assistance aux ménages vulnérables dans le cadre de la lutte contre le covid-19.
A ce propos, il dit ceci: «Personnellement, j’ai été informé de cette affaire la veille, voire le jour par une connaissance. Et de manière claire, je lui ai marqué mon désaccord, au motif que les choses ne devraient pas se passer ainsi», a-t-il fait savoir d’avance. Et d’ajouter : «Pour ce qui est du commissariat à la sécurité alimentaire, un appel d’offres a été lancé à travers un journal de la place, parlant de 5000 tonnes. De cette manifestation à compétition, il n’y avait rien en termes de conditionnalités ou d’exigences à remplir. Ce que naturellement, j’ai décliné au risque d’être comptable à l’illégalité».
Outré contre les «manœuvres» dans cette affaire, il confie: «à la suite de l’appel d’offres du commissariat à la sécurité alimentaire, j’ai pu constater le lendemain que certains avaient été octroyés pour 5000, 10 000 tonnes. Et pour le gros lot de 100.000 tonnes, j’ai vu à travers les réseaux sociaux notamment le samedi même jour du lancement des livraisons au Port avec quelques 4 à 5 sociétés sur la liste. Et j’avoue que, de toutes ces sociétés, je n’en connais qu’une seule dans le secteur».
L’importateur de riz de s’en désoler en ces termes : «concrètement, j’estime que les choses pouvaient se faire au mieux des cas. Les gens ont commencé à crier au scandale à partir du moment où ils n’ont pas vu de noms, de numéros de téléphones des retenus». Selon M. Tall: «Le secteur est assez complexe pour le confier à des novices. La quasi-totalité de ceux qui ont été retenu semble-t-il sont des libano-syriens qui évoluent dans la restauration et autres. Aujourd’hui, le secteur est désorganisé au point que tout le monde peut s’y investir. Et j’en profite pour réitérer mon appel à la réorganisation du secteur», a-t-il lancé.
«MEME LES COLONS N’AGIRAIENT PAS AINSI»
Interpelé également par nos confrères de senefil.com, le commerçant, n’a cache plus amertume. D’autant plus que, affirme-t-il, la seule société qu’il connait bien parmi celles qui ont gagné le marché est le comptoir commercial Mandiaye Ndiaye. Les autres, il affirme qu’il n’en a jamais entendu parler. Pire, il dit être surpris par le fait qu’une société unipersonnelle (AVANTI SUARL) ait gagné un marché qui se chiffre à plusieurs milliards. L’autre remarque est liée à l’adresse donnée par les bénéficiaires. «C’est presque la même adresse. Et il y a une société unipersonnelle. Il n’y a même pas de téléphone fixe. Il y a juste des téléphones portables. Comment une société unipersonnelle peut importer.» Mais ce qui irrite le plus l’homme d’affaires c’est le manque de patriotisme économique de nos dirigeants. «On combat les entreprises locales. Même les colons n’agiraient pas de la sorte. Ils s’entre-aident». Moustapha Tall tient cependant à féliciter Moustapha Ndiaye du comptoir commercial Mandiaye Ndiaye. Il pense que ce dernier mérite bien de gagner ce type de marché contrairement à d’autres. A noter que M. Ndiaye aura décroché le jackpot avec 100.000 tonnes.