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4 mai 2025
Economie
texte collectif
CORONAVIRUS : QUELLES MESURES À METTRE EN OEUVRE AU SEIN DE NOS ENTREPRISES ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Il nous faut rester dans un état d’esprit de « guerrier » positif, conserver sa motivation, profiter de ce temps si précieux pour faire face à la situation et anticiper la sortie de crise sanitaire et économique pour nos entreprises
Forts d’un engagement citoyen et motivés par une forte inquiétude liée à la crise sanitaire et économique qui s’abat au niveau mondial, notre collectif d’entrepreneurs a souhaité jouer sa partition dans la guerre qui s’est engagée au Sénégal contre #Covid19 et ses effets dévastateurs. Notre collectif s’est formé de manière spontanée afin de réfléchir et de proposer ses contributions aux mesures à mettre en œuvre pour amortir le choc économique de la crise actuelle pour les TPEs et PMEs sénégalaises.
Chers Entrepreneur (e) s,
En ces temps de crise, il semble inimaginable d’envisager l’Avenir avec sérénité. Et pourtant, en tant que chefs d’entreprises, nous nous devons de rester forts et focus sur nos objectifs et nos plans de développement. Certes, nos plans sont contrariés pour cette année. Il n’empêche que nous serons appelés à continuer à nous réinventer, à trouver des solutions et à faire croître nos entreprises.
Il nous faut rester dans un état d’esprit de « Guerrier » positif, conserver sa motivation, profiter de ce temps si précieux pour faire face à la situation et anticiper la sortie de crise sanitaire et économique pour nos entreprises.
En tant qu’acteurs de l’économie sénégalaise, nous apportons aux entreprises tout notre soutien moral et nous appelons tout un chacun à contribuer à l’élan de solidarité nationale ayant pris forme depuis le début de la crise au Sénégal.
Pour jouer notre part, nous proposons les mesures pratiques suivantes :
Recommandations aux chefs d’entreprises
Mesures non financières
1. Rassurer l’Humain : En tant que dirigeants d’entreprises et donc leaders au sein de vos structures, des décisions avisées sont attendues de votre part. Vous vous devez de communiquer avec vos équipes et de les rassurer quant à la situation actuelle. Soyez transparents et communiquez sur les mesures que vous mettez en œuvre afin de préserver leur santé et celle de l’entreprise. Si vous entrevoyez des difficultés à venir du fait de l’évolution de la crise, parlez leur franchement afin de les motiver et de renforcer leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Rassurez vos équipes et parlez leur régulièrement pour leur permettre de garder le moral en ces temps de grosses inquiétudes ;
2. Mettre en place les mesures barrières à la propagation du virus :
a. Équipez vos employés avec des gels hydro alcoolisés et des masques ;
b. Mettez en place des points d’eau avec savon à l’entrée de l’entreprise afin que chaque personne qui arrive se lave les mains avant d’accéder à vos locaux ;
c. Si vous le pouvez, équipez-vous de thermo flashs pour prendre la température de chaque personne arrivant à l’entrée de vos locaux ;
d. Faites nettoyer et désinfecter les locaux régulièrement, notamment les poignées de portes ;
3. Activer le plan de continuité d’activités de l’entreprise : La priorité immédiate est que les entreprises élaborent ou mettent à jour des plans de continuité opérationnelle et puissent les mettre en œuvre. Ce plan correspond aux mesures alternatives définies par l’entreprise pour continuer à fonctionner malgré des problèmes d’accès au site principal de production de l’entreprise. Ces mesures doivent permettre aux différentes fonctions de l’entreprise de poursuivre leurs activités en cas de circonstances exceptionnelles comme celles que nous vivons actuellement et de faire face au risque de non continuité de l’exploitation :
a.Mettre en place un comité ou une équipe de gestion de crise ainsi que le processus de décision pouvant l’accompagner ;
b.Activer un groupe de contacts avec les coordonnées de tous les employés de l’entreprise et identifier leurs lieux de résidence si cela n’a pas été fait auparavant ;
c.Permettre la continuité de l’activité grâce aux actions suivantes :
i. Identifier les différents membres du personnel impliqués dans votre production et arbitrer sur le besoin de présence sur site ou non des uns et des autres ;
ii. Mettre en place un dispositif de télétravail pour le personnel dont les tâches peuvent être réalisées à distance ;
iii. Réduire les déplacements au strict minimum nécessaire pour faire fonctionner l’entreprise et ses sites de productions grâce à l’utilisation des technologies de communication (téléphone, mail, plateforme de partage de données et de visioconférences, réunion virtuelle)
iv. Réduire éventuellement les sites de production actifs en fonction des prévisions de ventes résiduelles en cette période de crise ;
v. Appliquer des mécanismes de rotations des unités de production pour maintenir le fonctionnement minimal de l’entreprise et pallier à la réduction éventuelle des heures de travail. 4.
Sensibiliser ses équipes : nous avons tous une responsabilité envers chacun d’entre nous et chacun à son niveau doit s’assurer que l’autre comprend les enjeux du moment et applique les gestes recommandés pour barrer la route à la propagation du virus. Donc sensibilisez, parlez régulièrement à vos équipes, notamment grâce à tous les moyens de communication en ligne dont vous disposez. Conscientisez au maximum autour de vous ;
5. Encourager, aider et féliciter ses équipes : en cette période plus qu’avant, vos équipes ont besoin de sentir que vous êtes sereins et que vous êtes là pour les épauler :
a. Multipliez donc les échanges en ligne avec elle, donnez-leur des informations, échangez avec elles et motivez les encore plus qu’en temps normal ;
b. Montrez leur que vous vous souciez vraiment d’elles et de leur bien-être ;
c. Si vous en avez la possibilité, permettez leur de disposer de leurs salaires en avance pour régler leurs besoins ;
d. Soyez attentifs aux employés les moins nantis afin de les aider au mieux ; e. Félicitez les pour les efforts réalisés, surtout s’ils font de belles performances en ces temps difficiles ;
6. Remettre en cause ses stratégies prédéfinies et réinventer son modèle économique : profitez de ces heures de confinement pour repenser votre modèle économique :
a. Echangez avec vos pairs entrepreneurs pour identifier de nouvelles idées ;
b. Discutez avec vos clients pour mieux comprendre leurs besoins et affiner vos services envers eux après la crise ;
c. Envisagez déjà vos premiers investissements d’après-crise : il faut se préparer à l’Après #Covid19 car il arrivera inévitablement.
d. Soyez créatifs et identifiez des opportunités d’activités pendant et après la crise ;
7. Vendre et profiter de toute opportunité qui se présente pour vendre : Il ne faut en aucune façon avoir honte de faire du chiffre d’affaires dans cette période de crise. Pour chaque entrepreneur qui peut arriver à vendre ses produits ou services, qu’il en use et en abuse car en vendant, il assure des revenus à son personnel et à ses fournisseurs, ce qui permet de continuer à faire tourner la machine économique même si elle est au ralenti, ce qui est critique pour assurer la relance économique à un moment ou à un autre. Il faut certes être solidaire avec ceux qui sont les plus touchés et leur apporter de l’aide mais il faut également continuer à faire tourner son activité si possible ;
Mesures financières
8. Préserver sa trésorerie en temps de crise : en période de crise, le chiffre d’affaires de l’entreprise baisse forcément de manière drastique entraînant une baisse des ressources financières de celle-ci. Nous recommandons aux chefs d’entreprise d’anticiper cette perte de revenus et, par conséquent, de réduire leurs dépenses, en se limitant aux dépenses prioritaires et essentielles relatives à leur fonctionnement, notamment les salaires, les loyers, les outils de communication permettant de travailler à distance et les dépenses de base leur permettant de produire.
Nous recommandons aussi de poursuivre, par des moyens appropriés, la production et la fourniture de biens et de services à sa clientèle si possible ;
9. Revoir toutes ses prévisions de trésorerie avec différents scenarii : Il est primordial pour chaque chef d’entreprise de procéder à des simulations sur la gestion de sa trésorerie disponible afin de voir comment tenir sur du court, moyen ou long terme en fonction des scenarii possible : crise courte sur 1 mois et demi, crise longue sur 3 mois, crise sur plus de 3 mois.
Il faudra également anticiper la reprise de l’activité et envisager d’avoir l’organisation requise pour y faire face le moment venu.
Des outils peuvent être mis à disposition pour accompagner les entreprises en ce sens. En tant qu’experts de l’entreprise, un accompagnement approprié peut être apporté à chaque chef d’entreprise afin de se projeter au mieux financièrement d’ici la fin de l’année 2020 ;
10. Renégocier les échéances bancaires et les lignes de découverts sur une période de 3 à 6 mois afin de soulager votre trésorerie et de programmer au mieux le paiement de ces échéances sur la fin de l’année 2020. Chaque entrepreneur devra se rapprocher au plus tôt de sa banque, après avoir fait ses simulations, afin de demander l’accompagnement requis pour maintenir son entreprise en activités d’ici le reste de l’année 2020 ;
11. Solliciter les banques pour obtenir un prêt avec des échéances prédéfinies et un différé de paiement permettant de soutenir le besoin en fonds de roulement de l’entreprise tout en vérifiant la viabilité économique de la souscription audit prêt ;
12. Demander si possible toute subvention ou prêt auquel vous pourriez avoir droit du fait des mesures gouvernementales mises en place et qui pourrait vous permettre de soulager votre trésorerie mais aussi de garder de l’argent pour envisager la reprise d’activités ;
13. Demander des reports des échéances fiscales et sociales, notamment celles du 30 Avril et du 15 Juin 2020, auprès des autorités concernées jusqu’après la phase de reprise d’activités éventuellement au mois d’Octobre ou de Novembre 2020 ;
14.Régler si possible les dettes dues aux fournisseurs afin de continuer de faire tourner l’économie un tant soit peu en s’assurant de vos possibilités financières sur une période de 6 mois ;
15.Garantir au maximum le maintien des salaires de vos employés même à temps partiel afin de leur permettre d’avoir des revenus et de se mettre à l’abri de tout besoin en ces temps de crise : chômage partiel, réduction du temps de travail, télétravail…. Tâchez de préserver les emplois !
Cette liste non exhaustive de mesures permet non seulement de maintenir les activités de l’entreprise et les emplois, mais constituent également des actions fortes de résistance collective à la crise économique. Nous nous tenons aux côtés des entrepreneurs pour faire face et avancer ensemble vers une reprise économique inéluctable à laquelle il faudra arriver pour redynamiser l’économie et dissiper les effets néfastes de cette crise.
Ensemble, nous vaincrons le Covid#19 !
Ndèye Marième Fall, G&G Professional Services, Présidente Réseau Entreprendre Dakar
Salif Kande, IML Consulting
Ibrahima Diagne, Gainde 2000
Ndongo Camara, NKAC Audit & Conseil
Papa Landing Mane, LQT Consulting
Mamadou Fofana, DINAFOF Biz
"LA FRANCE NE PEUT PAS REFUSER À LA ZONE CFA DES PRATIQUES MONÉTAIRES QU'ELLE MET EN OEUVRE DEPUIS 2005"
Les mesures financières de relance budgétaire et économique initiées par les Etats Unis, l’Europe et, entre autres, le Japon et la Chine, nous replongent dans une chronique publiée sur Financial Afrik en 2017 par Abdou Cissé, expert en Finance
Alors que la BCE et la FED monétisent les dettes de leurs Etats, l’annulation des dettes d’Etats africains est une demande légitime. Les mesures financières de relance budgétaire et économique initiées par les Etats Unis, l’Europe et, entre autres, le Japon et la Chine, nous replongent dans une chronique publiée sur Financial Afrik en décembre 2017 sous la signature de Abdou Cissé, expert en Finance et Actuariat (Lire ici ).
En gros, l’expert sénégalais écrivait : «les pessimistes n’auront aucune raison de crier au gonflement du bilan de nos banques centrales, car nous y avons droit à l’image des pratiques de toutes les grandes banques centrales du monde depuis la crise de 2008 ; aucune raison de crier à une planche à billets déguisée car c’est exactement par ce mécanisme que la Banque Centrale Européenne (BCE) a mis sous perfusion monétaire un pays comme la France depuis mars 2015 ; aucune raison d’avoir peur de l’inflation qui est une réaction normale d’une économie».
Aux antipodes des prescriptions du FMI et de la Banque Mondiale, Abdou Cissé mettait en garde les États africains: «il faut éviter l’endettement des Etats sur les marchés, éviter le financement par des organismes internationaux, et ne pas compter uniquement sur la collecte d’impôts, pour plusieurs raisons comme le niveau d’endettement actuel de nos États et compte tenu de leurs capacités de remboursement ». L’expert sénégalais préconisait ainsi en 2017 une solution, les CFA obligations, largement étayée dans sa chronique. Dans ce nouvel entretien, réalisé dans le contexte de la pandémie mondiale du conronavirus (Covid-19), Abdou Cissé donne son avis sur la situation financière internationale et la demande d’annulation de la dette des africains.
Toutes les puissances du G7 injectent de la liquidité pour soutenir leur économie. Le président Macky Sall et les chefs d’Etats de la CEMAC appellent à l’annulation pure et simple de la dette des pays africains. Les Institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) proposent plutôt de suspendre avec effet immédiat, le remboursement des dettes des pays en développement et accordent des financements pour les urgences sur demande des pays intéressés. L’idée étant de répondre aux besoins immédiats de liquidités pour faire face aux défis engendrés par la pandémie du Covid-19, en attente d’évaluer l’impact de la crise et les besoins de financement de chaque pays.Que pensez-vous de ces différentes approches ?
La priorité est d’abord de sauver des vies ; le choc sera-t-il temporaire ou durable ? La bataille sanitaire sera décisive et nous prions pour que l’humanité soit très vite épargnée de cette pandémie. Ensuite, je voudrais saluer les efforts de Financial Afrik pour le retour sur mon article de 2017 et sa connexion avec l’actualité. Le Président de la république du Sénégal et les chefs d’Etats de la zone CEMAC ont parfaitement raison de demander l’annulation de leurs dettes ; les autres chefs d’Etats concernés doivent réagir très rapidement dans le même sens. La situation financière internationale impose cette annulation de dette et les chefs d’Etats de la zone CFA doivent s’armer d’arguments techniques et économiques pour défendre cette position devant le FMI, la Banque Mondiale et la France.
Comment pouvez-vous nous détailler ces arguments techniques et économiques ?
Pour rappel, depuis la crise de 2008, les banques centrales occidentales sont sorties de leur mandat officiel pour mener des politiques monétaires axées sur des taux d’intérêts bas et de l’assouplissement quantitatif avec deux vrais objectifs : financer gratuitement les déficits des Etats et baisser fortement le poids du service des dettes souveraines sous couvert bien sûr de relancer l’économie par l’injection massive de monnaie aux banques.
En dehors de toutes les injections de liquidité démarrées en 2012 par la Réserve Fédérale Américaine (FED) et en 2015 par la Banque Centrale Européenne (BCE), ce mois de mars 2020 est marqué par une continuité à grande vitesse de l’inondation des marchés :
Un programme massif d’injection d’argent frais dans l’économie européenne, pour des achats d’actifs d’urgence pandémie (750 milliards d’euros), lancé jusqu’à la fin de l’année au moins, pour tenter d’aider les entreprises à traverser le choc de l’épidémie ; avec 120 milliards d’euros pour des rachats de titres obligataires sur les marchés jusqu’en fin 2020 ;
Un niveau d’injection de liquidité par la FED sans commune mesure que toutes les autres banques centrales (Angleterre, Suède, Japon, Chine …) qui disposent d’une autonomie monétaire ont suivi en pratique.
On note deux nouveautés comme l’hélicoptère monnaie des Etats Unis (le président TRUMP promet de remettre un chèque de 1000$ à chaque citoyen et 500$ à chaque enfant) et la nationalisation des salaires privés par l’Etat français sur au moins trois mois (Smic et 85% des salaires au-dessus du Smic) ; des évènements inédits dans l’histoire monétaire de l’Occident.
Le franc CFA étant arrimé à l’euro, examinons le cas de la BCE. Depuis 2015 elle s’engage à racheter tous les titres de dettes publiques des Etats européens ; elle achète même à partir de ce mois de mars 2020, les émissions supplémentaires des Etats et précise aussi que la dette grecque est éligible à ce programme. Les objectifs visés étant la relance budgétaire, la baisse des taux d’intérêt d’emprunt d’Etats de la zone euro, le maintien de la liquidité sur les marchés et le financement des entreprises et des ménages.
Le principe du quantitative easing (QE) c’est exactement de racheter des dettes d’Etats et les échanger avec de la monnaie destinée aux détenteurs des titres. La BCE monétise ainsi toutes les dettes européennes et sans limite ; donc pas de crises de dettes, pas de tension sur les taux d’emprunt et pas de limite liée au taux d’endettement des pays de la zone euro (conséquence économique qui fera jurisprudence au cas où la France nous opposerait son éventuel juridisme).
Il reste juste une limite, à savoir jusqu’où la BCE peut s’aventurer en création monétaire. Mais, comme aucun économiste ne s’aventure à l’invention d’un modèle qui limite cette création monétaire, alors elle ira loin dans l’espace et dans le temps ; et c’est d’autant plus vrai depuis 1971 lorsque les Etats Unis ont coupé le lien entre la monnaie et l’actif terminal, l’or.
Donc les obligations d’Etat d’un pays comme la France sont émises, vendues en primaire, rachetées par la BCE en secondaire. Seulement, ces titres détenus par la BCE vont techniquement disparaitre car sa vocation ne lui permet pas de les échanger avec les autres acteurs des marchés financiers et elle ne pourra pas non plus en exiger le remboursement aux Etats au risque de surendetter des sujets déjà endettés. Donc le rachat des dettes d’Etats par la BCE est techniquement irréversible et équivaut exactement à une annulation pure et simple des dettes souveraines des pays européens.
De plus, une analyse approfondie des flux financiers de telles opérations entre la BCE, les Etats et les acteurs du marché détenteurs des titres de dettes publiques rachetées, fournit une preuve supplémentaire que ces dettes sont annulées.
Si les occidentaux considèrent qu’un tel montage financier ne représente pas un financement par de la création monétaire indue, c’est qu’ils ont décidé de ne pas appeler les choses par leur nom.
Seulement, nous africains, sommes persuadés, convaincus et certains, qu’au cours des cent prochaines années, les pays européens ne rembourseront jamais leurs dettes à la BCE par le biais d’une production donnant naissance à une création de valeur qui engendre une création monétairesaine. Le désastre financier qu’ils vivent depuis la crise de 2008 démontre que cette chaine reliant la production, la valeur et la création monétaire a été complètement cassée.
Ainsi, la France se retrouve en 2020 avec une dette souveraine virtuelle, qui n’existe que par son montant car la BCE a la capacité de l’annuler par son pouvoir monétaire illimité (‘ea tenus’) ; On pourrait alors parler de ‘pouvoir d’épuration’ comme certaines ‘centrales’ industrielles.
Aux dernières statistiques, la BCE a déjà racheté environ 417 milliards de dettes publiques françaises ; et rien que pour la semaine dernière, elle a atteint près de 20 milliards d’euros de dettes européennes.
Il en va de même pour tous les pays du G7 à l’image du Japon dont les deux tiers sont rachetés par sa banque centrale. Ainsi, les dettes de tous les pays en voie de développement doivent être annulées ; le Président Macky Sall et les chefs d’Etats de la CEMAC ont tout à fait raison et peuvent même aller plus loin.
Quels peuvent être les obstacles à une telle demande d’annulation ? Nous faisons allusion aux institutions de Bretton Woods qui proposent un simple gel et les contraintes du CFA avec la France …
A mon avis il n’existe aucun obstacle. Les Etats de la zone CFA doivent parler d’une même voix et lancer un vaste projet qui inscrit ce changement d’orientation monétaire dans les réformes des mécanismes de fonctionnement du franc CFA. La France ne peut pas leur refuser des pratiques monétaires qu’elle met œuvre depuis 2015. Un document projet succinct pourra être rédigé en collaboration avec nos banques centrales avant d’inviter la France autour d’un débat d’experts ; le FMI et la Banque Mondiale doivent nous appuyer pour la réussite de ce projet. En plus des arguments développés ci-dessus, il faut ajouter que la France a vu sa banque centrale stopper toutes ses règles de limitations de budget et de dette jusqu’à nouvel ordre ; donc elle n’a plus de contraintes règlementaires pour se financer. Entre 2008 et 2020 la France a vécu l’explosion de toutes ses frontières entre politique monétaire, budgétaire et économique. Le franc CFA est arrimé à l’euro et la France accède à toutes les formes de souplesses monétaires ; cette demande d’annulation de nos dettes est donc légitime, il faut juste qu’on en débatte dans la sérénité, et fixer ensemble les modalités de mise en œuvre.
Après la pandémie liée au coronavirus risque de déboucher sur la crise économique et les difficultés à venir du financement de nos futurs projets ?
Pour nos besoins au sujet de la pandémie et de la crise économique, l’Afrique subsaharienne ne doit pas s’endetter d’autant plus que nous sommes victimes. Pour être précis, la France, le FMI et la Banque mondiale ne doivent pas nous proposer de nouvelles dettes car le G7 doit fournir aux africains toute la liquidité nécessaire pour faire face aux défis et gratuitement ; les africains méritent leur hélicoptère monnaie comme aux Etats Unis et la nationalisation de leurs salaires comme en France ; il faut que nos chefs d’Etats soient vigilants à ce niveau.
Après, il faudra aborder le financement de la construction des structures de l’Afrique subsaharienne que nous n’avons jamais réalisée depuis les indépendances. Cela nécessite un accès aux services publics monétaires que j’ai détaillé dans l’article en référence ci-dessus ; il ne sera peut-être pas nécessaire de créer une société de financement des économies de l’Afrique subsaharienne (SFEAS) car l’agence UMOA-Titres (en collaboration avec son équivalent en Afrique Centrale) pourra pleinement jouer son rôle et créer un relais sous forme de marché secondaire. Il faut noter que cette nouvelle orientation monétaire que je propose dans l’article est nettement plus propre que les pratiques actuelles de la BCE et de la FED, car elle permet d’adosser notre capacité de création monétaire à nos structures et à notre capacité de production (et demain à la valeur de nos richesses).
Au regard des marchés financiers, les banques centrales occidentales comme la FED et la BCE sont devenues des investisseurs volontaires à la détention de toutes les dettes de leurs Etats. Au regard d’une modélisation actif-passif des échanges de flux associés à cette monétisation des dettes souveraines, la BCE porte une double casquette :
Elle est devenue le réassureur des Etats européens qui sont des assureurs couvrant le risque lié à la continuité de l’activité de leur économique ;
Elle est aussi devenue l’assureur des marchés financiers.
Certes, mais c’est un assureur-réassureur qui ne reçoit aucune prime et accepte de régler tous les sinistres survenus et à survenir, quoi qu’ils en coûtent ; (la CIMA serait enchantée d’accueillir de telles compagnies dans son environnement de contrôle).
Comment expliquer que cette nouvelle orientation monétaire que vous proposez ne mènera pas à des dérives inflationnistes ou même de forte dépréciation de notre monnaie ?
Nous n’aurons aucune dérive inflationniste ni de dépréciation de monnaie pour trois raisons :
En matière de lutte contre l’inflation et de maintien de la stabilité financière, nous ne pouvons absolument rien reprocher à une banque centrale comme la BCEAO ; elle mérite même d’être félicitée ; si les procédures référencées dans l’article de 2017 sont correctement respectées alors nous n’avons pas à douter de la capacité de nos banques centrales à gérer les situations économiques qui se présenteront.
Aussi, si vous regarder de très près le modèle que je propose dans l’article de 2017, il décrit une méthodologie de monétisation des dettes de nos Etats, basée sur la réalisation de projets de développement (production) qui va créer de la valeur qui justifiera clairement la création monétaire.
Aujourd’hui, cette monétisation des dettes est pratiquée par la BCE et la FED (pour ce qui nous concerne de près), mais aussi par les banques centrales du Japon, de la chine et de l’Angleterre ; on le retrouve ainsi dans tous les pays considérés comme développés ; mais nous ne constatons pas de fluctuations importantes entre les monnaies des Etats qui pratiquent cette monétisation de dette et l’inflation a complètement disparu en Occident depuis la crise de 2008. Le franc CFA est arrimé à l’euro et la France veillera à ne jamais déstabiliser ses entreprises qui sont en Afrique.
Pour ces trois raisons, nous n’aurons aucun risque de dérive.
En conclusion ?
Combien de temps durera cette crise sanitaire ? Prions encore pour que l’humanité entière soit très vite épargnée. De par ses impacts géopolitiques, le virus Covid-19 nous invite à un changement de monde à travers une nouvelle page de l’histoire ; il faut en profiter pour entamer le procès du Capitalisme et son Economie de Marché, car les pays occidentaux tombent de leur piédestal et doivent se rendre compte qu’ils ne sont pas loin du déclin.
Un pays comme la France doit en tirer des leçons pour sortir de son arrogance intellectuelle dans ses relations avec l’Afrique. En effet, les pays de la zone euro sont monétairement beaucoup plus indisciplinés que les pays de la zone franc CFA ; l’Allemagne le leur rappelle tout le temps en refusant de mutualiser les dettes européennes par des Euros bonds en 2010 et par l’émission de Coronabonds en 2020 (car elle est persuadée que les dépenses publiques vont s’envoler en Europe). Tout ce cocktail qui entoure l’Occident, en désordre économique ordonné, donne aujourd’hui à nos gouvernants toutes les cartes pour que la France, le FMI et la Banque Mondiale nous libèrent de la pression continue qu’ils exercent sur nos économies depuis les indépendances.
La crise sanitaire est partie de la Chine, passant par l’Europe pour voyager vers nos pays africains et infecter nos populations qui n’ont pas demandé. La faim tue les enfants du tiers monde depuis plusieurs années ; Coronavirus tue 60 fois moins que la tuberculose et 40 fois moins que le paludisme. Ce monde doit changer ; les africains ont besoin de vivre dignement.-
*CISSE Abdou
GROUPE CISCO²NSULTING-SOLVISEO
Remerciement à C. MOMBO Baros, pour sa contribution à l’article de décembre 2017
Par Dr Waly Ndiaye
LETTRE AU MAIRE ALIOUNE NDOYE
L’histoire retiendra qu’en pleine pandémie de coronavirus, vous avez osé demander qu’on ne fasse pas accoucher de braves dames dans une maternité
Monsieur le Maire, il est de mon devoir de citoyen, de surcroit évoluant dans le milieu médical, de vous écrire. Je vous écris cette missive suite à celle que vous avez adressée à Madame l’infirmière chef de poste.
En fait, vous l’avez adressée à Madame l’infirmière chef de poste ou à Madame la sage - femme d’état ? Pouvez- vous répondre à mon interrogation ? L’objet de cette question tourne autour de l’installation d’une unité de maternité dans le poste de santé de Raffenel.
Dans votre missive, vous faites part de votre opposition quant à la mise en place d’une unité de maternité avec la prise en charge des accouchements. Une maternité est un établissement ou un service hospitalier où s’effectuent les accouchements d’après le petit Larousse.
Pourriez-vous enlever « avec la prise en charge des accouchements » ? Pourtant, le 25 mai 2017, votre adjointe Marie Père Paye et la secrétaire municipale étaient allées féliciter la mère du premier bébé né dans cette maternité. Est-ce que vous les aviez notifiées votre opposition en cette période?
Vous évoquez dans votre missive de : « la pyramide sanitaire du Sénégal et du fait que le poste de santé n’a pas le droit d’hospitaliser des patients car ne disposant ni d’une unité d’obstétrique ni d’une unité de néonatologie encore moins d’une unité de réanimation néonatale ». J’ose espérer cher Maire, que votre secrétaire, en saisissant cette lettre, n’avait pas pris son café si elle en prend d’habitude. Maintenant la maternité accueille des patients!!! C’est le monde à l’envers cher Maire.
Trop d’amalgames : une unité d’obstétrique, une unité de néonatologie et encore une unité de réanimation néonatale. L’obstétrique est la technique de l’accouchement d’après le petit Larousse donc elle s’exerce dans une maternité cher Maire. Une unité de néonatologie est une unité qui s’occupe des bébés de 0 à 28 jours de vie.
Toute unité de néonatologie a une réanimation. Savez- vous que tout bébé qui nait, qui ne respire pas et ne crie pas, a besoin de réanimation ? Si on attend cette fameuse unité de réanimation néonatale, beaucoup de nouveaux nés vont mourir dans nos maternités. Ceci ne contribuera pas à la diminution de la mortalité néonatale cher maire. Un bébé ayant crié à la naissance et bien rose n’aura pas besoin de votre fameuse unité de réanimation néonatale. Vous parlez dans votre missive de : «référer à la structure adaptée et compétente les cas de grossesse qui vous viennent, même si vous assurez uniquement des activités prè et post natales.»
Savez vous que si les cas de grossesse qui viennent à la sage-femme sont référés à la structure adaptée et compétente », toutes ces structures vont être débordées cher Maire. C’est pour désengorger toutes ces structures que les autorités sanitaires ont pensé à cette pyramide sanitaire. En respectant cette pyramide, elles ne doivent recevoir que les grossesses à risque ou les césariennes. La sage-femme peut exercer des activités pré et post natales mais elle ne peut pas faire des accouchements. Sachez que, toute sage-femme d’état est formée pour faire des CPN (consultations prénatales), des accouchements, des consultations post-natales, des activités puériculturistes et de planning familial. Vous parlez dans votre missive du fait de : « ne plus continuer à exposer les populations et le poste de santé de Raffenel en y pratiquant des actes non autorisés par le statut de l’établissement et du fait de respecter strictement l’organisation de la pyramide de santé ».
Pouvez vous me dire les actes autorisés par le statut de l’établissement ? Monsieur le Maire, à lire votre missive, on comprend aisément que l’accouchement ne doit pas être fait dans cet établissement. C’est vous maintenant le médecin chef du district sud pour prendre une décision allant dans le sens d’interdire à la sage-femme de faire des accouchements dans le poste de santé de Raffenel.
On n’est pas dans l’Armée
Monsieur le Maire, s’il vous plaît, arrêtez vos injonctions. On n’est pas à l’Armée. Je suis un des plus autochtones de Dakar Plateau pour vous dire de reprendre cette lettre, de la déchirer et de la mettre à la poubelle. Cette brave sage-femme d’état est formée à la bonne école. Elle est le pur produit d’un de nos professeurs émérites. Nous qui avions côtoyé ce professeur, savons de lui un maître vigoureux et consciencieux de son travail. Il ne formera point de médiocre. Tous les actes que pose cette sage-femme d’état sont d’ordre à donner la vie. Elle est formée pour cet objectif. Elle n’est pas formée pour exposer les populations. Que la population de Dakar Plateau sache que cette dame est un fonctionnaire de l’Etat. Monsieur le Maire, vous oubliez sans doute qu’elle n’est pas payée par la mairie de Dakar Plateau. La population de Dakar plateau vous demande solennellement de rénover cette maternité et de l’équiper comme un conseiller municipal de Dakar plateau vous l’a demandé.
Avec nos milliards qui dorment au trésor public, vous devez être capable d’arriver à une telle réalisation. L’histoire retiendra qu’en pleine pandémie de coronavirus, vous avez osé demander qu’on ne fasse pas accoucher de braves dames dans une maternité. Nous sommes en état de guerre contre cette pandémie. Pourriez-vous me dire ce que vous avez fait pour les populations de Dakar Plateau afin de les protéger ? Mon cher collègue Médecin Chef du district Sud vous dira qu’il n’a pas votre temps. Je ne saurai terminer cette missive sans vous rappeler ce que Beaumarchais disait : « sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur ». Veuillez recevoir, Monsieur le Maire de Dakar Plateau mes salutations les plus chaleureuses.
Dr Waly Ndiaye est Médecin généraliste Médecin urgentiste
Ampliations :
Habitants Dakar Plateau
Médecin chef district Sud
Sous - préfet de Dakar Plateau
POURQUOI LE CORONAVIRUS DOIT CONDUIRE A L’ANNULATION DE LA DETTE AFRICAINE
D’ici deux à trois semaines, le coronavirus pourrait durement frapper l’ensemble du continent, a annoncé Vera Songwe, la directrice de la Commission économique pour l’Afrique des nations unies.
D’ici deux à trois semaines, le coronavirus pourrait durement frapper l’ensemble du continent, a annoncé Vera Songwe, la directrice de la Commission économique pour l’Afrique des nations unies. Quelles pistes pour stopper cette pandémie mortelle et en limiter les conséquences économiques ?
En afrique, 10 millions de personnes pourraient succomber au c’ ovid-19 a prévenu Bill Gates, il y a un mois. Pour empêcher cette hécatombe, les pays africains se claquemurent les uns après les autres. Ici comme ailleurs tuer l’économie est le prix à payer pour sauver des vies. Mais dans une région où la survie dépend souvent du travail effectué à l’extérieur, exiger des habitants de rester chez eux c’est demander l’impossible comme l’a dit en substance hier le président du Bénin Patrice Talon. Comment envisager sereinement leur prise en charge sanitaire quand le nombre de lits de réanimation est en moyenne de 50 par pays ? Le traitement du coronavirus va s’ajouter à un fardeau déjà bien lourd : l ‘afrique, c’est presqu’un quart des cas de pathologies les plus lourdes comme la tuberculose, la malaria ou le VIH, mais seulement 1 % des dépenses globales de santé.
POUR FAIRE FACE A L’URGENCE PLUSIEURS GOUVERNEMENTS ONT POURTANT REUSSI A DEBLOQUER DES FONDS
Ils sont destinés en priorité à la santé. Le Ghana, l’Égypte ont pris des mesures de soutien aux entreprises. Le Ghana envisage de verser des aides directes aux ménages les plus fragiles via des paiements mobiles. Et dans les pays les plus riches du continent, le Nigeria et l’afrique du Sud, les grandes fortunes privées sortent leur carnet de chèques pour soutenir l’effort de l’État. Mais pour le moment aucun État africain n’a les moyens de dégainer des milliards comme l’ont fait les pays occidentaux pour soutenir massivement leurs salariés et leurs entreprises paralysées par le confinement. Pour dépenser plus d’argent public, il faut pouvoir recourir à l’emprunt, or les États africains sont déjà à l’os. Pour stimuler la croissance ils ont emprunté tous azimuts. En sept ans le poids de la dette a triplé en afrique subsaharienne, passant de 30 à 95 % du PIB.
AU MOINS UNE VINGTAINE DE PAYS AFRICAINS ONT DEJA FAIT APPEL AU FMI CES DERNIERS JOURS
Et pas seulement les plus pauvres. Le Ghana, qui aspire au statut de pays émergent, en a fait la demande mardi dernier. Ce week-end la locomotive du continent, l’afrique du Sud, s’est aussi tourné vers les institutions internationales. après avoir été rétrogradée dans la catégorie des émetteurs de dette dite spéculative par Moody’s, la dernière agence qui la soutenait encore. Le FMI a ouvert une ligne de crédit de 50 milliards de dollars dédiés aux émergents, dont 10 milliards pour les plus pauvres. Mais c’est bien en deçà des besoins réels. Il faudrait quatre fois plus selon le ministre des Finances ghanéen. L’alternative prônée par les gouvernements africains comme par les experts du FMI : l’annulation de la dette. Le directeur du département afrique du FMI, abebe aemro Selassie, prône l’effacement immédiat de la dette bilatérale et la suspension des remboursements dus au FMI. aller au-delà est sans doute nécessaire mais hyper complexe car le tiers de la dette africaine est détenue par des créanciers privés. C’est cette dette privée qui génère les intérêts les plus élevés, mais négocier dans l’urgence avec cette nébuleuse d’acteurs, des banques, des fonds, des négociants en matières première relève du tour de force.
par Mamadou SARR
RÉFLEXION SUR LES MESURES DE RÉSILIENCE AUX CHOCS ECONOMIQUES DU COVID-19
En ce qui concerne la relance économique, un programme communautaire au niveau de la CEDEAO devrait être envisagé pour préserver les fondamentaux économiques de la sous région
Le mercredi 25 mars 2020, le secrétaire général de l'ONU a affirmé que la pandémie à COVID-19 "menace l'humanité entière". Cette déclaration alarmiste de la plus haute autorité du système des Nations Unies démontre à suffisance la gravité de la crise sanitaire mondiale qui est en train de mettre en évidence la forte interdépendance économique causée par la mondialisation.
L’élément essentiel que prend en compte le coronavirus est la propagation rapide de la pandémie : rapidité des contaminations par les contacts humains. À l'heure des déplacements internationaux et intra-régionaux, aucun pays ni aucune région du monde ne sont épargnés par ce choc sanitaire, humanitaire et socio-économique.
L’évolution rapide au Sénégal de la maladie a soulevé un élan national de patriotisme et de solidarité contre cette crise qui suscite déjà une crainte pour le monde entier.
L’économie mondiale, le commerce international, les places financières internationales, les politiques et plans nationaux de développement, la productivité du travail comme le capital, la compétitivité des entreprises et donc des Nations font désormais face à une situation d'origine sanitaire avec des conséquences potentiellement néfastes pour la santé publique et l’économie globale.
Face à cette pandémie, le gouvernement du Sénégal a mis en place un paquet global de riposte, composé, pour le moment, d’un Fonds de Riposte et de Solidarité contre les effets du COVID-19 dénommé «FORCE-COVID-19», d’un comité de croissance et de veille économique COVID-19 et d’un plan de contingence en cours d’élaboration pour suivre l’évolution de la pandémie, y compris un schéma de contingentement pour endiguer la progression de la maladie notamment en relevant le niveau de la protection par la déclaration du président de la République Macky Sall, en vertu de l’article 69 de la Constitution et de la loi 69-29 du 29 avril 1969, de l’état d’urgence sur l’étendue du territoire national.
La mobilisation citoyenne à l’élan national de solidarité contre cette pandémie est une occasion de se pencher sur la gestion de l'immédiat dans un moment crucial de l'histoire mais aussi se projeter sur les facteurs de résilience aux chocs et atténuer leurs incidences sur l’économie et le développement du pays.
En particulier, l’évolution de la maladie soulève deux questions fondamentales, que chaque pays serait appelé à examiner, très rapidement.
Premièrement, comment déployer au mieux une riposte sanitaire en vue de réduire et limiter la propagation de la maladie, et ce à la lumière des recommandations de l’OMS ?
Deuxièmement, quelles mesures économiques robustes à entreprendre pour minimiser les impacts de la crise sur les secteurs vulnérables ?
Sur la première question, le président de la République, son gouvernement ainsi le peuple sénégalais saluent et encouragent l’ensemble des équipes du ministère de la Santé dans le travail ardu qu’ils mènent depuis l’apparition du premier cas, le 2 mars 2020.
Pour être plus efficace, des politiques bien conçues doivent s’appuyer sur des actions solides, d’où l’importance qu’il y a à mettre à la disposition des décideurs, aujourd'hui, d’éléments macroéconomiques actualisés et d’indicateurs conjoncturels cohérents permettant d’apprécier la situation économique.
Une crise sanitaire avec des conséquences potentiellement néfastes pour l’économie
Le Sénégal a connu un rythme de croissance rapide entre 2014 et 2019, une croissance soutenue par le renouveau des politiques publiques avec l’élaboration et la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent, les exportations de produits de base, l’investissement dans les infrastructures physiques, les transferts financiers de la diaspora, les transferts sociaux et le développement des services, mais pas uniquement.
Toutefois, le modèle de croissance du pays, profondément tributaire de la demande commerciale extérieure et de flux financiers s’accompagnant de la formation de la dette, était bien évidemment vulnérable aux chocs exogènes.
Aujourd'hui, le pays doit faire face aux défis émergents caractérisés par la crainte d’une récession économique globale, la contraction des demandes de produits de base du fait des mesures barrières, et la sécurité alimentaire.
L'évolution expansionniste de cette pandémie appelle aussi à un examen complet des mécanismes par lesquels les conséquences économiques se propagent.
L’importance de capitaux étrangers pour le financement des investissements pourrait engendrer des problèmes macroéconomiques dans les pays qui ont attiré l’épargne des pays développés contractant ainsi une dette importante à l’égard de partenaires bilatéraux et multilatéraux.
L’interdépendance par les marchés, qui se traduit par la disparition des frontières géographiques et l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires, est aussi devenue une des principales voies de transmission des chocs extérieurs.
Caractérisés par la contraction de la demande et des revenus, les effets de la crise sur l’économie pourraient toucher le commerce des services et des modes de fourniture, en particulier les fournitures transfrontières (services de la poste, consultants, experts internationaux, etc.), la consommation à l’étranger (tourisme, restauration, culture, etc.), la présence commerciale (hôtels, banques, etc.) et le mouvement de personnes physiques (sociétés de construction, hôpitaux, consultants, transport, avocats, etc.).
Par ailleurs, le Sénégal se caractérise par le dualisme : secteur traditionnel et secteur tertiaire coexistent et de cette proximité, émerge l’économie informelle. Les impacts de la crise pourraient ainsi donc concerner le secteur informel, les travailleurs indépendants et les activités domestiques (activité non marchande).
Le sentiment le mieux partagé, à ce jour, est que tous les pays, toutes les régions, sans exception, auront pris conscience de leurs limites sur tous les plans et devraient agir dans le sens de prendre en compte leurs manquements prioritaires.
Dans un contexte plus large, et à cet effet, il faut déjà se féliciter des initiatives entreprises par le président de la République basées sur un dialogue consensuel entre le gouvernement et les parties prenantes, en vue de formuler une politique de riposte qui exploite les synergies visant à atténuer autant que possible la vulnérabilité économique du pays.
La résilience aux chocs économiques causés par la pandémie à COVID-19
Les difficultés qui découlent des perspectives de l’économie mondiale et qui affectent l'économie nationale ne doivent pas seulement être identifiées, mais également gérées de manière efficace sur le plan opérationnel.
Face à cette pandémie, chaque pays doit agir vite tout en essayant de tirer plusieurs enseignements utiles de la Chine et d’autres pays asiatiques (Corée du Sud, Singapour, Japon, etc.) qui ont été parmi les premiers à être touchés par la maladie à COVID-19.
L'indicateur de résilience potentielle tel que le degré de dépendance des producteurs nationaux à l'égard des marchés extérieurs devrait permettre aux décideurs de mieux orienter les mesures de soutien et également veiller à une coordination plus efficace des mécanismes de réduction de la vulnérabilité des entreprises et des agents économiques. L'application de ces mesures pourrait viser à protéger l'emploi et les revenus.
Une des principales voies de transmission des chocs extérieurs, la résilience par les liens commerciaux pourrait être améliorée en mettant l’accent sur le rôle moteur de la demande intérieure pour la croissance.
La dynamique d’innovation autour des technologies numériques peut être un outil de développement des achats en ligne pour compenser certaines des difficultés économiques auxquelles sont confrontées les entreprises et l'économie informelle, mais cela nécessite un système de livraison efficace et peu coûteux avec une généralisation accrue du paiement électronique par les agents économiques.
Le paquet global de riposte pourrait aussi mettre l’accent sur la manière dont les mesures d’urgence, à travers les initiatives socio-économiques de soutien (facilités sur la fiscalité, l’eau, l’électricité et le carburant), peuvent amoindrir les perturbations économiques et contribuer à une résilience durable et inclusive.
Elément bien établi du paquet global de riposte communautaire, les huit mesures de la BCEAO pourraient être complétées éventuellement par un examen sur les possibilités d'utilisation des réserves de change au trésor, une garantie de protection naturelle des pays membres de l’UEMOA en cas de graves conséquences de la pandémie sur l'activité financière internationale.
Outre la possibilité du recours au marché local pour le financement public, les pays membres de la BCEAO, dans une dynamique communautaire en vue de soutenir leurs ripostes, pourraient solliciter la suspension des appels d’échéances en capital de tous leurs partenaires techniques et financiers.
En ce qui concerne la relance économique, un programme communautaire au niveau de la CEDEAO devrait être envisagé pour préserver les fondamentaux économiques de la sous région.
Des mesures spécifiques pourraient être prises pour les familles des territoires défavorisés et pour les entreprises rurales, renforçant ainsi la résilience de l’économie collective au niveau des collectivités territoriales.
Toute crise offre également une rare chance d’entreprendre des réformes qui renforcent le potentiel de croissance à long terme de l’économie nationale. Ainsi, il est essentiel que le gouvernement prenne au cœur la notion de coût dans son administration, mais plus importante est la réduction des coûts implicites.
À l'heure de la pandémie à Covid-19, un nouvel ordre économique du monde s'élabore. Dans cette dynamique, le Sénégal dispose sans conteste des atouts pour juguler les conséquences potentiellement néfastes pour son économie et redevenir un acteur déterminant, au retour à la normale de la situation globale, puisqu'il est doté d'immenses ressources naturelles - gisement de minerais, terres agricoles fertiles, combustibles, etc.
L’histoire nous enseigne, par ailleurs, que pour sortir la Chine de la situation économique dramatique, des années soixante dix, dans laquelle l’avait plongée la révolution culturelle, Deng Xiaoping avait repris la politique des « quatre modernisations » (agriculture au sens large, industrie, sciences et techniques, défense nationale), introduite par Zhou Enlai dès 1964. En quatre décennies, le centre de gravité du développement économique mondial se situe aujourd'hui vers le pays du président Xi Jinping.
En définitive, une question fondamentale pour la résilience du modèle de production est celle de mettre davantage l’accent sur le premier axe du PSE relatif à la transformation structurelle de l’économie afin de permettre aux entreprises nationales de saisir les nouveaux débouchés économiques qui apparaîtront.
Mamadou Sarr est Economiste, expert en commerce et développement international
par Dialo Diop
CHEIKH ANTA DIOP, SAVANT ET POLITIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - La stature d’érudit quasiment encyclopédique du parrain de l'Ucad, contraste étrangement avec le statut mineur réservé à sa pensée et à son action politique, le plus souvent méconnues ou sous-estimées
Trente-quatre ans après sa disparition soudaine et prématurée, la célébration manquée de la Journée du Parrain de l’Université de Dakar, ce 31 mars 2020, offre une bonne occasion de réexaminer l’héritage multidimensionnel que Cheikh Anta Diop a laissé principalement à l’Afrique et aux Africains du monde, mais aussi à l’humanité entière, une fois qu’elle sera débarrassée de tout préjugé racial ou ethnique.
Un double constat paradoxal saute aux yeux. Tout d’abord, bien que son œuvre scientifique ait triomphé de son vivant, lors du Colloque international du Caire (1974) et soit aujourd’hui largement reconnue comme digne d’intérêt, elle ne figure encore au programme d’aucune Faculté de l’Université de Dakar, qui porte pourtant son nom. Il en va de même au niveau de l’enseignement primaire et secondaire, malgré la réponse apparemment favorable du président Macky Sall à la pétition des dizaines de milliers de jeunes Sénégalais réclamant, en vain depuis des années, l’introduction de ses livres dans les curriculae de l’éducation nationale. Ensuite, cette stature d’érudit quasiment encyclopédique contraste étrangement avec le statut mineur réservé à sa pensée et à son action, politiques, le plus souvent méconnues ou sous-estimées.
Mais, le paradoxe n’est qu’apparent, si l’on admet avec Aimé Césaire qu’avec la publication de son premier ouvrage, Nations Nègres et Culture (1954), fruit d’une thèse jamais soutenue, le jeune étudiant africain avait d’emblée et « définitivement ruiné les bases scientifiques de l’érudition occidentale ». Ceci expliquant sans doute cela.
Le 9 janvier 1960, ayant fini par obtenir cette « peau d’âne » du Doctorat d’Etat ès Lettres en Sorbonne, il rentre aussitôt au pays, non sans avoir au préalable confié à Présence Africaine l’édition de ses deux thèses (principale et secondaire sous les titres : L’Afrique Noire Précoloniale et L’unité culturelle de l’Afrique Noire, respectivement). Il va dans la foulée publier son manifeste politique intitulé « Les Fondements économiques et culturels d’un Etat fédéral d’Afrique noire », dont il dira que ses conclusions pratiques en quinze points « constituaient l’essentiel des programmes » des deux premiers partis politiques qu’il devait créer au Sénégal : le Bloc des Masses Sénégalaises (BMS) et le Front National Sénégalais (FNS), successivement dissout et interdit en 1963 et 1964 par le président Léopold Senghor.
Ajoutons que le premier parti politique auquel il ait adhéré, durant ses études universitaires à Paris, fut le Rassemblement Démocratique Africain (RDA), fondé à Bamako en 1946, et dont il a dirigé la section estudiantine en France de 1951 à 1953.
Ceci pour illustrer à quel point les travaux du savant sont indissociables des combats du politique. Une ligne de conduite constante tout au long de sa vie, en théorie avec son dernier ouvrage, Civilisation ou Barbarie (1981), comme dans la pratique avec la fondation du Rassemblement National Démocratique (RND) en 1976, qu’il dirigera en qualité de Secrétaire général jusqu’à sa mort subite survenue le 7 février 1986, à Dakar.
De fait, l’on ne saurait réduire le projet scientifique de Cheikh Anta Diop à la seule réfutation des diverses falsifications de l’historiographie euraméricaine, lui-même ayant indiqué que le noyau dur de ses recherches en sciences humaines était précisément de restaurer la conscience historique amputée des Africains (du continent et de la diaspora), en rétablissant le sens de sa continuité à travers le temps et l’espace. L’accumulation des résultats obtenus grâce à une méthode de travail caractérisée par un respect méticuleux des faits dans l’investigation alliée à la clarté démonstrative va le conduire, en fin de compte, à la définition d’un nouveau paradigme scientifique, disons africain plutôt que « diopien ».
Bien que n’étant l’objet d’un enseignement systématisé et officiel dans aucune université d’Afrique, à notre connaissance, ce paradigme a d’ores et déjà fait la preuve de sa puissance tant dans l’analyse rétrospective que dans la recherche prospective. Cependant, il est habituel d’entendre dire que sa validité scientifique se limiterait au rétablissement de la vérité historique, tandis qu’il relèverait plus de l’idéologie que de la science en ce qui concerne l’étude du présent et la prédiction de l’avenir.
Pour faire justice de ce mauvais procès, rappelons brièvement que, selon Cheikh Anta Diop, l’Afrique, berceau des premiers humains qui vont peupler le reste de la terre, est également le foyer de la toute première civilisation qui, de la haute préhistoire à la fin de l’Antiquité, va initier, instruire et éduquer, à partir de la vallée du Nil et de proche en proche, l’ensemble des populations du bassin méditerranéen et au-delà. A commencer par la parole, l’écriture et le calcul ou encore l’agriculture, l’élevage et la médecine humaine ou vétérinaire, en passant par l’architecture, l’astronomie, la navigation, la poésie et la musique, bref tous les acquis primordiaux des sciences et techniques comme de la philosophie et de la religion du monde antique proviennent du génie africain de la civilisation égypto-nubienne ancienne.
Fort de ce constat, Cheikh Anta Diop constate la régression historique de l’Afrique qu’il explique essentiellement par la perte de sa souveraineté suite aux invasions eurasiatiques, mais aussi par diverses tares de l’Etat pharaonique, notamment le mode initiatique de transmission du savoir entre les générations. Soulignant que pareille régression va entraîner un retour à la barbarie, pouvant aller jusqu’à l’anthropophagie !
D’où la question suivante : que faire pour inverser cette tendance historique négative lourde, qui dure depuis plus d’un millénaire ? Autrement dit, comment les peuples africains peuvent-ils renouer avec l’initiative historique positive ?
Telle est le questionnement du savant auquel va s’efforcer de répondre le politique.
Examinons maintenant ses principales thèses relatives au passé récent et à l’avenir du continent africain, voire du monde, en comparant l’état des lieux au moment de la parution de ses écrits (seconde moitié du 20ème siècle) à celui qui prévaut en ce début de 3ème millénaire.
C’est dès 1948 qu’il pose, dans un article retentissant intitulé « Quand pourra-t-on parler d’une Renaissance Africaine ? », le problème capital de « la nécessité d’une culture fondée sur les langues nationales », soulignant le rôle central de la culture dans le processus d’émancipation d’un peuple. Récurrent de son discours militant, il ramassera plus tard son propos en un triptyque mémorable : « La démocratie par le gouvernement dans une langue étrangère est un leurre, et c’est là que le culturel rejoint le politique » ; « le développement par le gouvernement dans une langue étrangère est impossible, à moins que le processus d’acculturation ne soit achevé, et c’est là que le culturel rejoint l’économique » ; « le socialisme par le gouvernement dans une langue étrangère est une supercherie, et c’est là que le culturel rejoint le social ». Avec un recul d’environ soixante-quinze ans, comment nier cette évidence que l’éradication de l’illettrisme et de l’analphabétisme de masse en Afrique restera une mission impossible, tant que le statut de langue officielle sera exclusivement réservé aux langues européennes.
De même, en 1952, c’est en tant que Secrétaire général de l’Association des Etudiants du RDA qu’il publie, dans le journal La Voix de l’Afrique Noire, l’article « Vers une idéologie politique africaine », dans lequel il formule des principes de base pour atteindre l’objectif premier de la lutte d’indépendance nationale selon lui, à savoir « provoquer la prise de conscience de tous les Africains » ; citons juste les cinq premiers :
On doit lutter pour des idées et non pour des personnes ;
Le sort du peuple est avant tout dans ses propres mains ;
Il ne dépend pas essentiellement de l’éloquence revendicative d’un quelconque député à une quelconque Chambre ou Assemblée européenne ;
Ce sort peut être amélioré ici-bas par un moyen naturel déjà pratiqué avec succès par d’autres peuples, autrement dit que l’homme peut transformer la société et la Nature ;
Que ce moyen naturel dans la pratique est la lutte collective organisée et adaptée aux circonstances de la vie (grève de vente de récoltes et grève d’achat, appuyées par les Coopératives réorganisées, grèves de la faim, grève politique, (…) ; autres mouvements de masse, tels que manifestations locales ou coordonnées à l’échelle du continent dès que possible).
Après avoir traité des voies et moyens de surmonter les barrières d’ethnie, de caste et de langue et indiqué l’organisation et la discipline comme armes invincibles de notre salut collectif, il invite les membres de l’AERDA à réaliser « l’union la plus large avec leurs camarades vivant sous d’autres dominations étrangères » d’une part, et à « chercher à connaître l’Afrique dans tous les domaines pour mieux la servir » d’autre part. L’année suivante, dans les colonnes du même journal, il ira plus loin en affirmant, face à la création à Londres d’un « Conseil permanent de Coordination » qualifié de « véritable Sainte Alliance Européenne agonisante » (regroupant outre l’Angleterre, la France, le Portugal, l’Espagne et l’Afrique du Sud), qu’à la coalition, il nous faut opposer la coalition ! Et il ajoutait : « Il est plus que jamais nécessaire de dresser contre la coalition de la vielle Europe celle des jeunes peuples de toute l’Afrique victimes de la colonisation. Or, quel est le caractère de la lutte en Afrique à l’heure actuelle ? Le fait dominant à l’heure actuelle en Afrique noire est l’existence de mouvements politiques prétendus réalistes, absolument décidés à s’ignorer les uns les autres. Le résultat est que les puissances colonisatrices les écrasent successivement avec la plus parfaite aisance, sans coup férir. L’exemple du RDA et de l’Union Nationale du Kenya sont typiques à cet égard ». Et il concluait ainsi : « Sortir de l’isolement où se trouvent engagés les mouvements africains et donner à la lutte un caractère continental, tel apparaît le moyen le plus sûr de quitter l’impasse actuelle de la politique africaine (…) Le jour où cette coordination existera, le rapport des forces sera profondément modifié. Or tout est là. Nous serons maîtres de la situation ».
Et encore ne s‘agissait-il là que d’écrits de jeunesse ! Son ouvrage politique de la maturité sera publié lors du tournant historique de 1960, l’année charnière de sa soutenance de thèse, dite aussi « année des indépendances africaines ». Il s’agit des Fondements, déjà mentionné plus haut et dont le titre initial était « Fondements industriels, techniques et culturels d’un futur Etat fédéral d’Afrique noire ». Il s’agit de son livre de référence en matière politique, au même titre que « Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique » (1967) en matière scientifique. Il suffira ici de citer les cinq premiers points de programme :
Restaurer la conscience de notre unité historique.
Travailler à l’unification linguistique à l’échelle territoriale et continentale, une seule langue de culture et de gouvernement devant coiffer toutes les autres ; les langues européennes, quelles qu’elles soient, restant ou retombant au niveau de langues vivantes de l’enseignement secondaire.
Elever officiellement nos langues nationales au rang de langues de gouvernement servant d’expression au Parlement et pour la rédaction des lois. La langue ne serait plus un obstacle à l’élection d’un député ou d’un mandataire analphabète de souche populaire.
Etudier une forme de représentation efficace de l’élément féminin de la nation.
Vivre l’unité fédérale africaine. L’unification immédiate de l’Afrique francophone et anglophone, seule, pouvant servir de test. C’est le seul moyen de faire basculer l’Afrique sur la pente de son destin historique, une fois pour toutes. Attendre en alléguant des motifs secondaires, c’est laisser le temps aux Etats de s’ossifier pour devenir inaptes à la Fédération, comme en Amérique latine.
D’où provient sa célèbre formule selon laquelle « A la croisée des chemins, l’Afrique est condamnée à s’unir sinon, faute de se fédérer, elle sera vouée non à la balkanisation, mais bien à la « sud-américanisation », qu’il définit comme « une prolifération de petits Etats dictatoriaux sans liens organiques, éphémères, affligés d’une faiblesse chronique, gouvernés par la terreur à l’aide d’une police hypertrophiée, mais sous la domination économique de l’étranger, qui tirerait ainsi les ficelles à partir d’une simple ambassade… ». Considérant que « l’idée de fédération doit refléter chez nous tous, et chez les responsables politiques en particulier, un souci de survie, (par le moyen d’une organisation politique et économique efficace à réaliser dans les meilleurs délais), au lieu de n’être qu’une expression démagogique dilatoire répétée sans conviction du bout des lèvres », il conclut en ces termes : « Il faut cesser de tromper les masses par des rafistolages mineurs et accomplir l’acte qui consomme la rupture avec les faux ensembles (Communauté, Commonwealth, Eurafrique) sans lendemain historique. Il faut faire basculer définitivement l’Afrique Noire sur la pente de son destin fédéral ».
Aujourd’hui, une soixantaine d’années plus tard, certains auront vite fait de dire que le parrain était un visionnaire, alors que ses écrits de fond comme ses propos conjoncturels prouvent qu’il était d’abord et surtout un observateur assidu et vigilant, sur la longue durée, de l’évolution de notre continent comme du reste du monde, se bornant à en tirer des leçons pour l’avenir des Africains et de l’humanité.
Même si la méthodologie de la recherche en sciences sociales diffère de celle des sciences expérimentales, comment ne pas voir l’évidente pertinence des analyses et conclusions des travaux de Cheikh Anta Diop en sociologie politique ?
Un seul exemple probant ; à défaut d’avoir réalisé son unité politique autour d’un exécutif fédéral lors de la conférence constitutive de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) d’Addis Abeba (1963), sanctionnée par la défaite du Groupe de Casablanca réputé « radical », au profit de celui dit « modéré » de Monrovia, le processus de décolonisation du continent se poursuivra dans le cadre fragmenté des « Etats-nations » issus du partage impérial européen de Berlin (1885). Aussi, le Sommet du Caire de l’OUA (1964) va-t-il adopter le curieux principe dit d’« intangibilité des frontières héritées de la colonisation ». Cette disposition, outre son incompatibilité totale avec l’esprit et la lettre du panafricanisme authentique, s’est dans les faits avérée inapplicable, d’abord en Ethiopie même avec la sécession de l’Erythrée, puis avec l’éclatement de la Somalie ou la guerre d’annexion marocaine au Sahara Occidental et la partition du Soudan, entre autres exemples.
Aujourd’hui, en dépit de l’achèvement formel du travail du Comité de décolonisation de l’OUA, couronné par l’indépendance de la Namibie et l’abolition de l’apartheid en Afrique du Sud, et l’avènement d’une Union Africaine en l’an 2000, (véritable clone institutionnel de l’Union Européenne), la valeur prédictive de l’avertissement du parrain est irréfutable. La sud-américanisation de notre continent est si grossière qu’elle en est devenue caricaturale : des élections frauduleuses et sanglantes au renversement violent de chefs d’Etat indociles, des tentatives de recolonisation armée sous le couvert de lutte contre le « terrorisme », (remplaçant désormais le « communisme » comme bouc émissaire) au piège mortifère de la dette extérieure et de la servitude monétaire, avec son cortège de pauvreté dans les villes et de misère dans les campagnes, en passant par la vulnérabilité extrême des populations aux maladies même curables et autres fléaux sociaux (chômage, prostitution, alcoolisme, toxicomanies, violences domestiques, sauve-qui-peut vers le mirage d’un eldorado euraméricain, etc.).Si l’on y ajoute la cocaïnisation massive de la côte atlantique, (de l’Angola au Maroc) et du littoral de l’Océan Indien, (de l’Erythrée au Mozambique), non plus seulement comme zones de transit des producteurs colombiens vers les consommateurs européens, mais aussi comme centres de redistribution locale, le tableau devient dantesque et confine à la caricature.
Par conséquent, les faits ont donné raison à Cheikh Anta Diop au-delà de toute contestation possible, sur ce point précis comme sur beaucoup d’autres. Ses nombreux aphorismes, tellement galvaudés en Afrique qu’ils sont devenus des slogans vides de sens, au lieu de servir de mots d’ordre phares pour l’action… Citons notamment : « l’intégration politique précède l’intégration économique » et « la sécurité précède le développement », ou bien « l’endettement extérieur est le mode de financement malsain par excellence », ou encore à la différence des fédérations antérieures fondées par le fer, le feu et le sang, « l’Afrique est confrontée au défi historique sans précédent de bâtir sa fédération par la persuasion », etc.
L‘illustration de la justesse des thèses politiques du parrain aurait pu être développée plus avant à la lumière de son action de terrain avant et après son retour au pays, en particulier dans le RND. Rappelons tout de même qu’il est le seul et unique député de l’histoire de l’Assemblée nationale du Sénégal à avoir catégoriquement refusé d’y siéger, en guise de protestation pour, écrivit-il dans sa lettre de démission, « de préserver nos mœurs électorales de la dégradation ». Mais il est temps de conclure.
On a pu dire que Cheikh Anta Diop faisait de la science comme s’il s’agissait de politique et, inversement, faisait la politique comme s’il s’agissait de science. Si les problèmes de tout le monde sont les problèmes politiques et que, réciproquement, les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde, alors il serait tout à fait naturel que la science qui n’est l’apanage de personne, mais bien une activité générique des humains, de tous les humains, recoupe et chevauche la politique, comme en témoignent les exemples des deux derniers esprits encyclopédiques du 20ème siècle, Albert Einstein et Cheikh Anta Diop.
Dialo Diop est SG Honoraire du RND
LE SECTEUR INFORMEL À LA PEINE
« Si les grands commerçants et autres patrons se plaignent déjà des effets du coronavirus, qu’en sera-t-il pour nous qui peinons à gagner 5000 F CFA par jour ? », s’interroge Alsséni Diallo
C’est le crépuscule à Ngor, une commune du district ouest de la capitale sénégalaise. Dans les rues, les passants se dépêchent pour regagner leurs maisons avant 20 heures : le début du couvre-feu.
Le président de la République Macky Sall, pour tuer dans l’œuf un début d’épidémie due au Covid-19, a récemment décrété l’état d’urgence assorti d’un couvre-feu sur toute l’étendue du territoire national.
Désormais, de 20 heures à 6 heures du matin, il est strictement interdit de circuler sauf dérogation. Les forces de défense et de sécurité se chargent tous les soirs de faire respecter cette mesure. Souvent à coups de matraque.
A Ngor, la vie nocturne s’arrête. Dans cette petite localité léboue (l’une des ethnies du pays), un silence de cathédrale remplace le vacarme habituel. Dans les ruelles étroites et parfois sombres, seuls les miaulements des chats violent le calme plat dans le 18ème arrondissement de Dakar.
Une situation qui plonge dans le désarroi de nombreuses personnes qui subvenaient à leurs besoins grâce aux activités nocturnes. Alpha Diallo est propriétaire d’une gargote installée non loin du terminus des bus Tata. Les pieds croisés, ce quinquagénaire est à bout.
« D’habitude, je vendais au minimum 180 sandwichs. Mais aujourd’hui, plus rien. Contrairement à d’autres, nous sommes très exposés ici. Et si l’on s’aventure à violer la loi, nous risquons gros », explique-t-il avec une mine déconfite.
Reconnaissant la nécessité du couvre-feu pour endiguer la propagation de la maladie, ce polygame et père d’une dizaine d’enfants estime néanmoins que son application sur une longue durée serait lourde de conséquences.
« Prions tous pour que cette maladie disparaisse au plus vite. Autrement, beaucoup risquent de sombrer dans une pauvreté chronique », redoute Alpha.
Comme lui, Alsséni Diallo s’est confiné durant trois jours avant d’être obligé de reprendre le travail. Pour ce vendeur de brochettes à la plage, c’est une question de survie. « Si les grands commerçants et autres patrons se plaignent déjà des effets du coronavirus, qu’en sera-t-il pour nous qui peinons à gagner 5000 F CFA par jour ? », s’interroge-t-il. Son épouse, assise à côté, lui reproche immédiatement de ne pas avoir appliqué ses conseils : « Je t’avais dit de chercher un local. Tu m’as répondu que tu resteras à la plage jusqu’au jour où on t’y chassera. Et voilà où cela nous a conduit ».
S’adapter pour survivre
A ce jour, 142 cas de Covid-19 ont été déclarés positifs au Sénégal. S’inspirant de la Chine voire de l’Occident, le gouvernement pourrait durcir les restrictions si le bilan s’alourdit. Prenant les devants, certains restaurateurs ajustent leurs horaires pour s’en sortir. C’est le cas notamment d’Idrissa. Son restaurant, niché à quelques encablures de la deuxième mosquée du village, ne désemplit pas.
Il est bientôt 20h et tous les clients n’ont qu’une seule envie : récupérer leurs sandwichs pour rentrer à temps. Fortement recommandées par les autorités sanitaires, les mesures de distanciation sociales ne sont plus une priorité.
« Je n’ai même pas encore effectué la prière du crépuscule à cause des clients qui m’ont envahi », lance-t-il, tout en regardant le poêle servant à faire des omelettes. Submergé, Idy comme le surnomme les acheteurs, a bousculé ses habitudes : « Maintenant, je travaille à partir de 15 heures. Toute personne qui veut acheter peut venir. Et c’est le mieux que je puisse faire pour mes clients ».
Aux premières nuits du couvre-feu, de jeunes Ngorois ont montré de la défiance à l’égard des forces de l’ordre. Finalement, aucune âme qui vit n’ose plus sortir dès le déclenchement du couvre-feu.
« C’est bien. Cela nous permet d’écouler tôt nos mets et de partir nous reposer. Comme ça, on se réveille plus facilement pour honorer la prière de l’aube », fait savoir Abdourahmane, un autre gérant de gargote dans le village.
A Dakar, où de nombreuses familles joignent difficilement les deux bouts, la restauration rapide nocturne s’est développée de façon exponentielle. A moindre coût, des citoyens mangent à leurs faims en espérant des jours meilleurs.
Mais ce secteur n’est pas le seul à être affecté par le couvre-feu en vigueur depuis lundi dernier. Debout devant sa voiture clando, Babou Guèye, vêtu d’un grand boubou bleu assorti à un couvre-chef noir, attend d’éventuels passagers désirant se rendre dans la commune voisine de Ouakam.
Comme nombre de ses collègues, il s’est résolu à effectuer le trajet de jour. « Nous avions l’habitude de travailler le soir. Il m’arrivait de rouler parfois jusqu’à 1 heure voire 2 heure du matin. Mais tout cela est révolu. Nous sommes obligés de venir concurrencer les autres transporteurs en commun. Et ce n’est pas facile vu qu’ils ont une tarification moins chère », regrette le jeune homme.
Dans les boutiques de quartier, certains vendeurs développent des stratagèmes pour continuer leurs activités durant le couvre-feu. « Je ferme à 19h 45, mais je n’éteins pas les lampes de la boutique. Tout client qui veut acheter un produit frappe à la porte. Je lui vends et referme immédiatement. Ça nous permet d’éviter des nuits blanches sans remplir le tiroir d’argent », révèle, sous le couvert de l’anonymat, un jeune.
Pour atténuer les effets de la crise sanitaire sur l’économie nationale, le chef de l’Etat Macky Sall a mis en place le fonds Force Covid-19 qui sera doté d’une enveloppe de 1000 milliards F CFA. Si les ressources de ce fonds serviront, entre autres, à soutenir les entreprises, les ménages et la diaspora, il n’en demeure pas moins que le secteur informel aura besoin d’appui pour se remettre de cette grippe.
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L'IMMOBILIER ET LA CRISE DU CORONAVIRUS
EXCLUSIF SENEPLUS - Massamba Ndiaye, secrétaire général de la fédération des agences et courtiers du Sénégal, exhorte les acteurs à la solidarité en vue d'amoindrir les conséquences de la pandémie du covid-19 sur le secteur
Boubacar Badji et Youssouf Ba |
Publication 30/03/2020
La fédération des agences et courtiers immobiliers du Sénégal se prépare aux conséquences du Covid-19 dans le secteur de l'immobilier. Le secrétaire général, Massamba Diagne, prône notamment une approche citoyenne et patriotique dans le recouvrement des loyers durant cette période de crise sanitaire.
Il s'en explique au micro de SenePlus.
SUPPRIMER LE CESE ET LE HCCT COMME ON L'AVAIT FAIT POUR LE SENAT
La suppression du Conseil économique, social et environnemental, du Haut conseil des collectivités territoriales pour appuyer la lutte contre le Covid-19 a proposé Guy Marius Sagna membre fondateur du mouvement Frapp/ France dégage
Macky Sall doit supprimer certaines institutions comme le Cese et le Hcct pour mobiliser leurs budgets contre le Covid19. C’est la conviction de l’activiste Guy Marius Sagna. Il reconnaît cependant que certaines de leurs propositions ont déjà été prises en charge par le président de la République, comme la libération des 2 036 détenus.
La suppression du Conseil économique, social et environnemental (Cese), du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) pour appuyer la lutte contre le Covid-19 : La proposition émane du membre fondateur du mouvement Frapp/ France dégage qui a récemment lancé l’initiative «Corona dégage !». Invité de l’émission «Grand jury» de la Rfm hier, Guy Marius Sagna estime que le président de la République doit dissoudre ces institutions comme il l’avait fait avec le Sénat en 2012 pour lutter contre les inondations.
Selon lui, à sa connaissance, les plateformes Noo lank et Aar li ñu bokk, dont il est membre, n’ont pas été conviées lors des concertations entre Macky Sall et les différentes forces vives de la Nation. Mais pour l’activiste, ce n’est pas le plus important. La plateforme Frapp/France dégage, dit-il, note déjà que parmi ses propositions faites à travers un communiqué, quelques-unes ont déjà été prises en charge, comme la grâce accordée à 2 036 détenus. «Nous pensons qu’il aurait pu faire plus, mais c’est déjà un bon début. Nous l’invitons à augmenter le nombre de détenus graciés», invite-t-il.
«Les décisions prises par le Président sont plus ou moins acceptables» Par ailleurs, Guy Marius Sagna a indiqué qu’en militant «discipliné», il serait allé avec ses camarades rencontrer le chef de l’Etat s’il avait invité leur organisation. Il est connu pour être un farouche critique du régime, mais il reconnaît que «les décisions qui sont prises sont plus ou moins acceptables».
Et il ajoute : «Nous les soutenons.» Cependant, l’activiste soutient qu’il y a énormément de choses à faire comme l’équipement des hôpitaux en masques suffisants. Agent du ministère de la Santé et de l’action sociale, Guy Marius Sagna a plaidé la cause des personnels soignants. Il a également interpellé les citoyens par rapport à leur comportement relatif aux mesures sanitaires et administratives prises par l’Etat.
«Ce n’est pas dans des conditions favorables au Sénégal que ce coronavirus nous tombe. C’est important de dire cela pour ceux qui bravent les couvre-feux, pour ceux qui banalisent la maladie. Aujourd’hui, nous n’avons pas suffisamment de lits. Nous avons seulement une seule unité de mise en quarantaine qui ne respecte même pas toutes les conditions requises d’une bonne unité de mise en quarantaine», a-t-il alerté.
Il poursuit en déclarant que «si nos hôpitaux étaient des bateaux, ils feraient naufrage» à cause du déficit d’infrastructures sanitaires dans le pays, comparé à la population. S’il admet que l’Etat a une «grande responsabilité», Guy Marius Sagna souligne également une «responsabilité individuelle» des citoyens dans la lutte contre la propagation du coronavirus.
En conséquence, il invite les citoyens à respecter les consignes sanitaires et administratives et demande aux décideurs de réfléchir sur le dépistage massif dans les meilleurs délais.
par Cheikh Omar Diallo
ORDONNANCES PRÉSIDENTIELLES POUR UN CORPS MALADE
Dix propositions pour limiter autant que possible, les dommages insondables liés au chaos sanitaire en cours dans le monde et au Sénégal
La planète est fermée. Le temps s’est arrêté. Le monde s’est confiné.
En ces jours les plus sombres et les plus incertains de l’histoire de l’humanité, mieux vaut vivre confiné que d’être contaminé par la pandémie mondiale du Covid 19.
Face au pire désastre humanitaire lié à l’épidémie de décès dans le monde, les médecins sont désorientés, les gouvernements dépassés, les populations déstabilisées, quand bien même la riposte s’organiserait sur tous les plans, non sans mal.
Nous voici ainsi catapultés dans « la gouvernance de crise » où les instruments juridiques auront pour noms : pouvoirs exceptionnels ; état de siège ; état d’urgence ; loi d’habilitation ; ordonnances ; couvre-feu ; entre autres.
Dans la quasi-totalité des Etats démocratiques, le niveau de gravité et d’immédiateté du péril en appelle, avant tout, à limiter les dégâts considérablement gigantesques.
Dans cet ordre d’idées, la question de droit constitutionnel se pose en des termes à la fois simples et complexes : Comment décider juste en situation d’urgence ?
Auparavant il faut rappeler qu’au-delà des intérêts personnels les plus respectables, au-delà des intérêts collectifs les plus défendables, se placent indubitablement l’intérêt général, l’intérêt national et l’intérêt supérieur. Cet ordre public sanitaire mondial que [re]découvrent les gouvernants des pays riches et pauvres, recommande à tout Etat digne de ce nom, d’assurer la survie de la population, face à un chaos d’une ampleur sans précédent.
Décider juste en situation d’urgence
C’est pourquoi, le président de la République, à bon droit, a décrété l’état d’urgence sanitaire, le 23 mars 2020, conformément aux article 69 et 77 de la Constitution du 22 janvier 2001, en même temps qu’il a saisi ce lundi 30 mars 2020, l’Assemblée nationale en vue de l’adoption d’une loi l’habilitant à prendre pour une durée de 3 mois, des mesures relevant du domaine de la loi afin de faire face aux défis et enjeux d’ordre sanitaire, économique, financier et social imposés par la pandémie.
Soit dit en passant, cette habilitation sera probablement prorogée de 3 autres mois, compte tenu de la dure période de soudure qui arrive et de l’état de notre agriculture essentiellement pluviale.
Pour sûr, avec une forte majorité parlementaire, cette loi d’habilitation sera adoptée et publiée dans le journal officiel, le 3 avril 2020, au plus tard. Elle habilitera de jure et de facto le gouvernement à prendre un concert de mesures urgentes et d’ordonnances salutaires dans les domaines budgétaire, de sécurité sociale, de fiscalité, d’appui aux entreprises et d’assistance et de soutien aux personnes les plus vulnérables.
Le projet de loi d’habilitation actuellement sur le bureau du parlement permettra d’administrer avec diligence et agilité un « trésor de guerre » appelé Fonds de riposte et de solidarité contre les effets du Covid-19 (Force-Covid-19). Objectif final : lever 1.000 milliards de FCFA en provenance des structures de l’Etat et de la participation populaire et citoyenne. « Un trésor de guerre » assez modeste à nos yeux. Nous pouvons et devons aller à 1.500 milliards de FCFA, une véritable « économie de guerre » qui permettra d’alimenter les quatre fronts les plus sensibles : la protection des personnes vulnérables, l’assistance aux ménages, l’appui aux entreprises, enfin le soutien au personnel médical et aux travailleurs sociaux.
Dans cette filiation directe, il est techniquement possible de rapatrier hic et nunc les 8.000 milliards de FCFA de réserve de change dont la moitié est déposée dans les comptes d’opération de la Banque de France. Carrément ! Dans un leadership de crise, le Général en chef doit viser loin, voir grand et juger large. Sous ce rapport, nous proposons dix vigoureuses ordonnances pour le grand corps malade qu’est devenu notre cher Sénégal.
1. Mesures relatives aux personnes les plus vulnérables. Une enveloppe de 100 milliards CFA - au lieu des 60 annoncés - consacrée à l’achat de vivres pour l’aide alimentaire d’urgence. Au soutien de cette mesure, pour lutter efficacement contre la flambée des prix, nous proposons de subventionner le riz à hauteur de 50% tout en assurant la distribution dans les magasins référencés.
2. Mesures relatives au report des factures d’eau, d’électricité et de loyer. Il est évident que la majorité des ménages tire principalement ses revenus de l’activité informelle. En conséquence, les ménages ne pourront pas honorer leurs engagements dans les trois prochains mois. D’où la proposition de report jusqu’en juillet 2020.
3. Mesures relatives aux factures des petites entreprises. En application du principe général de droit « zéro recettes, zéro dépenses », les factures d’électricité et d’eau et de loyers des entrepreneurs, commerçants et artisans en situation de précarité professionnelle ne seront pas payées dans les trois prochains mois. Leur paiement sera échelonné sans aucune pénalité.
4. Effets induits de la baisse du prix du baril de pétrole. Du fait de l’effondrement de l’économie causé par le Covid-19, les prix du baril du pétrole brut demeurent historiquement faibles depuis un mois. La conséquence directe devrait être la forte baisse des prix de l’essence à la pompe au Sénégal dans quelques jours.
5. La réquisition pour cause d’utilité publique sanitaire des industries et usines. Plusieurs d’entre elles sont capables de participer à la production, à la confection et à la fourniture des tests, masques et gels hydro alcooliques, etc., à l’instar de l’Institut Pasteur et Valda Afrique en relation avec la Chine et la Corée du Sud.
6. La réouverture sans délai de l’usine Médis spécialisée dans la chloroquine.
La seule industrie pharmaceutique capable de produire de la chloroquine a fermé ses portes en raison des difficultés financières. Plus 120 employés licenciés pour motif économique.
7. Une allocation d’une prime exceptionnelle à tous les travailleurs du secteur de la santé livrés au combat le plus périlleux de leur vie.
8. La création d’un fond spécial d’appui aux secteurs en crise. Il s’agit de l’hôtellerie, de la restauration, du transport et des médias.
9. Mesures relatives à la dette intérieure. La priorité devra être le remboursement rapide de la dette intérieure et le rééchelonnement du service de la dette extérieure.
10. Recadrage budgétaire du ministère de la santé et l’action sociale. Le budget 2020 est arrêté à plus de 4.200 milliards de FCFA. Le ministère de la Santé et de l’Action sociale bénéficie d’une modeste allocation budgétaire d’environ 192 milliards de FCFA, très loin des 15% recommandés par les organisations internationales et régionales. Sans parler de 1% réservé à la recherche scientifique. Au vu de ce qui précède, il y a nécessité absolue de multiplier par six le budget de la santé.
Résultat ! A défaut d’atténuer les conséquences économiques et sociales indéchiffrables, ces dix propositions d’ordonnances limiteront autant que possible, les dommages incalculables et insondables liés au chaos sanitaire en cours dans le monde et au Sénégal. En ces temps tristes et sinistres, abondance de précautions ne nuit pas. La vie reprendra bientôt son cours normal.
Dieu bénisse le Sénégal et pardonne l’humanité !
A tout bientôt !
Cheikh Omar Diallo est Docteur en Science Politique, Juriste et Expert en Communication, Directeur de l’Ecole d’Art Oratoire