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4 mai 2025
Economie
par Moda Dieng
CORONAVIRUS : C’EST UNE MAUVAISE IDÉE DE DONNER AU GOUVERNEMENT
. En plus des risques de malversations, le ministère des Finances et du Budget souffre d’inefficacité due à la centralisation excessive du système de gestion des recettes et dépenses publiques
Au 27 mars, 1 milliard 330 millions de francs CFA ont été remis au ministère de la Santé et de l’Action sociale par des individus, entreprises et organismes dans le cadre de la lutte contre le coronavirus. Selon ce ministère, les dons octroyés seront versés au ministère des Finances et du Budget. Tout le monde semble apprécier les gestes de bonne volonté. Cependant, personne ne s’interroge sur la gestion, l’utilisation et le contrôle des fonds. Le contexte d’urgence ne doit pas nous empêcher de le faire et de rappeler la responsabilité du gouvernement par rapport au système de santé.
Nous sommes dans un système de gouvernance habitué aux malversations. Et les ministères demeurent parmi les principales poches de corruption. Du fait de la corruption, du gaspillage et de l’inefficacité, les Sénégalais ordinaires n’ont pas confiance dans la capacité du gouvernement à gérer correctement les recettes publiques. Les mécanismes pour la transparence et l’imputabilité comme les corps de contrôle des finances publiques, le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif n’ont pas l’indépendance et la capacité de demander des comptes au gouvernement.
Le secteur de la santé, entre corruption et négligence
Le système de santé paie un lourd tribut à la corruption et à la mauvaise gouvernance. Les détournements massifs opérés par les gouvernements successifs ont privé le secteur de la santé d’investissements nécessaires, notamment dans les infrastructures, le matériel et le recrutement de personnel compétent et suffisant. C’est donc à cause de la corruption et de la mauvaise gouvernance que ce secteur se trouve aujourd’hui dans un état lamentable. Les hôpitaux publics prodiguent des soins de santé qui ressemblent à des pratiques vétérinaires. Seuls ceux qui n’ont pas les moyens y vont. À défaut de pouvoir compter sur les ressources sanitaires publiques disponibles, beaucoup de Sénégalais n’attendent que l’intervention de Dieu pour les « sauver » du Covid-19.
Dans son discours à la nation du 3 avril à la veille de la fête de l’indépendance du Sénégal, le président Macky Sall a annoncé la mobilisation de « 64,4 milliards de francs CFA pour couvrir toutes les dépenses liées à la riposte contre le Covid-19 ». Le Sénégal semble subitement disposer de ressources financières ainsi que d’un programme pour renforcer le système de santé. Pourquoi seulement maintenant ? D’où vient l’argent et qui le contrôle ? Le président doit des réponses aux Sénégalais. Le président doit aussi des excuses pour n’avoir pas pris aux sérieux la santé des Sénégalais.
Aucun hôpital n’a été construit par l’État ces dix dernières années. Aucun investissement majeur n’a été réalisé pour améliorer la qualité du système de santé. Dans le même temps, on a vu des stades construits ainsi qu’un TER (Train express régional) qui semble être enterré avant son émergence. Le complexe sportif “Dakar Aréna”a coûté 66 milliards de francs CFA, l’arène nationale de lutte 32 milliards, sans parler du TER (856 milliards pour 36 km). Des projets folkloriques extrêmement coûteux pour des gains électoralistes et de popularité, mais qui ne servent pas les Sénégalais ordinaires.
Lorsque charité bien ordonnée commence par les privilégiés
Les régimes qui se sont succédé au pouvoir ont toujours joui d’une reproduction systématique d’un privilège sanitaire, au détriment de l’intérêt général. Les membres du gouvernement ne vont pas dans les hôpitaux publics, mais préfèrent aller se soigner en France, au Maroc ou en Tunisie. L’État du Sénégal n’a jamais pris la peine de communiquer sur cette question. L’opinion publique sénégalaise devrait d’ailleurs exiger que les montants dépensés chaque année dans des hôpitaux et cliniques étrangers par l’État pour la santé des membres du gouvernement et de hauts fonctionnaires politisés soient au moins rendus publics.
L’évacuation de malades vers l’étranger est phénomène tellement banalisé qu’il est même devenu le fonds de charité de Marième Faye Sall, l’épouse du président. Plusieurs personnalités populaires en ont bénéficié. Ces actions de charité menées avec les ressources de l’État et outrancièrement médiatisées servent avant tout à améliorer l’image du couple présidentiel. Et celui qui ose dire que l’argent aurait pu être investi dans les hôpitaux du pays pour pouvoir servir à tous les Sénégalais, passe pour un méchant.
Faire autrement
Compte tenu de tous ces manquements, les ressources financières provenant de donateurs ne devraient pas être gérées par le gouvernement. En plus des risques de malversations, le ministère des Finances et du Budget souffre d’inefficacité due à la centralisation excessive du système de gestion des recettes et dépenses publiques. En contexte de propagation rapide du Covid-19, on a besoin de mécanismes flexibles et rapides en matière de prise de décision et d’opérationnalisation de celles-ci.
Un comité indépendant composé de membres de la société civile et de corps professionnels devrait être créé pour la gestion et l’utilisation des fonds. Il travaillerait en collaboration avec le ministère de la Santé. Pour rassurer les Sénégalais sur la transparence, une plateforme d’information sur les dépenses réalisées chaque jour devrait être mise en place.
L’infection communautaire est le type de propagation le plus redouté. Le comité pourrait travailler en même temps sur la sensibilisation, en s’appuyant sur des organismes locaux et d’autres relais pour un véritable travail communautaire, ce que le ministère de la Santé et de l’Action sociale ne sait pas faire.
Cette pandémie du Covid-19 doit permettre de revoir de fond en comble le système de santé, d’y investir pour un nouveau paradigme de gestion de qualité des hôpitaux et des urgences sanitaires.
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ET SI TOUS LES TAILLEURS AFRICAINS S'ENGAGEAIENT A PRODUIRE DES MASQUES..
EXCLUSIF SENEPLUS: Menuisier, tapissier d'origine africain, Mody Kanté qui vit actuellement au Etats-unis s'engage dans la lutte contre le covid-19 et donne des astuces aux tailleurs africains
Menuisier et tapissier, Mody Kanté qui vit actuellement à Baltimore dans le Maryland s'engage dans la lutte contre le Covid-19 et donne des astuces aux tailleurs africains pour la confection de masques de protection.
UNE KYRIELLE DE DÉRIVES DANS LES PASSATIONS DE MARCHÉS
Ces manquements, à en croire le Forum civil, sont flagrants notamment dans les critères de sélection de prestataires et dans l'appel d'offres relatif aux travaux de construction de 30 centrales solaires en lot unique
Le Coordonnateur du Forum Civil, Birahime Seck, relève de nombreux dysfonctionnements dans les passations des marchés publics. Ces manquements, à l’en croire, sont flagrants notamment dans les critères de sélection de prestataires et dans l'appel d'offres relatif aux travaux de construction de 30 centrales solaires en lot unique. Très amer, il déplore le caractère discriminatoire des procédures de passation de ces deux marchés.
Birahime Seck ne décolère pas contre les autorités du ministère du Développement communautaire, de l’Equité sociale et territoriale. En effet, le coordonnateur du Forum Civil reproche à Mansour Faye et ses services la manière dont ils ont récemment passé certains marchés publics. Il juge en effet discriminatoire la procédure d'appel d'offres pour les travaux de construction de 30 centrales solaires en lot unique. Il relève dans la même veine de graves manquements dans les critères de sélection de prestataires.
Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, le coordonnateur du Forum Civil interpelle le chargé de la Sécurité alimentaire du Ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, sur les critères du transport des denrées alimentaires. Il considère en effet que les critères fixés par le Commissariat à la Sécurité Alimentaire (Csa) favorisent un groupe de transporteurs au mépris des normes de justice et d’égalité liées à la question. «Le critère relatif à la sélection de prestataires disposant d'un parc opérationnel d'au moins cinquante (50) camions de transport de marchandises est non seulement discriminatoire, mais en plus favorise la surfacturation, la collusion et une capture des fonds pour le transport de marchandises par un groupe de transporteurs», assène Birahime Seck qui ne manque pas de rappeler : «Nous sommes en temps de crise et certains propriétaires de camions ne travaillent pas. Il est donc incompréhensible de vouloir réserver le marché du transport des denrées alimentaires seulement aux transporteurs qui disposent d’au moins 50 camions.»
A ses yeux, cela ne répond pas à une logique de crise et d’accès aux derniers publics.
Disséquant l’Appel d’Offres relatif aux travaux de construction de 30 centrales solaires en lot unique au profit de 7 régions, M. Seck trouve que c’est une exclusion à grande échelle des entreprises capables de faire les travaux de constructions. Et de lancer à l’adresse du ministre du Développement communautaire que cette situation favorise le monopole de la compétition des offres et accentue la dépendance technologique. «En cas de défaillance ou d’incapacité du contractant en cours d’exécution, tout le dispositif pourrait être paralysé», prévient le coordonnateur du Forum Civil.
par Moussa Bèye
LA PRISE EN OTAGE DE L’AGRICULTURE ET DES PAYSANS AU SÉNÉGAL
Comment expliquer une production arachidière qui atteignait en 1960-1961 les 900 000 tonnes puisse chuter à 700 000 en 2012-2013 ? Avec de forts doutes et des interrogations plus que légitimes portant sur la « surestimation » de ces derniers chiffres
Eh oui, Franz-Olivier Giesbert, au Sénégal aussi « Nous préférons toujours les révolutions que nous ne ferons jamais aux réformes qui changeront nos habitudes ». Abdoul Mbaye, nous en donne quelques preuves à travers « SERVIR », son livre publié en 2014 aux éditions Didactika.
Difficile de rester insensible à ce discours, celui d’un homme d’Etat, qui nous parle avec franchise et la sincérité que l’on doit à ceux-ce qu’on aime et que l’on respecte. Cette vérité qu’il s’est toujours promis de dire « en toutes circonstances »*.
Un discours qui reste constant, cohérent, documenté argumenté et structuré, basé sur des faits, par conséquent vérifiable. Et conformément à son style et a ses habitudes, son discours reste d’abord celui de la méthode et de la rigueur.
Comment l’agriculture sensée être la base de notre sécurité alimentaire, de notre développement économique ne bénéficie pas de tout le sérieux, de toute l’attention et de tous les moyens nécessaires et disponibles à son expression, son expansion voire à son épanouissement ?
Comment expliquer une production arachidière qui atteignait en 1960-1961 les 900 000 tonnes puisse chuter à 700 000 en 2012-2013 ? Avec de forts doutes et des interrogations plus que légitimes et fondées portant sur la « surestimation »* de ces derniers chiffres. Leur fiabilité reste à prouver et c’est le moins que l’on puisse dire. « Mais la spécificité du sous-développement est de savoir organiser la perte d’acquis parfois majeurs, alors que tout progrès est un processus de cumul sur les expériences positives, ou des leçons tirées de celles négative »*. Traduisant ainsi une « absence de vision et de maîtrise »* d’une politique d’un secteur aussi vital, livrée à des gens informels peu scrupuleux . Pour un pays qui a été une référence mondiale en matière de production arachidière, avec une expertise reconnue et sollicitée d’un peu partout. D’ailleurs « la recherche sénégalaise produisait pour le Sénégal, mais servait également en semences de pré-base les laboratoires d’autres pays du monde qui souhaitaient développer leurs productions de graines d’arachides. »*
Comment expliquer et faire comprendre de telles contre-performances en un demi-siècle avec tous les progrès et le développement que le monde a connu dans ce domaine et surtout « malgré les nombreux milliards investis »*. Décidément nous pouvons dire à la suite d’Edgar Faure, sans risquer d’être démentis que « l’immobilisme est en marche et rien ne l’arrêtera »*.
L’on a de prime abord un sentiment de tristesse, de désolation, mais aussi d’indignation et de révolte. Nous sommes trèsloin de la logique d’une « agriculture capable de nourrir la population sénégalaise, et au moins ses producteurs, aussi de constituer des stocks de sécurité pour les années mauvaises… »*. Nous avons eu le sentiment net que ce secteur aussi vital et aussi stratégique dans la vie d’une nation a été au mieux négligé et au pire livré à des trafics, des manipulations de lobbies qui eux savent ce qu’ils font et où ils veulent aller. Pendant ce temps, et face à des pratiques toxiques et quasi-criminelles, les sénégalais peuvent crever !
Notre agriculture fait face à des défis majeurs, nombreux qui entravent notre développement économique.
Difficultés liées au manque de d’information et de formation. La quasi-absence de formation des agriculteurs et leur manque notoire d’information constituent a en pas douter des facteurs de blocage à toute amélioration. En effet, le travail de la terre requiert de nos jours que les paysans soient mieux outillés si nous aspirons à renverser la tendance à importer l’essentiel de ce que nous consommons, à assurer notre sécurité alimentaire et à rééquilibrer notre balance commerciale fortement et structurellement déficitaire. Il est inconcevable qu’ils n’aient pas accès a des moyens modernes, aux nouvelles technologies et qu’ils ne bénéficient pas des meilleures pratiques qui se font ailleurs, si nous ambitionnons avec sérieux de relever ces défis.
L’information, la formation et un bon encadrement restent des impératifs si nous voulons qu’ils soient au fait d’une gestion rationnelle et optimale des espaces avec l’utilisation des meilleurs engrais et autres fertilisants. Et ce, d’autant plus qu’ils ne comptent que sur la saison des pluies pour accéder à l’eau. « Une bonne politique de l’eau, et en particulier celle évitant de dépendre de la seule saison de pluie, laquelle n’offre au plus que cinq mois d’activité par an… »*
Il y a aussi les difficultés liées à l’accès aux bonnes semences, si elles existent. Il faudrait d’ailleurs pouvoir les aider à les reconnaitre à travers des instituts de certification crédibles, bien outillés et indépendants. Les prix ne doivent pas être excessivement chèrs afin d’être à la portée des paysans très démunis en général et livrés à eux-mêmes. Il convient de noter également qu’ils ont très rarement accès à des sources de financements fiables et pérennes. Pour pallier à ces lacunes au Sénégal, et y remédier, l’Etat a mis en place un mécanisme de subvention aux semences. Louable si dans son esprit et dans son mode exécutoire les acteurs jouaient le franc-jeu …
La question des semences et plus spécifiquement « la politique semencière du Sénégal notamment dans celle de sa spécialité d’arachides … »*, revêt un caractère particulier, le dire comme cela relève d’un euphémisme.
Une particularité qui fait d’ailleurs que « le Président de la République avait tôt attiré mon attention. Il supportait difficilement toute cette organisation contre les intérêts du paysan et aux frais de l’Etat. Il en avait été témoin. »*
Pour escompter une excellente récolte, des semences de qualité feront nécessairement la différence. Ce qui est plus vrai encore pour nos petits agriculteurs qui tirent le diable par la queue pour accéder aux intrants, à des matériels agricoles, aux pesticides etc… Et sur cette question, ils font l’objet de spoliation, de tromperie, d’exploitation et d’abus inqualifiables. Notons par ailleurs qu’ils sont par moment acteurs et complices, malgré eux, de ces méfaits pour lesquels ils peuvent dans le très court terme se considérer « gagnants puisqu’ils achètent la graine avec une décote importante par rapport au prix du marché. Dans les faits, ils sont trompés sur la qualité et perdront en rendement. »* En effet, « des graines prétendument sélectionnées, mais souvent de très mauvaise qualité … »*, leur sont cédés par un mécanisme très vicieux et bien huilé au point de priver notre « industrie d’huilerie de graines à triturer »*. L’objectif ici n’est absolument pas de booster les rendements avec une excellente production. Bien au contraire, il s’agit de spéculer sans vergogne, ni retenue sur le dos de ces pauvres paysans, siphonnant au passage les finances publiques parce que « grassement subventionnées par l’Etat ». Tout en « condamnant la production à la stagnation et même à la dégénérescence … »*. La perpétuation de telles pratiques n’est pas étrangère à ces crises alimentaires auxquelles nous faisons face de façon périodique, sans parler du fait qu’ « on paie ainsi au prix fort, la destruction de l’agriculture sénégalaise »*
L’on ne peut manquer de ne pas nous indigner face à ce que l’auteur qualifie d’ « énorme scandale »*, qui « entre 2000 et 2012 a déjà coûté 101 milliards FCFA au titre de la subvention de semences d’arachides, auxquels s’ajoutent 39 milliards FCFA pour les autres productions, ces dernières à partir de 2003 »*. Afin d’illustrer le scandale, PAM nous en donne un exemple à travers la campagne agricole de 2012-2013 : « la graine en coque a été acquise par les opérateurs privés semencier (OPS) au prix de 175 FCA en début de campagne précédente, soit à partir de novembre ou décembre 2011 … Cinq à six mois plus tard, lorsque les besoins en semences pour la campagne 2012-2013 sont définis, les OPS vendent leurs graines au prix de 400 FCFA convenu avec l’Etat, réalisant ainsi une marge de brute de 225 FCFA, soit 130% »*. Ainsi est décrite la première phase pour ne pas dire l’entrée en matière. La seconde phase ou le mode opératoire, encore plus vicieuse et toujours dans cette même logique tordue des OPS, dont PAM profite pour nous rappeler qu’ils ne sont ni des producteurs, ni des agriculteurs, mais des spéculateurs qui sucent le sang des paysans et prennent en otage tout un peuple. Elle consiste quant- à elle à faire en sorte que « pour que cette graine puisse être acquise par le paysan, elle doit lui être cédée à un prix inférieur à celui du marché qui a atteint 325 FCA en raison de la rareté de la graine du fait de la mauvaise récolte. La subvention de l’Etat est alors arrêtée à 270 FCFA/Kg, ce qui permet l’achat par le paysan au prix de 130 FCFA/Kg ».* Cette petite gymnastique a coûté 10 milliards FCFA à l’Etat du Sénégal rien que pour la campagne 2012-2013. Ce « petit jeu » qui se traduit souvent en une simple écriture dans des livres comptables permet ainsi à ses acteurs souvent bien introduits dans certains cercles du pouvoir de réaliser des marges usuraires très confortables. Il y a également que cette « partie consacrée au programme semencier ne me semble pas acceptable » avec la conviction qu’ « on s’est donné trop de temps pour sortir du scandale »*. Et cela, « tout en y mettant les formes »*, nous rassure, en décidant de prendre en charge lui-même ce dossier afin d’en « assurer le suivi rapproché ».* Ce qui constitue en soi un des éléments d’explication qu’il soit extrêmement difficile de sortir de ce système, au fond connu de tous y compris du Président de la république. Le gouvernement qui pensait avoir pris les bonnes mesures en lui soumettant tous ces éléments , il « décide la fin de ce processus désastreux pour notre agriculture et nos finances publiques ».*
Cette décision sensée mettre définitivement un terme à ce processus au bout de deux ans, s’accompagnait d’une mesure dissuasive de ramener la subvention à 100 FCFA, prenant ainsi « au piège » *les spéculateurs. Il y’a eu là une prise de conscience d’un lobby aussi puissant et aussi dangereux pour renverser tout gouvernement. Et d’ailleurs à la lecture de ces passages, nous réalisons aussi que gouverner dans un tel environnement avec un tel état d’esprit, demande plus que du courage et de la ténacité. C’est à l’évidence s’engager dans un véritable front comparable aux terrains d’opérations des grandes guerres tant le risque parait énorme. On s’interroge même sur les comportements de certains ministres, ou de certaines administrations tant ce que l’auteur appelle « le comportement privé »* est aussi présente dans ces cercles-là, et il « n’est pas rare dans l’administration »* . Ils le feront savoir par tous les canaux disponibles.
Malgré une vaste expérience dans le domaine de la production arachidière, des chercheurs de haut niveau qui ont capitalisé des expériences considérables, le Sénégal est à la traine. Un pays qui a la capacité de mobiliser au de-là de ses moyens propres, des partenaires techniques au développement disposés à aider, devenus sceptiques et réticents. Ces derniers ont fini de ne plus prendre au sérieux ce pays tellement ils y ont déployé des ressources sans pour autant observer une réelle volonté de s’en sortir. Certains sont même allés jusqu’à « faire part des énormes efforts consentis et restés sans impacts visibles »*. Un gouvernement a réussi à en convaincre certains qui légitimement ont demandé en contrepartie « d’engagement de la part du Gouvernement, mais aussi de cohérence. Il leur faut lire la continuité programmatique, mais aussi une marche vers du concret, du pragmatisme au-delà de tous ces textes qu’ils connaissent bien. »*
* Bibliographie Mbaye, A. (2014). Livre Servir. Sénégal: Didactika.
Moussa Bèye est membre du cercle des cadres de l’ACT
LE PRÉSIDENT DE LA BAD, ACCUSÉ D'ABUS, NIE EN BLOC
Les lanceurs d'alerte accusent M. Adesina de favoritisme dans de nombreuses nominations de hauts responsables, en particulier de compatriotes nigérians, et d'avoir nommé ou promu des personnes soupçonnées ou reconnues coupables de fraudes ou de corruption
Candidat à sa réélection en mai, le président de la Banque africaine de développement (BAD), le Nigérian Akinwumi Adesina, fait l'objet d'accusations embarrassantes par des "lanceurs d'alerte", selon un document reçu lundi par l'AFP, initialement dévoilé par Le Monde.
"Comportement contraire à l'éthique, enrichissement personnel, obstacle à l'efficacité, favoritisme, (activités) affectant la confiance dans l'intégrité de la banque et engagement dans des activités politiques" : c'est un véritable réquisitoire que dressent contre leur président, dans ce document d'une quinzaine de pages, ces "lanceurs d'alerte" anonymes se présentant comme des "employés préoccupés de la BAD", première institution de financement du développement en Afrique, basée à Abidjan.
Dans un communiqué publié lundi à la suite de l'article publié dans le Monde, M. Adesina, 60 ans, a réfuté en bloc ces accusations, qu'il qualifie d'"allégations fallacieuses et sans fondement".Il a également indiqué que des enquêtes internes étaient en cours.
Elu en 2015 pour un mandat de cinq ans, M. Adesina, ancien ministre de l'Agriculture du Nigeria, apparaissait jusqu'à présent sans rival pour obtenir un deuxième mandat, après avoir reçu le soutien de l'Union africaine et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest.
Dans leur lettre datée d'"avril 2020" envoyée aux gouverneurs de la BAD, les lanceurs d'alerte accusent M. Adesina de favoritisme dans de nombreuses nominations de hauts responsables, en particulier de compatriotes nigérians, et d'avoir nommé ou promu des personnes soupçonnées ou reconnues coupables de fraudes ou de corruption, ou encore de leur avoir accordé de confortables indemnités de départ sans les sanctionner.
Entre 2016 et 2018, lors de "la grande campagne de recrutement qui a accompagné la restructuration lancée par le président Adesina", "environ 25% des nouveaux managers recrutés ont été des Nigérians", alors qu'ils représentaient 9% des embauches jusqu'alors, ce qui correspondait à la part du Nigeria dans l'actionnariat de la BAD, dénoncent les lanceurs d'alerte.
Parmi les personnes recrutées ou promues à des hauts postes figurent un beau-frère et un ami d'enfance de M. Adesina, ou d'anciens collaborateurs lorsqu'il était ministre au Nigeria, selon les lanceurs d'alerte.
- sabotage -
Ceux-ci s'interrogent aussi sur un possible "enrichissement personnel" de M. Adesina.Récompensé en 2017 et 2019 par deux prix internationaux totalisant 750.000 dollars (près de 700.000 euros), M. Adesina a assisté aux remises de ces prix, aux Etats-Unis et en Corée du Sud, accompagné de délégations comptant des "dizaines de personnes", aux frais de la BAD.Mais a-t-il remis le montant de ses prix à la Banque, se demandent-ils?
Les lanceurs d'alerte reprochent aussi à M. Adesina "l'utilisation des ressources de la Banque pour sa promotion et son enrichissement personnel".En effet M. Adesina a obtenu la propriété intellectuelle et touche les droits d'auteur de sa biographie, commandée et payée par la BAD à un auteur.
Les lanceurs d'alerte précisent s'être initialement adressés, en janvier, au comité d'éthique de la BAD, mais avoir réalisé ensuite que "des employés proches du président sabotaient toutes les tentatives du comité d'éthique de remplir ses fonctions".Ils dénoncent en outre "des tentatives pour découvrir leurs identités".
Economiste spécialiste dans le développement et l'agriculture, personnage charismatique jouissant d'une bonne image internationale, Akinwumi Adesina, qui porte toujours un noeud papillon de couleur vive en public, a vigoureusement démenti ces accusations, qui surviennent moins de deux mois avant la désignation du prochain président de la BAD, prévue le 28 mai.
"Je suis totalement convaincu que sur la base de faits et de preuves, les procédures régulières d’examen et la transparence révèleront que tout cela ne constitue que des allégations fallacieuses et sans fondement", a-t-il déclaré.
"Le Comité d'éthique du Conseil d'administration mène actuellement son action dans le cadre de ses systèmes d'enquête interne.Laissons le Comité achever son enquête et ses travaux sans interférence de quiconque ni de quelque média que ce soit", ajoute-t-il.
La BAD, une des cinq principales banques multilatérales de développement au monde, avait réalisé en octobre 2019 une augmentation de capital géante de 115 milliards de dollars, considérée comme un succès personnel pour son président.
La BAD compte 80 pays actionnaires (54 pays africains, 26 pays non africains, d’Europe, d’Amérique et d’Asie).
M. Adesina est le premier Nigérian à présider la BAD, dont le premier actionnaire est le Nigeria avec 9%.Des remous suivis de nombreux départs de cadres, se plaignant de son "autoritarisme", avaient agité la Banque après son arrivée.
Interrogé par AFP, la BAD n'a pas précisé si le processus de nomination était retardé en raison de l'épidémie de coronavirus.
LE COVID-19, "MALÉDICTION" DES PÊCHEURS
Sur le quai de pêche de Hann-Bel Air, le mareyeur Galaye Sarr s'en remet à Dieu pour que cesse la "malédiction" du coronavirus. Depuis que les avions sont cloués au sol, les poissons ne s'exportent plus, le privant de ses principaux revenus
Sur le quai de pêche de Hann-Bel Air, aux portes de Dakar, le mareyeur Galaye Sarr s'en remet à Dieu pour que cesse la "malédiction" du coronavirus. Depuis que les avions sont cloués au sol, les poissons ne s'exportent plus, le privant de ses principaux revenus. Galaye Sarr, 23 ans, travaille sur le quai des exportations depuis son enfance. Il achète les prises ramenées par les pêcheurs qui écument la côte atlantique à bord de pirogues multicolores, les trie et les vend à des usines, qui les conditionnent pour l'exportation par avion ou bateau, notamment vers l'Europe.
Depuis l'apparition du Covid-19 début mars au Sénégal, les autorités ont interdit les rassemblements et proscrit la circulation entre les villes. Surtout, la quasi suspension du trafic aérien prive toute la filière de la pêche d'un débouché essentiel.
Au Sénégal, la pêche occupe environ 17% de la population active, elle représente 22,5% des recettes d'exportation et plus de 70% des apports de protéines d'origine animale, indiquait fin 2014 l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)."Ce poisson est un merlot noir. D'habitude, il est exporté vers l'Italie. Mais à cause du coronavirus, tous les vols ont été annulés", explique Galaye Sarr en désignant du doigt des caisses frigorifiques entreposées dans une chambre froide. "Ca, ce sont les thiofs (mérous), là-bas les liches noires et les liches rouges, derrière, les rascasses".
Les portes de l'exportation fermées jusqu'à nouvel ordre, les vendeurs tentent de rediriger leurs stocks vers les marchés locaux, mais ceux-ci sont saturés et les prix ne font que baisser. Certains mois, Galaye Sarr arrivait à épargner jusqu'à 100.000 francs CFA (150 euros), dit-il, mais à présent, il gagne à peine 20.000 CFA (30 euros), à peine de quoi vivre.
En outre, il est quasiment impossible de respecter les distances de sécurité. "Au travail, on mange ensemble, on boit ensemble, on fait tout ensemble. J'ai vraiment peur. Peut-être qu'un jour Dieu va enlever cette malédiction". C'est toute la famille du jeune homme qui subit la crise. Ses proches, pêcheurs, restent à quai. "Même s'ils attrapent des poissons, on ne peut plus le vendre. Alors ils restent chez nous", soupire-t-il. "Mon commerce est familial. Mes enfants et cousins travaillent sur nos pirogues. Si on ne peut plus vendre, comment on va faire ?", s'inquiète Moussa Diop, qui possède deux pirogues.
L'AFRIQUE POURRAIT PERDRE 20 MILLIONS D'EMPLOIS A CAUSE DU CORONAVIRUS, SELON L' UNION AFRICAINE
Mais si l'Afrique a été pour l'instant moins touchée par le coronavirus que la Chine, le sud de l'Europe et les États-Unis, elle en subit déjà les conséquences économiques à cause de ses liens commerciaux avec ces régions.
La pandémie de nouveau coronavirus pourrait avoir des conséquences catastrophiques en Afrique, comme par exemple la perte de 20 millions d'emplois ou la hausse de l'endettement, anticipe une étude de l'Union africaine publiée lundi.
"Près de 20 millions d'emplois, à la fois dans les secteurs formel et informel, sont menacés de destruction sur le continent si la situation persiste", prévient cette étude, qui estime que les pays dont l'économie repose largement sur le tourisme ou la production pétrolière sont les plus à risque.
Ce document de 35 pages avance deux scénarios, un qualifié de "réaliste" qui prévoit que la pandémie dure jusqu'en juillet et que l'Afrique "n'est pas trop affectée", et un "pessimiste" durant jusqu'à août et dans lequel le continent souffre plus.
Dans les deux scénarios, la croissance économique en Afrique serait négative, de -0,8% et de -1,1% respectivement. Avant que la pandémie ne touche le continent, la Banque africaine de développement (BAD) tablait sur une croissance de +3,4% pour 2020.
Lundi, 9.198 cas de coronavirus et 414 morts avaient été officiellement recensés dans 51 pays africains, selon le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC).
Mais si l'Afrique a été pour l'instant moins touchée par le coronavirus que la Chine, le sud de l'Europe et les États-Unis, elle en subit déjà les conséquences économiques à cause de ses liens commerciaux avec ces régions.
Le continent africain pourrait voir ses importations et exportations baisser de 35%, soit d'environ 270 milliards de dollars (259 milliards d'euros).
Le président Issoufou Mahamadou mardi lors de son passage télévisé, à Niamey, le 18 mars 2020. (Présidence Niger)
Avec la progression du virus, la baisse des cours du pétrole devrait profondément toucher des pays comme le Nigeria ou l'Angola, et les restrictions pesant sur le transport aérien pourraient coûter au secteur du tourisme "au moins 50 milliards de dollars" et "au moins 2 millions d'emplois directs et indirects", selon l'étude.
Avec la baisse des revenus, les gouvernements africains "n'auront d'autre option que de se tourner vers les marchés internationaux", ce qui pourrait faire s'envoler l'endettement, estime-t-elle.
Certains dirigeants africains ont déjà anticipé cette difficulté. Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a demandé en mars au G20 d'alléger la dette des économies les plus vulnérables et de préparer un plan d'aide financière d'urgence d'une valeur de 150 milliards de dollars.
L'étude suggère que la Commission de l'Union africaine "devrait mener les négociations en faveur d'un plan ambitieux d'annulation de la dette extérieure totale de l'Afrique", estimée à 236 milliards de dollars.
LE DEBRIEFING DU MINISTRE AMADOU HOTT
Amadou Hott revient largement sur les tenants et aboutissants du discours à la nation du président Macky Sall
Sur les 1000 milliards à mobiliser pour faire face au Covid-19, le ministre de l’Economie, de la coopération et du plan, en mission de débriefing du discours du président de la République du 3 avril a affirmé qu’ «une bonne partie du fonds de Force Covid-19 viendra de nos partenaires au développement multilatéraux et bilatéraux en prêts concessionnels, et surtout en dons». Avant de préciser: «De ces partenaires, on note la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement, l’Union européenne, l’Agence française de développement, l’Allemagne, le Luxembourg, le Canada, le Japon…». A l’en suivre: «Le concours de tous ces partenaires nous permettra de ne pas creuser trop le déficit budgétaire, qui sera absolument creusé comme tous les pays du monde». Amadou Hott est par ailleurs largement sur les tenants et aboutissants du discours à la nation.
337 milliards de perte de recettes attendues
Pour ce qui est de la perte en recettes, Amadou Hott laisse entendre que «l’Etat a décidé de réarranger le budget pour dégager une économie de 159 milliards et il n’aura 178 milliards à financer les pertes de recettes». Parce que, dit-il: «Ce que nous attendons en perte de recettes pour l’Etat, c’est dans l’ordre de 337 milliards, pour financer 178 milliards dans le plan Force Covid-19 et 159 milliards d’économie budgétaire sur certaines dépenses de fonctionnement». A suivre ses explications: «Toutes les administrations sont sollicitées, de la présidence à toutes les structures de l’Etat pour réduire les dépenses de fonctionnement, ainsi que les dépenses d’investissement à reporter jusqu’à l’année prochaine». Sur la contribution des Sénégalais à la Force Covid-19, le ministre fait savoir qu’ «à ce jour (samedi 3 avril) nous sommes à 9 milliards de francs CFA mobilisés par le secteur privé national et des bonnes volontés. Ces fonds sont issus de différentes personnalités, de différentes entreprises, de différents patronats, de différentes associations et des bonnes volontés manifestant ainsi leur solidarité à l’Etat par la remise de chèques ou faisant des virements bancaires sur le compte dénommé trésorier général du Sénégal covid-19 ouvert à la Banque centrale». Il mentionne également: «Ceci est valable dans n’importe quelle agence du trésor du pays».
Sur les mesures sociales, Senelec, eau…
Pour ce qui est de l’éligibilité de la tranche sociale des ménages concernés par la paie de la Senelec, le ministre clarifie: «Nous partirons sur la base de données de la Senelec, qui est de 952 500 connus qui sont dans la tranche sociale. Mais de cette tranche sociale, une partie de ces ménages sont au-delà de cette tranche sociale pour qui on paie la partie de la tranche sociale». En clair, dira-t-il : «Si un particulier paie jusqu’à 15 000 francs CFA, c’est l’Etat qui paie. Si un autre paie jusqu’à 25 000 francs CFA, l’Etat paie les 15 000 francs CFA et le reste c’est le particulier lui-même qui paie le reste de la facture. C’est-à-dire les 10000 francs restants. Au total, c’est 975 522 ménages qui sont concernés, soit une enveloppe de 15,5 milliards de francs CFA que le président de la République a jugé important de reverser à ces ménages en difficultés. Ceci est valable pour l’eau», tout en précisant que: «Le tout pour un bimestre».
69 milliards de vivres pour 1 million de ménages
Au titre de l’aide alimentaire aux ménages concernés, Mr Hott soutient qu’une bonne partie de la tranche sociale est concerné. Sur ce, il fait savoir qu’ «aujourd’hui, nous avons une base de données de 588 000 ménages pauvres, le président a décidé d’augmenter 412 000 ménages supplémentaires qui seront déterminés à partir d’études faites dans toutes les collectivités locales, de concert avec les maires, les sous-préfets et les associations, de manière transparente et ouverte pour atteindre ce million de ménages, soit environ 8 millions de personnes concernées par ces mesures. Pour l’obtention de cette aide, le ministre se veut clair: «On ne donne pas d’argent, pas de cash». En clair: «En dehors du Programme national de Bourses de Sécurité familiale (Pnbsf), il n’y a pas de transfert de cash supplémentaire. Ce sont des transferts en vivres. Chaque famille recevra en vivres à peu près 66 000 francs CFA équivalent de vivres (riz, huile, sucre, pâte alimentaire, savon)».
12 milliards pour les hôtels réquisitionnés, des entreprises exonérées de l’impôt sur le salaire
Pour le secteur hôtelier, «ce que nous budgétisé en appui direct en réquisitionnant 4000 lits pour deux mois, soit environ 12 milliards de francs CFA, est une manière de soutenir le secteur. Pour le moment, il n’y a pas de fixation sur tel ou tel autre hôtel. Cela dépendra des sociétés impliquées. Les autres pourront avoir accès à ces facilités de financement aux fins de résoudre des besoins de trésorerie immédiat qui les permettront de ne pas licencier et à continuer à payer les salaires», explique le ministre sachant que l’Etat renonce à l’impôt sur le salaire pour ces entreprises en difficultés.
Autres mesures et pas des moindres pour les entreprises en règle avec les salaires des travailleurs, le ministre dira: «Les salaires qui seront payés, l’Etat va exonérer l’impôt sur le salaire pendant trois mois pour ces entreprises en difficultés». D’autres mesures prises par l’Etat souligne-t-il «vont permettre à ces entreprises des besoins de trésorerie plus satisfaits. Par exemple sur le remboursement de crédits sur la taxe sur la valeur ajoutée (Tva). Sur ce volet, en général, le ministère de l’Economie prend du temps, mais là le ministère va mettre en place une procédure en mode fast-track pour que les entreprises puissent être remboursées le plus rapidement possible. Et ainsi faire face à des besoins de trésorerie…».
Les PME exonérées de l’impôt forfaitaire
Pour les Petites et moyennes entreprises (Pme) dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 100 millions francs CFA, explique le ministre: «Le président a décidé de supprimer l’impôt minimum forfaitaire de 500 000 francs CFA. C’est-à dire quel que soit votre résultat, l’Etat a décidé de renoncer à cet impôt. L’autre chose qui me parait important, c’est l’accès aux financements à travers les sociétés de micro-finance qui financent les Groupements d’intérêts économiques (Gie) puissent avoir accès auprès des banques avec des taux de sorties réduites».
LE PATRON DE LA BAD CONTESTÉ PAR DES EMPLOYÉS
« Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Le Monde Afrique |
Joan Tilouine et Yassin Ciyow |
Publication 05/04/2020
Des employés viennent d’alerter les gouverneurs de la Banque sur des comportements « contraires à l’éthique » et des traitements de faveur au sein de l’institution panafricaine.
Une enquête interne, sensible et gênante, suit son cours à la Banque africaine de développement (BAD). En toute discrétion car elle vise son président, le nigérian Akinwumi Adesina. A la tête, depuis 2015, de la première institution de financement du développement d’Afrique, ce brillant économiste et ancien ministre de l’agriculture du Nigeria (2011-2015) se retrouve accusé par une frange du personnel de favoritisme au profit de proches compatriotes et de comportements « contraires à l’éthique ». Les soupçons portent également sur des cas de « violation du code de conduite » et d’« entrave à l’efficacité (…) affectant la confiance dans l’intégrité » de la Banque.
A l’origine de cette affaire embarrassante, il y a « un groupe de membres du personnel préoccupés » par des pratiques jugées douteuses qu’ils ont recensées avec minutie, dans l’ombre, pour éviter, disent-ils, une « crise institutionnelle ». Soucieux de préserver leur anonymat, ces employés se sont mués en lanceurs d’alerte, comme le permet le code de conduite de la BAD. Le 19 janvier, ils ont déposé plainte et transmis au département de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la Banque un document de onze pages détaillant seize cas d’abus présumés, impliquant parfois directement le président Adesina. Des allégations actuellement « examinées par le conseil des gouverneurs de la BAD », précise le directeur du département des services juridiques, Godfred Awa Eddy Penn, qui s’interdit tout commentaire.
Depuis, ces lanceurs d’alerte déplorent des entraves à l’enquête mais aussi « des tentatives faites pour découvrir nos identités », écrivent-ils dans une lettre adressée en ce début de mois d’avril, cette fois directement aux gouverneurs de la BAD, représentant les 54 pays membres africains et les 26 pays non régionaux (dont la France). « Des membres du personnel proches du président [Adesina] se sont efforcés de saboter toutes les tentatives du comité d’éthique de remplir ses fonctions », soulignent les lanceurs d’alerte dans cette dernière missive. Ce dernier n’a pas souhaité réagir.
« Nigérianiser » la BAD
Dans cette note consultée par Le Monde Afrique, les lanceurs d’alerte commencent par pointer des « traitements de faveur » accordés à des ressortissants du Nigeria, première puissance économique d’Afrique et principal actionnaire de la BAD depuis sa création en 1964. « Alors qu’environ 9 % des nouvelles recrues étaient des Nigérians (ou des binationaux d’origine nigériane), ils représentent environ 25 % des postes de direction nouvellement recrutés », écrivent-ils. Ce qui donne un certain écho aux critiques formulées ces dernières années par des gouverneurs de la BAD mais aussi par certains chefs d’Etat du continent.
Fin 2019, le président tchadien, Idriss Déby, avait écrit à M. Adesina pour exprimer son agacement à ce sujet. L’Ethiopie avait aussi rappelé disposer de candidats pour des postes à responsabilité. « Adesina n’a pas caché sa volonté de “nigérianiser” la BAD en confiant à des compatriotes les postes-clés, mais aussi en accordant plus facilement des lignes de crédit à des entreprises nigérianes de premier plan », dit un ancien cadre proche du président. Un autre dénonce un faux procès : « Proportionnellement à ses parts de capital, le Nigeria [9,33 %] est sous-représenté parmi le personnel de la BAD. A l’inverse, la France [3,7 %] compte de nombreux salariés. »
Des proches du président Adesina ont été désignés à des fonctions stratégiques au sein de cette institution établie à Abidjan qui gère notamment de l’argent public des contribuables africains. Mais ces nominations font fi des règles strictes de recrutement, insistent les lanceurs d’alerte. Ces derniers citent le cas d’un ami de M. Adesina nommé à un poste de direction, pourtant encore occupé par son prédécesseur. Ce qui contraignit la BAD brièvement à régler deux salaires. Un autre, ami d’enfance cette fois, s’est vu octroyer, en 2017, un contrat de 326 000 dollars (environ 300 000 euros) pour sa société de communication nigériane, avant d’être lui-même recruté à la BAD quelques mois plus tard. Pourtant, lors d’un audit interne de l’institution, le contrat avait été signalé comme relevant potentiellement d’un « conflit d’intérêt ».
Vague de départs
Plus récemment, une juriste nigériane réputée pour ses compétences et son entregent fut propulsée fin 2019 à la tête du forum d’investissement qu’organise la BAD. Or cette ancienne dirigeante de la Commission nationale des pensions au Nigeria, avait été limogée deux ans plus tôt par le président Muhammadu Buhari. Elle est depuis visée par des enquêtes des autorités de son pays pour de présumés détournements de fonds publics. « M. Adesina ne pouvait pas ignorer sa situation [judiciaire] lorsqu’il l’a recrutée », écrivent les lanceurs d’alerte dans leur note. Interrogée à ce sujet, la BAD n’a pas souhaité réagir.
Un proche conseiller d’Adesina reconnaît, sous couvert d’anonymat, une forme de « gouvernance verticale parfois perçue comme autoritaire », avant de rappeler que le président « a la liberté politique de choisir des hommes et des femmes en qui il a confiance. C’est comme ça partout ». A 60 ans, M. Adesina va briguer un second mandat cette année et compte bien rester le tout-puissant patron de la BAD qu’il a dynamisée à sa façon, en attirant notamment des capitaux privés. Dans un secteur du développement particulièrement concurrentiel et politique, l’institution reste un acteur incontournable dont le capital passera de 93 à 208 milliards de dollars d’ici à dix ans. « Cette augmentation de capital est sans précédent et Adesina est sans doute le meilleur promoteur que la Banque n’ait jamais eu », explique un diplomate occidental.
Sauf qu’en interne l’ambitieux et séduisant M. Adesina jouit d’une réputation plus nuancée et sa gouvernance est particulièrement contestée. Volontiers « show off », un brin autoritaire dans sa manière de diriger, le patron se montre indifférent aux critiques et à la grogne de ses employés. Il n’a guère semblé s’émouvoir de la récente vague de départs volontaires de certains des meilleurs techniciens de la BAD, las de sa gouvernance et des lubies de sa « cour ». « Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Mélange des genres
Sur le plan international, M. Adesina est une personnalité reconnue et appréciée, lauréat du Prix Sunhak de la paix 2019, deux après avoir reçu le World Food Prize. Sauf que les 750 000 dollars perçus pour ces deux prix n’ont, selon les lanceurs d’alerte, jamais été reversés dans les caisses de la BAD qui a pourtant réglé les déplacements de sa délégation pour assister aux cérémonies, aux Etats-Unis et en Corée du Sud. Même mélange des genres autour de sa biographie, parue en 2019 : la BAD paie l’auteur chargé du portrait élogieux du président Adesina qui en conserve les droits à titre privé.
Il n’aime rien tant que parler de sa « vision » pour l’agriculture, du développement du continent africain. Plus discrètement, il fait de la politique inhérente à sa fonction. « Il a décomplexé les réserves politiques d’usage et donne l’impression de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont porté au pouvoir », observe un ancien cadre, déçu par le président Adesina.
Très proche du chef d’Etat ivoirien Alassane Ouattara, qui l’avait soutenu lors de sa première candidature et a annoncé qu’il l’appuierait à nouveau, le président de la BAD à l’éternel nœud papillon s’affiche volontiers avec les responsables politiques de son pays, le Nigeria. Il s’y rend fréquemment, se mettant en scène avec le chef d’Etat, Muhammadu Buhari, ou avec son vice-président Yemi Osinbajo.
« Traitement de faveur »
D’après les lanceurs d’alerte, les Nigérians ne sont toutefois pas les seuls à bénéficier de « traitements de faveur ». Dans leur document, ils pointent du doigt d’autres recrutements et démissions de hauts cadres intervenus ces dernières années dans des circonstances douteuses. Et les cas sont, là aussi, légion. Ainsi, en 2016, le tout fraîchement nommé directeur des ressources humaines signe un contrat avec une entreprise de recrutement kényane dans laquelle il aurait des parts.
Alors qu’un audit interne est demandé pour faire la lumière sur cette affaire, le président Adesina aurait, selon les lanceurs d’alerte, permis à son collaborateur de démissionner et de jouir d’une « importante indemnité de départ ». Cette même année 2016, un cadre zambien a « attribué frauduleusement », selon un autre audit et une enquête interne, deux contrats d’un montant de 18 millions de dollars à des sociétés russe et américaine. Il a été promu en octobre 2019. « Un cas d’impunité qui laisse perplexe », notent les lanceurs d’alerte. A les lire, ces pratiques n’ont pas vraiment cessé. En janvier 2020, le bureau de l’éthique de la BAD a une nouvelle cheffe nommée grâce à de « petits arrangements entre amis », en dépit de ses erreurs passées. Elle avait accusé son prédécesseur de harcèlement mais sa plainte s’est avérée fausse et « malveillante », selon une enquête interne.
« Le président nomme comme cheffe de l’éthique une personne coupable d’un comportement gravement contraire à l’éthique », constate les lanceurs d’alerte qui se disent mobilisés pour « empêcher la fraude, la corruption ou la mauvaise conduite (…) pour rétablir la confiance dans l’efficacité de la gouvernance de la Banque ». La direction de la BAD assure que ces faits, pour la plupart démontrés par des enquêtes internes passées, sont actuellement « examinés ».
par Papa Demba Thiam
COVID-19 ET DÉVELOPPEMENT, COMMENT COMPTER SUR LES ÉLITES AFRICAINES ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Le rôle de la superstition inhibe les capacités de réflexion des élites africaines - Dans leur imaginaire collectif, dire qu’un malheur pourrait arriver est perçu comme un souhait
Il y a beaucoup de dissertations sur le rôle des gouvernants, des leaders politiques et de la société civile dans la lutte contre le Covid-19 en Afrique. On en a aussi beaucoup entendu de son brave corps médical et de ses forces de l’ordre et de sécurité. Quid des élites africaines en termes de propositions concrètes sur l’après Covid-19, pour une Afrique encore plus forte et moins vulnérable aux chocs extérieurs du genre de la pandémie du Covid-19 ?
A dire vrai, j’ai une pensée émue pour les gouvernants africains. Je sens leur solitude au moment où certains pays développés entrent en mode-prospective pour imaginer des scenarii parmi les pires, avec la propagation du Covid-19 et les réponses géostrophiques qu’ils imaginent apporter en termes de positionnement sur l’Afrique. Ils sont dans leurs rôles de prévision, pour planifier leurs attitudes. Ils s’appuient sur leurs élites pour analyser la situation chez leurs partenaires africains et décider de leurs alternatives d’actions. « Gouverner, c’est d’abord prévoir ».
Les chefs d’Etat africains nous avaient épatés et avaient donné l’exemple, le 2 Décembre 2019 avec le « Consensus de Dakar ». Bien que conscients de leur forte dépendance financière vis-à-vis des institutions multilatérales, ils ont d’abord reçu leurs hauts dirigeants avec force hospitalité et honneurs. Ensuite, ils ont eu le « courage » de les réunir en conférence internationale publique à Dakar, pour leur expliquer en (public), comment ils trouvent leurs instruments conceptuels et analytiques inadaptés aux contextes africains, au point de générer des effets pervers de leurs déclarations et interventions sur leurs économies.
Comment ne pas aussi saluer le fair-play dont les partenaires au développement ont fait montre en les écoutant religieusement. En évitant toute polémique. En promettant de prendre leurs observations en considération. C’est comme cela que ça doit se passer en termes de coopération au développement. C’est cela l’esprit du multilatéralisme. C’est du reste, ainsi que les institutions internationales travaillent mieux, ailleurs qu’en Afrique. Parce qu’ailleurs, il y a du répondant dans le cadre de dialogues sincères, ouverts et décomplexés.
De retour à leurs pénates, les dirigeants de ces institutions internationales ont probablement dû réunir leurs experts pour rendre compte, demander des conseils, discuter et instruire. Il devrait en être de même pour les chefs d’Etat africains. Et à l’heure actuelle, dans les états-majors africains, on devrait être en mesure de discuter et d’enrichir des documents de stratégies et d’action comme suites au « Consensus de Dakar ». Mais sur quelles élites les chefs d’Etat africains peuvent-ils vraiment compter en pareils exercices ? Objectivement.
Les politiciens, entrepreneurs et leaders d’opinion du monde occidental n’hésitent pas à approcher des experts qui ne partagent pas leurs positions idéologiques pour s’inspirer de leurs idées et mieux voir dans leurs propres angles morts. Ils essaient même de les « débaucher » pour mieux utiliser leur puissance intellectuelle. Parce qu’ils ont compris qu’il ne faut pas haïr ses adversaires au point de ne pas leur reconnaître des qualités. Pour une raison simple, ce sont les qualités d’un adversaire qui représentent un danger pour soi. En Afrique, on tente de l’étouffer. On le persécute.
Les réactions aux articles de presse sur une note de prospective destinée au ministère français des Affaires étrangères sont très intéressantes à analyser. Cette note décrit ce que pourrait être la situation économique et sociale d’après Covid-19 pour plusieurs pays africains et propose des stratégies politiques pour le gouvernement français. D’aucuns disent que prévoir des situations de révoltes sociales relèvent de souhaits de malheurs, donc de méchanceté et de haine de l’Afrique. D’autres trouvent que c’est de la « simple prospective ». Ces deux positions sont aveuglantes.
Ce sont ceux qui font de la prospective qui se donnent les moyens d’accompagner ce qu’ils croient venir. C’est pourquoi ce qu’ils pensent pouvoir arriver, peut justement finir par arriver. C’est comme à la bourse. Quand on croit qu’elle va monter, elle finit par le faire. Parce qu’on y achète alors des titres, ce qui finit par la faire monter. C’est comme cela que les pays développés gouvernent. Parce que dans leur monde, la prospective n’est pas une affaire de voyance moderne avec une boule de cristal. C’est un instrument de politique et d’action. Il faut donc prendre les notes de prospective au sérieux. Rien n’arrive par hasard. Les phénomènes sont aidés à se réaliser.
Le rôle de la superstition inhibe les capacités de réflexion des élites africaines. Parce que dans leur imaginaire collectif, dire qu’un malheur pourrait arriver est perçu comme si on le souhaite. C’est pourquoi beaucoup d’analystes de talent ne s’aventurent pas sur ce terrain. Résultat, on se concentre sur ce qu’on sait faire le mieux : pleurer sur notre sort et se dédouaner de toute responsabilité en mettant tout sur le dos du sort.
Il s’agit-là d’un piège énorme qui risque d’obstruer l’horizon pour les analystes africains. Cette attitude psycho-sociologique n’aide pas les gouvernants qui ont aussi besoin d’écouter les porteurs de mauvaises nouvelles potentielles. Pour justement faire en sorte qu’elles n’arrivent pas, en étant proactif dans la recherche de stratégies palliatives. Mais il est vrai que la même prédisposition psycho-sociologique habite beaucoup de dirigeants africains. Et leur fait tirer sur les porteurs de « mauvais » messages au lieu de les écouter et de leur demander de proposer des solutions pour les éviter. Beaucoup de ceux qui les entourent se complaisent dans cette situation qui le confère une rente et les protège contre leur insécurité intellectuelle et technique.
Quel expert ose commencer par dire qu’il y peut y avoir des catastrophes sans être jeté en pâture et subir un procès en sorcellerie ? C’est ainsi que peu d’experts proposent des solutions de sortie d’une crise économique, financière et sociale que le Covid-19 va inévitablement installer en Afrique. Parce qu’ils doivent d’abord énoncer les raisons de l’éminence d’une catastrophe. Dans une situation ou soit les gouvernements ne prennent pas de mesures de confinement, alors c’est une catastrophe sanitaire qui risque d’emporter des millions de personnes sur le continent. Soit ils prennent des mesures de confinement et l’activité économique va beaucoup ralentir avec à la clé, du chômage et de la pauvreté qui vont durablement s’y installer. Des situations perdant-perdant.
Les meilleures politiques possibles se trouvent certainement entre ces deux extrêmes. Mais dans tous les cas, elles demandent une certaine forme de « déconnexion » avec l’économie mondiale telle qu’elle est actuellement globalisée. Et cette réflexion doit se faire maintenant, en même temps que des réponses d’urgence doivent être développées, financées et déployées pour contenir les effets sanitaires et économiques de la pandémie du Covid-19. Gros dilemme pour les gouvernants africains et leurs experts : comment dépendre des solutions d’urgence qui doivent être financées par les institutions financières multilatérales chevilles ouvrières de la globalisation actuelle, tout en leur promettant de « rompre » avec leurs pratiques courantes pour mieux asseoir le développement de l’Afrique sur des bases endogènes, tel qu’envisagé par le « Consensus de Dakar » ?
La grosse erreur des gouvernants africains serait d’en faire un jeu à somme nulle et, face aux solutions d’urgence, de jeter en pâture ceux des experts africains qui sont à même de théoriser et d’opérationnaliser cette déconnexion qu’ils veulent et se doivent d’opérer à moyen et long terme. La même « déconnexion » de la vulnérabilité verticale directe de leurs économies à l’économie mondiale que des gouvernements comme ceux de la France veulent maintenant, aussi opérer en « rapatriant » certaines de leurs industries stratégiques par la restructuration et l’internalisation de certaines chaines de valeurs pour rendre leurs économies plus résilientes.
Cette même quête est plus que jamais légitime pour les pays africains. Leurs experts doivent être décomplexés pour ouvertement assumer des positions qu’ils croient justes et des stratégies opérationnelles qu’ils pensent pouvoir aider leurs peuples à être mieux gouvernés et jouir enfin des ressources dont Dieu les a dotées ? Quelle est cette forme de terrorisme intellectuel, moral, institutionnel ou politique qui leur fait se cagouler ? Pourtant, ils prient tous les jours pour que Dieu leur donne le courage de croire en lui pour faire et dire ce qui est juste.
La réponse est tristement simple. Beaucoup d’experts n’osent pas prendre le risque de s’aliéner des institutions qu’elles accusent en privé, de fabriquer de la pauvreté en Afrique. Pourtant, celles-là ne devraient pas avoir envie qu’on ne leur dise que ce qu’on croit qu’elles veulent entendre. Au contraire, leurs hauts dirigeants veulent savoir ce qu’il faut vraiment faire pour que les effets non-désirés de leurs stratégies et opérations ne leur reviennent pas à la figure comme des boomerangs et saper leurs crédibilité et légitimité.
Déjà avec la crise migratoire, les pays partenaires-au-développement autant que les institutions multilatérales qu’elles financent ont fini par comprendre que nous vivons dans un même monde fini. Que les crises alimentaires, sociales et politiques qui génèrent des conflits et déplacent des populations vers les pays du Nord, créent de l’instabilité dans les pays d’accueil. Les migrations y bouleversent leurs équilibres politiques et favorisent l’arrivée de mouvements populistes.
Ces dirigeants ont donc compris que le développement économique et social de l’Afrique n’est pas une option, mais une nécessité vitale pour tous les pays développés. Ils ont maintenant compris que les désastres que peuvent provoquer le Covid-19 en Afrique peuvent avoir des conséquences encore plus graves dans les pays occidentaux. L’heure est donc à l’unité des diversités de pensées et de stratégies, pour trouver les meilleures solutions pour tous. Quoi de plus normal alors que de compter sur toutes les élites et expertises africaines pour les aider à mieux comprendre ce qu’il vaut mieux faire en Afrique pour enrayer la pauvreté à laquelle le continent n’est pas prédisposé ?
Les élites africaines vont-elles devenir plus courageuses avec les risques de cataclysme de la pandémie du Covid-19 ? Parce qu’il était déjà navrant de constater que certains des intellectuels africains qui sont conviés à des rencontres du savoir et de l’expertise jouent de la langue de bois, pour ne pas dire de la fumisterie, en embrassant en public ce qu’ils brûlent en privé, dans les couloirs. Il faut dire que la plupart d’entre eux sont des consultants qui ne croient pouvoir vivre que de projets financés par les bailleurs de fonds. D’autres rêvent de rentrer dans le « système » qu’ils disent pourtant abhorrer, en privé. C’est aussi cela le drame de l’Afrique. Beaucoup d’élites se mentent tous les jours et leurrent leurs gouvernements tout-autant que leurs partenaires au développement, ce qui laisse le champ libre aux simples bureaucrates qui ne délivrent que ce qu’ils savent faire le mieux. « La nature a horreur du vide ».
J’ai des nouvelles pour les élites africaines frileuses. Il ne faut pas être plus royaliste que le roi. Ceux qu’elles croient être les « adversaires » de l’Afrique n’ont jamais été aussi proches du continent que maintenant. En gens de conviction pour notre pire ou notre meilleur, on les sent présents autour de tout ce qui se dit et s’écrit sur l’Afrique. Ils se rapprochent parce qu’ils peuvent à présent, mener un même combat avec l’Afrique, chacun dans ses quartiers, avec ses moyens. Alors élites africaines, finissez-en avec vos phobies et assumez vos convictions. Nous avons besoin de tout le monde pour aider nos peuples à se sortir de ce tragique guêpier qui nous est tous tendu avec la propagation du Covid-19 en Afrique.
Papa Demba Thiam est économiste, expert en Développement Industriel Intégré par des Chaines de Valeurs