SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
30 avril 2025
International
JE CHERCHE ENCORE MA VOIE
Dans son nouvel album intitulé « De la glace dans la gazelle », qui sort en avril prochain, Wasis Diop évoque des thèmes actuels : les réfugiés, la pandémie de Covid-19, les problèmes climatiques, la culture africaine… Entretien
On pourrait le prendre pour un poète, un nomade qui, avec sa guitare, cherche encore sa voie musicale. Dans son nouvel album intitulé « De la glace dans la gazelle », qui sort en avril prochain, Wasis Diop évoque des thèmes actuels : les réfugiés, la pandémie de Covid-19, les problèmes climatiques, la culture africaine… Dans cet entretien, le musicien sénégalais, établi depuis des décennies en France, dénonce l’illusion et le danger des réseaux sociaux qui, dit-il, sont pires que ce virus par rapport à notre capacité à nous faire mal nous-mêmes.
Votre nouvel album « De la glace dans la gazelle » sort en avril prochain. Quelle est sa particularité ?
La particularité de cet album, c’est qu’il est conçu en français. C’est la première fois que je fais tout un album dans la langue de Molière. Ce n’est pas un renoncement à ma langue maternelle, mais une expérience différente ; la création, c’est se renouveler à chaque fois qu’on le peut. Chanter dans une nouvelle langue, le français, qui au passage est devenu une langue africaine, comme le bambara, le swahili, le wolof, est un travail intéressant. Une langue nouvelle impose une autre façon de chanter si je puis dire. En réalité, j’ai toujours pensé que je n’étais pas un chanteur, je suis né dans un pays où le chant appartient au griot ; je préfère dire que j’utilise ma voix, dire que je respecte les lois intrinsèques de mon environnement d’origine. Ce qui me passionne est tissé dans l’ensemble de la musique. Ce sont les harmonies. Le cycle qui s’articule autour de musiques hindoues, les étendues harmoniques du classique, les rythmes lancinants de Doudou Ndiaye Rose, à qui je rends hommage dans un titre intitulé « La rose noire ». Je travaille, je ne suis toujours pas un chanteur. En réalité, je cherche encore ma voie, peut-être que ce n’est pas sur cette terre que je vais la trouver.
Vous chantez, tantôt en wolof, tantôt en français. Votre musique s’adresse principalement à qui ?
La musique est une vibration qui se propage dans l’espace et il se peut que d’autres entités que nous-mêmes puissent avoir accès à nos chants et à nos mélodies. Ce n’est pas pour rien que le muezzin chante l’appel à la prière, de la même manière que dans une cathédrale, on est accueilli par le chant d’un prêtre. En fait, le chant appartient au monde du vivant, même les plantes y sont sensibles. Dans la thérapie musicale au Sénégal et partout ailleurs en Afrique, c’est par le chant qu’on libère le malade de ses démons, c’est par la musique qu’il retrouve son esprit.
Comment vivez-vous cette période de pandémie de coronavirus ? Vous vous y prenez pour créer des œuvres musicales ?
Ce virus n’est rien par rapport à notre capacité à nous faire mal nous-mêmes. Le danger des réseaux sociaux est pire que ce virus. L’histoire des « réseaux sociaux » me fait penser à la naissance du monde, selon les Dogons. Cette naissance vécue comme un premier désastre parce qu’il a donné naissance au Renard pâle, la première création de Dieu. La grande ambition de cet animal retord était de parler, ainsi il poursuivra sa mère « la terre » jusqu’au centre de celle-ci, pour lui arracher la parole. La mère face à son fils se transforma en une petite fourmi afin de lui échapper, rien n’y fit. La détermination de l’animal qui sera la cause de tous les désordres à venir, était plus forte. Épuisée, la mère finit par céder. Depuis cet événement, c’est le renard pâle qui gouverne ; c’est par sa toute-puissance qu’il révèle aux devins les desseins de Dieu. Il arrive même qu’il n’obéisse pas à ses ordres. Il existait dans ce monde, des hommes pour guider l’humanité dans sa longue marche ; aujourd’hui la parole est volée par un nombre incommensurable d’individus sans identité qui parlent et leurs paroles sont de plus en plus pesantes. Il n’y a pas un jour où on ne commente pas les propos venus des réseaux sociaux avec leurs conséquences désastreuses. Les enfants du renard pâle sont bien là. Toutes ces mythologies africaines ont un sens ; c’est à travers le temps que leurs messages révèlent leur pertinence : illusion des réseaux sociaux où chacun s’imagine être si important pour la simple raison qu’il peut s’exprimer.
Avez-vous un message particulier à adresser au monde qui vit cette situation sanitaire de confinement, de couvre-feu, voire de précarité économique pour certaines personnes ?
Il me semble que lorsqu’on arrive à se relever d’où que l’on soit tombé, on devient plus fort. Cet événement vient remettre en question l’homme tout-puissant et ça devrait nous servir de « leçon du vendredi ». L’ennemi est si petit qu’on ne peut le voir à l’œil nu, comme la mort ou l’amour, tout aussi est invisible. Si on ne tire aucune leçon de cette expérience, c’est qu’on passe à côté de quelque chose.
Vous vivez en France. Avez-vous les nouvelles des amis, parents au Sénégal au moment où les pays se barricadent ?
Le monde est devenu si petit qu’on peut communiquer en temps réel avec des gens qui vivent à mille lieues. L’important, c’est d’être là où on peut faire quelque chose pour soi et pour la grande famille des humains.
On vous a revu la dernière fois à Saint-Louis du Sénégal, où vous aviez présenté un documentaire sur la brèche entre l’océan et le fleuve…
Un jour, je suis arrivé sur la langue de barbarie et j’ai vu un spectacle extraordinaire, des hommes et des femmes qui essayaient d’arrêter la mer avec des pneus. J’avais ma caméra, je l’ai souvent avec moi et j’ai filmé cette séquence extraordinaire d’un barrage poétique et pathétique contre l’Atlantique cette fois. Je suis retourné au même endroit un mois plus tard évidemment, il n’y avait plus de pneus, ils étaient tous au fond de l’océan, la nature est si puissante. Comme dit Jaraaf Mbengue : « Les esprits ne se sont pas enfuis, ils sont allés chercher des forces ».
Votre fille Mati Diop, réalisatrice, comme votre défunt aîné Mambety, s’est distinguée récemment au festival de Cannes, avec un sujet sur le phénomène de jeunes Africains qui bravent l’océan au prix de leur vie pour venir en Europe. Qu’est-ce qu’elle a hérité de vous dans sa sensibilité artistique ?
Dans ma famille, pour des raisons que j’ignore, nous sommes attirés par les arts. Père David Diop disait : « Tous les fous ne sont pas des Diop, mais tous les Diop sont des fous ». Je pense que l’énergie que nous déployons ne se perd pas, c’est comme ça que nous pouvons comprendre les convergences dans chaque famille. Nous n’avons aucune gloire à en tirer si ça va dans le bon sens, ni aucune honte si ça venait à être difficile. Nous avons tous des aspirations différentes et ces différences se trouvent dans les passés familiaux ; les thérapies africaines mettent toujours l’accent sur cette réalité. Dans les séances de guérison, c’est toute la famille qui est convoquée. Une société a besoin même de ses voleurs, ses empêcheurs de tourner en rond. Voilà pourquoi je n’aime pas qu’on frappe le petit voleur parce que sans lui il manque une pièce dans le puzzle. Tous les phénomènes de l’univers se réunissent pour constituer une société. Si vous aspirez à devenir président d’un pays un jour, sachez que la tâche est immense. Un vieux m’avait raconté une histoire. Dieu accueille deux personnes fraîchement débarquées dans son royaume, l’un n’avait jamais prié faute de temps, mais par ses efforts, par son travail, il avait beaucoup donné à toutes les personnes rencontrées dans son existence ; en revanche, son ami avait renoncé au travail, il avait passé toute sa vie à prier. Le premier a été conduit dans les palais du Seigneur parce qu’il avait de quoi payer son hébergement et l’autre a été reconduit sur terre pour y accomplir son devoir : « travailler, travailler, travailler pour avoir de quoi payer ». Si nous ne redéfinissons pas les priorités de ces jeunes et ne faisons pas face à nos responsabilités, nous pourrons difficilement empêcher les pirogues de partir.
Sur le plan de la création artistique, avez-vous prévu de faire quelque chose en duo avec votre fille ?
Nous ne sommes pas communautaristes dans la famille. Faire quelque chose avec ma fille n’est pas un but, j’aime être son père, j’aime discuter et me promener avec elle, c’est déjà pas mal.
Quels sont les projets auxquels vous tenez particulièrement, en France ou au Sénégal ?
Le seul projet qui vaut, c’est la vie, vivre ! vivre ! vivre ! Mourir au Sénégal un jour, n’est-ce pas un beau projet ?
DERRIERE LA VENTE ET LE DON DE VACCINS À L'AFRIQUE, LA LUTTE D'INFLUENCE DE LA CHINE
Alors que l'Europe et les États-Unis sont focalisés sur la gestion du Covid-19 sur leur propre territoire, Pékin se tourne vers le continent africain, l'un des ses partenaires clés, pour écouler ses vaccins, accroître son influence et promouvoir son image
France 24 |
Tiffany Fillon |
Publication 27/02/2021
Sénégal, Égypte, Maroc… De plus en plus de pays africains reçoivent des vaccins anti-Covid du laboratoire chinois Sinopharm. Alors que l'Europe et les États-Unis sont focalisés sur la gestion du Covid-19 sur leur propre territoire, Pékin se tourne vers le continent africain, l'un des ses partenaires clés, pour écouler ses vaccins, accroître son influence et promouvoir son image à travers le monde.
Confrontés à une recrudescence de l'épidémie de Covid-19, l'Europe et les États-Unis cherchent à réserver toujours plus de stocks de vaccins, au détriment des autres régions du monde. Kristalina Georgieva, la dirigeante du Fonds monétaire international, a ainsi déploré mercredi 24 janvier "un accès inégal aux vaccins" entre les pays les plus avancés et ceux à faibles revenus. Profitant de l'absence des Européens et des Américains sur ce terrain en Afrique, la Chine se pose en alternative, en vendant et en offrant ses propres vaccins à plusieurs pays africains.
La Chine a offert 200 000 doses du vaccin produit par la société Sinopharm à la Sierra Leone, pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, qui doit les recevoir jeudi. Pékin s'est aussi engagé à donner d'ici quelques jours 100 000 doses de vaccin à la Tunisie.
Le dernier pays en date à avoir reçu des vaccins chinois est le Sénégal. Quelque 200 000 doses du vaccin de la société chinoise Sinopharm ont permis de lancer, mardi, la campagne de vaccination dans le pays. Dakar, qui a mis à disposition 10 % de cette cargaison à ses voisins la Guinée-Bissau et la Gambie, s'attend à recevoir 6,5 millions de doses supplémentaires dans les semaines à venir.
Revendiquant une efficacité de 79 %, le vaccin de Sinopharm a déjà servi dans d'autres pays du continent comme les Seychelles, le Zimbabwe, l'Égypte, le Maroc ou la Guinée équatoriale. Ces doses ont été transportées via un pont aérien spécialement mis en place par Pékin, qui ne cache pas ses ambitions auprès des pays en développement ou à revenu intermédiaire en Afrique, mais aussi en Amérique latine et en Asie du sud-est. Lundi, le ministre des Affaires étrangères, Wang Yi, a affirmé que la Chine fournissait gratuitement des vaccins à 53 pays dans le monde et qu'elle en livrait à 22 pays qui avaient passé commande pour en acheter.
En livrant ses vaccins, la Chine a saisi "une opportunité politique considérable" pour être sur le devant de la scène, affirme Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) spécialiste de la Chine, contacté par France 24. "Les Chinois s'inscrivent dans une lutte d'influence. Ils veulent dire au monde qu'après avoir vaincu l'épidémie, ils sont désormais capables de venir en soutien aux pays africains contrairement aux pays les plus développés, qui, aujourd'hui, ne sont pas au rendez-vous", explique-t-il.
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a reproché lundi à certains pays riches d'"approcher les fabricants pour s'assurer l'accès à des doses de vaccins supplémentaires" et de "saper" le dispositif Covax, visant à fournir aux pays à faibles revenus leurs premières doses de vaccins anti-Covid.
Lancé au printemps 2020, Covax doit fournir, d'ici la fin 2021, jusqu'à 600 millions de doses à l'Afrique, soit suffisamment pour vacciner au moins 20 % de sa population. Mais alors que le continent connaît une deuxième vague épidémique, les doses se font attendre. Cette situation pousse certains pays africains à signer des contrats avec la Chine, qui se targue de pouvoir leur transmettre des vaccins plus rapidement.
En attendant, la Chine a déjà tiré son épingle du jeu, estime Antoine Bondaz. "Même si le dispositif Covax apportera plus d'aide dans le futur par rapport à celle apportée aujourd'hui par la Chine en Afrique, beaucoup de pays vont seulement retenir que les premières cargaisons de vaccins sur le continent étaient chinoises", détaille-t-il. Selon lui, "la Chine a marqué des points en termes de communication" avec ces livraisons.
Les prix de ces transactions n'ont pas été divulgués par Pékin. Les autorités du Zimbabwe ont, cependant, affirmé qu'elles bénéficiaient de tarifs préférentiels pour l'achat d'1,2 million de doses supplémentaires. Une stratégie qui permet à la Chine de valoriser son image. "Pour le moment, les vaccins produits par les pays occidentaux sont trop chers pour qu'ils soient utiles aux pays africains donc les quantités livrées sont limitées", explique Thierry Pairault, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste des relations sino-africaines, contacté par France 24. "La Chine veut faire passer le message que les pays occidentaux ont fait des vaccins chers destinés aux pays riches et qu'a contrario, elle participe au bien public mondial", complète Antoine Bondaz.
Préserver une relation bilatérale ancienne et stratégique
Cet intérêt qu'a la Chine pour les pays africains n'est pas nouveau. Il remonte à 1955, lors du premier sommet afro-asiatique de Bandung, qui pose, en pleine Guerre froide, les jalons de la politique chinoise en Afrique. Les liens entre la Chine et l'Afrique se renforcent ensuite dans les années 60, au moment des indépendances africaines et du mouvement des non-alignés. Avec l'arrivée de Deng Xiaoping à la tête de l'État, l'Afrique est ensuite perçue par la Chine comme "un marché et un accès aux indispensables ressources en énergie et en matières premières", écrivaient les journalistes Serge Michel et Michel Beuret dans "La Chinafrique" (Éd. Grasset, 2008).
Un tournant s'est ensuite opéré dans les années 90. "Au moment du massacre de Tiananmen, les pays occidentaux ont fait défaut à la Chine puisqu'ils ont sanctionné la répression", affirme Thierry Pairault. "En quête de soutiens politiques, la Chine s'est donc tournée vers des pays en voie de développement. Elle les a attirés en réactivant un discours tiers-mondiste qui vise à la valoriser aux yeux, entre autres, des pays africains."
Les échanges commerciaux explosent à partir des années 2000, amenant la Chine à être aujourd'hui le premier partenaire commercial de l'Afrique, riche en ressources naturelles, grand consommateur de produits chinois et où les investissements chinois prolifèrent. En se montrant comme une puissance généreuse à l'égard du continent, Pékin veut donc préserver ces liens économiques asymétriques. "La Chine a besoin politiquement de l'Afrique qui a, de son côté, besoin économiquement de Pékin. Ce soutien économique, l'Afrique le paie en soutien politique", résume Thierry Pairault, qui rappelle que le continent représente "plus d’un quart des voix à l’Assemblée générale de l'ONU".
Une expression de la "diplomatie sanitaire" de la Chine
Pour accroître son soft power, la Chine s'est lancée, en parallèle, dans une "diplomatie sanitaire", explique Antoine Bondaz. "Elle s'est renforcée considérablement dans les années 2010 avec l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest. Avec cette crise, la Chine est apparue comme un acteur de premier plan sur le plan sanitaire", précise-t-il. Dans la zone touchée par l'épidémie, le pays a, par exemple, mobilisé ses cadres médicaux militaires ainsi que "1 200 personnels de santé", peut-on lire dans l'une des notes du chercheur, publiée en mars 2020.
En livrant des vaccins aux pays africains, la Chine s'inscrit dans ce même schéma, tout en cherchant à se présenter comme un géant technologique. "Les entreprises chinoises veulent apparaître comme des alternatives aux Big pharma et récupérer des parts de marché dans le secteur des biotechnologies", précise Antoine Bondaz. D'autant que Pékin "possède des capacités de production considérables".
Bien qu'affichant des taux d'efficacité moins performants que leurs homologues occidentaux, les deux vaccins chinois homologués par l'OMS (ceux des laboratoires chinois Sinopharm et SinoVac) sont, en outre, plus faciles à conserver et à exporter dans les pays africains, qui restent limités en termes d'infrastructures médicales. Ces vaccins peuvent être stockés au réfrigérateur, contrairement à celui de Pfizer/BioNTech qui doit être congelé.
D'autres vaccins chinois pourraient bientôt arriver sur le marché. L'Institut de produits biologiques de Wuhan, une filiale de Sinopharm, et l'entreprise chinoise CanSino Biologics ont annoncé mercredi avoir déposé une demande d'autorisation pour une utilisation publique de leurs vaccins.
La Chine pourrait aussi franchir une autre étape, en acceptant que ses vaccins soient un jour produits à l'étranger, y compris dans certains pays africains. Le Maroc pourrait être l'un des pionniers : Rabat a débuté des négociations avec Pékin pour pouvoir produire le vaccin de la société Sinopharm et l’exporter vers d’autres pays africains.
texte collectif
UN ACCÈS AUX VACCINS POUR TOUS EST L'ENGAGEMENT POLITIQUE ET MORAL QUE LE MONDE ATTEND
Nous sommes confrontés à un défi historique pour la gouvernance mondiale. Seul un multilatéralisme renforcé, qui pose de véritables actes au regard de fléaux mondiaux, permettra d’aborder avec équité la sortie de crise
Le Monde |
Texte Collectif |
Publication 27/02/2021
La crise sanitaire, et désormais la question de l’accès aux vaccins contre le Covid-19 continuent de creuser les inégalités mondiales. L’immunité collective induite par la vaccination, dans sa dimension universelle, est pourtant au cœur de la stratégie de fin de la pandémie.
Cette phase décisive met une nouvelle fois au jour le contraste immense entre les pays riches et les autres, par les écarts colossaux dans leurs capacités d’intervention selon leur sphère d’appartenance économique. Les collectes de fonds considérables provenant d’Etats puissants, de grosses fondations ou d’acteurs privés ont ainsi permis aux laboratoires de réussir ce pari sans précédent de mettre au point un vaccin dans des délais inédits.
Cette nouvelle donne vaccinale soulève toutefois des questions éthiques majeures, avec l’accentuation de fractures scientifique, médicale, économique, sociale et, de facto, politique.
Scientifique parce qu’il est vital que l’évaluation de ces vaccins réponde aux mêmes exigences de rigueur scientifique, en matière de sécurité et d’efficacité, d’où le rôle crucial de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la procédure de validation et de qualification des vaccins.
Un enjeu politique et philosophique
Economique parce que la mise à disposition du vaccin contre le Covid-19 dresse deux approches ; d’une part, une logique soutenue par la société civile, qui considère le vaccin comme un bien public mondial, et, d’autre part, celle des industriels, qui poursuivent une logique de marché ; si le prix des vaccins doit naturellement répondre à une logique de retour sur investissement, ce marché, devenu essentiel dans un contexte de crise mondiale, ne doit pas faire de l’objectif de rendement une priorité sur l’objectif de santé publique au regard, notamment, de la grande part d’investissements publics.
Politique, enfin, car la divergence observée récemment entre l’Union européenne etle Royaume-Uni ne se lit pas uniquement à la lumière d’une préférence qu’aurait eue AstraZeneca à livrer les doses d’abord au Royaume-Uni. Elle soulève un enjeu politique et philosophique plus vaste qu’est celui de l’accès équitable à la vaccination, et donc à la protection, à l’échelle du monde.
Alors que 2020 fut l’année de la surenchère sur les masques –débat dont nous pensions avoir tiré les leçons de comportements reptiliens, de réactions du sauve-qui-peut –, les masques artisanaux nous avaient alorssauvés ; les pays en développement, en particulier, avaient montré un exemple éclatant d’agilité dans ce domaine.
Le risque ici est donc bien celui d’un «nationalisme vaccinal», en réponse à des demandes en protection et en soins légitimes, de la part des citoyens, avec, sous-jacents, des défis d’orgueil national devant des fragilités qui mettent à nu la vanité de bien des ambitions de puissance.
Pourtant, le mécanisme Covax, conçu par l’OMSet l’Alliance du vaccin (GAVI) comme une «initiative mondiale visant à assurer un accès rapide et équitable aux vaccins contre le Covid-19 pour tous les pays»,mise précisément sur une solidarité internationale basée sur une mutualisation des commandes et une redistribution coordonnée au niveau mondial.
Seulement, l’ambition de fournir 2milliards de doses d’ici à fin 2021 a été très fragilisée par la multiplicité des accords bilatéraux passés par les pays riches. Cette situation crée non seulement une compétition inique entre les Etats, mais surtout introduit subrepticement un risque évident de flambée du prix des vaccins.
Selon une analyse de l’OMS, près de 70% des doses de vaccin administrées jusqu’à présent l’ont été dans les cinquante pays les plus riches, tandis que 0,1% a été injecté dans les cinquante pays les plus pauvres. En Afrique, on estime à 1,5milliard les besoins de vaccins pour immuniser 60% de la population.
La communauté internationale est, par conséquent, une nouvelle fois interpellée face à une inquiétude compréhensible de certains pays du Sud sur la pénurie de vaccins, au moment où ils sont confrontés à une nouvelle vague de Covid-19, plus ravageuse que la première. Et si l’Union africaine a passé ses propres commandes ou engagé un programme de développement du vaccin, les besoins sont loin d’être satisfaits.
Suspension ou transfert de licences
Nous sommes donc confrontés à un défi historique pour la gouvernance mondiale. Seul un multilatéralisme renforcé, qui pose de véritables actes au regard de fléaux mondiaux, permettra d’aborder avec équité la sortie de crise: des contraintes politiques, par exemple sur les brevets (suspension ou transfert de licences), seraient des moyens puissants pour que la crise planétaire ne soit pas une fatalité.
Une stratégie multilatérale commence à se dessiner. Forte de son leadership dans certains combats internationaux (One Planet Summit, Unitaid, reconstitution du Fonds mondial),la France a lancé un appel à ses partenaires européens et non européens à s’engager dans le dispositif Covax, seul garant d’une distribution équitable des vaccins.
Formons le vœu qu’elle sera entendue; et que si «tout le monde n’est pas à bord, la France s’engagera»et donnera 5% de ses doses, a annoncé le président Macron. Comme le disait Albert Schweitzer, «l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule».
Un accès aux vaccins pour tous est l’engagement politique et moral que le monde attend. De nos choix d’aujourd’hui dépendront les équilibres stratégiques de demain.
Liste des signataires : Diyé Ba, ancienne ministre de la santé, Mauritanie ; Nora Berra, ancienne ministre de la santé, France, présidente fondatrice de l’ONG Union for Global Health. ; Abdou Fall, ancien ministre de la santé, Sénégal, cofondateur de l’ONG Union For Global Health ; Dorothée Kinde Gazard, ancienne ministre de la santé, Bénin ; Nicolas Meda, ancien ministre de la santé, Burkina Faso ; Samira Meraï Friaa, ancienne ministre de la santé, Tunisie ; Georges Moyen, ancien ministre de la santé, Congo ; Saïd Oulbacha, ancien ministre de la formation professionnelle, Maroc ; Michel Sidibé, ancien directeur général d’Onusida, ancien ministre de la santé, Mali.
VIDEO
CHEIKH ANTA DIOP AU COLLOQUE DU CAIRE
L'évenement tenu en 1974 avait pour but de rétablir la vérité au sujet de la véritable identité des égyptiens anciens qui étaient des kamites natifs du continent africain !
Le colloque du Caire qui a eu lieu en 1974 avait pour but de rétablir la vérité au sujet de la véritable identité des égyptiens anciens qui étaient des kamites natifs du continent africain !
VINCENT BOLLORÉ MENACÉ DE PROCÈS AU TOGO
Le milliardaire pensait échapper à un procès pour corruption au Togo en reconnaissant sa culpabilité et en payant 375.000 euros d'amende. Une juge a refusé vendredi de valider cet accord, estimant "nécessaire" qu'il soit jugé en correctionnelle
Échec et coup de théâtre pour Vincent Bolloré: le milliardaire pensait échapper à un procès pour corruption au Togo en reconnaissant sa culpabilité et en payant 375.000 euros d'amende. Une juge a refusé vendredi de valider cet accord, estimant "nécessaire" qu'il soit jugé en correctionnelle.
Vincent Bolloré, Gilles Alix, directeur général du groupe Bolloré, et Jean-Philippe Dorent, directeur international de l'agence de communication Havas (filiale de Bolloré), étaient venus confiants au tribunal judiciaire de Paris.
Au terme d'une enquête confiée en 2013 à des juges d'instruction et de deux mois de négociations avec le Parquet national financier (PNF), les trois hommes avaient accepté une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et le paiement d'une amende de 375.000 euros, a révélé vendredi l'hebdomadaire l'Obs.
Une culpabilité reconnue
La CRPC - sorte de "plaider-coupable" à la française - repose sur un accord entre le Parquet et l'auteur d'une infraction, qui reconnaît sa culpabilité et paie une amende. Mais un juge doit ensuite donner son feu vert lors d'une audience en présence du ministère public, des mis en cause et de leurs avocats.
Lors de l'audience vendredi, la holding et MM. Bolloré, Alix et Dorente ont reconnu avoir utilisé les activités de conseil politique de la filiale Havas afin de décrocher la gestion des ports de Lomé au Togo et de Conakry en Guinée au bénéfice d'une autre filiale, Bolloré Africa Logistics, anciennement appelée SDV.
SDV avait obtenu la gestion du port de Conakry quelques mois après l'élection à la présidence guinéenne d'Alpha Condé fin 2010 et avait remporté la concession à Lomé peu avant la réélection en 2010 au Togo de Faure Gnassingbé. Ces deux personnalités politiques étaient alors toutes deux conseillées par Havas pour leur campagne électorale
375 000 € pour clore les poursuites
Les protagonistes de l'affaire avaient obtenu en juin 2019 l'annulation par la cour d'appel de Paris de leur mise en examen pour une partie des infractions concernant la Guinée, pour cause de prescription.
Vendredi, le procureur du PNF a souligné que l'amende de 375.000 euros acceptée par les trois hommes d'affaires correspondait à la peine d'amende maximale encourue. "Cette peine prend en compte la gravité des faits à travers le quantum maximal, leur ancienneté" et la clôture des poursuites pour le groupe Bolloré, a-t-il ajouté, écartant la possibilité d'une peine de prison, alors qu'ils risquaient jusqu'à cinq ans.
"Cette CRPC a été acceptée dans le cadre d'un règlement global, M. Bolloré est soucieux de préserver l'avenir du groupe et de ses salariés", avait de son côté assuré Me Olivier Baratelli, avocat de l'industriel, du groupe et de M. Alix.
LE SÉNÉGAL DÉFAILLANT DANS LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT D'ARGENT
Le pays se retrouve ainsi sous surveillance du Groupe d'action financière (Gafi) en compagnie du Maroc, du Burkina Faso et des îles Caïmans, pour ses manquements dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme
Le Maroc, le Sénégal, le Burkina Faso et les îles Caïmans ont été placés jeudi sous surveillance par le Groupe d'action financière (Gafi) pour leurs manquements dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme.
A l'issue d'une réunion plénière, cet organisme intergouvernemental a ajouté ces quatre pays à la "liste grise" des pays présentant des "déficiences stratégiques", mais qui ont pris l'engagement de mettre en oeuvre des plans d'action dans des délais impartis pour améliorer leur situation.
Depuis sa précédente réunion plénière en octobre, le Gafi a identifié des progrès réalisés par la plupart des autres pays sur cette liste grise, à savoir l'Albanie, la Birmanie, le Botswana, le Cambodge, le Ghana, l'Ile Maurice, le Nicaragua, le Pakistan, le Panama, l'Ouganda et le Zimbabwe.
Deux autres pays sur la liste grise, la Barbade et la Jamaïque, n'ont pas fourni de nouvelles informations au Gafi depuis octobre en raison de la pandémie de Covid-19.
Enfin, l'Iran et la Corée du Nord restent sur la liste noire des pays non coopératifs en matière de blanchiment d'argent, de financement du terrorisme et de prolifération d'armes de destruction massive.
Par Mamadou Oumar NDIAYE
PENDANT CE TEMPS-LA, EN AFRIQUE
Les autres s’affrontent rudement dans le domaine du savoir, nos chefs d’Etat rivalisent dans celui du maintien au pouvoir ! Il n’est pas étonnant dans ces conditions que l’Afrique ne figure nulle part dans la compétition pour aller sur Mars
Désormais la compétition se fait en direction de Mars, la planète la plus proche de la Terre après la conquête de la lune (qui se trouve, elle, à 384.400 km de notre planète, presque la porte d’à côté) ! Mars, une planète qui n’est qu’ « à » — excusez du peu — 55, 7 millions de kilomètres de celle sur laquelle nous vivons ! Et sur laquelle la navette américaine « Perseverance » vient de se poser après un voyage de plus de six mois débuté en juillet dernier. Oh certes, une compétition dans l’espace n’est pas à proprement parler une chose nouvelle puisque, du temps de la Guerre froide, déjà, Américains et Soviétiques s’y livraient à travers leurs programmes Spoutnik (tiens, ça ne vous dit rien ça ?) et Soyouz, d’un côté, Apollo ou Columbia de l’autre.
A l’époque, il s’agissait d’abord de tourner autour de la terre puis d’aller à l’assaut de la Lune. On se rappelle tous — façon de dire puisque la plupart de ceux qui liront ces lignes n’étaient pas nés à l’époque ou alors étaient des enfants comme votre serviteur — des premiers pas de l’homme sur la Lune à travers l’astronaute américain Neil Armstrong. C’était le 21 juillet 1969.
Et notamment de sa fameuse phrase : « Un petit pas pour l’homme, certes, mais un grand pas pour l’Humanité ! » Bien avant cet exploit, il y avait eu le Soviétique Youri Gagarine qui avait été le premier homme à avoir effectué un vol dans l’espace au cours de la mission Vostok 1. C’était en 1961. La compétition fut épique durant ces années-là, chacune des deux superpuissances de l’époque voulant être la première à conquérir la Lune. Puis, il y eut l’ère des navettes habitées …
La nouveauté, désormais, c’est que la compétition se fait en direction de Mars et que le nombre de concurrents s‘est accru. Pour ne pas dire s’est démocratisé. Aux Etats-Unis d’Amérique et à l’Union Soviétique mais aussi à l’Europe à travers le programme des fusées Ariane, qui s’affrontaient déjà dans l’espace, sont venus s’ajouter plus spécifiquement pour Mars (dont la navette « Tianwen 1 » tourne déjà en orbite) les Chinois et les Emiratis « « Al Amal ») en attendant les Indiens. L’Europe, elle, va lancer sa mini-navette spatiale Space Rider en…2023. Comme si cela ne suffisait pas, voilà que des privés se lancent à leur tour dans l’aventure de l’Espace. Le plus emblématique d’entre eux est le multimilliardaire américain — mais né en Afrique du Sud — en dollars Elon Musk, qui ambitionne rien moins que de conquérir Mars ! Ce qui est dans les cordes du patron de la société Space X qui a déjà lancé plus de 1000 satellites de télécommunications autour de la Terre. Le patron de la compagnie aérienne britannique Virgin, Richard Branson, est aussi sur les rampes de lancement…
Euréka ! Le vaccin anti-covid est là…
Redescendons sur terre si par hasard nous avions quitté le plancher des vaches. La pandémie de Covid-19 représente incontestablement le plus grave défi sanitaire auquel le monde est confronté depuis la terrible épidémie de grippe espagnole qui fit environ 50 millions de morts dans les années 1914-1920 . A ce jour, le coronavirus a déjà tué plus de 2.350.000 personnes. La maladie apparue en Chine à la fin de l’année 2019 se propageant à une allure folle et tuant chaque jour davantage, désorganisant les systèmes sanitaires les plus sophistiqués du monde, portant par la même occasion un coup d’arrêt à l’économie mondiale, entre autres conséquences, une course contre la montre s’est engagée pour trouver les moyens de l’endiguer. Les grands laboratoires pharmaceutiques ont rivalisé d’intelligence et de moyens pour parvenir à trouver le vaccin — à défaut du médicament — qui permettrait de prémunir les populations de cette maladie extrêmement meurtrière. De la Chine à l’Europe en passant par l’Amérique et l’Asie, les chercheurs ont phosphoré sans relâche, testant, expérimentant, innovant, modélisant, faisant tourner les supercalculateurs. Au bout de quelques mois seulement Euréka ! le vaccin était trouvé. Les labos germano-américain Pfizer-Biontech, américains Moderna et Johnson and Johnson, anglo-suédois Astra Zeneca, chinois Sinopharm, russe Gamaleïa … presque à la queue leu leu ont réussi à une vitesse météoritique à le mettre au point. Désormais, ils sont courtisés par les pays du monde entier et croulent sous les commandes ne sachant comment faire pour les satisfaire toutes.
A tel point qu’il faut s’inscrire et attendre. Dans cette course au vaccin — tout comme dans la compétition pour aller sur Mars — , nos cousins français ont été largués, hélas, le laboratoire Sanofi et le glorieux institut Pasteur ayant été contraints de jeter l’éponge. Classement de Shanghai : L’Afrique, le parent pauvre Sur un autre plan, chaque année, plus exactement au mois d’août et depuis 2003 paraît le classement dit de Shanghai des 1000 meilleures universités du monde. Les universités africaines n’y étaient que 15 en 2019 — et encore en queue du classement sauf celle du Cap qui figure dans les 300 premières —, la majorité d’entre les happy few sélectionnées étant situées en Afrique du Sud, qui se taille la part du lion, et en Egypte. Le Nigeria et la Tunisie ont quand même réussi à en placer chacun une. On aura beau chercher, évidemment, l’ombre d’une seule université d’Afrique francophone dans ce classement de l’excellence… L’Afrique du Sud étant ce qu’on peut appeler un pays « européen » — en ce que les Blancs y sont encore largement aux commandes en tout cas des meilleures universités du pays —, on comprendra beaucoup de choses.
Pendant ce temps-là, en Afrique…
Pendant que le monde entier avance, rivalise dans le domaine du savoir en général et de l’intelligence artificielle, des algorithmes, du génie génétique, des biotechnologies, des nanotechnologies et des énergies vertes, entre autres, que la Chine avec sa technologie 5G a ringardisé Américains et Européens, que la physique quantique et autres n’ont plus de secrets, que les universitaires dans ces pays ou ces continents rivalisent à coups de découvertes, souvent sanctionnées par des Nobel, ou d’articles dans les rivaux scientifiques, l’Afrique, elle, en est à s’étriper autour de mandats présidentiels constitutionnels !
Au terme de parcours jonchés de sang, les chefs d’Etat octogénaires guinéen et ivoirien, Alpha Condé et Alassane Dramane Ouattara ont, après avoir modifié les constitutions de leurs pays, réussi à se faire élire pour un troisième mandat ! En Ouganda, leur homologue Yoweri Museveni, après 36 années de pouvoir, vient de rempiler pour un énième mandat ! Les présidents du CongoBrazzaville et du Tchad, eux, depuis respectivement 36 et 31 ans au trône, sont en piste pour un nouveau mandat ! Ne parlons évidemment pas des dinosaures Téodoro Obiang Nguéma (Guinée-Equatoriale) et Paul Biya (Cameroun), au pouvoir depuis respectivement 1979 et 1982. Excusez du peu. Les autres s’affrontent rudement dans le domaine du Savoir ? Nos chefs d’Etat rivalisent dans celui du maintien au pouvoir ! Il n’est pas étonnant dans ces conditions que l’Afrique ne figure nulle part dans la compétition pour aller sur Mars, c’est de toutes façons trop demander à un continent resté le plus pauvre du monde, ni dans celui de la recherche du vaccin du Covid, quémandant laborieusement des doses de vaccins attendant comme le Messie les flacons promis par le mécanisme Covax.
Même Cuba et l’Iran, pays du tiers-monde pourtant, s’attèlent à développer leurs propres vaccins, l’Inde elle, en tant que premier fabricant mondial, produit déjà des millions de doses par jour après avoir acquis un brevet ! Le match entre universités du monde en matière d’inventions, de brevets, de thèses, de publications scientifiques ? On a vu la ridicule place du continent dans le classement de Shanghai. Et comme s’ils avaient été contaminés par nos chefs d’Etat, voilà que nos universitaires euxmêmes, plutôt que de s’enfermer dans leurs laboratoires ou aller sur le terrain, se piquent de donner des leçons de…démocratie et de bonne gouvernance !
A preuve par ces 102 universitaires sénégalais qui viennent de faire une sortie… pour demander de résister à l’arbitraire, plaider contre les tentatives de faire sauter la limitation des mandats présidentiels. Plus exactement dénoncer les dérives judiciaires dans ce pays. Euh, à vrai dire, à la place de cette sorte de manifeste, nous on aurait préféré des articles scientifiques. Quant à nos étudiants, on a vu avec effroi et désolation que, plutôt que les bonnes notes et les lauriers, ils collectionnent des machettes et des gourdins ! Pendant que le monde entier avance, donc, l’Afrique fait du sur-place dramatiquement si elle ne recule pas arrière toute ! Pendant ce temps de prodigieux bonds cognitifs du monde, donc, nos chefs d’Etat, nous l’avons dit, s’agrippent au pouvoir. Même les plus jeunes d’entre eux, hélas.
En effet, pendant ce temps-là, le président Macky Sall, pourtant né après l’indépendance de son pays en 1960, a fort à faire pour…réduire son opposition à sa plus simple expression. Ne riez pas ! Depuis des semaines, sa Police et sa Justice sont mobilisées pour traquer de pauvres opposants et activistes, certes hâbleurs mais guère dangereux, au nom d’une chimérique tentative de déstabilisation de l’Etat — car c’est de cela qu’il s’agit — et de crimes de lèse-majesté ! Un « crime » dont la Cour européenne de justice a jugé qu’il était obsolète dans un pays démocratique ! Pour de prétendues menaces de diffusion d’images obscènes dont sont accusés certains parmi ces interpelés, toutes les forces de police sont mises à contribution pour rechercher une dangereuse… puce téléphonique.
Des efforts qui mériteraient d’être consacrés ailleurs, bien sûr, en ces temps où tout est urgence dans ce pays. Mais voilà, c’est ainsi : en Afrique, on persévère (allusion bien sûr au nom de la navette américaine) à régler des choses terre à terre — « des choses basses » comme dit si joliment le président de la République —pendant que les autres sont déjà dans les étoiles !
par Armelle Mabon
FRANCE, LA JUSTICE ADMINISTRATIVE AU SERVICE D'UN MENSONGE D'ETAT
Depuis la mise au jour du mensonge d'État sur le massacre de Thiaroye, tous les recours devant les différentes juridictions sont rejetés. Comme si l'impunité d'un crime colonial commis par l'armée française devait se perpétuer
Le Club de Mediapart |
Armelle Mabon |
Publication 25/02/2021
Depuis la mise au jour du mensonge d'État sur le massacre de Thiaroye, tous les recours devant les différentes juridictions sont rejetés. Comme si l'impunité d'un crime colonial commis par l'armée française devait se perpétuer. Le dernier jugement sur les archives en est une parfaite illustration.
Si en 2014, le président Hollande a remis les archives consultables sous forme numérisée au Président du Sénégal conformément à sa promesse de 2012, celles restées auprès des forces terrestres de l'AOF (Afrique occidentale française) devenues forces françaises au Sénégal sont toujours inaccessibles. Pourtant le ministre Le Drian a signé un arrêté de dérogation générale pour les archives de l'Affaire Thiaroye, le 24 septembre 2014.
Les archives numérisées ne semblent toujours pas consultables au Sénégal et n'ont pas été transmises aux autres pays concernés. Le secret-défense ne peut être évoqué pour justifier une telle lenteur qui paralyse la recherche et la justice en lien avec cette quête de vérité sur un crime colonial impuni.
Thiaroye 44 c'est un massacre prémédité commis par l'armée française sur d'anciens prisonniers de guerre originaires de l'AOF qui réclamaient leur solde de captivité. Les archives consultables nous offrent un récit officiel de rébellion armée mais d'autres archives peuvent révéler l'ignominie et la tromperie de l'État.
Premier jugement
J'ai déposé un premier recours devant le tribunal administratif (TA) de Paris en 2016 afin de consulter l'ensemble de ces archives qui devraient se trouver au service historique de la Défense (SHD) alors que les forces françaises au Sénégal ont été dissoutes en 2011. Plusieurs éléments permettaient d'étayer l'existence de ces documents :
Des échanges de courrier dans les années 50 entre un rescapé (Souleymane Doucouré) et l'administration alors qu'il réclamait le paiement de sa solde de captivité et sa prime de démobilisation. Il devait s'adresser auprès de l'administration militaire française à Dakar et non au ministère des Anciens Combattants à Paris ;
Le ministre des Armées via le Chef du service historique de l'Armée, déplorait, en 1973, les archives trop sommaires du 6ème RAC ;
Le discours du président Hollande en novembre 2014 annonçant que les corps des victimes n'étaient pas dans les tombes anonymes du cimetière militaire de Thiaroye ;
Le dernier commandant des forces françaises au Sénégal a mentionné que ces archives devraient être dans un coffre-fort et a révélé la présence et l'endroit des fosses communes ;
Comment peut-il savoir que ces archives sont à ce point sensibles si ce n'est parce qu'il en a eu connaissance avec sans doute la cartographie des fosses communes ?
L'armée, réputée pour sa rigueur, ne peut invoquer la perte de documents comme la liste des rapatriés, la liste des victimes, la liste des déserteurs alors qu'il y avait un appel quotidien, le calcul individuel des soldes et des primes de démobilisation, etc.
Si égarer un simple dossier peut se concevoir ce n'est pas le cas de plusieurs cartons ;
Une information émanant du Sénégal a mentionné la présence de ces archives pour le moins sensibles à l'ambassade de France à Dakar.
Au vu de ces éléments, alors que le ministère n'a cessé de prétendre à l'inexistence de ces archives et que j'aurais eu accès, dans le cadre de mes recherches, à l’ensemble des documents encore conservés par le ministère de la défense relatifs aux événements de Thiaroye, le rapporteur public m'a donné raison :
Date de l'audience : 13/09/2017 à 09:30
Sens synthétique des conclusions : Annulation totale ou partielle
Sens des conclusions et moyens ou causes retenus :
annulation du refus de communication des documents en cause, l'inexistence de ces documents n'étant pas établie par l'administration.
Date et heure de la mise en ligne : 08/09/2017 à 14:00
Mais les juges du tribunal administratif ne l'ont pas suivi et ont rejeté mes conclusions dans le jugement du 27 septembre 2017 : "qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques et des informations disponibles, l'existence des documents dont la requérante demande communication n'est pas établie ; que toutefois, au cas où de nouvelles informations permettaient de faire présumer l'existence de ces documents, la requérante conserve la possibilité de déposer une nouvelle demande de communication". Je n'ai donc pas saisi le Conseil d'État et ai redéposé une requête avec des éléments nouveaux en octobre 2018 estimant que je bénéficiais d'une sorte de privilège avec l'espoir ténu d'une issue favorable.
En réponse à ma demande d'informations sur le volume que peuvent représenter ces archives, un ancien commandant des forces françaises au Sénégal (2002-2004) ne conteste pas l'existence de ces archives : « Je ne peux malheureusement vous donner aucune indication sur le volume d’archives dont je n’ai pas eu à traiter le temps de mon commandement des forces françaises du Cap Vert (FFCV) »
Deuxième requête
J'ai pu trouver de nouvelles informations permettant de faire présumer l'existence de ces documents mais aussi d'autres éléments. J'ai ainsi sollicité le Chef du SHD à plusieurs reprises pour :
Alléger, voire annuler la dette, comme le prône Macky Sall, ou flécher les capitaux vers les entreprises du continent, solution privilégiée par l’ancien patron franco-ivoirien de Credit Suisse ?
Alléger, voire annuler la dette, comme le prône le président sénégalais, ou flécher les capitaux vers les entreprises du continent, solution privilégiée par l’ancien patron franco-ivoirien de Credit Suisse ? Le débat sur la relance est ouvert.
« Il faut alléger notre dette », répète le président sénégalais Macky Sall. « Il faut porter les efforts sur la mobilisation interne en faveur de des entreprises africaines », lui répond en écho Tidjane Thiam, financier international. « Il faut mobiliser les recettes nationales », complète Abebe Aemro Sélassié, directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI).
Cette polyphonie financière s’est clairement fait entendre lors du 20e Forum économique international sur l’Afrique coorganisé le 22 février par le Centre de développement de l’OCDE, l’Union africaine et le Sénégal, afin de trouver les moyens d’investir « pour une relance durable en Afrique ».
Ces trois réponses – en partie contradictoires, en partie complémentaires – entendent trouver l’argent qui manque tellement pour faire face en même temps à la crise sanitaire et à la crise économique majeure que le coronavirus a provoquées sur le continent. Elles se dégagent de la quinzaine d’interventions qui ont mobilisé quelque 600 vidéo-spectateurs passionnés par cet enjeu.
Moratoire et droits de tirage spéciaux insuffisants, pour Macky Sall
Avec Macky Sall, c’est la grosse artillerie. À cause de leurs efforts pour combattre l’épidémie tout en protégeant le niveau de vie de leurs populations, les gouvernements africains n’ont plus l’argent qu’il faudrait pour relancer la machine économique de leurs pays en s’appuyant sur le numérique, l’énergie ou le tourisme, déplore-t-il.
La suspension des charges de la dette décidé par le G20 jusqu’en juin 2021, voire jusqu’à fin de 2021 ? Quelques milliards de dollars ou d’euros. La création de droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI ? 18 milliards de dollars pour l’Afrique subsaharienne, c’est-à-dire un renfort à peine plus important.
Restent les 365 milliards de dollars de la dette africaine. Un fardeau colossal, mais à peine 2 % de la dette planétaire, selon le président sénégalais. « Nos pays plaident pour un allègement conséquent de cette dette », en conclut-il.
Tidjane Thiam pour des « champions domestiques »
À la différence de Macky Sall, Tidjane Thiam et Abebe Aemro Sélassié ne croient pas que les milliards nécessaires dépendent seulement de la bonne volonté internationale.
Ancien patron de Prudential et de Credit Suisse, aujourd’hui créateur d’un fonds d’investissement, Tidjane Thiam insiste sur la nécessité d’un volontarisme africain. Séduire les capitaux étrangers sans lesquels l’Afrique restera à l’écart des chaînes de création de valeur suppose qu’elle se mobilise pour ses entreprises.
112 MILLIONS FCFA EN UN AN POUR UN SÉNÉGALAIS QUI EXPLOITAIT SES COMPATRIOTES SANS PAPIER
L’homme, d’origine sénégalaise, fournissait des copies de son agrément professionnel, de son titre de séjour et de ses coordonnées bancaires à des compatriotes en situation irrégulière.
L’homme, d’origine sénégalaise, fournissait des copies de son agrément professionnel, de son titre de séjour et de ses coordonnées bancaires à des compatriotes en situation irrégulière. 15 hommes ont ainsi travaillé sous son identité à travers la France. Mais c’est lui qui empochait les salaires. Il a été arrêté il y a 9 jours, le 16 février.
Les agents de la brigade mobile de recherche zonale de la Police aux Frontières ont eu vent de l’escroquerie en décembre dernier. Ces policiers sont chargés de lutter contre l’exploitation des migrants. Ils recherchent toute personne qui tenterait de tirer profit de la détresse des sans-papiers pour s’enrichir.
Ils sont 15 en Nouvelle-Aquitaine.
Samedi dernier ils ont interpellé un agent de sécurité d’origine sénégalaise à l’aéroport de Bordeaux. Il allait décoller pour Roissy dans l’objectif de rejoindre Dakar. Il allait s’enfuir.
"Son trafic a commencé fin 2019, début 2020" indique le responsable de la brigade néo-aquitaine. "Il avait tous les agréments pour être agent de sécurité, il habitait à Bordeaux et travaillait dans le secteur".
Il a utilisé une ruse bien connue : celle de faire travailler des personnes sous sa propre identité en vue de récupérer leurs salaires. "Il a fourni des copies de ses agréments d’agent de sécurité, de son titre de séjour et de ses documents bancaires à une quinzaine d’individus. Tous étaient d’origine sénégalaise comme lui et tous étaient en situation irrégulière".
Une centaine d’euros pour eux, le reste pour lui
Ces faux "clones" partaient signer des contrats aux quatre coins de l’hexagone. "Sur l’année 2020, l’ensemble des salaires perçus se sont élevés à 170 000 euros (environ 112 millions FCFA). Il ne reversait qu’une centaine d’euros par mois aux clandestins" précise le responsable de l’enquête.
Le reste, l’escroc le transférait au Sénégal où il investissait dans l’immobilier. "Il achetait des terrains pour faire construire et se constituer un patrimoine".
Juste avant son interpellation samedi, il semblait se sentir menacé d’où sa volonté de fuir. Il avait demandé à ses 15 petites mains d’arrêter de travailler sous son nom.
Il a été déféré au parquet de Bordeaux lundi matin et placé sous contrôle judiciaire. Son passeport lui a été retiré. Il comparaîtra en juin prochain devant la justice.
Il est poursuivi pour blanchiment de travail dissimulé, fraude fiscale, aide au séjour irrégulier et fourniture frauduleuse de documents administratifs.