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4 mai 2025
International
par Elgas
PRÉSIDENCE À VIE EN AFRIQUE, LES AUTRES CORPS DU ROI
Les présidents africains sont la somme de discours populaires et démagogiques, les gardiens d’équilibres nationaux intenables, les garants d’un manque de pluralité, de débat, de renouvellement dans des sociétés avec une prime à l’aînesse
A la suite de la publication sur le site change.org du manifeste « Halte à la présidence à vie en Afrique ! » par l’Ivoirienne Véronique Tadjo, le Camerounais Eugène Ebodé et le Guinéen Tierno Monénembo, nous avons souhaité ouvrir un débat sur cette thématique en donnant la parole aux écrivains du continent et de la diaspora. Ecrivain, journaliste et chercheur à l'université de Caen, en Normandie, Elgas jette un regard désenchanté mais lucide sur l'état des processus démocratiques en Afrique et la longévité de certains présidents à la tête de leurs Etats. Une série proposée par Christian Eboulé.
La sagesse touarègue se voulait pourtant optimiste : "Si longue que soit une nuit d'hiver, le soleil la suit". La prophétie populaire paraît lointaine tant le jour démocratique peine à se lever dans nombre de pays africains. Encore plus depuis qu’Alassane Ouattara et Alpha Condé ont décidé de jouer les prolongations en Côte d’Ivoire et en Guinée. Quelle idée donc se faire de la longévité des présidents africains à la tête de leur Etat dans cette (nouvelle ?) donne ? Tout dépend d’où on prend le cliché.
La pellicule a sans doute un peu vieilli, et l’impression générale demeure un peu amère. La tendance pourrait sembler être à l’éclaircie, hormis en Afrique centrale qui reste le mauvais élève des alternances politiques sur le continent, avec ses présidents totalisant presque deux siècles de règne. Mais sous de prometteurs auspices, les « notables avancées » au parfum d’espoir sont toutefois sujets à caution. 2010, acte de naissance de ce qui était annoncé comme le « temps de l’Afrique » paraît déjà si vieux - et déjà ensablé.
Des éclaircies avant les orages
Du côté de la Guinée, de la Guinée Bissau, du Burkina Faso, du Zimbabwe, de la Gambie, même si ce fut au prix de farces souvent tragiques, la transition a été actée ; et les aspirants satrapes Yahya Jammeh, Moussa Dadis Camara, Blaise Compaoré, Robert Mugabe, chassés. En Tunisie, berceau des « printemps arabes », malgré la morsure de l’islamisme, Tunis se familiarise avec l’exercice démocratique.
En Algérie, la rue a fait frémir un pouvoir ankylosé dans l’âge d’Abdelaziz Bouteflika. Au Niger, Mahamadou Issoufou a donné des gages, paraissant être un ange inespéré à côté de son voisin tchadien, le nouveau maréchal fraîchement intronisé Idriss Déby Itno. Mais au rayon des bonnes nouvelles, c’est tout de même maigre. Et à examiner profondément la réalité de ces évolutions, les changements ne s’enracinent dans aucune véritable charpente démocratique novatrice, en mesure de prévenir les probables récidives.
En l’état, tous les ingrédients sont réunis pour des lendemains de révolution qui déchantent. La comparaison avec le pire n’est jamais flatteuse et pourtant, à tout prendre, par rapport aux dictatures sanglantes des décennies passées (80/90), la rémission est lente. La septicémie est moins générale, mais la pathologie reste chronique.
Le mauvais paradigme ?
Face à ces stagnations qui ont goût de régression mutatis mutandis, on n’a bien que nos yeux pour pleurer, nos indignations pour s’encolérer, nos pétitions pour prétendre, nos forces politiques pour militer. Mais souvent, que notre impuissance pour s’orner. Cependant toute querelle accusatoire serait bien moins urgente que la situation elle-même.
La seule condamnation des présidents risque de s’enfermer dans une vision court-termiste, car les structures sont plus gangrenées que ceux qui les incarnent. Entre plusieurs hypothèses, on a peut-être une recette intellectuelle pas suffisamment explorée, celle d’assumer collectivement un échec sans imputer à la seule classe politique la responsabilité. La longévité des pouvoirs n’est en fin de compte qu’un symptôme d’un paradigme politique à l’envers.
Les présidents africains sont la somme de discours populaires et démagogiques, les gardiens d’équilibres nationaux intenables, les garants d’un manque de pluralité, de débat, de renouvellement dans des sociétés avec une prime à l’aînesse. Toutes choses qui favorisent des transmissions encore trop verticales, au cœur des saucissonnages communautaires, tribaux.
Des Constitutions importées
Voir clair ou « entendre dangereusement », c’est aller au-delà. Dans un texte passé inaperçu, Pensées actuelles en miettes, paru dans la revue Présence africaine, Théophile Obenga, sommité d’égyptologie qui a éclos à l’ombre de Cheikh Anta Diop et qui s’éteint dans celle du président congolais Denis Sassou Nguesso, argumentait contre la limitation des mandats et s’en prenait à la démocratie en termes verts, ceux d’une injonction extérieure invasive et coloniale.
Dans le même texte, le penseur congolais s’attaquait aux Constitutions importées, et tout compte fait, problématiques. A sa suite, le président Paul Kagame a jeté les bases d’un autoritarisme éclairé, recevable pour beaucoup, au vu de la trajectoire du Rwanda et de ses résultats économiques. Deux ambassadeurs prestigieux des changements de Constitution ! Ils font des émules, et ces développements, populaires à coup sûr, vont au-delà et agrègent le propos de gare, la pensée populiste et l'argumentaire intellectuel structuré, infusant bon an mal an les consciences.
Les alliés des pouvoirs politiques
L’essence divine du pouvoir, sauce Ancien Régime français, tient des teintes locales d’absolutisme, avec un patrimonialisme qui gage de la redistribution arbitraire. L’Etat change ses devoirs en actes de bienfaisance, ses prérogatives en générosités, les droits en dons. S’il faut y voir l’essoufflement de l’appareil d’Etat sous la rudesse de la pauvreté qui défait insidieusement les règles, il y a un lien plus incernable avec la représentation populaire du pouvoir comme aboutissement d’un processus personnel, clanique ou affairiste.
Les populations attendent du roi élu ses largesses, sa grâce. Elles n’opposent pas leur droit légitime ; elles formulent des doléances. Des milliers de personnes, dont le privilège est d’être du bon côté de la barrière, redoublent d’assentiment voire de cécité volontaire face aux forfaits, car leurs vies, leur épanouissement, dépendent de la pérennité du système en place.
Les ramifications sont tentaculaires, et la pieuvre étatique est nourricière d’intermédiaires communautaires. Réfléchissant à la question, l'anthropologue français Jean-Pierre Olivier de Sardan décortique savamment, dans son article intitulé Economie morale de la corruption, la mécanique de la corruption enchâssée dans des logiques de générosités liées au don, qui acte l’appartenance à une certaine caste, symbole de la réussite et de la réalisation sociale.
Des choix de société à faire
Le politique a une chance de réussir là où l’intellectuel n’en a aucune. Le politique achète la vie là où l’intellectuel vend un rêve, une illusion. La survivance du président a aussi quelques commodités pour la paix civile. Un pacte tacite dans lequel les dirigeants délèguent leur primat moral. Une cotutelle bien huilée : comme pourvoyeurs de kit de survie, l’Etat patrimonial a l’église, la mosquée, les chapelles traditionnelles.
Elles distillent savamment, à dose légère, l’anesthésie qui réduit progressivement en cendres la fibre contestataire. En échange, la mythologie religieuse offre bien des rétributions. Nulle part il n’existe de conflit entre satrapes et guides moraux et religieux. Ils se tiennent la main. L’éternité s’assure en fusionnant temporel et spirituel.
Le chantier est vaste, vertigineux et exigeant. Etêter les présidents seuls, c’est donner le loisir à l’hydre de renaître. Il faudra opérer des choix, sans doute radicaux, sur quel type de sociétés nous souhaitons avoir, et consentir aux sacrifices que cela exige, dans un huis clos qui n’en réfère pas toujours à la réification du fait colonial.
Et dans cette dynamique collective, les intellectuels n’auront jamais mieux que leurs livres pour parler de politique. Et c’est bien une tragédie nôtre, faite hélas de douleur et de vanité : les écrivains africains ont tout du continent : les naissances, les intérêts, les projets, les sujets, les affects. Mais hélas, pas les lecteurs, ou alors très peu. Et par conséquent pas le poids, ni l’impact.
LA GUINÉE SOUS TENSION
Le pays se préparait mardi à une nouvelle journée à risques après la proclamation unilatérale par l'opposant Cellou Dalein Diallo de sa victoire à la présidentielle de dimanche et les premiers heurts, déjà meurtriers selon lui
Les affrontements redoutés dans un pays où les nerfs sont à vif ont éclaté après la prise de parole de M. Diallo lundi après-midi pour revendiquer sa victoire "dès le premier tour", sans attendre l'officialisation des résultats par les organes suppposés le faire.
Cette déclaration a déclenché des scènes de liesse dans des quartiers de la banlieue de Conakry, fiefs de M. Diallo et de son parti, l'Union des forces démocratiques (UFDG), mais aussi des violences.
"Alors que des jeunes célébraient paifiquement la victoire, les forces de sécurité ont tiré sur la foule, entraînant la mort de trois jeunes garçons et plusieurs blessés par balles", a écrit M. Diallo sur les réseaux sociaux.
Il a parlé de "nouveaux crimes à mettre à l'actif d'Alpha Condé", le président sortant qui brigue à 82 ans un troisième mandat consécutif malgré des mois de contestation sanglante.L'issue de l'élection à laquelle concouraient 12 candidats devrait se jouer entre M. Condé et M. Diallo, 68 ans, rivaux de longue date.
L'UFDG a présenté les morts comme Thierno Nassirou Sylla, Mamadou Saidou Diallo et Abdoulaye Diomba Diallo, 13, 14 et 18 ans.Un correspondant de l'AFP présent dans la banlieue a vu trois blessés et une forte présence des forces de sécurité, malgré l'obscurité dans laquelle retentissaient des détonations sporadiques.
Aucune confirmation n'a été obtenue des autorités, préfiguration possible du hiatus, récurrent en Guinée, à attendre en cas d'escalade entre les informations communiquées par les différents camps.
- Peur du "vol" -
La présidentielle de dimanche s'est déroulée dans un climat de vives tensions faisant craindre une éruption de violences.
Le vote lui-même a eu lieu dans le calme.Mais il a été précédé par des mois de tensions meurtrières et une campagne acrimonieuse au cours de laquelle personne n'a donné l'impression d'être prêt à accepter une défaite.
La Guinée est coutumière de voir le sang couler au moment des élections et dans les périodes de confrontation politique.Les mois derniers, les manifestations de l'opposition contre un troisième mandat de M. Condé ont été durement réprimées.Il y a eu des dizaines de morts civils, opposition et autorités divergeant sur les chiffres et les responsabilités.
M. Diallo et son parti se sont constamment dits inquiets que M. Condé ne leur "vole" la victoire en trichant, comme cela fut le cas, selon eux, aux présidentielles de 2010 et 2015.Leur méfiance totale a été avivée par la modification de la Constitution à laquelle M. Condé a fait procéder en mars pour, dit-il, moderniser le pays.
Lui et son camp invoquent cette nouvelle Constitution pour justifier sa candidature à un troisième mandat, alors que le nombre en est limité à deux.Ils font valoir que les compteurs sont remis à zéro.
- "Nulle et de nul effet" -
L'UFDG avait indiqué qu'il publierait des résultats compilés par ses soins avec les données remontées de tout le pays, sans s'en remettre à la commission électorale ou à la Cour constitutionnelle, qu'il juge inféodées aux autorités.
M. Diallo s'est exécuté lundi, tentant le fait accompli au risque d'être accusé de prolonger une crise sans issue en vue.
Le numéro deux de l'organe chargé d'organiser les élections, la Céni, a déclaré "prématurée", "nulle et de nul effet" la proclamation de M. Diallo.C'est à la Céni qu'il appartient d'annoncer les résultats provisoires, probablement "d'ici à la fin de la semaine", puis à la Cour constitutionnelle de les valider, a-t-il affirmé.
Dans un communiqué commun, les Nations unies, l'Union africaine et la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) a jugé "regrettables" les annonces anticipées de résultats.Elle ne sont pas "de nature à préserver le calme qui a globalement prévalu" au cours du vote, ont-elles déploré, appelant les "acteurs politiques au calme et à la retenue afin d'éviter des manifestations violentes".
Le parti de M. Condé a lui aussi condamné cette proclamation et appelé ses partisans au calme dans l'attente des résultats officiels.
Un second tour, s'il doit avoir lieu, est programmé le 24 novembre.
VIDEO
UN NOUVEAU MORT LORS DES MANIFESTATIONS DE L'OPPOSITION EN CÔTE D'IVOIRE
Les tensions se multiplient à l'approche de l'élection présidentielle du 31 octobre
Une personne est morte et plusieurs ont été blessées lors de manifestations de l'opposition à deux semaines de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire. Les manifestants rejettent notamment la candidature du président sortant, Alassane Ouattara, à un troisième mandat. Ces violences font ressurgir le spectre de la crise post-électorale de 2010-2011.
Les tensions se multiplient en Côte d'Ivoire à l'approche de l'élection présidentielle du 31 octobre. Une personne est morte et plusieurs ont été blessées lundi 19 octobre lors de manifestations de l'opposition et alors qu'une mission diplomatique ouest-africaine a appelé pouvoir et opposants à faire des "efforts considérables".
"Il y a eu un mort (...) et une dizaine de blessés graves" à Bounoua (60 km à l'est d'Abidjan), ex-fief de l'ancienne première dame Simone Gbagbo, a affirmé à l'AFP Jean-Paul Améthier, maire (opposition) de cette ville, accusant les forces de l'ordre d'en être responsable.
Les manifestants, jeunes pour la plupart, avaient bloqué la route qui relie Abidjan au Ghana pour "respecter le mot d'ordre de boycott" de l'opposition, a poursuivi le maire. Ils ont été dispersés par les forces de l'ordre. "La situation est revenue au calme en début d'après-midi", selon le maire.
À Abidjan, des échauffourées ont eu lieu dans la matinée entre les forces de l'ordre et des étudiants en grève qui manifestaient à l'appel du puissant syndicat Fesci, proche de l'opposition, pour protester contre des frais scolaires et universitaires, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des incidents ont aussi eu lieu à Dabou (50 km d'Abidjan), Divo (200 km d'Abidjan) et Yamoussoukro, selon des témoins et une source sécuritaire.
"Reconsidérer le boycott"
Ces nouvelles violences surviennent après qu'au moins deux personnes sont mortes ce week-end dans des affrontements intercommunautaires liés à la situation politique à Bongouanou (200 km au nord d'Abidjan), fief d'un des candidats de l'opposition, Pascal Affi N'Guessan, ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo.
L'opposition a appelé le 15 octobre ses militants à boycotter les opérations électorales et la campagne, en affirmant ne pas être "concernée" par le "processus électoral". L'opposition n'a toutefois pas encore retiré formellement ses candidats pour le scrutin présidentiel du 31 octobre.
Laissant planer le doute sur un boycott de l'élection depuis des semaines, elle demande une réforme du Conseil constitutionnel et de la Commission électorale indépendante, "inféodés" au pouvoir selon elle.
BAMBA NIANG, LE SYMBOLE D'UNE ABERRATION FRANÇAISE
Ce jeune homme titulaire de trois masters risque d'être expulsé vers son pays d'origine, le Sénégal, s'il ne trouve pas un travail
Le Point Afrique |
Saïd Mahrane |
Publication 19/10/2020
« J'aimerais vraiment m'installer en France. » Plus on l'écoute dérouler sa vie, moins on ne peut s'empêcher de voir dans sa situation actuelle une aberration. Son récit personnel est d'autant plus fort qu'il l'exprime sereinement, sans amertume. Il n'en veut à personne, n'accuse personne. Bamba Niang, 28 ans, est un bac + 7, qui cherche du travail – certes, comme d'autres. Mais là n'est pas l'aberration (quoique) : depuis un an, il est autorisé à rester sur le territoire français grâce à une attestation provisoire, qui arrive à échéance samedi 17 octobre. À partir de ce jour, il risque, en cas de contrôle, une reconduite à la frontière. Avec l'aide d'une avocate, il a entrepris des démarches pour obtenir une prolongation, en plaidant que la crise sanitaire avait entravé durant des mois sa quête d'emploi. Il attend.
Une vidéo virale
Son histoire, il l'a récemment racontée dans une vidéo publiée sur le site Konbini. Sa viralité lui a permis de nouer des contacts avec des entrepreneurs, startupeurs et quelques politiques, parmi lesquels Jean Rottner, le président de la région Grand Est. L'autre jour, et ça l'a amusé, une contrôleuse de la RATP l'a reconnu et lui a souhaité bonne chance. La vidéo a même été reprise dans les médias de son pays d'origine, le Sénégal.
Né à Dakar, il a intégré, à 12 ans, le prytanée militaire de Saint-Louis. Après son bac, et un parcours exemplaire, il s'engage dans l'armée sénégalaise. Dans le cadre d'un accord de coopération avec l'Italie, il s'installe à Modène, puis part étudier à Turin, où il suit un master de science stratégique et militaire. Il devient ensuite lieutenant-chef de l'armée de son pays. Il en démissionne en 2017 pour un retour à la vie civile. Retour à Turin, où il reprend les études : il décroche un master de relations internationales, qui le mènera ensuite à Lyon-2, où il obtient un diplôme de sciences politiques.
CELLOU DALEIN DIALLO SE PROCLAME VAINQUEUR DE LA PRÉSIDENTIELLE GUINÉENNE
Le candidat de la coalition d’opposition ANAT a revendiqué la victoire dans une déclaration lue au quartier général de sa campagne devant plusieurs dizaines de militants et sympathisants
L'opposant guinéen Cellou Dalein Diallo, principal adversaire du président sortant Alpha Condé, a revendiqué lundi sa victoire "dès le premier tour" de la présidentielle, sans attendre les résultats officiels, au risque d'enflammer des esprits déjà chauffés à blanc par des mois de contestation meurtrière et une campagne sous tension.
"Mes chers compatriotes, malgré les anomalies qui ont entaché le scrutin du 18 octobre et au vu des résultats sortis des urnes, je sors victorieux de cette élection dès le premier tour", a déclaré devant la presse M. Diallo.
Son parti, l'Union des forces démocratiques (UFDG), avait dit craindre de se faire "voler" la victoire, comme cela fut le cas selon lui en 2010 et 2015, déjà contre M. Condé, qui brigue pour sa part un troisième mandat controversé.
En boubou bleu ciel, toque et masque anti-Covid, M. Diallo s'exprimait depuis le quartier général de sa formation, dans un quartier populaire de la banlieue de Conakry, pris d'assaut par des supporters montés sur les toits des bâtiments annexes.
"J'invite tous mes compatriotes épris de paix et de justice à rester vigilants et mobilisés pour défendre cette victoire de la démocratie", a ajouté M. Diallo, qui à 68 ans se présentait pour la troisième fois à la présidentielle.
Sa déclaration, d'à peine deux minutes, a été accueillie par des hurlements de joie de ses partisans et les cris de "Cellou président" ou "Victoire méritée", ont constaté des journalistes de l'AFP.
- Liesse dans les banlieues -
Les gens sont sortis par centaines le long de l'axe traversant la banlieue pour célébrer ce qu'ils appellent la victoire et voir passer les motos filant à fond de train en actionnant leur klaxon et en se livrant à des acrobaties pour exprimer leur liesse.
Les forces de sécurité en tenue anti-émeute se sont déployées en nombre aux principaux carrefours, faisant usage de gaz lacrymogène pour disperser les supporters de M. Diallo qui s'étaient rassemblés près de son domicile, selon un photographe de l'AFP.
Le camp de M. Diallo, qui se déclare inquiet de tricheries, avait annoncé qu'il publierait des résultats compilés par ses soins avec les données remontés de tout le pays, sans s'en remettre à la commission électorale ou, ultérieurement, à la Cour constitutionnelle, qu'il juge inféodées aux autorités en place.
Le pouvoir ne cachait pas pour sa part son inquiétude devant les publications anticipées de résultats partiels pendant la nuit de dimanche à lundi.Le ministère de la Sécurité a martelé qu'elles étaient interdites.
Devancer la Céni reviendrait à mettre de "l'huile sur le feu", a souligné dimanche soir le Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, qui est aussi directeur de la campagne du président sortant."C'est créer les conditions d'une situation de dégradation qui va échapper à tout contrôle", a-t-il mis en garde.
Sollicité par l'AFP, le président de la Céni, Kabinet Cissé, a indiqué que l'institution chargée des élections allait réagir "officiellement" ultérieurement.
- Résultats officiels d'ici une semaine -
Près de 5,5 millions de Guinéens étaient appelés dimanche à choisir parmi 12 candidats le prochain président de ce pays pauvre malgré ses immenses ressources naturelles.
La compétition se jouait en fait entre le sortant Alpha Condé, 82 ans et son adversaire de longue date, Cellou Dalein Diallo.
Cette élection, la première d'une série de cinq présidentielles en Afrique de l'Ouest avant fin 2020, s'est déroulée dans un climat de tension qui fait redouter des troubles autour de l'annonce des résultats, dans un pays accoutumé aux confrontations politiques sanglantes.
L'importance des appartenances ethniques ajoute à la volatilité de la situation.
Une proclamation d'un résultat global par les organes électoraux officiels devrait être "l'affaire d'une semaine", a estimé le Premier ministre.
Un second tour, s'il doit avoir lieu, est programmé le 24 novembre.
- "Tourner la page" -
Pendant des mois, l'opposition s'est mobilisée contre la perspective d'un troisième mandat de M. Condé.La contestation, lancée en octobre 2019, a été durement réprimée.Des dizaines de civils ont été tués.
Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux.Mais pour M. Condé, la Constitution qu'il a fait adopter en mars pour, affirme-t-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro.
La campagne, acrimonieuse, a été émaillée d'invectives, d'incidents et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants.
Ancien opposant historique devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires, Alpha Condé revendique d'avoir redressé un pays qu'il avait trouvé en ruines et d'avoir fait avancer les droits humains.
M. Diallo propose de "tourner la page cauchemardesque de 10 ans de mensonges", fustigeant dérive autoritaire, répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté.
LES ESPRITS S'ECHAUFFENT
Après un scrutin présidentiel qui semble avoir mobilisé les Guinéens et s'être déroulé dans le calme, dimanche 18 octobre, la tension commence à monter dans le pays
À peine le premier tour de la présidentielle passé, le camp de Cellou Dalein Diallo, le candidat de l'opposition, affirme lundi vouloir publier ses propres résultats, sans s'en remettre à la commission électorale. Des manifestations ont eu lieu à Conakry, dimanche soir.
Après un scrutin présidentiel qui semble avoir mobilisé les Guinéens et s'être déroulé dans le calme, dimanche 18 octobre, la tension commence à monter dans le pays. En cause : la publication des résultats par l'opposition alors que la commission électorale (Céni) n'a encore communiqué aucun chiffre.
Le camp de Cellou Dalein Diallo, 68 ans, qui se déclare inquiet de tricheries, a affirmé lundi 19 octobre qu'il publierait des résultats compilés par ses soins avec les données remontées de tout le pays. Il court-circuiterait ainsi la commission électorale ou, ultérieurement, à la Cour constitutionnelle, qu'il juge inféodées.
Dans la nuit, des résultats partiels ont été publiés sur des sites d'information. Des manifestations apparemment spontanées ont été rapportées dans certains quartiers de la capitale Conakry favorables à Cellou Dalein Diallo pour célébrer ce qui serait sa victoire.
Le parti de Diallo, l'Union des forces démocratiques (UFDG), dit craindre de se faire "voler" la victoire, comme cela fut le cas selon lui en 2010 et 2015, déjà contre Alpha Condé – qui brigue, à 82 ans, un troisième mandat consécutif malgré des mois de contestation meurtrière.
"L'affrontement a été évité de justesse"
Le pouvoir ne cache pas son inquiétude devant les publications anticipées. Le ministère de la Sécurité a martelé qu'elles étaient interdites. "L'affrontement a été évité de justesse" lors des rassemblements de la nuit, a-t-il indiqué.
Dans un possible signe de fermeté, la Haute autorité de la communication a suspendu pour un mois le site d'information GuinéeMatin.com, coupable selon un communiqué lu à la télévision nationale d'avoir diffusé en direct sur les réseaux sociaux des opérations de dépouillement.
Devancer la Céni reviendrait à mettre de "l'huile sur le feu", a souligné dimanche soir le Premier ministre Kassory Fofana, qui est aussi directeur de la campagne du président sortant. "C'est créer les conditions d'une situation de dégradation qui va échapper à tout contrôle", a-t-il mis en garde.
L'UFDG dit craindre de "se faire voler la victoire"
"Les bureaux de vote affichent les résultats par bureau de vote. À partir du moment où c'est affiché, c'est un résultat public. Donc l'UFDG va publier les résultats. Si nous sommes gagnants, nous défendrons notre victoire (...) Nous n'attendrons pas la Cour constitutionnelle, nous n'attendrons pas la Céni", a assuré l'un de ses responsables, Ousmane Gaoual Diallo.
Devant les premières publications, le parti d'Alpha Condé a accusé dans un communiqué l'UFDG de chercher à usurper la victoire. Or celle-ci "est quasiment impossible si nous observons les tendances qui nous parviennent. Pour preuve, leur leader a été lamentablement battu dans son propre bureau de vote".
Une proclamation d'un résultat global par les organes électoraux officiels devrait être "l'affaire d'une semaine", a estimé le Premier ministre. L'UFDG compte aller beaucoup plus vite.
Un second tour, s'il doit avoir lieu, est programmé le 24 novembre. Avant même le début de la comptabilisation, l'opposition a commencé à dénoncer des bourrages d'urnes et des obstructions faites à la présence de ses représentants dans des bureaux de vote. Le gouvernement a fait état d'incidents sans grande gravité.
EN GUINÉE, LE BRAS DE FER EST ENGAGÉ AUTOUR DES RÉSULTATS NON-PROCLAMÉS
Le camp de Cellou Dalein Diallo, qui se déclare inquiet de tricheries, a affirmé qu'il publierait des résultats compilés par ses soins, sans s'en remettre à la commission électorale ou, ultérieurement, à la Cour constitutionnelle, qu'elle juge inféodées
A peine le premier tour de la présidentielle passé, la querelle est grand ouverte en Guinée autour des résultats pourtant non proclamés, laissant craindre l'escalade redoutée avant cette élection à hauts risques.
Après un vote qui semble avoir mobilisé les Guinéens et s'être déroulé dans le calme, les esprits se sont échauffés sur la question de la publication des résultats par l'opposition, sans attendre leur proclamation officielle par la commission électorale (Céni).
Près de 5,5 millions de Guinéens étaient appelés dimanche à choisir parmi 12 candidats le prochain président de ce pays pauvre malgré ses immenses ressources naturelles.Sauf énorme surprise, la compétition se jouera entre le sortant Alpha Condé, qui brigue à 82 ans un troisième mandat consécutif malgré des mois de contestation meurtrière, et son adversaire de longue date, Cellou Dalein Diallo, 68 ans.
Cette élection, la première d'une série de cinq présidentielles en Afrique de l'Ouest avant fin 2020, s'est déroulée dans un climat de tension qui fait redouter des troubles autour de l'annonce des résultats, dans un pays accoutumé aux confrontations politiques sanglantes.
L'importance des appartenances ethniques ajoute à la volatilité de la situation.
Le camp de Cellou Dalein Diallo, qui se déclare inquiet de tricheries, a affirmé qu'il publierait des résultats compilés par ses soins avec les données remontés de tout le pays, sans s'en remettre à la commission électorale ou, ultérieurement, à la Cour constitutionnelle, qu'elle juge inféodées.
De fait, dans la nuit, des résultats partiels ont été publiés sur des sites d'information.Des manifestations apparemment spontanées ont été rapportées dans certains quartiers de la capitale Conakry favorables à M. Diallo pour célébrer ce qui serait sa victoire.
- Site fermé -
Le pouvoir ne cache pas son inquiétude devant les publications anticipées.Le ministère de la Sécurité a martelé qu'elles étaient interdites."L'affrontement a été évité de justesse" lors des rassemblements de la nuit, a-t-il indiqué.
Dans un possible signe de fermeté, la Haute autorité de la communication a suspendu pour un mois le site d'information Guinéematin.com, coupable selon un communiqué lu à la télévision nationale d'avoir diffusé en direct sur les réseaux sociaux des opérations de dépouillement.
Devancer la Céni reviendrait à mettre de "l'huile sur le feu", a souligné dimanche soir le Premier ministre Kassory Fofana, qui est aussi directeur de la campagne du président sortant."C'est créer les conditions d'une situation de dégradation qui va échapper à tout contrôle", a-t-il mis en garde.
Le parti de M. Diallo, l'Union des forces démocratiques, dit craindre de se faire "voler" la victoire, comme cela fut le cas selon lui en 2010 et 2015, déjà contre M. Condé.
"Les bureaux de vote affichent les résultats par bureau de vote.A partir du moment où c'est affiché, c'est un résultat public.Donc l'UFDG va publier les résultats.Si nous sommes gagnants, nous défendrons notre victoire (...) Nous n'attendrons pas la Cour constitutionnelle, nous n'attendrons pas la Céni", a assuré l'un de ses responsables, Ousmane Gaoual Diallo.
Devant les premières publications, le parti de M. Condé a accusé dans un cmmuniqué l'UFDG de chercher à usurper la victoire.Or celle-ci "est quasiment impossible si nous observons les tendances qui nous parviennent.Pour preuve, leur leader a été lamentablement battu dans son propre bureau de vote".
Une proclamation d'un résultat global par les organes électoraux officiels devrait être "l'affaire d'une semaine", a estimé le Premier ministre.L'UFDG compte aller beaucoup plus vite.
- Second tour ? -
Un second tour, s'il doit avoir lieu, est programmé le 24 novembre.
Avant même le début de la comptabilisation, l'opposition a commencé à dénoncer des bourrages d'urnes et des obstructions faites à la présence de ses représentants dans des bureaux de vote.Le gouvernement a fait état d'incidents sans grande gravité.
Pendant des mois, l'opposition s'est mobilisée contre la perspective d'un troisième mandat de M. Condé.La contestation, lancée en octobre 2019, a été durement réprimée.Des dizaines de civils ont été tués.
Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux.Mais pour M. Condé, la Constitution qu'il a fait adopter en mars pour, affirme-t-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro.
La campagne, acrimonieuse, a été émaillée d'invectives, d'incidents et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants.
Ancien opposant historique devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires, Alpha Condé revendique d'avoir redressé un pays qu'il avait trouvé en ruines et d'avoir fait avancer les droits humains.
M. Diallo propose de "tourner la page cauchemardesque de 10 ans de mensonges", fustigeant dérive autoritaire, répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté.
VIOLENCES ETHNIQUES EN CÔTE D'IVOIRE
Des affrontements inter-communautaires opposent des Agnis - ethnie locale considérée comme proche de l'opposition - et des Dioulas - musulmans venus du nord et réputés proches du pouvoir
La campagne électorale de la présidentielle du 31 octobre en Côte d'Ivoire a dégénéré à Bongouanou, à 200 km au nord d'Abidjan. Des affrontements inter-communautaires opposent des Agnis - ethnie locale considérée comme proche de l'opposition - et des Dioulas - musulmans venus du Nord et réputés proches du pouvoir.
Les machettes et les gourdins sont de sortie à Bongouanou, à 200 km au nord d'Abidjan. De multiples barrages, tenus par les jeunes agnis (ethnie locale jugée proche de l'opposition), empêchaient la circulation, dimanche 18 octobre, sur les axes menant à ce fief de Pascal Affi N'Guessan, candidat de l'opposition à l'élection présidentielle du 31 octobre et ancien Premier ministre de l'ex-président Laurent Gbagbo.
"Les Dioulas, c'est le problème", crie les yeux exorbités un jeune membre de la communauté agnie à l'AFP, faisant référence à ces musulmans venus du Nord et réputés proches du pouvoir.
Au cours de ces affrontements inter-communautaires, deux personnes sont mortes. Dans la ville, de nombreux commerces et restaurants ont été pillés et incendiés, plusieurs carcasses de voitures et motos calcinées encombrent les rues. Dans certains quartiers, des centaines de cailloux et des bouteilles cassées, ayant servi de projectiles aux deux camps, jonchent le sol. Et ses centaines d'habitants fuyaient à pied le long de la route, sac sur le dos, baluchon sur la tête.
Les craintes d'une nouvelle explosion meurtrière se précisent, alors qu'une quinzaine de personnes sont mortes en août et en septembre, dans des violences liées au scrutin. Ces affrontements interviennent dix ans après la crise post-électorale de 2010-2011, survenant elle-même après une décennie de tensions (2010-2011).
Tout a débuté vendredi, quand des jeunes partisans de Pascal Affi N'Guessan ont érigé des barricades sur les routes, après le mot d'ordre de l'opposition de "boycott actif" du "processus électoral" pour "empêcher la tenue de toute opération liée au scrutin". Chaque communauté accuse l'autre d'être à l'origine des violences.
Les Dioulas : "On est derrière Ouattara"
"Ils bloquaient les routes alors que nous, on vit de commerce et transport. Après, ils ont pillé et brûlé nos boutiques, ils ont brûlé nos véhicules", assure dans le quartier musulman Cissé Sekou, surnommé le "Commandant", entouré de centaines de jeunes prêts à en découdre. Il assure que c'est seulement après que les Dioulas ont "répondu", en allant brûler restaurants, kiosques et magasins agnis.
"Nous, on est derrière Ouattara. Pour le troisième mandat", scande-t-il, ce qui engendre des acclamations. Élu en 2010, réélu en 2015, Alassane Ouattara avait renoncé en mars à briguer un troisième mandat, avant de changer d'avis en août après le décès de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
La loi ivoirienne prévoit un maximum de deux mandats, mais le Conseil constitutionnel a estimé qu'avec la nouvelle constitution de 2016, le compteur du président a été remis à zéro, ce que conteste farouchement l'opposition.
Une partie de la résidence de N'Guessan incendiée
À 200 m du quartier dioula, sur le flanc de la colline avoisinante, dans le quartier agni, Clémentine Tanoa se désole devant son maquis (restaurant) dévasté : "Les Dioulas sont venus. Ils ont tout pris, les bananes, les assiettes, les appareils... On a fui". Les pillards ont aussi ciblé des sites symboliques : une partie de la résidence de Pascal Affi N'Guessan a ainsi été incendiée.
Des groupes de jeunes agnis sillonnent désormais la ville armés de machettes, couteaux, planches cloutées, haches, barres de fer, frondes... Beaucoup sont éméchés, ayant abusé d'alcool de vin de palme.
"Les Dioulas nous ont attaqués. On a répliqué. On ne veut pas de troisième mandat de Ouattara. La Côte d'Ivoire n'a pas été faite pour une seule ethnie. Ça fait 10 ans que les Dioulas sont au pouvoir, ca suffit", s'exclame Lambert, un chef de barrage.
À l'hôpital, un employé évoque, sous couvert de l'anonymat, un bilan de cinq morts - il ne sait pas combien de personnes ont été blessées. "Les blessés reçoivent des soins mais on les laisse partir aussitôt, parce que les gens de l'autre camp peuvent venir les chercher"...
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LA CRAINTE DE TROUBLES POST ELECTORAUX
Les Guinéens sont allés voter dimanche pour choisir leur prochain président, dans le calme mais aussi l'inquiétude de lendemains électoraux violents au moment de l'annonce des résultats
Les Guinéens sont allés voter dimanche pour choisir leur prochain président, dans le calme mais aussi l'inquiétude de lendemains électoraux violents au moment de l'annonce des résultats, après des mois de contestation meurtrière contre un éventuel troisième mandat du sortant Alpha Condé.
Les bureaux de vote ont fermé officiellement à 18H00 (GMT et locales) le dimanche 18 octobre à l'issue du premier tour de la présidentielle guinéenne, avant que ne soient brisés les sceaux de milliers d'urnes transparentes réparties à travers le pays pour procéder au dépouillement.
Des incidents sans extrême gravité apparente ont été rapportés de province et de premières irrégularités dénoncées par l'opposition.
Mais c'est surtout la publication de résultats, qu'elle soit le fait du gouvernement ou de l'opposition, que les Guinéens envisagent avec appréhension, tant l'animosité et la méfiance sont grandes entre les camps des deux principaux candidats.
Une proclamation d'un résultat global par les organes électoraux officiels devrait prendre quelques jours au moins. Mais l'un des risques est que le camp d'Alpha Condé ou celui de son challenger, Cellou Dalein Diallo, ne prenne les devants en invoquant ses propres données remontées du terrain, y compris pour revendiquer une victoire dès le premier tour, provoquant les protestations de la partie adverse avec des conséquences imprévisibles.
Une campagne tendue
Cette élection suscite l'inquiétude de la communauté internationale. Après une campagne vindicative et fiévreuse, le premier tour de la présidentielle se tenait dans un climat de tension extrême alimenté par la contestation contre le candidature d'Alpha Condé, élu en 2010 et réélu en 2015.
La dernière ligne droite de le campagne a en effet été marquée par de nombreux incidents dans ce pays où la confrontation politique violente et l'instrumentalisation des questions ethniques sont monnaie courante. Les jours précédant le vote ont été émaillés d'attaques personnelles, d'obstructions et de heurts qui ont fait plusieurs blessés entre militants des deux principaux concurrents, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo.
"Inquiétudes pour la paix"
"La stratégie aujourd'hui qui est en train d'être élaborée, hélas, de l'autre côté, c'est comment tricher. Parce que M. Alpha Condé ne peut pas renoncer à son désir de s'octroyer une présidence à vie", a dit Cellou Dalein Diallo, qui ne veut pas revivre ses échecs de 2010 et 2015.
Pendant des mois, l'opposition s'est mobilisée contre la perspective d'un troisième mandat d'Alpha Condé. La contestation, lancée en octobre 2019, a été durement réprimée. Des dizaines de civils ont été tués.
Le nombre de mandats présidentiels est limité à deux. Mais pour Alpha Condé, la Constitution qu'il a fait adopter en mars pour, dit-il, moderniser le pays remet son compteur à zéro.
Le ministre de la Sécurité s'est déclaré "inquiet des déclarations du leader de l'UFDG, qui disait que, s'il ne gagnait pas, il ne reconnaîtrait pas les résultats et n'appellerait pas à l'apaisement".
"On veut la paix, pas la bagarre", confiait pour sa part Mohamed Fodé Camara, un électeur du quartier de Kaloum, en disant "craindre le jour de la proclamation des résultats".
"Tourner la page"
Près de cinq millions et demi de Guinéens étaient appelés à choisir parmi douze candidats et candidates pour diriger ce pays de 12 à 13 millions d'habitants, parmi les plus pauvres du monde malgré ses immenses ressources naturelles.
L'issue devrait se jouer entre Alpha Condé, 82 ans, et Cellou Dalein Diallo, 68 ans. L'un sanguin, l'autre policé, ils s'étaient affrontés en 2010, premières élections jugées démocratiques après des décennies de régimes autoritaires, puis en 2015.
Ancien opposant historique devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu après des années de régimes autoritaires, Alpha Condé revendique d'avoir redressé un pays qu'il avait trouvé en ruines et d'avoir fait avancer les droits humains.
Cellou Dalein Diallo propose de "tourner la page cauchemardesque de 10 ans de mensonges", fustigeant répression policière, corruption, chômage des jeunes et pauvreté.
Le vote guinéen ouvre un cycle dense de présidentielles en Afrique de l'Ouest scruté avec anxiété par les défenseurs de la démocratie, alarmés par les reculs de leur cause dans une sous-région autrefois jugée pionnière.
Le recours aux distorsions électorales ou aux modifications constitutionnelles figure parmi leurs sujets de préoccupation, avec les restrictions à la vie citoyenne, les arrestations arbitraires ou les actes de répression.
Dès le 31 octobre, la présidentielle en Côte d'Ivoire, où le sortant Alassane Ouattara postule également à un troisième mandat controversé, s'annonce elle aussi à hauts risques. Des présidentielles sont également prévues d'ici à fin 2020 au Burkina Faso, au Ghana et au Niger.
EN FINIR AVEC L'APARTHEID CAPILLAIRE
Alors qu’il existe en France presque trois fois plus de salons de coiffure que de boulangeries, le cheveu afro a encore du mal à trouver une adresse pour se faire chouchouter
Le Monde Afrique |
Sandrine Berthaud-Clair |
Publication 18/10/2020
Malgré une forte demande et un marché du cheveu bouclé-frisé-crépu en pleine expansion, les formations académiques peinent à se moderniser.
Alors qu’il existe en France presque trois fois plus de salons de coiffure que de boulangeries, le cheveu afro a encore du mal à trouver une adresse pour se faire chouchouter. En 2018, pas moins de 85 192 établissements quadrillaient le territoire, selon le recensement de l’Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC) et le secteur, deuxième de l’artisanat, pèse 6 milliards d’euros de chiffres d’affaires par an.
Or si l’on voulait pouvoir couvrir les besoins capillaires des personnes noires et métisses de France, estimées à au moins un cinquième de la population d’après le Conseil représentatif des associations noires (CRAN), il faudrait 17 000 enseignes capables de proposer des services pour cheveux bouclés-frisés-crépus (BFC). L’Ile-de-France, qui compte à elle seule 15 000 salons minimum, devrait donc pouvoir proposer une expertise « BFC » dans 3 000 d’entre eux. Mais on en est encore très loin.
« En région parisienne, où les besoins sont les plus importants car la diversité y est plus forte qu’ailleurs, on n’en dénombre pas 150, même en comptant les boutiques des quartiers de Château-Rouge et Château-d’Eau, explique Aude Livoreil-Djampou, qui a créé le Studio Ana’e à Paris en 2015, un salon « multitexture » qui accueille toutes les diversités de cheveux, du plus raide au plus crépu. Et, à Paris, c’est bien pire : les enseignes qui privilégient la qualité se comptent sur les doigts des deux mains ! »
Alors qu’est-ce qui coince ? La formation. « Aujourd’hui encore, du CAP au brevet professionnel, on n’apprend toujours pas aux futurs professionnels à prendre en charge ces textures, ou alors de manière très marginale », tranche Alexis Rosso. Ce coiffeur studio haut en couleur d’origine guadeloupéenne, parmi les meilleurs artisans de France, a dû se former aux Etats-Unis et à Londres pour développer son expertise du cheveu afro alors qu’il coiffait depuis l’âge de 15 ans en salon. Son parcours, emblématique, l’a convaincu de devenir formateur certifié pour inverser la tendance et accompagner les futurs coiffeurs.
« Coiffure noire ghettoïsée »
Car non seulement le CAP ne forme pas les jeunes à cette problématique, mais le seul bagage qu’on leur enseigne encore, c’est le défrisage. De quoi faire dresser les cheveux sur la tête des militantes de la cause Nappy (contraction de natural et happy) qui œuvrent depuis vingt ans pour libérer le cheveu naturel, le sublimer, et en finir avec le diktat du cheveu lisse. D’autant que les produits défrisants, très agressifs, brûlent le cuir chevelu, abîment la fibre capillaire et peut aboutir en quelques années à de conséquentes pertes de cheveux.
« Pendant longtemps, on a considéré le cheveu afro comme indomptable, explique Diane Châtelier, créatrice en 2012 de Nappy Boucles, un site de vente en ligne de produits capillaires. Ce point de vue a enfin changé. Les femmes ont découvert qu’il n’est pas si compliqué d’avoir une routine de soins adaptés et que les possibilités de coiffage sont grandes. Et le confinement a accéléré encore cette libération. Mais la formation, elle, est encore loin d’être à la page. »