New York, 21 sept (APS) – Le président de la République, Macky Sall a indiqué, mardi à New York (Etats-Unis d’Amérique), que la question de l’énergie est un "enjeu vital" pour les pays africains, soulignant qu’il ne peut y avoir industrialisation et développement sans accès à l’électricité à des coûts compétitifs.
"L’Afrique ne peut continuer à éclairer les autres continents grâce à ses ressources en restant elle-même dans l’obscurité", a soutenu Macky Sall qui intervenait à la 71-e session annuelle de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU).
Selon le chef de l’Etat sénégalais, "l’Afrique ne peut continuer à servir de réservoir de matières premières transformées ailleurs au détriment de sa propre industrialisation".
Elle "ne peut continuer à être le continent le plus affecté par le changement climatique, alors que sa contribution aux émissions de CO2 liées à l’énergie demeure la plus faible, devant atteindre seulement 3 % en 2040", a-t-il ajouté.
Pour Macky Sall, l’Accord de Paris signé en avril dernier à New York appelle à travailler ensemble pour que les pays en développement, africains en particulier, n’empruntent pas le même schéma pollueur que les pays aujourd’hui industrialisés.
A cette fin, a-t-il relevé, l’Union Africaine a initié en juillet dernier un Fonds d’appui à l’électrification de l’Afrique logé à la BAD pour mobiliser le financement de projets d’électricité dans le cadre d’un mix énergétique.
A cet effet, le président du Comité d’orientation du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique ( NEPAD) a salué le soutien de la France à cette initiative et invité tous les partenaires bilatéraux et multilatéraux à contribuer au financement du Fonds, conformément aux engagements convenus dans l’Accord de Paris en matière de financement des mesures d’atténuation et d’adaptation.
Macky Sall qui a de plus, appelé à une autre vision des enjeux du développement en Afrique a demandé de laisser de côté "les clichés d’un passé révolu".
"Regardons plutôt l’Afrique non comme une terre d’urgence humanitaires et un réceptacle d’aide publique au développement, mais comme un continent en construction, un pôle d’émergence et de progrès. C’est l’Afrique des routes et des autoroutes, des ponts et des chemins de fers. l’Afrique des barrages et des centrales électriques, des parcs industriels et des fermes agricoles", a dit le président Sall à la tribune des Nations unies.
Le chef de l’Etat sénégalais a ainsi décliné l’ambition pour les pays africains, soulignant que "cette ambition, nous la réaliserons non par l’aide mais par des investissements massifs et urgents dans les secteurs qui portent la croissance et le développement".
"Nous voulons d’abord compter sur la mobilisation de nos propres ressources, par une meilleure efficacité dans la dépense publique, la valorisation et la juste rémunération de nos matières premières, une fiscalité maîtrisée et une lutte plus soutenue contre les flux financiers illégaux", a-t-il notamment fait savoir.
MUTINERIE DE REBEUSS ET LES CONTRATS PÉTROLIERS À LA UNE
Dakar, 21 sept (APS) – La mutinerie à la prison de Rebeuss et les mises en garde du Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne, sur les contrats pétroliers sont les principaux sujets traités par les quotidiens reçus mercredi à l’APS.
"Rebeuss à feu et à sang", titre le quotidien L’As qui souligne que la prison dakaroise "a été hier le théâtre de violentes échauffourées entre gardes pénitentiaires et détenus qui dénoncent les longues détentions, dont ils font l’objet".
"La mutinerie a fait un mort et une vingtaine de blessés du côté des prisonniers et une quinzaine de blessés chez les gardes pénitentiaires. Le régisseur adjoint de la prison, assommé, était dans le coma", indique le journal.
Selon le directeur de l’administration pénitentiaire, colonel Daouda Diop, "(mardi) à 11 heures, profitant des visites et de la promenade, un groupe de détenus d’à peu près 600 à 700 détenus a foncé vers la porte principale pour pouvoir s’évader, utilisant des pierres et beaucoup d’objets, blessant des agents. Les agents qui étaient en service ont utilisé les moyens qui étaient à leur disposition conformément à la loi".
La situation a pu être maîtrisée vers 14 heures. Si aucun détenu n’a pu s’échapper, le bilan fait état d’un prisonnier tué et de 14 agents de l’administration pénitentiaire et 27 détenus blessés.
Chaque quotidien y va de son titre : "Le sang a coulé à Rebeuss" (Le Populaire), "Y en a marre de Rebeuss" (Le Quotidien), "Un mort, des coups de feu et des blessés" (Le Témoin), "Rebeuss au poing mort" (L’Observateur), "L’Etat ouvre le feu sur des détenus" (Walfadjri).
Les journaux reviennent également sur la déclaration du Premier ministre sur les contrats pétroliers. Selon Mahammed Boun Abdallah Dionne, "il n’y a jamais eu de chèque de Kosmos vers Timis ; désormais, ceux qui diffuseront de fausses nouvelles s’exposeront à la rigueur de la loi (pénale). Le président Macky Sall et son gouvernement s’attacheront à une gestion rigoureuse et transparente de toutes nos ressources".
Mais pour l’opposition, qui interpelle le chef de l’Etat, "le Premier ministre a tout fait sauf répondre" aux questions qui se posent.
La déclaration de Mahammed Dionne fait aussi la une du Soleil. "Les mises en garde du Premier ministre contre la diffusion de fausses nouvelles", titre le journal. "Dionne s’explique et menace, l’opposition minimise", renchérit Sud Quotidien, alors que le quotidien Enquête parle de "dialogue de sourds" entre le pouvoir et l’opposition".
Libération se fait lui l’écho de la réplique de Dionne à Abdoul Mbaye qui avait interpellé le chef de l’Etat sur la publication des contrats pétroliers. D’après le journal, le Premier ministre déclare que "nul n’a le monopole de l’éthique".
L’affaire Petro Tim s’enflamme. Pourtant ni le pétrole encore moins le gaz n’ont jailli des huit puits forés à coups de milliards, selon les différentes explications servies çà et là. Mais le débat s’emballe et pollue l’atmosphère entre le pouvoir et certains membres de l’opposition et de la société civile. Il fait les choux gras des médias, installant une confusion totale au niveau de l’opinion publique sénégalaise.
Aux charges et autres interrogations de l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, aux accusations du désormais ex-inspecteur des Impôts et domaines, leader du parti Pastef/Les Patriotes, Ousmane Sonko, aux insinuations et accusations du membre du Forum Civil, Birahim Seck, les tenants du pouvoir ont su apporter des réponses. D’abord, c’est Aliou Sall qui, à notre avis, avait fini de faire la genèse de cette affaire de Pétro Tim et de lever toute équivoque quant à son implication.
Face à la persistance des accusations de certains membres de l’opposition, notamment Abdoul Mbaye et Ousmane Sonko qui sont encore une fois dans leur rôle, les ministres de l’Energie et de l’Economie des Finances et du Plan, respectivement Thierno Alassane Sall et Amadou Bâ, montent au créneau pour apporter des éclairages avec des documents à l’appui.
Sans oublier le Président du conseil d’administration de la Société africaine de raffinage (SAR), Sérigne Mboup, qui, dans une interview exclusive accordée à Sud Quotidien, a à son tour «exploré» le pétrole et le gaz en revenant sur les différentes transactions, de Petro Tim à Kosmos Energy, en passant par Timis Corporation. Arguments techniques et juridiques à l’appui, M. Mboup avait expliqué pourquoi, à l’état actuel des choses, il n’est pas exact de parler d’évasion fiscale. «Le code pétrolier dispose que pendant la phase exploration-production, toutes les opérations et transactions sont totalement défiscalisées. Elles bénéficient du régime hors taxe, hors douane», avait soutenu le PCA de la SAR. Ce qu’ont confirmé les services de Amadou Bâ dans un communiqué envoyé dans les Rédactions.
Mais Ousmane Sonko et Abdoul Mbaye ne lâchent pour autant pas le morceau. Pis, l’ex-Pm a enfoncé le clou, en soutenant que «le Sénégal n’a pas seulement perdu en impôts et en droits de préemption qui auraient pu être cédés, dans les cessions de parts entre Petro Tim et Timis Corporation, mais l’Etat a fait une largesse d’au moins 120 millions de dollars, soit 60 milliards de Francs Cfa au Groupe Petro Tim».
C’est cette nouvelle attaque qui a fait sortir Mahammad Boun Abdallah Dionne de sa réserve, avec cette conférence de presse qu’il aura fini par convoquer. On s’attendait alors à ce que la lumière jaillisse, à ce que les équivoques soient levées. Surtout à ce que le Premier ministre apporte des réponses aux accusations dans une séance interactive avec les journalistes. Que nenni ! Ces derniers ont plutôt eu droit à un monologue en français et en wolof, avant d’être appelés à évacuer les lieux, sans avoir la possibilité de poser la moindre question.
Et dire que Mahammad Boun Abdallah Dionne avait là, une belle opportunité d’éclairer la lanterne des Sénégalais et de clore définitivement le débat sur la supposée nébuleuse ou autres zones d’ombre qui entoureraient cette affaire Petro Tim. Hélas, sa sortie n’a été que du réchauffé, une redite, une répétition, du déjà entendu notamment par les différents responsables susmentionnés. La seule nouveauté, ce sont les menaces. Une politique de la tolérance zéro que les tenants du régime ont brandie contre les «affabulateurs, les manipulateurs». Désormais, ce sera du «mouth mba moot». Ainsi va le Sénégal !
PAR FALILOU DIOUF
QUAND LA NATION RÉCOLTE LES EFFETS DE L’INCURIE DE L’ETAT
«Je ne puis qu'admirer la négligence, l'incurie de la nation polonaise » - Jean Jacques Rousseau
Le débat passionné qui secoue le pays présentement rappelle ce propos de Jean Jacques Rousseau, qui semble avoir été taillé pour le Sénégal du fait de la situation ubuesque que la longue négligence de l‘Etat a fini par encourager et encastrer dans le rituel de la croissance des familles sénégalaises.
Le Code de la Nationalité est formalisé par la Loi n° 61-10 du 7 Mars 1961. Cette loi avait été signée par Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia et Gabriel D’Arboussier. Le 28 Juin 2013, la Loi 2013-05, qui modifiait des dispositions de 1961 avait été signée par Macky Sall et Abdoul Mbaye.
L’Article 18, qui est la clé de voute du Code de la Nationalité, n’a jamais été changé ou édulcoré. Cet Article stipule que : « Perd la nationalité sénégalaise, le Sénégalais majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère ».
Connaissant les dispositions de l’Article 18, tous les signataires de ces documents ont sciemment enfreint la loi qu’ils étaient supposés respecter et faire respecter. Ce faisant, ils se sont rendus complices d’une grave forfaiture qui les disqualifie pour exiger des citoyens de ce pays un quelconque respect des lois.
Le Président Senghor et Abdoul Mbaye avaient la nationalité française au moment de poser l’acte officiel qui entérinait cette loi comme « Loi de l’Etat ».
Dans une sortie récente, Abdoulaye Wade, qui reste flou sur sa nationalité, s’est essayé à une défense de la double ou bi-nationalité en mettant en avant, entre autres, les « avantages » que ce statut était supposé procurer. Cette position est éminemment outrancière et choquante de la part de quelqu’un à qui le Sénégal a tout donné et qui, une fois évincé du pouvoir, est allé se lover dans son cocon d’outre-mer pour jouir des délices de la douce France de sa douce moitié.
Plus récemment encore, un Ministre officiant présentement dans le gouvernement de Macky Sall ne s’est pas gêné de déclarer, par mépris ou par ignorance, qu’il avait la nationalité française. Sans conséquence aucune.
Et il n’est pas le seul. Loin s’en faut ! Face à l’impunité qui semble être de mise, d’autres s’engouffrent de plus en plus ouvertement dans la brèche pour justifier leur propre turpitude. Et l’indécente sarabande ne fait que commencer...
Si la majorité des Sénégalais ne connaissent pas le Code la Nationalité, ceux qui ont la charge de ce pays ne peuvent pas se prévaloir de cette ignorance. Pour n’avoir jamais jugé utile de le changer, ils n’ont aucune excuse à avancer maintenant que la situation nous interpelle. Pour cette raison, le débat sur la nationalité est, dans une certaine mesure, très salutaire parce qu’il obligera les pouvoirs publiques –et le pays tout entier--à faire face à cette incurie d’état qui n’a que trop duré.
Comme dans toutes les situations où les intérêts particuliers sont menacés, une chape de terrorisme intellectuel s’est déployée sournoisement pour étouffer le débat, par le biais d’arguments spécieux qui ne laissent aucune place à l’intérêt national. Ceux qui se sont complu dans la situation de flou qui a prévalu jusqu’ici commencent à sortir des bois et à avertir la nation des dangers qui la guetteraient.
Ceux qui s’évertuent à faire la différence entre la bi-nationalité et la double nationalité s’obstinent dans des contorsions intellectuelles stériles car, indépendamment de la définition de ces deux termes, l’Article 18 --jamais changé ni édulcoré-- ne permet ni l’un ni l’autre. Donc la distinction entre la bi-nationalité et la double nationalité est un laborieux exercice de sophisme qui cache mal un désarroi face à sa propre incongruité.
Disons-le clairement : Il ne s’agit ici ni de bi-nationalité, ni de double nationalité, encore moins de sénégalité. Soulever ces points, c’est chercher à occulter le vrai problème derrière un écran de fausse préoccupation pour étouffer un débat que tout le pays gagnerait à engager dans la plus grande sérénité. En fait, le problème que nous avons est tout simplement un problème de droit et de respect de la loi. Cependant, au-delà du problème de droit se pose, plus fondamentalement, le problème de la sécurité nationale.
Il faut noter, en effet, que l’acquisition ou la préservation de la nationalité est un acte purement individuel et volontaire. Une fois posé, cet acte doit être assumé avec toutes les implications qu’il induit. Donc, il n’est ni concevable ni acceptable d’imposer les conséquences de ses actes à une Nation qui a ses lois.
Par ailleurs, l’octroi de la nationalité, quelle qu’elle soit, s’accompagne toujours d’une exigence de servitudes et d’un devoir d’allégeance. Ainsi, même si le Sénégal permet la violation de ses propres lois ou se permettait de changer le Code la Nationalité pour accommoder la double nationalité, les pays qui nous font face ont et auront toujours à cœur de préserver leurs propres intérêts.
De ce point de vue, le cas des Etats Unis constitue un exemple éminemment édifiant. Le processus de naturalisation de ce pays inclut la prestation d’un serment d’allégeance qui ne laisse place à aucun doute. Ce serment dit:
« Je déclare, sous serment, que je renonce à et abandonne absolument et entièrement toute allégeance et fidélité à un prince étranger, potentat, État ou à toute souveraineté à laquelle j'ai été jusqu'ici un sujet ou un citoyen ; que je soutiendrai et défendrai la Constitution et les lois des États-Unis d'Amérique contre tous les ennemis, étrangers et nationaux ; que je leur ferai allégeance et leur serai fidèle ; que je prendrai les armes au nom des États-Unis lorsque requis par la loi ; que je remplirai un service non-combattant dans les Forces armées des États-Unis d'Amérique lorsque requis par la Loi ; que j’effectuerai des travaux d'importance nationale sous-direction civile lorsque requis par la Loi ; et que je prends cette obligation librement sans aucune restriction mentale ou but d'évasion ; avec l’aide de Dieu. »
Ce texte est on ne peut plus clair. Du point de vue des Etats Unis, la préservation de la nationalité américaine écarte toute possibilité de double ou bi-nationalité, et astreint l’individu à une entière allégeance à la Constitution, aux lois et aux injonctions de ce pays. Point barre !
Ainsi, au vu de la mode de nos femmes à accoucher à l’étranger ou de nos compatriotes qui en ont les moyens ou l’opportunité de chercher une autre nationalité, l’on est en droit de se demander combien de personnes, qui ont une nationalité autre que celle sénégalaise, sont terrées dans les replis profonds de la haute administration, des services de défense, de sécurité, de renseignement du pays, dans les cercles des affaires et les milieux académique et associatif, dans les organisations de la société civile, dans la presse et qui obéissent à des sollicitations contraires ou qui peuvent être contraires aux intérêts du Sénégal.
Cette situation, d’une extrême gravité, remet en cause les bases sécuritaire, économique, sociale et culturelle de notre pays. Et de ce point de vue, personne n’a le droit d’exiger ou de s’attendre à ce que l’on accommode ses intérêts particuliers au détriment de l’intérêt national.
Par conséquent, l’Etat du Sénégal qui, depuis 1961 a failli à ses responsabilités, doit réagir maintenant pour faire respecter la loi –ou la modifier-- et ceci dans le seul souci de préserver l’intérêt supérieur du Sénégal.
Dans cette perspective, nous rappelons, en conclusion, ces mots de Jean-Jacques Rousseau : « Quand le nœud social commence à se relâcher et l’Etat à s’affaiblir ; quand les intérêts particuliers commencent à se faire sentir et les petites sociétés à influer sur la grande, l’intérêt commun s’altère et trouve des opposants ; l’unanimité ne règne plus dans les voix, la volonté générale n’est plus la volonté de tous, il s’élève des contradictions, des débats, et le meilleur avis ne passe point sans dispute…et l’on fait passer faussement sous le nom de lois des décrets iniques qui n’ont pour but que l’intérêt particulier.»
Membres du célèbre gang de la fin des années 90 qui écumait de nombreuses localités du pays, Alassane Sy alias Alex, Ifra Ba et Oumar Ndary Sow, Mamadou Fily Sané, Pape Ndiaye ont décidé de briser le silence, après 18 ans de détention, et de décrire la détresse morale et physique qu’ils vivent toutes ces années derrière les barreaux. Dans une lettre articulièrement poignante qu’ils ont adressée à Malal Talla et ses amis du mouvement «Y en a marre», les acolytes de feu Alioune Abatalib Samb alias Ino font un vibrant plaidoyer pour leur libération et demandent aux «Y en a marristes» d’être leurs avocats auprès de l’opinion et de l’Etat. Alternant confessions émouvantes et mea culpa public, Alex et ses compagnons de galère ont terriblement soif du pardon du législateur, de la société et du peuple, et se nourrissent d’espoir de voir bientôt le bout du tunnel. «L’As» s’est procuré la copie de la bouleversante lettre et la publie in extenso pour ses lecteurs.
Dakar le 8 juillet 2016
CHERS «Y EN A MARRISTES »…
Cher Malal Talla
Nous, détenus de la bande à «Alex et Inno», avons décidé, après une très longue et profonde réflexion, de nous rapprocher de vous et de votre mouvement «Y en a marre» auquel et dans lequel nous adhérons de la plus déterminée des manières, pour vous faire savoir que nous avons pris la ferme décision de vous mêler à notre cause, car pour nous il est temps. En effet, rien de votre combat ne nous est étranger, car nous vous suivons depuis et toujours ; même si dans la profondeur de nos geôles, nous luttons (…) pour d’abord sauvegarder nos vies, mais surtout pour ne pas sombrer dans la déprime. Et ainsi nous mettre à l’abri de toute folie mentale, intellectuelle ou même morale, fusse-t-elle passagère ou même définitive.
Car ce bon sens, à l’avenir, sera pour nous «une arme» dont nous devons nous servir à bon escient dans le but d’éclairer la lanterne de toute la Nation sénégalaise par rapport à notre séjour carcéral ; car toute la vérité doit éclater au grand jour.
Pour ce faire, nul autre que vous ne peut être notre porte-voix… Nous vous savons déterminés à toujours jouer un rôle prépondérant dans toute lutte juste. Lutte que vous menez et avez toujours menée tel un artisan jusqu’à l’aboutissement d’une éclatante victoire.
Cependant, nous ne nous blanchissons pas totalement de tout ce qu’on nous a reproché ; certes nous avons commis des erreurs de jeunesse qui nous ont souvent amenés à nous approprier les biens d’autrui ; mais nous ne sommes jamais allés plus loin que cela.
Nous vous assurons (en tant que réels amis) que dans toute notre histoire diabolisée médiatiquement, beaucoup de zones d’ombres et d’incertitudes doivent être élucidées pour la Vérité, Rien que la Vérité.
Ils nous ont peints comme de vulgaires «assassins» alors que nous N’AVONS JAMAIS TUE PERSONNE.
Vous pouvez très bien vérifier cela, si vous vous rapprochez des registres du tribunal. Cher Malal, aucun document, alors là aucun, ne pourra être brandi par quiconque qui essayerait de nous rendre «coupables» d’un quelconque crime de sang. (…) Comme nous vous l’avons affirmé plus haut, nous prenons le gage de reconnaître nos erreurs face à la société sénégalaise à laquelle nous appartenons (bien sûr !!!) et d’aller même plus loin, jusqu’à nous agenouiller devant cette société, uniquement pour solliciter et surtout implorer son pardon. Cela nous l’espérons par et avec votre voix ; et nous vous prions d’être nos humbles représentants devant notre société. Vous êtes nos ambassadeurs et nous voulons que tout le monde sente la douleur profonde qui nous anime et nous meurtrit en ce moment ; tellement nous aimerions nous faire pardonner face à nos erreurs passées et vous jurons que plus jamais cela ne se reproduira. Et nous ne rêvons que de lui apporter (à cette société) notre pierre et notre active participation à l’édifice qu’est notre cher Sénégal.
D’autre part, nous avons, grâce à notre humble enseignement acquis en prison, compris que la peine, qui est la concrétisation de toute sanction pénale par la loi du délit, a un but qui se qualifie de trois ordres. Elle est d’abord afflictive, ensuite infamante et enfin sanctionnatrice.
Et nous estimons que compte tenu de la longue détention dont nous avons été victimes et ayant ainsi passé dix huit (18) années de notre existence en prison, alors nul doute que nous avons, en purgeant notre peine, été frappés de ce but de la peine en tant que sanction judiciaire. Car le fait d’avoir été séparés de nos familles durant ces dix-huit années nous a atteint au plus profond de nos âmes. Et le pire est que presque la totalité de nos ménages a volé en éclats et nous n’avons plus de vie de famille. Pour la majorité, nos femmes nous ont abandonnés. Pour certains parmi nous, leurs filles sont mariées et sont devenues mères de famille avec des enfants. Donc, nous sommes devenus pères et grandspères, sans jamais voir nos petits fils… donc affectivement nous avons été atteints par la loi… Ces dix-huit années (18 ans) nous ont aussi atteint aussi au plus profond de notre âme… nous ne cessons de nous morfondre par rapport à notre passé. Et comme nous vous l’avons souligné plus loin, nous regrettons tout ce dont nous avions visiblement été responsables car nous sommes d’une manière ou d’une autre atteints par cette sanction infamante. Cependant nul ne peut douter de la longue détention que nous continuons de vivre et qui, depuis 1999, nous a privés de liberté et de laquelle découle l’éclatement de nos familles. Et nous pensons donc que nous avons subi cette privation de liberté dans la plus grande des douleurs. De tout le Sénégal, nous sommes les détenus les plus sanctionnés par la loi et nous pensons que le législateur sénégalais doit avoir assez de clémence à notre endroit, car nous avons subi tout le poids de la sanction qu’il nous a affligés.
Et nous le supplions, à travers votre voix et de celle de tous les «Y en a marristes», de beaucoup penser à notre cas. Nous sommes des Sénégalais et il ne nous reste que deux années pour boucler vingt ans en détention. Avec l’éducation et l’encadrement socioreligieux que nous avons suivis en prison, nous avons hâte de pouvoir en faire bénéficier à nos enfants et petits enfants.
Cher Malal, sachant notre temps libre assez court, nous pensons ne pas trop en abuser et espérons aussi avoir été compris. Et croyons ainsi que vous allez bien pouvoir transmettre notre Pardon à la Nation et au Peuple sénégalais et lui faire part de notre cri du cœur pour que nos idées et nos plaintes parviennent dans l’oreille la plus lointaine au fin fond du Sénégal. Il faudrait, par ailleurs, que les magistrats et juges sénégalais chargés des libertés conditionnelles soient plus professionnels dans leur décision et surtout revoient leurs manières. (…).
Qu’ils arrêtent la stigmatisation dont ils font montre à notre endroit. Nous ne sommes pas aussi mauvais qu’ils pourraient le penser. Lorsqu’ils ont jugé nos dossiers en cour d’assises, nous n’étions encore âgés pour la plupart que de 20 ans à 25 ans au plus. Il serait illogique qu’ils continuent de nous regarder à travers cette caricature de jeunes fougueux. Nous avons grandi et presque vieilli en prison et nous avons besoin d’user du peu de temps qui nous reste à vivre pour nous occuper de nos enfants et fonder de nouvelles familles, puisque nous faisons plus de quarante ans d’âge.
Enfin pour votre plus ample information, nous vous signalons que du grand groupe de Alex et de Ino, il ne reste que ceux dont les noms suivent :
-Alassane Sy (mandat de dépôt le 04 juin 1999) alias Alex
-Ifra Ba et Oumar Ndary Sow (mandat de dépôt le 07 juin 1999)
-Mamadou Fily Sané (mandat de dépôt le 07 juin 1999)
-Pape Ndiaye (mandat de dépôt le 20 février 2001)
Nous vous signalons aussi que Alioune Abatalib Samb dit Ino et Djiby Ba (tous les deux, mandat de dépôt le 04 juin 1999) sont décédés en détention.
Ainsi, nous ne pouvons que compter sur votre voix à travers «Y en a marre» pour que les média du pays sachent que cette médiation de mauvais aloi n’a heureusement pas sa raison d’être. Nous vous sommes très reconnaissants par rapport à ce combat et nous vous témoignons notre Fraternité éternellement.
Les Intéressés
PAR SERIGNE MBAYE THIAM
LA NATIONALITÉ EXCLUSIVE DU CANDIDAT À LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE : UNE QUESTION POSÉE ET À RÉSOUDRE
Il est essentiel, à notre sens, de repréciser les termes du débat afin de démontrer qu'il ne s'agit nullement de spéculer dangereusement sur une quelconque "sénégalité"
Le Sénégal est agité depuis plusieurs mois par un débat relatif à la nationalité des candidats à l'élection présidentielle. Ce débat trouve sa source dans l'article 28 de notre Constitution qui exige que tout candidat à la présidence de la République soit "exclusivement de nationalité sénégalaise". L'importance de l'institution présidentielle dans notre système politique et la sensibilité de la question de la nationalité – au regard de ses incidences sur la vie politique et sur la cohésion nationale - imposent deux défis à prendre en compte dans le traitement de cette problématique. D'abord, il s'agira de faire preuve de rigueur juridique pour pouvoir répondre avec pertinence à la complexité de la mise en œuvre de l'article 28 de la Constitution. Ensuite, il importera d'observer une règle d'impartialité politique, pour ne pas dire l'impartialité tout court, dans la mesure où la question soulevée mérite mieux que ce qui pourrait être perçu ou interprété comme des solutions de circonstance et un traitement politicien dont la seule finalité serait d'éliminer des citoyens sénégalais de la compétition électorale.
Nous voudrions, dans les lignes qui suivent, relever ce double défi, en précisant d'emblée que notre intérêt pour la question n'est pas nouveau. En 2011 déjà, en tant que membre de la Commission technique chargée de la revue du Code électoral, nous avions soulevé l'inefficience des mécanismes garantissant le respect de l'article 28 et la nécessité de fixer un délai précis permettant à tout plurinational, candidat à la présidence de la République, de se conformer à l'exigence constitutionnelle. L'expert en questions électorales, Monsieur Ndiaga SYLLA, lui aussi membre de cette commission, a rappelé récemment notre position de l'époque, dans une contribution publiée dans la presse.
Il est essentiel, à notre sens, de repréciser les termes du débat afin de démontrer qu'il ne s'agit nullement de spéculer dangereusement sur une quelconque "sénégalité". Ce n'est pas la "plurinationalité" du citoyen lambda qui est en cause - bien que cette "plurinationalité" ne soit pas légalement possible sauf pour la personne ayant deux nationalités d'origine -, mais il s'agit bien de celle du président de la République. L'objet du débat n'est donc pas ce membre de notre équipe nationale de football ou cet émigré sénégalais qui acquiert la nationalité de son pays d'accueil, comme certains tentent de le faire croire par des comparaisons approximatives ou volontairement tendancieuses. Il s'agit de la plus haute fonction de la République du Sénégal, une fonction UNIQUE que le peuple souverain confie à une SEULE personne par le suffrage universel. Cette fonction est celle de président de la République et de chef de l'État.
Ce débat n'a pas pour objet de stigmatiser, de diviser ou de discriminer qui que ce soit. Il n'est pas dangereux. Il est plutôt utile, sérieux et d'autant plus important qu'il concerne la plus haute institution de notre pays et l'État de droit qui implique, avant tout, la soumission à la Loi. Il nous semble particulièrement hasardeux que la pratique du contrôle de la régularité des candidatures à la présidence de la République puisse ouvrir la porte à une violation constante de la Constitution par ceux-là même qui aspirent à être les garants de l'État de droit.
Cette précision étant faite, l'analyse des points de vue exprimés montre que deux questions essentielles doivent être soigneusement distinguées, même si la réponse à la seconde est étroitement dépendante de celle donnée à la première. Il s'agit de la question relative à la pertinence et à la légitimité de l'exigence posée par l'article 28, d'une part, et de celle des mécanismes de sa mise en œuvre, d'autre part.
La première question n'est pas anodine ; la poser impliquerait l'éventualité d'une remise en cause fondamentale de l'article 28 et, incidemment, la possibilité d'une révision de la Constitution qui marquerait un retour à la situation antérieure à la révision de 1992. Une telle éventualité permettrait à un plurinational d'accéder à la fonction présidentielle. Nous pensons devoir écarter vigoureusement cette éventualité qui, à notre connaissance, n'est défendue, pour le moment, que par Monsieur Jean Paul DIAS, Secrétaire général du BCG.
Il convient de rappeler à cet égard que l'introduction de cette disposition dans la Constitution est le fruit d'un large consensus politique traduit par la loi constitutionnelle n° 92-14 du 15 janvier 1992. Jusqu'à cette date, un président de la République détenteur de deux ou plusieurs nationalités n'aurait aucunement violé la Constitution - d'où l'inutilité, du moins juridique, de convoquer dans le débat actuel la double nationalité supposée ou réelle du président SENGHOR -.
Les justifications de ce consensus sont faciles à comprendre et largement connues. Il s'agit, d'une part, de sauvegarder la souveraineté et la sécurité du pays et de s'assurer, le mieux possible, que le président de la République, clef de voûte des institutions, a un attachement exclusif pour la Nation sénégalaise et exerce sa fonction dans le seul intérêt du seul Sénégal. D'autre part, l'exigence a une vertu préventive dans la mesure où la plurinationalité de personnes exerçant certaines fonctions peut engendrer de sérieuses difficultés juridiques, difficultés pouvant aller jusqu'à altérer gravement les relations entre États.
Que l'on songe par exemple à l'imbroglio juridique et diplomatique auquel pourrait aboutir une décision des juridictions françaises défavorable à l'État du Sénégal suite à leur saisine par les conseils de Monsieur Karim WADE, ancien ministre d'État, sur le fondement de sa nationalité française, alors qu'il a été définitivement condamné par les juridictions sénégalaises, sur le fondement, entre autres, de sa nationalité sénégalaise. Qu'en serait-il s'il s'agissait du chef de l'État ?
L'exigence que les candidats à la présidence de la République soient exclusivement de nationalité sénégalaise nous semble donc légitime et pertinente. La discrimination qu'elle introduit entre citoyens sénégalais n'est pas choquante en soi. Les raisons invoquées la justifient amplement ; l'analyse de notre propre Code de la nationalité et du droit comparé la corrobore également.
En effet, le Code de la nationalité comporte, dans certaines de ses dispositions, des discriminations entre les Sénégalais d'origine et ceux naturalisés. Ainsi, l'article 16 de la loi n° 61-10 du 7 mars 1961 déterminant la nationalité sénégalaise, prévoit que celui qui a acquis la nationalité sénégalaise ne peut être investi, pendant un délai de dix ans à compter de la date du décret de naturalisation, dans des fonctions ou mandats électifs pour lesquels la qualité de Sénégalais est nécessaire. Il ne peut non plus, et pendant un délai de cinq ans, être nommé dans la fonction publique sénégalaise, être inscrit au barreau ou nommé titulaire d'un office ministériel.
Ces incapacités peuvent exceptionnellement être levées par décret ou écartées du fait des règles du droit communautaire. Nous concédons certes que de telles discriminations sont faites entre Sénégalais d'origine et Sénégalais naturalisés et que l'article 28 de la Constitution est censé s'appliquer même aux Sénégalais d'origine. Mais les raisons invoquées plus haut justifient que l'on impose à tout Sénégalais de renoncer à toute autre nationalité dès lors qu'il entend accéder à la magistrature suprême. Au surplus, le Sénégalais naturalisé retrouve l'intégralité des droits attachés à la qualité de Sénégalais, dont l'accès à la présidence de la République, dès que le délai d'incapacité a expiré.
Sur ce dernier point, alors que l'exigence de l'article 28, qui rejette la plurinationalité, est jugée sévère, l'analyse du droit comparé montre que la Constitution du Sénégal est moins restrictive que la législation de beaucoup de pays dans lesquels l'accès à la fonction de président de la République n'est réservée qu'aux nationaux d'origine, excluant de droit les naturalisés. Il en est ainsi pour le Mali, le Niger, le Gabon ou la République démocratique du Congo.
En réalité, peu d'États africains, et c'est une tendance quasi générale, admettent la candidature des naturalisés ; parmi les rares exceptions, on peut citer la Guinée ou Madagascar. Certains pays renforcent davantage les restrictions. L'ancienne Constitution du Burkina Faso exigeait ainsi de tout candidat à la présidence de la République d'être burkinabé de naissance et d'avoir des parents eux-mêmes burkinabé. Plus loin de nous, la Constitution américaine dispose, entre autres, que nul n'est éligible aux fonctions de Président s'il n'est citoyen de naissance et ne réside sur le territoire des États-Unis depuis quatorze ans.
On pourrait ajouter à ces considérations, le fait que l'article 28 de la Constitution doit être lu en rapport avec l'article 18 du Code de la nationalité relatif à la perte de la nationalité sénégalaise. Selon cette disposition, "perd la nationalité sénégalaise, le Sénégalais majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère". Il va de soi que l'impossibilité juridique ainsi prévue, d'une double nationalité, n'est pas applicable à une personne qui aurait à la fois la nationalité sénégalaise et une nationalité étrangère, par sa naissance, par le droit du sol et par le droit du sang, dans la mesure où la perte de la nationalité sénégalaise suppose, en l'occurrence, la qualité de majeur et une acquisition volontaire d'une nationalité étrangère. Il en est ainsi d'une personne née au Sénégal de parents français, mais eux-mêmes nés au Sénégal : de nationalité française d'origine du fait du lien du sang, elle serait aussi de nationalité sénégalaise par le droit du sol, en vertu de l'article premier du Code de la nationalité. Il en est de même d'une personne née aux États-unis de parents sénégalais, qui serait de nationalité américaine par le droit du sol et de nationalité sénégalaise par le droit du sang.
Par conséquent, il nous faut distinguer trois situations.
Lorsqu'un candidat à l'élection présidentielle, première hypothèse, est sénégalais d'origine et détenteur d'une nationalité étrangère par sa naissance, sa candidature n'est valable qu'à la condition de renoncer à sa nationalité étrangère parce qu'il y a effectivement une situation de "binationalité" interdite par l'article 28 de la Constitution.
S'il s'agit, en revanche, deuxième hypothèse, d'un candidat qui, devenu majeur, a volontairement acquis une nationalité étrangère, peu importe qu'il soit sénégalais de naissance ou naturalisé - ce qui importe, c'est que l'individu soit sénégalais majeur au moment de l'acquisition volontaire de la nationalité étrangère -, on n'est pas juridiquement dans une situation de double nationalité, car l'acquisition de la nationalité étrangère a automatiquement entraîné la perte de la nationalité sénégalaise, sans qu'il y ait besoin d'une formalité particulière à remplir. Tout débat sur l'article 28 serait alors superflu puisqu'on ne peut imaginer qu'une personne n'ayant pas la nationalité sénégalaise ou l'ayant perdu puisse être candidat à l'élection présidentielle.
L'on voit ainsi que le débat doit être posé, en dehors de celui sur la nationalité du candidat à l'élection présidentielle, pour toutes les personnes qui ont acquis volontairement, après leur majorité juridique, une nationalité étrangère et qui exercent des fonctions pour lesquelles la qualité de Sénégalais est requise alors qu'elles ont perdu la nationalité sénégalaise selon les dispositions de l'article 18 du Code de la nationalité.
Il reste à examiner la troisième hypothèse. Il s'agit du cas de l'étranger qui a acquis la nationalité sénégalaise. Le Code de la nationalité n'ayant pas prévu de disposition entraînant une perte automatique de la nationalité étrangère, on est effectivement dans une situation de double nationalité qui n'est pas formellement et expressément interdite. Simplement, l'article 16-bis, introduit dans le Code de la nationalité par la loi n° 84-10 du 4 janvier 1984, dispose que "la nationalité sénégalaise acquise par décision de l'autorité publique est incompatible avec le maintien d'une autre allégeance".
L'hypothèse est juridiquement compréhensible dans la mesure où si un État peut décider des conditions d'attribution, d'acquisition, de renonciation et de perte de sa nationalité, aucun autre État n'a compétence pour légiférer sur la perte de la nationalité d'un État étranger ; ce serait une atteinte inadmissible à la souveraineté nationale. Le seul moyen juridique pour éviter cette double nationalité est, en adoptant les mêmes conditions et procédures que le droit allemand, de subordonner, au moment de sa demande de naturalisation, l'acquisition de la nationalité sénégalaise à la renonciation par le requérant à sa nationalité étrangère, renonciation attestée par un document officiel des autorités du pays étranger. Ce serait alors juridiquement une condition d'acquisition de la nationalité sénégalaise et non une condition de perte d'une nationalité étrangère.
Or donc, une difficulté pourrait surgir dans la mesure où on se retrouve en droit sénégalais dans une situation juridique inconfortable. Le naturalisé n'aurait pas perdu sa nationalité étrangère - à moins que le droit étranger ait prévu cette perte - et, en même temps, celle-ci est incompatible avec sa nouvelle nationalité sénégalaise. Si, après expiration du délai d'incapacité de dix ans, il décidait de se présenter à une élection présidentielle, l'incompatibilité prévue par l'article 16-bis conduirait à des questionnements : sa nationalité étrangère pourrait-elle être invoquée puisque ne pouvant s'en prévaloir au Sénégal ? Devrait-on pouvoir lui opposer sa nationalité étrangère ?
Mais, paradoxalement, le but poursuivi par l'article 28 de la Constitution - et les raisons qui justifient l'exigence qu'il pose - commande de considérer que le maintien de la nationalité étrangère s'oppose à la recevabilité de sa candidature ; encore qu'il faille ajouter que l'accomplissement d'actes ou les comportements incompatibles avec la qualité de Sénégalais ou préjudiciables aux intérêts du Sénégal constituent un motif de déchéance de la nationalité sénégalaise (article 21-3 du Code de la nationalité).
En définitive, la condition constitutionnelle nous semble être un compromis raisonnable et équilibré entre les législations les plus souples, admettant la candidature des plurinationaux, et celles plus sévères, exigeant d'être un national d'origine ou même d'avoir des ascendants nationaux, d'origine ou naturalisés. Fruit d'un consensus politique très large, nous doutons que les raisons qui ont justifié ce large consensus aient évolué au point de devoir le remettre en cause ; surtout qu'une telle remise en cause passerait nécessairement, au plan politique, par un nouveau consensus aussi large et, juridiquement, par une modification de la Constitution et non un simple arrangement politique qui validerait implicitement une violation flagrante de notre Loi fondamentale. Ce point étant admis, il faut toutefois reconnaître que les insuffisances des conditions de mise en œuvre de l'article 28 et de contrôle de son respect sont manifestes et il importe de les combler de manière équilibrée et impersonnelle, sans visée politicienne.
Avant d'exposer nos propositions, il faudrait rappeler que la Constitution ne détermine pas elle-même les modalités d'application permettant d'en garantir le respect absolu. En effet, seul l'article LO.114 du Code électoral impose une déclaration sur l'honneur par laquelle le candidat à l'élection présidentielle atteste que sa candidature est conforme à l'exigence de l'article 28. Au surplus, le candidat n'est tenu par aucun délai de renonciation à sa nationalité étrangère. Il pourrait même le faire au moment du dépôt de sa candidature.
La faiblesse des modalités d'application de la condition et des possibilités de contrôle, ainsi que l'absence d'un délai minimum de renonciation, cachent mal les difficultés qui sont consubstantielles à cette exigence de nationalité exclusive qui ne serait alors qu'une disposition purement cosmétique. En effet, la déclaration sur l'honneur laisse perplexe dès lors que l'on s'interroge sur la procédure de contrôle de sa sincérité et sur les sanctions des éventuelles irrégularités qu'elle comporterait.
En ce qui concerne le contrôle de régularité, c'est une compétence dévolue au Conseil constitutionnel qui, selon l'article LO.118 du Code électoral, peut procéder à toute vérification qu'il juge utile pour s'assurer de la validité des candidatures déposées. Or, il est unanimement admis que la juridiction constitutionnelle ne dispose pas matériellement du temps et des moyens nécessaires pour s'assurer que tous les candidats sont exclusivement de nationalité sénégalaise. Si la preuve de la nationalité sénégalaise peut être apportée par le certificat de nationalité, il n'y a pas, en revanche, de contrôle systématique et approfondi de la détention par les candidats d'une ou de plusieurs nationalités étrangères, un fait négatif que les juristes ont du mal à prouver.
S'il s'agit d'un plurinational, se satisfaire d'une simple déclaration sur l'honneur, sans contrôle d'une renonciation effective aux autres nationalités, nous semble être une solution d'une grande légèreté. Maître Seydou DIAGNE, un des avocats de Monsieur Karim WADE, dévoilait, au début de mois de février 2016, sur le plateau de la chaîne de télévision France24, la nationalité française du président Abdoulaye WADE en ces termes : "Dire que Karim Wade est français est une lapalissade. Sa mère est française, son père lui-même a la nationalité française". Que l'on découvre aujourd'hui qu'un ancien chef de l'Etat, en l'occurrence Maître Abdoulaye WADE, a conservé sa nationalité française pendant ses deux mandats présidentiels alors qu'il était censé ne pas pouvoir être candidat, est le signe patent des insuffisances de la législation actuelle en la matière.
Pire, il peut même arriver qu'un candidat ayant perdu sa nationalité sénégalaise en vertu de l'article 18 du Code de la nationalité passe entre les mailles du contrôle en cachant l'acquisition d'une nationalité étrangère et que sa candidature soit acceptée, sans qu'il n'ait demandé à acquérir à nouveau la nationalité sénégalaise et sans qu'il ne satisfasse en outre le délai requis pour pouvoir être investi pour assumer des fonctions ou mandats électifs.
Cette dernière hypothèse devrait mener à une réflexion sur la nature des sanctions à infliger à un candidat suite à une déclaration mensongère au moment du dépôt de la candidature. De ce point de vue, la comparaison entre l'élection présidentielle et les élections législatives est saisissante, tant le Code électoral a pris le soin de préciser la sanction applicable en cas de fausse déclaration d'une personne inéligible à l'Assemblée nationale (article LO.172) ainsi que la procédure en vigueur lorsqu'une liste comprend un candidat inéligible (article LO.174).
Le moment de la découverte d'une fausse déclaration d'un candidat à l'élection présidentielle permet de déterminer les sanctions envisageables. Le doute sur la véracité d'une déclaration relative à la nationalité d'un candidat peut, en effet, survenir entre le moment du dépôt et celui de la publication de la liste des candidats à l'élection. Le cas échéant, la confirmation de la plurinationalité entraîne l'irrecevabilité de la candidature.
On peut raisonnablement croire que lorsque le Conseil constitutionnel a un doute sur le respect de l'article 28 par un candidat, il devrait, en vertu de l'article LO.118 précité, faire procéder à des vérifications dans les délais très courts dont il dispose, puisque l'article 29 de la Constitution prévoit que les candidatures doivent être déposées 30 jours francs au moins et 60 jours au plus avant le premier tour et que, selon l'article 30, repris par l'article LO.119 du Code électoral, la liste des candidats doit être arrêtée et publiée 29 jours avant le premier tour ; ce qui veut dire en pratique que si des candidatures sont déposées 30 jours avant le premier tour, le Conseil ne dispose que de 24 heures pour procéder à d'éventuelles vérifications supplémentaires sur la nationalité !
La difficulté supplémentaire, devant le juge, est celle du mode de preuve. Que la preuve pèse sur le candidat, et le fait négatif en cause serait impossible à établir de façon absolue ; qu'elle pèse en revanche sur le Conseil constitutionnel ou sur les candidats concurrents, et alors, l'on peut imaginer qu'il leur serait bien difficile d'étayer matériellement leurs soupçons dans le cas où l'État étranger concerné n'aurait prévu aucune procédure formelle de renonciation.
Il peut aussi arriver que la plurinationalité d'un candidat soit découverte après la publication de la liste des candidats, mais avant l'élection. La question est alors de savoir si le Conseil constitutionnel qui a déjà rendu sa décision de validation peut y revenir. L'admettre obligerait à procéder à une nouvelle publication et à réfléchir sur le délai constitutionnel séparant la publication de la liste définitive et le premier tour du scrutin.
Enfin, il peut arriver que la dissimulation sur la nationalité d'un candidat soit découverte après le premier tour du scrutin – et alors qu'il est qualifié au second tour - ou après qu'il a été élu, voire après qu'il a quitté le pouvoir. Pour insolite qu'elle soit, une telle hypothèse est parfaitement possible au regard des modalités d'application peu rigoureuses, des mécanismes et du délai du contrôle accordés au Conseil constitutionnel. Le plus surprenant, c'est que rien n'a été prévu ni dans la Constitution, ni dans le Code électoral, pour sanctionner l'auteur de la fausse déclaration.
Entre les deux tours, faudrait-il écarter le candidat fautif et considérer que le candidat arrivé en troisième position doit être admis à participer au second tour ou déclarer l'ensemble de l'élection invalide ? Si la constatation de l'inéligibilité est faite postérieurement à l'élection, que faut-il faire ? Ces questions se posent alors que le Conseil constitutionnel a déjà rendu une décision définitive de validation des candidatures, décision non susceptible de recours.
Toutes les sanctions envisageables contre un président de la République qui aurait commis, es qualité, certains actes jugés graves, nous semblent devoir être écartées parce qu'il n'avait pas la qualité de président de la République au moment de sa fausse déclaration de candidature. Les réponses à ces questions ne sont pas simples, particulièrement lorsqu'un délai plus ou moins long a couru entre l'élection et la découverte du caractère frauduleux de la candidature de la personne en cause.
Toutes les difficultés soulevées démontrent que la mise en œuvre d'une disposition aussi importante de la Constitution ne peut s'accommoder d'incertitudes juridiques et politiques aussi nombreuses.
La nationalité exclusive du candidat à l'élection présidentielle est donc une question pertinente posée qu'il convient de résoudre à tout prix. Il en est de même de la candidature d'une personne qui a déjà eu à renoncer à sa nationalité sénégalaise pour l'acquérir à nouveau : peut-elle être autorisée à être candidat à la présidence de la République ? À mon avis, non.
Deux types de propositions peuvent contribuer à éviter les difficultés d'application de l'article 28, en ayant pleinement conscience qu'aucune proposition ne fait complètement disparaître les risques inhérents à l'exigence dudit article ; en l'occurrence, il n'y a pas une solution parfaite, mais il y en a une qui induit moins de risques et d'incertitudes.
D'une part, il faudrait renforcer le contrôle de la régularité au fond de la déclaration sur l'honneur prévue par le Code électoral et, d'autre part, prévoir un délai suffisant et raisonnable pour que les futurs candidats puissent, à l'avance, accomplir toutes les formalités nécessaires pour se conformer à l'exigence constitutionnelle.
Concernant le contrôle de la régularité au fond de la déclaration de candidature, il nous semble raisonnable d'exiger qu'elle comporte plus d'informations, notamment sur les nationalités que chaque candidat a pu détenir. Le cas échéant, une preuve officielle de renonciation peut être requise. Le candidat doit pouvoir produire un document émanant de l'État étranger et qui attesterait que la renonciation a été constatée ou autorisée.
Une mesure supplémentaire consisterait à rendre obligatoire la publication de la déclaration et d'ouvrir un droit d'opposition, devant le Conseil constitutionnel, à tout électeur qui aurait connaissance de la plurinationalité d'un candidat. Une évolution de notre législation devrait conduire à allonger le délai plancher de dépôt des candidatures à l'élection présidentielle, à organiser ce contentieux tout en l'enfermant dans des délais raisonnables qui ne retarderaient pas la tenue du scrutin.
En ce qui concerne le délai requis pour renoncer à toute autre nationalité, nous pensons que les propositions dont nous avons connaissance ne sont pas satisfaisantes. L'une préconise que la renonciation intervienne cinq ans avant l'élection. Bien que ce délai ait du sens parce qu'équivalent à un temps électoral bien défini, la durée du mandat présidentiel - il s'agirait donc d'un délai non fixé pour des raisons circonstancielles -, il est manifestement trop long, dans le contexte actuel, parce qu'il pourrait être interprété comme une volonté d'exclure de potentiels candidats et de changer ainsi les règles du jeu à un moment non opportun, dans la mesure où le délai nous séparant de l'élection présidentielle de février 2019 est inférieur à cinq ans.
Même si on peut se demander pourquoi ceux qui font au ministre Benoit Sambou, chargé des élections de l'APR et porteur de cette proposition devant la Commission technique de revue du Code électoral, le procès d'intention de vouloir écarter de potentiels candidats, n'ont pas eu la même réaction lorsqu'il s'est agi de fixer un âge plafond de 75 ans pour le candidat à l'élection présidentielle, âge plafond qui, logiquement, écarterait de potentiels candidats en 2019.
Voilà pourquoi, nous réitérons la proposition que nous avions faite en 2011 à la Commission technique chargée de la revue du Code électoral de fixer un délai de deux ans avant l'élection. Il serait suffisant pour que tout plurinational puisse disposer de suffisamment de temps pour se conformer à l'article 28 et préparer éventuellement les éléments de preuve de la renonciation à toutes les nationalités étrangères dont il bénéficierait. Il présenterait l'avantage supplémentaire d'éviter tout soupçon ou toute accusation d'instrumentalisation de la loi électorale au détriment de potentiels candidats.
Si une telle réforme était introduite dans le Code électoral avant la fin de l'année 2016, tous les candidats probables qui seraient susceptibles de tomber sous le coup de l'article 28 pourraient au moins, avant février 2017, s'y conformer en renonçant à leurs autres nationalités deux ans avant et participer ainsi à l'élection présidentielle de février 2019.
Une alternative serait de fixer le délai à cinq ans correspondant à la durée du mandat présidentiel, mais de prévoir une disposition transitoire qui ramènerait ce délai à deux ans pour l'élection présidentielle de 2019.
L'autre proposition concernant le moment de la renonciation préconise de satisfaire la condition de l'article 28 après l'élection et avant la prestation de serment. Outre le fait qu'elle nous semble tardive et que la conservation de la plurinationalité par un candidat laisse subsister les risques évoqués sur la souveraineté et la sécurité de notre pays, une telle solution passerait par une modification de la Constitution dans la mesure où l'article 28 vise expressément "le candidat" et non le président élu.
Serigne Mbaye Thiam
Secrétaire national aux élections du Parti socialiste
Ministre de l'Éducation nationale
PAR MADIAMBAL DIAGNE
LES ŒILLÈRES BLEU-BLANC-ROUGE
Ne chercherait-on pas à faire peur ou à susciter des complexes au niveau des gouvernants pour les forcer à prendre en compte les intérêts français qui commencent à se manifester…
Un débat avait été ouvert, il y a quelques semaines, sur la question de la nationalité de nos élites dirigeantes. Une levée de boucliers a été organisée, suscitée ou entretenue par les personnes qui ne seraient pas très à l'aise dans un tel débat. On a allégué le risque de réveiller de vieux démons à l'instar de la problématique de la question de "l'ivoirité" en Côte d'Ivoire ou encore dans d'autres pays où la question de la nationalité a fortement divisé la classe politique. La frilosité a donc pris le dessus et la question a été vite enterrée, d'autant que le chef de l'État, Macky Sall, s'est autorisé une sortie sur la question pour la qualifier de débat inopportun. Le Président Sall se lavait ainsi, par sa déclaration, de toute volonté d'écarter, par ce truchement, de potentiels adversaires politiques de la course à la présidence de la République. Seulement, il a semblé oublier qu'il a été le principal artisan de la loi en 2012 sur la nationalité des élites politiques et de gestion des affaires publiques.
En effet, il était, fort justement, non seulement resté sur une ligne de démocratie, de transparence et de protection des intérêts supérieurs de son pays mais aussi l'exigence d'une nationalité exclusive pour les responsables de l'État avait longtemps été une revendication forte des la classe politique contre Léopold Sédar Senghor et contre le Président Abdou Diouf. Dans la Constitution de 2001, le Président Abdoulaye Wade avait introduit ce principe d'exclusivité de la nationalité sénégalaise pour pouvoir exercer les fonctions de chef de l'État du Sénégal, même si on a pu découvrir, a posteriori, qu'il avait été auteur d'un parjure.
En effet, nul ne saurait envisager en France par exemple, qu'un chef d'État, un député, un maire, un ministre ou un dirigeant d'une entreprise publique quelconque, puisse se prévaloir d'une nationalité autre que française. D'ailleurs, dans ce pays très démocratique du reste, le fait simplement pour un homme politique de posséder un compte bancaire à l'étranger lui vaudrait d'être voué aux gémonies. Dans de nombreuses autres grandes démocraties comme aux Usa, en Suisse, en Italie, en Allemagne, en Angleterre ou ailleurs, il ne saurait être question pour un dirigeant public de se prévaloir d'une double nationalité. Qui va considérer ces nations comme des adeptes de pratiques anti-démocratiques ?
Il est donc à regretter que le débat sur la nationalité ait pu faire autant peur au Sénégal et ainsi faire long feu. La classe politique a fait semblant de n'avoir pas entendu l'initiative du Forum civil, qui consiste à chercher à élargir les interdictions d'exercice de fonctions ou de responsabilités publiques, au-delà de la personne du président de la République, à toutes les autorités dépositaires d'un mandat public ou d'un pouvoir de décision, ou placées à des positions stratégiques et qui pourraient engager la responsabilité du Sénégal.
Le Général Mamadou Mansour Seck, dans l'émission Grand Jury de la Rfm du dimanche 18 septembre 2016, a abondé, avec courage et vérité, dans le même sens. Au demeurant, il ne saurait être acceptable, dans un régime démocratique soucieux de protéger et préserver les intérêts supérieurs d'un pays, que ses dirigeants puissent se prévaloir d'une autre nationalité. La possession d'une nationalité impacte assurément les sentiments ou induit un certain subjectivisme qui ne pourrait ne pas se ressentir dans des arbitrages mettant en cause des intérêts de divers pays. Par réflexe, n'importe quel citoyen du monde a tendance, dans un banal match de football, à supporter l'équipe du pays de sa nationalité quand elle est confrontée à celle d'un autre pays.
Cette question semble aujourd'hui être d'une grande importance quand on observe l'attitude de la classe politique sur certaines affaires de l'État pouvant générer des intérêts économiques. Tous les questions, affaires ou contrats qui ont pu provoquer l'ire ou l'interrogation de l'opposition au Sénégal, ces derniers mois, ont concerné des intérêts autres que français. Les exemples sont légion.
Nous avons pu éprouver un certain attendrissement quand le débat a passionné des élites politiques sur la sauvegarde ou la préservation des intérêts du Peuple sénégalais dans la gestion des contrats dans les secteurs du pétrole et du gaz. C'est une préoccupation légitime. Seulement, pourquoi uniquement le pétrole et le gaz, car il reste d'autres secteurs d'activités économiques à forte puissance de retombées économiques pour le Sénégal, devant lesquels les acteurs politiques font profil bas ou mettent des œillères. Il sera dans ces conditions, difficile de nous enlever l'idée que les coups de boutoir contre les contrats de Petro Tim ou Kosmos Energy se justifient par le seul fait qu'elles ne sont pas des compagnies françaises. Il est évident que la France s'est fait devancer dans ce secteur par les Ecossais et les Australiens notamment.
Ne chercherait-on pas à faire peur ou à susciter des complexes au niveau des gouvernants pour les forcer à prendre en compte les intérêts français qui commencent à se manifester pour ce secteur ? Qui a jamais entendu l'opposition politique s'émouvoir des profits réalisés chaque année par Orange au Sénégal et qui sont en très grande partie systématiquement rapatriés en France ? Nul ne les entend vitupérer sur le caractère secret des négociations pour le renouvellement de la licence ou de la concession accordée à Orange. N'est-il pas curieux de demander de rendre public le contrat liant l'État du Sénégal à Petro Tim et ne pas demander la même chose en ce qui concerne Orange ou dans le secteur de l'eau, le contrat liant Eranove, vendu par Bouygues à la française Axa, à l'État du Sénégal ? On ne cherche à rien savoir sur les éventuels avantages léonins consentis à des compagnies françaises. Le dernier exemple et on ne peut plus illustratif, est l'opération de révision, aux allures de scandale, de l'amende que l'Agence de régulation des télécommunications et des Postes (Artp) avait infligée à la société Orange pour des dysfonctionnements et de manquements répétés. Qui a encore entendu un opposant s'interroger sur les raisons de la reculade ou de la subite mansuétude du Conseil de régulation de l'Artp ?
Pourtant, les mêmes opposants politiques au gouvernement, ont hurlé pour dénoncer d'éventuelles exonérations fiscales accordées à des entreprises dans le secteur du pétrole et du gaz. Le ministère de l'Economie, des finances et du plan a vite démenti de telles accusations d'exonérations fiscales. On finira par croire, encore une fois, que l'opposition perd la voix chaque fois que des intérêts français sont en question. Comme par exemple, dans le bras de fer entre l'État du Sénégal et la société Senac dans le cadre de la gestion de l'autoroute à péage. Le Président Macky Sall refuse d'inaugurer le deuxième tronçon, tant que l'entreprise exploitante n'aura pas accepté de réduire les tarifs, qui sont du reste les plus chers au monde. L'élan de défense des intérêts du Peuple sénégalais n'a poussé aucun opposant à soutenir le gouvernement dans un tel combat ! Quid des discussions sur le renouvellement du contrat d'affermage consenti à une entreprise française dans le domaine de la distribution de l'eau au Sénégal ? Le souci de cerner la transparence et la bonne gouvernance n'a pas encore poussé à s'y intéresser ! Personne ne s'était interrogé sur les conditions d'octroi à la société française Alsthom, d'un marché de plus de 372 milliards de francs Cfa portant sur la réalisation du projet du Train électrique régional (Ter) de Dakar.
Le fait que, sur plainte d'une société chinoise, l'Armp ait cassé ledit marché n'a suscité le moindre intérêt. Il est difficile de ne pas croire que si les Chinois avaient remporté le jackpot, les opposants s'en seraient saisis pour en connaître les tenants et aboutissants. La bonne preuve est le contrat donné à une entreprise chinoise au sujet de la réalisation de l'autoroute Ila Touba. On a bruyamment dénoncé un gré à gré, alors que tout le monde connaît les conditions et termes d'un marché conclu sous le régime légal d'une "offre spontanée".
Qui n'a pas observé l'attitude circonspecte pour ne pas dire blasée de certains responsables de l'opposition au sujet des contrats accordés au Port de Dakar à des entreprises françaises comme Bolloré ou Necotrans ? Il est fort à craindre que l'opposition cherchera à acculer les autorités de l'État sur le scandale de la vente de carburant de mauvaise qualité au Sénégal et dans d'autres pays africains, révélé la semaine dernière par un rapport de l'Ong Public Eye. Aucune des compagnies coupables n'est française. Peut-être qu'il en serait autrement si Total par exemple, était dans le lot. D'ailleurs, pourquoi une enquête aussi sélective ? Qui peut aujourd'hui certifier la qualité des produits dans les cuves de pétroliers français au Sénégal et ailleurs en Afrique ?
En définitive, le gouvernement ne serait coupable d'opérer de mauvais choix ou d'avoir des pratiques de mal gouvernance ou de je ne sais quoi, que si les intérêts en jeu sont autres que français. Qui parmi les responsables politiques de l'opposition peut-il dire qu'il n'est pas détenteur de la nationalité française ? On allait oublier, comme le dit Anatole France : "Les hommes politiques sont comme les chevaux. Ils ne peuvent marcher droit sans œillères."
Ils sont trop vieux… pour assurer la relève… Ou trop vierges, pour connaître le labyrinthe d’un monde de caïmans où les acteurs (au sens de comédiens) ont appris à cacher leur jeu, préférant, à l’image des Grecs, être superficiels par profondeur. Les premiers, qui sont au cœur de notre réflexion, sont tout aussi responsables du passif de leur leader et responsables dont ils ont intériorisé les défauts, les tares, pour ensuite les ressasser et les reproduire à la moindre occasion. Le ver est malheureusement dans le fruit d’un système verrouillé par des adultes qui en gardent jalousement le code secret.
Dans les formations politiques ou les organisations de la société civile, les jeunes cherchent à se faire parrainer, portent souvent le combat de leurs aînés qui s’inscrivent, hélas, dans une logique de lutte de places. Au sein de ces structures, leur rôle est souvent réduit à répondre aux invectives des adversaires, à servir de boucliers lorsque la police charge la foule de manifestants, ou d’instrument de marketing politique entre les mains d’aînés au cynisme inqualifiable. Dans des pays où les forces de l’ordre utilisent les balles réelles pour contenir les manifestants, les jeunes des partis ou des organisations de la société civile sont utilisés, comme chair à canon.
Tout comme leurs aînés, leur champ de vision se réduit comme une peau de chagrin sous le soleil des désirs futiles. Ils se contentent de postes, de quelques billets de banque, de séjours à l’hôtel… et leur horizon devient ainsi le cimetière de grandes ambitions qui auraient pu transformer le monde. Comme si ces jeunes ont été formatés de manière à tuer en eux ce désir d’aller toujours de l’avant et de faire du monde un construit où les générations montantes retrouveront enfin cette envie de vivre. Ils n’ont jamais cru au libre arbitre, préférant agir sous la dictée d’adultes aveuglés par la quête des honneurs et des privilèges.
Ces jeunes des partis politiques ou des organisations de la société civile, ne doivent jamais perdre de vue qu’ils sont des «privilégiés » par rapport à la grande masse (de jeunes). Celle qui est sacrifiée sur l’autel de l’insouciance d’une élite dirigeante qui a fini de la jeter dans la rue, après avoir confisqué ses rêves et ses espoirs ; l’exposant, du coup, à tous les doutes. Et pour cette grande masse de jeunes, chaque jour qui passe est un jour de trop dans la lutte pour la survie où le désespoir est noyé dans un joint de «marijuana» ou enfoui dans la poudre de cocaïne, ou enveloppé dans un mouchoir imbibé de Guinz.
Le chantier est immense pour une jeunesse politique qui cherche à briser les chaînes d’un système dont l’essence est de se renouveler sans cesse. Ces jeunes désœuvrés, abandonnés à leur sort, dans les épaves de voitures, les décharges, dans les constructions inachevées ou des maisons inhabitées, dans les marchés ou les rues en train de compter les poteaux, parfois bardés de diplômes, doivent être la préoccupation d’une jeunesse politique qui prétend assurer la relève. Cette dernière ne doit perdre de vue que ces «enfants de personne», une expression empruntée à Ma Solo Masiala, (puisque dans l’imaginaire collectif une personne qui ne réussit pas n’appartient à personne) dressés comme des fauves par une société inégalitaire, injuste, ne pourront être que des forces de destruction massive. Cette grande masse de jeunes est le symbole vivant nos «Etats manqués», pour parler comme Noam Chomsky.
Nul besoin donc de dire que cette jeunesse vit dans l’impasse, sans avenir, sans perspectives et sans protection sociale, contrairement aux apparences. Elle pose, plutôt des questions existentielles, lorsque le film du mal-vivre déroule ses gros plans et ses plans serrés sur cet avenir obstrué par l’accroissement du chômage, la précarité, l’exclusion, l’injustice…
A cette jeunesse politique qui ne semble prendre la mesure de ses responsabilités, nous lui disons que le moment est venu de briser les chaînons de l’aliénation «mentale» et d’entonner l’hymne du libre arbitre. Mais le défi de prendre le flambeau suppose un sens élevé du sacrifice, mettant toujours en avant les intérêts des populations. Ce qui nécessite, la hauteur de vue ou d’esprit, car le regard prospectif s’affranchit toujours de l’appât du présent pour ne pas dire du gain facile. Tel l’intellectuel organique d’Antonio Gramsci, debout dans sa tour de contrôle, cette jeunesse politique a le devoir de jouer le rôle d’avant-garde de la société : lutter pour la justice sociale, la transparence dans la gestion des deniers publics, servir de boucliers contre tout corps étranger qui veut saper l’unité nationale…
Elle n’a pas le droit de regarder par la fenêtre au moment où la rue s’enflamme ou s’embrase du fait de la folie des hommes. Elle ne doit pas non plus s’installer confortablement dans l’oasis de l’insouciance(gâtée par des adultes) au moment où le désert de l’impunité, de la corruption, de la mal gouvernance, du crime organisé, du pillage systématique des deniers publics, de l’agression des valeurs, avance inexorablement!
Cette jeunesse doit prendre le pouvoir au sein des partis, en imposant, par la force des idées, des réformes qui prennent en charge les préoccupations de la grande masse des jeunes. C’est de cette manière, à petits pas, qu’on créera les conditions d’une relève crédible.
PAR JEAN MEISSA DIOP
MANIP’ AUTOUR D’UNE MAISON PRÉSIDENTIELLE SUR LA PLANÈTE MARS
Plein de nigauds se seront fait attraper par la question du radio-crochet initié par on ne sait qui, mais repris par une chaîne de télévision dakaroise et au moins une dizaine de sites internet sénégalais : ‘’Le président Macky Sall a acquis à 4 milliards de francs une maison sur la planète Mars, qu’en pensez-vous ?’’
Aussi saugrenue que paraît la question, il s’est trouvé des citoyens sénégalais mal servis à la fois par leur sous-culture et un faible niveau d’instruction pour oser une réponse dans le sens recherchée par le questionneur micro en main et devant l’objectif d’une caméra.
Et ce fut toujours sous le mode de l’indignation que ces crédules hommes, jeunes et femmes réagirent à cette information qui les scandalise, puisque, à leur avis, ces milliards de francs (ils n’ont vu que l’argent) dépensés dans l’acquisition d’une maison de villégiature par le chef de l’Etat aurait eu plus de pertinence dans la solution aux nombreux maux dont souffrent les Sénégalais. Aucun des individus interrogés ne s’est demandé où peut bien se trouver un telle site en réalité éloigné de… 75,3 millions de kilomètres de la Terre !
L’intention de se rire de la naïveté des ‘’sondés’’ était manifeste. Tout comme nous semble l’avoir été l’objectif de susciter le courroux indigné de celles et ceux qui flétrissent l’insouciance d’un dirigeant qui engloutit autant de ressources financières dans une opération onéreuse, personnelle, insouciante et même irrespectueuse de la souffrance du bas-peuple.
Manifeste aussi est la mauvaise intension dans le choix des personnes interrogées puisque aucune d’eux et d’elles ne sait que la planète Mars est trop éloigné de la Terre et inhospitalière à la vie humaine pour qu’on aille y édifier une villégiature.
Les uns et les autres se sont hasardés dans une réponse qui trahit leur simplicité d’esprit ou alors leur bas niveau d’instruction. Devrait-on alors parler de réponse intelligente à une question idiote ? Peut-être que oui, puisque le bon sens est plus du côté de ceux qui répondent que de celui qui pose la question. C’est à se demander si les réponses d’interlocuteurs plus ‘’cultivés’’ n’ont pas été censurées.
On en rit, mais il faut plutôt en pleurer ; déplorer qu’un média dont la fonction primaire est d’informer, éduquer et divertir en vienne à mettre en exergue la simplicité d’esprit… Il faut certes rire, mais il est mieux de choisir les thèmes. Tout n’est pas bon pour faire de l’humour.
Dans radio-crochet sur le ‘’palais sur Mars’’, c’est le professionnalisme du questionneur et même sa sagacité qui sont en cause. Sa créativité aussi, de même que sa capacité à proposer des sujets qui fouettent et éveillent l’intelligence.
De ceux qui auront regardé ce ‘’reportage’’ et ceux qui y sont intervenus, il y en a qui retiendront que le président de la République compte dans son patrimoine foncier une résidence acquise à 4 milliards de francs sur la planète Mars. Peu importe s’ils ignorent ce que veut dire ce nom et ce à quoi il renvoie.
La manip’ aura alors atteint son objectif. Et des indignés sénégalais (pas seulement eux) en voudront au chef de l’Etat. Et dans ce genre d’opération, il s’agit moins de dire la vérité que de provoquer un effet, pour paraphraser Goebbels, le ministre de la Propagande du régime nazi.
Quant au droit de public à une information vraie parce que vérifiée par le journaliste, il attendra.
L’humour n’est point grandiloquence, l’invraisemblance, mais intelligence de l’humoriste ; c’est ‘’le tranchant de l’intelligence’’, a dit le polémiste français Jean Edern Hallier.
Jean Meïssa DIOP
Post-Scriptum : Réagissant à l’Avis d’inexpert sur les photos du président de la République tourné en bourrique par ses adversaires détournant le sens des images du chef de l’Etat prises à l’étranger, un professionnel du service communication de la présidence de la République nous a révélé au cours d’un entretien que la diffusion des photos controversées du président faites au chef de l’Etat est une initiative d’organes de communication du pays étranger.
Par exemple, aussi bien la publication de la photo du président Macky Sall tenant un pistolet lors d’une visite au Pakistan et celle montrant le même chef de l’Etat sénégalais habillé en guerrier massaï ont été des initiatives d’agences de presse de ces pays visités. Certes, mais vu la controverse que provoque ces photos au Sénégal, le service protocole sénégalais pourrait, par exemple, suggérer au pays hôte que le chef de l’Etat ne soit plus déguisé de la sorte, même si c’est pour lui faire honneur de l’habiller en costume du pays.
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QUE L’INTERDICTION SOIT ÉTENDUE AUX MINISTRES, DÉPUTÉS ET AMBASSADEURS
Dakar, 18 sept (APS) - L’ancien chef d’Etat-major général des armées sénégalaises (CEMGA), le général Mouhamadou Mansour Seck, a estimé, dimanche, que l’interdiction de la double-nationalité doit notamment être étendue aux ministres, aux ambassadeurs et aux députés.
Invité dimanche de l’émission ‘’Grand Jury’’ de Radio Futurs Médias (RFM, privée), le général Seck a déclaré que cette interdiction ne doit pas être limitée aux candidats à la présidence de la République.
Il estime qu’elle doit notamment être élargie aux ministres, aux ambassadeurs, aux députés. ‘’ A mon avis, un chef d’Etat, un ministre, un ambassadeur, un député, un fonctionnaire ne devraient avoir qu’une nationalité.
C’est ce qui se fait dans la plupart des pays démocratiques, parce qu’il y a des conflits d’intérêts possibles. Il faut savoir ce que l’on est, l’identification est importante’’, a-t-il estimé.
Ancien CEMGA sous le régime du président Abdou Diouf, le général Seck estime qu’il y a des situations où ceux qui sont censés défendre les intérêts de l’Etat peuvent être amenés à choisir’’. D’où les conflits d’intérêt qui peuvent en résulter.
Compte tenu d’un tel état de fait, ‘’ceux qui représentent l’Etat doivent avoir une seule nationalité”, a-t-il tranché, rappelant cette célèbre assertion du général de Gaulle qui disait que ‘’les Etats ont des intérêts, mais pas d’amis’’.
L’ancien chef d’Etat-major général donne son propre exemple au moment de l’indépendance du Sénégal, où il a eu à écrire à l’état-major pour ‘’être uniquement sénégalais’’.
Le débat sur la double nationalité a été ravivé récemment par d’abord une proposition de l’ancien ministre Benoît Sambou. Ce dernier souhaitait que ‘’tout candidat détenteur d’autres nationalités’’ renonce ‘’à celles-ci depuis au moins cinq ans avant le jour du scrutin et en fournir la preuve.’’
Le vice-président de l’Assemblée nationale, Moustapha Cissé Lô, avait dans la foulée indiqué vouloir porter une proposition de loi dans ce sens. L’éventualité d’une loi avait suscité de vives réactions dans les rangs de l’opposition et de la société civile, installant une véritable polémique.
Le débat sera finalement clos par le chef de l’Etat, Macky Sall, le 28 août dernier, depuis Nairobi, où il rencontrait la communauté sénégalaise, en marge de la TICAD VI.
La Constitution sénégalaise, adoptée en 1992, dit que "pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut être exclusivement de nationalité sénégalaise", avait-il alors rappelé. Le débat sur la double nationalité au Sénégal est un "faux débat", avait-il ajouté.