Monsieur le Président, le 25 mars 2012, les électeurs sénégalais ont choisi de faire de vous le quatrième Président de la République, en vous accordant 65 % de leurs suffrages. Ils étaient encouragés dans leur choix par votre programme qui leur promettait le progrès, le mieux-être. Vous avez surtout pris devant eux des engagements formels, plusieurs fois réitérés au Sénégal comme hors du pays. Ces engagements sont suffisamment connus pour qu'on ait besoin de s'y attarder longuement.
Plus de quatre ans après, vos compatriotes constatent qu'ils ne vous entendent plus parler de transparence, de sobriété, de vertu, ni de la primauté de la Patrie sur l'APR. Vous n'en parlez pratiquement plus, puisque la gouvernance que vous mettez en œuvre depuis votre installation officielle le 2 avril 2012, c'est exactement le contraire de vos engagements. Votre gouvernance – on n'a pas besoin de rentrer dans les détails pour le démontrer – n'est ni transparente, ni sobre, ni vertueuse.
En outre, votre parti et votre coalition ont pris nettement le large devant la pauvre petite patrie. Je n'ai pas besoin, pour ce qui me concerne en tout cas, de m'attarder sur ces constats qui crèvent les yeux : je les ai illustrés à suffisance dans nombre de mes contributions antérieures. Vos compatriotes le constatent aussi au quotidien, à travers vos comportements.
Vous avez trahi en particulier votre engagement plusieurs fois réitéré (parfois dans des circonstances solennelles) à réduire, au cas où vous étiez élu, le mandat présidentiel de sept à cinq ans, et à vous l'appliquer. On connaît la suite : vous attendez quatre ans pour, contre toute attente, conditionner la mise en œuvre de votre engagement à un avis du Conseil constitutionnel. Que ne l'aviez-vous pas annoncé entre les deux tours ou une fois définitivement élu ? Votre éminent conseiller juridique devrait quand même vous le conseiller ! Nous retenons donc, qu'en vous abritant derrière l'avis-décision du Conseil constitutionnel, vous avez trahi votre engagement solennel, vous avez trahi vos électeurs et le pays tout entier. Ce wax waxeet est bien plus décevant, bien plus dégradant que celui de votre prédécesseur.
Vous avez aussi dilué votre promesse de transparence dans un autre subterfuge : la nécessité d'accélérer la cadence vers l'émergence. Dans cette perspective, vous privilégiez largement le gré à gré qui devient de plus en plus la règle au détriment de l'appel d'offre. Pour ne prendre qu'un exemple, le marché de l'autoroute "Ila Touba" nous est tombé pratiquement du ciel : 112 km pour un coût de 416 milliards de francs CFA ! Autant de milliards pour une autoroute de 112 km, qui se construit sur un terrain plat et sablonneux, avec seulement pour obstacles quelques arbres sahéliens ! Comparaison n'est certainement pas raison. Cependant, nous n'avons pas pu résister à la tentation de comparer "Ila Touba" à l'Autoroute Marrakech-Agadir mise en circulation en 2010
Comme on le constate en lisant le tableau, l'autoroute Marrakech-Agadir apparaît comme un projet "hors normes", si on le compare à l'Autoroute Thiès-Touba. Pourtant, les deux infrastructures ont un coût presque équivalent, avec une différence de moins de 15% entre les deux. Selon mes informateurs (des techniciens de haut niveau), cette différence s'efface d'ailleurs si on considère qu'il faut sûrement ajouter, pour Thiès-Touba, les immanquables exonérations fiscales et autres facilitations douanières qui caractérisent ce type de contrat négocié on ne sait comment et par qui. Les Chinois paieront-ils les droits de douane pour les différents matériels qu'ils vont importer ? Probablement non. A l'arrivée donc, nous risquons, nous pauvres contribuables sénégalais, de nous retrouver avec une autoroute Thiès-Touba bien plus coûteuse que l'Autoroute Marrakech-Agadir, deux fois plus longue et avec des caractéristiques techniques et fonctionnelles sans commune mesure.
Nous courons le même risque avec ce Train Express régional (TER) de 54 km, qui va nous coûter 507 milliards de francs CFA. C'est, du moins, ce qu'a révélé votre Secrétaire d'État au Réseau ferroviaire, M. Abdou Ndéné Sall, dans un entretien à L'Observateur. Il y précise : "Le Train Express Régional (TER) va coûter près de 507 milliards F CFA répartis comme suit : les rails Dakar-Aibd 366 milliards, le matériel roulant (11 rames) 86 milliards et les provisions (15%) 55 milliards F CFA". Invité à l'Emission "Objection" de Baye Oumar Guèye de Sud FM, je l'ai entendu donner un montant légèrement inférieur à 507 milliards.
En tous les cas, M. le Président, 507 milliards, même un peu moins pour votre projet de TER, c'est presque fou pour le pays pauvre et endetté que nous sommes. Nous faisons face à surtout des priorités bien plus pressantes que ce TER. Des marchés aussi faramineux, nous en entendons parler tous les jours, sans en avoir la moindre information. Ainsi, on nous annonce qu'il faut 62 milliards pour terminer les travaux de l'AIBD. Combien nous coûtera finalement cet aéroport ? Nous ne le saurons sûrement jamais.
Monsieur le Président de la République, de tels exemples, je pouvais les multiplier. La transparence que vous nous avez promise est donc loin d'être au rendez-vous. Comme vous n'en parlez pratiquement plus, certains de vos proches s'emploient à nous faire croire encore à la transparence de votre gouvernance. En particulier, dans l'entretien qu'il a accordé au journal Sud quotidien du 10 juin 2016, le député Moustapha Diakhaté (qui a le vent en poupe ces temps derniers), évoque la CRÉI que vous avez exhumée et les autres dispositifs que vous avez mis en place : Code de la Transparence, réforme de la Cour des Comptes pour lui donner plus de pouvoir d'intervention et de contrôle des comptes publics, élargissement des assujettis à la déclaration de patrimoine, etc. Le Président de votre Groupe parlementaire – il est bien vôtre – insiste particulièrement sur la création de l'OFNAC, "une structure essentielle pour la probité des acteurs publics" et auquel vous avez donné "des pouvoirs énormes pour lui permettre de combattre efficacement la corruption et le détournement des deniers publics".
Une autre de vos proches, Mme Aminata touré, entre dans la danse pour affirmer qu'"en quatre ans, des progrès indéniables ont été accomplis en matière de lutte contre la corruption". Elle rappelle "notre corpus législatif et réglementaire (qui) s'est enrichi de dispositifs normatifs permettant une meilleure gestion des deniers publics", ces mêmes dispositifs déjà cités par son camarade M. Diakhaté. Mme Touré poursuit sa plaidoirie en ces termes : "Pendant quatre décennies, le pillage des ressources publiques a été longtemps la règle. Il faut reconnaître que beaucoup de chemin a été parcouru depuis mars 2012 et c'est à mettre au crédit du Président Sall…"
Monsieur le Président de la République, vos avocats insistent particulièrement sur les dispositifs que vous avez mis en place. Monsieur le Président, vous êtes bien placé pour savoir que le principal n'est pas de mettre en place ces dispositifs. Le principal, ce sont les résultats concrets obtenus. Or, de ce point de vue, nous restons sur notre faim. La Cour des Comptes dont M. Diakhaté chante les réformes dépose chaque année entre vos mains des rapports qui épinglent gravement des gestionnaires de deniers publics. L'Inspection générale d'État (IGE) en fait autant. J'ai lu beaucoup de rapports de ces structures de contrôle et me suis indigné de la gravité des fautes dont de nombreux directeurs généraux et directeurs d'agences ou de sociétés nationales continuent allègrement de se rendre coupables. Je ne connais pas, depuis votre accession à la magistrature suprême, un seul délinquant présumé qui ait été sanctionné. Vous confortez au contraire les mauvais gestionnaires, avec ce coude que vous mettez sur les dossiers.
Le 24 mai 2016, la Présidente de l'OFNAC a rendu public le Rapport d'activités 2014-2015 de l'Office au King Fahd Palace. C'est à vous qu'elle devait le présenter au cours d'une audience solennelle qui lui a été refusée, sous le prétexte fallacieux d'un agenda chargé. Prétexte fallacieux puisque la Présidente du Conseil économique, social et environnemental et celle du Haut Conseil du Dialogue social vous ont présenté respectivement leurs Rapports d'activités, de façon solennelle, les 25 et 23 mai 2016. En vérité, Monsieur le Président de la République, vous donnez la forte impression de ne plus vouloir sentir l'OFNAC et sa Présidente car, vous vous êtes sans doute rendu compte que celle-ci a décidé d'exercer tous les pouvoirs que la loi donne à l'institution qu'elle préside. Vous ne supportez pas, apparemment, que deux des dossiers déposés par l'OFNAC auprès du Procureur de la République mettent en cause deux de vos proches. Votre position, dans cette affaire, est déjà le signe que les deux présumés coupables ne seront pas le moins du monde inquiétés. Votre Directeur de Cabinet a d'ailleurs donné le ton dès que le Rapport de l'OFNAC a été rendu public, en faisant une sortie au vitriol contre sa Présidente.
A quoi servent donc ces structures de contrôle que certains de vos proches portent toujours en bandoulière ? Finalement pas à grand-chose. Jusqu'à preuve du contraire, l'IGE ne recevra jamais pour mission de votre part d'aller contrôler la gestion de la Poste, du COUD, de l'ARTP, du PAD, etc. Et même si, par extraordinaire, c'était le cas, ce ne serait que pour la galerie.
Monsieur le Président, votre gouvernance n'est pas transparente. Elle n'est, non plus, ni juste, ni sobre, ni vertueuse. Vous avez publiquement béni la transhumance. Non content de la bénir, vous l'encouragez et l'entretenez au niveau le plus élevé de l'État. Vous voulez finalement en faire une pratique normale. Vous n'y parviendrez pas. Un membre de votre parti, Me Djibryl War, la conçoit bien autrement. Défendant la libération de Karim Wade dans un entretien au journal Le Populaire du 13 juin 2016, il martèle : "Imaginez ce qu'il (Karim) devait ressentir, lorsqu'il voyait, pour la première fois, dans sa cellule, à travers la télé, ses anciens courtisans qui, comme des oiseaux picoreurs, reprendre leur envol migratoire au gré des saisons politiques, transhumance oblige, en direction du nouveau pouvoir, dans la proximité immédiate du Président et de la Première Dame, l'abandonnant à son triste sort."
Monsieur le Président de la République, votre militant a parfaitement campé la transhumance, qui est une pratique détestable, n'ayant pas sa place dans une gouvernance vertueuse. En outre, sa valeur ajoutée dans votre réélection est presque nulle.
Monsieur le Président, vous ne faites que nous décevoir depuis le 2 avril 2012, en reniant sans état d'âme vos engagements. Vous allez sûrement nous donner le coup de grâce avec deux graves décisions en perspective : la reconstitution de la famille libérale et la libération de Karim Wade. Le PDS et son vieux chef ont pillé le pays pendant douze longues années, détraqué notre administration et malmené nos institutions. Nous en avions assez de leur gouvernance nauséabonde et les avons renvoyés sans équivoque dans l'opposition le 25 mars 2012. Voilà que vous allez nous les faire revenir par la fenêtre et ajouter gravement à la mal gouvernance que vous nous imposez. Basta, M. le Président ! De grâce, épargnez-nous ce martyre ! Nous souffrons déjà terriblement des pratiques liées à votre gouvernance.
Voilà encore, M. le Président, que vous décidez de libérer Karim Wade, sous le prétexte fallacieux que beaucoup de monde en fait la demande et qu'il a déjà purgé la moitié de sa peine. Vous vous y êtes tellement mal pris que les rôles sont inversés : vous êtes désormais sur la défensive, pendant que Wade-père, Wade-fils et leur clan sont en position de force. Wade-fils en est tellement conscient qu'il cracherait sur la grâce et exigerait l'amnistie, car "il est blanc comme neige". Bizarrement, la culpabilité a changé de camp.
En tout cas, M. le Président, la libération de Karim Wade sonnera le glas de la CRÉI comme des autres structures mises en place pour lutter contre l'enrichissement illicite, la corruption, les détournements de deniers publics et toutes autres pratiques malsaines qui obèrent nos maigres ressources.
Karim Wade et les autres (Aïda Ndiongue et consorts) libérés – car ils le seront sûrement –, vous n'oserez plus lever le plus petit doigt sur aucun autre Sénégalais, aucune autre Sénégalaise. Les vingt-quatre compatriotes qui devaient suivre Karim Wade poussent un ouf de soulagement : on n'a pas besoin d'être un devin pour savoir qu'ils ne seront plus poursuivis. Pourtant, nombre d'entre eux, sinon tous ont participé au pillage systématique de nos ressources. Vous le savez parfaitement, M. le Président de la République, car vous les avez pratiqués pendant huit ans, à des niveaux très élevés. La CRÉI ne les avait pas sûrement désignés par hasard comme délinquants présumés.
Quelques-uns de vos proches, notamment Me Djibryl War, veulent vous faire croire que vous avez été abusé, trompé par des "esprits pervers, haineux, revanchards (qui voulaient) assouvir leur vengeance sur la personne de l'ancien Président Abdoulaye Wade à travers son fils, en utilisant la CRÉI". Vous seriez donc à ce point influençable, M. le Président ! En réalité, il n'en est rien. Et c'est un autre de vos proches, le député Moustapha Diakhaté, qui va prendre le contre-pied de son camarade War. Dans un communiqué, il rappelle que la Traque des Biens mal acquis et la lutte contre l'impunité représentent "une exigence populaire et la mise en œuvre d'une promesse électorale du candidat Macky sall". Il ajoute que, dans le Yoonu Yokkute, vous vous êtes engagé à "prendre des mesures fortes pour vous attaquer, une fois élu, à la corruption et aux détournements de deniers publics (…)".
Ce même député veut nous faire avaler que si vous n'avez pas gagné jusqu'ici votre combat, c'est que vous n'êtes soutenu ni par votre propre parti, ni par votre coalition, ni par la Société civile. Vous seriez encore plus gêné par des "lobbies politiques et religieux, voire des hommes d'affaires qui tiennent tous en otage le pays, en le tirant vers le bas". M. Diakhaté va plus loin encore en disant constater, en dépit de tous vos efforts, "l'accueil glacial que l'opinion, d'une manière générale, a réservé à (votre) nouvelle politique de bonne et de gouvernance vertueuse". Ce proche vous raconte des histoires, M. le Président. Quelle est cette opinion qui accueille de façon glaciale une politique de bonne gouvernance ? Quand même !
En outre, il veut vous faire croire que vous n'êtes pas capable de mener seul le combat contre la corruption et les détournements de deniers publics ! M. le Président de la République, vous avez entre vos mains tous les instruments qui vous permettent de lutter avec succès contre ces fléaux. Vous serez soutenu par l'écrasante majorité de vos compatriotes, si vous êtes sincère dans votre combat. S'il existe, quelque part, des adversaires à la lutte contre la bonne gouvernance, il faut les chercher du côté de la famille que vous envisagez de reconstituer.
M. le Président de la République, il est de temps de conclure, même si je le fais le cœur gros car, il existe encore tellement de problèmes sur lesquels je pouvais continuer de vous interpeller ! M. le Président, après le reniement de pratiquement tous vos engagements, vous regardez encore sans état d'âme vos compatriotes les yeux dans les yeux. Où trouvez-vous cette force ? La réponse à cette question est à chercher peut-être dans la chance inouïe que vous avez de régner sur un peuple prêt à avaler passivement toutes les couleuvres, à encaisser tous les coups, un peuple qui encaisse mieux que le regretté Mohamed Ali, du temps de sa splendeur. Même si vous étiez encore jeune, vous vous rappelez certainement le combat qui l'a opposé à son compatriote George Foreman. C'était en 1974, au Stade Tata Raphael de Kinshasa. Forman, un grand cogneur à l'époque, a roué de coups son adversaire à certains moments, au point que des observateurs pensaient qu'il fallait arrêter le combat. Mais Mohamed Ali a tenu bon et, profitant de la fatigue de son adversaire qui envoyait des coups de façon désordonnée, les esquiva et l'envoya au tapis, contre toute attente.
J'espère que le peuple sénégalais sera capable du même sursaut le moment venu, pour vous barrer la route en 2019 si, entre-temps, vous ne changez pas cap. Ce dont je ne vous crois pas capable d'ailleurs, puisque votre gouvernance plonge trop profondément ses racines dans le système mis en place par votre prédécesseur, au lendemain du 19 mars 2000. Système qui vous colle à la peau et vous vaut d'envisager les deux graves décisions pour lesquelles le peuple sénégalais ne vous avait pas accordé sa confiance le 25 mars 2012.
PAR EL HADJ HAMIDOU KASSÉ
CLARIFICATION
Entre passion, partis-pris et malentendus, il convient de poser les termes du débat sur l'élargissement éventuel de Karim Wade afin que le futile ne l'emporte sur l'essentiel
La question de l'élargissement éventuel de Karim Wade alimente les débats depuis la sortie médiatique du Président de la République le 1er juin dernier. Entre passion, partis-pris et malentendus, il convient de poser les termes de ce débat afin que le futile ne l'emporte sur l'essentiel. Je propose 7 éléments, à la fois constats, possibilités et suggestions, pour la clarté du problème posé.
1. Malgré les pressions, au niveau national et international, la procédure concernant Monsieur Karim Wade a été menée sans faiblesse coupable. Les droits du mis en cause ont été scrupuleusement respectés. L'État a été rétabli dans ses droits. Le verdict l'atteste sans ambages. Le reste relève de l'histoire dans son versant épisodique.
2. Après le temps de la justice, comme l'a si bien relevé l'Association des magistrats du Sénégal (AMS), le Chef de l'État a la prérogative de grâce que lui confère la Constitution. Il l'exerce en toute discrétion. Il le fait d'ailleurs, en des occurrences qui relèvent de son pouvoir discrétionnaire. Nous sommes ainsi loin du débat de l'indépendance ou non de la justice dès lors que les limites fixées par la Constitution sont aussi claires que respectées.
3. De même que les pressions de toutes sortes n'ont pas eu d'impact sur la procédure qui a conduit au procès et sur le procès lui-même, c'est en toute souveraineté que le Président de la République a envisagé l'élargissement de Monsieur Karim Wade. Ni manifestation, ni interventions intempestives n'ont dicté sa posture. C'est d'une détermination tout à fait interne et autonome, sur la base de raisons à sa discrétion, qu'il a parlé de l'élargissement possible de Monsieur Karim Wade. D'où l'évidence qu'il n'y a eu aucun règlement de compte politique.
4. Rien n'y obligeait donc le Président de la République en dehors de son analyse propre qui l'a conduit à une pareille décision. L'adversité ne saurait primer sur la responsabilité historique d'un Chef d'État. Comme il l'a affirmé lors de la cérémonie de lancement du Dialogue National, la démocratie ne saurait être réduite à une confrontation permanente entre majorité et minorité. Par ailleurs, il convient de souligner, fortement, que la prison n'est pas la seule modalité de répression. D'autres voies et procédures, dans l'intimité de l'action de l'État, peuvent servir lorsque l'enjeu est de recouvrer les biens qui appartiennent à tous. Il suffit de faire confiance à la puissance des pouvoirs publics et au Président de la République dont la légitimité est incontestable, dont l'attachement aux intérêts suprêmes du peuple sénégalais et de la Nation n'a jamais été démenti.
5. L'élargissement de Monsieur Karim Wade est une question indépendante du Dialogue National qui a été envisagé par le Président de la République lors de la campagne référendaire. Donc au plus intense de la controverse politique qui a frôlé l'antagonisme. Le Dialogue National est centré plutôt sur la mise en œuvre des innovations constitutionnelles. Le président de la République souhaite, en effet, que de fortes convergences soient trouvées entre les différents acteurs dans cette œuvre de modernisation de notre système démocratique. Le Dialogue National est, également, une quête de consensus autour de quelques questions majeures dans la vie de la Nation, comme l'école et la sécurité.
6. L'élargissement de Monsieur Karim Wade ne remet nullement en cause l'option du Président de la République pour la bonne gouvernance. Plus que jamais, le Sénégal est dans un processus de renforcement de ses instruments de gouvernance pour la transparence et l'efficacité des politiques publiques au service des intérêts exclusifs des populations. Il est indiqué, dans ce sens, à chaque séquence et les expériences qui la ponctuent, d'évaluer les dispositifs existants et, au cas échéant, de s'adapter pour plus d'efficacité et de performance.
7. Faisons confiance au Chef de l'État et soumettons-nous à son initiative, notamment à la procédure qu'il aura choisie pour l'élargissement de Monsieur Karim Wade, comme il le fait pour d'autres détenus en général.
Amnistie, grâce ou libération conditionnelle. Quelle forme va revêtir la libération de Karim Wade ? L'imminence d'une telle éventualité pose autant de problèmes qu'elle n'en résout. Entre l'effacement de sa peine et le processus de récupération de ses biens déjà enclenché, des juristes éclairent les conditions d'un éventuel élargissement.
La libération de Karim Wade, en prison depuis avril 2013, n'est plus un secret, mais une question de temps. Une victoire pour Karim Wade et ses proches. Ou plutôt une manche de gagné, serait-on tenté de dire, si l'on sait que Karim Wade n'a pas perdu que sa liberté, avec cette condamnation devant la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI). Mais également ses biens. Dans sa décision confirmée par la Cour suprême, la CREI a condamné l'ancien ministre d'État à six ans d'emprisonnement assortie d'une amende de 138 milliards F CFA et de la confiscation de tous ses biens.
Ceux-ci sont constitués, entre autres, de deux maisons d'une valeur de 524.325.000 CFA au Point E, d'immeuble à la rue 10 estimé à 291.250.000 F CFA, d'un appartement à Paris dans le 16ème(Rue Faisanderie) 245.871.375 CFA. La CREI fait aussi état d'actions dans des sociétés, mais aussi d'une assurance vie d'un montant de 421.461.500 CFA et de 8 montres de luxe, 2 bracelets, 2 paires de boucles d'oreille et 2 bagues. La liste est loin d'être exhaustive, mais avec sa condamnation, ces biens sont devenus un patrimoine de l'État.
Vont-ils passer par pertes et profits, après la libération de Karim Wade ? Selon plusieurs juristes interrogés par EnQuête tout dépend des conditions de libération. "Si Karim Wade est amnistié, il peut recouvrer ses biens. Car l'amnistie efface l'infraction. Donc, on estime que les faits n'ont jamais existé", expliquent des avocats et magistrats interpellés sur la question. A défaut d'une amnistie qui doit être votée par l'Assemblée nationale, Karim Wade peut être gracié. Dans ce cas, les avis divergent. Un des avocats des complices de Karim Wade affirme que tout dépend de l'acte de grâce. Selon ses explications, la grâce peut se limiter à la peine pénale et ne pas concerner les autres dispositifs de la décision, à savoir l'amende et la confiscation des biens.
"Une grâce signifie liberté dans la pauvreté et voire même la mort civile"
Mais, cet argument est battu en brèche par d'autres sources. "En cas de grâce, la peine demeure. C'est pourquoi, la personne condamnée n'a pas un casier vierge", tranche un autre conseil d'un complice de Karim Wade. Très catégorique, notre interlocuteur de soutenir : "Du point de vue juridique, il n'y a aucun rapport entre la libération de Karim et la décision de la CREI qui est frappée par l'autorité de la chose jugée". Une position confortée par Me Amadou Aly Kane sur sa page Facebook. Dans cette publication, l'avocat explique, qu'avec la grâce, Wade junior va recouvrer la liberté, car sa peine sera supprimée en tout ou partie. "Mais sa condamnation subsistera. Autrement dit, elle figurera sur son casier judiciaire. L'État du Sénégal pourra toujours lui réclamer la somme à laquelle, il a été condamné à lui payer", écrit la robe noire qui avance également qu'il lui sera "quasi-impossible de travailler en tant que financier dans le privé et éventuellement d'être candidat à une fonction élective". L'avocat de conclure : "Une grâce signifie liberté dans la pauvreté et voire même la mort civile".
Le même scénario se dessine, en cas de libération conditionnelle. Est-ce la raison pour laquelle Karim Wade a toujours refusé la grâce, d'autant plus, qu'il ne reconnaît pas la légitimité de la CREI ? Une attitude qui se justifie pour quelqu'un qui a des ambitions politiques réelles ou supposées.
La renonciation, l'autre moyen pour Karim de conserver ses biens
Toutefois, si l'on se fie aux éclairages de nos interlocuteurs, outre l'amnistie, il existe, pour le compère de Bibo Bourgi, un autre moyen de conserver ses biens. Il s'agit de la renonciation. Selon un avocat qui a préféré garder l'anonymat, l'État peut, après libération, renoncer à l'exécution de la décision, en ce qui concerne les intérêts civils. Mais, selon Me Baba Diop, un problème se pose à ce niveau, car il faut connaître l'état d'avancement de l'exécution de la décision, pour savoir si les biens n'ont pas déjà été immatriculés au nom de l'État.
A ce propos, il faut rappeler que, lors d'une conférence de presse tenue à Paris, l'Agent judiciaire de l'État, Antoine Félix Diome, avait laissé entendre que l'État a recouvré un montant de 18 milliards FCA sur le patrimoine de Karim Wade. L'ancien substitut à la CREI avait même annoncé que les recouvrements devraient se poursuivre et que 24 comptes bancaires à Monaco, totalisant onze millions d'euros (7 milliards 215 millions 527 mille F CFA), ont été bloqués et d'autres biens immobiliers font l'objet d'une procédure de saisie, notamment deux appartements dans le XVIe arrondissement de Paris.
Seulement Me Baba Diop voit mal l'État renoncer au recouvrement, d'autant que l'annonce d'une grâce soulève des vagues. "On dit certes que le président de la République a le pouvoir et la prérogative de prendre certaines décisions, mais, qu'en est-il de ses engagements envers les populations ?", s'interroge l'avocat. Selon son argumentaire, d'un point de vue légal, il n'y a aucun problème. La question, dit-il, réside dans l'opportunité de la décision qui pourrait décrédibiliser le Chef de l'État, à cause de ses engagements pris en lançant la traque des biens mal acquis.
Si les accusations de détournement de l’argent prélevé sur les salaires des Députés s’avéraient fondées, ce serait le second gros scandale commis au sein de notre institution parlementaire depuis l’indépendance.
En effet, l’on se souvient qu’en 1962, alors que le Président Mamadou DIA préparait activement le décollage économique du pays, des Députés corrompus, avec la complicité des autorités de la France coloniale et de leurs suppôts locaux, ont entrepris de faire voter une motion de censure contre son gouvernement.
Ces Députes rencontraient nuitamment sur la corniche ouest de Dakar, Mr Henry Charles GALLENCA, Président de la chambre de commerce de Dakar de l’époque pour y signer ladite motion de censure contre de fortes sommes d’argent. Le prétexte fallacieux invoqué pour justifier leur démarche devait, au regard des textes en vigueur, être soumis aux instances du parti et non à l’assemblée nationale sous forme d’une motion de censure.
Rappelés à l’ordre, ils ont persisté dans leur volonté de déstabiliser le régime en place et c’est ainsi que des mesures idoines ont été prises pour les en empêcher en les faisant expulser de l’hémicycle et en arrêtant les principaux instigateurs.
Cet acte d’autorité tendant à rétablir l’autorité de l’Etat dangereusement menacée, posé par le Président Mamadou DIA ayant été interprété par ses détracteurs comme une tentative de coup d’Etat, a été déterminant dans la suite des évènements. Une accusation dont il a été d’ailleurs blanchi par la justice. Sous le commandement d’un certain PEREIRA qui a depuis disparu, l’armée est aussitôt intervenue en l’arrêtant avec quatre (4) de ses ministres dont Valdiodio NDIAYE.
A leur sortie de l’hémicycle, ces Députés déguisés se sont rendus au domicile du Président Lamine GUEYE, alors Président de l’Assemblée nationale pour y voter leur motion de censure. Ce qui constituait une violation grave et flagrante de la Constitution. Non seulement le lieu était inapproprié mais leurs délibérations n’avaient aucune transparence aux yeux de l’opinion publique.
Le Général FALL Chef d’Etat-major des forces armées neutralisé, le Président DIA arrêté, un puissant dispositif de sécurité mis en place et des troupes françaises installées derrière la Présidence de la république, le coup d’Etat, premier du genre en Afrique de l’ouest, était ainsi exécuté. Un coup d’Etat civilo-militaire, heureusement sans effusion de sang, grâce au patriotisme, au sens des responsabilités et à la sagesse du Président DIA qui avait ordonné aux forces de sécurité qui lui étaient restées fidèles de ne point intervenir.
Devant les faits indéniables que voilà, dire qu’il n’y a jamais eu de coup d’Etat militaire au Sénégal relève de la méprise ou de la mauvaise foi. Qu’elle ne fut notre déception teintée d’amertume d’entendre une telle affirmation d’un professeur de Droit constitutionnel. Un coup d’Etat militaire se traduisant en français par la prise du pouvoir de son détenteur légal par la force des armes.
Cela pourrait se traduire aussi par un manque total de maitrise de la langue de MOLIERE.
Tout au début de l’année suivante, les Putschistes ont organisé une parodie d’élection pour maquiller leur forfaiture et légitimer leur pouvoir usurpé. A l’occasion de ces « élections » de 1963, de nombreux Sénégalais ont été victimes d’un massacre sans précédent dans toute l’histoire politique nationale aux champs de courses de Dakar, actuel boulevard du Général DE GAULLE. Ce grave évènement et le coup d’Etat qui l’a précédé, ont été suivis par de nombreux autres non moins horribles qui n’ont jamais été dénoncés, encore moins élucidés par voie judiciaire.
De toute évidence, on aura tout vu au Sénégal. C’est pourquoi, nous venons, une fois encore, interpeller la conscience des rédacteurs de notre histoire. Nous ne dénoncerons jamais assez cette impunité et l’injustice avec laquelle les auteurs de ces délits d’une monstruosité inouïe, tout comme les complices des grandes maisons de commerce Bordelaises qui exploitaient de manière abusive nos vaillants paysans pendant l’occupation coloniale, sont aujourd’hui pompeusement célébrés au détriment de nos vrais héros nationaux.
Aussi, nous ne pouvons ne pas déplorer la manière scandaleuse avec laquelle est organisé le pillage systématique et organisé de nos ressources économiques, foncières et financières encouragé par une impunité sans précédent. Des repris de justice de très grande envergure en détention préventive ou définitivement condamnés par la justice dont nous saluons les efforts en passant, sont libérés sous le prétexte fallacieux qu’ils seraient gravement malades au désarroi total de leurs victimes et au grand dam des populations qui se posent des questions sur l’utilisation du Pavillon spécial.
C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité impérieuse d’harmoniser le droit de grâce avec nos valeurs socio-culturelles. Par exemple : instituer comme préalable à l’application de la grâce l’accord de la victime dans des conditions négociées.
Nous constatons avec beaucoup d’amertume et de déception que ces détenus, une fois libérés, reprennent, dès le lendemain, leurs activités s’ils ne vont pas jubiler sur les plateaux de télévisions ou devant les micros des radios.
Alors que le pays regorge de chômeurs de toutes catégories, il y’aurait dans les hautes sphères de l’Etat et d’autres institutions, des milliardaires rémunérés de façon faramineuse avec l’argent des pauvres contribuables, en plus de nombreux avantages et autres privilèges qui leurs seraient accordés.
De sources concordantes, ni leur expertise encore moins leur talent ne pourraient justifier le volume de leurs traitements.
Le Président Macky SALL qui incarne cet avenir et la jeunesse n’a point droit à l’erreur. L’alternance générationnelle tant souhaitée en prendrait un sacré coup.
La reddition des comptes étant au centre de nos préoccupations et des engagements souscrits par le Président SALL auprès du peuple, son succès pourrait contribuer à positiver largement son bilan, alors que son échec, ne ferait que le décrédibiliser avec l’ensemble de la classe politique.
C’est pourquoi nous lui suggérons vivement de renforcer la cohésion au sein de la coalition qui l’a porté au pouvoir, plutôt que de s’investir dans d’hypothétiques retrouvailles d’une famille politique déchirée que le peuple a quasi unanimement rejeté du fait de sa gestion calamiteuse sans précédent.
Se retrouver avec cette famille politique tant décriée après l’avoir quittée dans les conditions que l’on sait pour l’idéal républicain ne serait ni plus ni moins qu’un reniement qui traduit l’infidélité et qui bien que bannie, n’offusque malheureusement pas certains de la classe politique.
N’oublions jamais que l’unité de « Benno Bokk Yakaar » a été et demeure la volonté mainte fois exprimée des sénégalais à travers différentes consultations électorales. Ne pas le respecter serait une erreur catastrophique. L’on sait également qu’il est aussi difficile de conserver un pouvoir que de l’acquérir. Mais plus difficile est de le retrouver après l’avoir perdu.
A cet effet, un guide a été élaboré par l’organe dirigeant du football africain, dans lequel sont déclinés les exigences et critères imposés aux clubs aspirant participer aux compétitions au niveau continental. Une telle mesure est salutaire car permettant de renforcer le développement du football dans notre continent. Il est précisé dans ce guide que l’objectif visé par la CAF à travers l’instauration d’une telle licence est, entre autres, l’amélioration de la capacité économique et financière des clubs, par la gouvernance d’entreprise et le contrôle.
Cette exigence relative à la pratique de la gouvernance d’entreprise et du contrôle, appliquée aux organisations sportives en charge du football, mérite une attention particulière, surtout dans le contexte actuel marqué par de nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les clubs de football professionnel au Sénégal.
Avant d’aborder le contexte du football local, il importe de rappeler la zone de turbulence dans laquelle s’est retrouvée l’instance dirigeante du football mondial, la Fédération internationale de Football Amateur (FIFA), ce qui a provoqué le départ de l’ancien Président Joseph Blatter et d’autres hauts responsables accusés de corruption. Face à cette situation, les nouveaux dirigeants de la FIFA font de la bonne gouvernance une priorité majeure.
Dans le cadre de notre contribution, le problème de la gouvernance du football au Sénégal sera abordé non pas sous l’angle de la corruption comme ce fut pour la FIFA, mais plutôt sous l’angle des difficultés persistantes auxquelles sont confrontés les clubs professionnels. Face à ces difficultés, les principaux responsables en charge de la gestion du football au Sénégal ne cessent d’interpeler l’Etat, pour réclamer un appui financier. C’est le cas d’un haut responsable de la Fédération Sénégalaise de Football (FSFB), le mardi 19 janvier 2016, lors d’une émission organisée par une chaîne de télévision. La même préoccupation a été formulée par un haut responsable de la Ligue de football professionnel (LFP), sur le même plateau de télévision, au lendemain de l’élimination de l’équipe nationale de football locale pour le CHAN Rwanda 2016.
Sur cet aspect précis concernant l’appui financier de l’Etat, il y a lieu de rappeler la position de Monsieur Pape DIOUF, ancien Président de l’Olympique de Marseille (OM), dans un article intitulé « Le foot pro sénégalais n’est pas viable » et publié sur le site internet WiwSPORT en date du 24 août 2014. Pour l’ancien Président de l’OM, « quand des gens décident de créer une activité privée, commerciale, il leur revient à eux de trouver les financements, d’organiser leur business. On ne peut pas ouvrir une boutique et demander l’aide de l’État ».
A cet égard, il importe de noter que pour ce qui concerne la gestion du football, l’Etat a délégué ses pouvoirs à la Fédération Sénégalaise de Football (FSFB). La délégation, par définition, est l’action de charger une personne physique ou morale d’une mission, d’une fonction, avec pouvoir d’agir ; l’action de transmettre un pouvoir à quelqu’un. Une délégation de pouvoirs est un acte juridique par lequel une autorité (le délégant) se dessaisit d’une partie de ses pouvoirs et les transfère à une autorité subordonnée (le délégataire). Le délégataire assume alors les obligations et les responsabilités liées aux pouvoirs qui lui sont délégués. Ainsi, dans l’exercice de ses missions et prérogatives, le délégataire de pouvoir est censé s’aligner sur les mêmes exigences de gouvernance que le délégant ou faire mieux.
Sur le plan de la gouvernance, nous constatons un déphasage réel entre le délégant (l’Etat) et le délégataire (FSFB). En effet, au moment où la CAF incite nos clubs à faire des efforts dans la gouvernance, l’Etat du Sénégal a fait des progrès avérés dans ce domaine. La bonne gouvernance constitue une préoccupation majeure pour nos Etats africains et figure parmi les 5 aspirations majeures des peuples africains sur lesquelles est basé l’Agenda 2063 de l’Union Africaine ; les quatre autres aspirations étant la démocratie, le respect des droits de l’homme, la justice et l’Etat de droit.
Dans ce domaine, l’Etat du Sénégal met en œuvre depuis plusieurs années un Programme national de Bonne Gouvernance dont les effets attendus sont la création de conditions propices à la croissance économique et au développement humain durable, à travers entre autres, un cadre institutionnel et administratif transparent, efficace et efficient ; un partenariat effectif entre l’Etat et les organisations du secteur privé et de la société civile ; des ressources humaines bien formées, motivées et imprégnées des principes de bonne gouvernance. C’est ainsi qu’en 2013, le Sénégal a enregistré sa plus forte progression depuis 2000 sur l’Indice Ibrahim, qui établit un classement des performances réalisées par les 54 pays d’Afrique à travers quatre catégories de gouvernance (Sécurité et souveraineté du droit, Participation et droits de l’homme, Développement économique durable, Développement humain).
Dans la même optique, l’Etat du Sénégal s’est engagé dans la mise en œuvre de la gestion axée sur les résultats. Le 2 septembre 2014, le Groupe de la Banque Africaine de Développement mentionnait sur son site internet que « le Sénégal recourt à l’approche de la gestion axée sur les résultats de développement pour contribuer à mettre en œuvre le Plan Sénégal émergent de manière plus efficiente. Un leadership efficace pour des résultats entraîne une plus grande capacité à planifier, budgétiser, mettre en œuvre, à suivre et être redevable des résultats obtenus ».
En effet, plusieurs structures étatiques se sont inscrites dans la logique de la gestion axée sur les résultats, à travers l’élaboration de lettres de politique sectorielle de développement par les ministères techniques, de plans stratégiques de développement par les établissements publics, sociétés nationales et agences, sans oublier les contrats de performances qui sont devenus une pratique courante entre les services liés hiérarchiquement.
Sur le volet relatif à la gestion budgétaire, l’indice sur le budget ouvert du Sénégal est passé de 10 en 2012 à 43 en 2015 selon l’Union européenne. L’UE explique que ce bon qualitatif est dû à une transparence budgétaire qui s’est traduite par la régularité dans la publication de la Loi de Finances Initiale, des lois de règlements, ainsi que des situations d’exécution budgétaire trimestrielle. Pour l’UE, l’ouverture affichée pour impliquer la société civile dans le processus budgétaire pourrait permettre, à terme, d’importantes avancées dans la transparence budgétaire et la supervision du budget.
Avec de telles avancées réalisées par l’Etat dans le domaine de la gouvernance, il est surprenant de constater qu’une structure délégataire de pouvoir de l’Etat ne soit pas au même niveau de performance que son délégant, quand on sait que les procédures au sein de l’Etat souffrent souvent des lourdeurs administratives et que les structures délégataires de pouvoirs ont l’avantage d’avoir des procédures plus souples favorisant la pratique de la bonne gouvernance. Au moment où les efforts de l’Etat dans le domaine de la gouvernance sont appréciés positivement par des partenaires telles que la BAD et l’UE, la CAF invite les clubs de football sénégalais à faire des efforts dans la Gouvernance.
Face aux difficultés criardes auxquelles sont confrontés les clubs de football professionnel qui sont devenus des sociétés privées s’activant dans le sport-business, de hauts responsables de la FSFB et de la LFP ont proposé la même solution, à savoir l’appui financier de l’Etat. Il faut cependant rappeler que nous sommes présentement dans le contexte de l’Etat-Stratège, un contexte différent de celui de l’Etat-Interventionniste, ce qui justifie les nombreuses initiatives prises par l’Etat pour améliorer l’environnement des affaires, afin de permettre au secteur privé de porter la croissance économique du pays.
Les clubs de football professionnel étant des sociétés privées, on s’attend logiquement à ce qu’ils trouvent les solutions leur permettant de contribuer à la création de richesse dans notre pays.
Il est certes légitime pour tout acteur économique national de solliciter l’appui de l’Etat, mais les stratégies préconisées par la CAF en vue d’améliorer la situation économique et financière des clubs, à savoir la gouvernance d’entreprise et le contrôle, interpellent les acteurs chargés du management des clubs de football en Afrique en général et particulièrement au Sénégal où nos clubs n’arrivent pas à s’affirmer au niveau africain.
En effet, les organisations modernes, à travers leurs documents de planification stratégique, déclinent leur vision, fixent leurs objectifs, stratégies et résultats attendus et mettent en place un dispositif de suivi évaluation. Un tel schéma permet aux acteurs internes et externes de l’organisation de pouvoir apprécier la performance de l’organisation et de contribuer à son développement.
Ainsi, en application des principes de la gouvernance d’entreprise, les instances dirigeantes du football professionnel au Sénégal devraient procéder à l’évaluation de cette riche expérience que constitue le démarrage du championnat professionnel. Les dirigeants du football ont certes eu le mérite de faire le grand saut en permettant à notre pays d’entrer dans l’ère du football professionnel, mais la résolution des difficultés rencontrées appelle une approche particulière, différente de celle avancée déjà et relative à l’intervention financière de l’Etat.
Après 7 années d’expérimentation du professionnalisme, il est impératif de procéder à l’évaluation de cette courageuse et ambitieuse expérience suivant une approche inclusive permettant à toutes les parties prenantes de contribuer à la résolution des difficultés constatées, notamment celles d’ordre financier. L’approche consistant à vouloir proposer des solutions pour résoudre les problèmes sans une évaluation préalable ne serait pas conforme avec la pratique de la bonne gouvernance d’entreprise préconisée par la CAF.
Dans l’article cité plus haut, Monsieur Pape DIOUF disait que « le sport sénégalais, et plus particulièrement le football sénégalais, a besoin d’un diagnostic dur, qu’on ne peut pas soigner un mal, quand on ne le diagnostique pas clairement ».
Concernant particulièrement le financement du football professionnel au Sénégal, une évaluation du chemin parcouru permettrait d’identifier les problèmes réels et de trouver un mode de financement adapté à notre contexte socio-économique. Les réalités étant différentes d’un pays à un autre, il nous faut faire l’effort de trouver un mode de financement approprié. On ne peut réussir la reproduction d’un modèle pratiqué ailleurs que si l’on réunit les mêmes conditions économiques, culturelles et sociales.
Il aurait été souhaitable qu’au démarrage de l’ambitieuse expérience que constitue l’avènement du football professionnel, les orientations et objectifs soient déclinées dans un programme précis pouvant faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation sur la base d’indicateurs préalablement définis. Le choix pouvait être porté sur un programme pilote se déroulant sur quelques années et qui à terme ferait l’objet d’une évaluation, avant d’entrer dans une deuxième phase visant à corriger les dysfonctionnements constatés et à développer davantage le football professionnel au Sénégal. A défaut d’une programmation précise basée sur des objectifs clairs, on risque de verser dans un pilotage à vue.
Il est donc évident que la recommandation de la CAF relative à l’application des principes de la gouvernance d’entreprise et du contrôle constitue un défi majeur pour les acteurs impliqués dans la gestion du football professionnel au Sénégal. De manière plus précise, les nouveaux critères fixés par la CAF pour obtenir la licence autorisant la participation aux compétitions interclubs ont pour objectifs de poursuivre la promotion et l’amélioration du niveau et de la qualité de tous les aspects du football en Afrique ; de veiller à ce que les clubs aient un niveau de gestion et d’organisation approprié ; d’adapter et de développer l’infrastructure sportive des clubs ; d’améliorer les performances économiques et financières des clubs, de renforcer leur transparence, leur crédibilité et leur contrôle ; de garantir la continuité des compétitions internationales de clubs au cours de la saison ; de permettre la comparaison entre clubs sur des critères financiers, sportifs, juridiques, administratifs et d’infrastructure.
Cependant, la réalisation des objectifs fixés par la CAF nécessite l’implication de ressources humaines compétentes. Le cas de la FIFA est assez illustratif à ce propos. Le Président de l’instance dirigeante du football mondial nouvellement élu, Monsieur Gianni Infantino, après avoir porté son choix sur Madame Fatma Samba Diouf Samoura, ancienne Diplomate qui a fait sa carrière aux Nations Unies, pour assurer les fonctions de Secrétaire général, a dit d’elle : « Je suis certain que ses idées auront un impact très positif sur l’ensemble de l’institution ».
Ainsi, pour trouver une solution aux récents problèmes qui ont terni l’image du football mondial, le Président Gianni Infantino a fait appel à une compétence extérieure au système, faisant sienne une assertion du très célèbre savant Albert EINSTEIN qui affirmait : « On ne résout pas les problèmes avec les pensées qui les ont engendrés ».
Espérons que les responsables fédéraux du football sénégalais, les responsables de la ligue de football professionnel et les dirigeants des clubs de football professionnel auront la sagesse de s’attacher les services de compétences capables d’apporter leur contribution pour l’amélioration de la gouvernance du football dans notre pays.
Paul DIONNE
Administrateur Civil
Maîtrise STAPS (INSEPS)
DESS Gestion de Projet (CESAG)
MBA Management du Sport ESG Paris (en cours)
Email : kordionne@gmail.com
Il y a des mots qui blessent et parfois sont plus tranchants que la lame d’un couteau. Non pas qu’ils disent la vérité, mais sont plutôt le fruit d’une imagination chargée d’ondes négatives et trempée dans le liquide gluant du mensonge. Surtout lorsque ces mots sont charriés par des locuteurs qui sont entrés, depuis longtemps, en conflit avec la crédibilité. Il n’y a pas pire injure faite au peuple que de laisser entendre (non-dit du discours) que le pillage systématique et chirurgicale des deniers publics (les escrocs ayant réussi presque le tour de passe-passe du crime «parfait», avec ces preuves dissimulées) n’est qu’une affaire politique et doit être traitée comme telle. Cela voudrait créditer la thèse du complot - auquel nous avons toujours cru – d’une partie de l’élite politique qui fait main basse, en toute impunité, sur les ressources de ce pays, aidée en cela par les lobbies du même acabit. Ils s’offrent en spectacle dans les médias, font monter les enchères, s’insultent, se menacent, jouent les opposants intrépides…
Et quand la nuit se drape de son voile noir, ils se retrouvent, loin des regards, pour rire de leur pantalonnade. Le peuple qu’ils ont toujours prétendu servir (sans que ce dernier en soit demandeur), devient ainsi, à la fois leur vache à lait et leur risée. Ce pays a toujours payé cher le manque de scrupule de certains politiciens à la moralité douteuse, confondant leurs poches avec les caisses du trésor public. Comme si cela ne suffisait pas, ces hommes et femmes devenus milliardaires (en l’espace de quelques marchés passés de gré à gré), ne supportent pas l’exigence de transparence revendiquée par le peuple. Il suffit seulement que des voix s’élèvent pour que les «traqués», avec leur arrogance en bandoulière, montent sur leurs grands chevaux pour «renvoyer le peuple dans ses cordes», donnant ainsi honteusement raison à cette boutade de Paul Valéry, «la politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde».
Ces «traqués» nourris aux Ogm de l’enrichissement illicite (ne faites pas attention à leur allure) en demandent encore…en accourant, telles des abeilles attirées par le pollen marron-beige, dans les jardins «apéristes». Certains y atterrissent avec leur baluchon de honte, en prenant la carte «Apr», d’autres se donnent un semblant de «dignité» et de «liberté» en créant un mouvement de soutien…Mais tous cherchent un parapluie pour se mettre à l’abri des poursuites judiciaires et profiter de la «bonté» coupable du chef pour continuer à grignoter, tels des rats, le ventre de l’Etat.
Adieu la traque, Adieu la gouvernance vertueuse. Ils ont réussi leur coup de force, alors ces pilleurs de deniers publics vont continuer leur entreprise d’insalubrité publique… Mais qu’ils sachent qu’il y a des mots qui blessent, parce que c’est l’autre tranchant de la machette qui tue le peuple.
Alors, taisez-vous pour ne pas en rajouter à la douleur d’un peuple saigné par des hommes et des femmes sans scrupule qui n’ont aucune notion du bien public.
Une menace de licenciement, c’est la dernière trouvaille du gouvernement du Sénégal pour dompter les grévistes du secteur de l’éducation. On peut, bien sûr, s’interroger sur la légalité de la position des enseignants grévistes. A-t-on le droit de refuser une réquisition ?
Mais si on analyse la trajectoire de ce mouvement d’humeur et le traitement que lui réserve l’Etat depuis des années, on peut également se demander si légitimement le gouvernement actuel est fondé à prendre une mesure aussi radicale.
Depuis des années, le gouvernement du Sénégal bloque l’avancement de ses agents. Certains enseignants restent des contractuels pendant dix ans. Quand l’autorité compétente délivre enfin un acte qui intègre un enseignant à la Fonction publique, avec des années de retard, ce même enseignant reste parfois un an avant de voir la mise en application de cette décision administrative. Au moment où nous écrivons ces lignes, des enseignants recrutés en 2007 comme vacataires ou volontaires attendent toujours d’être titularisés.
D’autres, titularisés officiellement depuis dix mois, attendent la «mise en solde» c’est-à-dire la prise en charge de cette décision par le ministère des Finances avec un salaire correspondant à leur nouveau grade. Un troisième groupe intégré depuis plus de trois ans attend encore le paiement des rappels que l’Etat lui doit. Je ne parlerai pas de milliers d’autres qui restent sans avancement depuis des années.
Deux raisons sont souvent évoquées par le gouvernement pour justifier cet état de fait : les lenteurs administratives et la soutenabilité de telles dépenses par le budget national.
En réalité, la première excuse n’est qu’un prétexte pour camoufler la seconde. Nous sommes conscients que le budget national ne peut pas supporter d’un seul coup l’intégration massive des enseignants contractuels. C’est parce que les enseignants en sont conscients que certains d’entre eux restent dix ans dans l’attente de leur intégration. Mais que constate-t-on au même moment ?
Les mêmes gouvernants qui nous disent qu’il n’y pas suffisamment d’argent pour gérer les problèmes du secteur de l’éducation créent des dépenses inutiles ou non prioritaires :
Combien nous coûte le Conseil économique, social et environnemental ?
Combien nous coûtent nos députés ?
Combien nous coûtera le Haut conseil des collectivités locales ?
Combien nous coûtent les Conseils départementaux et la prise en charge de leurs élus ?
Combien nous coûte l’entretien des Agences dont la plupart ne sont que des doublures des Directions nationales ?
Comment est-on passé de la promesse d’un gouvernement de 25 membres à la formation d’un gouvernement de 39 membres ? Combien de ministres conseillers y-a-t-il au Sénégal. Combien nous coûte cette pléthore de ministres ?
La frustration et l’intransigeance des enseignants trouvent leur explication dans le comportement des hommes politiques, qui proclament que l’école est une priorité mais gère la carrière de ce corps avec parcimonie, au moment où ils mettent en place des institutions budgétivores.
Voici les contradictions auxquelles nous faisons face :
1- Un gouvernement qui ne parvient pas à respecter les engagements vis-à-vis des enseignants crée au même moment des dépenses inutiles dont le but principal est de caser une clientèle politique.
2- Un gouvernement, qui n’a jamais respecté ses engagements vis-à-vis des enseignants violant au passage les actes administratifs qu’il prend, veut licencier des agents qui exercent leur droit de grève.
3- Au même moment nos dirigeants discutent de l’éventualité de libérer un de leurs amis qui a été déclaré «atteint et convaincu du délit d’enrichissement illicite» puis condamné «à une peine d’emprisonnement de 6 ans ferme et à une amende de cent trente-huit milliards, deux cent trente-neuf millions, quatre vingt-six mille, trois cent quatre vingt-seize francs (138.239.086.396) FCfa». Monsieur Karim Meïssa Wade doit à l’Etat du Sénégal cinq fois plus que ce que réclament les enseignants. Avant de provoquer un dialogue national autour de sa libération, on devait d’abord nous dire où est passé l’argent qu’il a remboursé.
4- Nous sommes dans un pays où des gens, parce qu’ils occupent des postes politiques peuvent amasser indûment des milliards. Au même moment, ces mêmes gens ou leurs congénères sortent des communiqués pour donner des leçons de patriotisme ou menacer de pauvres enseignants dont la plupart ont du mal à survivre de leur maigre salaire.
La question n’est plus de savoir si le gouvernement a le droit ou le «courage» de licencier les enseignants grévistes. La question est de savoir si les enseignants qui sont exclus du dialogue national sont également exclus des priorités nationales.
La question est de savoir si l’argent de ce pays doit servir continuellement à enrichir les hommes politiques au moment où on demande au reste du peuple de serrer la ceinture.
Hier, au nom de la gouvernance sobre et vertueuse, on faisait de la traque des biens mal acquis une «demande sociale», avant de rétropédaler. Aujourd’hui on veut faire du licenciement des enseignants une «demande sociale».
La gouvernance sobre consiste t-elle à gaspiller des milliards pour entretenir une clientèle politique au moment où le peuple tire le diable par la queue ?
La gouvernance vertueuse se résume-t-elle à prendre des engagements sans les respecter, à élargir des coupables d’enrichissement illicite et à écraser ceux qui seraient tentés d’opposer une résistance à l’injustice ?
Chers politiciens professionnels, si vous espérez nous conduire vers l’émergence, renoncez à vos privilèges exorbitants qui grèvent nos finances publiques puis revenez demander aux patriotes de ce pays de suivre votre exemple. Vous n’aurez plus besoin de menaces ou de sanctions pour faire respecter des décisions administratives.
En attendant, vous avez le choix entre faire profil bas ou imposer votre dictature aux récalcitrants jusqu’au prochain «23 juin» qui posera le vrai débat, celui de la justice sociale.
LA MONTAGNE CREI N’A ACCOUCHÉ FINALEMENT QU’UNE SOURIS, MORT-NÉE
Le Président Macky Sall, dans l’euphorie de sa victoire du 25 mars 2012 et à chaud, avait annoncé et même pris la décision de ressusciter cette fameuse loi de la répression de l’enrichissement illicite, en créant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) en lieu et place de cette loi. En effet, celleci non abrogée était encore en vigueur, mais dormait inerte quelque part. Cette décision opportune, qui allait bien dans le bon sens, avait été saluée et considérée par beaucoup de Sénégalais et même des étrangers, comme une mesure courageuse salutaire.
Elle semblait donner un signe annonciateur d’une volonté manifeste de lutter enfin contre la corruption, la fraude, les détournements de deniers publics, la concussion, etc. Par conséquent, beaucoup voyaient légitimement à travers cette mesure comme une sorte de tentative de rupture avec les méthodes et pratiques malfaisantes qui étaient en cours dans les régimes passés. Mais hélas, que nenni !
Car après quatre ans de tergiversation, de surplace et de tâtonnements, voilà que nous retombons sur nos pieds, en revenant à la case départ. Et la libération des principaux incriminés mis en cause par la Crei dans l’affaire des biens mal acquis en donne un aperçu clair. Autrement dit, la Crei et sa traque des biens mal acquis n’étaient en vérité que du cinéma, de la comédie ou très exactement une farce de mauvais goût, faite aux Sénégalais.
En effet, le Président Macky Sall, après de nombreuses et tonitruantes déclarations au ton guerrier et populiste à l’entame de son magistère, comme par exemple : «je ne protégerai personne, la traque des biens mal acquis se poursuivra jusqu’à son terme et sans aucune exception, la patrie passe avant le parti. Dorénavant, rien ne sera plus comme avant, etc», le voici qui finit par mettre de l’eau dans son vin. Et cependant, c’était bien ses propres termes et propos en 2012.
Aujourd’hui, après quatre ans de pouvoir, nous nous rendons bien compte qu’en réalité, tout cela n’était que de la poudre qu’il nous jetait aux yeux pour faire du spectacle. Sachant que les Sénégalais avaient soif de justice et d’une bonne gouvernance, il a ainsi fait semblant de répondre aux exigences et vœux des populations par de telles déclarations pour donner espoir. Au demeurant, par de tels propos, il a voulu nous faire croire dès lors que sa volonté de rupture avec la gestion tortueuse et le pillage des ressources du pays était fermement décidée et effectivement prise.
Ce qui est navrant, c’est que le Président Macky Sall, devant tous les Sénégalais et à la face du monde, nous avait bien et fermement promis, d’instaurer, je le cite : «Une gouvernance vertueuse, sobre, transparente, efficiente, efficace, etc., le tout avec un gouvernement de 25 membres seulement.» Il nous avait aussi promis de procéder à «une réforme profonde et refondation de nos institutions pour les conformer à l’avancée de notre démocratie et aussi de réduire son mandat de 7 à 5 ans.»
Tous les Sénégalais de bonne foi sont parfaitement édifiés aujourd’hui qu’il n’en est rien. Et si ce n’est pas quasiment le reniement de beaucoup de ses promesses, il n’en est pas loin. L’engagement, proclamé officiellement par le Président Macky Sall à lutter fermement et avec toute la rigueur requise contre la corruption, la fraude, les privilèges sous toutes leurs formes reste encore au niveau du discours.
Il en est de même de la lutte contre l’impunité en faveur des délinquants en col blanc, là aussi, l’effectivité ne se traduit pas jusque-là dans les faits. Bien au contraire, avec ce qui vient de se passer à la Crei où, finalement, même les reconnus coupables par la justice ont été libérés, sauf Karim Wade qui ne tardera pas d’ailleurs à suivre. Dès lors, pour dire que la liste des 25 autres restants et inconnus jusqu’à présent aura le même sort.
En vérité, tout cela, n’était plutôt que du trompe-l’œil, et a tout l’air d’une machination afin d’endormir les Sénégalais, d’abuser de leur confiance, de les détourner de l’essentiel et de leur vigilance face à la conduite du pays. En fait, les détourner de tout le nécessaire qui doit être toujours permanent et en état de veille. Il est évident que si de telles conditions sont remplies, elles permettent et donnent un environnement favorable au pouvoir d’agir à sa guise et de revenir sans état d’âme sur tous ses engagements antérieurs sans être inquiété. Voilà le cas de figure qui s’est présenté au Sénégal avec Macky Sall.
A présent, quelle est réellement l’utilité de l’existence d’une Crei impuissante et stérile parce qu’édentée ? Donc, sans pouvoir réel ni autonomie d’action. Et quelle est sa raison d’être dans la mesure où son action et tous ses efforts combinés pour traquer les délinquants en col blanc peuvent être annihilés par la simple volonté du président de la République, uniquement, sur la base de ses pouvoirs excessifs ?
Au fond, dans la mesure où les conclusions des investigations et enquêtes de la Crei sur les biens mal acquis ne suffisent plus pour sanctionner les auteurs de tels délits, à quoi servent-elles alors ? Ou, s’ils sont sanctionnés, le président de la République peut intercéder pour les faire libérer, nonobstant la gravité des faits. Une intercession, rien que pour satisfaire les besoins d’une hypothétique réconciliation politique avec son «père et mentor». A quoi bon alors maintenir un tel organe qui nous coûte non seulement énormément d’argent, mais de surcroît ne nous sert finalement à rien du tout ?
Dans le cas présent de la Crei, le pays a perdu doublement dans cette opération, du reste inopportune, car non seulement les biens volés n’ont pas été récupérés, mais en plus de cela, tout l’argent dépensé pour entretenir l’organe avec son personnel, ainsi que tous les frais déboursés aux fins des investigations et des enquêtes, soi-disant, sont aussi perdus. Et tout cela va passer par pertes et profits sur le dos des contribuables sénégalais. Et comme dit l’adage wolof : «ñiak nañu bubu ñiak cenga» (nous avons perdu le singe ainsi que la chaîne qui l’attachait).
En Afrique généralement, et au Sénégal en particulier, il n’y a pas de doute, c’est ainsi qu’une oligarchie se forme au sommet de l’Etat sur le dos du Peuple. En effet, elle pille impunément les ressources publiques du pays, s’en accapare largement pour la formation de son capital d’abord et son accumulation ensuite. Tout cela, aux fins strictement de domination absolue des autres composantes de la société, et de pouvoir régner comme le seul maître du pays.
De fait, elle tentera tout, afin d’exclure toutes les forces vives du pays, si elles sont inorganisées. Ainsi, au fur et à mesure, elle se transforme progressivement pour devenir une aristocratie avec plusieurs composantes dont celle maraboutique, afin de régner sur le tout le pays d’aujourd’hui. Et enfin, grâce aux immenses biens volés, donc biens mal acquis, et accumulés depuis fort longtemps, cette aristocratie disposera ainsi d’une puissance financière extraordinaire, comme arme. Alors, de connivence avec le pouvoir en place, ils gèrent et contrôlent ensemble totalement le pays à leur convenance. Bien entendu, en dehors des intérêts des travailleurs et larges masses populaires.
L’habitude étant une seconde nature, la Crei va rejoindre, comme un figurant aussi, ses prédécesseurs, organes de contrôle, qui n’existent en fait que sur le papier et la nomenclature des organes. Il faut le dire, ce n’est point la compétence de ces organes en tant que tels qui est mise en cause, mais plutôt leur utilité et efficacité face aux besoins pour lesquels ils ont été créés qui posent problème et deviennent stériles.
En effet, nous avons constaté que les rapports de l’Ige, la Cour des comptes hier, la Crei aujourd’hui sont dans les tiroirs ou sous le coude du président de la République, inexploités à bon escient, et peut-être, celui de l’Ofnac le sera aussi demain, qui sait ? D’ailleurs, à propos de l’Ige, j’avais publié un article le 30/07/2014 dans lequel je m’interrogeais, ainsi : «L’Ige sert à quoi alors si ses rapports ne sont pas suivis de sanctions nécessaires1 ?»
En effet, comme dans le cas de la Crei aujourd’hui, les délinquants qui avaient été épinglés hier par l’Ige, la plupart d’entre eux n’ont pas été inquiétés pour avoir bénéficié d’une impunité inacceptable. Ils ont ainsi gardé leur butin tranquillement. Certains d’ailleurs se sont transformés en opérateurs économiques ou responsables politiques dans le parti au pouvoir.
Dans tous les cas, ces délinquants-là sont libres comme le vent, jusque-là. Mieux certains d’entre eux ont été même recyclés sous le régime de Macky Sall et gèrent encore par-dessus tout nos ressources publiques. Cette faveur inacceptable leur est accordée pour avoir simplement transhumé à l’Apr ou créé un mouvement de soutien en faveur du Président. Par conséquent, rien n’a encore changé sous le ciel ombrageux du Sénégal, en matière de lutte contre l’enrichissement illicite, la corruption, la fraude, les privilèges et tant d’autres malversations de mal gouvernance.
Il est absolument indécent, moralement et socialement inconcevable que le pouvoir libéral sous Macky Sall applique cette iniquité de traitement inégal entre les gros voleurs et les petits larcins au Sénégal. En effet, les premiers cités bénéficient quasiment d’une faveur inacceptable qui traduit purement de l’impunité, tandis les seconds, dans le même temps, sont soumis injustement à des conditions inhumaines d’incarcération insoutenables dans nos prisons. Au nom de quoi et de quelle justice une telle discrimination doit se faire ?
En tout cas, si tous ceux qui étaient traqués pour enrichissement illicite par la Crei sont effectivement élargis aujourd’hui, il ne devrait plus rester en prison, aucun prisonnier condamné pour simple vol. Sinon, nous avons en fait au Sénégal une justice à deux vitesses et de classe.
Mais franchement, nous devons nous poser légitimement la question de savoir dans quelle République, dans quel pays et dans quel monde sommes-nous, nous Sénégalais ? Pourquoi diantre notre pays est-il toujours si mal géré par ses dirigeants passés et présents ? Et malgré un pillage systématique de ses ressources publiques par ses dirigeants au sommet de l’Etat et leurs amis, jamais jusque-là ils n’ont été sanctionnés sévèrement à la hauteur de leurs fautes.
Et pratiquement ce sont les mêmes, à quelques exceptions près. C’est dommage que les populations au sein desquelles se trouvent pourtant les forces vives de la Nation et des patriotes ne réagissent pas en conséquence ou en tout cas ne manifestent pas comme il se devait leur ras-le-bol, leur indignation et désapprobation d’une manière sans équivoque, nette et claire, face à une si grave situation récurrente ?
Le Président Macky Sall semble avoir choisi délibérément de s’engager dans une voie périlleuse. Une voie comportant cependant tous les risques possibles pour lui. Oui, en préférant retourner vers sa famille libérale, celle-là qui ne voulait de lui en 2012, il tourne ainsi de fait le dos à la majorité des Sénégalais qui l’avaient élu par espoir, sans rien lui demander en retour, si ce n’est de bien conduire le Sénégal vers un meilleur devenir. Hélas, tel n’est pas sa vision. Cela est tout simplement une trahison de ses alliés des moments difficiles.
Alors, laissons au temps, lui le meilleur juge et au Peuple, lui le seul souverain, donner demain leur verdict. Et l’avenir nous dira si le jeu en valait la chandelle.
PAR AMINATA TOURÉ, ANCIEN PREMIER MINISTRE
MIMI - MACKY, LA RUPTURE ?
URGENT - Assimiler le droit de grâce à un arrangement politicien c'est ne point comprendre les changements profonds aux allures de révolution silencieuse qui ont été opérés depuis 2012 en matière de meilleure gouvernance
En quatre ans, des progrès indéniables ont été accomplis en matière de lutte contre la corruption. Notre corpus législatif et réglementaire s’est enrichi de dispositifs normatifs permettant une meilleure gestion de nos deniers publics.
Le code de transparence portant sur les finances publiques, la création de l’OFNAC, la déclaration de patrimoine des élites administratives en charge des fonds publics, sont autant de mesures avant-gardistes allant dans le sens d’une meilleure gouvernance des affaires publiques.
Ceci n’est pas passé inaperçu aux yeux de nombreux de nos concitoyens. En effet, selon l’étude de Transparency International et Afro Baromètre réalisée entre mars 2014 et septembre 2015, la majorité des sénégalais interrogés admettaient que le gouvernement fait un travail important de lutte contre la corruption.
La communauté internationale a également reconnu ces avancées importantes, le Sénégal est cité par la Fondation Mo Ibrahim parmi les pays africains ayant connu une amélioration de l’Indice MO Ibrahim de la gouvernance en Afrique au cours des 4 dernières années en se classant à la 9éme place sur 54. Alors que selon le rapport 2015 de la même fondation l'état de la corruption s’est aggravé en Afrique dans la même période.
Dans notre continent où pendant des décennies le pillage des ressources publiques a été longtemps la règle, il faut reconnaître que beaucoup de chemin a été parcouru depuis mars 2012 et c’est à mettre au crédit du Président Macky Sall qui a choisi dès son arrivée de s’engager résolument dans la voie de la reddition des comptes publiques, condition sine qua none pour la réussite du Plan Sénégal Emergent.
Faut-il rappeler que la bonne gouvernance est clairement stipulée dans le PSE comme objectif stratégique pour atteindre nos ambitions d'émergence pour les prochaines deux décennies.
Dans cette même optique de lutte contre la délinquance à col blanc, la justice sénégalaise a été saisie de cas d’enrichissement illicite notoires, parmi lesquels celui de Karim Wade, pour ne pas le nommer. Les magistrats dans leur âme et conscience ont délivré leur verdict et justice a été servie sans faiblesse coupable ni cruauté inutile.
La Justice a pour vocation de faire respecter les lois que nous nous sommes choisies et de sanctionner ceux qui y dérogent. Mais la Justice reste humaine et humaniste et c'est pourquoi le législateur accorde le droit de grâce dans des conditions bien définies par la loi au premier des citoyens, le Chef de l'Etat qui seul apprécie et juge de son opportunité. C'est ainsi que chaque année il gracie des centaines de nos concitoyens incarcérés. Assimiler le droit de grâce (dont les fondements sont essentiellement humanistes et humanitaires) à un arrangement politicien c'est ne point comprendre les changements profonds aux allures de révolution silencieuse qui ont été opérés en quatre ans en matière de meilleure gouvernance.
A l'heure du dialogue entre tous les acteurs publics impulsé par le Président de la République et salué par tous nos concitoyens, il est souhaitable qu'un consensus fort soit justement bâti autour des acquis législatifs et institutionnels de bonne gouvernance dont notre pays s'est progressivement doté depuis 2012. Ceci évacuerait du discours public ll'argument facile souvent brandi de persécution politique lorsque la reddition des comptes se met en application.
Pour notre part, nous encourageons et soutenons le Président Macky dans ses efforts avant-gardistes pour une bonne gouvernance des affaires publiques et nous sommes convaincus que c'est aussi en reconnaissance de ces efforts que près de 63% des sénégalais lui ont réaffirmé leur confiance le 20 mars dernier.
Aminata Touré
Ancien Premier ministre
L'HEURE DU CONFLIT
Mamadou Ndoye, secrétaire général de la LD, ausculte l'école sénégalaise
Lors d'une conférence organisée sur "La progression du système éducatif sénégalais" par la Confédération pour le socialisme et la démocratie (Cds), Mamadou Ndoye, secrétaire général de la Ld, a ausculté l'école sénégalaise qui est au bord de l'abîme.
La crise qui secoue l'école trouble même les spécialistes de l'éducation. Ancien ministre et secrétaire général de la Ligue démocratique (Ld), Mamadou Ndoye avance une thèse : "On est entré dans une phase de cycle vicieux. Et dans ce cycle ce qui se passe comme dans d'autres conflits, on a 2 côtés, un processus de radicalisation du mouvement syndical et de l'autre, un processus de fermeté du gouvernement. Et donc il n y a plus de place pour le dialogue mais plutôt de la place pour le conflit."
C'est le résumé de la situation actuelle qu'il a fait lors d'une conférence publique "Pour la progression du système éducatif sénégalais" tenue ce samedi. Après les réquisitions, le gouvernement a sorti la menace de la radiation des enseignants récalcitrants. Dans quelle condition s'achèvera l'année scolaire ? Mamadou Ndoye préfère poser une autre question : Quel est l'impact de la grève sur le système éducatif ?
Selon lui, dans le système des plus avancés, la moyenne des apprentissages par année en termes de temps est de 1000H. "Au Sénégal compte tenu des perturbations, nous n'avons même pas 500h et vous voulez que nos enfants réussissent en 500h ce que les autres enfants du monde réussissent en 1000h sans compter la question de la continuité de l‘apprentissage", déplore M. Ndoye.
Qui ajoute : "Lorsqu'à chaque fois il faut interrompre pendant une semaine et reprendre par la suite, ce que l'enfant perd on ne peut pas le savoir. La discontinuité de l'apprentissage est un péril pour la réussite."
"L'école ne remplit pas sa mission"
Par ailleurs, le climat dans lequel se font les apprentissages est l'élément le plus important. "Ce n'est pas le climat où un professeur entre avec 15 minutes de retard et sort avec 15 minutes d'avance, qu'on apprendra quelque chose. Il n y a aucune stabilité au niveau de l'école, il n'y a aucune discipline, aucune rigueur", insiste M. Ndoye. Bien sûr, le Sénégal semble être loin des normes internationales malgré l'argent investi dans le secteur. Mamadou Ndoye met le doigt sur la plaie :
"Si on prend la population sénégalaise, seule la moitié est scolarisée. Comment un système éducatif digne de ce nom peut accomplir sa mission d'éducation pour tous ? Chez la population scolarisable de 6-11ans à l'heure actuelle, 21% sont hors de l'école. Dans le moyen-secondaire, c'est 60% qui ne le sont pas. Donc, le système ne remplit pas sa mission".
Par conséquent, le Sénégal ne peut pas relever le défi du développement. "Le Sénégal ne peut pas avoir un développement accéléré avec une moitié de la population analphabète parce qu'il n'existe aucun pays au monde qui a réussi une telle performance. Pourquoi voulez qu'on réussisse au Sénégal ce qu'aucun pays n'a réussi ? Historiquement, cela n'a pas été réalisé nulle part dans le monde, tous les pays qui ont la moitié de leur population analphabète sont des pays pauvres", conclut-il.
Il y a l'exception sénégalaise qui permet aux fonctionnaires de s'exercer aux activités privées. Mamadou Ndoye dénonce ce double emploi des enseignants : "On leur paie leur salaire et ils veulent faire moins de travail au public. Ils veulent construire leur propre agenda professionnel en faveur du privé."
Au final, l'école ne joue plus sa mission de mobilité et d'égalité sociales. Le poids de l'argent dans la distribution de la qualité de l'éducation est devenu énorme. "Et la détérioration de la situation du public donne de l'air au privé. En lui donnant de l'air, il amène les gens qui ont les moyens à se fabriquer un espace d'éducation spécifique et les autres dans un système qui ne fonctionne pas. Pour pouvoir jouer cela, elle devait privilégier les plus démunis, les plus pauvres dans sa distribution de l'éducation et même dans sa distribution dans la qualité de l'éducation", analyse l'ancien ministre. Ce n'est plus le cas.