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3 mai 2025
Opinions
Par Seybani SOUGOU
LÉGISLATIVES, L’ACTE UN DE LA CHUTE DE MACKY SALL
Ce mercredi 29 juin 2022 risquait de plonger le Sénégal, une nouvelle fois, dans le chaos, et de créer les conditions d’une confrontation violente entre le peuple et les forces de sécurité pouvant déboucher sur des pertes humaines
Ce mercredi 29 juin 2022 risquait de plonger le Sénégal, une nouvelle fois, dans le chaos, et de créer les conditions d’une confrontation violente entre le peuple et les forces de sécurité pouvant déboucher sur des pertes humaines.
En acceptant de renoncer à un droit fondamental, constitutionnel (liberté de réunion) et de surseoir au rassemblement prévu ce 29 juin, les leaders de la coalition YEWWI ASKAN WI ont pris l’exacte mesure de la gravité de la situation. Ce faisant, ils ont agi en hommes d’état, avec une clairvoyance et un sens des responsabilités, qui ont permis probablement de sauver des vies humaines.
En affichant cette image de leaders politiques pacifiques, face à un pouvoir fou et des hordes barbares puissamment équipées, et conditionnées pour réprimer à tout bout de champ, de manière aveugle, indiscriminée et totalement disproportionnée des manifestants, YEWWI a su intelligemment éviter le piège du régime afin de démontrer à l’opinion publique nationale et internationale que la violence est indiscutablement du côté du pouvoir.
C’est un fait : le régime de Macky Sall sort terriblement affaibli après les événements du 17 juin 2022, et la répression sanguinaire qui a entrainé la mort de 4 sénégalais.
Tous les segments de la société sénégalaise (étudiants, jeunes, intellectuels, universitaires, salariés, syndicats, organisations de la société civile, etc…) dans un bel élan d’unanimité sont foncièrement remontés contre ce régime liberticide, monstrueux, qui tue et assassine ses nationaux. Après la lourde charge des 51 universitaires contre les autorités administratives et judiciaires, c’est au tour d’Ibrahima FALL, un homme d’état connu pour sa pondération et la rareté de sa parole, de déclarer dans une excellente contribution que le système sénégalais est frappé d’une double illégalité nationale et internationale.
Les termes sont crus, soupesés : « l’interprétation et l’application du code électoral par le gouvernement et par le Conseil Constitutionnel sont tronquées et crisogènes ». Tout un symbole pour le Docteur en Droit Public, qui a occupé de hautes fonctions internationales, en qualité de Sous-Secrétaire Général aux Droits de l’homme de l’ONU, Directeur Général Adjoint de l’Office des Nations Unies et Représentant spécial du Secrétaire Général des Nations Unies pour la région des Grands Lacs.
De fait, le régime moribond est cerné de toutes parts et la stratégie consistant à organiser un référendum contre Macky Sall, le 31 juillet 2022 est la bonne. Pour la liste nationale de YEWWI, dont les suppléants seront sur la ligne de départ, le principe est simple : parmi toutes les listes en lice, les électeurs qui veulent voter YEWWI ASKAN WI devront choisir la liste où il n’y a aucune photo. Pour l’électeur, c’est simple et parfaitement identifiable. Pour honorer la mémoire des 4 manifestants lâchement et froidement assassinés par le régime, les sénégalais devront réduire Macky SALL à sa plus simple expression, le 31 juillet 2022. Macky Sall doit payer chèrement le prix du sang versé.
En multipliant les forfaitures et les coups fourrés, Macky Sall tablait énormément sur un boycott par l’opposition du scrutin du 31 juillet 2022, ce qui lui aurait permis de dérouler tranquillement sa machine à frauder. Il devra réviser totalement sa stratégie puisque le scénari visant à arrêter, en amont, les leaders de YEWWI, pour les empêcher de battre campagne a été éventé et stoppé net.
Il ne faut se faire aucune illusion :YEWWI participera au scrutin du 31 juillet 2022.
L’heure est à la mobilisation de tous les électeurs pour abattre le MONSTRE.
L’acte 1 de La chute inéluctable de Macky SALL doit être posé, et ce, dès le 31 juillet 2022.
Par Ousmane BADIANE
LE PARRAINAGE EN QUESTION, COMMENT SORTIR DE L’IMPASSE ?
Comme tout le monde le constate aujourd’hui, le processus électoral sénégalais traverse de sérieuses difficultés à cause du parrainage
Comme tout le monde le constate aujourd’hui, le processus électoral sénégalais traverse de sérieuses difficultés à cause du parrainage. Certains acteurs politiques sont allés jusqu’à proposer sa suppression pure et simple. Mais, faisons attention et gardons-nous de jeter le bébé avec l’eau de bain !
Le problème qui se pose avec le parrainage, c’est moins son principe que son application. En revisitant l’histoire du parrainage au Sénégal, on s’aperçoit qu’il a revêtu plusieurs formes. Au début de notre indépendance en 1960, il fallait recueillir la signature de dix (10) parrains qui étaient des élus, pour pouvoir participer à l’élection présidentielle. C’était à l’époque du parti unique ou unifié. Les élections présidentielles de 1963 à 1973 ont été remportées par Senghor, avec des scores qui frôlaient les 100%.
L’autre forme de parrainage que notre pays a connu plus tard avec l’avènement du Code électoral consensuel de 1992, admettait la participation des candidatures indépendantes à certaines élections seulement - présidentielles et législatives.
Quelques années plus tard, en 1986, cette forme parrainage a été élargie à tous les types d’élections (présidentielles, législatives et locales). Ce parrainage pour les candidatures représentant des personnalités indépendantes, est dit citoyen, pour être différencié des candidatures provenant des partis politiques légalement constitués qui ont un statut juridique spécifique, avec la loi n° 81- 17 du 6 mai 1981, qui fixe les règles relatives à la création et au fonctionnement des partis politiques. C’est la raison pour laquelle, il leur était demandé, d’avoir un certain nombre de signatures d’électeurs représentant au moins dix mille (10 000) inscrits domiciliés dans six régions à raison de cinq cents (500) au moins par région, pour justifier leur représentativité, pour pouvoir candidater aux élections.
Mais, pour contourner cette disposition, certains candidats indépendants ont imaginé une stratégie consistant à se soustraire de la tâche de collecte des signatures en s’abritant derrière le récépissé de « petits partis », moyennant diverses transactions (financières ou autres) pour candidater aux élections. Finalement, on a assisté à une homogénéisation entre toutes les candidatures.
C’est cette réalité qui a poussé les acteurs politiques à s’accorder sur la nécessité de généraliser finalement la pratique du parrainage citoyen à « toute candidature à une élection, présentée par un parti politique légalement constitués, par une coalition de partis politiques légalement constitués ou une entité regroupant des personnalités indépendantes » (Art L. 57 du Code électoral).
Si on tient compte de la définition très élastique du candidat indépendant dans le Code électoral, « celui qui n’a jamais milité dans un parti ou qui a quitté son parti pendant un (01) an au moins » (art L. 57), on peut considérer que tous les Sénégalais sont potentiellement des candidats indépendants car l’immense majorité de la population ne milite dans aucun parti.
L’extrême engouement que nous constatons aujourd’hui dans la course effrénée sur la route des candidatures aux élections mérite réflexion. Si des mesures de rationalisation ne sont pas prises pour réguler le jeu électoral, il arrivera un moment où il sera absolument impossible d’organiser matériellement des élections au Sénégal.
Notre pays compte aujourd’hui plus de 300 partis légalement constitués. Les listes aux différentes élections ne cessent d’augmenter de façon exponentielle. Pour les quatre dernières locales par exemple, le tableau est le suivant : 1150 listes en 2002, 1600 listes en 2009, 2709 listes en 2014 et 3300 listes en 2022. Pour les législatives du 31 juillet 2017, il y avait 47 listes en compétition et lors de la dernière élection présidentielle du 25 février 2019, il y avait 139 candidats à la candidature. Finalement 05 (cinq) seulement ont été validées par le Conseil constitutionnel à cause du filtre du parrainage. (Le Quotidien du 18 décembre 2018).
On constate que même les personnes qui ont déjà des responsabilités enviables et enviées veulent encore en avoir, au moment où beaucoup de citoyens, singulièrement les jeunes de moins de vingt-cinq ans, qui représentent plus de 65% de la population, peinent à trouver un emploi.
Le parrainage citoyen apparaît aujourd’hui, comme un impératif majeur si nous voulons que les élections dignes de ce nom soient organisées. Il est devenu incontournable dans notre pays, pour deux raisons majeures : d’une part, les conditions matérielles de management des élections et, d’autre part, leur coût exorbitant pour les contribuables sénégalais.
Les leçons de la simulation faite par l’ONG 3D le 19 juin 2017 gardent encore leur actualité. Il a été établi qu’avec 47 listes aux législatives du 30 juillet 2017, à raison de 4 minutes seulement par électeur, dans un bureau de vote de 300 électeurs, le vote n’allait matériellement pas pouvoir se dérouler, conformément à la loi électorale qui dispose que « le vote dure un seul jour et il a lieu un dimanche » (art L. 63). Cela signifie que n’eût été la décision du Conseil constitutionnel, de permettre à chaque électeur de choisir 5 bulletins de son choix sur les 47 pour voter, tous les citoyens sénégalais n’auraient pu s’acquitter de leurs devoirs civiques.
Pour ce qui concerne le coût des élections, on a pensé que la caution pouvait servir de moyen pour limiter les candidatures fantaisistes. C’est ainsi que de trois (3) millions de FCFA de 1960 à 1988 (présidentielles et les législatives couplées), elle est passée à six (6) millions en 2000, puis à vingt-cinq (25) millions en 2007 et à soixante-cinq (65) millions en 2012, pour tomber à 30 (trente) millions à la présidentielle de 2019.
Et lorsque le représentant du PDS a été interpellé sur la somme de 100 millions qu’il avait proposée lors de la concertation sur le montant de la caution pour la présidentielle du 26 février 2012, à l’hôtel Ngor Diarama le 29 août 2011, la réponse servie était que les élections étaient devenues très couteuses sur le budget de l’Etat. Dans la synthèse des travaux de la concertation, le ministre en charge des Elections et les techniciens avaient effectivement confirmé que le coût des élections est devenu de plus en plus élevé. Selon eux, la présidentielle de 2000, par exemple, « avait coûté à l’Etat entre 250 et 300 millions par candidat » (voir Le Soleil du 30 août 2011).
Pour ces deux raisons seulement, le parrainage citoyen se justifie amplement. Dans son principe, il ne saurait être question de le « brûler » purement et simplement. Tous les acteurs du jeu politique doivent se mettre autour de la table, pour discuter des modalités d’application du parrainage.
Malheureusement, le rythme rapproché entre la présidentielle 2012, les territoriales de 2014, le référendum constitutionnel du 20 mars 2016, les législatives du 31 juillet 2017, l’élection présidentielle du 25 février 2019, les territoriales du 23 janvier 2022 et les législatives du 31 juillet 2022, n’a pas permis à la « classe politique », de mener des échanges approfondis sur les règles du parrainage et les modalités sa mise en œuvre.
Cependant, il faut rappeler que dans le cadre des travaux du « Cadre de Concertation sur le Processus Électoral » (CCPE), qui se sont tenus du 12 décembre 2017 au 02 février 2018, sous la présidence de l’Ambassadeur Saïdou Nourou Bâ, des débats passionnants et passionnés ont opposé les différents acteurs électoraux sur la question du parrainage, mais des divergences nettes et profondes étaient apparues et le débat, qui n’a pu aller jusqu’à son terme, a été suspendu et la séance levée. Le Rapport général des travaux du CCPE a mentionné ce fait : « Le premier point relatif au « parrainage » a engendré une suspension des travaux, en raison des profondes divergences de positions exprimées » (p. 10).
C’est donc ensemble que nous devons rechercher les solutions pour apaiser la tension politique. La question qui se pose maintenant est :
QUE FAIRE ?
Puisque nous sommes dans la dernière ligne droite qui conduit au démarrage de la campagne électorale dans quelques semaines, toute idée de renvoyer ou même de reculer la date des élections, doit être absolument écartée. Aucune logique n’admet d’avoir préparé des élections pendant deux à trois ans, et les renvoyer à trois semaines de leur tenue. Les élections doivent donc se tenir à terme constitutionnel échu, et l’évaluation du scrutin sera faite conformément à la tradition républicaine de notre pays. Les acteurs du jeu politique devront se mettre autour de la table de concertation pour discuter de façon sincère et franche, pour corriger et rectifier tout ce qui peut et doit l’être avant la présidentielle 2024.
D’ici la période qui nous sépare du scrutin du 31 juillet, nous devons :
Eviter la victimisation et le radicalisme politique et veiller au respect des lois et règlements qui encadrent les droits et libertés des citoyens.
Ecarter toute idée d‘aller à l’assaut du Palais pour déloger le Président de république démocratiquement élu.
Après la proclamation des résultats officiels :
Revoir le calendrier républicain et procéder à une nouvelle revue du Code électoral. Mettre un accent particulier sur les modalités de mise en œuvre du parrainage.
Respecter les décisions du Conseil constitutionnel. Eviter de plonger le pays dans un cycle sempiternel d’invectives, et éviter de jouer avec le feu de la violence destructrice, pour permettre à notre peuple de s’engager résolument dans le chemin d’un Sénégal paisible, uni et prospère.
PAR Palmira Telésforo Cruz
LA FAMINE, LA FAIM DANS LE MONDE
EXCLUSIF SENEPLUS - C’est de notre faim que l’Occident s’engraisse et se remplit les poches. Ce n'est pas avec l'austérité que nous résoudrons les crises économique, alimentaire et climatique, mais par l’avènement du temps de la justice de classe
Don Pedro ne parlait pas. Il n’avait pas quitté sa chambre.
Il avait juré de se venger de Comala. « Je croiserai les bras et Comala mourra de faim. »
"Don Pedro" Juan Rulfo, Pedro Páramo, 1955
Ces derniers mois, les gros titres des journaux nous ont relayé l'extrême préoccupation de l'Europe et des États-Unis face à la famine qui se profilerait partout en Afrique : "Des millions de personnes risquent de mourir de faim à cause de la sécheresse dans la Corne de l'Afrique" ; "Borrell accuse Poutine d'être responsable de la faim en Afrique" ; "La faim menace la stabilité dans des dizaines de pays" ; "La guerre en Ukraine sème la faim en Afrique ; "Joe Biden met en garde contre le "problème mondial" posé par le blocus russe des céréales ukrainiennes" ; "L'UE prévient que la Russie utilisera la famine en Afrique pour rendre l'Occident responsable de la crise" ; "L'Europe et l'Afrique seront extrêmement déstabilisées sur le plan alimentaire, dit Macron". "
Nous aurions pu être vraiment émus par tant de tendresse si l'histoire ne nous racontait pas la famine dans le monde en de termes différents. Ne nous voilons pas le visage ! Dès lors que l’on remonte aux siècles antérieurs, nul ne s'est soucié, ni de la pauvreté alimentaire provoqué par le travail forcé dans les monocultures extensives du tiers-monde, ni des épidémies mortelles de salmonelles qui sévissaient sur tous les territoires où le colonisateur par son appétit de prédation a rompu les délicats équilibres nutritionnels communautaires, que ce soit par des guerres de domination, l'expropriation de territoires et de ressources naturelles, la persécution et la chasse des populations indigènes, ou le pillage esclavagiste de la plus-value.
Que nous nous appelions Indochine, Kongo ou Chiapas, nos famines étaient le cadet des soucis de l’Occident. Sauf lorsqu’elles pouvaient gripper leurs stratagèmes d’exploitation. Et là même, s’il pouvait s’en servir comme prétexte pour mieux nous asservir, il ne s’en privait pas. À aucun moment l’on pouvait s’arrêter pour se rendre compte que nous aussi d’ici, de là, en bas et à gauche, nous pouvions avoir envie de manger et de manger ce que nous aimions manger.
C’est sur les braises de la terre, dans la simple bouche de l’Enfer.
« Abundio » Juan Rulfo, Pedro Páramo, 1955
L’histoire ne ment pas ; celle qui nous empêche de croire en la bienveillante préoccupation des miséricordieux. Sont là pour nous en convaincre, les restes osseux des affamés (littéralement) enterrés dans les plantations de bananes de la United Fruit Company en Amérique centrale, les ossements des affamés du Tchad et de l'Afrique centrale qui ont été enterrés tout le long du chemin de fer Congo-Océan de la Société de Construction des Batignolles au Congo, et ces bagnards des champs d’hévéa pour lesquels il n'y avait rien d'autre qu'un peu de pain de manioc provenant des quotas que le colon exigeait aux femmes, aux vieillards et aux enfants dont on coupait tantôt les mains, tantôt les pieds s’ils n’obtempéraient pas.
Cette même histoire, récurrente, nous rappelle les réserves indiennes en Amérique du Nord et en Patagonie avec leur nourriture rare et mauvaise, rationnée pour forcer la reddition, la soumission absolue et la cession de territoires. Et les notes de l'administrateur de l'île de Java dans les archives espagnoles qui nous racontent que seule la main-d'œuvre esclave et "consommable" pouvait rentabiliser l'investissement colonial, la faim n'était qu'un incident.
Paradigmatique aussi la célèbre famine du Bengale, quand Churchill avait décidé que les Hindous n'avaient pas le droit de se nourrir parce que la priorité c’était le triomphe stratégique de son plan de guerre contre le fascisme.
Le film Trois jours en mai nous en dit davantage, nous livre mille secrets, tout en nous émouvant, nous indignant. Ces trois jours qui changèrent le cours de l’histoire de la seconde guerre mondiale… Les mêmes Britanniques qui pouvaient être émus, les larmes aux yeux, à la vue des millions de Bengali décharnés qui tapissaient les rues et, qui pouvaient faire le reproche au grand Leader mondial de laisser mourir des bengali faméliques et dont les vautours becquetaient les cadavres, sont les mêmes Britanniques qui, de concert avec l’Occident pouvaient tout compte fait, estimer que Churchill ne devait pas être jugé pour le caractère inhumain de son plan, parce que sa vision était celle du XIXe siècle, le siècle victorien et que pour cause, il ne pouvait pas comprendre le monde autrement que par le prime des hiérarchies civilisationnelles. Ce qui donc confirmait la thèse qu’il avait la permission de tuer les Asiatiques par la famine…
Si nous nous focalisons sur le Tchad, ce n’est pas seulement le changement climatique qui a desséché le Lac qui pendant des siècles a généreusement nourri les populations riveraines. Moult expérimentation se sont faite pour accroitre la production de produits céréaliers d’exportation ; « certains ouvrages » comme le « barrage sur la Komadougou (rivière se jetant dans le lac) au Nigeria qui réduit le volume d’eau apporté. Il en est de même pour les ponctions faites le long de ses divers affluents notamment au niveau du Cameroun, pour des barrages devant irriguer des plantations de produits de rente. Bref, tout ce qui constitue la cause anthropique c’est-à-dire « l’utilisation irrationnelle des eaux de surface » Avaler l’eau du lac Tchad pour la régurgiter dans des projets agroalimentaires pour nourrir l'Europe ; nourriture ou profit, cela s’entend ! Et quand bien même réduite à son infime portion congrue, elle continue d’être convoitée pour l’exploitation de ses terres boueuses. Et, de la famine qui taraude et harcèle les pêcheurs, les chasseurs, des petits agriculteurs, aujourd'hui presque disparus ou menacés par Boko Haram, on ne dit rien, presque rien.
« Tout cela qui arrive, c’est de ma faute", s'est-il dit : «la peur d'offenser ceux qui me soutiennent. Parce qu’en vérité ils subviennent à mes besoins. Des pauvres, je ne reçois rien ; les prières ne me remplissent pas l’estomac. »
"Padre Rentería" Juan Rulfo, Pedro Páramo, 1955
En définitive ce que nous appelons "l'Occident" pour simplifier la réflexion en évoquant cette déferlante d’appel tonitruants pour sauver l’Afrique, l’Occident ne se soucie pas de notre famine, bien au contraire, c’est de notre faim qu’il s’engraisse du ventre et se remplit les poches.
Il est vrai que la pandémie a frappé et pleinement touché les chaînes de valeurs délicates et instables dans la production de biens et de services, ainsi que celles de denrées alimentaires. Il est vrai aussi que la guerre localisée en Europe dans deux importants pays producteurs et exportateurs de céréales, la Russie et l'Ukraine, peut affecter et durablement les réseaux de distribution. Mais il est également vrai que la spéculation sur les grains et les pénuries de céréales rapporte d’incommensurables profits à trois sociétés américaines et à une autre, néerlandaise qui contrôlent 80 % du commerce international : Cargill, ADM, Bunge et Dreyfus. L'histoire nous enseigne que sans une telle spéculation inflationniste, la famine du Bengale n'aurait peut-être pas été tant étendue et tant meurtrière. Le rationnement irrationnel qui s’était appliqué au Bengale, risquera bien fort de se reproduire partout dans le monde. Les conséquences de ces processus inflationnistes peuvent déjà s’estimer : celui qui a assez d’argent pour acheter à n'importe quel prix achètera ; celui qui n’en a pas assez pour se permettre l’acquisition nécessaire à sa survie, pourra paisiblement se laisser enterrer sous son pied de bananier dont on récoltera les régimes pour les autres. C’est inversement proportionnel : la spéculation fera le bonheur des certains milliardaires, pendant que la famine nous torturera au quotidien.
Cette famine qui déferle, tient ses origines profondes dans la crise économique que traîne l'Atlantique Nord depuis 2008 et avec ses quantités d’easings et facilités (les prêts que le Nord s'octroie en imprimant de la monnaie sans valeur, la planche à billets). Le capitalisme continue de s'engraisser sur nos bas salaires, déflatés (dévalués par l'inflation). Les politiciens ne chercheront pas de solution mais des prétextes et des boucs émissaires car l'argent sans valeur correspondante, que le Nord a imprimé à tire-larigot aura besoin de ce que l’on nous volera pour être remboursé. Une autre fois, comme de nombreuses fois que le capitalisme nous a exigé contre nous-mêmes, de nombreuses et éternelles dettes coloniales.
Et si juste, nous gobons le feuilleton politique, l’anathème avec lequel les puissants dirigeants du monde couvrent les dits coupables, nous ne comprendrons pas que nos revendications doivent s'adresser aux monopoles de l'énergie (BP, Shell, Total Energies, Exxon et Chevron) et aux monopoles des céréales. Il faut arrêter la spéculation, il faut arrêter de jouer le jeu de la parité des taux de change du système du franc CFA, de l'euro et du dollar. Tels doivent être les objectifs de notre éternelle guerre de classe : la mort du monopole des millionnaires, car ce n'est pas avec l'austérité ou le rationnement que nous résoudrons les crises économique, alimentaire et climatique, mais par l’avènement du temps de la justice de classe.
Seraient bien inspirés les gouvernements qui mobiliseraient ces milliers de jeunes sans emplois dans des projets concertés de productions agricoles à une échelle plus importante que celle de la petite exploitation familiale. Des céréales, nous avons du sorgho, du millet, du maïs et puis sachons regarder à tout cet éventail de produits vivriers nourriciers qui nous entourent : niébé, igname, manioc, fonio, sésame, arachide, pomme de terre…Ce qui ainsi imprimeraient un début de solution au problème de la souveraineté alimentaire. Ce n’est rien d’impossible : le Burkina Faso de Thomas Sankara l’a réalisé en mettant en valeur la Valée du Sourou. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une véritable révolution pour en finir avec les spéculateurs. Avant que la faim n’assassine tous nos rêves d'avenir.
Palmira Telésforo Cruz est communicologue, politologue et chercheure universitaire, issue de la diaspora noire mexicaine. Pendant une dizaine d’années elle a travaillé au développement de la Casa R. Hankili Àfrica, Centro Historico, Ciudad de México.
Par Hamidou ANNE
PEUT-ON ENCORE ÊTRE EN DÉSACCORD ?
Les magistrats sont menacés, les intellectuels terrorisés et toutes les voix contradictoires sont victimes de torrents d’insultes et d’appel au meurtre social. Je ne cède ni aux injures, ni aux menaces, encore moins aux calomnies de roquets radicalisés
Dans leur livre, Voyage au bout de la droite (Mille et Une nuits, 2011) Jean-Philippe Huelin et Gaël Brustier reprennent le concept de «paniques morales» issu des travaux de Stanley Cohen. Le Sénégal traverse une panique morale que montre le basculement épistémique et politique de notre société, que tout intellectuel soucieux du temps long braudélien rêverait de documenter.
Dans la crise au sens gramscien que nous traversons, des hordes fascistes sont en verve, menaçant la République qui est ma religion civique. Dans la filiation du fascisme historique, le fascisme de notre époque se présente sous diverses formes mais emprunte à celui des origines des méthodes communes.
Etre fasciste, dans le contexte qui suscite mon propos, c’est faire le choix de l’usage permanent de la haine et de la division dans la démarche politique. C’est penser, au-delà du vernis démocratique, que le pouvoir peut s’acquérir via une entreprise séditieuse. Il s’agit d’incendier les maisons d’avocats, d’appeler à fusiller les anciens présidents, de demander à ses partisans d’attaquer des groupes de presse au motif que l’information qu’ils donnent ne va pas dans notre sens. Les magistrats sont menacés, les intellectuels terrorisés et toutes les voix contradictoires voire seulement nuancées sont victimes de torrents d’insultes et d’appel au meurtre social, voire physique. Ce fascisme n’est pas gêné par les contradictions inscrites dans son discours propagandiste pourvu qu’il permette d’agréger les colères, d’exciter les passions, de dominer la raison.
Les fascistes accusent l’Armée nationale, lorsqu’elle procède à des pilonnages de bases rebelles indépendantistes, de complot avec le régime. Ils appellent à déloger un Président élu avant le terme de son mandat. Dans un monde propice aux apports féconds mutuels, ils font l’éloge du nationalisme le plus étriqué voire celui moins assumé du régionalisme dans une Nation indivisible et plurielle.
Le fascisme, c’est faire appel à la torture dans les commissariats pour des suspects bénéficiant de la présomption d’innocence et à la peine de mort pour surfer sur les peurs. Le fascisme, c’est en appeler de manière irresponsable et politicienne à une hiérarchisation des races dans une société civilisée en disant, par exemple, parlant de l’exploitation d’un gisement pétrolier entre le Sénégal et la Mauritanie : si nous n’avons pas peur des «tubaab», ce ne sont pas les «naar» qui nous feront peur. «Naar» est ici utilisé de manière péjorative et infériorisé par rapport à «tubab».
Trump ou Zemmour, d’autres fascistes de notre époque, ne feraient pas mieux. Le fascisme, c’est encore appeler des jeunes radicalisés au pillage de domiciles de responsables publics supposés être des niches à milliards détournés. Etre fasciste, c’est ne croire ni à la démocratie ni à la République et convoquer intimement, quelle que soit la circonstance, son ego boursouflé comme projet politique en usant de manipulation pour afficher le contraire.
Dans la quête du pouvoir, les fascistes peuvent s’accommoder de certaines règles démocratiques mais, une fois aux manettes, ils les foulent aux pieds au profit d’un autoritarisme et d’un dirigisme inhérents à leur projet. L’outrance verbale et les outrages à la République sur un fond guerrier ne peuvent constituer un projet sérieux et crédible. C’est le lieu de saluer une opposition radicale au régime de Macky Sall mais qui, en toutes circonstances, ne transige pas avec la responsabilité et le sens républicain. Ces hommes et ces femmes font l’honneur de notre pays et de sa vitalité démocratique.
Le Sénégal est malade de quarante années durant lesquelles a été sabordé l’héritage senghorien de l’organisation, de la méthode et de l’école qui promeut le culte du savoir. Des milliers de fanatiques prompts à vociférer pour salir leurs concitoyens ne savent même pas lire un texte. Et pire : ils ne savent pas être libres et penser en dehors des bulles que les algorithmes génèrent pour eux à leur insu. Il faut être corrompu ou aisément corruptible pour accuser à tout va quelqu’un qui écrit ce qu’il pense d’être un corrompu.
De nombreux amis, soucieux, me demandent de ne plus parler de Ousmane Sonko. D’autres m’invitent dans ma chronique suivante à tenir un propos qui lui est favorable. Evidemment mon refus dans les deux cas est catégorique. Aussi comment accepter d’avoir peur en démocratie ? Là où j’ai appris la politique - certains de mes anciens maîtres l’ont entre-temps oublié- on me disait ceci : «On ne discute pas avec le fascisme, on le combat.» Je ne fais que rester fidèle à un héritage vieux de plus de deux siècles que dans ma famille politique, la gauche républicaine, on s’acharne à se transmettre. Je ne suis pas un homme qu’on intimide. Je ne cède ni aux injures, ni aux menaces, encore moins aux calomnies de roquets radicalisés. Ils perdent leur temps. Je crois en la force du débat contradictoire dans une démocratie.
Comme intellectuel, j’ai écrit les lignes les plus dures sur la vacuité conceptuelle de l’Apr sans jamais avoir peur de représailles. Ce n’est pas parce que quelques nazillons sont à mes trousses numériques que je me tairai. J’ai fait le choix de l’insoumission, comme le fit mon vieux maître Alioune Badara Cissé. Rester debout, c’est tenter d’honorer sa mémoire. Il m’est impossible de ne pas être libre. Ne perdez pas votre temps à vouloir me faire peur. Vos insultes sont mes médailles.
Par Mody NIANG
ALLONS-Y, MOUSTAPHA DIAKHATÉ
Macky est directement responsable des gros risques de chaos qui pèsent lourdement sur notre pays. Je ne suis donc point d’accord avec Moustapha Diakhaté, ni avec bien d’autres comme lui qui chargent trop facilement l’opposition
Les invités d’El Hadj Fallou Khouma à son émission Jokkoo de jeudi dernier étaient Moustapha Diakhaté, ancien président du Groupe parlementaire Bennoo Bokk Yaakaar (BBY) et un autre compatriote qui s’est auto-présenté de façon élogieuse, comme si nous ne vivions pas dans un petit village comme le Sénégal, où tout le monde connaît pratiquement tout le monde. Le lecteur me permettra de ne pas citer son nom. Tout au long de l’émission, l’ancien proche et aujourd’hui lointain collaborateur du président-politicien s’est évertué à convaincre les auditeurs que les conséquences de toutes les manifestations organisées par la Coalition Yewwi Askan wi (YAW) sont de la responsabilité directe de ses responsables, et principalement d’Ousmane Sonko[1]. Et, pour se faire plus convaincant, il invite les auditeurs à s’arrêter davantage sur les causes que sur les conséquences, les premières entraînant directement et forcément les secondes. Sans causes, sans conséquences, a-t-il tenté de démontrer tout au long de l’émission, et les causes sont e l’autre côté.
Je suis entièrement d’accord ici avec l’ancien président de BBY et accepte son invitation. Naturellement, je ne m’accrocherai pas, comme lui, seulement sur deux ou trois événements pour convaincre. Je monterai bien plus loin, et administrerai la preuve, que son ancien mentor est, pour l’essentiel, responsable de tous les maux, de toutes les difficultés que nous vivons depuis le 2 avril 2012. J’aurai naturellement besoin de la patience du lecteur et, pour lui faciliter la tâche, je présenterai le texte en deux jets. J’ai besoin d’un peu de temps et d’espace pour montrer, avec des arguments irréfutables, que si l’homme que nous avons confortablement élu le 25 mars 2012 avait seulement respecté le tiers ou, peut-être même la moitié des engagements formels qu’il avait pris, nous n’en serions pas à vivre aujourd’hui les événements dont son ancien et bref chef de cabinet met lourdement toutes les conséquences sur le dos d’Ousmane Sonko.
Naturellement, j’aurai besoin de rappeler car, dans notre pays, il faut toujours rappeler, pour ne pas donner raison au vieux président-politicien qui disait de nous, et sans état d’âme, que nous avions bien du mal à nous rappeler notre diner de la veille, et que nous ne croyions qu’à l’argent et aux honneurs. J’aurais pu me contenter des réseaux sociaux et, en particulier des Var qui mettent à nu cet homme qui nous gouverne depuis le 2 avril 2012. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je passerai rapidement sur cette affaire Adji Sarr qui traîne depuis de longs mois entre les mains des autorités habilitées. On se rappelle que dans la nuit du 2 au 3 février 2021, si mes souvenirs sont exacts, cette jeune fille avait porté plainte contre Ousmane Sonko pour « viols répétés à mains armées avec menaces de mort ». On a des informations précises sur la maison où se seraient déroulés les viols répétés. La gamine subit jusqu’au quatrième ou cinquième viol pour se décider enfin à porter plainte, avec toutes les péripéties que l’on se rappelle.
Les autorités s’empressèrent alors de faire convoquer Ousmane Sonko le 8 février, en ignorant manifestement son immunité parlementaire et en arguant du fait que la loi le leur permettait. Ousmane Sonko n’a pas naturellement répondu à la convocation. Pourquoi cet empressement ? Pourquoi n’avoir pas attendu que le Ministre de la Justice Garde des Sceaux transmît à l’Assemblée nationale la demande du juge chargé de l’affaire, pour la levée de l’immunité parlementaire de l’opposant qui les empêche de dormir ? Il n’y a aucun doute que le Garde Sceaux s’y emploierait rapidement et Aymérou Gning et ses collègues seraient prompts à lever l’immunité. Ousmane Sonko n’aurait alors aucun autre choix que de répondre aux convocations et le juge aurait ainsi l’occasion de le placer rapidement sous mandat de dépôt pour plusieurs années, le viol, le vrai en tout cas, étant considéré comme un crime. C’est vrai que les militants et sympathisants de Sonko ne l’entendaient pas de cette oreille. En tous les cas, la convocation précipitée du député a été pour beaucoup dans les manifestations qu’il y a eu après, avec leur lot de conséquences que Moustapha Diakhaté met facilement sur le compte de son ennemi juré, dont il a été le premier à demander la radiation de la Fonction publique.
Rappelons, puisque que dans notre pays il faut toujours rappeler, que deux députés ont été soupçonnés d’implication dans une affaire grave de trafic de passeports diplomatiques. Combien de temps les autorités habilitées ont-elles mis pour demander la levée de leurs immunités parlementaires ? Pas loin de deux mois. Ils ont été ensuite jugés et condamnés à des peines particulièrement légères. L’un est déjà sorti de prison d’ailleurs, après avoir purgé sa « peine » de trois mois. J’ai été condamné en première instance, moi le pauvre Mody Niang, à trois mois de prison avec sursis et à payer dix millions de francs CFA d’amendes à ce Cheikh Oumar Anne, ancien Directeur général du COUD et très proche du président-politicien. Il avait porté plainte contre moi pour avoir dédicacé un livre de Papa Allé Niang, et pour y avoir traité sa gestion de scandaleuse.
Et il n’est pas impossible que, dans ce Sénégal du président-politicien, un juge me condamne plus sévèrement et m’envoie en prison en appel. Pourtant, la gestion de ce M. Anne est plus que scandaleuse. Son lourd dossier déposé par l’OFNAC sur la table du Procureur de la République y dort d’un sommeil profond depuis l’année 2016. Sa gestion a été si scandaleuse que, dans l’une de ses recommandations, l’OFNAC demandait qu’il fût immédiatement relevé de ses fonctions et que plus jamais, aucune responsabilité ne lui soit confiée dans l’administration. Contre toute attente, le président-politicien le défend publiquement et le bombarde ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, en remplacement du Pr Mary Teuw Niane, excellent mathématicien, et pas seulement d’ailleurs.
Cette position particulièrement partisane et plusieurs fois répétée du président-politicien a créé beaucoup de frustrations. Des frustrations parfois difficilement soutenables et qui ont été à la base de grosses difficultés, notamment de manifestations pouvant entraîner des conséquences que l’ancien président du Groupe parlementaire BBY est toujours prompt à mettre sur le compte des seuls organisateurs, son ancien et peut-être actuel mentor (caché) n’y étant pour rien. Cette position, ce parti-pris flagrant est à l’origine du sentiment du deux-poids-deux-mesures et de la division du pays en deux camps nettement opposés (Kumba am ndey ak Kumba amul ndey) qui habite de plus en plus nombre de Sénégalaises et de Sénégalais. S’y ajoute que cet homme que nous avons élu le 25 mars 2012 s’est montré particulièrement décevant dans sa gouvernance qui est tout le contraire de celle « sobre, transparente et vertueuse » qu’il nous avait fermement promise.
Dans la suite, le second et dernier jet de ce texte, j’entrerai dans le vif du sujet pour montrer, arguments irréfutables à l’appui, à Moustapha Diakhaté et aux hommes et aux femmes de son acabit, que leur mentor est directement responsable des gros risques de chaos qui pèsent lourdement sur notre pays
Naturellement, je suis loin, très loin d’être d’accord avec lui et avais commencé à le démontrer dans le premier jet, et donnais rendez-vous aux lecteurs à celui-ci, le second et dernier. Mon avis, ma forte conviction est que son ex-mentor est, pour l’essentiel, responsable de toutes les menaces qui pèsent lourdement sur notre pays depuis le 2 avril 2012. Si cet homme que nous avons élu le 25 mars 2012 était exactement ou presque le même que celui qui nous gouverne depuis un peu plus de dix ans avec, en bandoulière, ses engagements respectés à la lettre ou du mieux qu’il peut, le Sénégal que nous vivons aujourd’hui serait bien plus tranquille. Malheureusement, ente les deux hommes, il ne reste plus que le nom : l’un et l’autre sont comme Yalla ak yaali.
Pour avoir une base solide d’arguments me permettant de le démontrer, je suis obligé de faire des rappels, encore des rappels dont mes compatriotes ont toujours besoin, étant donné leur fâcheuse tendance à vite oublier et à passer indifférents, devant les événements les plus lourds de menaces pour notre pays. Je me contenterai de deux rappels : son premier message à la Nation, le 3 avril 2012, et l’interview qu’il a accordée à Béchir Ben Yaymed1 de l’hebdomadaire Jeune Afrique, le 14 juin 2012. Ce 3 avril donc, il s’adresse ainsi au gouvernement : « Je (vous) donne mission de traduire en actes la forte aspiration au changement massivement exprimée le 25 mars. Cette occasion historique constitue pour nous tous, un nouveau départ pour une nouvelle ère de ruptures en profondeur dans la manière de gérer l’État au plan institutionnel et économique. C’est pourquoi, je tiens à ce que toutes les femmes et tous les hommes qui m’accompagnent dans l’exécution du contrat de confiance qui me lie au peuple, comprennent et acceptent que cette mission ne crée pas une catégorie de citoyens privilégiés, au-dessus des autres et de la loi.
Au contraire, cette charge se décline en un sacerdoce sans ambiguïté : il est question de servir et non de se servir2 . Déjà, comme vous le savez, j’ai décidé de ramener à cinq ans le mandat de sept ans pour lequel je suis élu sous l’empire de l’actuelle constitution. » Le lecteur a bien lu : je n’ai rien inventé.
Cinéma du nouveau président de la République
Et le tout nouveau président, que j’appellerai plus tard et à juste titre le président-politicien, de poursuivre son cinéma, car c’en était un : « Gouverner autrement, c’est bannir les passe-droits, le favoritisme et le trafic d’influence ; c’est mettre l’intérêt public au-dessus de toute autre considération et traiter tous les citoyens avec la même dignité et le même respect. En outre, l’État et ses démembrements réduiront leur train de vie tout en restant performants. » Il ne s’arrête pas en si bon chemin et poursuit : « S’agissant de la bonne gouvernance, je serai toujours guidé par le souci de transparence et de responsabilité dans la gestion vertueuse des affaires publiques. Je mets à ma charge l’obligation de dresser les comptes de la Nation et d’éclairer l’opinion sur l’état des lieux. » Ce n’est pas tout. Il ajoute sans état d’âme : « Je compte restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’État la plénitude de leurs attributions. Dans le même sens, l’assainissement de l’environnement des affaires et la lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement à cœur. »
Et il avertit ou feint d’avertir : « À tous ceux qui assument une part de responsabilité dans la gestion des deniers public, je tiens à préciser que je ne protégerai personne. Je dis bien personne. J’engage fermement le Gouvernement à ne point déroger à cette règle. »3 Le second rappel, après le message du 3 avril 2012, c’est l’interview qu’il a accordée à Béchir Ben Yaymed, le 14 juin 2012. C’était à Kaolack où il présidait son deuxième conseil des ministres décentralisés. Cette interview en dit long, vraiment long sur la nature ondoyante de cet homme qui nous gouverne depuis le 2 avril 2012. En voici quelques extraits : « ...La rupture n’est pas qu’un slogan. C’est un comportement, celui que les dirigeants de ce pays doivent adopter. Humilité, sobriété et rigueur doivent régir notre action politique. Je vous assure qu’il s’agit bien là d’une rupture, profonde, avec les pratiques en vigueur sous mon prédécesseur… AVEC MOI, TOUT VA CHANGER. J’AI RENONCÉ À DEUX ANS DE POUVOIR, en ramenant le mandat présidentiel de sept à cinq ans et en m’appliquant immédiatement cette mesure, comme je m’y étais engagé. J’ai tenu, pour la première fois dans l’histoire de ce pays, à déclarer publiquement mon patrimoine, malgré les polémiques entretenues à dessein par mes adversaires (…). À la fin de mon mandat, je ferai le même exercice, et l’on pourra comparer. » Je n’ai rien inventé, c’est bien le président Macky Sall qui répondait cela, les yeux dans les yeux, et sans état d’âme, à Béchir Ben Yaymed. Et celui que j’appelle président-politicien et qui le mérite bien, de poursuivre : « Les Sénégalais ont réclamé une gouvernance plus vertueuse, plus éthique. Nous avons L’OBLIGATION DE RENDRE DES COMPTES, de RÉDUIRE LE TRAIN DE VIE ET LES DÉPENSES NAGUÈRE SOMPTUAIRES DE L’ÉTAT. J’AI AUSSI TROUVÉ UN GOUVERNEMENT COMPOSÉ DE 38 MINISTRES EN ARRIVANT, ET JE L’AI RAMENÉ À 25. C’est désormais l’un des plus réduits d’Afrique, et je vous assure qu’il aurait été plus simple pour moi de distribuer plus largement les maroquins (…). J’ai supprimé plus de 60 agences et directions nationales dont l’utilité n’était pas avérée. Autant de coupes qui ne réduiront en rien l’efficacité du gouvernement et de l’administration, bien au contraire (…). »
A-t-on vraiment besoin de commenter tous ces engagements de l’homme ?
Je ne le crois pas du tout. Il suffit de les comparer avec la gouvernance qu’il met en œuvre depuis son installation officielle comme quatrième président de la République pour s’en faire une bonne idée. En tout cas moi j’affirme – et je crois pouvoir me le permettre –, que s’il avait respecté l’essentiel des engagements pris ici comme ailleurs, le Sénégal ne serait sûrement pas celui que nous vivons depuis le 2 avril 2012. Il n’y aurait sûrement pas de cas Ababacar Khalifa Sall ou de Karim Wade. Aucun doute que l’ex-juge Dème serait encore magistrat. Peut-être même, Ousmane Sonko ne créerait-il pas Pastef. L’homme serait sûrement réélu sans problème en 2017, sans avoir besoin de recourir à son contestable parrainage, ni d’éliminer des candidats potentiels à l’élection présidentielle qui lui feraient courir le risque d’un second tour. Il aurait alors respecté son engagement à réduire son mandat de deux ans et à se l’appliquer. Engagement exprimé même sur les perrons de l’Élysée devant Nicolas Sarkozy qui reconnut « n’avoir jamais vu ça ».
Évidemment il était loin, très loin de connaître l’homme qu’il avait en face. Oui, s’il avait respecté ne serait-ce que son engagement à « restituer aux organes de vérification et de contrôle de l’État la plénitude de leurs attributions » pour lutter « contre la corruption et la concussion qui (le tenaient) particulièrement à cœur », il nous aurait épargné beaucoup d’événements qui menacent aujourd’hui la stabilité du pays. Au lieu de cela, il les a mis en hibernation et parfois carrément humiliés. Les inspecteurs généraux d’État ne me démentiront pas, eux qui ont été chassés sans ménagement de la présidence de la République pour le Building administratif Mamadou Dia, où ils deviennent par la force des choses familiers avec des hommes et des femmes qu’ils pourraient être amenés à inspecter. C’était pour faire place à ses ministres, ministres conseillers, conseillers spéciaux, conseillers, ambassadeurs « itinérants », « chargés » de missions, etc., et dont nul ne connaît le nombre, même pas lui-même. Il va plus loin en mettant lourdement le coude sur leurs rapports comme sur ceux de la Cour des Comptes, de l’Autorité de Régulation de la Commande publique (ARCOP), de l’Inspection générale des Finances du Ministère des Finances, etc. Sans compter les plus de trente dossiers de l’OFNAC qui dorment d’un sommeil profond sur la table du Procureur de la République.
Tous ces dossiers et rapports, y compris ceux de la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) mettent gravement en cause la gestion de nombre d’hommes et de femmes membres de sa famille, de son parti et de la coalition gouvernementale. S’y ajoutent les non moins lourds dossiers des vingt-cinq mis en cause par la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI). Je prends seulement pour exemples ces derniers dossiers. Si le président de la République était un homme de parole et avait laissé le Procureur Alioune Ndao et la justice faire leur travail en toute indépendance et jusqu’au bout, le cas Karim Wade ni celui de Khalifa Ababacar Sall ne se poseraient probablement pas. Le premier n’a été convoqué que le 14 ou 15 mars 2013. Il a eu, avec ses acolytes, largement le temps de se débarrasser, au Sénégal comme ailleurs, de toutes preuves qui pourraient les confondre.
D’ailleurs, ma conviction est que, pour le confondre, on n’avait même pas besoin de recourir à la CREI. Une justice indépendante le condamnerait sans que le plus petit doigt ne fût levé. Il lui suffirait de s’appuyer sur, entre autres dossiers, les Contes et mécomptes de l’Anoci (Éditions Sentinelles, Dakar, août 2009) d’Abdou Latif Coulibaly, au moment où il était encore journaliste et le « Rapport public sur l’État de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes » (juillet 2014). Le Rapport couvre la période 2004-2009, donc de la date de création de l’ANOCI à celle de sa dissolution.
Les contrôleurs de l’IGE ont mis en évidence, dans la gestion du fils de son père, des « cas illustratifs de mal gouvernance financière ». Ils ont ainsi constaté, relativement au fonctionnement de l’Agence, de graves manquements qui seuls, suffiraient à l’envoyer à Reubeusse (pp. 119-121). Il n’y aurait pas, non plus, de cas Khalifa Ababacar Sall si tous les vingt-cinq dossiers de la CREI avaient été traités par une même justice indépendante. La gestion de la Mairie de Dakar serait passée en revue et la caisse d’avance n’aurait pas survécu à cette investigation. Or, c’est sur la base de cette seule caisse d’avance que M. Sall a été envoyé en prison et, partant, éliminé de la course vers l’élection présidentielle de février 2019. Je pourrais prendre pour exemples tous les engagements de celui qui deviendra le président-politicien et montrer que, s’il les avait vraiment respectés, il serait populaire et n’aurait pas besoin de recourir à toutes les manipulations, à tous les njuuj-njaaj qu’il lui a fallu pour être réélu. Il serait populaire parce qu’il aurait « traduit en actes la forte aspiration au changement massivement exprimée le 25 mars ». Peut-être même, l’opposant Ousmane Sonko qui l’empêche aujourd’hui de dormir lui, sa famille et sa coalition n’existerait-il pas, puisqu’il n’y aurait pas les cas flagrants de mauvaise gestion qui expliquent la création de son parti. Il n’y aurait pas d’opposition braquée contre lui pour résister à sa volonté de la réduire à sa plus simple expression. Il n’y aurait pas des Cheikh Oumar Anne, des Farba Ngom, des Mansour Faye et sa fille, des Samuel Sarr4 et autres membres de sa famille comme de sa coalition lourdement épinglés par les rapports de nos différents organes de contrôle.
Je ne suis donc point d’accord avec Moustapha Diakhaté…
Je ne suis donc point d’accord avec Moustapha Diakhaté, ni avec bien d’autres comme lui qui chargent trop facilement l’opposition, Yewwi Askan wi plus exactement, qu’il rendent responsable de tous les événements que nous connaissons et des conséquences qu’ils entraînent. Je suis d’ailleurs tenté de lui poser, à lui le vrai bawal-bawal, la question suivante en walaf : « Waaw, seriñ Mustafaa, ganaaw buma la nuyyóo ziaar la, yakaar nga ni bu sa waaji waccoo woon ak nun ci lépp lumu nu digóon ba tax li ëpp ci nun jox ko sunu kóolute, yaakar nga ni li xew ci sunu réew mi lépp doon na fi xew ? »
En d’autres termes, penses-tu réellement, mon cher Moustapha, que si ton ex-mentor était un homme de parole et avait respecté l’essentiel des engagements pour lesquels nous lui avions donné 65% de nos suffrages, penses-tu alors réellement que le Sénégal serait celui que nous vivons depuis plus dix ans ? Je suis sûr que ta réponse intérieure sera négative car, malgré les apparences, tu es un homme de raison même si, parfois, tu te laisses gagner par ton aversion contre Yewwi Askan wi et son principal responsable, dont tu as été le premier à demander la radiation de la Fonction publique. Heureusement que, de plus en plus de Sénégalaises et de Sénégalais découvrent l’homme. Un homme qui renie sans état d’âme ses engagements les plus solennels ; un homme qui, au lieu de lutter contre la fraude, la corruption, les détournements de deniers publics comme il s’y était engagé, les entretient et les nourrit au quotidien avec une impunité insoutenable ; un homme qui utilise toutes sortes de subterfuges pour se débarrasser de tout adversaire politique potentiellement dangereux ; un homme surtout qui, au lieu de s’employer à redorer le blason terni de nos valeurs cardinales comme il nous l’avait fermement promis, le ternit par ses actes et propos de tous les jours, notamment en entretenant la détestable transhumance par la corruption ; un homme enfin qui, selon des nombreux observateurs, sacrifie l’intérêt général au profit d’un partenariat extérieur douteux, notamment en bradant nos importantes ressources naturelles. Cet homme est donc pratiquement responsable de toutes les situations difficiles que nous vivons depuis le 2 avril 2012, ayant renié tous ses engagements qui lui ont valu notre confiance, concrétisée par 65% de nos suffrages, le 25 mars 2012. Dans un peu moins de deux ans, il termine son second et dernier mandat et devra débarrasser le plancher politique avec toute sa coalition. Il évitera ainsi le chaos à notre pays, en se gardant de solliciter un troisième mandat. C’est vrai qu’il a bien armé ses forces de défenses et de sécurité et notablement amélioré leurs conditions de vie. C’est aussi vrai qu’il n’a pas oublié ses magistrats ni ses autorités administratives (gouverneurs, préfets, sous-préfets). Cependant, aucune force, et quelle qu’elle soit, ne peut faire face à tout un peuple debout. Zine el-Abidine Ben Ali, Hosni Moubarak (qui ne sont plus de ce monde) et Omar Al Bachir en savent bien quelque chose.
1 Aujourd’hui décédé.
2 Son très privilégié beau-frère Mansour Faye a bien compris la leçon et ne se sert pas du tout.
3 Même pas en faveur Sindiély Wade, ni de Mansour Faye, ni de Cheikh Oumar Anne ?
4 Celui-là a même le culot de parler aujourd’hui des casseroles des autres ou de ce qu’il considère comme telles alors que lui, en traîne tellement qu’il lui est difficile d’avancer seulement d’un pas.
Par Mamadou Ndiaye
DOS AU MUR
Le Mali respire. L’ostracisme qui le frappait avec l’embargo décrété par la Cedeao a cessé dimanche. Du moins partiellement. Puisque l’organisation supranationale surveille les membres de la junte
Le Mali respire. L’ostracisme qui le frappait avec l’embargo décrété par la Cedeao a cessé dimanche. Du moins partiellement. Puisque l’organisation supranationale surveille les membres de la junte qui seraient tentés de participer à la prochaine présidentielle au Mali.
Tenu à l’écart depuis plus de six mois, Bamako renoue ainsi avec son espace naturel d’épanouissement dont il était privé. Injustement ? D’aucuns le disent et estiment qu’il s’agit rien moins qu’une discrimination. En attendant, quoiqu’épais, le mystère se dévoile quelque peu. Est-ce le vent des meilleures conjonctures qui souffle ?
La ligne était intenable de vouloir sanctionner les dirigeants militaires maliens sans que les effets ne se fassent sentir par les populations. Celles-ci n’approuvaient pas le régime quand bien même elles s’éprouvaient à leurs dépens ? Or elles ont été les victimes collatérales des sanctions prises à l’encontre des hauts gradés qui ten aient, par ce choc, un moyen de coercition pour culpabiliser la Cedeao, responsables de tous les péchés d’Israël.
Autant la mesure de punir le Mali était difficile à prendre, autant la décision de passer l’éponge était attendue. Car au sein de l’instance s’opposent deux lignes qui se démarquent nettement.
La première, incarnée par le Nigéria, le Ghana et le Niger se veut sans concession face aux militaires maliens soupçonnés de prolonger un bail qui les avantagerait au détriment d’une classe politique sans voix.
La seconde ligne, avec le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Togo, joue la carte de la souplesse et se montre plus compréhensive pour infléchir la radicalité du pouvoir à Bamako.
Les deux postures ne s’affrontent ni ne se confrontent. Elles s’appuient sur des principes pour donner de la densité à leurs démarches respectives, à l’image du Président togolais Faure Gnassimbé qui, plusieurs fois, s’est rendu à Bamako dans l’optique de raisonner le Président intérimaire Assimi Goïta.
Ce dernier avait donné au médiateur des gages sur la durée et les modalités de la transition, entre autres. En revanche il ne pipe mot de l’interdit de la Cedeao, l’empêchant, lui ou tout autre membre de la Junte, de prendre part à l’élection présidentielle au-delà de la date butoir de mars 2024.
Avec cet assouplissement obtenu à Accra grâce à un compromis dynamique, Bamako reçoit un peu d’oxygène au grand soulagement des populations qui ont sévèrement ressenti l’embargo. Les dirigeants de la sous-région craignaient un effet domino avec des changements en série dans la proximité immédiate. D’autant que trois régimes kaki s’affirmaient de plus en plus.
L’approche de la fête de Tabaski a sûrement eu un effet déclencheur. En vérité, les Maliens, grands éleveurs devant l’éternel, écoulaient une bonne partie de leur cheptel au Sénégal perçu comme un marché florissant en raison du pouvoir d’achat conséquent des Sénégalais.
Bien entendu à Dakar on ne boude pas le plaisir d’apprendre le retour des moutons en provenance du Mali. L’ouverture imminente des frontières décanterait bien des soucis de part et d’autre avec l’arrivée massive des petits ruminants et la chute attendue des prix.
Quant aux importations, la reprise des dessertes alimenterait les marchés maliens jusque-là sevrés de produits alimentaires et de matériaux de construction. Illico presto, l’ouverture des frontières terrestres et aériennes devient effective. Dakar a, de fait, exercé une discrète pression appuyée ostensiblement par l’Ivoirien Ouattara dont la côte d’amour avait été écornée au Mali à cause d’une sortie jugée « inamicale » à l’époque.
L’orgueil malien n’avait fait qu’un tour. Avec le récent sommet tenu à huis clos dans la capitale ghanéenne, l’occasion a été donnée au Président ivoirien de se « racheter » puisqu’il lui revenait de donner des instructions au gouverneur de la Banque centrale, Jean-Claude Brou, pour lever les sanctions financières infligées au Mali.
Il s’agit de mettre fin au gel des avoirs de l’Etat, des entreprises et au blocage des transferts de l’Etat malien par le truchement des systèmes de paiement au sein de la Banque d’émission. Simple illustration : du fait de ces sanctions, Bamako ne parvenait même plus à honorer sa signature.
En retrouvant son siège, le Mali transcende-t-il l’hostilité qu’il a déclenchée ? Peut-il relever de front le double défi de la réintégration et du retour de croissance d’une économie exsangue ? Les créanciers font le pied de grue et scrutent un horizon qui ne se dégage pas encore au mieux des intérêts engagés.
Pour preuve : le pays était dans l’incapacité de conclure une transaction à hauteur de 236 milliards de FCFA de paiement d’intérêts sur les bons du Trésor du Mali. Tous les pays de l’Uemo et de la Bceao semblent s’accommoder de cette situation avantageuse pour le climat des affaires. Car le business n’aime pas le bruit.
Les manquements, suivis de sanctions, désorganisent un environnement surtout quand la compétitivité n’est pas au rendez-vous. Or le cumul de déficits hypothèque tout retour à la croissance dans une zone fragilisée aujourd’hui par l’instabilité et l’insécurité. Les indicateurs économiques se dégradent. Les investissements sont dans « l’attente » pour rebondir. La sensation de flou résultant de cette situation qui manque de lisibilité entraîne un repli des engagements même si les opportunités existent.
De nombreux experts ainsi que des voix avisées déplorent les crises à répétitions dans une région vulnérable. Selon eux, l’absence de paix compromet toute reprise économique et agace les partenaires. Il y a lieu d’émettre des signaux encourageants pour pacifier cet espace très désavantagé par des facteurs de précarité : climat, désertification, poches de famines, bandes armées, irrédentismes religieux, foyers de tensions, revendications territoriales. La région est dos au mur.
par Nioxor Tine
LÉGISLATIVES, VOTER CONTRE LA DICTATURE
Il est temps de prendre au sérieux le rouleau compresseur de l’autocratie néolibérale en gestation, qui bénéficie du soutien des puissances occidentales, dont certaines comptent sur notre gaz pour briser le monopole russe sur cette source d’énergie
C’est la mort dans l’âme, que l’opinion a pris acte de la toute dernière forfaiture du pouvoir APR, qui a consisté à amputer la liste nationale Yewwi Askan Wi, de ses titulaires, presque tous des cadres politiques connus et reconnus.
Un "serial killer" politique
Ce crime politique, unique dans les annales de l’histoire politique de notre pays, n’est qu’un jalon de plus dans la confirmation des sinistres états de services d’un malfrat politique.
De fait, il a déjà eu à jouer des rôles obscurs et sordides dans la neutralisation judiciaire d’adversaires politiques de son mentor à la présidentielle de 2019 et à instruire ses préfets d’ester en justice pour invalider les listes de l’opposition, lors des dernières locales.
En réalité, ce ministre de l’Intérieur, qui ressemble, de plus en plus à un "serial killer politique", ayant manigancé l’hécatombe ayant décimé les listes de l’opposition pour empêcher leur participation aux prochaines législatives, est disqualifié pour organiser une quelconque élection.
Cela d’autant plus qu’hormis la parenthèse du général Pathé Seck, qui n’aura passé qu’une dizaine de mois au gouvernement, le président Macky Sall nous a ramené plusieurs années en arrière, à l’ère des ministres de l’Intérieur politiciens et partisans.
Il y a fort à parier que la coalition Benno Bokk Yakaar fera tout ce qui est en son pouvoir, pour empêcher une expression libre du suffrage universel, lors du prochain scrutin, comme semble l’indiquer le zèle de l’administration territoriale à empêcher l’opposition de tenir des rassemblements ou de faire des tournées à l’intérieur du pays.
Ces tristes évènements tendent à dénaturer notre jeu politique, qui avait pourtant la réputation d’être de haut niveau.
La résistance à l’arbitraire n’est pas un délit
Si nos acquis démocratiques, fruits de décennies de luttes sont remis en cause aussi facilement par le régime de Benno Bokk Yakaar, c’est en grande partie à cause de deux décennies de libéralisme et du fait que l’activité politique se fait en marge des luttes populaires. Ils ont poussé l’outrecuidance à un point tel qu’ils cherchent à présenter d’héroïques actes de résistance contre l’oppression néocoloniale comme un délit, une infraction à leurs arrêtés et lois sur mesure confectionnés par des tailleurs juridiques, électoraux ou constitutionnels, comme l’ont brillamment démontré d’éminents juristes.
Mais si on en est arrivé là, c’est que plusieurs secteurs du mouvement démocratique national ont totalement abdiqué leurs responsabilités.
À tout seigneur, tout honneur ! Les ténors de la gauche sénégalaise, qui faisaient la fierté du peuple, autrefois chefs d’orchestre des luttes citoyennes, démocratiques et syndicales se sont mués en procureurs impitoyables des mouvements d’opposition démocratique, qu’ils diffament, à longueur de journée, alors qu’on ne peut leur reprocher qu’une seule chose : la résistance à l’oppression et à un ordre social injuste.
Cette nouvelle posture des partis progressistes a impacté la société civile, dont la contribution dans les luttes démocratiques et citoyennes ayant précédé la deuxième alternance avait été décisive. Elle semble se contenter, à présent, d’une posture d’arbitre, offrant sa médiation pour préserver la paix civile, au détriment de la justice sociale, laissant le pouvoir dérouler ses plans liberticides.
Le mouvement syndical est atteint par les virus de la léthargie et du corporatisme. Au niveau des centrales syndicales, les principaux dirigeants sont passés maîtres dans l’art de canaliser et de domestiquer les luttes spontanées des travailleurs les plus défavorisés. Ils forment une bureaucratie, désormais orpheline du soutien des cadres politiques de gauche, à la recherche effrénée et permanente de compromis avec l’adversaire de classe. Certains d’entre eux sont des présidents de conseils d’administration avec un standing de vie plus proche de celui du patronat que de celui du prolétariat, qu’ils sont censés défendre. Quant aux syndicats de base, ils mènent des luttes certes épiques mais caractérisées par un corporatisme étroit, qui semblent se désintéresser du sort des larges masses populaires laissées à la merci du pouvoir inféodé aux intérêts des patronats.
La liaison avec les masses, garante d’une lutte plus efficace
Il est temps de prendre au sérieux le rouleau compresseur de l’autocratie néolibérale en gestation, qui bénéficie du soutien franc et massif des puissances occidentales, dont certaines comptent sur notre gaz pour briser le monopole russe sur cette source d’énergie.
La seule approche électoraliste ne permettra pas de conjurer les menaces qui planent sur notre démocratie, car beaucoup de forces sociales dans notre pays, qu’elles en soient conscientes ou non, sont intéressées par la perpétuation du système politique actuel. Par ailleurs, l’hyper-présidentialisme dont bénéficie Macky Sall et que semblent occulter certaines franges de l’opposition, lui permet encore d’instrumentaliser les pouvoirs législatif, judiciaire, les forces de défense et de sécurité, qu’il semble avoir réussi à infiltrer avec un certain succès, mais aussi une grande partie de la presse.
L’opposition, quant à elle, serait bien inspirée de rompre d’avec sa stratégie exclusivement basée sur une vision de sommet, top-down, autour d’un groupe de leaders, car elle n’a aucune chance de prospérer.
Les tendances dictatoriales perceptibles dans l’arène politique mettent au premier plan, la nécessité de réformes démocratiques urgentes aussi bien sur les questions électorales que sur celles ayant trait à la refondation institutionnelle, telles qu’esquissées lors des Assises nationales.
C’est pourquoi, l’opposition gagnerait à davantage à décentraliser sa lutte à travers tout le territoire national, à se lier aux masses et à les inciter à mieux s’organiser dans des cadres de lutte appropriés sur les lieux de travail (syndicats), dans les quartiers et villages.
Cela leur permettra d’opposer une farouche résistance aux atteintes itératives aux droits et libertés et de s’impliquer encore plus dans la défense de leurs droits économiques et sociaux.
Le Sénégal n’est pas un asile psychiatrique. La raison l’emporte sur la passion. La lucidité a pris le pas sur la surdité et la radicalité. Le processus électoral se poursuit. Le peuple sera le juge de paix le 31 juillet.
Le Sénégal n’est pas un asile psychiatrique. La raison l’emporte sur la passion. La lucidité a pris le pas sur la surdité et la radicalité. Le processus électoral se poursuit. Le peuple sera le juge de paix le 31 juillet.
Le souffle du diable se dégonfle momentanément. Ça ne fera pas oublier tout de même le spectacle affligeant et la médiocrité de ces derniers temps. Les Sénégalais en sont lassés. Les points de presse soporifiques de l’opposition sont au niveau de la mièvrerie robotisée de la majorité. Les responsables politiques de tous bords ont de plus en plus l’envergure du lilliputien. Pire, ils ne sont plus capables de s’élever donnant parfois l’impression de ne pas aimer le Sénégal. Ceux qui sont aux affaires ont choisi l’ambiguïté et l’irrésolution à la clarté quant au débat rétrograde sur les mandats. NI OUI Ni NON. De leur côté, les opposants les plus farouches versent dans l’excès sans le moindre début d’une idée neuve. MORTAL KOMBAT. Nous ne voulons ni l’un ni l’autre.
Vilipendée et vouée aux gémonies à force de se discréditer, la société civile a appelé à l’apaisement et arraché des civilités à ceux qui ne savent plus être en odeur de sainteté. Sans clinquant ni artifices, les bonnes volontés ont réussi leurs bons offices. Les acteurs de la société civile ne sont pas que des rentiers de la tension. Ils font aussi du rameau d’olivier une ramure pour empêcher démesure et cassure. Les groupes de pression ont pesé de tout leur poids. Mais n’ont pas tout obtenu. Pas de bol avec les casseroles. Pour faire mal à certains tympans, le concert déconcertant a été réitéré avec moins de retentissement cette fois. Musique sans partition. De la cacophonie qui renvoie une image négative du Sénégal. Une confusion dans la confusion. Le folklore a tout de même l’avantage de dérider l’atmosphère sans augmenter la peur qui fait battre le cœur et modifie le flux sanguin.
Il reste à combattre sous toutes ses formes, la guerre civile verbale. Il faut privilégier cet art consistant à gérer les différends sans conflits et de manière civilisée. Le loup doit habiter avec la brebis. La confrontation est toujours une impasse dont la rançon est la jungle et l’anarchie. Il ne faut pas donner raison à cet ancien chef d’Etat français pour qui la démocratie est un luxe pour l’Afrique. Il nous a apostrophés. Son délire est peut-être négrophobe. Ses propos blessants. Mais ils comportent une part de vérité. À nous de répondre à cette interpellation en changeant de fusil d’épaule.
Les périls montent. L’incertitude grossit. La meilleure posture est celle de la fleur au fusil pour être apôtre de non-violence, des inconditionnels du dialogue, du respect et de la courtoisie républicaine.
« Fils prodigue de la République », Moustapha Niasse va enfin profiter d’une cure de repos. Faiseur de rois depuis 2000, son nom figurait en bonne place dans le testament politique de Léopold Senghor. Perclus au perchoir, il n’a pas échappé à son destin. Après la vie partisane, une mission quasi sacerdotale l’attend. Il a les outils pour se hisser au rang de régulateur qui parle à tout le monde dans un Sénégal de plus en plus éruptif. 2024 sera l’année de tous les dangers. Nous vivons dangereusement. L’océan est tapissé de cadavres de jeunes Africains.
Les damnés de la terre sont les damnés de la mer. Ils ne sentent plus le sol national sous la plante des pieds. L’incompétence de gouvernements de passage rongés par la corruption est la seule explication qui vaille face à la grande tragédie. Aucun voyage ne vaut une vie. Des mots qui sonnent creux devant tant de désespérance. Le ciel est chargé. La jeunesse vivante et vibrante ne voit nulle part poindre un rayon de soleil. Dépourvues du sens des priorités, les politiques publiques se montrent indigentes. Les décideurs politiques se découvrent impotents. Détresse sociale et misère humaine forment un mélange détonnant.
Par Ibrahima SENE
LES VÉRITABLES ENJEUX DES LÉGISLATIVES DU 31 JUILLET 2022
Notre peuple fait face à ces trois enjeux dans un contexte mondial de crise généralisée du Capitalisme libéral, marquée par l’extension de la pauvreté dans les grandes puissances occidentales, consécutive au chômage massif, à la précarisation de l’emploi
Ils sont de trois ordres :
1) les enjeux d’ordre politique ;
2) les enjeux d’ordre économique ;
3) les enjeux d’ordre sociétal
Notre peuple fait face à ces trois enjeux dans un contexte mondial de crise généralisée du Capitalisme libéral, marquée par l’extension de la pauvreté dans les grandes puissances occidentales, consécutive au chômage massif, à la précarisation de l’emploi, et de la paupérisation des couches moyennes, au moment où, les couches les plus riches se sont enrichies davantage de façon inouïe.
Cette crise économique et sociale, qui a plongé l’Homme dans l’ennui, les besoins et le Vice, débouchant sur une crise sociétale marquée par la perte des valeurs humaines. Les sociétés occidentales se sont déshumanisées, en cherchant à répondre à l’ennui par la légalisation de l ‘usage de la drogue, jusqu’à attribuer au chanvre indien, des vertus thérapeutiques, et pour répondre aux besoins, le crime organisé s’y est développé de façon exponentielle, quant au vice, ils ont légalisé l’homosexualité, et au nom du droit des femmes à disposer librement de leur corps, le droit à l’avortement y est instauré, faisant naître un droit, sans devoir de responsabilité ! D’où le slogan, qui rime avec la License, « accouplez-vous, sans répondre des conséquences !
Cette crise économique, sociale et sociétale du capitalisme libéral, au plan mondial a acté le retour en force de « la guerre froide » en mettant en ordre de bataille d’une part, les Etats-Unis et ses alliés occidentaux, notamment européens, et d’autre part, la Russie et la Chine, dont son option de Capitalisme d’Etat, met en cause l’hégémonie économique des Etats-Unis, au moment où, la Russie, ayant recouvert sa puissance militaire, met en cause l’hégémonie politique des Etats-Unis, et de l’Union Européenne, dans le monde, notamment au Moyen-Orient (Syrie) et en Afrique (Sahel) !
Cette guerre froide, accompagnée d’une guerre pour imposer au reste du monde leurs contre valeurs sociétales, est potentiellement déstabilisatrice pour l’Afrique subsaharienne en proie, avec le terrorisme djihadiste, et de groupes armés.
Cette menace est d’autant plus imminente, que les Etats-Unis se sont dotés d’une Loi lui permettant de sanctionner tout Etat qui coopère avec la Russie, ou la Chine, et que les Européens et leurs alliés Britannique et américain, au sein de l’OTAN, ont décidé d’élargir les compétences militaires de cette organisation, à la lutte contre le terrorisme et l’émigration clandestine ! Ce sont les pays du Sahel, qui vivent sous la menace du terrorisme, et d’où part pour l’Europe, l’essentiel des émigrés clandestins, qui sont notamment visés, comme la Libye sous Kadhafi, déstabilisée par des « forces « prodémocraties », l’a été, au prétexte de lutte pour la Défense de la Démocratie et des Droits de l’Homme !
Dans ce contexte, où le Sénégal qui refuse de s’aligner derrière les puissances occidentales dans leur croisade contre la Russie et la Chine, en continuant à coopérer avec ces pays pour réduire sa dépendance historique vis à vie de ces grandes puissances occidentales, notamment européennes, dont la France, en particuliers, et, qui n’accepte pas les nouvelles valeurs occidentales, qu’il juge contraires à ses propres valeurs africaines, ne peut être que sous le collimateur de ces grandes puissances occidentales, d’autant plus, qu’avec ses immenses réserves en gaz, qu’il a obtenu à être considéré comme « énergie de transition », l’Union Européenne, pour réduire sa dépendance au gaz Russe, et réduire le poids du nucléaire, dans sa transition vers une énergie propre, il est trivial de dire que les appétits de l’UE sur le gaz Sénégalais, sont immenses !
C’est dans ce contexte que les Législatives du 31 juillet vont se tenir au Sénégal ; ce qui devrait mettre au-devant de la campagne électorale, les véritables défis auxquels notre peuple fait face !
Ce sont, d’une part, les défis de notre souveraineté politique, économique, sociale, et sociétale, et d’autre part, ceux de la stabilité, de la cohésion sociale, et de préservation de nos valeurs culturelles et sociétales.
Cela suppose, d’abord, une campagne électorale apaisée au tour de débats d’idées sur les enjeux du monde et les défis auxquels notre peuple fait face, et, ensuite l’acceptation des résultats issus des urnes quels qu’ils soient, après recours au Conseil constitutionnel, dont les « Arrêts « devraient être considérés comme définitifs et acceptés par tous !
Notre pays devrait faire l’économie d’une crise politique qui le déstabilise, et le met à la merci des grandes puissances occidentales en croisade pour bouter, hors d’Afrique la Chine et la Russie, et pour imposer le Capitalisme libéral, et leurs nouvelles valeurs sociétales !
Que le patriotisme, et l’esprit républicain, démocratique, prévalent dans ces Législatives de tous les dangers !
PAR Madiambal Diagne
ON NE CHANGERA PAS LE VISAGE DU SÉNÉGAL POUR PLAIRE À SONKO
Comment des acteurs, précédemment en voie de participer régulièrement à des élections et qui ont présentement failli par désinvolture, peuvent-ils reprocher au système électoral, leurs propres manquements ?
Depuis le 2 février 2022, le collège électoral est convoqué pour la tenue des élections législatives le 31 juillet 2022. Ce scrutin va permettre le renouvellement de l’Assemblée nationale dont le mandat des députés arrive à terme. C’est un rendez-vous républicain conforme au calendrier institutionnel et aux exigences de la vie démocratique. Tous les préparatifs sont au point et la campagne électorale sera ouverte dès le week-end prochain. Malheureusement, comme dans chaque élection, des acteurs seront laissés en rade, n’ayant pu satisfaire aux conditions légales pour pouvoir participer à la compétition. Il n’y a donc rien de nouveau qui n’ait déjà été vécu ou expérimenté dans la marche assez éprouvée de la démocratie sénégalaise. Seulement, des voix et peut-être pas des moindres, s’élèvent pour demander le report des élections dans l’esprit, disent-elles, de permettre une participation la «plus inclusive». Une telle proposition apparaît surréaliste car on serait curieux de savoir dans quel pays au monde, tous les citoyens qui le désireraient seraient autorisés à participer aux élections nationales. Tout processus électoral est organisé, normé, de manière stricte et c’est justement cela qui rend dans un système démocratique, les citoyens égaux devant la loi et en droits.
Mais au Sénégal, de «bons esprits» préconisent de reporter les élections de juillet 2022, pour permettre à des citoyens, qui se sont disqualifiés pour s’être écartés de la loi du fait de leurs propres turpitudes ou carences, de pouvoir corriger leurs fautes, mieux, de se préparer à nouveau et revenir dans le jeu politique. Franchement quel esprit qui se voudrait tant soit peu juste, pour ne pas dire qui ne se voudrait pas hypocrite, accepterait une telle démarche ?
En effet, reporter des élections pour de tels motifs serait donner une prime à la médiocrité et au manque de sérieux et de rigueur. Pourquoi ne devrait-on pas permettre aux autres citoyens vertueux à l’aune de la loi électorale, consciencieux et rigoureux dans la préparation de leurs candidatures, d’être sanctionnés positivement, d’autant que tous les acteurs politiques ont bénéficié des mêmes conditions d’accès aux informations relatives aux élections et ont participé à tout le processus. Mieux, comment des acteurs qui, par le passé, avaient pris le soin de se mettre dans les conditions de participer régulièrement à des élections et qui ont failli cette dernière fois, par leur désinvolture, dans le respect des conditions fixées par la loi électorale, peuvent-ils reprocher au système électoral ou au juge constitutionnel, leurs propres manquements alors même qu’aucune des règles n’aurait été changée.
Dans le cas d’espèce, les listes de candidatures rejetées par le Conseil constitutionnel, juge électoral, n’ont pas principalement satisfait au respect de la parité homme/femme dans les assemblées élues. Une règle pourtant instituée au Sénégal depuis 2010, sous le magistère du président Abdoulaye Wade. Des élections législatives ont été organisées en 2012 et 2017 sur la base de la parité électorale et des élections locales en 2014, 2017 et 2022, sur les mêmes bases. Comment se fait-il alors que la coalition Yewwi askan wi (Yaw), qui se dit victime, avait pu, trois mois auparavant, c’est-à-dire aux élections locales du 23 janvier 2022, satisfaire aux exigences de la parité et se retrouver aujourd’hui à se plaindre pour avoir «commis des erreurs, des fautes fatales», pour reprendre le mot même de son leader Ousmane Sonko ? Est-il besoin de rappeler que plusieurs sessions de dialogue politique ont été déroulées pour revoir les règles de la compétition électorale mais qu’aucune formation politique n’avait estimé devoir remettre en cause la règle de la parité.
D’autres listes de candidatures ont été recalées pour n’avoir pas pu réunir le nombre de parrains nécessaires pour être qualifiées aux élections. Depuis le Code électoral de 1992, cette règle du parrainage par des électeurs existait au Sénégal pour les candidatures indépendantes alors que les formations politiques en étaient dispensées. La généralisation du parrainage citoyen en 2018 avait été une mesure plus équitable dans la compétition électorale car de nombreuses personnalités, notamment de la Société civile, se plaignaient d’une telle disposition alors que des partis politiques «cabines téléphoniques», avec des capacités moindres de mobilisation, pouvaient présenter des candidats sur la simple base d’un récépissé délivré par le ministère de l’Intérieur. Dans d’autres pays, il existe d’autres formes de parrainages. En France par exemple, ce système de parrainage par des élus rend très difficile la participation aux élections nationales et constitue un gros obstacle qui recale ou freine des ambitions politiques prometteuses. C’est d’ailleurs un combat de Jean-Luc Mélenchon qui, dans son projet politique de la 6ème République en France, préconise d’opérer une réforme du système de parrainage pour en faire un parrainage par des citoyens-électeurs.
C’est dire qu’aucun système électoral ne saurait faire l’unanimité et donc nul ne saurait privilégier les desiderata ou même les caprices circonstanciels d’un acteur politique au détriment des autres. Assurément, les responsables de la coalition Yaw ne devraient pas avoir plus de droits ou de privilèges que leurs homologues de Benno bokk yaakaar (Bby), de Wallu Senegaal, de Bunt-bi, d’Aar Sénégal, de Gueum sa bopp ou d’une toute autre coalition électorale déclarée.
Qui accepterait que le président Macky Sall s’offre un rabiot ou un «mandat cadeau» ?
En vérité, les tenants de la thèse de la nécessité d’un report des élections législatives invoquent le souci de ramener la paix dans le climat politique. En effet, voudrait-on céder à des menaces, à des chantages à la violence, proférés par Ousmane Sonko et ses alliés de la coalition Yaw ? Si chaque fois qu’un acteur politique arrivait à semer le désordre et des troubles en mobilisant des groupes de partisans, on devrait remiser au placard la vie des institutions et le processus électoral, on ferait le deuil de la démocratie dans notre pays. D’ailleurs, ce serait instaurer le désordre et le chaos si ceux qui pourraient arriver, plus que d’autres, à faire peur, imposaient leurs volontés et s’affranchissaient des règles communes. La tension politique ambiante est bien moins aiguë que les situations vécues au Sénégal en 2012, 1993, 1988, 1983 ou 1962, et pour autant les élections avaient été, à chaque fois, tenues à bonnes dates.
Le président Macky Sall a d’ailleurs fini de trancher définitivement la question en indiquant, sur tous les tons, que les élections se tiendront à date prévue, c’est-à-dire le 31 juillet 2022. On peut alors considérer les demandes de report comme des élucubrations qui cependant, appellent à être fustigées sans concession. La proposition de repousser les élections législatives apparait comme dangereuse, nocive pour le système démocratique, et provoquerait le chaos qu’elle prétendrait éviter. En repoussant les élections de juillet 2022, on instituerait une Assemblée nationale qui tiendrait sa légitimité de la seule volonté d’une autre institution, le président de la République. Mieux, quelle serait la légitimité des députés dont le mandat aura été prolongé par le président de la République ?
Toutes choses égales par ailleurs, ne crierait-on pas au coup d’Etat si le même président de la République, dans les mêmes formes et conditions, décidait de prolonger son mandat d’une quelconque durée ? Au demeurant, quelles sont les circonstances exceptionnelles engendrant un chaos généralisé au Sénégal, qui amèneraient le président de la République à «prendre une loi d’exception» ? Que Dieu nous en garde car le Sénégal ne se relèverait pas de sitôt d’une telle situation ! En France, cette situation avait été vécue en 1940 avec le Maréchal Pétain qui était à la tête d’un pays envahi et occupé par l’Allemagne nazie. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo avait pu bénéficier d’un «mandat cadeau» en faisant reporter, d’une année à une autre jusqu’en 2010, l’élection présidentielle qui était prévue pour l’année 2005. Le pays était en proie à une féroce guerre civile.
Du reste, les voix qui demandent le report des élections législatives au Sénégal, avaient été les mêmes qui demandaient, en 2019, le respect scrupuleux du calendrier électoral quand il s’était agi de reporter les élections locales. C’est dire simplement que ceux qui demandent le report des élections le font simplement pour permettre à Ousmane Sonko de pouvoir postuler à la députation, une opportunité qui lui a échappé du fait des turpitudes de son propre camp politique.
Macky Sall refusait une année de plus à Wade en 2012
On a noté la dernière sortie de Me Doudou Ndoye qui apporte sa voix au concert très peu audible du reste, demandant le report des élections législatives. On peut sourire en relisant l’édition du journal Walfadjri du 20 mars 2002 sous la plume de Momar Dieng. Me Ndoye qui préconise le report des élections prochaines, parce que la loi électorale est imparfaite et que le Conseil constitutionnel aurait mal jugé, disait, le 19 mars 2002, qu’en dépit du fait que le processus électoral n’était pas conforme à la légalité et le juge électoral était disqualifié, son parti l’Union pour la République allait participer aux élections. Il avait également continué à faire les mêmes constats et prenait pour autant part aux joutes électorales en tant que candidat à la présidentielle en 2007 et en 2012. C’est dire !
Pour sa part, en 2012, le président Macky Sall avait clairement indiqué qu’il combattait farouchement la candidature de Me Wade à l’élection présidentielle mais que si d’aventure le Conseil constitutionnel, qui a la mission de juger de la recevabilité des candidatures, acceptait celle du président Wade, il irait l’affronter et le battre dans les urnes. Cette posture avait valu à Macky Sall d’être mis au ban d’une bonne frange de l’opposition qui continuait de se rassembler à la Place de l’Obélisque. Macky Sall était ainsi accusé de «traitrise» ou d’être le «plan B de Wade» sur tous les murs du Sénégal couverts de graffitis. Il avait pris acte de la décision du Conseil constitutionnel, autorisant la candidature du Président sortant et avait démarré sa campagne électorale qui finira par être victorieuse. D’autres candidats travaillaient sur un autre schéma, encouragés en cela par des acteurs de la Société civile sénégalaise qui avaient bénéficié du renfort de l’ancien Président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, dépêché à Dakar pour essayer de calmer le jeu politique. C’est ainsi qu’il avait été préconisé un report de quelques mois de l’élection présidentielle, pour permettre au Président Wade de «quitter le pouvoir sans perdre la face» en acceptant de ne pas se représenter. Pour la petite histoire, le candidat Macky Sall était l’un des rares à opposer une fin de non-recevoir à ce projet. C’est ainsi qu’il avait demandé à Me Alioune Badara Cissé et Samba Diouldé Thiam de le représenter à une conférence de presse organisée par le patron du groupe Walfadjri, Sidy Lamine Niasse, qui dénonçait ce projet qu’il considérait comme funeste et porteur de gros dangers pour le Sénégal. Le texte introductif à cette conférence de presse avait été rédigé par Abou Abel Thiam qui était sur le terrain de la campagne, dans la caravane de la coalition Macky2012. Le projet de report de l’élection avait été tué dans l’œuf et le président Obasanjo bouda et reprit son avion, surtout que son hôtel avait commencé à être assailli par des manifestants hostiles à toute idée de report de la Présidentielle.