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30 avril 2025
Opinions
Par Babacar DIOP
GEORGE FLOYD RAPPELLE AUSSI LA GRANDEUR DE LINCOLN
Lincoln a affronté l’épreuve de la Guerre civile en mettant la question de l’égalité au cœur du conflit. Il travailla à la sauvegarde de l’Union et à la libération des esclaves.
Pendant la lutte pour l’indépendance des colonies américaines, Johns Adams, deuxième président des États-Unis, disait à l’endroit de l’Empire britannique : « Nous ne voulons pas être traités comme des nègres !» (Losurdo, 2006 :63).
Cette déclaration scandaleuse suffit pour démontrer que la démocratie américaine, tant chantée, excluait de fait et de droit les Noirs qui étaient incapables de dépasser le statut d’esclave et de subordonné. Nous pouvons aussi rappeler que George Washington avait exclu les Noirs de la Continental Army en 1775 et Thomas Jefferson avait signé en 1802 un texte de loi interdisant aux Noirs le transport du courrier postal. C’est dans cette culture américaine fondée sur la domination raciale qu’Abraham Lincoln sera élu sixième président des Etats-Unis en 1860.
Son élection a eu pour conséquence directe, l’éclatement de la Guerre civile américaine, parce que les États du Sud esclavagiste craignaient les idées progressistes et abolitionnistes de Lincoln. Ce dernier eut le courage de dire à ses compatriotes, incapables d’entendre la voix de l’égalité : « Si l’esclavage n’est pas injuste, alors rien n’est injuste » (S.B. Oates, 2010 :113).
Lincoln a affronté l’épreuve de la Guerre civile en mettant la question de l’égalité au cœur du conflit. Il travailla à la sauvegarde de l’Union et à la libération des esclaves. C’est pourquoi, il est considéré comme l’auteur de la « Proclamation d’émancipation » des Noirs promulguée le 1er janvier 1863.Il abolit l’esclavage sur l’ensemble du territoire des États-Unis.
Après avoir apposé sa signature sur le document le plus révolutionnaire de l’histoire de la nation américaine, il prononça ces paroles à l’endroit de ceux qui l’entouraient : « Si mon nom entre jamais dans l’Histoire, ce sera pour cet acte » (S. B. Oates, 1984 :406). Après sa réélection à la présidence en 1864, craignant que sa « Proclamation d’émancipation » des Noirs soit ultérieurement invalidée par les tribunaux ou annulée par un nouveau Congrès ou une nouvelle administration, il mettra toute son énergie dans l’adoption du Treizième amendement à la constitution qui interdirait toute velléité de revenir sur l’émancipation des esclaves.
Le 31 janvier 1865, la Chambre des représentants adopta l’amendement historique qui abolit définitivement l’esclavage en Amérique. L’homme était profondément respectueux de la dignité humaine.
Le 04 avril 1865, Lincoln se rendit à Richmond pour rencontrer la communauté noire qui vivait dans la ville. Un vieil homme d’une soixantaine d’années tomba à genou, suivis d’autres Noirs pour le remercier de la liberté qu’il avait apporté à leur peuple. Lincoln leur dit avec fermeté : « Vous ne devez vous agenouiller que devant Dieu » (B. Quarles, 1962 :212).
Compte tenu de tout ce qui précède, Lincoln apparaît dans l’histoire comme un homme qui a œuvré pour la libération des Noirs. Les esclavagistes ne lui pardonneront jamais ses idées égalitaristes. Le 14 avril 1865, au théâtre Ford de Washington, la main assassine de John Wilkes Booth ouvra le feu sur Lincoln. Les esclavagistes guérissent difficilement de la folie de la suprématie raciale.
En réalité, ce sont les descendants de John Wilkes Booth, ravagés encore et toujours par le venin de la haine qui ont tiré sur Malcom X, le 21 février 1965 et sur Martin Luther King, le 04 avril 1968. Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui ont tué George Floyd, le 25 mai 2020. La mort de Lincoln fut un grand choc pour l’humanité. Les Noirs américains chantent dans un vieux negro spiritual : « Le Christ est mort pour notre Rédemption et Lincoln pour notre Libération » (B. Quarles, 1962 :220).
Le 13 mai 1865, Karl Marx et l’Association internationale des travailleurs adressent une lettre de condoléances au président Johnson. Cette lettre brosse un portrait juste de Lincoln : « Il fut l’un des rares ayant réussi à devenir un grand homme sans cesser d’être bon. La modestie de cet homme, grand et brave, était telle que le monde n’a découvert qu’il était un héros qu’après qu’il soit mort en martyr ». (K. Marx/A. Lincoln, 2012 :238).
En France, trois mille étudiants défilèrent devant la légation des États-Unis pour honorer la mémoire de cet humaniste que fut Lincoln. Les élèves des écoles écrivirent une lettre d’hommage à la mémoire du grand héros de l’égalité. En 1908, dans une région sauvage et reculée du Nord-Caucase, en pleine Russie des Tsars, Léon Tolstoï, le grand écrivain de l’époque, est l’hôte d’un chef tribal « vivant loin de toute civilisation dans les montagnes ».
Ce chef, qui avait rassemblé ses proches, demandait au savant qui était de passage de leur raconter la vie des hommes illustres de l’Histoire. Tolstoï leur parla d’Alexandre le Grand, de Jules César, de Napoléon Bonaparte, de Fréderic le Grand. Constatant que la rencontre touchait à sa fin, le chef se lève pour dire qu’il regrettait qu’on n’ait rien dit sur Lincoln, un grand héros dont le pays qu’il habitait s’appelait l’Amérique. Il dit à Tolstoï : « Dites-nous pourquoi Lincoln a été tué ?».
Léon Tolstoï fut ému par ces frustes barbares qui se passionnaient pour un homme qui habitait un pays lointain et était mort depuis des décennies. Il leur parla de Lincoln et de son honnêteté légendaire. Tolstoï évoqua que la supériorité de Lincoln réside dans sa force morale et la grandeur de son caractère : « Washington était un Américain type.
Napoléon était un Français type, mais Lincoln était un humaniste aussi grand que le monde. Il était plus grand que son pays, plus grand que tous les présidents réunis » (D. K. Goodwin, 2012 : 332). Au moment de conclure, Tolstoï, le grand humaniste, l’un des plus grands écrivains de la littérature universelle, dit à ces hôtes qui vivaient dans les montagnes reculées du Nord-Caucase : «La grandeur de Napoléon, César ou Washington n’est qu’un rayon de lune à côté du soleil de Lincoln » (B. Vincent, 2009 :372). Le lendemain, tandis que Tolstoï se prépare à rentrer, ils lui demandent de leur procurer un portrait de Lincoln. Il ne tardera pas à satisfaire cette doléance, parce qu’un des ses amis avait chez lui une grande photographie de Lincoln.
Cette belle histoire humaine a continué son chemin jusqu’à mon Sénégal natal. Depuis plusieurs années, j’ai accroché un portrait de Lincoln sur le mur de mon bureau de travail, à côté de ma bibliothèque. Le regard bienveillant du vieil homme me rappelle à tout instant que chaque génération doit renouveler la lutte pour l’égalité.
Dr Babacar Diop
par l'éditorialiste de seneplus, Tidiane Sow
LE GÉNÉRAL ET LA VÉRITÉ DE LA GUERRE
EXCLUSIF SENEPLUS - L’exécutif semble céder à chaque coup de boutoir. On en revient à là où on aurait dû commencer : informer, sensibiliser, responsabiliser et rester derrière le peuple
Souvenons-nous de nos westerns favoris : quand la cavalerie charge, le général est sur le côté. Plus le grade est élevé, plus le gradé est loin derrière les troupes. Cela n’a rien à voir avec le courage ni avec la bravoure. C’est la loi de la guerre. C’est le général qui a le plan de la bataille, il doit être à l’abri.
Rappelons aussi la qualité principale d’un homme politique selon Mitterand : l’ indifference ; une fois la voie tracée disait-il, il ne fallait pas s’arrêter aux états d’âme subalternes, il fallait être indifférent aux jugements éphémères, aux coteries, aux manipulations, aux jalousies. Enfin, il assénait qu’il fallait avoir la nuque raide pour ce qu’on estimait juste.
Les gens regarderont toujours dans le rétroviseur et tireront des enseignements à posteriori. Le biais rétrospectif peuple les places publiques.
Dans cette guerre qu’il avait déclarée à la Covid-19, la place du président aurait été meilleure derrière nous autres fantassins, les citoyens. Il a pris le risque d‘essuyer toutes les éclaboussures à la moindre anicroche en se mettant devant et en multipliant des gestes qui, aujourd’hui, pourraient apparaitre comme des maladresses : suppression du poste de Premier ministre, réquisition de tous les pouvoirs, mise en scène devant des sacs de riz, etc.
Le discours du 11 Mai fût un tournant. Ce fût un énoncé chaotique. La parole manqua de richesse, le ton d’espoir, et les questions de réponses fermes. Les lobbies semblaient continuer d’imposer leur diktat à un exécutif qui en la circonstance concentrait pourtant tous les pouvoirs.
Le président apparut fatigué, mal à l’aise. L’aplomb de ses premiers discours avait disparu. La façon lente dont il débitait les mots pouvait trahir qu’ils n’étaient ni dans son esprit, ni dans son coeur. A nous citoyens à qui il s’adressait, ils ne furent pas plus dans notre coeur, ni dans notre esprit. Une phrase malheureuse sonna le glas de nos espoirs : “il nous faut apprendre à vivre avec le virus” : le contraste était saisissant avec le slogan “Nous sommes en guerre” des premiers jours de la maladie.
Le président a peut-être écouté trop de monde. La meute, comme les chiens sauvages a fini par attaquer sa politique, chaque chien lui arrachant un lambeau ; cela commença par quelques religieux qui obtinrent l’ouverture des mosquées. Puis les commerçants s’engouffrèrent dans la brèche ouverte pour exiger l’ouverture des marchés. La diaspora, avec une rare ténacité, obtint contre l’avis de la justice et de son ministre de tutelle, le rapatriement de ses morts au pays. Puis vinrent les enseignants qui obtinrent à la dernière minute le report sine die de l’ouverture des classes, après avoir été laborieusement convoyés aux quatre coins du Sénégal. Une heure avant ce report, le ministre de l’Education nationale assurait que tout était fin prêt pour l’ouverture du lendemain. Les jeunes rognèrent sur le couvre-feu en brûlant quelques pneus épars dans les rues désertes et enfin les transporteurs n’eurent qu’à hausser légèrement le ton pour faire sauter le verrou de l’interdiction du transport interurbain et obtenir ainsi gain de cause.
L’exécutif semble céder à chaque coup de boutoir. Le peuple, jusqu’alors tétanisé par la peur du virus, a compris le message : “Nous devons vivre avec le virus”. On en revient là où on aurait dû commencer : informer, sensibiliser, responsabiliser et rester derrière le peuple.
Les récentes mesures prises ne passèrent point pour ce qu’elles furent - à savoir un allègement des mesures sanitaires au profit d’une reprise économique - mais pour ce qu’elles paraissaient être, à savoir une reculade devant des protestations catégorielles du peuple. Des moussaillons, sans grande influence à priori, sous l‘effet de menaces à peine voilées ont contraint le pouvoir à reculer.
La grandeur des hommes politiques se révèle surtout en période de crise. Elle ne consiste pas toujours à occuper un poste ou un employ, dit-on. Elle consiste surtout à avoir une vision, à la vivre et ne pas craindre d’être mal compris.
Elle exige une communication impeccable, de l’originalité, de la coordination et du courage. Maintenant, les citoyens sont devant, à l’assaut de la maladie, à la place qu’il faut, celle où ils auraient dû être depuis le début. A eux d’exercer avec discernement leur responsabilité : celle de respecter les mesures barrières et de ne pas abdiquer.
Dr Tidiane Sow est Coach en Communication Politique
Qui l’eût cru ? Ainsi il est possible qu’un chef d’Etat africain reste quatre bons mois sans sortir de son pays ? Le virus a administré la preuve que ces interminables et coûteux déplacements ne sont ni utiles ni nécessaires, sauf dans des cas spécifiques
Qui l’eût cru ? Ainsi il est possible qu’un chef d’Etat africain reste quatre bons mois sans sortir de son pays ? Sans utiliser ce moyen onéreux, pompeusement appelé sous nos tropiques en mal d’autorité légitime, «avion de commandement», là où ses concepteurs et usagers se limitent à parler d’avion présidentiel. Même la notable exception que constitue l’avion du président des États-Unis d’Amérique a une explication plutôt terre à terre.
Air force One est juste un indicatif d’appel de tout aéronef de l’armée de l’Air dans lequel se trouve le président américain, qui devient «Marine One» quand il est à bord d’un appareil de la Marine. Certains pays, dont la Mauritanie voisine, ont opté pour l’utilisation d’un appareil réaménagé de la flotte de leur compagnie nationale qui est remis dans le circuit commercial dès la fin du voyage présidentiel.
Tout le contraire des pratiques de sous puissances locales qui, entre deux virées intersidérales, n’hésitent pas à dépanner des collègues moins bien lotis, ou à faire la navette entre les capitales africaines pour prendre en stop, des premières dames et des sportifs en quête de visibilité et de succès. Quand ce ne sont pas les courses à Paris, Dubai, Makkah, qui mobilisent l’avion de «commandement.»
Evidemment , il n’y a pas de voyage officiel sans délégation toute aussi officielle, même si on y dénombre quelques accointances du «commandement» préposées à des missions et à des tâches non renseignées .Tout ce beau monde logé, nourri et «perdiemisé» coûte énormément au contribuable, véritable «underdog», plèbe, ou badolos, bons pour entretenir les maîtres d’hier comme d’aujourd’hui, véritables oligarques, ploutocrates, flanqués de technocrates et d’experts en tous genres, et à usages multiples. Ceux et celles qui n’ont pas pu voyager à bord du saint des saints dans le sanctuaire du «commandement» en compagnie du Commandant en chef suprême, le feront par vol commercial. Ils se hâteront cependant de rejoindre la délégation où ils bénéficieront du même traitement que les veinards ayant fait le déplacement avec le «Boss».
Les frais de mission seront facturés doublement, à la signature du patron et à leur service sur la base d’un ordre de mission dûment concocté et soumis à leur signature. Si des contrats sont signés, les retombées ne tomberont pas à côté...pour ce genre de mission bien remplie ! Combien de milliards ont été «épargnés» en cette période de fermeture des frontières et d’immobilisation de la flotte des chefs d’Etat africains?
A considérer une quarantaine d’avions destinés aux déplacements des Présidents africains et de leurs camarillas, il y a de quoi doter et faire fonctionner une compagnie aérienne panafricaine, avec des échanges et des économies d’échelle inestimables, véritables accélérateurs d’intégration continentale.
Sans compter que les frais de stationnement dans des aéroports hors de prix, les révisions périodiques, renchérissent les coûts occasionnés par nos demandeurs d’aide. Les chefs d’Etat africains gagnent plus que leurs donateurs et mènent un train de vie impensable pour ceux-ci, assujettis qu’ils sont à une exigence légale et morale de redevabilité jusqu’à la limitation de l’origine et de la nature des cadeaux qu’ils sont autorisés à recevoir.
Le virus a administré la preuve que ces interminables et coûteux déplacements ne sont ni utiles ni nécessaires, sauf dans des cas spécifiques bien sûr, pour se réunir ou emprunter de l’argent ou passer des marchés. Ces « activités » n’ont du reste jamais cessé pendant ces quatre mois de confinement. On a emprunté, négocié la dette, organisé des élections, prodigué, (surtout reçu) des aides, organisé des évacuations et des rapatriements, refoulé ou recueilli des immigrants, assassiné des individus et des populations, manifesté et contre manifesté, réprimé et emprisonné à tout va...
Ce « connard » de virus a fait plus et mieux que toutes les préconisations et imprécations des «partenaires au développement». Il a triomphé là où les revendications et dénonciations politiques, syndicales ou citoyennes se sont heurtées à l’arrogance et au mépris des régents.
Désormais, les institutions de Bretton Woods, Organisation des Nations unies et ses agences, la communauté des « bailleurs » de fonds n’auront plus d’excuses pour cautionner les dérives fastueuses des dirigeants africains dont ils ont jusqu’ici encouragé le train de vie dispendieux et les frasques, étant entendu que leurs pays récupèrent doublement la mise, sous formes d’intérêts, de marchés captifs, et de destination d’investissements et de shopping des addictions de ceux qui consomment à outrance, sans se soucier de produire. Et si l’après covid commençait par là ?
LU BEES PAR RENÉ LAKE ET OUSSEYNOU NAR GUEYE
VIDEO
L’HONORABLE FAIDHERBE...
EXCLUSIF SENEPLUS - Doit-on célébrer les héros de la colonisation au Sénégal ? Doit-on célébrer les leaders racistes de la guerre civile aux Etats-Unis ? Héritage historique ou célébration de l'horreur ? Néo-colonialisme ou universalisme ?
René Lake et Ousseynou Nar Guèye |
Publication 17/06/2020
Lu Bees avec René Lake à Washington et Ousseynou Nar Gueye à Dakar.
Ousseynou Nar Gueye revient sur la demande de certains membres de la société civile à Saint-Louis de débaptiser le pont Faidherbe et de déboulonner sa statue trônant dans la ville. Et il s'interroge : quelle place pour les noms des personnages sénégalais et africains à donner aux rues, places et monuments ?
De son côté, René Lake indique que ce même débat d'actualité au Sénégal est également à l'ordre du jour aux Etats-Unis et encore plus depuis le meurtre de George Floyd. Il est contre le fait d'honorer les auteurs de crimes contre l'humanité que ce soit le colonisateur français ou encore les sudistes racistes en Amérique.
La réalisation et le montage de ce talk hebdomadaire du mercredi sont assurés par Boubacar Badji.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
FAIDHERBE OU L’INSULTE MÉMORIELLE (1/2)
EXCLUSIF SENEPLUS - Les Ndar-Ndar ou autres Sénégalais qui tiennent encore à lui, doivent être édifiés sur ce personnage inhumain qui, nonobstant ses crimes abjects, continue de fasciner une partie de la descendance de ses victimes
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 16/06/2020
La mort par asphyxie du Noir américain Georges Floyd aux Etats-Unis plus précisément à Minneapolis, a provoqué un peu partout dans le monde, des vagues d’indignations et de protestations. Elle a réveillé en Europe et aux Etats-Unis, ce sentiment antiraciste assoupi qui a débouché sur le déboulonnage de plusieurs statues de figures historiques esclavagistes et colonialistes qui trônent avec morgue dans plusieurs villes.
Le 7 juin 2020, plusieurs milliers de manifestants furax ont déboulonné la statue d’airain du marchand d’esclaves britannique Edward Colston à Bristol, ville du sud-ouest de l’Angleterre, érigée en 1895. Ils l’ont roulée sur plusieurs mètres dans la rue éponyme avant de la jeter dans la rivière Avon.
Le général britannique Edward Cornwallis, connu pour les sévices et mauvais traitements qu’il infligeait aux Amérindiens est tombé de son piédestal 240 ans après sa mort.
En Belgique, ce sont les statues de Léopold II de Belgique, symbole du colonialisme le plus monstrueux, qui ont été attaquées et vandalisées dans plusieurs villes (Tervuren, Hal, Ostende et Ekeren). Ce dernier a mené alors à la baguette l’exploitation du Congo au prix d’une répression sanguinaire avec la mise en place d’un véritable système d’esclavage s’appuyant sur le travail forcé et par la terreur. On vous épargnera les détails des atrocités et des actes de torture inhumains se traduisant par des mains coupées pour contraindre les populations rétives du Congo (actuel RDC) au travail et les 10 millions de Congolais qu’il a exterminés en 23 ans.
A Boston (Massachussetts), une statue de l’explorateur italien Christophe Colomb a été décapitée dans le parc qui porte son nom. A Miami (Floride), des statues qui portent son effigie ont subi la rage des manifestants qui les ont complètement badigeonnées.
A Richmond en Virginie, une statue de Jefferson Davis, le président des Etats confédérés pendant la guerre de Sécession qui a opposé le Sud au Nord abolitionniste de 1861 à 1865, a été déboulonnée. Dans cette même localité, c’est la statue du général sudiste Williams Carter Wickham, esclavagiste, qui a été basculée à terre.
Le 12 août 2017, la statue du général sudiste Robert Edward Lee, pro-esclavagiste, située à Charlottesville, en Virginie, qui a été démantelée dans un climat de tension (entre néo-nazis, suprématistes blancs et antiracistes), a débouché sur un mort et plusieurs dizaines de blessés.
A Prague et à Londres, les statues du Premier ministre britannique Winston Churchill ont été taguées.
Déjà le 9 mars 2015 à l’Université du Cap en Afrique, des étudiants réunis dans le mouvement « Rhodes must fall » (Rhodes doit tomber) demandaient le retrait de la statue de Cecil Rhodes, érigée en 1934 à l’entrée du campus. Après une bataille intense, le 9 avril 2015, la statue de l’archétype du colonialiste anglais et de l’oppression des Blancs sur les Noirs est déboulonnée.
On pourrait citer à l’infini les statues de figures de personnalités historiques racistes, esclavagistes ou colonialistes qui sont en train de subir leurs derniers instants en station debout. Mais si nous avons évoqué toutes ces statues déboulonnées et détruites, c’est pour mieux aborder celle du colon-gouverneur sanguinaire Faidherbe qui trône avec morgue à l’entrée de l’île de Ndar. Je préfère utiliser le mot « Ndar » qui véhicule notre identité propre plutôt que Saint-Louis qui fait référence au Roi croisé de France Louis IX, lequel régna en France de 1226-1270. Même s’il a été une figure légendaire de l’histoire de France et de la Chrétienté jusqu’à prendre le nom de Saint-Louis, même s’il a été un modèle du prince et du chevalier soucieux de l’ordre et de la justice, cela ne doit pas constituer des critères éligibles pour débaptiser Ndar et lui donner le nom d’un souverain de France dont la majeure partie des Sénégalais ignore l’histoire.
Indubitablement, des esprits chagrins, qui vivent encore dans les tréfonds de leur subconscient le colonialisme comme un bienfait, se lèveront pour défendre un soi-disant patrimoine de l’histoire de notre pays. Mais, Faidherbe, loin d’être un patrimoine, symbolise une blessure mémorielle qui, à chaque minute de sa station, suinte ses ignominies indélébiles et exhale ses cruautés fétides.
Depuis fort longtemps, des intellectuels intrépides comme Khadim Ndiaye, Abdou Khadre Gaye Emad et d’autres se sont levés pour exiger le démantèlement de la stèle faidherbienne de Ndar. Si certains Ndar-Ndar et autres Sénégalais, nostalgiques du colonialisme, s’opposent mordicus à toute idée de déboulonnement du plus sanguinaire colon que le Sénégal ait jamais connu, il faut souligner que d’autres Sénégalais ont fait du combat « Faidherbe doit tomber » une œuvre de citoyenneté, de souveraineté, de rectification et d’assainissement de l’histoire du Sénégal ternie par 11 années sanglantes de présence du gouverneur de Ndar sur le territoire sénégalais. Ce tortionnaire sans pitié a dirigé la colonie Sénégal en usant du fer, du feu et de la faim contre les populations rebelles pour obtenir du sang, de la sueur et des larmes. Une chose est sure : l’histoire réelle de Louis-Léon César Faidherbe n’a jamais été enseignée aux Ndar-Ndar voire aux Sénégalais qui se prosternent encore devant sa statue suintante de sang et des larmes séculaires de nos grands-pères résistants.
Aujourd’hui, tout un tas de mythes (mensonges au sens grec du terme) est construit autour de Faidherbe. Certains de ses admirateurs soutiennent naïvement que c’est le père de l’Etat moderne du Sénégal pour qu’on lui trouve une statue, une place et un pont baptisés en son nom. Même dans la capitale Dakar, Faidherbe est plus que vénéré avec une avenue célèbre, un hôtel et une pharmacie qui portent son nom. Heureusement que Iba Der Thiam, devenu ministre de l’Education sous le règne d’Abdou Diouf, a débaptisé, avec son projet « Ecole nouvelle », le lycée Faidherbe en lui donnant le nom du marabout-guerrier Cheikh Omar Foutiyou Tall.
Ce qui sous-tend le jumelage servile Ndar-Lille matérialisé depuis 1978, c’est parce que Louis-Léon César Faidherbe, y a vu le jour le 3 juin 1818. D’ailleurs pour lui rendre hommage, une statue équestre, située sur la place Richebé à Lille, y a été érigée depuis en 1896. Si au Sénégal certains anticolonialistes, minoritairement, portent inlassablement le combat « Faidherbe doit tomber », en France, l’association Survie Nord, le Collectif Afrique, l’Atelier d’histoire critique, le Front uni des immigrations et des quartiers populaires et le Collectif sénégalais contre la célébration de Faidherbe se battent pour déboulonner ladite statue, symbole de la pérennisation et de la valorisation de l’entreprise de négation humaine appelée pudiquement colonisation. C’est pourquoi, lors du bicentenaire de la naissance où Lille célébrait Faidherbe pour avoir résisté et défendu « courageusement », pendant trois mois, la France de l’invasion prussienne en 1870, ces associations susnommées ont dénoncé l’invasion africaine pendant plusieurs décennies dudit Général, patriote chez lui et bandit en Afrique. Ainsi elles ont demandé « le retrait de la statue de Louis Faidherbe et de tous les symboles qui glorifient le colonialisme dans les espaces publics lillois et qu’à leur place, hommage soit rendu aux victimes de la colonisation et à celles et ceux qui y ont héroïquement résisté ».
Aujourd’hui, rien ne s’oppose à ce que la statue provocante du sanguinaire Faidherbe soit déboulonnée et jetée à la mer. Pour certains esprits, Faidherbe est avec Mame Coumba Bang, les mânes protecteurs qui veillent sur Ndar. Que ceux-là qui défendent nostalgiquement le persécuteur de leurs grands-pères nous disent pourquoi, dans la nuit du 13 au 14 août 1983, les autorités sénégalaises ont fait enlever la statue de Faidherbe se trouvant en face du palais de la présidence de la République, dans le jardin du bâtiment qui abrite l’actuelle maison militaire de la présidence ? C’était une insulte à l’endroit de notre souveraineté incarnée par le palais présidentiel.
Les Ndar-Ndar ou autres Sénégalais qui tiennent encore à grand-père Faidherbe, parce qu’ignorant que ce dernier a massacré, au nom de la pacification et de la mission civilisatrice des races inférieures par celles supérieures, leurs vrais grands-pères, doivent être édifiés sur ce personnage inhumain qui, nonobstant ses crimes abjects, continue de fasciner une partie de la descendance de ses victimes.
EXCLUSIF SENEPLUS - Faire des réalisations viables et durables pour sa collectivité nationale ou territoriale, ne doit pas être pour un homme ou une femme politique, un motif de fierté, de gloire ou de fanfaronnade
Faire des réalisations viables et durables pour sa collectivité nationale ou territoriale, ne doit pas être pour un homme ou une femme politique, un motif de fierté, de gloire ou de fanfaronnade imméritée/injustifiée. C’est un devoir, une nécessité qui lui incombe. C’est donc le contraire qui aurait plutôt surpris, étonné. Car, quand il/elle sollicite, avec un sourire commercial (i.e bien calculé et intéressé) les suffrages de ses concitoyens ou des populations de sa commune, c’est parce qu’il/elle se sent en mesure de répondre concrètement à leurs attentes et à leurs aspirations profondes. Du moins, c’est la promesse qu’il leur fit pendant la compagne électorale. Accordez-moi vos suffrages et je répondrai à vos besoins d’accès aux services de base. Par contre, ce qu’il feint de leur dire, c’est qu’il accède facilement à la richesse pendant que les populations peinent à avoir à leur tour, accès aux services sociaux de base, et que les moyens dont il se sert pour répondre à leurs attentes et aspirations, ne sont pas tirés de sa poche et de ses économies personnelles. C’est de l’argent public et donc du contribuable sénégalais. Peut-être, a-t-il un cœur de pierre et non de chair, un dessein inavoué et sombre pour exploiter son peuple. Sinon pourquoi la politique est devenue le raccourci le plus sûr pour s’enrichir et enrichir ses proches ? Pourquoi ne se préoccupe-t-il pas de la prochaine génération mais toujours de la prochaine élection ? Pourquoi s’obstine-t-il tant à vouloir frapper les esprits et non à marquer son temps de son empreinte indélébile ? Frapper les esprits ne relève-t-il pas de l’évènementiel, du sensationnel, de l’éphémère, du superficiel alors que marquer son temps relève du durable et donc de l’utile ?
Répondre aux questions ci-dessus impose ou du moins devrait contraindre et ordonner à tout homme ou à toute femme politique d’être humble, modeste. Ne nous apprend-on pas que l’humilité/la modestie c’est de l’or, du diamant ? L’homme n’est donc plus le remède de l’homme ? Pourquoi oublier comme nous le rappelle Seydou Bodian (InSous l’orage) que l’homme n’est rien sans les hommes, il vient dans leurs mains et s’en va dans leurs mains ?
O toi homme politique : qui es-tu pour te croire suffisant ? Qui es-tu pour clamer si bruyamment que tu n’as pas besoin de conseils ? Qui peut véritablement s’enorgueillir de n’avoir pas besoin de conseils en ce monde ? Et pourquoi tant d’orgueil si mal placé. Un homme ou une femme politique doit-il/elle faire preuve d’une telle dose d’insolence, d’arrogance et de suffisance ? Le champ politique n’est-il pas par excellence un espace ouvert aux débats d’idées et à la contradiction ?
Le politicien aura beau amasser des richesses ici-bas, il ne les emportera pas dans sa tombe, encore moins dans l’au-delà. Il aura beau construire villas, immeubles et réussi à collectionner des voitures de luxe, il laissera tout derrière lui. Et pour ne pas laisser à sa famille, des regrets post-mortem, il doit chaque jour, pendant qu’il est encore en vie, implorer le Tout-Puissant pour que son héritage ne divise pas sa progéniture comme c’est souvent le cas. Doit-il alors se nourrir de la misère de son peuple ? (Ndax rongoniou baadola, war naa siim cerey buur) ? Ne serait-il pas le plus court moyen de voir les portes du ciel se refermer devant lui ? Se nourrir de la misère de son peuple ne ferait-il pas retomber la colère divine sur sa progéniture ?
Qui ne se rappelle Jean-Bédel Bokassa, Joseph Désiré Mobutu, Ahmet Sékou Touré et plus récemment Pierre Nkurunziza ? Pierre Nkurunziza n’avait-il pas un agenda caché à la Kabila ? Mais ce qui est encore plus marrant, c’est qu’Ahmet Sékou Touré avait froissé le général De Gaulle (celui-ci s’était senti si humilié et froissé qu’il avait oublié son képi en repartant) à travers son téméraire et historique refus : « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ». Ce qui n’aura pas empêché à son magistère d’être fortement entaché par les atrocités (50 000 morts) du funeste Camp Boiro.
A tous ces anciens dirigeants, nous souhaitons bien-sûr, la miséricorde divine. Mais, pourrions-nous manquer de nous demander si leurs disparitions ne devraient pas nous interpeller, nous pousser à nous interroger sur le retard du Sénégal alors au même niveau de développement que la Corée au lendemain de la deuxième guerre mondiale ? Or, il y a un fossé qui sépare maintenant le Sénégal de la Corée. Pourquoi ce retard de notre pays et de l’Afrique en général ? Pourquoi ne pas partir de nos erreurs passées pour améliorer le quotidien de nos concitoyens ? Pourquoi s’entêter à retomber dans les mêmes travers ? Faire de la politique n’est-ce pas se mettre au service de la cité ? Quoi de plus noble que de servir et non se servir de son peuple ? Pourquoi chercher à « se célébrer » plutôt que de laisser le peuple vous célébrer en signe de reconnaissance pour bons et loyaux services rendus ?
A beau vouloir d’une longévité, ne convient-il pas de reconnaitre qu’un homme ou qu’une femme centenaire finit toujours par devenir un poids pour ses proches ? Il faudrait alors se ressaisir et se départir de son machiavélisme. Il faudrait cesser d’éteindre les autres pour mieux briller. Pire, il faudrait arrêter de marcher comme un serpent sous l’herbe, prêt à mordre et à inoculer son venin mortel aux passants. Le temps est venu de faire son examen de conscience, (son introspection) et son mea culpa pour changer, se convertir/reconvertir avant qu’il ne soit trop tard. Car nul ne sait quand la mort frappera et anéantira tout, surtout ce qui ne fut que vanité. L’ecclésiaste ne prévient-il pas que vanité des vanités, tout est vanité ?
A bon entendeur…
par Siré Sy
MACKY, LE COUP DE POCKER DE LA DETTE PUBLIQUE (2/5)
EXCLUSIF SENEPLUS - Sur ce point de la dette publique, le président a mal posé le sujet - Il avait l’occasion d’être le chantre africain d’une nouvelle forme de solidarité internationale - PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L'adage dit que c’est au pied du mur que l'on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c'est par et dans la gestion de crise(s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l'échelle d'une Nation-État, que l'on apprécie les choix, les décisions et le leadership d'un chef d'Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Thank Africa WorldWide Group vous propose une toute nouvelle série du Feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l'heure est grave !’’, de cinq (5) épisodes, entièrement et exclusivement consacrée à et sur le président Macky Sall. Pour cette deuxième épisode de ''Président et Gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Macky Sall.
Dès les premiers mois dans le cadre de la gestion de la Covid-19 au Sénégal, le président Macky Sall, au plan intérieur, a pris des mesures drastiques : Etat d'urgence assorti d'un couvre-feu, restrictions et privations dans les mobilités, mise en place d'un fonds de mille milliards FCFA, fermeture des écoles, universités, lieux de culte, gares routières et marchés.
Au plan extérieur, le président Macky Sall en a appelé aux bailleurs de fonds et autres créanciers, pour une annulation de la dette africaine. Si bien qu'on pourrait être amené à penser que le président Macky Sall, en prenant ses mesures drastiques au plan interne, s'est voulu couper les veines et faire un clin d'œil aux créanciers (G20, BM, FMI), pour leur justifier en amont, de la nécessité et de la pertinence d’une annulation de la dette publique. Une façon de mettre les créanciers devant le fait accompli...
Mais voilà, le président Macky Sall, qui certainement depuis fort longtemps n’a plus relu Boileau, a peut-être oublié que "ce qui se conçoit bien s'énonce clairement - Et les mots pour le dire arrivent aisément".
Sur ce point de la dette publique, le président Macky Sall a mal posé le sujet. Car, le problème n'est pas la dette (en soi) publique mais le taux d'intérêt de la dette publique africaine.
Ainsi, au moment où certains pays (Allemagne, USA) empruntent au taux zéro, d'autres pays (Italie, Espagne) empruntent au taux de 1,5% alors que les pays africains empruntent au taux de 6%. Au moment où en Afrique, le risque-pays est de plus en plus maîtrisé d'une part et d'autre part, au moment où de nouveaux gisements pétroliers et gaziers très prometteurs sont découverts de plus en plus dans des pays africains.
C'est pourquoi, au lieu d'en appeler pour une annulation de la dette publique africaine (ce qui n’est conséquent d’ailleurs, le G20, la BM et le FMI parlent de suspension en lieu et place d’annulation), le président Macky Sall avait l’occasion d’être le chantre africain d’une nouvelle forme de solidarité internationale, en mettant le curseur sur une baisse drastique du taux d'intérêt de la dette publique africaine.
Est-ce alors à dire que le président Macky Sall a voulu donner une réponse économique à une crise humanitaire, en "confinant" presque le Sénégal dès les débuts de la Covid-19, et que devant le refus des bailleurs de fonds et autres créanciers du G20, d'annuler la dette publique africaine en optant plutôt pour sa suspension, le président Macky Sall a finalement "déconfiné" les Sénégalais ? Lui seul le sait !
ENQUÊTE SUR UNE FAKE NEWS QUI A SECOUÉ LE SÉNÉGAL EN 2019
L'article accusait le candidat sénégalais de l'opposition à la présidence, Ousmane Sonko, d'avoir accepté des pots-de-vin importants d'une compagnie pétrolière européenne. Il a été écrit par "Michelle Damsen", un nom à deux lettres du mien
BBC Afrique |
Michelle Madsen |
Publication 16/06/2020
Par une journée ensoleillée de janvier dernier, je suis sortie d'un cours de danse dans le nord de Londres avec sur mon téléphone une série d'appels manqués provenant de numéros africains.
Je n'avais aucune idée de ce dont il s'agissait - j'ai donc vérifié ma boîte de réception et mes comptes Facebook et Twitter - il y avait des centaines de messages me demandant tous la même chose - étais-je "Michelle Damsen ?", l'auteure d'une mystérieuse histoire au centre d'une tempête médiatique au Sénégal.
"Un scandale de corruption secoue mon pays et votre nom a été mentionné". "Nous sommes très inquiets depuis que nous avons vu un article censé être écrit par vous."
"Je suis un journaliste sénégalais et j'ai vraiment besoin de vous parler !"
Ils voulaient tous savoir si j'avais écrit un article intitulé "Les défis de l'exploitation des ressources naturelles en Afrique", qui est paru sur un obscur site d'information ghanéen, Modern Ghana, le 9 janvier 2019.
L'article accusait le candidat sénégalais de l'opposition à la présidence, Ousmane Sonko, d'avoir accepté des pots-de-vin importants d'une compagnie pétrolière européenne. Il a été écrit par "Michelle Damsen", un nom à deux lettres du mien - Michelle Madsen.
C'était juste quelques semaines avant l'élection présidentielle sénégalaise et M. Sonko était l'un des principaux opposants au président Macky Sall.
En tant que journaliste d'investigation indépendante, ayant découvert la corruption dans l'industrie des ressources naturelles en Afrique de l'Ouest, j'ai écrit plusieurs articles sur le Sénégal et les compagnies pétrolières.
J'ai même écrit un article sur M. Sonko après qu'il ait publié un livre accusant le frère du président sénégalais, Aliou Sall, de corruption - des allégations qu'il a niées.
Mais je savais que je n'avais pas écrit l'article publié sur le site Ghana moderne et j'ai dit la même chose à tous les journalistes qui m'ont contacté. Mais j'ai été ébranlé par certains détails des reportages qui ont été publiés au Sénégal et par la rapidité avec laquelle l'histoire a été reliée à ma personne.
L'un d'entre eux, écrit dans Press Afrik, m'a même nommée directement, en disant que j'avais écrit l'article. Un autre article paru sur le site d'information Seneweb mentionnait Frank Timis, l'homme d'affaires basé au Royaume-Uni qui opère au Sénégal et a des liens étroits avec le frère du président Sall, sur lequel une équipe de journalistes indépendants et moi-même venions d'obtenir des fonds pour enquêter.
Aller au-delà des analyses superficielles passe par une mise en examen de ma propre science, le droit, pour voir s’il ne fait pas partie des coupables du retard économique depuis notre indépendance politique. Concernant le Sénégal, après la gouvernance économique de Senghor, de Diouf et de Wade, nous vivons actuellement le PSE, un projet économique pour un programme politique ambitieux du parti de Sall actuellement au pouvoir…
Je lui souhaite de réussir pour notre bien à tous ! Parmi les instruments ou les outils indispensables à cette réussite figure le DROIT. La question qui mérite donc d’être posée à ce niveau et que je pose ici est celle de savoir si notre droit actuel, notre droit positif, assume le rôle de facilitateur de l’économie qu’on prétend lui faire jouer depuis la prise de conscience par la quasi-totalité des observateurs et acteurs du jeu économique africain de la nécessité d’un « droit des affaires harmonisé, simple, moderne et adapté afin de faciliter l’activité des entreprises » pour paraphraser le Préambule du Traité pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Aujourd’hui, cette prise de conscience doit avoir comme objectif spécifique, la construction des fondements d’un véritable écosystème de la croissance et de l’innovation qui devra se traduire par un environnement juridique repensé. Mais, avons-nous ici et maintenant, au Sénégal, un droit qui serait un outil au service d’une économie prête à affronter les défis du PSE, un droit pour la révolution numérique et ses innovations, un droit pour les exigences du monde rural d’aujourd’hui, un droit pour les enjeux technologiques de demain comme les bio et les nanotechnologies ou les neurosciences ? Pour répondre, il faut sortir des sentiers battus comme je viens de le dire ci-dessus (je vais me répéter mais on dit que la répétition est pédagogique). Oui, les comportements des acteurs de la vie politique n’expliquent pas entièrement pourquoi nous sommes à la traine dans les divers classements et autres modes d’évaluation des économies contemporaines.
Permettez donc que je balaie devant ma propre porte. Que j’interroge ma discipline pour montrer comment elle impacte négativement sur notre économie, comment elle est au cœur de notre position économique actuelle et, enfin, pourquoi il faudrait changer de paradigme dans le monde du droit pour en faire un véritable facilitateur de l’économie. Oui. Il faut en effet savoir que le droit n’est pas une discipline abstraite ou désincarnée, mais plutôt le reflet d’un état d’esprit, d’une culture et de grands choix collectifs. Or, le droit qui nous régit est frappé d’une tare originelle. C’est un droit emprunté, un droit venant essentiellement du droit français qui a certes fait école dans le monde à l’époque napoléonienne, mais dont les Français eux-mêmes disent qu’« il tient du chef d’œuvre en péril : vieilli, anachronique, en déphasage complet avec le monde agile d’aujourd’hui. Pis, il condamne l’innovation, ce carburant d’une période de mutations intenses ». (Vincent Giret, Le droit, les rentiers ou l’innovation, Le Monde du 11 Mars 2016, p. 7)… Trois exemples pour illustrer ces propos…
Quel droit pour le numérique ?
En me limitant au mobile, on peut dire qu’on assiste aujourd’hui à une sorte d’inversion de paradigme dans les pratiques sociales incluant la technologie de pointe qu’est le téléphone portable. Des opérateurs innovants se sont engouffrés dans cette niche que constitue le marché des services financiers hors des guichets et des établissements bancaire proprement dits. Pour réglementer, la prise en compte de l’aspect convergence entre le droit bancaire et le droit des communications électroniques est une nécessité. Mais il y a une difficulté. Elle tient au fait que l’innovation ne provenant pas du tout des pays développés (ce sont les populations des pays en développement qui, par la pratique, imaginent des outils de contournement des difficultés d’accès aux services financiers relevant du monopole bancaire), on a du mal à implémenter une réglementation efficace. Oui, autant les pays développés fournissent généralement les modèles de réglementation pour les pays de l’ouest africain de tradition francophone par le biais de ces greffes que constituent les « legal transplants » ayant pour objet le transport du droit ou de règles d’un pays dans un autre, autant aujourd’hui, il y a lieu de faire jouer l’imagination car beaucoup de ces innovations n’entrent pas dans les casiers connus du droit positif.
Quel droit pour le monde rural ?
Le monde rural est la grande oubliée de l’OHADA. L’entreprise agricole n’est toujours pas dotée de la structure juridique adéquate. En effet, dans un pays comme le Sénégal, malgré les nombreuses tentatives depuis les coopératives paysannes du temps du Président Senghor jusqu’au groupement d’intérêt économique des années 80 sous le Président Abdou Diouf, en passant par les sociétés unipersonnelles ou plus récemment le statut de l’entreprenant du système OHADA, le monde rural n’arrive pas à trouver la structure idoine qui va le conduire aux formes d’exploitation économique qu’exige le monde contemporain.
Quel droit pour l’investissement dans les projets d’infrastructures ?
Toutes les formes d’investissements ne sont pas prises en compte dans le code des investissements. Notre code connait très bien l’investisseur économique traditionnel mais il ne s’est pas adapté aux mutations qui ont fait apparaitre aussi bien l’investisseur professionnel que l’investisseur dans les projets d’infrastructures. Le code des investissements est dépassé : l’investisseur du code existe toujours mais il s’installe dans des endroits très « compétitifs » comme les pays à régime autoritaire ou les pays à « faible intensité juridique » (très peu de protection pour les travailleurs et très peu de taxes et impôts). L’investisseur professionnel, lui, est un investisseur au sens du droit des sociétés, c’est-à-dire, concrètement, un actionnaire qui investit dans une grande société. Toutefois, ce n’est pas n’importe quel actionnaire, ni n’importe quel investisseur. On parle ici du gestionnaire de l’épargne collective ou fonds souverain appartenant à un Etat (gestionnaire de fonds de pension ou de fonds souverains étatiques). L’investisseur professionnel investit donc à la place de ses mandants (adhérents ou Etat) et pour leur compte, en prenant une participation minoritaire dans le capital de sociétés d’accueil. L’arrivée de cet investisseur change absolument tout. Si on considère être en face d’un simple fournisseur de biens et services à l’administration, le droit des marchés publics aura vocation à s’appliquer. Mais s’il s’agit d’un investisseur qui vient « risquer ses billes » est-il toujours approprié de le mettre dans la procédure de la commande publique ? A mon avis, il y a quand même lieu de noter la différence entre une commande de l’administration et une proposition émanant d’un investisseur privé. Une inversion de ces données n’autorise-t-elle pas une autre structuration des relations Etat/secteur privé ? En tout état de cause et quelle que soit la réponse, des mesures doivent être prévues dans le sens de la sauvegarde de notre souveraineté économique via nos entreprises locales. Une révision du code des investissements pourrait être envisagée pour déboucher sur une loi d’orientation de l’investissement au Sénégal avec comme objectif principal l’insertion du privé national dans notre tissu économique.
Pour conclure.
Ces trois exemples montrent que notre droit peine à faciliter la vie à l’activité économique. Les raisons sont à chercher dans le fait que le Nobel d’économie de 1993 Douglas North, appelle les « institutions », c’est-à-dire l’ensemble des lois, des règles écrites ou informelles ainsi que les instruments créés pour en contrôler leur bonne application, ces institutions donc ne sont pas en phase avec les besoins d’une économie dans la voie de l’émergence. Nous essayons de rattraper le retard avec les outils juridiques d’un autre âge. Oui notre droit est resté statique et nous les juristes on continue à construire ce droit de manière autonome et abstraite en multipliant les typologies et les qualifications juridiques déconnectées des réalités économiques. C’est peut être agréable et cohérent en soi, mais nos constructions sont davantage conçues pour les livres que pour la vie réelle. Au lieu de voir le droit comme un moyen, un outil, les juristes ont tendance à sacraliser le droit comme une valeur elle-même, comme une science qui se suffit à elle-même au lieu d’y voir un moyen par lequel divers acteurs peuvent réaliser des objectifs (Un droit pour l’innovation et la croissance, Vermeille, Kohmann et Luinaud, Fondation pour l’innovation politique, Paris, Février 2016). Finalement, s’il n’est pas le seul coupable, on peut considérer que le droit pourrait être cité parmi les complices de notre indigence économique. En conséquence, il nous faut un autre droit pour accompagner notre développement économique…
par Amadou Tidiane Wone
LES VAUTOURS
Les régies financières piégées, la Justice en coupe réglée, le cœur de l’Etat est malade. Notre pays ne peut plus continuer sur le registre du « masla ». Il y a trop d’abcès purulents à crever
Blanchiment, corruption et faillite de l'Etat. Les manchettes des journaux nous en apprennent tous les jours sur le niveau de décrépitude moral des « serviteurs » de nos institutions. Celles chargées d’administrer notre justice notamment, mais aussi de larges pans des services relevant de nos forces de défense et de sécurité. Les « serviteurs », semble-t-il, se servent plus qu'ils ne servent ! La porosité de nos services de fiscalité intérieure, ou de porte, est un secret de polichinelle. Le train de vie de la plupart des agents de ces corps est tellement tape à l’œil que cela ressemble à une foire d’impunité. La métastase de ce cancer qu'est la corruption a contaminé tous les centres névralgiques de l’Etat. Les nombreux cas de collusion, de conflits d’intérêts, d'enrichissement illicite, de « Tong-tong » foncier, qui se noient dans les sables mouvants du temple de Thémis sont trop nombreux pour être listés ici. Les procédures entamées, et suspendues au bon vouloir d’auxiliaires de justice véreux, pour dire le moins, sont inénarrables. Un réseau dense de complicités, parfois tissées sur les bancs de l'ENA semble avoir pris les centres névralgiques de la République en otage au profit d’intérêts privés insatiables. Au grand dam des élus incapables de reformer l'appareil d’État si tant est que la volonté de le faire existe vraiment. Certains hauts fonctionnaires sont parfois plus puissants que leur ministre de tutelle ! Surtout ceux qui sont accommodants avec tous les régimes, experts en cirage de bottes et en génuflexions intéressées. Les régies financières piégées, la Justice en coupe réglée, le cœur de l’Etat est malade. Ce qui est désespérant, c’est que la gangrène touche désormais des personnalités qui auraient dû être au dessus de certaines rumeurs… Il se dit que des « chefs religieux » seraient parmi les attributaires réguliers et itératifs de parcelles qu'ils s'empresseraient de transformer, en espèces sonnantes et trébuchantes, avec une chaîne de complicités qui ressemble à un état dans l’Etat ! Ils sont tenus en laisse par l'octroi ou non de passeports diplomatiques, de soutiens financiers et autres passe-droits. Ils en oublient leur mission de veille et d'alerte, leur rôle de vigie. Une fois ferrés dans des pratiques peu orthodoxes, ils deviennent des objets entre les mains de ceux qui, dans l'ombre, tirent les ficelles de notre déchéance. Sous d'autres tropiques, ce type d'organisations criminelles ( ?) s'appelle tout simplement : mafia… Que Dieu nous préserve de la cupidité et de l’appât du gain !
Au demeurant, n’est-il pas légitime de se demander, au vu des milliers de tonnes de drogue saisis avec un fort renfort de publicité, combien de milliers de tonnes sont passées à travers les mailles du filet ? Au bénéfice de qui ? Et qui blanchit les sommes colossales ainsi récoltées ? A quelles fins ?
Notre pays ne peut plus continuer sur le registre du « masla » et des discours sans lendemain. Il y a trop d’abcès purulents à crever. Sans langue de bois ni détours grandiloquents. Certains « hommes d’affaires » sénégalais ont développé des relations coupables avec l'administration du Sénégal. Ils contournent allègrement les lois et les règlements moyennant achat des consciences de ceux qui sont sensés servir la nation. La corruption industrielle qui sévit dans notre pays a des acteurs connus, identifiables. Il est important que les hommes politiques aux mains propres, les acteurs de la société civile et la presse sortent des discours aériens pour coller à la réalité et dénoncer, en temps réel, les outrances faites à notre pays par ces bandits de grands chemins. Mais il se dit que la presse, quatrième pouvoir, serait largement contaminée ! On dit même que certains de ses animateurs, et non des moindres, seraient au cœur de plusieurs transactions inavouables. A qui se fier dès lors ?
Disons-le sans fioritures, la corruption quasi institutionnelle qui règne dans ce pays mérite que l'on s'y arrête pour diagnostiquer le mal et l'éradiquer définitivement. Sinon, aucun développement n'est envisageable ! Et nous serons tous et chacun, à plus ou moins grande échelle, coupables de non-assistance à peuple en danger. Aussi simple et…compliqué que cela !
Macaronis ! Ma corona ! N’eût été le contexte dramatique de famine voilée qui sévit dans notre pays, les explications alambiquées servies pour expliquer le retard apporté à la distribution des vivres par celui apporté à la livraison des macaronis, ce jeu de mots aurait prêté à sourire. Imaginez l'effet sur un fond musical lambada. Mais…les sénégalais ne sourient plus ! Car, les limites de la décence sont franchies avec une telle allégresse par ceux qui nous dirigent que l'on peut, légitimement, se demander si nous vivons dans le même pays. Le peuple réel est au bord de l’asphyxie. Les entreprises sont, majoritairement, à l'article de la mort. La classe moyenne est au seuil de la pauvreté. Et pendant ce temps, avec les mêmes tours de passe-passe éculés, certains trouvent le moyen de s'enrichir à la faveur de la pandémie ! Sans honte ni pudeur. Des moyens de l’État et ses ressources sont dilapidés. Les restes du gâteau étatique sont honteusement partagés entre ceux qui juraient sur leur…déshonneur que jamais ils n’iraient à Canossa. On connaît tellement la musique au Sénégal que personne n'est plus surpris par ces retournements de vestes impudiques. La seule question désormais étant : à qui le tour ? Heureusement que la honte ne tue plus. Ses victimes seraient plus nombreuses que celles du Covid-19. Parlons-en d'ailleurs !
Les notes discordantes des spécialistes. Alors même qu'au début de la pandémie, il était question de bâtir une union sacrée autour de la lutte contre le Covid-19, des lignes de fractures de plus en plus béantes se font jour. Celles qui nous préoccupent le plus étant les divergences qui s'expriment, de plus en plus ouvertement, au sein de la communauté scientifique, et notamment médicale, quant à la pertinence des choix stratégiques des autorités sanitaires du pays. On évoque également des castings discutables de profils non pertinents au plan opérationnel. En plus du leadership contesté d’autorités investies de pouvoirs qui, manifestement, vont au-delà de leurs qualités humaines et professionnelles intrinsèques. On ne peut pas exclure l’hypothèse de jalousies ou de malveillances qui s'expriment sous le couvert de « critiques constructives », mais l'on peut souhaiter une reprise en main forte de tout ce beau monde afin que la concentration sur l'objectif : éradiquer la pandémie, soit la seule règle. Retrouvons le sérieux et la gravité de rigueur en de pareilles circonstances et corrigeons tout ce qui doit l’être. À temps.
Pour ne pas conclure, notre pays a besoin de retrouver du sérieux dans la gestion de la chose publique. Sanctionner de manière exemplaire les contrevenants. Promouvoir la rigueur et les bonnes vertus. Et d'abord en faire une référence suprême dans le choix de ceux qui doivent nous servir. A tous les niveaux.