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30 avril 2025
Opinions
UNE NOUVELLE DE LOUIS CAMARA
ETRANGE METAMORPHOSE (2)
C’est à une véritable « révolution intérieure » que s’est livré cousin Baye Doudou dont la vie s’est du même coup transformée de fond en comble. De quasi ivrogne et mécréant qu’il était, il est sans transition devenu un pieux croyant
« Il y avait là, par malheur, un petit animalcule au bonnet carré... » ( Voltaire, « Micromégas »)
Pour en revenir à mon cousin Baye Doudou, je disais donc que cette histoire de coronavirus l’avait rendu méconnaissable, comme du reste nombre de personnes sans doute plus fragiles que la moyenne. Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent de rencontrer dans les rues de Saint-Louis des quidams qui ressemblent à de véritables zombies ou qui présentent des troubles du comportement caractéristiques voire des signes évidents de folie. Ces gens-là sont certainement stressés par l’ambiance traumatisante et la panique partout répandus par «l’invisible et silencieux tueur » pour reprendre une métaphore très prisée des poètes, ou rimailleurs, c’est selon, du pays de la téranga. Ces doux rêveurs s’imaginent pouvoir combattre le virus avec des vers de mirliton et certains vont même jusqu’à l’apostropher ou lui écrire des, lettres de protestation ! Avouez qu’il y a de quoi mourir de rire, enfin, presque. En tout cas il y aurait peut-être lieu de s’inquiéter de la santé mentale de nombre de nos concitoyens par les temps qui courent … Ce n’est heureusement pas le cas de cousin Baye Doudou qui, loin d’avoir l’esprit dérangé, a au contraire la tête bien sur les épaules. En revanche il a adopté des mœurs et des habitudes que je ne lui ai jamais connues auparavant et qui de ce fait m’ont d’abord parus étranges pour ne pas dire déroutants ! En effet, depuis la fermeture du bar « Le Guétapan », niché au cœur de l’ile de Ndar, à proximité du palais de justice, baye doudou a comme qui dirait, radicalement changé son fusil d’épaule.
Lui qui d’aussi loin que je m’en souvienne a toujours été un des piliers de ce bar malfamé, honni de tous les habitants de l’ile et de la banlieue, a du jour au lendemain décidé de ne plus y mettre les pieds et même de ne plus longer la rue où il se trouve ! baye doudou qui depuis son départ à la retraite de l’enseignement passait le plus clair de son temps au « Guétapan » en compagnie de disciples de bacchus comme lui, eh bien, mon cher cousin a juré de ne plus laisser la moindre goutte d’alcool couler dans son gosier réputé insatiable ! Mieux : non seulement il a jeté l’anathème sur ce breuvage de satan (que certains appellent « l’eau de feu » selon l’expression consacrée des peaux-rouges d’Amérique), ce liquide corrosif qui vous ronge le foie à petit feu et finit par vous faire perdre la raison, mais mon « couse » s’est aussi engagé sur le droit chemin de la religion. « Euskeye !... » ont approuvé en chœur et en claquant des doigts tous ceux d’entre ses parents et amis qui ne lui ont jamais souhaité autre chose que du bien. Cette surprenante et heureuse nouvelle ne pouvait évidemment que les réjouir et eux tous se sont confondus en prières et en bénédictions formulées à l’endroit de l’apostat. « Ndeysaan, baay doudou dafa tuub ! … » Les entendait-on dire avec des trémolos dans la voix. À les voir défiler chez lui, la larme à œil, simulant émotion, l’on aurait pu croire qu’il s’agissait de la célébration d’un Hadj de retour du pèlerinage à la Mecque ! Et certes il y avait de l’exagération dans ces manifestations de sympathie teintées hypocrisie. D’ailleurs il a bien fallu que baye doudou en personne mette un terme à ces épanchements futiles qui commençaient à le déranger et même à sérieusement l’agacer.
Toujours est-il que mon cher cousin a fait le serment de ne boire plus que de l’eau pour le restant de sa vie et de ne plus rater aucune des cinq prières quotidiennes prescrites par la religion. Dans la foulée, il a également cessé de fumer et il n’arrête pas de sucer des bonbons à la menthe pour lui faire passer son envie de tabac.
Bref c’est à une véritable « révolution intérieure » que s’est livré cousin Baye Doudou dont la vie s’est du même coup transformée de fond en comble. De quasi ivrogne et mécréant qu’il était, il est sans transition devenu un pieux croyant qui se consacre entièrement à la dévotion. Mais ce n’est pas tout.
Dans son zèle de nouveau converti, « couse » baye doudou a aussi changé de look de la tête aux pieds. Il s’est laissé pousser la barbe et s’habille maintenant d’une djellaba toute blanche assortie avec des pantalons courts et des babouches de la même couleur.
En outre il a troqué sa casquette à la Joe Cocker qu’il avait coutume de porter avec de vieux costumes élimés du marché aux puces contre un petit bonnet marocain, un « kopati », posé au beau milieu de son crâne dégarni.
Pour compléter cet accoutrement peu ordinaire, il s’est aussi armé d’un long chapelet aux perles nacrées qu’il égrène désormais d’un air inspiré tout en marmonnant à voix basse des prières jaculatoires…
Marianne, son épouse, l’ange de la maison, femme d’un stoïcisme à toute épreuve qui l’a supporté durant trente cinq longues années de vie conjugale anarchique m’a confié que baye doudou ne met pratiquement plus le nez hors de sa chambre, sauf pour aller aux toilettes ou pour faire ses ablutions ou encore pour aller se rafraichir à l’ombre du grand manguier qui pousse au milieu de la cour de leur maison. Marianne a été la première à remarquer le changement inattendu de son mari, mon cousin baye doudou.
Pour elle comme pour Aminata leur fille unique, affectueusement surnommée « Mimi », la « métamorphose » de baye doudou n’est ni plus ni moins qu’un miracle et relève donc avant tout de la volonté divine. Toutes deux en ont été stupéfaites, pour ne pas dire qu’elles sont tombées des nues, en particulier Mimi qui était fâchée avec son père et avait cessé de lui parler depuis belle lurette à cause de son inconduite notoire.
Après avoir lui-même annoncé qu’il avait cessé de boire et qu’il ne fréquentait plus « Le Guétapan », baye doudou s’est réconcilié avec sa femme et sa fille et leur a demandé pardon pour toutes les souffrances et les torts qu’il leur a fait subir pendant si longtemps. Ce jour-là, la mère et la fille ont versé des torrents de larmes et n’ont eu de cesse de remercier le Tout-Puissant qui dans son infinie miséricorde avait eu pitié d’elles avait remis leur mari et père sur le droit chemin. Moi-même je n’ai pas pu m’empêcher d’éprouver une secrète émotion lorsque Marième m’a rapporté cette touchante scène de réconciliation et je me suis dit, nonobstant son côté un chouïa mélodramatique, que c’était quand même une bonne chose dans la mesure où cela avait permis de ressouder la famille de mon cousin. C’est émouvant de les voir à présent s’entendre si bien tous les trois alors qu’il y a quelques semaines à peine, c’est une ambiance de ni paix ni guerre qui régnait dans leur maison.
Désormais je ne me sentirai plus obligé d’intervenir pour calmer les ardeurs belliqueuses de baye doudou et Marianne à qu’il arrivait encore tout récemment de se crêper le chignon avec la dernière férocité. Au cours de ces batailles de chiffonniers, qui m’avaient rien de vraiment épique, où chacun s’ingéniait à balancer à son adversaire les piques les plus assassines, Mimi se rangeait toujours du coté de sa mère. Pour elle il n’était nullement question d’essayer de les réconcilier ou de recoller les morceaux, bien au contraire j’ai comme l’impression que Mimi eût été bien aise si son père et sa mère avaient divorcé. Mais en réalité, ces deux-là s’aiment à la folie et pour rien au monde ils ne se seraient séparés ! Néanmoins cette situation semblait plutôt à l’avantage de baye doudou qui, protégé par une armure d’insouciance et de je-m’enfoutisme assumés, s’en donnait à cœur joie et vivait sa vie comme bon lui semblait. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il était un artiste, un dilettante, un « dandy sous les tropiques », pour reprendre ses propres mots, et que pour lui, la liberté seule avait du prix !...
Et pourtant le voilà qui, du jour au lendemain, a fait un spectaculaire revirement à cent quatre-vingt dix degrés !
A suivre...
Par Calame
LA RÉPUBLIQUE DES CASTES ET DES COTERIES
D'un régime au suivant, la traversée de la «haute» société sénégalaise est ahurissante. Public-privé, majorité-opposition, magistrature-armée, religieux non pratiquants, ce monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles ou sur les mêmes coups
«La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe de religion. Elle respecte toutes les croyances». Théoriquement donc, les Sénégalais sont égaux devant le mérite qu’arbitre l’école, devant le pouvoir que régit la démocratie, devant la richesse que répartit la concurrence. Cà c’est sur le papier et c’est la Constitution qui le dit Beaux principes. Mais, dans un pays qui vante avec ferveur les problèmes d’équité et de l’Etat de droit, chacun essaie de s’affranchir des règles communes, usant de son rang social, de son carnet d’adresses.
Pour trouver du travail, s’ouvrir les portes d’une école, obtenir un rendez-vous, même médical, remporter un marché, arracher une subvention… Ces passe-droits sont d’autant plus utilisés que la société est minée par la crise qui exacerbe tout, bloque l’ascension sociale et accentue le déclassement. Du haut de l’échelle, dans les sphères du pouvoir, tout fonctionne entre castes soudées et coteries. C’est un monde de passe-droits et de privilèges, de combines et de corruption, un monde de l’entre soi et de la barbichette coupée du reste de la population. Une république ainsi noyautée par le copinage n'est plus qu'un décor à l'abri duquel une élite arrogante se croit tout permis. Les ruses prennent une autre dimension et leurs conséquences politiques, sociales et économiques nous concernent tous. Le peuple, mutilé par une précarité à tous les niveaux, de plus en plus désillusionné après deux alternances, témoin de l’entrain festif, limite orgiaque de ses dirigeants, porte en écharpe ses illusions perdues.
D'un régime au suivant, la traversée de la «haute» société sénégalaise est ahurissante. Public-privé, majorité-opposition, magistrature-armée, religieux non pratiquants, ce monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles ou sur les mêmes coups. L’essentiel c’est d’occuper la place. De hauts fonctionnaires se font intermédiaires ou agents d’influence, des parlementaires opérateurs économiques, avec en prime l’argent public toujours disponible pour faire des affaires privées. Dénoncés, ressassés depuis plusieurs années, les problèmes nés du foncier en général, le bradage des terres, l’occupation du littoral sénégalais en particulier, n’ont pas fait lever le petit doigt. Le domaine privé maritime, du moins son occupation, qui fait aujourd’hui l’actualité, et dont on fait semblant d’admettre la réalité accablante, est la bande de 100 mètres de la ligne de rivage à l’intérieur du continent. Réputé inconstructible sauf à titre précaire et révocable.
Toutes les constructions qui y sont érigées aujourd’hui ne respectent pas cette norme. Comment la respecter d’ailleurs, si, du grand complexe hôtelier, qui commence de ce qui est la base du Parc des Iles de la Madeleine, à la Mosquée de la Divinité, entre 2012 et 2014, une seule autorisation avait été délivrée par l’Etat, sur 19 chantiers en cours !
Pour dire l’actualité du passé, en 1993 déjà, les promoteurs de cet hôtel, avaient proposé à l’Etat du Sénégal un échange de « bons procédés ». Se voir attribuer cette base du parc des Iles de la Madeleine, contre la construction et l’aménagement de la Direction des Parcs Nationaux sise, en ces temps-là, sur cette partie de la baie de Soumbédioune. La frénésie d’avoir «les pieds dans l’eau», ferait croire que tous ces promoteurs et privés, comme des Madames Soleil, prédisant l’avenir, même d’outre-tombe, savent déjà que dans une vie postérieure, ils seront amphibies. Mais je m’égare…
Au lieu de donner le cap à une société désorientée, abattue par la crise économique à laquelle vient s’ajouter le Covid-19, la caste s'accroche à ses privilèges et les plus hardis, ceux dont l’incivilité, l’égotisme sont proportionnels à leur ignorance des règles primaires du vivre-ensemble, creusent la falaise, s’ils n’opèrent pas une ablation d’une de nos Mamelles. Pourvu que le défilé de hauts fonctionnaires qui se désintéressent du service de l’Etat continue, que leurs intellectuels aillent à la soupe, que des courtisans arrachent des prébendes au Palais de la République, si ce n’est le Palais lui-même qui les organise et les gère. C’est de cette manière qu’ils s’excusent mutuellement, retardent quelques affaires pénales, se protègent et entretiennent les vices publics. Un monde où chacun connait tout le monde et ignore le monde. Le reste peu leur chaut !
Loin d’eux cette devise, disparue du fronton des édifices publics : « Un peuple, un but, une foi ». La leur est « l’Etat, c’est pour nous ». Comment voulez-vous qu’avec cela, que ce pays ne soit pas perclus de déficits ? Dans tous les domaines. Mais voici que cette semaine, un énorme pavé jeté dans la mer profonde de la gestion du littoral dakarois, la corniche plus précisément, fait des vagues. La question de la gestion de ce bout de territoire de Dakar, est devenue l’actualité dans les réseaux sociaux, tenant lieux de nouveaux comptoirs de café, où l’on refait le Sénégal. Avec toujours en pointillés, cette caste qui a tout du pâté d’alouette (un mélange de viande de cheval et de chair d’alouette. Ce qui est à nous ne nous appartient pas. Les règles édictées qui nous régissent doivent être les mêmes pour tout le monde. Même si, comme en grammaire, l’exception, le phénomène exceptif vise à extraire une partie d’un tout ou, plus exactement, d’un groupe initial. Qu’elle soit de droit ou grammaticale, la règle est caractérisée, si ce n’est définie, par un certain nombre de propriétés ou de qualités auxquelles les exceptions porteraient atteinte. Ainsi dit-on qu’elle est générale, impersonnelle, abstraite et qu’elle a une certaine prétention à la permanence et à la stabilité. Or, l’existence et la multiplication des exceptions, exemptions, exonérations, dispenses, dérogations, passe-droits, privilèges semblent mettre à mal ces caractères.
En visant un certain nombre de destinataires au détriment de la masse, les exceptions altèrent la généralité de la règle, gage de l’égalité entre les citoyens. En épousant chaque situation et chaque espèce, elles conduisent à une particularisation et à une individualisation des règles et, au-delà, à une segmentation du peuple. Parce qu’elles s’adaptent aux contours sans cesse renouvelés des situations qu’elles visent, elles encouragent le foisonnement et l’instabilité de la norme. Exception. Voilà que ce mot peut-être trompeur quand il est utilisé comme substantif : des lois, des régimes, des hommes « d’exception » visent ce qui est hors du droit commun, hors de la règle ou du droit ordinaire, voire hors du droit tout court.
De même faut-il se méfier du qualificatif qui en découle, « exceptionnel », qui a acquis le sens de « rare », « remarquable », ou encore de l’expression « à titre exceptionnel », qui évoque une fréquence en même temps qu’elle sonne comme une justification. La règle veut, qu’en matière foncière, la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD), soit l’unique structure nationale habilitée à valider la cession d’un terrain de l’Etat à un particulier. Cette commission, composée au minimum d’un Conseiller technique du Ministère de l’Economie et des Finances (ou des Finances selon la nomenclature du gouvernement), qui en est le Président, a en son sein, un représentant du Cadastre, un représentant du ministère de l’Urbanisme, un représentant de la Direction des Domaines, un représentant de la gouvernance ou de la préfecture et un représentant de la Mairie. Il faut aussi souligner, qu’en matière foncière, l’Etat juridiquement, possède deux types de terrains : les terrains immatriculés qui peuvent faire l’objet de cession de sa part, et les terrains non immatriculés, qui sont de ce fait, non cessibles, sauf s’ils font l’objet d’un décret de déclassement.
Le Domaine Public maritime en est. L’Etat est son propre notaire et son propre assureur. Seulement ici, ce sont les exceptions qui sont devenues la règle, au point qu’elles sont devenues l’archétype du deux poids deux mesures. Aux uns, on demande une mille-feuille de documents qui les oblige à arpenter pendant un long temps, les couloirs des administrations. Aux autres, le statut ou la puissance financière suffit. Le respect des procédures, les obligations, c’est pour les autres Et l’Etat qui, s’il était sérieux, se considérerait spolié, ne pipe mot et laisse les exceptions se propager comme ce virus à la contagiosité exponentielle qui nous inquiète tous. Léopold Sédar Senghor, affichait son horizon à l’An 2000. Abdou Diouf sous le régime duquel les « exceptions » relatives au domaine public maritime ont commencé, peut être considéré comme un sédatif après que Abdoulaye Wade est venu aux responsabilités. Lui, c’est l’excitant dont les effets secondaires traversent encore l’Etat actuel dont le Chef fait souvent appel au volontarisme et au potentiel des individus, recourant sans cesse à la rhétorique de la rupture qui se fait attendre depuis huit ans.
Face au tollé général, un communiqué officiel nous apprend que le Chef de l’Etat « a invité le ministre des Finances et du Budget, le ministre des Collectivités territoriales et le ministre de l’Intérieur de veiller au respect des règles de gestion foncière au plan national. Le Chef de l’Etat a dans cette dynamique, demandé aux ministres concernés de mettre en œuvre un Plan global d’Aménagement durable et de valorisation optimal du littoral national et de veiller, sur l’étendue du territoire à l’application rigoureuse des dispositions du Code de l’Urbanisme et du Code de la Construction ». Pourquoi maintenant seulement, alors que lui-même, avait renoncé avaitil dit, à un terrain sur la Corniche ? Quels actes seront pris à partir de maintenant ?
Sur la corniche de Dakar, aucun investissement n’a maintenu un équilibre avec la protection de la nature. Elle est bétonnée de partout. Fils et filles de la mer, les plages étaient présentes en nous. On pouvait y être du matin au soir, dans l’eau ou au soleil en attendant patiemment qu’il aille se coucher. Aujourd’hui, moins accessibles parce que privatisées, on saccage dans le même temps notre mémoire collective et nos plus profonds souvenirs. La belle corniche perd sa prestance au profit de constructions tout au bord, bouchant la vue et l’accès à la mer. Pourtant, la côte est du domaine public. Il est vain de vouloir nous boucher l’horizon quel qu’il soit, avec un rabiot promis au radoub ou du béton, une chose est sûre, les moyens pour affronter le grand large sont à notre portée.
par Jean-Alain Goudiaby
L'UNIVERSITÉ SÉNÉGALAISE S'EMBOURBE-T-ELLE ?
Il y a quelques années, pour parler de la présence simultanée d’acteurs publics et privés dans l’enseignement supérieur, on utilisait le terme de coexistence. Mais dernièrement, la coexistence a progressivement laissé la place à la concurrencence
Les universités sénégalaises produisent des diplômés et des recherches qui peuvent être de grande qualité. Toutefois, ces établissements connaissent des difficultés plus ou moins importantes en fonction de leur structuration, de leur gouvernance ou encore de l’évolution globale du système d’enseignement supérieur et de recherche.
Ces difficultés résultent de la combinaison de plusieurs facteurs : l’accroissement du nombre d’étudiants, passé de 93 866 en 2012 à 190 145 en 2018, dont 35 % dans le privé ; la restructuration du marché de l’emploi ; les évolutions des législations et de l’environnement physique et social, etc.
On dénombre aujourd’hui huit universités publiques au Sénégal. Cette offre est complétée par les instituts supérieurs d’enseignement professionnel. Le premier, celui de Thiès, est déjà en fonctionnement ; les quatre autres sont prévus pour la rentrée 2020. À, cela s’ajoutent, selon la Direction générale de l’Enseignement supérieur (données d’enquête), plus de 300 instituts et universités privés. Ces derniers sont créés soit par des promoteurs nationaux ou étrangers, soit appartiennent à un réseau transnational, soit sont une filiale d’un établissement étranger. En somme, l’offre de formation demeure très éclectique et inégale, selon les territoires et les domaines disciplinaires. L’offre reste principalement concentrée à Dakar et dans les villes de Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor. Les formations du tertiaire sont majoritairement dispensées dans les instituts privés, alors que les sciences humaines et sociales (SHS), les sciences et technologies ou encore la médecine sont présentes dans le public.
Le défi de la gouvernance des universités
Les universités publiques au Sénégal ont vu le jour autour des années 1960 avec l’ambition de se construire en rupture avec le modèle colonial. Des aménagements de programmes ont été tentés dans certaines facultés. Toutefois, le contexte économique et politique n’a pas toujours été favorable.
De plus, la gouvernance interne a fait parfois défaut et les recteurs, premières autorités de l’université, n’ont pas toujours su traduire en actes concrets les directives nationales. C’est là, parfois, la différence entre les universités publiques et entre le public et le privé.
Dans le dispositif des universités privées, en effet, la place de l’État est réduite à son strict minimum, à savoir les agréments pour l’ouverture, compte non tenu de la forte présence des enseignants des universités publiques pour faire exister certaines formations dispensées dans ces établissements privés, ainsi que les travaux de recherche qui y sont menés. Le mode de gouvernance des universités privées permet de renforcer leur présence sur le marché des formations tout en bénéficiant d’une souplesse plus adaptée à la rapide évolution des espaces de formation.
L’État sénégalais, […] n’a pas toujours une vision claire de la gouvernance des universités et des changements qui s’y produisent. »
Les universités publiques, de leur côté, doivent promouvoir leurs intérêts particuliers face à la concurrence nationale et internationale tout en assumant leur rôle de service public.
L’État sénégalais, malgré sa volonté affirmée d’améliorer le secteur ou d’éviter son enlisement, n’a pas toujours une vision claire de la gouvernance des universités et des changements qui s’y produisent. Le fait, par exemple, de vouloir orienter tous les bacheliers de 2019 vers des universités publiques sans étude prospective préalable en est une belle preuve. D’ailleurs, les universités ont elles vocation à accueillir tous les bacheliers, quel que soit leur projet professionnel ou de vie ?
De même, on peut considérer que l’assujettissement des recteurs au pouvoir politique et aux autres pouvoirs internes peut mettre à mal l’autonomie dans la gestion. On peut analyser les activités du personnel administratif technique et de service comme la résultante de leur dépendance vis-à-vis de l’autorité des recteurs. Cela est d’autant plus vrai qu’une bonne partie de ce personnel peut être choisie par le recteur. Ces différents choix, ainsi que les orientations prises ou non, ont des conséquences sur la marche optimale de l’institution.
Des réformes qui peinent à être mises en œuvre
Les politiques relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche connaissent régulièrement des réformes qui cherchent soit à concrétiser les réformes précédentes, soit à poser les bases d’autres transformations, jugées plus adaptées. C’est ainsi qu’en 2013 s’est tenue à Dakar la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Il en a résulté 78 recommandations qui doivent aider à réorienter la politique d’enseignement supérieur et de recherche.
Cette Concertation a porté sur le pilotage de l’enseignement supérieur, sur l’accès et la qualité des formations, sur le financement et les liens entre les formations, le marché du travail et le service à la communauté, sur l’internationalisation, la recherche et l’innovation. En cherchant à réorienter les formations vers les STEM (acronyme de science, technology, engineering and mathematics) et à mieux articuler ces formations avec le monde du travail, les responsables de la Concertation ont voulu retirer le sable de l’engrenage des universités.
Pour la Concertation nationale pour l’avenir de l’enseignement supérieur, il convient d’approfondir la « professionnalisation » des formations. Cette approche se justifie foncièrement par les exigences des politiques de développement et du marché du travail. Ce dernier exige des étudiants une aptitude professionnelle : ils doivent être opérationnels dès leur sortie de l’université. Or cela ne semble pas être le cas pour les diplômés issus des cycles de l’enseignement général, qui représentent l’essentiel des formations dispensées. C’est ainsi que les instituts supérieurs d’enseignement professionnel pourraient être l’une des solutions, si le modèle est sauvegardé.
Aujourd’hui, malgré les directives présidentielles prises à l’issue de la Concertation nationale, malgré les contrats de performance qui étaient une occasion de renforcer la politique gouvernementale, les universités peinent à consolider les progrès réalisés, tant la mise en œuvre des réformes se confronte à une gouvernance faible.
Cela s’explique, entre autres, par le faible engagement de certains responsables pour la cause institutionnelle et par la méconnaissance des publics accueillis (les étudiants notamment) et des liens qu’il faut construire avec le monde économique, tant pour l’insertion professionnelle des apprenants que pour le service à la communauté.
Vers un partenariat public-privé ?
Le Sénégal s’était lancé dans une politique de libéralisation de l’enseignement supérieur – un domaine qui, jusqu’en 1995 était du domaine exclusif de l’État. Celui-ci a renoncé à être le seul fournisseur de formations supérieures mais s’est efforcé d’en rester le seul garant (conservant notamment le contrôle des processus de certification et d’accréditation à travers l’Autorité nationale d’assurance qualité).
Il y a quelques années, pour parler de la présence simultanée d’acteurs publics et privés dans l’enseignement supérieur, on utilisait volontiers le terme de « coexistence ». Derrière ce vocable, il y avait l’idée de complémentarité. En 2012-2013, le gouvernement du Sénégal avait pris l’option de payer la scolarité de milliers d’étudiants dans les instituts privés. Mais dernièrement, la coexistence a progressivement laissé la place à la concurrence.
Les instituts privés ont globalement meilleure presse, avec des coûts de formation très variables. Sans mettre en parallèle taux de réussite et frais de scolarisation, il est tout de même notable que la gratuité de certains services puisse être associée au faible engagement des bénéficiaires (étudiants et enseignants). Or, l’engagement ou l’exigence peuvent s’avérer utiles dans la construction d’une formation de qualité, entendue comme pertinente, opérationnelle et à vocation territoriale.
Au même moment, pour faire face à cette concurrence, les universités publiques valorisent des formations payantes et les fonctions de service (services supplémentaires que propose l’université : expertise, formations, location de salles…). Ces activités génèrent des ressources supplémentaires pour les budgets des établissements. Cette nouveauté vise non seulement à satisfaire des besoins économiques et de développement – l’université considérée comme étant au service de la société – mais également à renforcer les capacités financières (plus de certaines composantes de l’université que de l’institution dans sa globalité).
Ce qui est certain, c’est que l’enseignement supérieur est de plus en plus partagé entre les secteurs public et privé (en termes d’offre de formation), avec une ligne de démarcation qui est rarement nette : public et privé se réorganisent et redéfinissent leur interdépendance. L’implication des secteurs économiques productifs au sein des universités publiques demeure un véritable enjeu.
Certains changements ou transformations que vivent les universités, tels que la gestion axée sur les résultats, ouvrent des perspectives favorables. D’autres, comme la mise en œuvre de la réforme LMD, sont à l’origine de difficultés plus grandes encore pour le Sénégal, d’autant plus que le système est faiblement doté en ressources et en compétences de gestion et de gouvernance.
Pour éviter l’enlisement, les universités sénégalaises devraient beaucoup moins faire l’objet de changements « induits » (correspondant aux conséquences des transformations antérieures) et ne subir, dans la mesure du possible, que des changements « conduits », c’est-à-dire voulus.
Les universités sénégalaises ont besoin, pour faire face aux enjeux de gouvernance et de développement, d’une gestion assainie et de l’implication de tous les acteurs concernés tout au long du processus de changement. C’est la condition préalable pour éviter l’enlisement et construire des universités performantes.
Texte initialement publié en janvier 2020 sur le site de The Conversation.
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
LE VIRUS DE L'INCOMPÉTENCE, NETTOYER LES ÉCURIES D'AUGIAS (2/2)
EXCLUSIF SENEPLUS - Il revient à Macky Sall d’expurger du gouvernement les ministres carents qui auront décompensé prématurément et dont la gestion de crise est plus dangereuse que la crise elle-même
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 11/06/2020
Dans ce lot de ministres qui ont montré leur incompétence dans la gestion de cette pandémie, en sus de Mansour Faye, il faut ajouter Mamadou Talla, le ministre de l’Education nationale, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur et Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diop, ministre de la Culture et de la Communication.
Talla sur la première marche du podium de l’incompétence
La reprise ratée des enseignements et apprentissages aura montré les carences du ministre de l’Education. Sans planification, sans avis des experts médicaux du CNGE, Mamadou Talla aura fait croire ad nauseam au président que la reprise le 2 juin était possible pour les classes d’examen. En dépit des coups de semonce des enseignants, des alertes des parents d’élèves (je ne parle pas des associations collaborationnistes de parents d’élèves) de la société civile et même des politiques de tous bords, le ministre de l’Education a voulu obstinément rouvrir les écoles dont la plupart sans eau, étaient dépourvues de logistiques spécifiées dans le protocole sanitaire. Même pour les transporter à leurs lieux de services, dans des conditions de sécurité sanitaire optimales, Talla a regroupé les enseignants dans un capharnaüm humain indescriptible au Terminus Liberté V, les exposant à un risque de contamination rapide. Pourtant, l’arrêté du ministre de l’Intérieur n° 007782 du 13 mars 2020 interdit, pour des raisons de sécurité liées à la propagation du covid-19, toutes manifestations ou tous les rassemblements de personnes dans les lieux ouverts ou clos. Alors, pourquoi avoir convoqué des milliers d’enseignants dans un endroit pas très spacieux pour les convoyer dans des conditions qui favorisent la contraction et la dissémination du virus ? Il est indéniable que plusieurs des enseignants affectés par le Covid-19 ont été contaminés lors du chaotique départ à la Liberté V. Sachant que la rentrée du 2 juin allait être calamiteuse, on a fait état d’enseignants atteints du Covid en Casamance pour généraliser la mesure d’ajournement sine die de la reprise des cours. Dix enseignants malades asymptomatiques et remplaçables ne peuvent pas paralyser tout le système. Seulement, le ministre de l’Education a voulu masquer son incompétence et son impréparation avec l’alibi des enseignants infectés par le virus. Il faut oser dire nument la vérité : la logistique de guerre contre Sars Cov2 a été défaillante, insuffisante voire inexistante dans plusieurs établissements scolaire. Ce fiasco de la rentrée aura tempéré les jaculations extravagantes et l’outrecuidance débordante du ministre Mamadou Talla. Aujourd’hui, les enseignants sont en droit de porter plainte contre leur ministre devant la juridiction compétente pour « mise en danger de la vie d’autrui », « exposition à la stigmatisation » ou « non-assistance à personne en danger ».
Aly Ngouille Ndiaye, lui, aura marqué cette crise avec une série de tergiversations et de cafouillages qui ont empreint ses prises de décisions. La rétractation sur la délivrance des autorisations de voyager de la Korité surnage dans nos mémoires. N’a-t-il pas menacé maladroitement les habitants de Touba qui rechignent de porter le masque alors que le port du masque n’est obligatoire dans certains cas de figure ? Sa flicaille n’a-t-elle pas usé ou abusé de la violence sur certains fidèles musulmans qui tenaient vaille que vaille à prier dans leurs mosquées au moment où à Medina Gounass et à Touba, l’on priait dans les mosquées sans être inquiété ? Pourquoi deux poids, deux mesures ?
Diouf Sarr : la crise dans la communication de crise
Abdoulaye Diouf Sarr, qui est au centre de cette guerre contre le virus, a montré ses limites dans la gestion de cette pandémie. Plus le temps passe, plus son incompétence est mise à nu. D’abord, même si en public le professeur Seydi a remercié le ministre Diouf Sarr, il est avéré que leurs relations sont plus que délétères. En sus, la communication de son ministère sur la gestion de la guerre sanitaire est alarmiste voire catastrophiste. D’une part, le discours est dramatisant, anxiogène au risque de favoriser la psychose et la stigmatisation. Les ministres Amadou Ba et Diouf Sarr, confortés par la Cour suprême, n’ont-ils pas dit avant le désaveu présidentiel, sur le compte du CNGE, que les dépouilles des Sénégalais émigrés décédés du Covid étaient fortement contagieuses au point qu’il faille les enterrer dans le pays où ils ont trouvé la mort ? Une telle attitude a eu un effet repoussoir chez ces populations de Malika qui ont refusé l’inhumation d’une victime du Covid dans les cimetières de leur localité.
La stratégie communicationnelle du ministre de la Santé et de ses agents est confuse, désordonnée voire inopérante. Chacun s’épanche dans les médias sans une réelle maitrise de la situation. Si Abdoulaye Diouf Sarr parle de l’acmé de l’épidémie atteint, aucune donnée épidémiologique ne le prouve. La courbe est toujours ascendante. D’ailleurs, il suffit de voir, le 06 juin passé, l’inquiétude affichée par le Pr Abdoulaye Bousso stressé pour mettre le holà au pseudo-optimisme du ministre de la Santé. D’autre part, la récitation ânonnante quotidienne des résultats des examens virologiques à laquelle s’adonnent laborieusement à tour de rôle, le ministre de la Santé, son directeur de cabinet Aloyse Diouf et la directrice de la Santé, Marie Khemesse Ngom Ndiaye, a fini par lasser certains Sénégalais du fait de son caractère dogmatique. Pire, la lecture bafouilleuse surtout en wolof est répugnante du fait d’une mauvaise diction doublée d’une méconnaissance de certains termes dans la langue de Kocc. Plutôt que de faire le kéké en s’adonnant à une récitation fastidieuse rotative, il est plus urgent pour le ministre Diouf Sarr d’affiner une bonne stratégie de communication de crise qui sensibiliserait à nouveau et mobiliserait davantage les Sénégalais en état de relâchement mortifère sur la nocuité du covid et dissiperait tous leurs doutes, oblitérant son discours et ceux de ses collaborateurs.
Aujourd’hui, on constate un effet de relâchement progressif dans l’observance des mesures barrières depuis que le Général, par maladresse communicationnelle, nous a indiqué de vivre avec le virus alors qu’on doit l’éviter, le fuir tout en menant nos activités professionnelles. Aussi incombait-il au service de com’ de Diouf Sarr d’itérer la parole présidentielle, d’en livrer la quintessence et la profondeur à ces Sénégalais qui pensent que l’épidémie est en voie d’extinction ou n’est encore qu’une fiction. Mais ce sont surtout les incohérences discursives et décisionnelles dont font montre les lieutenants du Général qui grossissent le rang des «corona-sceptiques». Il est indéniable que le manque de cohérence du gouvernement dans la gestion de cette crise sanitaire aura largement contribué au relâchement de certains Sénégalais.
Chez d’autres, le non-port du masque et le manque d’observance de certaines mesures barrières sont liés à l’indisponibilité des ressources pour se procurer de produits détergents et des masques. Le discours de prévention a ses limites quand il n’est pas sous-tendu par des actes forts.
Dans ce hit-parade de ministres incompétents, que dire de l’illustre-obscur ministre de la Culture et de la Communication, Abdoulaye Diop, (plusieurs journalistes et acteurs culturels ne parviennent même pas à l’identifier) qui a réparti entre copains et coquins l’aumône présidentielle décemment appelée aide à la presse ? Ce différentiel de traitement dans la répartition inique de l’aide pécuniaire est inadmissible dans un gouvernement qui se veut chantre de la transparence et de la bonne gouvernance. Si aujourd’hui, le ministre Diop et ses collaborateurs refusent obstinément de publier les bénéficiaires et le montant alloué à qui de droit, c’est parce que dans son propre ministère, des agents ont utilisé des simulacres de sites pour s’accaparer indûment l’argent destiné aux journalistes. Le scandale de la distribution de l’aumône présidentielle est à son paroxysme quand le troubadour Mame Gor Djazaka dont le seul mérite est de se « larbiniser » a arraché sa part du gâteau.
Last but not least, le ministre du Commerce Aminata Assome Diatta et son homologue Moustapha Diop du Développement industriel et de la Petite et Moyenne Industrie complètent cette palanquée de ministres incompétents. Lesquels avaient conjointement signé, le 24 avril 2020, l’arrêté n°009450, rendant obligatoire la certification de conformité des masques barrières à la marque nationale de conformité « NS-Qualité Sénégal » avant que, sous la grogne des tailleurs, le dernier nommé ne recule, deux jours plus tard, par un autre arrêté. Assome Diatta qui avait interdit, à juste raison, la vente du pain dans les boutiques mais sans préconiser des mesures d’accompagnement compensatoires, avait fini par provoquer des engorgements monstres au niveau des boulangeries violant ipso facto la distanciation physique. C’est dire donc que la crise pandémique a fini par révéler au grand jour l’incompétence consternante et l’indécision effarante des lieutenants du Général.
Les périodes de crise sont des moments majeurs de test politique. Et cette crise sanitaire (pour ne plus user fort de café du mot « guerre ») aura mis à nu l’incompétence des ministres de Macky Sall concernés qui ont décompensé après 90 jours de crise sanitaire. Mais puisque le contrat de confiance du peuple avec le président Sall s’achève en 2024, il lui revient, dès l’atténuation de cette crise, d’expurger du gouvernement cette horde de ministres carents dont l’incompétence dans la gestion de cette crise sanitaire est plus dangereuse que la crise elle-même. Il incombe au président Macky Sall de nettoyer les écuries d’Augias de cette pandémie de l’incompétence gouvernementale avant que les Sénégalais ne soient contagionnés par le virus des Maliens qui, depuis quelques jours, réclament le départ du président Ibrahim Boubacar Keita dont le pays, pataugeant dans la mal-gouvernance, est en proie, depuis 2012, à une profonde crise sécuritaire, sanitaire, politique et économique.
C’est dans les polémiques qu’il s’accomplit et qu’il s’est fait un nom. Les attaques personnelles, il s’y connaît. Et malgré les critiques sur l’alignement de son journal sur les positions du pouvoir en place, il reste droit dans ses bottes
Ce texte préalablement publié en 2016 est remis au goût du jour par son auteur, journaliste au Soleil via sa page Facebook, alors qu'une polémique couve à nouveau entre Madiambal Diagne et Pierre Goudiaby Atépa, à propos d'un scandale foncier.
Entre le patron du Groupe Avenir Communication et Pierre Goudiaby Atépa, les mots volent au ras des pâquerettes. Par voie de presse, les deux hommes se cognent sans merci. Ce, depuis que Madiambal Diagne a, dans une chronique, émis un doute, un brin ironique, sur le projet du célèbre architecte de faire de l’île de Carabane, en Casamance, un paradis fiscal. Ayant peu goûté à cette sortie, Atépa a répliqué de manière virulente rappelant les largesses qu’il aurait faites à Madiambal. Selon Atépa, il offrait chaque année le mouton de Tabaski à Madiambal. Mais puisque le patron du journal Le Quotidien n’est pas fait de la même matière que ceux-là qu’on gifle et qui tendent l’autre joue, il est revenu à la charge. Et c’est certain, il attend tranquillement dans son coin la prochaine attaque d’Atépa pour riposter à nouveau.
Il est comme ça Madiambal, il n’est pas homme à se laisser faire. Lui, c’est dans les polémiques qu’il s’accomplit et qu’il s’est fait un nom. Les attaques personnelles, il s’y connaît. Avant Pierre Goudiaby Atépa, d’autres en ont pris pour leur grade dans ses chroniques du lundi. Jusqu’à une date récente, c’est l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye que Madiambal Diagne avait transformé en souffre-douleur. N’hésitant pas à aller jusqu’à farfouiller dans sa vie intime.
En 2005, il a été condamné, en tant que Directeur de publication, à un mois avec sursis et à payer un franc symbolique à Karim Wade que son journal avait accusé d’être derrière le projet d’installation d’un troisième opérateur de téléphonie mobile au Sénégal. Il a, par la suite, dû présenter platement ses excuses au fils d’Abdoulaye Wade devant les caméras de la Rts. Deux ans plus tard, c’est avec l’ancien ministre du Tourisme Thierno Lô que Madiambal a eu maille à partir. Le journaliste l’accusant d’avoir empoché 200 millions de Fcfa du président Abdoulaye Wade au nom du journal Le Quotidien.
Il est expéditif et radical, vous pensez ? En fait, la plume du journaliste n’est que le reflet du manager qu’il est : Madiambal Diagne n’a que faire des états d’âme et des cas de conscience. La preuve, il y a deux ou trois ans, il n’a pas hésité à se débarrasser du trio de journalistes séniors avec qui il avait créé son journal. Avant et après eux, de nombreux jeunes reporters ont fait les frais des humeurs du boss. Et malgré les critiques sur l’alignement de son journal sur les positions du pouvoir en place, Madiambal Diagne reste droit dans ses bottes. Et c’est pour mieux cirer les pompes de ses amis du pouvoir.
Par Cheikh DIOP
A L’APOGEE DU POUVOIR FINANCIER, GARDONS LE CAP
Il m’a été donné de relever, depuis quelque temps des attaques et critiques acerbes contre les organisations syndicales pour leur passivité supposée et leurs leaders pour une longévité à leur poste.
Il m’a été donné de relever, depuis quelque temps des attaques et critiques acerbes contre les organisations syndicales pour leur passivité supposée et leurs leaders pour une longévité à leur poste. Je voudrais saisir l’occasion offerte par cette tribune pour faire un certain nombre de précisions relatives à deux aspects qui, j’espère, permettront une meilleure compréhension des dynamiques en œuvre : l’évolution historique du mouvement revendicatif et celle au Sénégal.
L’évolution historique du mouvement revendicatif international
A l’aube des temps, seule la force de Travail faisait face au Capital. Puis progressivement, cette confrontation ardue et perpétuelle a généré deux camps idéologiques politiques majeurs. D’une part il y a l’idéologie des alliés du Capital qui œuvrent naturellement pour son renforcement, situés à «Droite» et qualifiés de capitalistes, avec toutes ses dérivées jusqu’au système néolibéral actuel. D’autre part, nous avons l’idéologie antagonique des alliés du Travail, situés à «Gauche» et qualifiés de socialistes, avec également toute sa panoplie de courants politiques et de mouvements revendicatifs connexes (écologistes, altermondialistes, «droits-de-l’hommistes», activistes -cas des gilets jaunes, rouges ou marrons-, le tout englobé dans le terme générique de «Société civile». Cette tendance favorisée par la mondialisation du système économique néolibéral a émergé des flancs du mouvement revendicatif, jadis composé de trois éléments essentiels : les tenants du pouvoir économique et financier, la classe politique et la force de travail organisée dans les syndicats pour revendiquer la justice sociale, l’équité et le progrès social.
A présent, force est de constater que le mouvement revendicatif pour le progrès social essentiellement porté jusqu’ici par les syndicats, s’est considérablement densifié avec l’émergence d’autres entités revendiquant une partie de la mission originellement dévolue aux syndicats. On peut citer notamment, les associations de consuméristes, les altermondialistes, certaines Ong, les associations de droits de l’Homme et j’en passe.
L’agitation de toute cette masse critique ajoutée à la dispersion des forces syndicales, donne l’impression d’un mouvement affaibli, amorphe. Il est vrai que le mouvement syndical gagnerait à réadapter ses stratégies et techniques de lutte, mais aussi ses formes d’organisation, si l’on tient compte des transformations induites par la déréglementation des relations qui régissent les systèmes politiques et économiques. Des signaux forts, comme l’avènement des gilets colorés, invitent à l’urgence d’ajuster nos dynamiques d’actions et formes d’organisation pour une meilleure efficacité. Somme toute, je fais confiance à la capacité d’adaptation du mouvement syndical, mainte fois mise à l’épreuve lors des différentes révolutions industrielles que l’humanité a connues depuis les années 1700. Je suis convaincu qu’il en sera de même face à cette quatrième révolution industrielle de l’économie virtuelle dite révolution 4.0. Il est rassurant de noter que les premières réponses apportées par le mouvement syndical international, portent sur la réunification organique de ses entités les plus représentatives : la Confédération internationale des syndicats libres (Cisl), la Confédération mondiale du travail (Cmt), avec beaucoup d’autres fédérations internationales indépendantes comme la Cgt en France, pour donner naissance à la Confédération syndicale internationale (Csi). La fusion entre ces deux grandes organisations syndicales internationales, longtemps opposées idéologiquement, dénote une capacité de résilience et de mutualisation des forces syndicales face aux dérives de la mondialisation.
L’évolution du syndicalisme sénégalais
Les bouleversements engendrés par l’atteinte des limites du système économique néolibéral ne doivent pas faire «perdre la boussole» aux militants du progrès, de l’équité et la justice sociale au point de faire de nos héros d’hier «des zéros» d’aujourd’hui. Je rappelle l’adage qui dit que «les héros font la guerre, les zéros en profitent».
Notre conscience collective doit retenir que trois écoles, (visions) ayant résisté à l’épreuve du temps pour prospérer, ont marqué l’histoire contemporaine du mouvement syndical sénégalais : L’école de la «participation responsable» créée par le Président Senghor après les événements de Mai 68. Cette vision syndicale a été fortement portée par feu Madia Diop, avec son courant du «renouveau» qui a corrigé et réajusté les manquements originels. L’école du «syndicalisme autonome» impulsée par la Gauche sénégalaise. Ce courant de combat sans concessions est porté incontestablement par le camarade Mademba Sock qui l’a rendu visible. Son combat et son engagement lui ont coûté, ainsi qu’à sa famille et les militants de son organisation, d’énormes sacrifices et privations jusqu’à celle de sa liberté. L’école du «syndicalisme de contre-pouvoir», sans être systématiquement contre le pouvoir, comme aimait le préciser Cheikh Anta Diop. Cette vision syndicale qui nous inspire, est sous-tendue par un engagement indéfectible, dotée à la fois d’une grande capacité d’innovations, d’adaptation et de mobilisation. Elle est l’aboutissement de profondes réflexions sur l’évolution du mouvement syndical, initiée au sein de la commission sociale du Rnd de Cheikh Anta Diop, présidée à l’époque par Maître Babacar Niang.
Le Rnd avait choisi de ne pas créer de centrale syndicale adossée au parti, mais de recommander aux militants syndicaux membres du parti, de s’affilier aux centrales de leur choix, tout en étant porteurs de ce courant et de se battre pour le triomphe de ces idéaux syndicaux, partout où ils évoluaient. Cette option a retardé l’essor de ce courant syndical, faut-il le reconnaître tout de même. Le camarade Mamadou Diouf, ancien Secrétaire général de la Csa, tout comme moi-même, avons été initiés à ce courant syndical de contre pouvoir.
Les approches «turbulence zéro» et pratiques syndicales basées sur la réflexion stratégique de feu Iba Ndiaye Diadji sont aussi proches de cette ligne. Dans cette perspective, la rivalité et la concurrence ne font pas recette. Pour consolider les acquis historiques du mouvement syndical et faire face aux dérives du pouvoir financier, l’heure n’est pas à l’affaiblissement de nos «héros» d’hier, au moment où nous avons plus que jamais besoin de leur expérience pour nous renforcer et conjuguer nos efforts afin de transformer en progrès social les excès de la finance globale de l’économie virtuelle en cette quatrième révolution industrielle 4.0 émergente. Toute autre considération pourrait nous divertir, car, pour assumer le leadership dans la conduite des destinées d’une entité ou communauté quelle qu’elle soit, ou pour y renoncer, le critère démocratique prime sur celui de longévité.
Dans un système démocratique avancé, le critère démocratique est souvent couplé à l’obligation alternative périodique. On parle dans ce cas de «démocratie alternative». Cependant, dans le domaine syndical, la vigilance et le discernement doivent être de rigueur. En effet, s’il est possible d’adopter la démocratie alternative dans certaines organisations syndicales d’élites, au niveau de l’éducation par exemple, son application dans les organisations ouvrières, comporte énormément de risques. Le processus de formation des leaders n’est pas identique dans les deux cas. Dans les organisations d’élites, chaque membre du syndicat est un leader potentiel, parce qu’ayant tous le même prérequis, seuls la volonté et l’engagement font la différence pour diriger. Ceci n’est pas le cas pour le mouvement ouvrier.
A ce niveau en effet, il faut un véritable «parcours du combattant» au cours duquel le futur dirigeant syndical, se forge au prix souvent de sa carrière, de sa liberté, voire son existence avant d’être reconnu et plébiscité par ses pairs. Il est d’ailleurs symptomatique que dans le mouvement ouvrier, tous les permanents des bourses du travail soient d’anciens travailleurs licenciés qui ont décidé de s’investir exclusivement au service du syndicalisme. Nous devons taire nos petites querelles, faire abstraction de nos différences d’écoles de formation syndicale, pour privilégier l’essentiel qui, à mon sens, réside dans «un syndicalisme de transformation sociale» capable de faire face au «système».
LE COVID-19 ET L'AFRIQUE À TRAVERS L'EXPÉRIENCE DU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS - Un pôle économique à l'extrême sud-est, pour nommer Tambacounda, est tout à fait réalisable. Il serait un pendant à la région de Dakar et un pont pour le développement de nos échanges en direction de toute l'Afrique subsaharienne
Les prévisions funestes des experts ont encore une fois été démenties, celles-là mêmes qui nous prédisaient millions de morts et catastrophes innommables.
Non seulement la pandémie n'y a sévi qu'à des taux marginaux, mais nos élites ont pu trouver, avec le peu de moyens à leur disposition, les savoir faire et savoir être propres à amortir sa dissémination et adopter des thérapeutiques expérimentales avec une indépendance d'esprit salutaire. Et ce, malgré le suivisme plus ou moins prononcé mais relativement temporaire de nos gouvernements vis à vis des puissances coloniales.
Cette épidémie a été l'occasion d'une impulsion intense de la créativité et de l'ingéniosité de nos scientifiques et techniciens notamment dans les technologies de pointe que sont l'électronique, le numérique et l'impression additive, plus communément appelée 3D. Si les pouvoirs publics savent l'écouter dans la durée et transformer ce surgissement en stratégie, on peut raisonnablement espérer alors la naissance d'une vague de fond qui pourrait propulser l'émergence réelle de l'Afrique et asseoir toute sa place d'acteur majeur dans l'équilibre mondial.
Acteur majeur et équilibre, non pour singer le monde occidental ni le monde asiatique dans leur course infernale à la productivité, au gain de temps compté en heures, puis en minutes et en secondes, non pour être mus par l'appât du gain et du profit maximal, non pour mettre l'humain au service de la comptabilité économique qui finit par se donner pour la Science économique, et j'en passe...
Équilibre mondial et acteur majeur pour cultiver et asseoir ses valeurs culturelles et civilisationnelles fondées sur l'adage qui dit "Nitt, garabou nitt la" (l'être humain est un remède pour l'être humain), une économie dont la mission essentielle et le fonctionnement sont de répondre aux besoins sociaux et non au profit de quelques individus, fussent-ils organisés en classe sociale. Revenir à l'économie au sens étymologique de gestion des biens de la famille ou de la maisonnée. Et non l'expropriation et le travestissement de son sens au profit de l'élaboration et l'imposition de règles destinées à permettre et encourager l'accaparement essentiel des biens par les plus puissants.
Car cette pandémie, par delà notre réaction et notre réponse pour la contenir et nous en protéger, s'est peu propagée et fixée en Afrique, d'elle-même, non comme le nuage de Tchernobyl qui se serait opportunément arrêté à telle ou telle frontière, mais peut-être tout simplement parce que l'Afrique est relativement en marge des circuits et mouvements économiques et commerciaux mondiaux.
On constate à priori que les pays les plus touchés sont des plaques essentielles de la circulation des marchandises et des personnes à partir du centre de la mise à feu de la pandémie. À l'intérieur même de ces pays, ce sont les régions les plus actives dans cette économie mondiale et de ses circuits qui ont été les plus touchées, le cas de l'Iran n'étant qu'une particularité qu'il faudra élucider un jour, mais qui pourrait être lié à la proximité historique de ses échanges civilisationnels avec la Chine et avec la présence fortuite de marchands iraniens à Wuhan dès la naissance de l'épidémie, bien avant qu'on en repère l'existence et la nature, marchands qui reviennent en Iran et sont au centre de la circulation commerciale et humaine dans le pays et, enfin, au manque criant de moyens techniques et de médicaments causé par les sanctions américaines.
En dehors de ces plaques tournantes avec une forte concentration humaine et une grande densité des transports, les zones plus lointaines et moins densément peuplées ont été beaucoup moins touchées.
Rappelons que la pandémie de la peste noire aux XIV et XV èmes siècles a mis quatre-vingts ans à se propager de son centre à son apogée géographique et s'est déplacée en suivant les circuits de circulation des grands centres de vie économique et religieuses. Un rythme à la mesure aussi de la vitesse de circulation de chaque époque.
C'est ce même phénomène qui a permis de préserver relativement l'Afrique qui occupe, de fait, une place marginale dans les grands flux des circuits commerciaux mondiaux. Notre faiblesse a été pour une fois notre force.
Mais cela ne s'arrête pas là.
Le monde occidental vit depuis un demi-siècle dans un environnement de plus en plus aseptisé, où les défenses immunitaires de l'être humain sont remplacées progressivement par des médicaments, et où leur production et leur mobilisation seraient donc de moins en moins sollicitées et finiraient par être anesthésiées.
Cela n'est pas le cas en Afrique et dans de nombreux pays du Sud. Non par une quelconque anticipation stratégique, mais par un manque de moyens tout simplement. N'ayant pas le luxe de substituts extérieurs pour le protéger, notre corps serait obligé de se défendre par sa force interne, maintenir et renforcer en conséquence ses défenses immunitaires propres. Là aussi, c'est une faiblesse qui nous permettrait de renforcer cette capacité.
Et pour reprendre l'adage qui dit "Niakk pékhé, pékhé la", ne pourrait-on pas penser, selon la même logique, que "Niakk doolé, doolé la", et que la reconnaissance active de sa faiblesse face à une situation est aussi le lieu potentiel de production d'une imagination et ingéniosité extrême à élaborer et mettre en oeuvre des solutions propres à dénouer des blocages à priori inextricables.
Le constat rationnel et honnête vis-à-vis de nous-mêmes de nos faiblesses devrait nous permettre en conséquence, non de nous en satisfaire en se bombant le torse pour certains, ni de nous y complaire pour d'autres, mais de mettre en oeuvre une stratégie pour notre développement, asseoir notre place, toute notre place, dans le nouvel équilibre mondial qui se dessine. Une stratégie à l'instar des arts martiaux qui se structurent essentiellement en puisant dans sa propre faiblesse et s'appuyer sur la force de l'adversaire pour en venir à bout.
Nous vivons dans un écosystème. Notre être est en adéquation avec celui-ci dans une relation intime et séculaire, exactement comme tous les autres peuples et grandes aires de civilisation. Nous vivons donc avec les germes, les bactéries et autres agents infectieux spécifiques à notre environnement, exactement comme notre corps porte en lui de ces mêmes agents indispensables à son équilibre et non nécessairement prédateurs, sauf au cas où il subit des modifications importantes pour telles ou telles raisons ou telles ou telles circonstances. Même dans cas là, un apport extérieur pour nous protéger et guérir, du fait de sa rareté, s'accompagne du facteur essentiel que représente la mobilisation extrême de notre système immunitaire.
Pour quelles raisons n'imaginerions pas dès lors une protection fondée non sur la recherche effrénée d'un milieu aseptisé où tout agent potentiellement pathogène est traqué et détruit à coups de produits chimiques de plus en plus puissants, mais auquel il finit par s'adapter et résister toujours mieux, mais plutôt par un développement de l'hygiène tout simplement, non pour détruire ces agents selon les termes d'un combat de Sisyphe, mais tout simplement pour s'en éloigner lorsque cela est nécessaire. Ce sont là deux modes de protection radicalement différents, avec des conséquences sur le système de production et de développement pharmaco-sanitaires décisives.
Quant à chercher à s'intégrer à tout prix aux circuits commerciaux mondiaux, avec des centres de civilisations extérieurs à notre écosystème, ce qui signifie nous ouvrir aussi à des agents pathogènes auxquels notre système immunitaire n'est pas du tout préparé, malgré la "mondialisation", n'aurions nous pas intérêt à privilégier enfin le développement de nos relations économiques et commerciales dans le champ africain, celui-là même qui constitue notre milieu global, nous y fortifier, et y créer progressivement les moyens spécifiques et adéquats à notre réalité pour les affronter, sans pour autant cesser de nous nourrir abondamment et intelligemment des connaissances produites sous d'autres cieux mais savoir réhabiliter cette fois celles produites sous les nôtres tout en sachant les débarrasser de leurs pesanteurs ?
En adoptant, sans le recul critique radical nécessaire, les moyens élaborés en fonction de systèmes économiques et sociaux étrangers à notre civilisation, nous nous donnons comme un simple marché de consommateurs et nous nous présentons désarmés pour nous en remettre entièrement à lui, sans nous appuyer sur la mobilisation optimale de notre propre système immunitaire.
Ce qu'il se passe au niveau de notre corps est du même type que ce qu'il se passe dans la nature avec les produits phytosanitaires et les engrais chimiques qui se révèlent être de plus en plus puissants, de plus en plus destructeurs des richesses et des capacités propres du sol à se régénérer et des plantes à se défendre, de plus en plus chers, bien qu'à une intensité moindre et une transformation plus lente. Tout cela pour le seul profit des industries pharmaceutiques et phytosanitaires mondiales qui voient ce marché particulièrement juteux se développer à une vitesse exponentielle.
C'est par un arrimage solide à l'Afrique, par une politique intelligente, souple et pragmatique de coopération et d'associations à tous les niveaux et dans tous les domaines, que nous sommes réellement capables de nous développer de façon homogène et intégrée : nous en partageons les contraintes, les ressources naturelles, le même niveau de développement, les mêmes grandes valeurs culturelles. C'est forts de cela que nous pourrons construire et occuper notre place dans le monde et dans son nouvel équilibre.
Créer pour l'Afrique les conditions d'un développement industriel et artisanal en encourageant la petite entreprise de transformation au service de l'artisanat. Pour ne prendre qu'un exemple, pourquoi ne pas limiter les droits d'exploitation de nos richesses minières, les accompagner de contraintes strictement respectueuses de l'environnement naturel et humain, associant les petites villes et les villages mitoyens et, enfin, exiger la rétrocession d'une partie de la production à des petites entreprises de transformation ayant pour finalité de revendre leurs produits finis ou semi finis à des artisans. Ceux-ci ont souvent du mal à se fournir en produits neufs mais très chers, travaillent généralement avec du matériel récupéré licitement mais qui donne aussi lieu, dans certains cas, à des transactions sur des produits issus en réalité de vols et déprédations diverses et variées.
Une telle politique créerait un environnement où l'on verrait éclore toute une gamme de petites entreprises de transformation et de production artisanale riches en main-d'oeuvre, en savoir faire et en créativité comme l'ont montré nos ingénieurs, techniciens, médecins quand il a fallu compter sur eux-mêmes pour affronter la crise que nous subissons car il n'y avait aucune "aide" extérieure de quelque sorte que ce soit, sinon minime, qui pouvait nous parvenir et nous permettre de nous passer de leurs services. C'est d'une certaine manière contraints et forcés que nous avons dû les écouter et les prendre au sérieux. Alors profitons en pour asseoir définitivement cette politique, l'encourager et lui donner les moyens de s'épanouir dans les meilleures conditions.
Et nous n'avons pas besoin d'entrer dans une logique de toujours plus pour notre développement, ce toujours plus qui soumet le monde fondé sur le système productiviste et néolibéral à une course infernale contre l'humanité et contre la nature. Nous avons besoin d'entrer au contraire dans un monde du mieux être au service de l'être humain et de la nature.
Nous avons besoin que nos concitoyens travaillent, créent, prennent le temps de vivre en harmonie avec leur environnement social et hors du besoin, et non pas de profits toujours démultipliés au service d'une minorité.
C'est le lieu, dès lors, de revisiter tous ces paradigmes que l'on nous inculque depuis des décennies, d'en mesurer les conséquences dramatiques, en prenant le risque de nous secouer nous-mêmes, déstabiliser nos certitudes intellectuelles comme notre confort matériel, pour nous orienter dans l'élaboration d'autres finalités et rasseoir solidement nos valeurs.
Protéger l'être humain, préserver ses capacités de défense propres et renforcer son système immunitaire, nous nous le devons. Nous le devons aussi à la nature, à la préservation de l'intégrité de notre planète. Dans une telle logique, nous devrions nous réorienter vers une agriculture qui respecte ces principes. Mettre en place des méthodes qui respectent et régénèrent les sols, favorisent et protègent la vie biologique qu'ils recèlent, prendre résolument distance avec les produits chimiques qui finissent de se substituer à la force vitale des sols comme des plantes qui s'en trouve dès lors anesthésiée et inopérante. Non pas, bien sûr de façon brutale mais selon une méthode raisonnée.
Le Sénégal dispose d'ores et déjà de suffisamment de compétences humaines et techniques, de centres de formation jusqu'au plus haut niveau et d'institutions pour se charger d'élaborer, mettre en oeuvre et assurer le suivi d'une telle ambition.
La muraille verte en oeuvre pourrait être l'occasion, si ce n'est déjà en cours, au profit des villageois des zones traversées, de mettre en oeuvre une formation à ces techniques de régénération et de protection des sols et des plantes afin qu'ils en tirent le meilleur. C'est d'ailleurs la condition de réussite d'une telle opération. Il faut que les villageois y trouvent leur intérêt, pas selon une éthique et une préservation de la nature et de la vie en général mais pour améliorer leur propre quotidien de façon concrète à court terme, avec une échéance définie de façon réaliste, dans une fourchette raisonnable, condition nécessaire pour qu'ils y adhèrent et protègent les plantes semées et/ou régénérées. S'appuyer sur ce qui a été réalisé en Casamance, mais cette fois, avec le concours massif de l'État qui mobilise les compétences nécessaires, les institutions et centres de formation pour participer à cette oeuvre gigantesque par sa dimension et par l'ambition qu'elle est en droit de générer en nous, pour notre avenir. Ce serait alors un mouvement massif de formation des paysans à ces nouvelles pratiques agricoles et une école grandeur nature pour les populations proches. Impliquer les villageois dans cet esprit, c'est contribuer aussi à favoriser, chez les anciens, l'émergence de savoirs séculaires, savoirs délaissés et enfouis à force d'avoir été dévalorisés par l'imposition de techniques modernes justifiées par ce qui se donne comme le fruit de la science, alors qu'en réalité il s'agit aussi et surtout d'une prétention à soumettre la nature et d'une volonté de promouvoir la production d'outils, de semences à usage unique et d'intrants à des fins essentiellement lucratives. Encouragés, valorisés et ramenés à revivre en harmonie avec la nature, une fois renouée la confiance en eux-mêmes, en leurs savoirs et savoir-faire, les paysans feront preuve, à n'en pas douter, d'une intelligence, d'une créativité et d'un investissement qui bousculeront radicalement nos certitudes et seront en même temps salutaires pour nous aider à retrouver pieds sur terre et quelque humilité face à nos connaissances "scientifiques", en réalité des connaissances bridées, organisées et formatées pour générer profits et rentes à croissance exponentielle.
Ceci nous permet d'aborder le quatrième volet des leçons de la pandémie en cours. La dissémination de la maladie suit les grands circuits de circulation économique et commerciale, et en conséquence les grandes concentrations urbaines. C'est ainsi que la région de Dakar concentre la majeure partie des populations infectées. Elle est en même temps l'unique poumon économique du pays. La confiner pour contenir l'épidémie, c'est plonger tout le reste du pays dans le marasme économique. On a pu le constater très rapidement sur le plan agro-pastoral pour ne citer que cet aspect. Briser son dynamisme économique par des mesures restrictives, rompre ses liens avec le reste du pays, c'est enrayer la possibilité pour l'écrasante majorité de ses membres de se nourrir tout simplement et la plonger dans la faim, tant l'économie informelle, d'où l'on y tire sa subsistance au jour le jour, y a cours jusque dans les moindres de ses méandres.
Cela devrait alors nous inciter à revoir notre politique d'urbanisation et de structuration de notre économie à l'échelle de l'ensemble du pays. Celles-ci restent tributaires d'une logique mise en place depuis le XIXème siècle par le système colonial. Cette logique est en voie de transformer l'agglomération de Dakar qui s'étend déjà sur toute sa région en une véritable mégalopole qui finira bientôt par absorber la région de Thiès elle-même, y compris la ville de Mbour et l'ensemble de leurs satellites.
Il serait fortement souhaitable d'enrayer résolument cette dynamique et se donner les moyens de redessiner le tissu urbanistique et économique, selon une vision holistique et une stratégie intégrée sur l'ensemble du pays, à commencer par le fait de favoriser l'émergence d'un pôle fort à son autre extrémité. Des moyens existent pour cela. Dakar est le bout d'un entonnoir où vient s'engouffrer le reste du Sénégal et des pays de la sous-région, notamment ceux du sud et du sud-est. Ce sont en conséquence tous les moyens de transports qui viennent s'y déverser, engendrant un surcroît massif de pollutions, embouteillages, pertes de temps et surcoûts substantiels qui se chiffrent chaque année à des centaines de milliards de francs, sans parler des ravages pour la santé, la surpopulation nourrie par l'exode rural et l'exode tout court de notre jeunesse la plus résolue, la plus intrépide et la plus débrouillarde.
Un pôle économique à l'extrême sud-est, pour nommer Tambacounda, est tout à fait réalisable. Il serait un pendant à la région de Dakar et un pont pour le développement de nos échanges en direction de toute l'Afrique subsaharienne au moins.
Articulée sur une politique agricole qui nourrisse son homme, une chaîne de petites entreprises de transformation et un artisanat tels que définis plus haut, les populations y verront l'intérêt de se fixer sur leur terroir et d'y trouver les moyens d'une vie raisonnablement confortable. Cela permettrait de contenir les surdensités de populations, de créer les conditions d'un maillage de régions suffisamment autosuffisantes pour éviter de multiplier déplacements forcés pour toutes sortes de besoins, et enfin de contenir les propagations de catastrophes (épidémies ou autres) et de les confiner, lorsque cela s'avèrera strictement nécessaire et non le fruit d'une panique, sans pour autant en subir des dommages catastrophiques pour les populations concernées.
Bien des éléments de bilan ont déjà été tirés de cette pandémie, d'autres le seront encore dans les mois et même les années à venir. À un mal peut correspondre un bien dit-on. Il nous appartient de relever le défi. L'Afrique en a les moyens, pour peu que nous acceptions aussi de nous tromper et subir des échecs, mais oser surtout et malgré tout nous en relever et revoir notre copie.
Par Pape NDIAYE
HONORABLE MAIRE BARTH, NE PERSONNALISEZ PAS VOTRE NOBLE COMBAT !
Le maire de Mermoz Sacré-Cœur risque de faire des dommages collatéraux dès lors qu’il a pris pour cible d’honorables citoyens dont les villas ont été filmées et jetées en pâture dans les réseaux sociaux
L’occupation du littoral de la capitale, c’est-à-dire de la limite du port de Dakar à Yoff-Diamalaye, est aussi visible que le nez sur le visage ! Elle est tellement massive, cette occupation, qu’elle obstrue la vue des citoyens empruntant la Corniche et qui ne peuvent tout simplement plus contempler la mer et respirer l’air marin à cause de l'occupation illégale du domaine maritime. Cela, tout le monde l’a constaté et le déplore. Et avec le peu de servitudes de passage pour l'accès aux plages, le comble est atteint. C’est pourquoi la croisade courageuse entreprise par le maire de Sicap Mermoz-sacré Cœur, Barthélemy Dias pour qui « le Témoin » a beaucoup de sympathie et il le sait, cette croisade est salutaire en même temps qu’elle est très populaire au niveau des populations de Dakar. Un combat citoyen que les riverains applaudissent. Hélas, ce qui est déplorable, c’est le fait que cette lutte, plutôt que d’être de portée générale et de viser tous les occupants du DPM, soit plutôt sélective, politisée et personnalisée en visant notamment d’honorables hauts fonctionnaires traités de « voleurs » et jetés en pâture à l’opinion.
Dakar a mal, vraiment mal de son désordre et son anarchie. Si ce ne sont pas des marchands ambulants qui squattent les trottoirs, ce sont des hôteliers et autres hommes d’affaires qui squattent le littoral et construisent dans le domaine maritime. Une agression et une occupation illégale du territoire qui datent du régime du président Abdou Diouf avec notamment l’implantation des restaurants et de l’hôtel « Lagon » dans l’océan Atlantique même ! Sans compter les nombreuses cliniques et hôtels construits dans le domaine maritime de Dakar. C’est en survolant Dakar qu’on se rend compte de la densité de l’occupation du littoral. De la petite corniche à la grande corniche ouest en passant par le Cap Manuel, les Madeleines, Soumbédioune, Mermoz, les Almadies, Ngor, Yoff, Diamalaye, ce sont des secteurs entiers du domaine public maritime de la capitale qui ont été squattés par de nouveaux riches dont les maisons ont les pieds dans l’eau.
Face à cette situation, on comprend la portée salutaire du combat du maire de Sicap Mermoz-sacré cœur, Barthélemy Dias, dans sa volonté de préserver le littoral. Ou, du moins, ce qui reste comme servitudes de passage pour l’accès aux plages. Car l’occupation du littoral à usage commercial ou industriel ne profite qu’aux hommes d’affaires. Naturellement, elle cause, hélas, un sérieux désagrément aux riverains et autres habitants des quartiers de la capitale déjà privés de plages. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas ne pas appuyer ou encourager le maire Barthélemy Dias dans sa lutte contre la spoliation du littoral. Malheureusement, l’honorable Barth risque de faire des balles perdues, voire des dommages collatéraux, ou encore se tromper dans ce combat citoyen dès lors qu’il a pris pour cible d’honorables citoyens dont les villas ont été filmées et jetées en pâture dans les réseaux sociaux. Des citoyens qui ont construit en toute légalité sur le domaine public maritime, certes, mais qui n’ont empiété sur aucune plage. Mieux, on en connaît beaucoup parmi ceux désignés à la vindicte par notre sympathique maire (aussi bien mon directeur de publication, Mon, que votre serviteur sont des administrés de la commune qu’il dirige) qui ne sont pas des « voleurs » comme il le dit, mais de braves gens dont la fortune est parfaitement licite. Mieux, en aucun cas, ils n’ont pas fermé ou bloqué l’entrée à la plage. Et cela se vérifie sur place !
L’honorable maire de Mermoz Sacré-Cœur semble oublier que le domaine public maritime appartient à l’Etat qui peut en autoriser certaines occupations sous conditions. En dehors des déclassements, il peut être sujet à une autorisation d’occupation temporaire ou définitive comme les villas, les hôtels, etc. C’est dans ce cadre que d’éminents hauts fonctionnaires, magistrats, diplomates, ambassadeurs, officiers de l’armée, anciens ministres, professeurs d’université, médecins et autres qui ont construit leurs résidences dans le domaine maritime.
Faute d’espace dans les zones urbaines ou résidentielles de Dakar, la plupart d’entre eux se sont rabattus dans ce domaine maritime. Ce, après avoir dignement servi l’Etat ici et ailleurs pendant des décennies. Donc là où des hôteliers et investisseurs étrangers s’activent dans domaine maritime, pourquoi pas eux c’est-à-dire des sénégalais ordinaires ou « extraordinaires » ne doivent pas y résider ? Et qui des sénégalais qui ne sont pas des moindres à savoir nos hauts cadres et autres commis de l’Etat qui durant toute leur vie ont eu à servir le Sénégal. Il s’y ajoute que le littoral de Dakar est long, très long. Pourquoi donc choisir la seule portion qu’il a filmée pour la lyncher alors que, encore une fois, de derrière le port de Dakar jusqu’à Diamalaye, l’occupation est visible et massive ? Il est vrai que ces parties ne sont pas situées administrativement dans le périmètre communal de Mermoz-sacré mais quand même, notre cher Barth gagnerait à généraliser plutôt qu’à personnaliser. Parce que nous aimons beaucoup Barthélémy Dias, nous lui conseillons de ne pas se tromper de combat ! Et d’éviter d’atteindre des victimes innocentes avec ses balles perdues. Car le combat maritime ne doit être politique, mais citoyen ! Et dans ce cas, monsieur le maire, monsieur notre maire à Mon et à moi, nous vous l’assurons, you’ll never be alone dans ce combat !
Par Papa Faye
LE RETOUR DES SAISONNIERS, UN VRAI DILEMME !
Dès la proclamation de l’Etat d’urgence au Sénégal, j’avais posté sur mon compte Facebook une note de compassion et d’alerte sur la précarité des migrants saisonniers, sonnés par la paralysie du secteur informel dans lequel ils s’activent essentiellement.
Dès la proclamation de l’Etat d’urgence au Sénégal, j’avais posté sur mon compte Facebook une note de compassion et d’alerte sur la précarité des migrants saisonniers, sonnés par la paralysie du secteur informel dans lequel ils s’activent essentiellement. J’en suis conscient et préoccupé surtout parce que je suis un rural (né à Mbinondar, dans l’arrondissement de Ngayokhème, et j’ai grandi à Dame, dans la commune de Diarrère, région de Fatick). Je suis aussi ruraliste (sociologue rural) et anthropologue intéressé par le développement rural et la gouvernance des ressources naturelles. Je passe l’essentiel de ma vie hors de Dakar, en mission de recherche, de facilitation ou de formation dans d’innombrables contrées et régions du pays, à l’exception jusque-là de celle de Matam.
Une idée sur l’ampleur de la migration interne au Sénégal
Selon le dernier recensement effectué en 2013, les migrants internes se chiffrent à 1 896 779 personnes, soit près de 15 % de la population totale du Sénégal. Selon la même source, toutes les régions sont concernées, soit elles sont de grands foyers de départ (exemples : Louga, Kaolack, Diourbel, Thiès), soit elles sont des foyers d’accueil (exemples : Dakar, Thiès, Diourbel, et surtout la ville de Touba) ou émettrices et réceptrices à la fois. Parmi ces migrants internes, 820 000 personnes, soit un peu plus de 43 %, sont concentrés à Dakar.
De qui parle-t-on ?
Tous, (enlever la virgule après tous) ne sont pas des ruraux mais comme il est noté dans un document publié en 2018 par la Fao et le Cirad, « ces mouvements circulaires sont le fait des jeunes immigrés en ville, durant la saison sèche, et qui reviennent souvent à la campagne pour participer aux travaux agricoles durant la saison pluvieuse ». Cette population est majoritairement composée d’actifs. D’ailleurs, les tranches d’âge les plus représentées dans ces flux migratoires sont celles entre 20-24 ans et 25-29 ans, selon le profil migratoire du Sénégal établi par l’Ansd et l’OIM en 2018.
En quoi c’est un dilemme ?
Rappelons que l’hivernage approche à grands pas, selon les prévisions publiées par AgriMed ; la pluie est d’ailleurs déjà tombée à Kédougou. Supposons que la majorité des migrants saisonniers vient du monde rural et devra y retourner pour les besoins de l’hivernage, ce serait près d’un million de personnes qui seraient concernées par le retour en vue. si l’on tient compte du fait que plus de 75 % de ces migrants sont concentrés dans l’axe Dakar, Thiès, Diourbel ; et que la région de Dakar à elle seule abrite 2 236 cas confirmés à la date du 27 mai 2020, sur le total de 3 161, soit près de 71 %, même un miracle ne pourrait pas empêcher que des saisonniers, même asymptomatiques, retournent avec le coronavirus. Pourtant, jusque-là le monde rural était assez épargné, on dirait que le virus aime la ville ou du moins est citadin ! Tant mieux, parce qu’au moins, des infrastructures sanitaires acceptables existent en ville et à des distances raisonnables par rapport aux lieux de résidence des personnes infectées. En milieu rural, plusieurs mourraient avant de voir une ambulance ou à force d’ingurgiter des racines et écorces d’arbres. La tradition rurale veut qu’on essaie d’abord la médecine traditionnelle avant d’aller voir ailleurs si ça ne marche pas. le retour des saisonniers en milieu rural va sûrement déplacer le virus et il pourrait s’en suivre un fiasco sanitaire. L’option de les retenir là où ils sont, fut-il en zone rurale comme dans les rizières du Walo ou les « juura » de Kédougou, serait-elle la meilleure ? Je ne le crois pas.
La faim tue plus atrocement que le coronavirus ; elle torture et tue sans distinction de tranche d’âge. La famine nous a déjà montrés sa capacité de destruction de l’espèce humaine en Afrique de l’Est, notamment en Ethiopie. Selon le forum sur la politique de l’enfant africain, près de la moitié des décès d’enfants en Afrique est due à la faim. D’ailleurs, dans la croyance populaire sénégalaise, l’Ethiopie est associée à la famine, et l’Ethiopien à une personne chétive, pour ne pas dire « ku xiif ». Je crois qu’une crise sanitaire de type de la pandémie due au CovID-19 serait moins dévastatrice qu’une crise alimentaire, dans un contexte où ceux qui nous ont secourus dans de pareilles circonstances sont les plus affaiblis par la pandémie. Je veux citer l’Europe de l’ouest et les Etats-Unis. Certains d’ailleurs ont souhaité – parce que ce ne sont pas des prévisions – le pire. L’option de les retenir en ville accroitrait aussi leur précarité déjà approfondie par la situation de quasi-confinement et la peur de contracter la maladie, qui a réduit les opportunités que leur offraient leurs activités informelles. Dans une telle configuration, ne serait-il pas mieux de laisser les saisonniers retourner au bercail ou rejoindre les localités où ils exercent l’activité agricole ? Le gouvernement aurait d’ailleurs choisi cette option. la grande question, c’est comment s’y prendre tout en produisant moins de dégâts ?
Comment organiser la mobilité des saisonniers ?
D’abord, essayons de voir s’il serait possible de répliquer chez les saisonniers l’expérience du convoyage des enseignants par les bus de la société Dakar Dem Dikk ? Un enseignant dispose d’une carte, l’élève aussi a sa carte d’identité scolaire ; il n’y a pas de carte professionnelle pour le paysan ou l’agriculteur sénégalais. En plus, le statut d’agriculteur est un statut dynamique, changeant au gré du choix et des opportunités des personnes qui s’y activent. Ceci est d’autant plus vrai que souvent, chez les jeunes, l’agriculture, celle dite pluviale notamment, n’est pas une aspiration mais une option par défaut. Par conséquent, il serait difficile de savoir qui est agriculteur et qui ne l’est pas ; qui y va pour l’hivernage ou pour autre chose. Option invalidée !
Dès lors, deux options restent à mon avis à évaluer : la mise en quarantaine des concernés, à leur arrivée dans les villages, et la levée de la mesure d’interdiction du transport interurbain. Dans la première option, il faudrait : former tous les agents de santé des districts sanitaires du pays à la prise en charge de malades Covid-19 (si ce n’est pas déjà fait) et doter ces districts de davantage de personnels qualifiés, avant tout mouvement de retour ; tester les personnes au départ et mettre en quarantaine les cas suspects jusqu’à confirmation ou infirmation de leur infection ; mettre en quarantaine les personnes qui arrivent à bon port et les faire suivre par les districts sanitaires les plus proches.
Dans la dernière option, il faudrait lever tout simplement l’interdiction de transport interurbain et ne pas recourir aux autorisations spéciales de circuler à cause de la difficulté d’identifier les personnes concernées et, surtout, des discriminations dans l’accès à ce sésame, encouragées par la corruption et le clientélisme, comme on l’a vu dans le passé. Je suis conscient que ces solutions ne sont pas un coup de baguette magique ou une recette miracle mais le résultat de la réflexion d’une personne concernée au premier chef. Une réflexion cherchant à faire comprendre un problème et à contribuer à la résolution de l’énigme qui se pose actuellement au gouvernement. Je sais aussi que le gouvernement a des experts et des conseillers techniques à même de trouver des solutions idoines mais « xel du doy » !
Dans ce pays, il est temps d’en finir avec les utilisations à des fins inavouées, tronquées et trompeuses, parfois sur la base d’intérêts personnels, d’un métier aussi noble et exigeant en éthique et en déontologie que le journalisme
«Il est des circonstances où se taire est mentir». On attribue ces propos à Miguel de Unamuno, «philosophe, qui (a) passé (sa) vie à façonner les paradoxes et qui venait «d'entendre un cri morbide et dénué de tout sens: vive la mort !».
C’était à la suite d’une apologie à la mort par un général sous le régime franquiste. Cela pour dire, qu’il y a des circonstances où il est nécessaire de faire entendre de dire ses vérités surtout quand il est question d’alerter pour le présent et pour le futur qui engagent la nation et les générations à venir.
L’actualité trépidante de ces derniers jours à propos d’affaires ou prétendues telles a aussi mis en relief, dans ses «marges de silence» pourtant bruissant qui affleurent dans certains écrits et voix la question, à certains endroits, les relations sujettes à interrogation entre la presse et la Justice.
Une situation qui somme d’interpeller et d’alerter. Dans ce pays, il est temps d’en finir avec les utilisations à des fins inavouées, tronquées et trompeuses, parfois sur la base d’intérêts personnels, d’un métier aussi noble et exigeant en éthique et en déontologie que le journalisme. Il est facile de constater, depuis quelque temps, combien en pleine pandémie de la CovID-19 qui aurait dû mobiliser les énergies individuelles et collectives, que le pays bruit de prétendus scandales sur fond de produits et de productions issues d’officines de mensonges et d’impostures. Il suffit d’un œil avisé et d’une perspicacité cognitive pour situer la provenance de certaines informations ou supposées comme telles.
Hélas quelque fois de milieux du temple de Thémis, parfois en des formes qui frôlent des violations de dossiers en instructions judiciaires. Certes, il existe chez tout journaliste le désir et même l’exigence d’informer, de dévoiler ce qui se voile. Mais encore faut-il que ce qui est diffusé reflète les faits les plus têtus afin de servir la bonne cause de la justice et du justiciable mais aussi qui renforce la crédibilité du journaliste. Or, à la vérité, il existe des hommes qui ne rendent pas à cette cause du journalisme toute sa noblesse. Cela mérite une réflexion courageuse. La prise de parole et les écrits de certains qui habitent la sphère des médias ne sont pas, hélas, de nature à protéger la profession contre les doutes, les soupçons et les suspicions.
Cheikh Yérim seck, qu’on le dise ou qu’on le taise fait partie de cette réduite galaxie dans la presse. Beaucoup de sénégalais, instruit par son récent passé et par ses faits d’armes auparavant à Jeune Afrique, qui n’est pas la bonne école de la vertu du journalisme, réagissent souvent outrés à ses écrits et à ses prises de parole. Il y va souvent avec une hardiesse assortie quelquefois de menaces sidérantes. Mais quelle est donc la main judiciaire qui le rend si hardi ?, se demande-t-on. Dans quelques chaumières dakaroises où les confidences sont comme des fumées qui s’échappent sous les portes les plus closes, il paraît que Cheikh aime faire étalage de ses relations «fraternelles» avec le plus puissant des procureurs du Sénégal.
De là, à alimenter des suspicions sur des relations professionnellement incestueuses… Dans tous les cas, il importe dans ce pays d’écouter ceux qui méritent vraiment d’être écoutés, de faire confiance à des porteurs de dignité, d’exemplarité, de probité intellectuelle. Bref, ceux qui méritent d’être sur les langues de la postérité.
Par ailleurs, même si «les occasions de conflits ne manquent pas, l'enjeu d'une relation équilibrée, respectueuse des contraintes et des règles déontologiques de chacune des parties, dépasse les clivages socioprofessionnels. Journalistes, avocats et magistrats sont chacun à leur manière les chiens de garde de la démocratie.
Leur alliance bien comprise, dans le respect des contraintes comme des fonctions des uns et des rôles, ne peut que la renforcer»* (voir ci-dessous). Autant donc relever la nécessité d’approfondir les relations plus normées entre la presse et la justice, deux piliers qui sont gardiens et protecteurs des libertés, même s’ils se font parfois méfiance à juste raison.
Toutefois, la presse ne doit en aucun cas servir de bras armé à la justice ; autrement les causes justes sont sous coupe réglée et le danger plane comme une épée de Damoclès sur tout citoyen dans quelque situation où il se trouve, dans quelque lieu où il cherche son chemin de vie. Et qui plus est, l’arme du chantage, surtout quand elle est dans la géhenne de l’impunité n’est pas celle qui sied à la plume du journaliste.
Le chantage et l’imposture sont des virus plus mortels que la CovID-19 et pour la presse et pour la justice. En la matière, la perception que l’opinion a de notre justice et de ses connexions est fondamentale.
Tout comme la crédibilité et la confiance qu’elle doit nourrir envers la presse. Ce sont des ingrédients essentiels, des antivirus pour empêcher la maladie de la presse et de la justice. Surtout en cette époque de quête de l’émergence fondée aussi sur l’équité sociale, la promotion d’une économie plus résiliente, éléments constitutifs avec d’autres d’une nouvelle politique en marche depuis 2012. Quand on dit qu’il faut éclairer les rues, les avenues et les villes, il faut aussi et surtout éclairer les esprits. La presse et la justice doivent y apporter leur part de lumière. Par le respect de la loi et de l’équité. Par l’information juste et vraie.
• les Cahiers du journalisme n°8. Décembre 2000. «Les relations entre presse-justice. le cas des journalistes spécialisés