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29 avril 2025
Opinions
par Latyr Diouf
RÉSEAUX SOCIAUX, MES INDÉPASSABLES INCOMPÉTENCES
Non, je ne suis pas dans le déni de ce qui m’est présenté comme faits dignes d’attention et d’empoignades discursives ; je suis juste inapte à les prendre systématiquement pour argent comptant
Le contexte est, plutôt, propice à l’introspection. Il m’a, au moins, confirmé une certaine incapacité à me passionner pour des sujets et des postures dont, manifestement, il est difficile de faire aisément l’économie. Connecté, comme tous ceux qui liront cette petite confession, à divers réseaux sociaux, je me sens, cependant, déconnecté de ce qui semble digne d’intérêt pour, probablement, le plus grand nombre. Je suis sur Facebook et sur Messenger, évidemment. Je suis sur Twitter mais totalement inactif. Sur WhatsApp, en dehors de mon répertoire, je suis membres de plusieurs groupes : trois groupes de recherches interuniversitaires, deux groupes de vieux amis de fac, trois groupes de camarades politiques, deux groupes de diplomates, et deux groupes très réduits d’amis tout court. J’ai aussi, en ligne, une famille, au sens de ma culture, c’est-à-dire celle de la parenté et au-delà, permanente et indéfinie. Autant dire que je nettoie constamment mon téléphone, parfois sans accéder à certains abondants contenus, pour sauver sa fonctionnalité. J’ajoute avoir suivi, depuis le confinement, beaucoup de webinaires méthodologiques et thématiques sur diverses questions. Je vis, enfin, en Île-de-France et je dispose, comme beaucoup, d’une télévision avec différents bouquets qui me lient aux informations continues du monde. Malgré cette hyper connexion, j’avoue être peu enthousiasmé par certains thèmes que je suis sensé maitriser et défendre en tant qu’entité, parfois, réduite au militant.
Militant, oui, je l’ai été sans aucun doute et je crois encore l’être car je n’ai toujours pas trouvé la moindre raison personnelle d’avoir honte de mes engagements passés et actuels, en dépit de la léthargie circonstancielle de la cause politique choisie et des condamnations tout azimut par contumace. D’ailleurs, la situation globale actuelle, imparable et confortable décharge pour les velléitaires, n’impose-t-elle pas à chaque chose, jadis digne de passion, une acuité secondaire ? Pour rappel, je suis, depuis onze ans maintenant, partisan d’une alliance politique doublement victorieuse, selon les règles de notre République. Élargie à une coalition d’une étendue et d’une longévité inédites, mon parti se retrouve, cependant, dans une expectative illisible et peu stimulante, sans que nos responsabilités dans ses structures soient interrogées. A chaque chose son temps, pour tordre le cou à l’expression populaire. La seule fébrilité que je peux reconnaître, aujourd’hui, s’apparente, parfois, à une sorte de compassion affectueuse et présomptueuse pour l’homme que j’ai choisi de soutenir, en l’occurrence Macky Sall, qui me semble, parfois, devoir faire face à de monstrueuses inconséquences sociétales, qui trahissent ses ambitions, que je sais grandes et nobles pour le Sénégal. Beaucoup de ceux qui ont, plus que d’autres, les moyens et la latitude de le soutenir et de le préserver officiellement, se montrent, jour après jour, peu entreprenants dans l’obligation d’être à la hauteur de ses promesses. Il doit être pénible de devoir répondre, en tant que Chef d’un État aux ressources fragiles, aux aspirations légitimes d’un peuple pris en otage par la démagogie contemplative d’une élite experte, prétentieuse et peu utile.
Sans remonter très loin dans le temps de l’actualité étatique et médiatique, je suis régulièrement interpellé, via les réseaux mentionnés, pour répondre à des griefs solidairement imputés. Le plus frais et le plus âpre concerne la décision de reporter la reprise des cours initialement prévue le 2 juin 2020. Devant le poncif de l’incompétence gouvernementale, les allégations souvent fallacieuses sur des abus et des privilèges aussi élevées qu’indues et la conclusion gratuite et simpliste d’un pays résolument à vau-l’eau, il y a peu de place pour un débat serein et constructif. Lorsque l’individualité est niée ou exclue de toute crédibilité du seul fait de sa supposée étiquette, l’idée, la pensée et le raisonnement pertinents deviennent potentiellement nuls et non avenus, à défaut d’être frappés d’antipatriotisme. Or, la légitimité à interroger ne devrait pas seulement être celle de nos situations ponctuelles d’énonciation. Il n’est pas certain, non plus, que le seul fait d’avoir un diplôme, d’être encarté politiquement, d’avoir une fonction étatique, d’avoir publié un bouquin ou de se considérer expérimenté soit synonyme d’expertise pluridisciplinaire. D’ailleurs, la plupart des sujets, qui mobilisent l’opinion, surtout virtuelle, dopée au discours du tout-venant, se passe de compétences spécifiques. Le verbiage partisan et l’intimidation ont imposé l’éthique et la morale, jamais bien définies et souvent démenties par des faits, comme seuls indicateurs. Il suffit de se tailler un autoportrait de digne patriote, engagé et compétent, de déployer un populisme ostentatoire et bon marché, pour prouver son attachement à la chose commune et aux causes justes.
Tout en essayant d’imaginer ce qui pourrait convenir aux batailles d’opinion sans substance véritable (à ce stade, je ne vois que ça !), où l’on peut perdre facilement une face non requise, je ne peux me résoudre, faute d’éléments autres que les insanités que charrie le web, à plonger dans une mare boueuse et sinueuse artificiellement agitée. Il en est ainsi de tous les sujets qui ont défrayé, ces derniers mois, la chronique. Avec la meilleure bonne volonté, j’ai été incapable de suivre régulièrement les points quotidiens du ministère de la santé et les avis très autorisés mais parcimonieux des médecins ; je piquais du nez devant les circonvolutions de l’éducation nationale et des autres ministères au-devant de la scène anti-covid, avant d’être achevé par les bégaiements sur la gestion des ressources du programme de résilience, notamment à propos du riz et de l’appui à la diaspora. Pourtant, que n’aurait-on pas gagné en sympathie avec une mise en œuvre diligente, humble et rigoureuse des généreuses mesures prises par le président de la République pour soulager les populations ? Il aurait juste fallu, à mon avis, un supplément de pédagogie : rappeler inlassablement aux Sénégalais, à l’instar de l’offensive publicitaire sur les gestes barrières, que, devant l’incertitude mondiale à durée indéterminée, un État comme le nôtre peut être parfaitement solidaire mais jamais durablement provident. Cela aurait, peut-être, atténué le fantasme d’un pouvoir indolent profitant grassement de la crise au détriment d’un peuple dont la précarité est exacerbée par ses insuffisances.
En face, les coups de boutoir de la dissidence messianique ne m’inspirent, non plus, aucune volonté de débattre. Je serais, là encore, incompétent et confus devant le partage compulsif de contenus mensongers, moralisateurs, voire diffamatoires dont aucune investigation ne peut venir à bout. Leur reproduction effrénée me fait songer au fameux « temps de cerveau humain disponible » de TF1, non pas pour vendre du Coca mais pour susciter une ambiance anxiogène propre, dans le cas du Sénégal, à jeter le discrédit sur l’exécutif. Je ne cherche pas à défendre les autorités et les fonctionnaires dont le plus talentueux et vertueux peut se montrer aussi blâmable que le politicien le plus nul et vicieux. Ma position éthique générale est celle contenue dans ce cri repris par Macky Sall en 2008 : « Il n’y a rien en l’homme qui ne soit couvert de dignité ». Sans jamais mettre sur la même échelle les imposteurs et les sincères, les coupables et les innocents, les bourreaux et les victimes ou encore les prédateurs et les proies, j’ai une empathie irrépressible pour tout humain livré à la vindicte populaire. La contradiction est flagrante car je suis tout aussi mal à l’aise avec l’impunité. Les nombreux sanglots publics ou intimes consécutifs à des affaires de mœurs, des accusations de faux et d’usage de faux, de malversation, de corruption et même de crime me hantent et me désespèrent. Du directeur de l’ISEG à l’ancien président du Tchad, en passant par le faux médecin Samba, le présumé faux-monnayeur Boughazelli et le respectable Diack actuellement en procès, les déboires m’inspirent un seul air : la version wolof par Youssou Ndour du très inclusif chimes of freedom de Bob Dylan. Cela n’entame en rien mon désir de lumière et d’équité sur notre littoral, que je partage avec le président de la République.
Toujours dans l’actualité, sans avoir de difficultés orthophoniques particulières, je ne suis pas encore en mesure de prononcer le terme « honorariat » d’une traite, sans bafouiller. Il en est de même d’Akilee, malgré son portail internet très ergonomique. Ces quelques exemples traduisent l’étendue de mes réticences argumentatives en matière de débats politiques nationaux. En lieu et place d’une surenchère plus efficace, je me perds toujours dans la définition de champs, d’espaces et de cadres méthodologiques. Non, je ne suis pas dans le déni de ce qui m’est présenté comme faits dignes d’attention et d’empoignades discursives ; je suis juste inapte à les prendre systématiquement pour argent comptant. Cette frilosité s’accompagne, curieusement, d’une imprudence relationnelle exceptionnelle. J’offre, en privé, mon estime, mon amitié, mes conseils et ma solidarité à vil prix ce qui m’oblige parfois, non sans amertume, à cohabiter avec des crapauds et des limaces sans que le divorce ne soit sans peine. Ma consolation, toutefois, est à chercher dans le temps long, qui a souvent rétabli dans leur droit la plupart de mes précautions et relativisé mes déceptions. Imparfait jusqu’à la moelle osseuse, il m’arrive, cependant, de poser mon genou à terre (moins de 8mn pour ne pas frimer !) et réclamer démagogiquement de la dignité pour tous. A notre époque de grande fuite en avant, l’incapacité à hurler avec les loups est un handicap que j’expérimente mais aussi un grand privilège comparable à celui des vrais artistes : la liberté de regarder son nombril et de prétendre penser pour panser les plaies du monde.
par Siré Sy
MACKY ET LA CRISE HUMANITAIRE (1/5)
EXCLUSIF SENEPLUS - Le chef de l'Etat a perdu la bataille du ‘’vivre sans le virus’’. Parviendra-t-il à transformer une situation ‘’désespérée’’ en une opportunité enviable ? PRÉSIDENT ET GESTION DE CRISE, ‘’QUAND L’HEURE EST GRAVE !’’
L'adage dit que c'est au pied du mur que l'on reconnaît le maître-maçon. Dans la même temporalité, c'est par et dans la gestion de crise(s) de magnitude ‘’secousse du régime’’ sur l'échelle d'une Nation-État, que l'on apprécie les choix, les décisions et le leadership d'un chef d'Etat dans sa fonction de président de la République. Le Think Tank Africa WorldWide Group vous propose une toute nouvelle série du feuilleton managérial : Président et Gestion de crise, ‘’quand l'heure est grave !’’, de cinq (5) épisodes, entièrement et exclusivement consacrées au président Macky Sall. Pour cette première épisode de ''Président et Gestion de crise ‘’quand l'heure est grave’’, Style et Méthode de gestion de crise du président Macky Sall.
Dans le cadre de ‘’Président et Gestion de crise, quand l'heure est grave’’, Senghor a eu à faire face à une crise politique, universitaire et alimentaire. Abdou Diouf a eu à faire face à une crise scolaire, monétaire et du front social. Ablaye Wade a eu à faire face à une crise énergétique, alimentaire et politique. Quant à Macky Sall, il est en face de sa première crise, une crise humanitaire - une crise totale - parce que touchant à tous les secteurs d'activités de l'Humain en même temps et sous le même rapport (crise sanitaire, crise économique, crise sociale, crise scolaire et universitaire, crise culturelle).
Et le moins que l'on puisse dire, c'est la grande confusion dans la gestion de la Covid-19 en termes de stratégies et de tactiques dans la riposte du gouvernement. Un Général qui va en guerre, c'est comme un boxeur qui rentre sur le ring. Point d’abandon. Quitte à être mis K.O mais ne jamais abandonner de boxer ou de sortir du ring. Quitte à mourir sur le champ de bataille, les armes à la main, mais ne jamais abandonner ses troupes en leur disant débrouillez-vous. En beau milieu du théâtre des opérations….
Et la guerre - surtout celle que l'on décrète derechef - a ceci de particulier, en ce sens que toutes les erreurs, dans sa stratégie comme dans sa tactique, se paient cash. Douloureusement et profondément. Il semblerait que le gouvernement a perdu une bataille mais il n'a pas encore perdu la guerre. Macky a perdu la bataille du ‘’vivre sans le virus’’. Mais, Macky peut gagner la bataille du ‘’vivre avec le virus’’. Pour ce faire, il faudra que Macky se révolte au sens de tension nerveuse positive et se rebiffe au sens de prendre toute sa responsabilité pour reprendre la situation en main. Et ce serait fort dommageable pour son amour-personnel et pour le bien du peuple sénégalais, que Macky ne puisse pas trouver une issue heureuse à sa toute première crise en tant que chef de l'Etat. Car, Ablaye Wade disait de Macky, qu'il n'a pas les épaules pour diriger un pays. Idrissa Seck continue de dire de Macky, qu'il n’est pas capable de diriger le Sénégal. Sonko parle à propos de Macky, d'une gouvernance sombre et vicieuse, une gouvernance du Parti avant la Patrie. Mody Niang qualifie Macky, d'un président-politicien. Abdou Latif Coulibaly disait de Macky, que c'est du Wade sans Wade. Souleymane Jules Diop disait de Macky qu’il ne pouvait pas être plus qu'un chef de service.
Alors, c'est maintenant à Macky, au président de la République, au chef de l'Etat, qui a toutes les cartes en main, de prouver son talent et ses compétences pour lesquels nous n'avons aucun doute. Seulement, le président Macky Sall, prendra-t-il la pleine conscience du défi qui se dresse face à lui ? Se donnera-t-il les moyens de sortir de cette impasse et parviendra-t-il à transformer une situation ‘’désespérée’’ en une opportunité enviable ? Lui seul sait.
ET SI ON OSAIT PARLER DE SUPRÉMATISME PLUTÔT QUE DE RACISME
Le racisme est devenu un tiroir sans fond et un concept à géométrie variable. Il relève plus désormais de ce qui est condamnable par la loi et de ce qui ne l’est pas.
Il y a longtemps que j'ai banni de mon vocabulaire le mot racisme face à certains comportements. Selon moi, ce terme est galvaudé, il est devenu une sorte de concept variable, inaudible que l’on l'utilise à toutes les sauces. Si l’on s’interroge vraiment sur comment définir le racisme en ce temps de 21ème siècle, il faudra nécessairement analyser la posture suprématiste que certains affichent sans gêne et avec tellement d’aisance pour légitimer leurs idées et comportements racistes. Car c'est bien l’idéologie suprématiste, creuset du racisme, qui a conforté les policiers à ôter la vie de Georges Floyd, Adama Traoré, et toutes les victimes qui sont mortes en toute impunité, à cause de policiers convaincus que leur condition, leur vie est supérieure à celle d'un Noir, un banlieusard... Cette même idéologie qui a organisé le commerce triangulaire des esclaves, cette même idéologie qui a légitimé l'Apartheid ...cette même idéologie qui gangrène chez certains politiques et ces soit disant intellectuels comme Eric Zemmour, qui s’est offusqué il y a quelques jours sur un plateau de télévision française, de voir des « Blancs » s’agenouiller pour défendre la cause d’un « Noir ».
Aujourd’hui les discours racistes et anti-racistes sont noyés dans la plus grande cacophonie. En effet, du côté des antiracistes, on parle de privilège blanc, de racisme systémique. Au fond, tout ceci n’a pour effet que de conforter les défenseurs des théories suprématistes ! Les victimes de racisme, elles deviennent coupables ..On les considère comme des personnes usant d'alibis pour attirer la compassion, et se complaire dans des postures victimaires ; tandis que le raciste lui devient tout puissant, on le justifie ! on a même inventé la notion de racisme anti-blanc pour banaliser le racisme subi par ceux qui en raison de leur couleur de peau un peu plus sombre sont victimes depuis des siècles de cette idéologie qui consiste à penser que certains êtres humains sont supérieurs à d’autres.
Pour combattre le racisme, il faut aussi combattre l’idéologie suprématiste qui consiste à croire et faire croire que l'histoire, la culture, la vie des uns est supérieure à celles des autres. L’ancien footballeur français, Lilian Thuram avait pourtant utilisé ce terme il y a quelques temps en France pour dénoncer le racisme que subissaient les joueurs noirs dans les stades de foot. Il s'en est suivi un véritable acharnement médiatique...on l'a accusé de raciste anti-blanc. Aujourd’hui, le racisme s'est banalisé en dehors des tribunaux et cette banalisation est due en grande partie à la propagation insidieuse des théories suprématistes. Car, il n’est pas rare d’entendre aux détours d’une conversation que le noir n’est pas éduqué, que c’est un être dépourvu de civilisation … Et ces même personnes vous jureront ne pas être racistes, car ils ont un ami, un collègue, une belle sœur, un beau-frère noirs dans leur entourage. Le racisme est devenu un tiroir sans fond et un concept à géométrie variable. Il relève plus désormais de ce qui est condamnable par la loi et de ce qui ne l’est pas. En effet, l’idéologie suprématiste demeure pour certains qu’une simple opinion. On utilise alors la liberté d’expression, qui n’est pas condamnable par la loi, pour assumer en toute impunité les opinions suprématistes … Seulement, lorsque cette idéologie se matérialise en actes qui tuent, là il ne s’agit plus de mots ou d’une simple pensée nourrie par cette idéologie, mais de faits meurtriers et d’un drame qui émeut, la situation devient alors inacceptable.
Il est temps de dénoncer cette idéologie suprématiste qui tue et discrimine sans complaisance. Il est temps de définir cette idéologie comme un délit raciste, car aucune vie humaine n'a plus de valeur qu'une autre vie humaine.
#Blacklives #humanlivesmatter stop à l'ideologie suprematiste ! Enough is Enough !
Texte Collectif
IL EST TEMPS D'AGIR
Vingt hauts fonctionnaires des Nations Unies d'origine africaine et de sa diaspora, appellent à des actions plus significatives que de simples condamnations pour mettre fin au racisme à travers le monde (français & anglais)
Black Lives Matter et autres manifestations de masse contre le racisme systémique et la brutalité policière
Opinion collective de hauts fonctionnaires africains des Nations Unies (*)
Gémissement désespéré, appelant une mère décédée depuis longtemps. Parvenant du tréfonds des entrailles de la fragile humanité. Haletant, à bout de souffle. Implorant la miséricorde. Le monde entier entendant le cri tragique. La famille des nations scrutant son visage plaqué contre l’asphalte. Douloureux, insupportable, en plein jour. Cou pliant sous le genou et le poids de l'histoire. Doux géant, s’agrippant à la vie, désespérément. Besoin vital de respirer, sans entrave. Jusqu'à son dernier souffle.
Après les dernières semaines de protestations suite au meurtre de George Floyd alors qu’il était entre les mains de la police, nous avons tous été indignés, en tant que hauts dirigeants d'origine africaine aux Nations Unies, par l'injustice du racisme qui est toujours omniprésent dans le pays hôte de l’ONU et à travers le monde.
On ne dira jamais assez sur les traumatismes profonds et les souffrances intergénérationnelles qui ont résulté de l'injustice raciale perpétrée au cours des siècles, en particulier contre les personnes d'ascendance africaine. Mais la simple condamnation des expressions et des actes de racisme ne suffit pas.
Nous devons aller au-delà et faire plus.
Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a déclaré que «nous devons élever la voix contre toutes les expressions de racisme et les cas de comportement raciste». Après le meurtre de M. George Floyd, le cri «Black Lives Matter» qui retentit aux États-Unis et dans le monde est plus qu’un slogan. La vie des Noirs, en plus de compter, est essentielle à la réalisation de notre dignité humaine commune.
L’heure est venue de passer de la parole aux actes.
Nous le devons à George Floyd ainsi qu’à toutes les victimes de discrimination raciale et de brutalités policières, de démanteler les institutions racistes. En tant que dirigeants dans un système multilatéral, nous pensons qu'il nous incombe de parler au nom de ceux dont la voix a été réduite au silence et de plaider pour des réponses effectives de nature à lutter contre le racisme systémique, un fléau mondial qui s'est perpétué au fil des siècles.
Le meurtre choquant de George Floyd est enraciné dans un ensemble plus large et inextricable de problèmes qui ne disparaîtront pas si nous les ignorons. Il est temps que les Nations Unies intensifient leurs efforts et agissent de manière décisive pour qu’il soit mis fin au racisme systémique contre les personnes d'ascendance africaine et autres groupes minoritaires «en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion» comme stipulé à l'article 1 de la Charte des Nations Unies. En effet, le fondement des Nations Unies est la conviction que tous les êtres humains sont égaux et ont le droit de vivre sans crainte de persécution.
C'est au plus fort du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis et durant la période de l'émergence de nations africaines indépendantes post-coloniales qui ont rejoint les Nations Unies que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (CIEDR) est entrée en vigueur en 1969.
Ce fut une période charnière dans l'histoire. L’effondrement de l’apartheid en Afrique du Sud, imputable en partie aux Nations Unies, est un des accomplissements dont l’Organisation est le plus fière.
Les droits de l'homme et la dignité des Noirs en Afrique ainsi qu'à travers la diaspora africaine ont résonné comme un signal puissant pour les générations futures, que les Nations Unies ne fermeraient pas les yeux sur la discrimination raciale et ne toléreraient pas l'injustice et le sectarisme servis par des lois injustes. Prenant appui sur cette nouvelle ère, l'Organisation des Nations Unies doit user de son influence pour nous rappeler une fois de plus la mission inachevée d'éradiquer le racisme, et exhorter la communauté des nations à éliminer les taches du racisme sur l'humanité.
Nous saluons les initiatives prises par le Secrétaire général pour renforcer le discours mondial contre le racisme qui s'attaque au racisme systémique à tous les niveaux ainsi que ses conséquences partout où il existe, y compris au sein même de l'Organisation des Nations Unies.
Si nous voulons être de bons dirigeants, nous devons le faire par l'exemple. L’initiation et la promotion d’un changement réel exigeront une évaluation honnête de la façon dont nous appliquons la Charte des Nations Unies au sein de notre institution.
Notre expression de solidarité reflète bien nos responsabilités et obligations en tant que fonctionnaires internationaux de nous élever contre l’oppression et la dénoncer. En tant que dirigeants, nous partageons les convictions fondamentales et les valeurs et principes inscrits dans la Charte des Nations Unies qui ne nous permettent pas de garder le silence.
Nous nous engageons à mettre à profit notre expertise, notre leadership et nos mandats respectifs pour lutter contre les causes profondes et promouvoir les changements structurels qui doivent être mis en œuvre si nous voulons mettre fin au racisme.
Près de 500 ans après le début de la révoltante traite transatlantique des Africains, nous avons atteint un point critique de l'arc de l'univers moral, à l’heure où nous approchons la fin de la Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine en 2024, dans quatre ans seulement. Utilisons notre voix collective pour répondre aux aspirations de nos communautés afin que l’ONU exerce son pouvoir moral en tant qu’institution pour opérer un changement mondial. Prêtons notre voix pour la réalisation de la vision transformatrice propre à l’Afrique telle que contenue dans son Agenda 2063, vision qui est conforme à l’Agenda 2030 mondial.
L'Afrique est le berceau de l'humanité et le précurseur des civilisations humaines. En tant que continent, elle doit jouer un rôle prépondérant pour que le monde puisse parachever le développement durable et la paix.
Tel était le rêve des fondateurs de l’Organisation de l’unité africaine, c’était aussi la ferme conviction de dirigeants éminents tels que Kwame Nkrumah et d’éminents intellectuels tels que Cheikh Anta Diop.
N'oublions jamais les paroles du président Nelson Mandela : "Nier aux gens leurs droits humains, c'est remettre en cause leur humanité même".
Gardons toujours à l’esprit l’exhortation du leader des droits civiques Fannie Lou Hamer : « Personne n'est libre tant que nous ne sommes pas tous libres », qui a été reprise par le Dr Martin Luther King Jr., «Une injustice, où qu'elle se produise, est une menace pour la justice partout ailleurs».
Des années plus tard, leurs paroles se sont retrouvées dans la diversité de la nation arc-en-ciel, l'Afrique du Sud, et énoncées par l’homme de paix, l'archevêque Desmond Tutu, dans sa déclaration « la libération des Noirs est une condition indispensable à la libération des Blancs - personne ne sera libre tant que nous ne serons pas tous libres. »
(*) Tous les signataires énumérés ci-dessous sont de hauts fonctionnaires des Nations Unies qui occupent le rang de Secrétaire général adjoint. Ils ont signé cette opinion à titre personnel :
Tedros ADHANOM GHEBREYESUS
Mahamat Saleh ANNADIF
Zainab BANGURA
Winnie BYANYIMA
Mohamed Ibn CHAMBAS
Adama DIENG
Bience GAWANAS
François Lounceny FALL
Gilbert HOUNGBO
Bishar A. HUSSEIN
Natalia KANEM
Mukhisa KITUYI
Phumzile MLAMBO-NGCUKA
Mankeur NDIAYE
Parfait ONANGA-ANYANGA
Pramila PATTEN
Vera SONGWE
Hanna TETTEH
Ibrahim THIAW
Leila ZERROUGUI
Version anglaise
Joint reflections by United Nations Senior Officials of African descent (*)
A desperate yearning for a long-departed mother. Reaching deep from the bowels of fragile humanity. Grasping for breath. Begging for mercy. The entire world heard the tragic cry. The family of nations saw his face pounded against the harsh tarmac. Unbearable pain in broad daylight. A neck buckling under the knee and weight of history. A gentle giant, desperately clinging to life. Yearning to breathe free. Till his last breath.
As senior leaders of African descent in the United Nations, the last few weeks of protests at the killing of George Floyd in the hands of police, have left us all conflicted and outraged at the injustice of racism that continues to be pervasive in our host country and across the world.
Not enough can ever be said about the deep trauma and inter-generational suffering that has resulted from the racial injustice perpetrated through centuries, particularly against people of African descent. To merely condemn expressions and acts of racism is not enough.
We must go beyond and do more.
United Nations Secretary-General António Guterres stated that “we need to raise our voices against all expressions of racism and instances of racist behaviour”. Following the killing of Mr. George Floyd, the cry ‘Black Lives Matter’ resonating across the United States and throughout the world is more than a slogan. In fact, they do not only matter, they are quintessential to the fulfillment of our common human dignity.
Now is the time to move from words to deeds.
We owe it to George Floyd and to all victims of racial discrimination and police brutality to dismantle racist institutions. As leaders in the multilateral system, we believe it is incumbent upon us to speak for those whose voices have been silenced, and advocate for effective responses that would contribute to fight systemic racism, a global scourge that has been perpetuated over centuries.
The shocking killing of George Floyd is rooted in a wider and intractable set of issues that will not disappear if we ignore them. It is time for the United Nations to step up and act decisively to help end systemic racism against people of African descent and other minority groups “in promoting and encouraging respect for human rights and for fundamental freedoms for all, without distinction as to race, sex, language, or religion” as stipulated in Article 1 of the UN Charter. Indeed, the foundation of the United Nations is the conviction that all human beings are equal and entitled to live without fear of persecution.
It was at the height of the civil rights movement in the United States and during the emergence of post-colonial independent African nations joining the United Nations, that the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (ICERD) came into force in 1969.
This was a pivotal time in history. The collapse of apartheid in South Africa, driven in part by the United Nations, was one of the Organization’s proudest achievements.
The human rights and dignity of black people in Africa as well as across the African diaspora resonated as a powerful signal to future generations, that the United Nations would neither turn a blind eye on racial discrimination nor tolerate injustice and bigotry under[PO1] the cover of unjust laws. In this new era, the United Nations must in the same vein use its influence to once again remind us of the unfinished business of eradicating racism and urge the community of nations to remove the stain of racism on humanity.
We welcome the initiatives by the Secretary-General to strengthen the global anti-racism discourse, which would address systemic racism at all levels, as well as its impact wherever it exists, including in the United Nations Organization itself.
If we are to lead, we must do so by example. To initiate and sustain real change, we also must have an honest assessment of how we uphold the UN Charter within our institution.
Our expression of solidarity is well in keeping with our responsibilities and obligations as international civil servants to stand up and speak out against oppression. As leaders we share the core beliefs and the values and principles enshrined in the Charter of the United Nations that do not leave us the option to keep silent. [PO2]
We commit to harnessing our expertise, leadership and mandates to address the root causes and structural changes that must be implemented if we are to bring an end to racism.
Almost 500 years after the revolting Transatlantic trade of Africans began, we have arrived at a critical point in the arc of the moral universe as we approach in 2024 the end of the International Decade for People of African Descent, a mere four years away. Let us use our collective voice to fulfill the aspirations of our communities that the United Nations will wield its moral power as an institution to effect global change. Let us use our voice to contribute towards the realization of Africa’s own transformative vision contained in Agenda 2063 which is consistent with the world’s Agenda 2030[PO3] .
Africa is the cradle of humanity and the forerunner of human civilizations. Africa as a continent must play a definitive role if the world is to achieve sustainable development and peace. That was the dream of the founders of the Organization of African Unity, that was also the strong belief of prominent leaders such as Kwame Nkrumah and eminent intellectuals such as Cheikh Anta Diop.
Let us never forget the words of President Nelson Mandela: "To deny people their human rights is to challenge their very humanity."
Let us ever bear in mind the admonition of civil rights leader Fannie Lou Hamer: “Nobody’s free until everybody’s free”, who was echoed by Dr. Martin Luther King Jr., “Injustice anywhere is a threat to justice everywhere”.
Their words were later embodied into the rainbow of the diverse nation of South Africa, as spelled by the peacemaker Archbishop Desmond Tutu when he stated that ``Black liberation is an absolutely indispensable prerequisite to white liberation - nobody will be free until we all are free.”
(*) All signatories listed below are senior UN officials who hold the grade of Under Secretary-General. They signed this Op Ed in their personal capacity:
Zainab BANGURA
Winnie BYANYIMA
Mohamed Ibn CHAMBAS
Adama DIENG
Bience GAWANAS
Gilbert HOUNGBO
Bishar A. HUSSEIN
Natalia KANEM
Mukhisa KITUYI
Phumzile MLAMBO-NGCUKA
Parfait ONANGA-ANYANGA
Pramila PATTEN
Vera SONGWE
Hanna TETTEH
Ibrahim THIAW
Leila ZERROUGUI
[PO1]refering to racial superiority could inadvertantly validate this baseless notion
[PO2]It may not be appropriate to lead what could be misinterpreted as a charge against our organization. The previous paragraphs are sufficiently explicit on our commitment to drive change within the UN without risking to embarass the leadership.
[PO3]This is to avoid giving the impression that we intend to play a direct politcal role.
par Dany Laferrière
LE RACISME EST UN VIRUS
On sait aujourd’hui que le virus a atteint presque tout-le-monde après quatre siècles. Et que la plupart des porteurs sont sains, c’est-à-dire qu’ils l’ont mais n’en souffrent pas. Le pire c’est qu’ils peuvent le transmettre
Bon, soyons clair, le racisme naît, vit et pourrait même mourir un jour. Il est contagieux, et se transmet d’un être humain à un autre. Toutefois sa rapidité de contagion varie selon le lieu ou la situation. On peut d’ailleurs créer de toutes pièces des situations qui augmenteraient sa vitesse et sa puissance, alors que d’autres la diminueraient. À certains moments on annonce de nouvelles vagues à l’horizon. On s’en étonne alors que des signes avant-coureurs avertissaient de l’imminence du danger. Le chômage, la misère, la violence urbaine, l’absence de courtoisie, sont des agents capables d’accélérer son éclosion dans un lieu où sa présence était embryonnaire. Mais le racisme a cette particularité de ne jamais naître à l’endroit où on se trouve. C’est un virus qui vient toujours d’ailleurs. Si le chômage fait soudain rage, on pointe alors du doigt les nouveaux venus qui conservent en eux, semble-t-il, ce gène de la misère qui permet au racisme de féconder. C’est en voyant un malade qu’on apprend l’existence du virus, sinon il reste invisible. Ce qui fonde l’idée que le malade est responsable de la maladie. Si le Blanc pense que c’est avec le Noir que ce virus est arrivé en Amérique, le Noir croit, lui, que c’est la cupidité du Blanc à vouloir exploiter son énergie qui le garde encore vivant. Il n’y a pas de Noir sans Blanc comme il n’y a pas de Blanc sans Noir. Chacun devant son existence à l’autre. Voilà un nouveau produit identitaire aussi américain que le hamburger. Une identité créée par un virus. On aimerait assister à cette naissance en laboratoire. Quant aux Amérindiens ils sont encore en confinement dans les réserves.
LE MOMENT HISTORIQUE
On se demande quand tout a commencé en Amérique ? Il y a 400 ans avec le commerce d’esclaves. Les premiers bateaux négriers sont arrivés à ce moment-là sur les côtes d’Amérique. Cela peut sembler lointain, mais sur un plan historique c’était hier. Les petits-fils d’esclaves font tout pour se rappeler « ces siècles sanglants » tandis que les petits-fils de colons font tout pour les oublier. On ne pense pas toujours à la même chose au même moment. On peut faire remonter la conception du virus quand L’Europe s’est mise à fantasmer sur cette énergie gratuite et inépuisable : la force de travail de l’esclave. Le but c’est l’argent. Faire travailler les autres gratuitement, avec droit de vie et de mort sur eux. On trouve encore des gens aux États-Unis qui pensent avec nostalgie à cette époque. Je dis États-Unis parce que les derniers événements s’y sont déroulés, mais je souris de voir l’Europe s’étonner de la violence du racisme américain, oubliant qu’elle était à l’origine de toute cette histoire. C’était la première pandémie puisque au moins trois continents étaient impliqués : l’Europe, l’Afrique et l’Amérique.
LE MYSTÈRE
Il y a un point qui reste mystérieux : le racisme est capable d’apparaître dans les régions les plus reculées, là où il n’y a ni misère, ni chômage, ni même un Noir. On croyait pourtant connaître son mode de fonctionnement. Son territoire est-il illimité ? Son temps, infini ? Il y a tant de choses qu’on ignore dans le comportement du virus. On navigue à vue. La seule évidence c’est la souffrance qu’il produit sur un groupe : les Noirs. On serait étonné de la diversité des études faites sur le comportement du virus. Par exemple : Le virus peut-il passer de l’homme à l’animal ? On pourrait le croire en voyant dans le sud des États-Unis, il n’y a pas si longtemps, des endroits publics où c’est affiché : « interdits aux Nègres et aux chiens ». On pourrait croire que c’est la fantaisie d’un chercheur en laboratoire, en réalité cela fait partie d’un processus de déshumanisation.
EXCLUSIF SENEPLUS - Les grandes firmes pharmaceutiques font perdre à la science son intégrité. Les experts se livrent bataille dans les médias. En attendant, la Covid-19 creuse le fossé entre nantis et démunis
Hamadoun Touré de SenePlus |
Publication 12/06/2020
« Quand les éléphants se battent, l’herbe souffre » (dicton africain)
La recherche de la gloire et l’âpreté au gain semblent devenir les nouveaux tentacules de la Covid-19, faisant perdre à la science sa splendeur, hypothéquant les chances de guérison des malades. La pandémie continue de nous enseigner sur nous-mêmes, mettant à jour notre faiblesse profonde d’être humain devant l’attrait des biens matériels et nos capacités émotionnelles. Du coup, cette maladie étale toute sa puissance létale.
Elle entraîne de grandes nations à s’étriper, telle dans une foire, pour se prévaloir de l’invention ou de la découverte du vaccin tant attendu. Le sentiment du retour à la course aux armements ayant marqué le 20è siècle après les deux déflagrations mondiales, nous vient à l’esprit.
Mais à la rivalité États-Unis-Union Soviétique du temps des années de braise de la guerre froide à son summum, nous assistons à présent à une confrontation économique et diplomatique ouverte Washington-Pékin.
Le ring commercial est animé par les géantes firmes pharmaceutiques qui veulent s’accaparer des dividendes de la fameuse molécule ou du vaccin miracle, elles-mêmes trustées par des sommités du monde médical, apparemment, au-dessus de tout soupçon, plonge notre époque, sans transition, dans la Covid-19 Business. Quand l’égo et l’argent, ces métaux éphémères, entrent par la porte, la santé sort par la fenêtre.
On comprend mieux le pessimisme condescendant qui a accueilli les offres de remèdes venues du tiers-monde, et le changement de stratégie qu’il a inspiré comme pour nous intimer l’ordre de ne pas nous mêler de ce qui ne nous regarde pas.
Il va de soi que cette mauvaise compétition dépasse l’enjeu sanitaire et, bras de fer supplémentaire, fait reculer la fin de la pandémie qui continue ses ravages. Personne ne semble plus entendre Hippocrate proclamer, dans son célèbre serment, «… Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement… ».
De fait, nous assistons à un corps à corps diplomatique et financier qui a fait déjà au moins deux victimes, d’un côté les patients et leurs soignants qui s’échinent à s’évader du couloir de la mort et, de l’autre, la coopération multilatérale.
Instrument mis en place par nos prédécesseurs pour permettre à toutes les nations de cultiver la solidarité et l’entraide, le multilatéralisme est sacrifié sur l’autel d’intérêts particuliers. Un coup porté à la nécessaire union des États pour combattre le fléau mondial. Un gain supplémentaire pour ce virus sans frontière qui défie l’humanité depuis un semestre.
L’OMS victime collatérale
Le signe le plus évident de ce constat est la polémique née de la gestion de la pandémie et dont l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) apparait comme l’agneau du sacrifice. Il est vrai que cette organisation ne s’est pas singularisée par une gestion cohérente de cette pandémie. Elle a tant dit, démenti, redit, s’est tant dédite et rebiffée ! Non pas parce qu’elle n’avait ni vision ni paramètres scientifiques mais parce que, naine au milieu des géantes multinationales, elle illustre ce proverbe « quand les éléphants se battent, c’est l’herbe qui souffre ».
Les disputes entre puissants bailleurs ont réduit l’organisation en contrariant sa vocation initiale de bras armé du monde pour la santé. Le même sort guette toute structure intergouvernementale appelée à être au centre des querelles de ses États membres, surtout quand ceux-ci détiennent les cordons de la bourse. Le retrait des États-Unis de l’OMS, rappelle la fallacieuse accusation faite par la même puissance, au milieu des années 80 à l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO) à la suite du fameux débat sur le Nouvel Ordre mondial de l’information et de la Communication (NOMIC). Le Sénégalais Ahmadou Mahtar Mbow, vénérable homme de culture et fierté de l’Afrique qui fête son centenaire cette année, était le directeur général de l’UNESCO.
Des empoignades idéologiques sans envergure, trahissant des volontés de domination, ont tenté de mettre à genou cette instance unique de réflexion sur les valeurs essentielles que restent la science, l’éducation et la culture pour l’harmonie de l’humanité dans sa diversité enrichissante.
Sans verser dans une quelconque paranoïa, il n’est pas indifférent de constater que les deux organisations, UNESCO en son temps, et OMS aujourd’hui ont deux africains à leur tête au moment des coups de boutoir. Hasard ? N’est-il pas immoral de priver ces organisations des moyens d’accomplir leurs missions avec l’arrière-pensée perfide de mettre à mal leurs dirigeants élus ?
Il n’est pas d’alternative à l’OMS dans son soutien à nos politiques de santé et surtout à sa présence vitale sur le terrain auprès des populations démunies. Toute attaque contre l’institution annihile nos efforts pour faire face à la pandémie et freiner sa propagation. En se prolongeant, nous ne serons que les victimes de ce bras de fer entre puissants.
En attendant, la Covid-19 creuse le fossé entre nantis et démunis. Les grandes firmes pharmaceutiques qui soignent le monde dans un détestable monopole né du droit contestable des brevets font perdre à la science son intégrité, sa morale et sa générosité. La santé reste alors un luxe pour les pays pauvres. Qu’adviendra-t-il de l’accès rapide et facile de nos populations à un éventuel vaccin ou à un médicament venant de leurs laboratoires ?
Cette interrogation n’est pas fantaisiste quand on sait que l’affrontement entre scientifiques, par journaux et pétitions interposés, prend maintenant la rue à témoin comme si elle était juge de l’efficacité de tel médicament ou de sa dangerosité. Les experts se livrent bataille dans les médias à longueur d’antennes ou de colonnes.
Un leadership mondial défaillant
C’est parce que l’impact économique, social, psychologique, culturel même de la Covid-19, gagne du terrain sur sa maitrise scientifique. Il sous-tend la recherche effrénée du bien matériel de même que l’influence politique et diplomatique dans la course au leadership mondial.
La pandémie ne livre toujours pas ses secrets, renforçant le sentiment d’impuissance au sein de la communauté scientifique et instruisant les maitres du monde qu’ils ne sont que comme tous les autres hommes. Point de boucs émissaires pour justifier l’échec et le manque de soins aux populations.
Au rythme où évoluent les choses, les mesures barrières risquent de devenir de vieux souvenirs. En cause, entre autres, l’hypothèque sur le multilatéralisme ainsi que la rude bataille entre les grandes firmes de production des médicaments.
Tout est ainsi fait pour l’égo et l’or. Demandons à ceux qui les possèdent de se débarrasser de ces métaux et de respecter sans restriction le serment de Gallien qui illumine la voie des pharmaciens : «… En aucun cas, je ne consentirai à utiliser mes connaissances pour corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels… ».
La Covid-19 était une opportunité d'humanisation de l'ordre mondial, la course à l'ego et à l'or signe t- elle la fin de cet espoir ? Notre époque a besoin d’un leadership plus affirmé dans la lutte contre la pandémie comme en bien d’autres domaines.
CONTRIBUTION DES MÉTIERS DE L’INFORMATION DOCUMENTAIRE AU DEVELOPPEMENT DU SENEGAL
Le pays ne pourrait disposer d’une Administration publique efficace et instaurer une politique de bonne gouvernance sans un certain nombre de préalables parmi lesquels figure la gouvernance de l’information
Le développement de l’Afrique en général et du Sénégal en particulier passera par la science, le savoir et la connaissance. D’où la nécessité de valoriser les métiers dont les objets tournent autour de la science, du savoir et de la connaissance. Parmi ces métiers figurent ceux de l’Information documentaire. Ces derniers, dont le rôle est essentiel pour le développement d’un pays n’est plus à démontrer, demeurent encore méconnus et timidement valorisés au Sénégal. Ce qui peut paraître paradoxal si l’on tient compte des ambitions du pays en matière de développement. Loin de vouloir faire le procès des manquements précités, cette réflexion vise à montrer comment les métiers de l’Information documentaire peuvent contribuer au développement du Sénégal.
Nous avons fait le choix d’organiser notre réflexion autour des principaux aspects des métiers de l’Information documentaire, notamment ceux qui mettent en exergue leur contribution au développement.
Accès à l’information et développement : rôle et place des bibliothèques
Souvent perçues au Sénégal comme des institutions documentaires qui jouent uniquement un rôle patrimonial et culturel, les bibliothèques participent également au développement économique et social d’un pays. En effet, l’accès à une information utile et fiable du citoyen, en tant qu’acteur de développement est indispensable. Pour être au cœur du développement, le citoyen a besoin des ressources informationnelles qui lui permettent de renforcer ses compétences et ses capacités de comprendre et d’agir ; de participer de façon active à la réflexion et à la mise en œuvre de programmes de développement ; de prendre en main son propre en main son propre développement quel que soit le secteur et le niveau ; d’exercer pleinement ses droits civiques et politiques de façon libre et responsable.
La mise en place de structures documentaires qui sont, à la fois accessibles et capables de répondre aux besoins informationnels des citoyens permet de promouvoir l’éducation, la formation et le développement. Les lieux d’accès à l’information, au savoir et à la connaissance, que sont les bibliothèques, sont essentiels à la participation active des citoyens au développement du pays.
L’apport des professionnels de l’Info-doc au développement de la science
L’information scientifique et technique est la sève nourricière de la recherche scientifique. Cette dernière est essentielle pour le développement d’un pays. En effet, la diffusion et l’exploitation des productions de la communication scientifique participe à impulser la recherche, la création et l’innovation au niveau des secteurs de développement. D’où la nécessité de faire connaître et de rendre accessible le patrimoine scientifique nationale.
Il est vrai que les technologies de l’information et de la communication ont largement modifié (notamment en termes d’autonomie) les processus de production, de validation, de diffusion, d’accès et mise à disposition de l’Information Scientifique et Technique aux usagers, mais paradoxalement, le professionnel de l’information demeure incontournable dans tout ce processus. En effet, le professionnel de l’information participe à la création des savoirs en ce sens qu’il est le pont entre l’information et l’usager. C’est lui qui localise l’IST, la met à la disposition du chercheur qui va l’utiliser pour en faire un autre élément de la communication scientifique.
Ainsi, le développement des collections scientifiques, l’aide à la rédaction documentaire, l’aide à la recherche documentaire sont autant de compétences que l’on trouve chez les professionnels de l’information documentaire à destination des chercheurs afin de les accompagner dans leur activité de publication scientifique. A cela s’ajoute la valorisation de la communication scientifique dans les archives ouvertes qui est devenue un sacerdoce pour ces professionnels de l’information documentaire.
Les archives : des outils au service de l’Administration et de la science
Loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents administratifs définit les archives comme : « Les archives sont constituées par l’ensemble des documents quels qu’en soient la nature, la forme ou le support matériel, produits ou reçus par une personne physique ou morale dans le cadre de son activité publique ou privée. »
Issues de l’activité d’un organisme public ou privé, d’une personne physique ou morale, les archives ont trois principales fonctions : “informer”, “justifier” et “mémoriser”. Ainsi, de par leurs valeurs administrative, légale et scientifique, les archives constituent de précieux éléments pour les organismes publics et privés, le monde de la recherche scientifique et les citoyens. D’où l’enjeu que comporte la gestion, la conservation et l’accès aux archives.
Au Sénégal, dans un passé récent, la mise en place de systèmes d’archivage et les pratiques managériales archivistiques ne faisaient pas partie des priorités des autorités. Cependant, nous notons que de plus en plus le besoin d’une gestion moderne et efficace des archives se manifeste au sein des organismes publics. En effet, une gestion optimale des archives peut se traduire en termes de performance et d’efficacité au niveau des services administratifs.
« L’occasion fait le larron », la crise sanitaire de la Covid-19 que nous traversons, nous amène à aborder un aspect peu connu des archives, notamment les archives médicales, qui nous permettra par ailleurs d’illustrer l’apport des archives à la science.
En milieu hospitalier l’archivage des dossiers médicaux est une obligation et une responsabilité légale à assumer par les administrateurs hospitaliers. En effet, dès le premier contact du patient avec l’établissement hospitalier (hospitalisation ou consultation) un dossier (dossier médical) lui est ouvert. Le dossier médical a plusieurs fonctions : il permet d’assurer la continuité des soins, de faire de la recherche médicale et servir de preuve ou d’éléments d’information en cas d’action de recherche en responsabilité civile. En outre, l’archivage des dossiers médicaux permet de garantir la traçabilité, la crédibilité, la confidentialité, la pérennité et la communication « encadrée » de l’information médicale.
La gouvernance de l’information : un enjeu d'efficacité de bonne gouvernance
Le Sénégal ne pourrait disposer d’une Administration publique efficace et instaurer une politique de bonne gouvernance sans un certain nombre de préalables parmi lesquels figure la gouvernance de l’information. Cette dernière, qui nous intéresse dans ce présent document participe à l’efficacité et à garantir la transparence au sein d’un organisme privé ou public. D’où l’enjeu qu’elle comporte pour le Sénégal. En effet, la mise en place d’une gouvernance de l’information pourrait permettre à l’Administration publique sénégalaise d’abord d’organiser et de maîtriser les informations et documents qu’elle génère dans le cadre de son fonctionnement et qui sont indispensables à la conduite de l’action publique ; ensuite de garantir un accès rapide aux informations et documents nécessaires à la prise de décisions et à la fourniture de services publics aux citoyens ; et enfin d’assurer la traçabilité, la préservation et la conservation des actes et actions administratifs afin de répondre aux exigences de transparence.
Ainsi, la gouvernance de l’information, en garantissant la maîtrise, l’accès, la sécurité et la disponibilité des informations et documents (administratifs), contribue à éradiquer les lenteurs administratives, à faciliter les opérations d’audit et de contrôle et à permettre aux citoyens de bénéficier d’un service public de qualité et de jouir pleinement à leur droit d’accès à l’information publique.
Dès lors que l’efficacité de l’Administration publique sénégalaise et l’instauration d’une politique de bonne gouvernance sont des exigences pour le développement du pays, la gouvernance de l’information devient un préalable incontournable.
L’Intelligence économique comme bras armé des organisations
L’intelligence économique est une démarche à la fois organisée et cohérente qui vise l’agilité par un usage stratégique de l’information. C’est un outil qui permet à l’organisation d’évaluer l’ensemble de ses connaissances matérielles et immatérielles. En sus de cela, l’IE permet à l’organisation de connaître, de comprendre mais surtout d’anticiper sur son environnement. Cela dit, l’IE s’appuie sur le triptyque à savoir : la veille, l’influence et la protection économique.
Partant de là, nous constatons que l’IE est un excellent outil de pilotage qui pourrait permettre au Sénégal à travers ses organisations publiques/privées d’être à l'affût des marchés. La crise du Covid-19 a mis en lumière la dimension stratégique de l’information. Les renseignements généraux se sont trouvés en première ligne dans cette course aux matériels médicaux. Elles ont compris très tôt que la variable information est un actif stratégique dans une économie mondialisée.
Le Sénégal subira les effets pervers de la crise du Covid-19. Et pour faire face à ce tsunami économique qui se profile à l’horizon, le Sénégal peut atténuer le choc en faisant de l’Intelligence économique son arme de guerre. À l’aune de la guerre économique où l’information constitue le code de la vie des organisations, le Sénégal devrait mettre l’IE au cœur de ses politiques publiques. Une politique publique d’intelligence économique pourrait être le bras armé de l’Etat dans sa quête de compétitivité et de sécurité économique.
La Gestion Electronique de documents et l’Archivage numérique au service E-administration
La nécessité d’opérer la transition numérique des administrations n’est plus à démontrer. Les lenteurs administratives sont toujours présentes et constituent un véritable problème. L’une des solutions adéquates demeure la dématérialisation de certaines procédures. La stratégie "Sénégal numérique 2016-2025" enclenché depuis 2016 tarde à faire ses effets pour plusieurs raisons dont la non implication des véritables acteurs du secteur numérique parmi lesquels les professionnels en sciences de l’information documentaire.
Le professionnel de l’information documentaire occupe une place centrale dans ces genres de système d’informations car étant au cœur du circuit de l’information de sa création à sa diffusion en passant par l’indexation. Il est donc appelé à se retrouver dans les phases de configuration et de mise en place de ces systèmes autour de la collecte, du traitement, et de la diffusion de l’information car étant une des ressources humaines qui maîtrisent le mieux les différentes facettes de cette dernière. Grâce à ses compétences, il concourt à une circulation immédiate de l’information du système, ainsi les processus et le travail collaboratif sont optimisés dans des proportions considérables. Les utilisateurs ne perdent plus de temps à retrouver les documents.
Cependant, l’un des défis majeurs de la GED reste l’adoption des solutions afin de faciliter les procédures administratives et citoyennes et pouvoir par la même occasion assurer la sauvegarde du patrimoine documentaire national.
Le développement du Sénégal passera par la science, la bonne gouvernance. D’où le rôle essentiel que doivent y jouer les professionnels de l’Information documentaire dont le cœur de métier est l’information, autrement dit la science, le savoir et la connaissance. Les pouvoirs publics sénégalaises doivent intégrer la « donnée » information documentaire dans leurs plans et projets de développement, car elle est la base de toute entreprise qui se veut durable, pérenne et couronnée par le succès.
Contribution faite par un groupe de jeunes professionnels en SID.
Auteurs : Bassirou Diagne, Mamadou Dia, Seydina Omar Ndiaye, Moussa Diaw, El Hadji Gora Sene, Birane Diop.
UNE NOUVELLE DE LOUIS CAMARA
ETRANGE METAMORPHOSE (2)
C’est à une véritable « révolution intérieure » que s’est livré cousin Baye Doudou dont la vie s’est du même coup transformée de fond en comble. De quasi ivrogne et mécréant qu’il était, il est sans transition devenu un pieux croyant
« Il y avait là, par malheur, un petit animalcule au bonnet carré... » ( Voltaire, « Micromégas »)
Pour en revenir à mon cousin Baye Doudou, je disais donc que cette histoire de coronavirus l’avait rendu méconnaissable, comme du reste nombre de personnes sans doute plus fragiles que la moyenne. Il est d’ailleurs de plus en plus fréquent de rencontrer dans les rues de Saint-Louis des quidams qui ressemblent à de véritables zombies ou qui présentent des troubles du comportement caractéristiques voire des signes évidents de folie. Ces gens-là sont certainement stressés par l’ambiance traumatisante et la panique partout répandus par «l’invisible et silencieux tueur » pour reprendre une métaphore très prisée des poètes, ou rimailleurs, c’est selon, du pays de la téranga. Ces doux rêveurs s’imaginent pouvoir combattre le virus avec des vers de mirliton et certains vont même jusqu’à l’apostropher ou lui écrire des, lettres de protestation ! Avouez qu’il y a de quoi mourir de rire, enfin, presque. En tout cas il y aurait peut-être lieu de s’inquiéter de la santé mentale de nombre de nos concitoyens par les temps qui courent … Ce n’est heureusement pas le cas de cousin Baye Doudou qui, loin d’avoir l’esprit dérangé, a au contraire la tête bien sur les épaules. En revanche il a adopté des mœurs et des habitudes que je ne lui ai jamais connues auparavant et qui de ce fait m’ont d’abord parus étranges pour ne pas dire déroutants ! En effet, depuis la fermeture du bar « Le Guétapan », niché au cœur de l’ile de Ndar, à proximité du palais de justice, baye doudou a comme qui dirait, radicalement changé son fusil d’épaule.
Lui qui d’aussi loin que je m’en souvienne a toujours été un des piliers de ce bar malfamé, honni de tous les habitants de l’ile et de la banlieue, a du jour au lendemain décidé de ne plus y mettre les pieds et même de ne plus longer la rue où il se trouve ! baye doudou qui depuis son départ à la retraite de l’enseignement passait le plus clair de son temps au « Guétapan » en compagnie de disciples de bacchus comme lui, eh bien, mon cher cousin a juré de ne plus laisser la moindre goutte d’alcool couler dans son gosier réputé insatiable ! Mieux : non seulement il a jeté l’anathème sur ce breuvage de satan (que certains appellent « l’eau de feu » selon l’expression consacrée des peaux-rouges d’Amérique), ce liquide corrosif qui vous ronge le foie à petit feu et finit par vous faire perdre la raison, mais mon « couse » s’est aussi engagé sur le droit chemin de la religion. « Euskeye !... » ont approuvé en chœur et en claquant des doigts tous ceux d’entre ses parents et amis qui ne lui ont jamais souhaité autre chose que du bien. Cette surprenante et heureuse nouvelle ne pouvait évidemment que les réjouir et eux tous se sont confondus en prières et en bénédictions formulées à l’endroit de l’apostat. « Ndeysaan, baay doudou dafa tuub ! … » Les entendait-on dire avec des trémolos dans la voix. À les voir défiler chez lui, la larme à œil, simulant émotion, l’on aurait pu croire qu’il s’agissait de la célébration d’un Hadj de retour du pèlerinage à la Mecque ! Et certes il y avait de l’exagération dans ces manifestations de sympathie teintées hypocrisie. D’ailleurs il a bien fallu que baye doudou en personne mette un terme à ces épanchements futiles qui commençaient à le déranger et même à sérieusement l’agacer.
Toujours est-il que mon cher cousin a fait le serment de ne boire plus que de l’eau pour le restant de sa vie et de ne plus rater aucune des cinq prières quotidiennes prescrites par la religion. Dans la foulée, il a également cessé de fumer et il n’arrête pas de sucer des bonbons à la menthe pour lui faire passer son envie de tabac.
Bref c’est à une véritable « révolution intérieure » que s’est livré cousin Baye Doudou dont la vie s’est du même coup transformée de fond en comble. De quasi ivrogne et mécréant qu’il était, il est sans transition devenu un pieux croyant qui se consacre entièrement à la dévotion. Mais ce n’est pas tout.
Dans son zèle de nouveau converti, « couse » baye doudou a aussi changé de look de la tête aux pieds. Il s’est laissé pousser la barbe et s’habille maintenant d’une djellaba toute blanche assortie avec des pantalons courts et des babouches de la même couleur.
En outre il a troqué sa casquette à la Joe Cocker qu’il avait coutume de porter avec de vieux costumes élimés du marché aux puces contre un petit bonnet marocain, un « kopati », posé au beau milieu de son crâne dégarni.
Pour compléter cet accoutrement peu ordinaire, il s’est aussi armé d’un long chapelet aux perles nacrées qu’il égrène désormais d’un air inspiré tout en marmonnant à voix basse des prières jaculatoires…
Marianne, son épouse, l’ange de la maison, femme d’un stoïcisme à toute épreuve qui l’a supporté durant trente cinq longues années de vie conjugale anarchique m’a confié que baye doudou ne met pratiquement plus le nez hors de sa chambre, sauf pour aller aux toilettes ou pour faire ses ablutions ou encore pour aller se rafraichir à l’ombre du grand manguier qui pousse au milieu de la cour de leur maison. Marianne a été la première à remarquer le changement inattendu de son mari, mon cousin baye doudou.
Pour elle comme pour Aminata leur fille unique, affectueusement surnommée « Mimi », la « métamorphose » de baye doudou n’est ni plus ni moins qu’un miracle et relève donc avant tout de la volonté divine. Toutes deux en ont été stupéfaites, pour ne pas dire qu’elles sont tombées des nues, en particulier Mimi qui était fâchée avec son père et avait cessé de lui parler depuis belle lurette à cause de son inconduite notoire.
Après avoir lui-même annoncé qu’il avait cessé de boire et qu’il ne fréquentait plus « Le Guétapan », baye doudou s’est réconcilié avec sa femme et sa fille et leur a demandé pardon pour toutes les souffrances et les torts qu’il leur a fait subir pendant si longtemps. Ce jour-là, la mère et la fille ont versé des torrents de larmes et n’ont eu de cesse de remercier le Tout-Puissant qui dans son infinie miséricorde avait eu pitié d’elles avait remis leur mari et père sur le droit chemin. Moi-même je n’ai pas pu m’empêcher d’éprouver une secrète émotion lorsque Marième m’a rapporté cette touchante scène de réconciliation et je me suis dit, nonobstant son côté un chouïa mélodramatique, que c’était quand même une bonne chose dans la mesure où cela avait permis de ressouder la famille de mon cousin. C’est émouvant de les voir à présent s’entendre si bien tous les trois alors qu’il y a quelques semaines à peine, c’est une ambiance de ni paix ni guerre qui régnait dans leur maison.
Désormais je ne me sentirai plus obligé d’intervenir pour calmer les ardeurs belliqueuses de baye doudou et Marianne à qu’il arrivait encore tout récemment de se crêper le chignon avec la dernière férocité. Au cours de ces batailles de chiffonniers, qui m’avaient rien de vraiment épique, où chacun s’ingéniait à balancer à son adversaire les piques les plus assassines, Mimi se rangeait toujours du coté de sa mère. Pour elle il n’était nullement question d’essayer de les réconcilier ou de recoller les morceaux, bien au contraire j’ai comme l’impression que Mimi eût été bien aise si son père et sa mère avaient divorcé. Mais en réalité, ces deux-là s’aiment à la folie et pour rien au monde ils ne se seraient séparés ! Néanmoins cette situation semblait plutôt à l’avantage de baye doudou qui, protégé par une armure d’insouciance et de je-m’enfoutisme assumés, s’en donnait à cœur joie et vivait sa vie comme bon lui semblait. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il était un artiste, un dilettante, un « dandy sous les tropiques », pour reprendre ses propres mots, et que pour lui, la liberté seule avait du prix !...
Et pourtant le voilà qui, du jour au lendemain, a fait un spectaculaire revirement à cent quatre-vingt dix degrés !
A suivre...
Par Calame
LA RÉPUBLIQUE DES CASTES ET DES COTERIES
D'un régime au suivant, la traversée de la «haute» société sénégalaise est ahurissante. Public-privé, majorité-opposition, magistrature-armée, religieux non pratiquants, ce monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles ou sur les mêmes coups
«La République du Sénégal est laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race, de sexe de religion. Elle respecte toutes les croyances». Théoriquement donc, les Sénégalais sont égaux devant le mérite qu’arbitre l’école, devant le pouvoir que régit la démocratie, devant la richesse que répartit la concurrence. Cà c’est sur le papier et c’est la Constitution qui le dit Beaux principes. Mais, dans un pays qui vante avec ferveur les problèmes d’équité et de l’Etat de droit, chacun essaie de s’affranchir des règles communes, usant de son rang social, de son carnet d’adresses.
Pour trouver du travail, s’ouvrir les portes d’une école, obtenir un rendez-vous, même médical, remporter un marché, arracher une subvention… Ces passe-droits sont d’autant plus utilisés que la société est minée par la crise qui exacerbe tout, bloque l’ascension sociale et accentue le déclassement. Du haut de l’échelle, dans les sphères du pouvoir, tout fonctionne entre castes soudées et coteries. C’est un monde de passe-droits et de privilèges, de combines et de corruption, un monde de l’entre soi et de la barbichette coupée du reste de la population. Une république ainsi noyautée par le copinage n'est plus qu'un décor à l'abri duquel une élite arrogante se croit tout permis. Les ruses prennent une autre dimension et leurs conséquences politiques, sociales et économiques nous concernent tous. Le peuple, mutilé par une précarité à tous les niveaux, de plus en plus désillusionné après deux alternances, témoin de l’entrain festif, limite orgiaque de ses dirigeants, porte en écharpe ses illusions perdues.
D'un régime au suivant, la traversée de la «haute» société sénégalaise est ahurissante. Public-privé, majorité-opposition, magistrature-armée, religieux non pratiquants, ce monde vit en vase clos, se retrouve dans les mêmes cercles ou sur les mêmes coups. L’essentiel c’est d’occuper la place. De hauts fonctionnaires se font intermédiaires ou agents d’influence, des parlementaires opérateurs économiques, avec en prime l’argent public toujours disponible pour faire des affaires privées. Dénoncés, ressassés depuis plusieurs années, les problèmes nés du foncier en général, le bradage des terres, l’occupation du littoral sénégalais en particulier, n’ont pas fait lever le petit doigt. Le domaine privé maritime, du moins son occupation, qui fait aujourd’hui l’actualité, et dont on fait semblant d’admettre la réalité accablante, est la bande de 100 mètres de la ligne de rivage à l’intérieur du continent. Réputé inconstructible sauf à titre précaire et révocable.
Toutes les constructions qui y sont érigées aujourd’hui ne respectent pas cette norme. Comment la respecter d’ailleurs, si, du grand complexe hôtelier, qui commence de ce qui est la base du Parc des Iles de la Madeleine, à la Mosquée de la Divinité, entre 2012 et 2014, une seule autorisation avait été délivrée par l’Etat, sur 19 chantiers en cours !
Pour dire l’actualité du passé, en 1993 déjà, les promoteurs de cet hôtel, avaient proposé à l’Etat du Sénégal un échange de « bons procédés ». Se voir attribuer cette base du parc des Iles de la Madeleine, contre la construction et l’aménagement de la Direction des Parcs Nationaux sise, en ces temps-là, sur cette partie de la baie de Soumbédioune. La frénésie d’avoir «les pieds dans l’eau», ferait croire que tous ces promoteurs et privés, comme des Madames Soleil, prédisant l’avenir, même d’outre-tombe, savent déjà que dans une vie postérieure, ils seront amphibies. Mais je m’égare…
Au lieu de donner le cap à une société désorientée, abattue par la crise économique à laquelle vient s’ajouter le Covid-19, la caste s'accroche à ses privilèges et les plus hardis, ceux dont l’incivilité, l’égotisme sont proportionnels à leur ignorance des règles primaires du vivre-ensemble, creusent la falaise, s’ils n’opèrent pas une ablation d’une de nos Mamelles. Pourvu que le défilé de hauts fonctionnaires qui se désintéressent du service de l’Etat continue, que leurs intellectuels aillent à la soupe, que des courtisans arrachent des prébendes au Palais de la République, si ce n’est le Palais lui-même qui les organise et les gère. C’est de cette manière qu’ils s’excusent mutuellement, retardent quelques affaires pénales, se protègent et entretiennent les vices publics. Un monde où chacun connait tout le monde et ignore le monde. Le reste peu leur chaut !
Loin d’eux cette devise, disparue du fronton des édifices publics : « Un peuple, un but, une foi ». La leur est « l’Etat, c’est pour nous ». Comment voulez-vous qu’avec cela, que ce pays ne soit pas perclus de déficits ? Dans tous les domaines. Mais voici que cette semaine, un énorme pavé jeté dans la mer profonde de la gestion du littoral dakarois, la corniche plus précisément, fait des vagues. La question de la gestion de ce bout de territoire de Dakar, est devenue l’actualité dans les réseaux sociaux, tenant lieux de nouveaux comptoirs de café, où l’on refait le Sénégal. Avec toujours en pointillés, cette caste qui a tout du pâté d’alouette (un mélange de viande de cheval et de chair d’alouette. Ce qui est à nous ne nous appartient pas. Les règles édictées qui nous régissent doivent être les mêmes pour tout le monde. Même si, comme en grammaire, l’exception, le phénomène exceptif vise à extraire une partie d’un tout ou, plus exactement, d’un groupe initial. Qu’elle soit de droit ou grammaticale, la règle est caractérisée, si ce n’est définie, par un certain nombre de propriétés ou de qualités auxquelles les exceptions porteraient atteinte. Ainsi dit-on qu’elle est générale, impersonnelle, abstraite et qu’elle a une certaine prétention à la permanence et à la stabilité. Or, l’existence et la multiplication des exceptions, exemptions, exonérations, dispenses, dérogations, passe-droits, privilèges semblent mettre à mal ces caractères.
En visant un certain nombre de destinataires au détriment de la masse, les exceptions altèrent la généralité de la règle, gage de l’égalité entre les citoyens. En épousant chaque situation et chaque espèce, elles conduisent à une particularisation et à une individualisation des règles et, au-delà, à une segmentation du peuple. Parce qu’elles s’adaptent aux contours sans cesse renouvelés des situations qu’elles visent, elles encouragent le foisonnement et l’instabilité de la norme. Exception. Voilà que ce mot peut-être trompeur quand il est utilisé comme substantif : des lois, des régimes, des hommes « d’exception » visent ce qui est hors du droit commun, hors de la règle ou du droit ordinaire, voire hors du droit tout court.
De même faut-il se méfier du qualificatif qui en découle, « exceptionnel », qui a acquis le sens de « rare », « remarquable », ou encore de l’expression « à titre exceptionnel », qui évoque une fréquence en même temps qu’elle sonne comme une justification. La règle veut, qu’en matière foncière, la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales (CCOD), soit l’unique structure nationale habilitée à valider la cession d’un terrain de l’Etat à un particulier. Cette commission, composée au minimum d’un Conseiller technique du Ministère de l’Economie et des Finances (ou des Finances selon la nomenclature du gouvernement), qui en est le Président, a en son sein, un représentant du Cadastre, un représentant du ministère de l’Urbanisme, un représentant de la Direction des Domaines, un représentant de la gouvernance ou de la préfecture et un représentant de la Mairie. Il faut aussi souligner, qu’en matière foncière, l’Etat juridiquement, possède deux types de terrains : les terrains immatriculés qui peuvent faire l’objet de cession de sa part, et les terrains non immatriculés, qui sont de ce fait, non cessibles, sauf s’ils font l’objet d’un décret de déclassement.
Le Domaine Public maritime en est. L’Etat est son propre notaire et son propre assureur. Seulement ici, ce sont les exceptions qui sont devenues la règle, au point qu’elles sont devenues l’archétype du deux poids deux mesures. Aux uns, on demande une mille-feuille de documents qui les oblige à arpenter pendant un long temps, les couloirs des administrations. Aux autres, le statut ou la puissance financière suffit. Le respect des procédures, les obligations, c’est pour les autres Et l’Etat qui, s’il était sérieux, se considérerait spolié, ne pipe mot et laisse les exceptions se propager comme ce virus à la contagiosité exponentielle qui nous inquiète tous. Léopold Sédar Senghor, affichait son horizon à l’An 2000. Abdou Diouf sous le régime duquel les « exceptions » relatives au domaine public maritime ont commencé, peut être considéré comme un sédatif après que Abdoulaye Wade est venu aux responsabilités. Lui, c’est l’excitant dont les effets secondaires traversent encore l’Etat actuel dont le Chef fait souvent appel au volontarisme et au potentiel des individus, recourant sans cesse à la rhétorique de la rupture qui se fait attendre depuis huit ans.
Face au tollé général, un communiqué officiel nous apprend que le Chef de l’Etat « a invité le ministre des Finances et du Budget, le ministre des Collectivités territoriales et le ministre de l’Intérieur de veiller au respect des règles de gestion foncière au plan national. Le Chef de l’Etat a dans cette dynamique, demandé aux ministres concernés de mettre en œuvre un Plan global d’Aménagement durable et de valorisation optimal du littoral national et de veiller, sur l’étendue du territoire à l’application rigoureuse des dispositions du Code de l’Urbanisme et du Code de la Construction ». Pourquoi maintenant seulement, alors que lui-même, avait renoncé avaitil dit, à un terrain sur la Corniche ? Quels actes seront pris à partir de maintenant ?
Sur la corniche de Dakar, aucun investissement n’a maintenu un équilibre avec la protection de la nature. Elle est bétonnée de partout. Fils et filles de la mer, les plages étaient présentes en nous. On pouvait y être du matin au soir, dans l’eau ou au soleil en attendant patiemment qu’il aille se coucher. Aujourd’hui, moins accessibles parce que privatisées, on saccage dans le même temps notre mémoire collective et nos plus profonds souvenirs. La belle corniche perd sa prestance au profit de constructions tout au bord, bouchant la vue et l’accès à la mer. Pourtant, la côte est du domaine public. Il est vain de vouloir nous boucher l’horizon quel qu’il soit, avec un rabiot promis au radoub ou du béton, une chose est sûre, les moyens pour affronter le grand large sont à notre portée.
par Jean-Alain Goudiaby
L'UNIVERSITÉ SÉNÉGALAISE S'EMBOURBE-T-ELLE ?
Il y a quelques années, pour parler de la présence simultanée d’acteurs publics et privés dans l’enseignement supérieur, on utilisait le terme de coexistence. Mais dernièrement, la coexistence a progressivement laissé la place à la concurrencence
Les universités sénégalaises produisent des diplômés et des recherches qui peuvent être de grande qualité. Toutefois, ces établissements connaissent des difficultés plus ou moins importantes en fonction de leur structuration, de leur gouvernance ou encore de l’évolution globale du système d’enseignement supérieur et de recherche.
Ces difficultés résultent de la combinaison de plusieurs facteurs : l’accroissement du nombre d’étudiants, passé de 93 866 en 2012 à 190 145 en 2018, dont 35 % dans le privé ; la restructuration du marché de l’emploi ; les évolutions des législations et de l’environnement physique et social, etc.
On dénombre aujourd’hui huit universités publiques au Sénégal. Cette offre est complétée par les instituts supérieurs d’enseignement professionnel. Le premier, celui de Thiès, est déjà en fonctionnement ; les quatre autres sont prévus pour la rentrée 2020. À, cela s’ajoutent, selon la Direction générale de l’Enseignement supérieur (données d’enquête), plus de 300 instituts et universités privés. Ces derniers sont créés soit par des promoteurs nationaux ou étrangers, soit appartiennent à un réseau transnational, soit sont une filiale d’un établissement étranger. En somme, l’offre de formation demeure très éclectique et inégale, selon les territoires et les domaines disciplinaires. L’offre reste principalement concentrée à Dakar et dans les villes de Saint-Louis, Thiès, Ziguinchor. Les formations du tertiaire sont majoritairement dispensées dans les instituts privés, alors que les sciences humaines et sociales (SHS), les sciences et technologies ou encore la médecine sont présentes dans le public.
Le défi de la gouvernance des universités
Les universités publiques au Sénégal ont vu le jour autour des années 1960 avec l’ambition de se construire en rupture avec le modèle colonial. Des aménagements de programmes ont été tentés dans certaines facultés. Toutefois, le contexte économique et politique n’a pas toujours été favorable.
De plus, la gouvernance interne a fait parfois défaut et les recteurs, premières autorités de l’université, n’ont pas toujours su traduire en actes concrets les directives nationales. C’est là, parfois, la différence entre les universités publiques et entre le public et le privé.
Dans le dispositif des universités privées, en effet, la place de l’État est réduite à son strict minimum, à savoir les agréments pour l’ouverture, compte non tenu de la forte présence des enseignants des universités publiques pour faire exister certaines formations dispensées dans ces établissements privés, ainsi que les travaux de recherche qui y sont menés. Le mode de gouvernance des universités privées permet de renforcer leur présence sur le marché des formations tout en bénéficiant d’une souplesse plus adaptée à la rapide évolution des espaces de formation.
L’État sénégalais, […] n’a pas toujours une vision claire de la gouvernance des universités et des changements qui s’y produisent. »
Les universités publiques, de leur côté, doivent promouvoir leurs intérêts particuliers face à la concurrence nationale et internationale tout en assumant leur rôle de service public.
L’État sénégalais, malgré sa volonté affirmée d’améliorer le secteur ou d’éviter son enlisement, n’a pas toujours une vision claire de la gouvernance des universités et des changements qui s’y produisent. Le fait, par exemple, de vouloir orienter tous les bacheliers de 2019 vers des universités publiques sans étude prospective préalable en est une belle preuve. D’ailleurs, les universités ont elles vocation à accueillir tous les bacheliers, quel que soit leur projet professionnel ou de vie ?
De même, on peut considérer que l’assujettissement des recteurs au pouvoir politique et aux autres pouvoirs internes peut mettre à mal l’autonomie dans la gestion. On peut analyser les activités du personnel administratif technique et de service comme la résultante de leur dépendance vis-à-vis de l’autorité des recteurs. Cela est d’autant plus vrai qu’une bonne partie de ce personnel peut être choisie par le recteur. Ces différents choix, ainsi que les orientations prises ou non, ont des conséquences sur la marche optimale de l’institution.
Des réformes qui peinent à être mises en œuvre
Les politiques relatives à l’enseignement supérieur et à la recherche connaissent régulièrement des réformes qui cherchent soit à concrétiser les réformes précédentes, soit à poser les bases d’autres transformations, jugées plus adaptées. C’est ainsi qu’en 2013 s’est tenue à Dakar la Concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur. Il en a résulté 78 recommandations qui doivent aider à réorienter la politique d’enseignement supérieur et de recherche.
Cette Concertation a porté sur le pilotage de l’enseignement supérieur, sur l’accès et la qualité des formations, sur le financement et les liens entre les formations, le marché du travail et le service à la communauté, sur l’internationalisation, la recherche et l’innovation. En cherchant à réorienter les formations vers les STEM (acronyme de science, technology, engineering and mathematics) et à mieux articuler ces formations avec le monde du travail, les responsables de la Concertation ont voulu retirer le sable de l’engrenage des universités.
Pour la Concertation nationale pour l’avenir de l’enseignement supérieur, il convient d’approfondir la « professionnalisation » des formations. Cette approche se justifie foncièrement par les exigences des politiques de développement et du marché du travail. Ce dernier exige des étudiants une aptitude professionnelle : ils doivent être opérationnels dès leur sortie de l’université. Or cela ne semble pas être le cas pour les diplômés issus des cycles de l’enseignement général, qui représentent l’essentiel des formations dispensées. C’est ainsi que les instituts supérieurs d’enseignement professionnel pourraient être l’une des solutions, si le modèle est sauvegardé.
Aujourd’hui, malgré les directives présidentielles prises à l’issue de la Concertation nationale, malgré les contrats de performance qui étaient une occasion de renforcer la politique gouvernementale, les universités peinent à consolider les progrès réalisés, tant la mise en œuvre des réformes se confronte à une gouvernance faible.
Cela s’explique, entre autres, par le faible engagement de certains responsables pour la cause institutionnelle et par la méconnaissance des publics accueillis (les étudiants notamment) et des liens qu’il faut construire avec le monde économique, tant pour l’insertion professionnelle des apprenants que pour le service à la communauté.
Vers un partenariat public-privé ?
Le Sénégal s’était lancé dans une politique de libéralisation de l’enseignement supérieur – un domaine qui, jusqu’en 1995 était du domaine exclusif de l’État. Celui-ci a renoncé à être le seul fournisseur de formations supérieures mais s’est efforcé d’en rester le seul garant (conservant notamment le contrôle des processus de certification et d’accréditation à travers l’Autorité nationale d’assurance qualité).
Il y a quelques années, pour parler de la présence simultanée d’acteurs publics et privés dans l’enseignement supérieur, on utilisait volontiers le terme de « coexistence ». Derrière ce vocable, il y avait l’idée de complémentarité. En 2012-2013, le gouvernement du Sénégal avait pris l’option de payer la scolarité de milliers d’étudiants dans les instituts privés. Mais dernièrement, la coexistence a progressivement laissé la place à la concurrence.
Les instituts privés ont globalement meilleure presse, avec des coûts de formation très variables. Sans mettre en parallèle taux de réussite et frais de scolarisation, il est tout de même notable que la gratuité de certains services puisse être associée au faible engagement des bénéficiaires (étudiants et enseignants). Or, l’engagement ou l’exigence peuvent s’avérer utiles dans la construction d’une formation de qualité, entendue comme pertinente, opérationnelle et à vocation territoriale.
Au même moment, pour faire face à cette concurrence, les universités publiques valorisent des formations payantes et les fonctions de service (services supplémentaires que propose l’université : expertise, formations, location de salles…). Ces activités génèrent des ressources supplémentaires pour les budgets des établissements. Cette nouveauté vise non seulement à satisfaire des besoins économiques et de développement – l’université considérée comme étant au service de la société – mais également à renforcer les capacités financières (plus de certaines composantes de l’université que de l’institution dans sa globalité).
Ce qui est certain, c’est que l’enseignement supérieur est de plus en plus partagé entre les secteurs public et privé (en termes d’offre de formation), avec une ligne de démarcation qui est rarement nette : public et privé se réorganisent et redéfinissent leur interdépendance. L’implication des secteurs économiques productifs au sein des universités publiques demeure un véritable enjeu.
Certains changements ou transformations que vivent les universités, tels que la gestion axée sur les résultats, ouvrent des perspectives favorables. D’autres, comme la mise en œuvre de la réforme LMD, sont à l’origine de difficultés plus grandes encore pour le Sénégal, d’autant plus que le système est faiblement doté en ressources et en compétences de gestion et de gouvernance.
Pour éviter l’enlisement, les universités sénégalaises devraient beaucoup moins faire l’objet de changements « induits » (correspondant aux conséquences des transformations antérieures) et ne subir, dans la mesure du possible, que des changements « conduits », c’est-à-dire voulus.
Les universités sénégalaises ont besoin, pour faire face aux enjeux de gouvernance et de développement, d’une gestion assainie et de l’implication de tous les acteurs concernés tout au long du processus de changement. C’est la condition préalable pour éviter l’enlisement et construire des universités performantes.
Texte initialement publié en janvier 2020 sur le site de The Conversation.