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1 mai 2025
Opinions
par Lamine Niang
LA PAUVRETÉ, CETTE ÉPIDÉMIE PIRE QUE LA COVID-19 !
La pandémie et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir
La Covid-19, cette pandémie qui hante nos sommeils et perturbe tristement nos vies depuis quelques mois aura le mérite de mettre en exergue le quotidien difficile des millions de Sénégalais résilients face à cette autre pandémie, plus sournoise et plus meurtrière qu'est la pauvreté chronique. Sa généralisation dans la population fait qu’elle passe de plus en plus inaperçue et fait dorénavant partie du décor hybride dans lequel l’insolente richesse côtoie l’indigence la plus troublante, dans un pays qui se veut émergent ! Celle-ci nous interroge tous autant que nous sommes car elle est bien réelle et refuse même d’abdiquer devant l’artifice de l’apparence que l’égo mal placé de la société veut toujours garder intact.
Paradoxe honteux
Les victimes de pauvreté auraient mieux supporté la douleur que ce fléau fait circuler dans l’esprit, le corps… et les paniers des vulnérables ménages si cette maladie était aussi juste que la maladie à coronavirus. Celle-ci ne fait pas de distinction de classe sociale, de genre ou de zone géographique. Elle est impitoyable et ne ménage personne. Et c’est ce qui la rend même insaisissable dans son cynisme meurtrier. Tout le contraire de cette pauvreté si répandue, laquelle, dans sa forme la plus bénigne, écrase ce qui reste de dignité aux plus solides de la population et, dans ses contours les plus hideux, emporte discrètement des vies humaines en grand nombre après les avoir éprouvées dans les méandres d’une santé précaire, faute de moyens.
Cela fait bien longtemps qu’on la côtoie sans nous en émouvoir réellement. Les sensibleries feintes dans les médias, le temps d’un mini reportage, ou bien les multiples commentaires laissés sur le fil des réseaux sociaux servent davantage à soulager temporairement nos consciences de notre coupable indifférence qu’à prendre le taureau de la misère sociale par les cornes. Elle est pourtant bien là, tout près. Dans le voisinage proche des grandes villes jusqu’aux interstices des cases en paille des villages les plus reculés de nos arides terroirs. Chacun cherche à sauver sa peau, individuellement, égoïstement et… malheureusement. Nous exécrons de toutes nos forces ce malheur tant qu’il nous est étranger. Ailleurs et chez les autres, notre brève compassion suffira.
En pleine tragédie de la COVID-19, la presse nous révèle qu’à Sédhiou, il y a moins de 10 médecins pour une population de plus d’un demi-million d’habitants, soit un ratio d’un médecin pour 50 000 personnes. Le brillant Pr Seydi, en tournée à Ziguinchor où se réveillent 662 170 âmes, pestait contre le service de réanimation qui ne serait «ni fonctionnel, ni construit selon les normes». Les résidents de Bopp Thior, un village oublié en périphérie de la ville de Saint-Louis, bravent quotidiennement la vie pour s’offrir le luxe de quelques litres d’eau potable. Les femmes y accouchent encore dans les pirogues faute d’infrastructures sanitaires.
Clan politico-affairiste
Pire que la pandémie actuelle, voilà ce qui tue depuis des lustres sous nos tropiques, moralement d’abord avant de vous achever…, et dans l’indifférence collective. Des dizaines, des centaines, des milliers… On ne le saura pas, obnubilés que nous sommes par le décompte hystérique des décès liés à la COVID-19 et alimenté par la psychose médiatique mondiale.
Pendant ce temps, le clan politico-affairiste au sommet de l’État déroule sans coup férir ce qu’il sait faire de mieux : comploter, détourner et thésauriser. Des milliards. Dans l’impunité totale. Des scandales financiers à répétition qui font les choux gras de la presse locale avant de nourrir les interminables assemblées des indignés virtuels. L’énergie, la pêche, l’agriculture, le foncier, les ressources pétrolières et gazières… Aucun domaine n’est épargné par la voracité et la boulimie de cette caste de sangsues. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Les mêmes patronymes, les mêmes filiations corporatistes et les mêmes obédiences politico-syndicales. Ils se connaissent et se reconnaissent ! Ils traversent toutes les générations et sont mêlés à tous les coups bas financiers contre le peuple. Ils se reconnaissent !
Ce n’est pas parce qu’ils ignorent les affres de la pauvreté qu’ils se montrent indifférents au sort de leurs compatriotes, car la plupart sont issues de familles indigentes. Mais c’est le propre des arrivistes de toujours renier leur passé ; s’ils y font référence, c’est pour mieux titiller l’ethos dans le discours et appâter la candeur de l’interlocuteur. Les amarres sont ainsi rompues avec ce passé de miséreux. Entre copains opportunistes, sortis des griffes de la précarité sociale et ils se tiennent, se soutiennent et restent confinés dans leur bulle imaginaire de vils parvenus. Il leur manque le courage d’affronter la dure réalité.
Futur sombre
La crise économico-sanitaire du moment aura certainement le dos large. On lui imputera subtilement l’exacerbation des difficultés à venir. Celles-ci seront certes douloureuses et longues mais elles trouveront un terreau fertile, déjà défriché par un État prédateur et dirigé par un chef dont le cœur ne bat que pour les intérêts d’une minorité de privilégiés, pour les beaux yeux de la famille et…la pression libidinale de la belle-famille. La porte-parole du Programme alimentaire mondiale prévoit que «plus de 21 millions de personnes en Afrique de l’Ouest vont lutter pour se nourrir pendant la saison maigre, c’est-à-dire de juin à août qui sépare les deux récoltes.»
L’hivernage, les inondations, l’arrêt de l’activité économique mondiale, la menace d’une deuxième vague, les échanges commerciaux en berne… un cocktail de mauvaises nouvelles à venir qu’un État prévoyant et responsable aurait pu amortir avec la collaboration et la compréhension d’un peuple résilient. Mais la COVID-19 et ses terribles conséquences socioéconomiques ne dédouaneront pas le président Macky Sall et ses gouvernements successifs de leur responsabilité entière et totale sur l’étendue du désastre à venir.
Au lieu d’investir dans le service public et l’économie réelle, ils ont préféré enrichir une clique de mafiosos locaux et étrangers. Avec la complicité d’une justice aliénée et une administration affaiblie, ils ont choisi de fermer les yeux sur les détourneurs de fonds publics afin d’entretenir la rapacité d’une clientèle politique. La COVID-19 viendra révéler au grand jour et sans aucun doute l’ampleur d’un cuisant échec de gestion, que l’on tente de dissimuler, depuis plusieurs années, par la ruse de l’endettement et la manipulation des chiffres. Le peuple oublié boira certes le calice jusqu’à la lie, mais vous ne dormirez plus du sommeil inconscient des repus.
Lamine Niang est Secrétariat national à la communication Pastef
EXCLUSIF SENEPLUS - En plus de ses collègues du champ politique, d'une ‘’certaine presse’’ et des figures du journalisme, la nouveauté sous ce registre des attaques tous azimuts contre Macky en tant que chef de l’Etat, est internet et ses réseaux sociaux
Il en a été toujours ainsi et il le sera pour toujours au Sénégal, tant que la conquête et l’exercice du pouvoir politique d’Etat sera une compétition sous fond d’élections. Et c'est de bonne guerre pour l’espace pluriel médiatico-politique. Du président Senghor au président Macky Sall en passant par les présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, chaque président de la République en avait pour son grade et ses pourfendeurs attitrés. Ce sont les supports et les angles d’attaque qui ont évolué mais jamais l’art de la contestation et des attaques tous azimuts, en question.
La contestation sous Senghor
Sous le magistère du président Senghor, ce sont les politiques, au plus haut niveau, comme Cheikh Anta, Majhmout Diop, et les syndicalistes de la trempe de Feu Madia Diop, qui lui auront faire voir de toutes les couleurs, dans la contestation et les attaques tous azimuts. A cette époque-là, la contestation contre le chef de l'Etat et les attaques contre le président de la République que fut Senghor, étaient très documentées voire même scientifiques dans l’argumentaire. Le Sénégal venait d’accéder à l’indépendance et la contestation politique était d’abord l’affaire des lettrés et des ''sachants'' qui n’étaient pas d’accord sur les rails nouveaux sur lesquels il fallait poser la locomotive et les wagons ‘’Sénégal’’. Sous le président Senghor, les médias étaient publics et téléguidés et c’est dans la rue, à travers des accrochages physiques et guerrières, que se manifestèrent les contestations et les attaques tous azimuts contre le chef de l’Etat. Mai 68 en était la parfaite illustration.
La contestation sous Diouf
Sous le président Abdou Diouf, durant la première décennie de sa gouvernance (1981-1991), la contestation et les attaques tous azimuts, provenaient de la classe politique, avec un certain Me Abdoulaye Wade comme vaisseau amiral, secondé par des flottilles comme Jean Paul Dias, Me Ousmane Ngom. La contestation et les attaques tous azimuts étaient l'affaire des politiciens. C’est durant la seconde décennie (1991-2000) de son magistère, qu'il va y avoir un fait nouveau dans la contestation et les attaques tous azimuts contre la station de président de la République et contre la personne du chef de l’Etat que fut Abdou Diouf : l’arrivée de la presse privée (le Groupe Sud, Témoin, Le Cafard, Le Politicien, Walfadjri etc.) comme contestataire, sentinelle et vigie. Jamais une presse privée n’aura été un gant de velours dans une main de fer dans l’exercice de sa mission. C’est à partir de cette période que la gouvernance publique et politique a cessé d’être la seule affaire des politiciens et des lettrés, pour devenir aussi l’affaire du peuple et des forces vives dans leurs différentes composantes. Sous le président Abdou Diouf, la contestation et les attaques tous azimuts envers la personne du chef de l’Etat, étaient l’œuvre des acteurs politiques et du quatrième pouvoir- la presse - mais en tant ‘’qu’institution’’ ou organisation, donc en tant qu’organe de presse.
La contestation sous Wade
Sous le président Abdoulaye Wade, le tableau va évoluer. Désormais, en plus des acteurs politiques, ce sont des identités remarquables de la presse - non plus les organes et structures de presse - qui vont venir amplifier la contestation et les attaques tous azimuts contre le chef de l’Etat. Ils ont pour noms un certain Souleymane Jules Diop, un certain Abdou Latif Coulibaly pour ne citer que ceux-là. D’ailleurs, pour la petite histoire dans la grande, au plus profond de la contestation d’Abdou Latif Coulibaly contre le chef de l’Etat et son régime, le président Wade s’en était ouvert au Groupe Sud et à son patron Babacar Touré qui a préféré joué la neutralité. Ce qui sera fatal aux projets de télévision du Groupe Sud. Aussi, sous le président Wade, la contestation et les attaques tous azimuts n’étaient pas seulement une affaire des acteurs politiques de l'opposition et des identités remarquables de la presse, mais également et surtout de la société civile (Forum Civil, Raddho, Amnesty). Journalistes et société civile, vont finir par reléguer au second plan, les acteurs politiques de l’opposition, dans le paysage médiatico-politique de la contestation, de la dénonciation et des attaques tous azimuts.
La contestation et les attaques sous Macky
Sous le président Macky Sall, la donne va complètement changer tout en s’amplifiant. Les innovations technologiques aidant et les réseaux sociaux facilitant, la contestation sera multiforme et multi-canal. Comme à l’accoutumée, les acteurs politiques de l’opposition, sont aux avant-postes, avec un certain Ousmane Sonko, qui ‘’n’offre rien au président Macky Sall et à son régime’’ pour parler comme les lutteurs avant le combat. Ayant tiré les leçons de la capacité de nuisance des identités remarquables de la presse, le président Macky Sall s’est entouré et barricadé de journalistes. Au point qu’on peut dire que si du temps de Senghor, ce fut ‘’l’Etat par les enseignants'', du temps de Diouf ‘’l’Etat par les administrateurs civils’’, du temps de Wade ‘’l’Etat par les avocats’’, sous Macky, on pourrait dire ‘’l’Etat par les journalistes’’. En plus de ses collègues du champ politique, d'une ‘’certaine presse’’ et des nouvelles figures du journalisme sénégalais, la nouveauté sous ce registre des attaques tous azimuts contre le président Macky Sall en tant que chef de l’Etat, est Internet et ses Réseaux sociaux. Comme si cela ne suffisait pas de devoir livrer une bataille asymétrique contre internet et les réseaux sociaux (fake news et real news divulguées par des proches-saboteurs ou dissidents), voilà que le président Macky Sall devra aussi faire face à des contestations et des attaques tous azimuts des éléments dans son propre camp. ‘’Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge !", disait Voltaire.
Think Tank Africa WorldWide Group
par Boubacar Diallo
L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE POUR REBÂTIR LE SÉNÉGAL ET L’AFRIQUE POST-CORONAVIRUS
Il faudrait repenser la définition de la souveraineté ou réfléchir à une forme de gouvernance nouvelle de nos Etats africains parce que le numérique constitue le nouveau terrain de compétition mondiale
Avec plus de 3 milliards de personnes confinées dans le monde, la pandémie de coronavirus (covid-19) a paralysé un grand nombre de pays quel que soit leur continent. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : plus de 3,85 millions de cas infectés, 1,28 millions de patients guéris et plus de 270 000 morts du covid-19, selon les chiffres de l’organisation mondiale de la santé (OMS) à la date du 8 mai dernier. Cette épidémie n’a pas fait que des pertes en vies humaines. Elle a révélé des faces cachées du monde d’une part la faiblesse de la gouvernance internationale (sur le plan sanitaire en particulier), des systèmes de santé, le basculement des rapports de force vers la Chine et l’Asie en général, et d’autre part, la résistance du continent africain face au covid-19 et aux prédictions internationales catastrophiques. L’objectif de cet article est d’apporter une grille de lecture sur les rapports de force internationaux et le positionnement que doivent adopter des Etats africains pour rebondir de plus haut au lendemain de cette crise sanitaire en s’appropriant de l’intelligence économique et stratégique.
Le covid-19, une épidémie à dimension géopolitique internationale : une guerre des modèles ?
Au-delà des conséquences sanitaires considérables, on assiste à une recomposition géopolitique du monde, un basculement des rapports de forces et le déplacement du centre de gravité géostratégique vers l'Asie (Chine) mais également une nouvelle lecture sur l'Afrique qui a pu (pour le moment) limiter la crise du covid19. La mondialisation n’a jamais été aussi à genoux. Les échanges en biens matériels ont chuté considérablement de 32%, selon l’organisation mondiale du commerce (OMC). Beaucoup d’acteurs économiques se rendent compte de leur dépendance en matière d’approvisionnement vis-à-vis de la Chine en particulier et pensent à des pistes de relocalisation notamment en Europe. Les multinationales sont dans un nouveau dilemme à savoir l’analyse du coût de la relocalisation (salaires, investissements, réglementations fiscales) et l’avantage (conquête de nouveau marché, nouveau clients, etc.).
Cette situation donne raison à l’analyse du célère « triangle d’incompatibilité»[1] de Dani Rodrik, professeur à l’université d’Harvard et spécialiste d’économie politique internationale, selon laquelle « il est impossible d’allier démocratie, Etat-nation et hypermondialisation, car l’Etat-nation est incompatible avec l’hypermondialisation ». Cette épidémie a révélé les failles des Etats et leur modèle. Par exemple aux Etats-Unis, plus de 26 millions de personnes ont perdu leur travail. Dans les pays européens le modèle de sécurité sociale a sauvé l’emploi grâce à la mise en place de l’activité partielle, le télétravail notamment dans les pays nordiques (Danemark, Suède), en France et en Allemagne. En chine, le modèle communiste « crédit social » et l’usage du numérique l’ont permis de maitriser l’épidémie et de relancer l’activité économique du pays. Aujourd’hui, la Chine en profite pour vanter les mérites de son modèle social.
Cependant, on assiste à une vraie confrontation des modèles chinois et occidentaux, c’est-à-dire une forme de compétition cognitive dont la finalité est l’occupation du fauteuil de puissance hégémonique internationale. Cette situation conduit à une décomposition de l’ordre international. En effet, dans un entretien au journal Le Monde, Thomas Gomart, expert en géopolitique et directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI) affirme que « le covid-19 est la première crise d’un monde post américain ». Les Etats-Unis de Donald Trump accusent la Chine d’avoir dissimilé les informations sur le nombre réel de cas covid-19 et d’avoir influencé l’OMS sur le retard de l’alerte mondiale de l’épidémie et de son taux de contagiosité. Par conséquent le président Trump a décidé de suspendre la contribution américaine de 400 à 500 millions de dollars au budget annuel de l’OMS en raison de sa mauvaise gestion de l’épidémie du Covid-19. Cette situation met en difficulté l’OMS car c’est son plus gros contributeur, soit dix fois plus que la part de la Chine (40 millions dans le budget)[2]. De leur côté, les Etats européens semblent difficilement agir ensemble et s’accorder dans le soutien financier des pays européens très touchés par le covid-19 comme l’Italie, l’Espagne. C’est plutôt le chacun pour soi. Quant au continent africain, beaucoup de positions politiques et d’initiatives voient le jour notamment la demande d’annulation de la dette africaine et le remède appelé « Covid-Organics » contre le covid-19 proposé le Madagascar dont l’OMS n’approuve pas en disant « qu’il n'existe aucune preuve que ces substances peuvent prévenir ou guérir la maladie »[3].
Le continent africain surprend le monde occidental et leurs prédictions pessimistes face au covid-19
Les opinions pessimistes des scientifiques, de certains politiques occidentaux et les experts de l’OMS tant redoutées, ne se sont pas produites en Afrique. En effet, selon le rapport du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC) datant du 8 mai le continent africain n’a enregistré que 54027 cas de contaminations (soit 1,4 % du total mondial) et 1 788 morts (0,7 % du total mondial de décès du covid-19) tandis que des pays développés ayant les meilleurs systèmes de santé enregistrent plus de 25 000 à 30 000 morts du covid-19. L’Afrique reste le continent le moins touché en nombre de morts et de cas de Covid-19. Selon l’économiste sénégalais Felmine Sarr, professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis : « les représentations négatives sur l’Afrique sont si ancrées qu’on ne prend même plus la peine de regarder la réalité. Et quand la réalité présente va à l’encontre des représentations, on les déplace alors dans le temps futur. Même si le continent s’en sort plutôt bien, il faut donc prédire une catastrophe. Tout, sauf admettre que l’Afrique s’en sort face au Covid-19 ».
Les Etats africains ont pu anticiper l’arrivée de cette épidémie en prenant des mesures comme la limitation des déplacements, le couvre-feu, l’état d’urgence, les tests de dépistages. C’est le cas du Sénégal (14 décès du covid-19), de la Mauritanie (un décès du covid-19). D’autres pays comme l’Ile Maurice, Djibouti et le Ghana ont enregistré d’importants résultats en matière de dépistage conduisant à une bonne maitrise du covid-19 pour le moment. Les initiatives africaines en matière de lutte contre le covid-19 se multiplient. Un groupe d’experts scientifiques réuni au bureau de prospective économique du Sénégal travaillent d’arrache-pied à la construction d’un « indice de sévérité du Covid-19 » au niveau mondial afin de proposer des mesures de résilience au gouvernement du Sénégal. Ce bureau pourrait être converti en structure pluridisciplinaire ayant des missions de prospective pour anticiper tout événement à venir. Le Madagascar montre un exemple, en produisant un médicament de lutte contre le covid-19, « Covid-Organics » fait à partir de l’artémisia et des masques mis à disposition pour les gouvernements africains qui le souhaitent. Une autre startup sud-africaine, appelée Cape Bio a conçu un qCPR, un test de dépistage novateur permettant d’obtenir des résultats en 65 minutes[4]. A la date du 4 mai l’Afrique du Sud avait réalisé 200.000 tests. Aujourd’hui, ces initiatives montrent l’importance de l’innovation et la nécessité de coopérer. C’est un enjeu majeur que les Etats africains doivent intégrer dans l’équation à résoudre pour accélérer leur croissance, booster la création d’emploi et développer d’importants mécanismes de financement souverains.
En revanche, l’absence de priorités stratégiques met en lumière les failles accumulées par les gouvernements africains successifs au pouvoir depuis plusieurs décennies. Il faudrait donc que les puissances régionales africaines développent des mécanismes de solidarité continentale, à travers l’Union Africaine (UA), la Banque Africaine de Développement (BAD) et la création de fonds stratégique alimenté par les Etats africains pour financer la recherche médicale, l’utilisation des technologies, la construction d’hôpitaux, de centres de réanimation, des laboratoires épidémiologiques, des centres de dépistage et des hubs technologiques dédiés à aider au progrès de la recherche médicale. Il s'agit également d'assurer un partage du savoir-faire et de l’expérience liés à la gestion des pandémies. Des groupes de travail permettraient de pallier ce point. Le Sénégal, le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Congo RDC, le Ghana, le Nigéria, le Rwanda et d’autres pays africains peuvent former une solide coopération dans ce sens.
Les pays africains doivent apprendre des erreurs de l’Union Européenne en particulier l’absence de solidarité sanitaire. Il y va de la souveraineté en matière de santé pour l’Union Africaine. Cette crise sanitaire livre un enseignement important : en période de guerre, il ne faut pas compter sur l’aide étrangère car chacun cherche à sauver sa peau. En d’autres termes, aucun Etat n’est à l’abri et donc il ne faut rien attendre de personne. C’est pourquoi beaucoup d’intellectuels africains comme Kaku Nubukpo, macroéconomiste togolais et d’autres économistes et professeurs d’universitaires sénégalais, Ndongo Samba Sylla, Chérif Salif Sy et Felmine Sarr, invitent les décideurs africains à s’organiser, d’arrêter de tendre la main et prendre leur destin en main. D’où l’intérêt et l’urgence pour les Etats africains d’agir stratégiquement.
Le covid-19 révèle les prémices d’un passage de la mondialisation matérielle vers le monde numérique : une opportunité pour le Sénégal et l’Afrique ?
La crise du covid-19 montre une chose essentielle : nous sommes au crépuscule de la mondialisation et du modèle néolibéral qui s’est traduit par une chute vertigineuse des échanges mondiaux de biens matériels. C'est peut-être le début de la déglobalisation et du virage au numérique. Les nouvelles technologiques abolissent les frontières physiques. Partout dans le monde en particulier en Afrique, on communique, travaille à distance via des outils collaboratifs. Par exemple, le gouvernement sénégalais tient désormais ses conseils des ministres et réunions via des outils collaboratifs ! Cette situation met en lumière un élément fondamental : les prémices d’un basculement du monde physique vers un monde numérique que les Etats ne maitrisent pas encore. Par conséquent, leur souveraineté est remise en question car ils subissent le numérique. Il faut sortir de la courbe d’aveuglement, et penser autrement parce qu’il n’y a pas de gratuité dans l’usage des outils technologiques étrangers « gratuits ».
Autrement dit, leur (Etats) souveraineté numérique est quasiment inexistante puisqu’ils ne contrôlent ni la captation des données, ni leur lieu de stockage, ni leur potentielle exploitation et encore moins les outils numériques utilisés. Dès lors deux questions deviennent stratégiquement capitales : devrions nous partager notre souveraineté numérique en acceptant les ressources numériques étrangères ? Ou devrions nous plutôt bâtir un numérique souverain, c’est-à-dire utiliser dans les activités stratégiques des outils technologiques conçus par des africains sur le sol africain ? Ce qui sous-entend la nécessité d’une part de financer des investissements dans les technologies d’avenir (intelligence artificielle, les plateformes collaboratives, infrastructures de stockage des données en Afrique). Il faudrait repenser la définition de la souveraineté ou réfléchir à une forme de gouvernance nouvelle de nos Etats africains parce que le numérique constitue le nouveau terrain de compétition mondiale et des affrontements exacerbés (cyberattaques, espionnages, manipulation d’informations, etc.).
Comment penser la souveraineté économique sénégalaise au lendemain du covid-19 ?
Concrètement, le gouvernement sénégalais devrait parallèlement, à la lutte quotidienne contre le covid-19, construire un radar stratégique dont le rôle principal est de détecter les pépites technologiques sénégalaises issues de l’innovation et de la créativité des jeunes sénégalais. Ensuite de les protéger financièrement pour les propulser et éviter toute prédation étrangère. D’abord par définition, il faut comprendre par « stratégique », tout ce qui garantit l’autonomie, la sécurité économique et la souveraineté d’un Etat ou d’une entreprise. C’est la raison pour laquelle on doit prioritairement définir des critères d’intérêt stratégique comme par exemple la notion d’approvisionnement, d’avance technologique, de sécurité des données, de santé, systèmes d’information, etc., qu’on peut faire évoluer en fonction des mutations technologiques et géopolitiques mondiales internationales. En en intelligence économique il faut éviter de penser en secteur stratégique mais plutôt en entreprise stratégique pour deux raisons principales : premièrement raisonner en secteur stratégique est une erreur. Car n'importe quel secteur pris dans son ensemble peut être considéré comme stratégique. Deuxièmement, une activité donnée peut gagner ou perdre son caractère sensible ou stratégique en fonction de l’humeur de l’environnement mondial. Par exemple, la crise du Covid-19 a montré la dimension stratégique des entreprises qui fabriquent des gels hydro-alcooliques, des masques, des testeurs ou encore des applications de géolocalisation des patients.
Par ailleurs, il ne faut pas se limiter à la sécurité économique, la protection juridique est fondamentale pour les pépites technologiques qui naissent à Dakar et partout au Sénégal et la création de fond souverain stratégique national pour contrer les rachats étrangers en ce sens que le droit est l’une des armes de guerre économique la plus dangereuse. Certains acteurs économiques notamment les multinationales profitent des situations de crise pour tenter de mener des opérations stratégiques car ils ont les capacités financières. Par conséquent, il faudrait élaborer des lois qui protègent les activités jugées d’importances vitales (énergie, eau, stockage des données de santé, etc.), et les technologies en phase embryonnaire. Cela pourrait passer concrètement par l’introduction de décrets ou d’articles dans la constitution sénégalaise pour des raisons de sécurité nationale. Pour le faire, il faut que les décideurs politiques et les acteurs économiques du privé s’associent et s’approprient de l’intelligence économique (l’intelligence économique est un état d’esprit permanant, une pratique offensive et défensive de l’information. Son objet est de relier entre eux plusieurs domaines pour servir à des objectifs tactiques et stratégiques de l’acteur économique). Autrement dit, c’est l’art de détecter les menaces et les opportunités en coordonnant la collecte, le traitement, l’analyse et la diffusion de l’information stratégique aux décideurs économiques. Donc, il faudrait sensibiliser les acteurs politiques sur l’intérêt d’utiliser l’intelligence économique et travailler à la mise en place d’une politique publique d’intelligence économique pilotée par une structure rattachée directement à la présidence de la République du Sénégal.
Boubacar Diallo, spécialiste en Intelligence Economique
LE CATASTROPHISME ANNONCÉ, REFLET DE NOTRE VISION DE L'AFRIQUE
Il se joue, spécifiquement dans le cas du Covid-19, également la difficulté à penser l’Afrique comme un acteur de la marche du monde, au-delà d’un sujet d’observation et d’inquiétude pour ceux qui dictent le tempo de la mondialisation
Laurent Vidal, Fred Eboko et David Williamson |
Publication 09/05/2020
Face au Covid-19, de bonnes et de mauvaises raisons orientent la commune déraison des projections alarmistes sur l’Afrique, que précède la « réputation » de ce continent. Il était donc attendu ou redouté que l’Afrique et ses systèmes de santé « fragiles » soient le lieu d’une gigantesque oraison funèbre. Cela relève simultanément de l’histoire des pandémies du XXe siècle et d’une curieuse absence de bon sens. Les raisons d’avoir tiré la sonnette d’alarme se heurtent à des représentations de l’Afrique, de sa place dans le monde, entre l’habitus du catastrophisme et la paresse intellectuelle qui veut voir et trouver l’Afrique à la place du mort. Comme si, dans les représentations du monde, l’Afrique était confinée dans le rôle du berceau de la mort et des maux dont on ne guérit pas sans intervention extérieure et « humanitaire ».
Les raisons de craindre le pire sont nombreuses et les faits qui y résistent s’empilent, le tout au cœur d’incertitudes qui jalonnent la marche de cette pandémie. La bien-pensance médiatique a oublié un truisme que le Covid-19 met sèchement en lumière : on ne meurt pas deux fois. Les populations africaines sont plus jeunes que celles des autres régions du monde. C’est le résultat d’une tragédie banalisée : la faiblesse de l’espérance de vie. Cet indicateur morbide devient un atout face au Covid-19, dont la létalité chez les personnes âgées est une des caractéristiques. Avantage ou conséquence d’une tragédie, la situation du Covid-19 génère des discours saturés d’a priori, y compris lorsque ces discours partent de bons sentiments ou d’inquiétudes pavloviennes. Il faut d’abord prendre acte des faits et accepter l’évidence qui n’a pas l’air d’aller de soi aux yeux du monde : les Africains sont des êtres humains ordinaires. Les anciens sont plus fragiles que les jeunes, partout.
Une maladie importée
Après bientôt quatre mois d’épidémie liée au coronavirus, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) révèle un nombre de décès incommensurablement plus faible en Afrique que dans les pays européens ou en Amérique : 1 591 morts au 30 avril (soit 1,3 mort par million d’habitants), alors qu’en Amérique on recensait 75 591 morts à la même date (soit 76 par million d’habitants) et 132 543 en Europe (soit 179 par million d’habitants). Aujourd’hui, quelques premières analyses pondèrent donc la catastrophe annoncée, avec des pistes explicatives. Sont évoqués une série de facteurs : un contact avec diverses infections qui pourrait jouer un rôle protecteur, des leçons tirées d’Ebola et du VIH, un flux de voyageurs internationaux bien moindre qu’en Europe, aux Etats-Unis et en Asie, des mesures gouvernementales prises très tôt, ou encore une capacité de résilience, d’adaptation et d’inventivité forte et éprouvée, elle-même liée à une série de facteurs sociaux et environnementaux.
Pourtant, persiste dans les médias l’idée que la catastrophe (le mot est systématiquement utilisé) va arriver. A défaut de l’hécatombe attendue, la catastrophe sera nécessairement économique ou politique, ou les deux. Une attente trop forte confine à un espoir, et c’est cela qu’il faut contester.
D’un point de vue épidémiologique, les faits sont têtus : « pour une fois », l’Afrique n’est pas « accusée » d’être le foyer du virus, comme pour Ebola ou le sida. La maladie y a été importée et elle est plus brutale ailleurs que sur le continent. En effet, la propagation du Covid-19 à partir des aéroports et des grandes agglomérations telles Le Caire, Alger, Johannesburg, Lagos ou Abidjan est singulièrement lente. Si 45 pays d’Afrique sont aujourd’hui touchés par la maladie, le nombre cumulé de décès, depuis la mi-avril, augmente plus lentement que le nombre cumulé de nouveaux cas, et le nombre de nouveaux cas progresse plus lentement que le nombre de guérisons. Ces indicateurs montrent que l’épidémie stagne ou se résorbe, n’affectant qu’une minorité de la population.
La mobilisation des Etats africains à l’alerte Covid-19 lancée par la Chine et l’OMS a été anticipée dans la majorité des pays. Cette mobilisation a été générale et transversale, impliquant chaque communauté, chaque pan de la société et de l’économie. Pour la plupart des pays, les gestes barrières, la fermeture des lieux de rassemblement, la distanciation physique, l’isolement géographique des zones touchées, le couvre-feu, le port systématique du masque, ont été une réponse logique, peut-être plus ordinaire qu’ailleurs, combinée à un éventail de priorités complémentaires, telles l’assistance alimentaire.
Paresse intellectuelle
Finalement, l’Afrique illustre là un cas d’école de la prégnance des idées reçues sur les faits. Il se joue, spécifiquement dans le cas du Covid-19, également la difficulté à penser l’Afrique comme un acteur de la marche du monde, au-delà d’un sujet d’observation et d’inquiétude pour ceux qui dictent le tempo de la mondialisation. Il y a là une grande légèreté dans le raisonnement, voire une forme de tromperie intellectuelle.
Ne versons pas dans un complotisme « à l’envers » ni, et c’est peut-être plus grave, à une forme de paresse intellectuelle qui empêche d’analyser les faits car ceux-ci obligent à tordre le bras aux prénotions. Espérons que le « monde d’après » voie plus souvent le triomphe des raisonnements rigoureux et des analyses objectives.
L’Afrique nous appelle ici et maintenant à évaluer les coupes sombres des inégalités et du passé sur la vie de ses habitants et à envisager la résistance des corps amputés de la sagesse des aînés que vise la spécificité macabre du Covid-19. Cette Afrique plurielle, jeune, aux espérances incertaines, montre également une vitalité certaine dont les autres doivent prendre acte. Maintenant.
Laurent Vidal, anthropologue, Fred Eboko, politiste et sociologue, et David Williamson, spécialiste du climat, sont chercheurs à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
par Babacar Bouba Diop
MULTIPLE PHOTOS
HORREUR ET FÉCONDITÉ (1)
EXCLUSIF SENEPLUS - L’Occident s’aperçoit qu’il cohabite avec des peuples qui savent encore ce qu’ils sont venus faire sur la terre et que les réalisations des Nations sont intimement liées à cette conviction - Texte en français, anglais et mandarin
SenePlus publie en exclusivité, ce texte du PAALAE initialement écrit en wolof par Babacar Buuba Diop. Il est traduit en plusieurs langues, dont : l'anglais par Mansor Sy, le français par Mme Sy, Khady Fall Coulibaly et le mandarin par Marcel Sarr, Ousmane Faye et Elimane Ndiaye. Les cartes illustratives sont d'Ousmane Ndongo.
Il n’est pas rare que, dans l’histoire de l’humanité, dans telle ou telle partie du monde, des calamités sanitaires, physiques, chimiques, économiques, sociopolitiques ébranlent des certitudes et poussent de grands secteurs de l’action et de la pensée, de grandes intelligences, à prêter leurs voix, prendre la plume, le pinceau pour exprimer, partager leurs opinions, formuler des souhaits ou des propositions pour la fin des catastrophes et souhaiter un monde meilleur.
Dès que les êtres humains ont pris conscience et ont eu les moyens de s’exprimer, ils ont produit des œuvres constructives, littéraires, artistiques, spirituelles, religieuses, techniques, scientifiques, des institutions sociopolitiques remarquables.
I / De l’Antiquité à nos jours
La première civilisation humaine qui nous a relativement bien instruit sur la dialectique du Bon et du Mauvais, de l’attendu et de l’inattendu est africaine, il s’agit de la civilisation égyptienne.
Un texte intitulé « Les sept ((7) années de famine » tiré des légendes et contes des pharaons, Grund, Paris, 1989, pp. 55_58, est riche d’enseignements. (voir en illustration).
Ce beau texte plein de sagesse donne des informations géopolitiques, sur la civilisation égyptienne, sur les bienfaits du Nil (Hapy kmt nw : eau noire, eau potable)) au long cours, depuis l’Ouganda jusqu’en Egypte méditerranéenne, la grande verte, sur les prouesses techniques, technologiques (pyramides), sur l’organisation sociopolitique, les attentes et ressources économiques (agriculture et élevage principalement) ; il ne manque pas de soulever les faiblesses du système pharaonique et certaines négligences des dirigeants.
Les livres de sagesses, livres sacrés ou sacralisés, inspirés, si on veut, et qui suivi la trame égyptienne (cf Al Assiouti, Sur ce que doivent les trois (3)religions monothéistes à l’Egypte pharaonique) ont repris, dénoncé, dans une certaine mesure, ces tares du système pharaonique.
La Thora juive, l’Ancien Testament de la Bible chrétienne ont fait passer les sept (7) années de sécheresse aux sept (7) voire dix (10) plaies d’ Egypte ; Kmt, l’eau noire, l’eau nourricière est devenue dsrt, rouge de sang, des grenouilles, des moustiques, de la poussière, des mouches innombrables, la peste pour les humains et les bêtes, des furoncles, des grêles, des sauterelles, des ténèbres, la mortalité infantile et juvénile, bref un sort funeste s’est abattu parfois sur l’Egypte (l’Exode 8, 1, 7, 26).
Le Coran, sourate 7, les Murailles al Araf, v. 59 -93 énumère les marques de la puissance d’Allah, Dieu Tout Puissant. C’est Lui envoie les vents, déverse l’eau, fait engloutir les insouciants, déclenche les cataclysmes qui surprennent les imprudents, les dures d’oreille sourds aux conseils, c’est lui qui fait tomber les pierres d’argile. C’est lui qui dépêche les prophètes dans un pays, en accablant les habitants de malheurs et calamités, afin de les inciter à reconnaître leurs pêchés et à se repentir.
Après les premiers prophètes, Allah a envoyé Moïse avec des signes à Pharaon et aux dignitaires de son peuple qui ont commis l’injustice de les renier (sourate 7, 103).
Dans un ouvrage remarquable et profond, Cohn s’est largement inspiré de l’expérience spirituelle égyptienne pour penser les articulations entre l’environnement, l’écosystème, l’économie, la culture et la politique. Il a beaucoup insisté sur le Maat égyptienne, la recherche de l’équilibre pour la justice (cf Cosmos, chaos and the world to come, the ancient roots ofapocalypse faith, Yale University Press, 1993.
Ceux et celles qui souhaitent en savoir plus sur le Maat, par des approches africaines, afrocentristes, je suggère la lecture des ouvrages des professeurs Aboubacry Moussa Lam, Le triomphe du Mâat, Popenguine, Per Ankh 2000 (roman) et Yoporéka Somet, l’Egypte ancienne , un systèmeafricain du monde, Teham, 2018.
Ce dernier nous invite, nous qui vivons dans des sociétés extrêmement fragiles et livrées à l’instabilité permanente, à trouver dans la civilisation égyptienne une source inépuisable d’inspiration. Il rappelle que la civilisation de l’Egypte pharaonique a, par son caractère fondamentalement humaniste, jeté les bases d’une véritable pensée de l’universel. (op.cit. p. 532).
Odyssées virales d’une Corne du Levant à une autre du Couchant
L’apparition du Covid 19 a réveillé les chercheurs et relancé l’intérêt des études portant sur les calamités, les maladies sur la longue durée, de l’Antiquité à nos jours.
Les spécialistes de l’Antiquité, des périodes intermédiaires jusqu’aux temps modernes, ceux de l’époque contemporaine, peuvent articuler le local au global, la courte, la moyenne et la longue durée. Ils n’ont pas tort car, dès
l’Antiquité, l’instituteur des historiens, Thucydide avait préféré la séquence courte (guerre de Péloponnèse 431- 401) à la longue durée et aux digressions infinies, chères à Hérodote, qu’il a du reste critiqué. Ainsi il n’a pas manqué de signaler que la peste qui s’était déclarée à Athènes venait d’Afrique selon certains (idem, ibidem XLVIII). Pour être plus précis, il indique l’Ethiopie au Sud de l’Egypte (soudans actuels) et éventuellement l’Ethiopie actuelle plus Erythrée, etc., la Libye antique, bref l’espace que les Egyptiens (Kmtiyu, Rometiyu, les Noirs, les êtres humains par excellence dans leur esprit) désignaient sous des noms différents (Nehesiyu, Temehu, Kerma,Kush, Napata, Meroé, Punt, etc.) l’espace élargi que des Occidentaux désignaient sous différents noms (Négritie, Guinée, Azanie ; l’espace élargi que les Orientaux désigneront sous des noms (Magan, Melucha, Gana, Mali, Soudan, Hibesha, Zanj, etc.). Comme quoi le doute et/ou la stigmatisation ont aussi une longue histoire.
Il s’agit de la première épidémie documentée.
S’agit-il du typhus, suite à la guerre entre Athènes et Sparte, les deux cités grecques hégémonistes ?
Les symptômes sont décrits :
L’ignorance des médecins impuissants et qui périssent en grand nombre ;
Les contaminations sont relatées
L’immunité aussi ;
L’absence de morale, la peur, le désespoir, bref la faiblesse des êtres humains ;
Les oracles sont faux ;
Les prières ne peuvent rien ;
Le conflit des lois : lois divines/ lois humaines
On peut considérer qu’il s’agit d’un texte de référence philosophique et moral (cf Anne Marry, philosophe, médecin et historien, in la Pested’Athènes, et Petite Histoire et grande endémie, au micro de Caroline Lachowski, le 25 Mars 2020.
En ces temps qui courent ; nous suggérons la relecture de Xarnu bi (le siècle, le 20e), le long et le beau poème d’un des membres de la pléiade sénégalaise, de langue wolof, Seriñ Muusaa Ka. Il s’agit d’un regard lucide
sur la crise mondiale du début du XXe siècle, année 20-30). Un regard d’Afrique, du Sénégal, sur l’économie, la politique, les idéologies, la spiritualité.
Le grand savant sénégalais, Cheikh Anta Diop, s’est exprimé sur les bouleversements constant de la pensée humaine ;
La métaphysique de la liberté, de l’angoisse et de l’action au sens sartrien, change complètement à la lumière des nouvelles données biologiques,…»
La religion en tant que soif de spiritualité n’est pas en train de dépérir quoi qu’on pense un matérialisme élémentaire. La science appuyée sur les dernières découvertes de l’astrophysique prévoit deux scenarii possibles pour la « fin » du cycle actuel de l’univers : Univers ouvert ou fermé.
L’humanité serait condamnée à disparaître irrémédiablement sauf si la supériorité de la vie l’emporte sur la mort de façon inattendue, imprévisible. Le système solaire pourrait subsister en se modifiant pendant encore cinq milliards d’années, estime-t-on.
Mais pendant le premier millénaire, les conditions actuelles resteraient à peu près les mêmes. Quand on a vu ce que l’humanité a fait en 5 millions d’années d’existence, qui peut dire ce qu’elle ne pourrait pas faire en un milliard d’années.
C’est ce sort « aride » de l’humanité qui amène certains savants néo positivistes à ressusciter l’animisme, … il y avait donc une raison universelle, un logos, pourquoi pas un ka imminent à la matière.
Ce tête à tête avec soi-même, dans un cosmos, indifférent déserté par l’esprit, semble inquiéter l’Occident qui s’aperçoit brusquement qu’il cohabite avec des peuples qui savent encore ce qu’ils sont venus faire sur la terre et que les réalisations des Nations ici-bas sont intimement liées à cette conviction. La recherche d’une philosophie qui réconcilie l’homme avec lui-même répond à une double nécessité : nécessité de reprendre la route de l’histoire et de marcher avec plus de conviction que jamais, de chasser pour de bon le doute semé par Spengler. Nécessité sur un plan général de trouver un sens à la vie, à l’existence (C. Anta Diop, Philosophie, science et religion, in Revue Sénégalaise de Philosophie, 1985).
VERSION ANGLAISE
2020, a tough, disrespectful epidemic, amplifying accusations and counter-accusations inside and outside countries, between races
HOW SHOULD AFRICANS FACE COVID?
Behold the pandemic that comes from elsewhere. It travelled from the East, Wuhan in China, Asia; invaded Africa via the Atlantic to dock and disembark in Dakar; then it strolled down to Ouakam, Ngor, Yoff, just to find you. Well before invading us, it dragged along the way passing through Europe and America. Now, it is overwhelming us, making the world wobble and shaking up the whole planet.
The Novelty
Yet, we know and the history of humankind will concur that this is not the first time that misfortune has befallen a locality, a region, a country, a middle of nowhere. What is new, however, is the abruptness, the velocity and the spread of the virus. Let's just agree then that the reason is the back and forth in the world between countries because of the information and communication technologies.
Psychosis has worsened. The dead? Don't even ask. They can be men or women. The pandemic leaves noone untouched, neither child nor adult. I don't need to mention the elderly. It strikes everywhere. Starting in China, it chased Whites in Europe and America; reached Arabs who started screaming and bawling; and, finally, it has caught up with the
Blacks in Africa, even here in Senegal, where the locals thought themselves invulnerable, immune to all evil, the Chosen Few.
The Scary Thing
What amazes the world, experts, doctors, healers, presidents with this COVID, is that noone right now can tell its origins. Noone knows where it was born. Was it fearless researchers who let it escape or is it a set-up, a political or economic weapon? Perhaps, one day we will know.
They say do not wake up a sleeping lion. Is it a bat that woke it up from its sleep or another animal in the marketplace?
Is it a flea, louse or weed? Does the virus live in weeds on a leaf? In-depth research will one day edify us. One thing is sure; it gets into the human body! It is contagious! It causes fever and a dry cough, difficulty in breathing in addition to a runny nose and diarrhoea. We have to fight the disease and rid the world of it.
Every country is trying its best but, for the moment, without success. Some have employed preventative and protective measures like China. They managed to chase the pandemic out of their territory. Others have been slow to follow their example, like Italy, Spain, France and America are thunderstruck; the shock is very hard for those born there, grown up there and made a success of their lives and even for foreigners, the ones who are there for work to earn some money.
Solutions and Means
This thing is now at ease being where it is; countries like China have put forward expertise, intelligence and research. As a result, they quarantined the sick, decided to confine them and started looking for a remedy that could be beneficial.
In many other countries, some reverted to potions invented by their grandmother and religion, saying that all these are the result of human turpitude that caused divine wrath to arise and preaching for a return to the precepts (scriptures) taught by prophets.
It is time to learn, re-learn, draw and engage the light of the teachings of Serigne Moussa Ka included in his poem 'Xarnu bi' (20th century). He has left nothing out, whether it be the economy, culture, religion, habits and customs, tradition, brotherhood, the voice of salvation or salvation and bliss. We must also remember and let it be known that our Ancestors, those of Kemet, Misra and Egypt, were the first to talk about life and death, about joy and pain.
Here in Senegal
Here, back home, the chief leader of the country, who has sovereign power, President Macky Sall, called for a dialogue. He met Opposition leaders, civil society organisations, trades unions; he also had exchanges with members of Parliament and the youth of the country to enrich and bolster his ideas to fight the pandemic. Everyone offered what they could: knowledge, empathy, strength, experience, power, solutions and money.
Researchers, doctors did their best until the virus was, more or less, brought under control and did not reach worrying levels.
A month after the virus was present in Senegal; it was found that 195 people were contaminated: 40% are imported cases; 56% so-called contact cases; 4% from community transmission, meaning that the location and the source of the contamination remain unknown.
This is why it is time to act, because if we don't know where the contamination comes from, we must intensify prevention, through in-depth research and medicine, following the recommendations of Professor Seydi, coordinating the fight against Covid-19.
Those who support him in the research's fields and logistical means, Doctors Abdoulaye Bousso, Alpha Sall and Moussa Diarra Beye, reassured the population by giving advice that may save their lives. There are, for sure, some Senegalese who died from Covid-19, like Papa Mababa Diouf, a man honourable and worthy (fulla ak fayda), a leading figure in the
world of sport, well known internationally, a great educator and football agent, who became the president of French football club Olympique de Marseille in France.
A Better Future, Resilience and Reconstruction.
In short, neglect is fatal. Good health, education, knowledge and expertise are the priorities that need to be taken seriously.
We have to go back to the teachings of the ancient wise people, holding consultations and meetings more often and transforming conclusions into action. Then, will we be able to face the unexpected at any time and as soon as it happens. Permanent forgetfulness, stupidity and regret go hand in hand.
Researchers have a great challenge ahead. They have to have more exchanges with each other and open their discussions to experts in other fields.
Dear Friends, this year will be full of twists and turns. It will be a long way to go. It looks like a vampire, a gnome, and a devil's horse, limping on his single paw and offering no chance to stubborn night owls.
Here is the monster! It freaked out some, like those white people who say it is urgent to find a new remedy, a vaccine and to try it out on Black people first. Fact, you can't dress burning buttocks; the colonial ideology is still present in Europe.
The Senegalese, like everyone else throughout the world, are worried! If we are not careful, we will start calling our neighbour a sorcerer and our relative an anthropophagy.
How to get rid of this dread?
By staying calm, being shrewder, developing more research, social cohesion, prevention and healthcare.
Let us finish with this observation. The rare countries which have not yet rubbed themselves up against Covid-19 in Africa, such as Lesotho, the Comoros, Malawi, Sudan and Sao Tome, are among those which are relatively far from the centre of globalisation and are not fully integrated into globalisation. That is to say that all African countries must ease off, hasten to change direction and join forces to build an Africa united in brotherhood (sisterhood)
Let us be resolute! Let us engage in self-sacrifice! Let us put ourselves in the service of the people, united to fight and win together!
Translated into English by Mansor Sy Artist Architect
LES CONDITIONS MORALES DE LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME
Le projet d’annihilation des Juifs en plein coeur de l’Europe moderne constitua une implacable rupture dans la conscience de l’humanité dans son ensemble. Nier ce fait essentiel dessert toutes les luttes pour la justice et l’égalité dans le monde
Si je vous ecris, c’est d’abord pour vous rassurer. Je suis a Johannesburg. Je me porte bien, et je suis en sécurité. Les premiers qui sont venus a mon secours et qui m’ont prêté leurs voix, ce sont des savants, intellectuels, chercheurs, écrivains, artistes et diplomates israéliens, juifs, allemands et palestiniens. Certains d'entre eux, je ne les connaissais que de nom.
Vous savez combien nos voix sont fragiles, tant elles comptent si peu dans les rapports de force qui determinent le cours de notre monde. Vous savez par ailleurs combien il est facile de nous faire taire, même lorsque nous avons des choses à dire. S'ils ont choisi de prendre publiquement la parole, c'est en très grande partie parce qu'une très grave injustice etait en train d'etre commise en plein jour, et ils n'auraient guère supporte de rester silencieux.
Je vous écris aussi pour réaffirmer une double conviction que beaucoup d'entre nous partagent.
La lutte contre l’antisémitisme et le néo-nazisme releve de l’urgence absolue. De par sa singularite, le projet d’annihilation des Juifs en plein coeur de l’Europe moderne constitua une implacable rupture dans la conscience non seulement européenne, mais dans celle de l’humanité dans son ensemble. Nier ce fait essentiel dessert toutes les luttes pour la justice et l’égalité dans le monde, et pas seulement la lutte “contre la haine des Juifs”.
En retour, le combat sans concession contre l’antisemitisme ne saurait, ni sur le plan philosophique, ni sur le plan éthique, servir de prétexte pour alimenter les racismes contre d’autres peuples de la terre, pour les réduire au silence, étouffer leur plainte, ou disqualifier les rêves d’égalité, de justice et de liberté qu’ils portent.
Que se passe-t-il ?
J’ai reçu d’innombrables messages de personnes qui, alarmees, s’inquiètent à mon sujet, au sujet de mon bien-être et au sujet de ma sécurité, et à juste titre. Ils ont en effet appris que depuis plusieurs semaines, je fais l’objet d’attaques totalement infondées, aussi loufoques que vicieuses, de la part de milieux de droite et d’extreme-droite en Allemagne.
A l’origine de cette campagne de diffamation se trouve un politicien local de la Rhénanie Nord-Westphalie. Il s’appelle Lorenz DEUTSCH. Il ne me connait pas et je ne le connais pas. Il est officiellement membre du FPD. Certains d'entre vous me demandent s’il entretient quelque lien que ce soit avec les milieux neo-nazis et ultra-nationalistes. Je n'en sais rien.
Tout ce que je sais, c’est qu’il ne voulait pas que je prononce la grande conférence d’ouverture du Festival de la Ruhrtriennale de cette année. Le Festival a été annulé pour cause de Covid-19.
Notre politicien ne pouvait pas dire qu’il ne voulait pas d’un Nègre au Festival. Il ne pouvait pas dire qu’il s’opposait à moi parce que je soutiens des thèses anticoloniales. Ou que j’ai pris position pour la restitution des objets d’art africains. Ou que je m’oppose au traitement que l’Europe fait subir aux migrants et aux demandeurs d’asile.
Alors il a trouvé mieux. Lui est venue a l’esprit une idée diabolique. Un Negre antisemite, ca pouvait faire d’une pierre deux coups !
Comment expliquer autrement cette vaste campagne de diffamation aux relents racistes ?
Il a pretendu que j’étais un membre du BDS (un mouvement d’origine palestinienne qui prône le boycott d’Israel comme moyen de faire échec à l’occupation). Absolument faux. En fait, je n’appartiens à rien, à aucune église, à aucun parti politique, à aucune organisation. Je ne suis même pas membre du syndicat des enseignants de mon université.
Mais pour DEUTSCH, l’idée qu’un Nègre puisse réfléchir tout seul et prendre des positions morales tout seul est insupportable. Un Nègre est un objet que l’on manipule. Le Parlement allemand ayant décreté que le BDS était un mouvement antisemite, Lorenz DEUTSCH s’est dit qu’il suffisait que lui, dans sa toute-puissance, m’affilie de façon imaginaire au BDS pour que je sois effectivement antisémite.
Il est ensuite allé fouiller dans l’un de mes derniers livres, ‘POLITIQUES DE L’INIMITIE’, puis dans une préface écrite pour un ouvrage publié il y a une dizaine d’années par des chercheurs africanistes (intitule THE POLITICS OF ANALOGY). Il a retenu deux passages sur lesquels il s’appuie pour affirmer que: (1) je compare l’Holocauste et l’Apartheid (et relativise, ce faisant, l’Holocauste); (2) je compare l’Etat d’Israel à l’Etat d’Apartheid (et donc je nie le droit d’Israël a l’existence).
Totalement faux. A-t-il seulement pris la peine de lire ? Je défends exactement la position inverse. Par exemple, dans la préface, je réaffirme en toutes lettres “le droit d’Israel à l’existence”.
Dans POLITIQUES DE L’INIMITIE, au détour d’une reflexion sur l’état de notre monde, je m’arrête sur les politiques de séparation sous leurs différentes manifestations dans plusieurs regions du globe. Sur la base d’études ethnographiques faites par les chercheurs israéliens eux-memes (auxquels je renvoie libéralement), j’évoque la situation dans le West Bank et a Gaza. En réalité, je me contente de résumer ce que tout le monde sait, à commencer par les Israéliens eux-mêmes. Mais non, aux yeux de DEUTSCH, tout cela ne vaut rien. Ce qui compte, c’est son préjugé.
Pour vous dire a quel point Lorenz DEUTSCH est de mauvaise foi : en vérité, je ne crois meme pas qu’une comparaison entre la politique israelienne dans les Territoires occupes et la politique d’Apartheid soit fructueuse. Je l’écris noir sur blanc dans la préface en question. Il ne s’agit pas seulement de deux trajectoires singulières. Chacune a, pour ainsi dire, son historicité propre.
Il me reproche enfin d’avoir soutenu une pétition d’universitaires sud-africains exigeant la fin des échanges entre l’université de Johannesburg et l’université Ben Gourion en Israel, ce qui, selon lui, démontrerait mon hostilité à l’égard de l’Etat d’Israel.
Oui, j’ai signé la pétition parce que l’université Ben Gourion était accusée d’avoir des liens avec les Forces de défense israéliennes et l’industrie de l’armement, facilitant ce faisant et structurellement l’occupation en Palestine.
Pour le reste, Dieu soit loue, DEUTSCH qui prétend etre un libéral n'est pas au pouvoir en Afrique du sud. Avec lui, les Nègres n'auraient jamais eu le droit de signer des pétitions !
Instrumentalisation de l'antisémitisme
Les choses ont pris une tournure dangereuse lorsque, armé de son tissu de mensonges, Lorenz DEUTSCH est alle voir Felix KLEIN, le Commissaire du gouvernement fédéral pour la lutte contre l’antisémitisme et le lui a fait endosser. De manière fort imprudente, ce dernier s’est alors fendu de déclarations dans les medias. Depuis lors, il ne se passe plus un seul jour sans que soit publié un article à mon sujet, que ce soit dans la presse regionale ou nationale.
L’affaire a pris une tournure internationale. Des savants, chercheurs, artistes et écrivains juifs et israéliens de très grande renommée ont signé une lettre ouverte. Elle est adressée aussi bien à la Chanceliere Angela Merkel qu’au Ministre allemand de l’intérieur. Elle fustige ces fausses accusations, exige le licenciement de Felix KLEIN, et s’insurge contre l’instrumentalisation de l’antisémitisme à des fins idéologiques et de censure, ou dans le but d’étouffer toute critique de la politique israélienne dans les Territoires Occupés.
Des universitaires allemands ont, de leur coté, publié une Lettre de Solidarite qui condamne les accusations mensongères et défend la liberté académique.
La semaine prochaine, une petition internationale signée par plus de 300 universitaires de nationalités diverses sera adressée aux autorités allemandes. Elle condamnera une fois de plus l’instrumentalisation de l’antisémitisme à des fins qui n’ont rien à voir ni avec la protection des Juifs, ni avec la lutte veritable contre les racismes.
Si le cas MBEMBE est en passe de devenir emblématique, et s’il continue de susciter autant de passions en Allemagne, c’est parce qu’il touche au coeur meme de l’identité de ce pays.
L’Allemagne s’est reconstruite au lendemain de l’Holocauste contre l’antisémitisme. On pourrait aller jusqu’a affirmer que lutter contre l’antisémitisme fait partie de l’une des raisons d’être de l’Etat allemand.
Mais il devrait être clair, aussi bien pour l’Allemagne que pour toutes les autres nations de la Terre, que si nous voulons veritablement éliminer l’antisémitisme, il est de notre intérêt à tous de ne pas l’instrumentaliser dans le but de réduire au silence (ou de faire la chasse aux sorcières contre) ceux qui ne sont pas comme nous.
Pour terminer, je dois vous dire une chose.
Parce qu'il s'est exprimé au titre de ses fonctions fédérales, et donc au nom de l'Etat allemand, Felix KLEIN me doit des excuses publiques, et jusqu'a mon dernier souffle, je ne cesserai point de les lui demander.
Je ne suis pas le seul à avoir subi ce lynchage. Beaucoup d'autres intellectuels, souvent originaires ou descendant de pays du Sud, ont été soumis au meme supplice recemment. Ayons une pensee pour eux.
Il s'agit de : Kamila SHAMSIE, Walid RAAD, Nirit SOMMERFELD et Stephanie CARP.
Pour ceux qui sont préoccupés par la montée de l'antisemitisme dans le monde, mais qui sont en même temps opposés a toute instrumentalisation de cette cause, mon cas est sans doute le cas de trop. C'est peut-etre la raison pour laquelle tant de figures parmi les plus qualifiées dans nos disciplines ont pris ma defense, à commencer par des universitaires israéliens et juifs (puisque ce sont eux-mêmes qui tiennent à decliner ainsi leur identité !).
En attendant, je vous remercie tous et toutes.
Texte recueilli de la page Facebook de l'auteur
une nouvelle inédite de boubacar boris diop
COMME UN DÎNER D’ADIEU (1/4)
EXCLUSIF SENEPLUS - Ce qui avait souvent impressionné Dembo, c’est que personne ne pouvait résister à un taximan décidé à vous imposer sa conversation. Il en savait quelque chose pour avoir maintes fois essayé, en vain, de les ignorer
Boubacar Boris Diop de SenePlus |
Publication 08/05/2020
Il était presque deux heures de l’après-midi. Dembo Diatta avait consacré une bonne partie de la matinée à faire mettre en boîte de nombreux ouvrages sur le théâtre achetés dans la librairie où il se rendait régulièrement lors de ses brefs et fréquents séjours à Paris. C’était le moment de rentrer à son petit hôtel de la rue Mélusine, dans le onzième, et il hésitait : prendre le bus 84 ou appeler un taxi ? Il lui restait un peu d’argent mais en plus d’avoir donné rendez-vous en début de soirée à Chris et Muriel Carpentier, un couple d’amis, Dembo commençait à se sentir fatigué. Il faut dire aussi qu’il venait de tomber dans un café du voisinage sur un copain de fac perdu de vue depuis bientôt deux décennies. À l’université de Dakar, Mambaye Cissé s’était fait, très jeune, une réputation de mathématicien de génie et on lui prédisait une carrière scientifique hors normes avec, à la clé, un théorème à son nom ou quelque chose du genre. Mais le malheur avait dû s’abattre sur lui sans crier gare car il n’était visiblement plus bien dans sa tête. Mal rasé, le visage et le cou balafrés, il ne lui restait presque plus une seule dent ; ses mains tremblaient sans arrêt et son haleine puait l’alcool. Montrant à Dembo Diatta des bancs de poisson sur son Ipad, il avait déclaré :
Ce que tu vois ici, c’est la fameuse danse d’amour des mérous marbrés.
Dembo avait froncé les sourcils et Mambaye s’était alors mis en devoir de lui expliquer les images en les faisant défiler une à une :
Tu sais, Dembo, ça c’est le plus grand mystère biologique de tous les temps. Chaque année, exactement à la même date, ces mérous convergent par centaines de milliers vers l’Archipel des Tuamotu, sur l’atoll des Fakarava et là, ils attendent la nuit de la pleine lune pour copuler en masse. En masse, mon frère ! Et ils ne copulent que pendant cette nuit-là !
Puis Mambaye avait conclu son propos sur un rêveur et triomphal : « C’est fort, hein, l’instinct ! »
Après avoir été saoulé pendant deux heures de paroles sans queue ni tête, Dembo Diatta n’avait d’autre envie que de reprendre ses esprits. Au final, donc, pas question de trimballer ses caisses de bouquins dans les transports publics, bus ou métro, sous les yeux narquois ou irrités des Parisiens.
Debout sur le trottoir, il composa le numéro d’une compagnie de taxis.
Avec un peu de chance, il tomberait sur un « bon taximan ». Dans l’esprit de Dembo, cela voulait dire un de ces conducteurs pleins de gaieté et de faconde, prompts à faire croire à chaque client qu’il était un vieux pote à qui on ne cache rien. Ah ça oui, il aimait cette convivialité, surgie de nulle part, entre un éphémère compagnon de voyage et lui-même. Il se souvint de s’être un jour extirpé à contrecœur de son siège au moment de se séparer d’un taximan qui lui avait littéralement mis le crâne sens dessus-dessous. Agrippé à son volant, le jeune homme crachait son venin philosophique à tout va mais en des termes si crus et bien sentis que Dembo Diatta, dramaturge connu – à défaut d’être follement talentueux, soit dit sans méchanceté - caressa l’idée d’un sketch comique qu’il intitulerait Taximan, tu es vraiment grave ! Son petit joyau théâtral serait, pensait-il, une épique traversée de la ville, à la fois joyeuse et vaguement désespérée, ponctuée de charges verbales meurtrières contre, en vrac, la racaille politicienne de son pays, le numéro 10 de l’équipe nationale de foot, expert, celui-là, dans l’art de rater les penaltys de la dernière chance et, bien entendu, les juges hautement farfelus de la Cour Pénale Internationale.
Ce qui avait souvent impressionné Dembo, c’est que personne ne pouvait résister à un taximan décidé à vous imposer sa conversation. Ces gens étaient décidément trop forts, ce n’était juste pas possible de leur tenir tête. Il en savait quelque chose pour avoir maintes fois essayé, en vain, de les ignorer. Selon un scenario quasi immuable, il faisait au début de courtes et sèches réponses à toutes les questions du chauffeur mais finissait vite par rendre les armes, s’excitant même parfois plus que de raison.
Grand voyageur devant l’Eternel et fin observateur des confuses mégalopoles modernes, Dembo Diatta avait d’ailleurs remarqué que l’on ne pouvait non plus rien faire quand, rongé par on ne sait quelle rage intime, l’œil mauvais, le bonhomme choisissait de vous ignorer, vous faisant bien sentir que, calé au fond de son taxi, vous n’étiez qu’un vulgaire paquet qu’il lui fallait bien transporter pour faire bouillir la marmite. Dembo Diatta avait plusieurs fois tenté de briser la glace, à vrai dire moins par intérêt que pour confirmer ses audacieuses hypothèses de recherche sur les mœurs des taximen dans les villes surpeuplées et au bord de la crise de nerfs. Ca n’avait jamais marché. L’autre restait de marbre avec l’air de grogner dans sa barbe cause toujours mon gars, tu m’intéresses, qu’est-ce que tu t’imagines donc, qu’avec ma putain de vie je vais en plus faire le mariole pour tous les enfoirés qui entrent dans cette bagnole ?
Et ce jour-là, 7 janvier 2015, Dembo Diatta n’avait guère eu plus de chance.
Mais ce n’était pas un jour comme les autres.
En milieu de matinée, deux jeunes gens, les frères Chérif et Saïd Kouachi, avaient fait irruption avec leurs kalachnikov dans les locaux de Charlie Hebdo et exécuté l’un après l’autre une dizaine de journalistes. Dembo Diatta était sans doute une des rares personnes à Paris et peut-être même dans le monde à n’avoir pas encore appris la nouvelle.
Une drôle de journée, en vérité. Il s’en souvient jusque dans les moindres détails.
A peine installé dans le taxi, une Volvo grisâtre et aux formes arrondies, il entend la radio de bord revenir, sans doute pour la centième fois, sur l’attentat du 10, rue Nicolas-Appert. De leur voix saccadée, les journalistes multiplient les interrogations pour tenir l’auditoire en haleine : qui a bien pu faire le coup ? Al-Qaida dans la Péninsule Arabique ou L’Etat islamique ? Est-il vrai que Wolinski et Cabu sont parmi les victimes ? Malgré sa stupéfaction, Dembo note mentalement que la mort de ces deux célèbres dessinateurs serait pour tout le pays comme une circonstance aggravante, un deuil dans le deuil, en quelque sorte. Wolinski. Cabu. Leurs noms reviennent tout le temps et, même s’il sait bien que cette histoire n’est tout de même pas la sienne, Dembo Diatta comprend et partage l’angoisse ambiante. Certes, n’ayant jamais vécu en France, il n’avait jamais eu non plus un numéro de Charlie Hebdo entre les mains. Il avait cependant souvent croisé les caricatures de Cabu et de Wolinski dans d’autres journaux et il les avait toujours trouvées à la fois féroces et d’une mystérieuse tendresse à l’égard de ceux qu’ils croquaient. Dembo Diatta n’avait pas envie d’apprendre qu’ils avaient été froidement abattus. C’aurait été comme autant de coups de feu sur les petits sourires amusés et les hochements de tête admiratifs qu’ils avaient réussi à lui arracher de loin en loin au fil des ans.
Il en était là de ses nostalgiques cogitations quand un reporter appela le studio pour faire le point des événements. Tout semblait aller très vite et Dembo Diatta crut percevoir une indéfinissable jouissance, une intense jubilation même, chez tous ces journalistes qui se succédaient à l’antenne. D’avoir pensé cela lui fit toutefois éprouver un peu de honte. Loin de lui toute intention de juger qui que ce soit. « Mais tout de même, se dit-il, ces catastrophes collectives, les gens qui ont eu la chance d’y survivre sont rarement aussi malheureux qu’ils essaient de le faire croire. »
Dembo Diatta avait beau essayer de garder une distance secrètement ironique avec tout ce tohu-bohu, cela restait malgré tout une journée spéciale. Et puis voilà, le hasard l’avait placé au cœur de cette histoire.
Retrouvez la suite de cette fiction inédite de notre éditorialiste, Boubacar Boris Diop, sur SenePlus, vendredi prochain.
par Siré Sy
MACKY ÉCOUTE
Depuis mars 2020, avec le Covid-19, le président semble se rebiffer des griffes de ses partisans et militants, pour sortir de cet isolement dans lequel ces cercles l’ont confiné
La gestion du Covid-19 a montré une toute nouvelle posture du président de la République en termes de management de la Très Haute Performance, dans son versant Communication. Le président est en mode Écoute. De 2012 à 2019, le président Macky Sall était sûr, très sûr même de sa science (le PSE) au point que le président n’était poreux à aucun souffle contraire dans le sens du vent de son PSE. Le président n'aurait-il pas été un tout petit peu abusé par ses militants et partisans qui avaient fini de mettre dans son esprit, que tous ceux qui émettent un avis contraire dans le sens des aiguilles de la montre PSE, étaient des opposants encagoulés, sinon des aigris voire même des populistes en mal de visibilité ?
Résultat des courses, de 2012 à 2019, le président a gouverné seul. Il a pris seul les décisions, et s’est retrouvé seul dans certaines tempêtes. Le président en serait tellement divertit par ses cercles au point qu’il aurait oublié que le partisan (qui a acheté la carte du parti) est dans la propagande, le militant (la mouvance présidentielle) est dans l’information alors que les sympathisants sont dans le libre-propos et dans l'analyse dynamique. Les sympathisants, ce sont toutes ces sénégalaises et sénégalais qui ne sont pas partisans d’aucun parti politique ni militant d’aucune coalition politique, mais qui restent profondément préoccupés par le progrès du Sénégal. A chaque fois que ces sympathisants-là, ont eu à lever la voix, les partisans et les militants leur rétorquent de venir acheter la carte du parti et de rejoindre les rangs pour avoir une certaine légitimité pour prendre la parole. Sinon, de se taire parce qu'il ou qu’elle serait alors un opposant déguisé ou encagoulé.
Sept ans après et à l’épreuve du terrain, le président Macky Sall, a enfin réalisé que ses propres militants et partisans, lui ont mis à dos, des sénégalaises et des sénégalais, qui ne sont pas certes partisans de l’APR ni d’aucun parti politique d’ailleurs encore moins militant d’une coalition politique, mais qui étaient disposé.e.s à nourrir sa perspective, le PSE, en explicitant dans la pédagogie et dans le langage qui sied, des heureuses initiatives prises et des belles actions menées.
Depuis mars 2020, avec le Covid-19, le président semble se rebiffer des griffes de ses partisans et militants, pour sortir de cet isolement dans lequel ces cercles l’ont confiné. A la différence de Zarathoustra, le président n'impose plus sa volonté de puissance, mail il propose comme il était de coutume dans le royaume de Saraba où chacun ‘’zon politikon’’ avait son rôle a joué. Le président prend le temps de l'écoute attentive et participative, à l’écoute de soi pour mieux comprendre les autres. L’écoute, comme le gouvernement de Soi et des Autres.
Depuis quelque temps, le président Macky Sall, a pris de la hauteur et a pris de l'élévation pour se mettre au-dessus de la mêlée. En recevant et en écoutant la classe politique, la société civile et toutes les forces vives de la Nation, et en étant dans le management agile, dans la gouvernance concertée et en mode écoute, le président a pu mesurer de lui-même, tout le gain d’avoir une oreille attentive, une oreille en mode écoute, à tous les sons de cloches. Même ceux qui font désordre. Au plus fort des plaines du Ndoumbélane, là où il ne passe aucun bruit, là où le plus grand événement, est l’envol d’un coq de bruyère, le président écoute et est à l’écoute. Pour parler comme le philosophe danois Søren Kierkegaard.
Par Moussa KAMARA
DEBOUT MADAME !
Kayama …Après soixante ans d’indépendance, je pense qu’il est temps d’essayer la gestion de nos compléments à la tête de l’Etat.
Après soixante ans d’indépendance, je pense qu’il est temps d’essayer la gestion de nos compléments à la tête de l’Etat. Après tant d’années de règne des mecs, l’échec est patent. Nous sommes toujours sous-développés ou, pour faire tendance, en voie de développement. Nous avons été laissés en rade par la Corée depuis longtemps.
Ce pays avec lequel nous étions dans la même galère aux premières heures de la décolonisation, a fini de faire sa révolution. Et nous, nous en sommes encore aux plans ! Du grammairien à l’ingénieur en passant par l’administrateur et le multi-diplômé de casa au cap, ils nous tous conté fleurette. Et pourtant chacun d’eux affichait des ambitions certaines pour ce pays parsemé de saints de l’islam et où tout citoyen non politicien qui s’en sort bien ne le doit qu’à lui-même.
La politique a tout envahi et avachi. Tout passe par la politique sous nos cieux où tout cadre fraichement émoulu de l’université ou d’autres centres de référence doit impérativement payer la carte du parti pour accélérer sa cadence d’intégration dans le monde de l’emploi. C’est comme si nos hommes d’Etat s’étaient entendus pour ce tout- politique.
Des slogans ronflants alignant la patrie et le parti, du moins d’Etat au mieux d’Etat et je ne sais quoi encore, de la simple littérature sans signature. Le temps des dames a sonné. ce pays en compte énormément qui peuvent le diriger. De grandes Dames, femmes accomplies et cadres de valeur sont dans le privé et le public où elles s’acquittent merveilleusement bien des taches qui leur sont confiées. Y aura pas à faire de la discrimination positive et autre parités, le curriculum et le background suffiront largement pour faire le tri.
Des situations vécues dans la famille, dans les ménages se posent à grande échelle au niveau national, qui mieux qu’une dame trouverait la solution sans tergiverser par la compétence et le plus féminin ? Ce plus féminin qui manque forcément aux hommes malgré leur désir de bien faire. Nous avons raté le coche de ne pas avoir élu la première femme présidente de la République en Afrique. le libéria constituant l’exception qui confirme la règle, bien sûr.
A l’impossible nul n’est tenu alors rectifions le tir, plutôt le vote, à la prochaine présidentielle. Ce mandat étant le dernier de Macky, point de parti-pris. La présence à l’esprit d’un troisième mandat ne m’effleure même pas. Deux mandats sont largement suffisants pour construire, pour bâtir, pour entrer dans l’Histoire et récolter la gloire. Assurément !!!
par Mamba Souaré et Victoria Peter
ET SI L'AFRIQUE S’ÉMANCIPAIT ENFIN DE "L'AIDE" ?
Les changements structurels qu'impose la crise liée au Covid-19 représentent une fenêtre d'opportunité pour nous essayer à un modèle de société différent, davantage collaboratif, solidaire, mais surtout développé en Afrique et pour l'Afrique
Le Point Afrique |
Mamba Souaré, Victoria Peter |
Publication 07/05/2020
Plus rien ne sera comme avant, et peut-être était-il temps ? Le virus qui fait « trembler » la planète ne reconnaît ni les frontières ni les jeux de puissance que notre monde a bâtis des décennies durant. La crise que nous traversons redistribue les « rôles » et ouvre à certains territoires, en particulier l'Afrique, l'opportunité de s'émanciper de modèles de coopération obsolètes. Une chose est sûre, pour dépasser nos défis communs, la coopération entre le « Nord » et l'Afrique se doit d'évoluer. Malheureusement, cette situation exceptionnelle ne semble pas engendrer une réflexion fondamentalement nouvelle dans les méthodes mises en œuvre. Les gouvernements africains francophones par exemple ont encore tendance à répéter les anciens schémas. D'autre part, les campagnes des Nations unies et de la Banque mondiale pour collecter les 100 milliards dont l'Afrique aura besoin pour surmonter la crise paraissent condamnées d'avance[1].
Du côté des « grandes puissances », malgré les appels de la France et de l'Allemagne à soutenir l'Afrique dans la lutte contre le Covid-19 lors du sommet virtuel du G20, aucune stratégie n'est véritablement amorcée. En réalité, ce nouveau départ ne pourra se faire sans la prise en compte des sociétés civiles africaines qui, sur le continent encore plus qu'ailleurs, complètent l'action des pouvoirs publics et participent pleinement à la vie de la cité.
Prendre en compte les sociétés civiles africaines
Regardons la réalité en face, l'aide au développement n'a pas réellement prouvé son efficacité par le passé. Il est peu probable que cette crise y change quoi que ce soit si on ne se décide pas à faire autrement. Éducation, transports, santé, les acteurs de l'aide sont coutumiers des « programmes d'urgence » et autres méthodes miracle. Mais, faute de prise en compte et d'implication des parties prenantes, ces projets échouent, comme en atteste la situation des systèmes sanitaires africains, soutenus ou carrément mis à mal à coups de « plans d'ajustement structurel » et de « plans de développement sanitaire » depuis les années 1980.
Ce n'est pas une raison, au contraire, pour se laisser aller à la fatalité. Car les signes d'espoir d'une prise en charge par les citoyens, entreprises, associations et publics impactés se multiplient. À travers le continent, des structures privées, parapubliques ou associatives, se mobilisent et s'organisent pour faire face aux défis du quotidien et désormais aux conséquences de la crise sanitaire. C'est à leur service que les moyens financiers et humains des bailleurs de fonds, des mécènes, des entreprises, doivent être consacrés. Car qui mieux que la société civile elle-même pour identifier ses besoins et participer à la redéfinition de son environnement ? Nous proposons d'inviter ces organisations à prendre part aux discussions, à faire remonter les réalités de leurs « expérimentations » pour ne plus leur proposer des solutions « clés en main », mais bien construire à leurs côtés : coconstruire, tout simplement.
Saisir la fenêtre d'opportunité ouverte par cette crise
Les changements structurels qu'impose la crise liée au Covid-19 représentent une fenêtre d'opportunité pour nous essayer à un modèle de société différent, davantage collaboratif, solidaire, mais surtout développé en Afrique et pour l'Afrique. Les Ivoiriens, Ougandais, Sud-Africains, Algériens… n'attendent pas le vote des programmes à New York ou à Washington pour agir. On observe depuis quelques années des dynamiques panafricaines qui se construisent sur les fondamentaux des cultures africaines tels que la communauté et la solidarité, depuis trop longtemps éclipsés par des modèles importés de l'Occident.
Ces traditions se transposent désormais facilement du virtuel au réel grâce aux réseaux sociaux et à l'Internet mobile, très largement répandus sur le continent. Grâce aux groupes Facebook et aux discussions WhatsApp, les associations, entrepreneurs et représentants de communauté peuvent compléter l'action publique et faire entendre leur voix pour préparer la réponse à la crise sanitaire, lutter contre les fake news, coconstruire des solutions de sensibilisation (voir par exemple cette vidéo diffusée dans toutes les langues du Sénégal), sonder les populations et parfois même mettre en œuvre des projets tests, etc.
Une force d'innovation locale à encourager
L'ingéniosité caractérise les initiatives qui émergent pour répondre aux défis sanitaire, alimentaire, social et économique. À ce titre, Sô-Dôkôtôrô, qui met en relation patients et médecins au Mali ou encore le FabLab d'Abobo à Abidjan (le Baby Lab) qui produit des visières de protection contre le virus grâce à une imprimante 3D, sont de bons exemples. Ces mobilisations ont besoin de relais humains et financiers pour continuer à servir leur communauté, gagner en compétence et déployer leurs modèles.
Plus que jamais cette situation inédite doit être mise au service de l'action concrète et contribuer à renforcer les capacités de mise en œuvre des « leaders communautaires ». Au travers de programmes numériques de formation « à l'initiative » comme ceux de la Fondation Skoll ou d'afriktivistes (qui forme aux nouvelles compétences digitales et au journalisme), pour commencer. Pour permettre à ces mobilisations de grandir et perdurer, il sera nécessaire de compléter ces formations par des mises en relation, en ligne et sur le terrain. Makesense Africa en a déjà pris le parti et relie sa communauté de citoyens engagés, d'entrepreneurs qui innovent pour la société, d'associations et d'ONG locales avec des personnes et structures qui ont des moyens humains techniques et financiers pour les aider.
Et si on se prenait à rêver d'un monde post-coronavirus, dans lequel l'aide au développement ne serait plus cette injonction venue d'en haut, mais une véritable coopération globalisée impliquant largement les citoyens qu'elle est censée aider ?
[1] Chiffre avancé par la Commission économique des nations unies pour l'Afrique.