Deux dimensions nous semblent peu mobilisées dans les efforts de sensibilisation et de communication. Il s’agit de l’engagement communautaire et du partenariat local.
Mobilisation des acteurs locaux
Par engagement communautaire, il faut entendre la mobilisation et l’implication des organisations à la base. En particulier, les organisations de jeunesse, les ASC, les volontaires formalisés et les (potentiels) bénévoles résidant dans les communautés. Nous parlons de bénévoles potentiels car nous nous interrogeons à propos des milliers d’étudiant(e)s qui ont été encouragé(e)s à retourner auprès des leurs sans questionnement, sans perspective autre que d’attendre la prochaine décision. N’avons-nous pas besoin de leurs contributions multiformes pour accompagner et rendre accessible les messages envisagés par les experts et les décideurs ? Certains étudiants et étudiantes sont dans les laboratoires pour expérimenter des outils et autres équipements aux fins de participer à la dimension sanitaire ou sociale de la pandémie. Mais un grand nombre attend, lit et échange des messages audio et/ou vidéo, le commentaire fusant et entrant en compétition avec les autres diffuseurs d’informations rarement vérifiées. Le ministère de la santé est aussi le département de l’action sociale. Pourquoi ne pas créer les conditions de mobilisation de ces milliers de jeunes, là où ils sont, pour contribuer aussi aux efforts à réaliser au niveau local et communautaire ? Quitte à mettre en place un dispositif de reconnaissance et de valorisation au niveau institutionnel et pour leur CV et parcours de formation et de développement personnel.
Concernant le partenariat local, il ne s’agit pas simplement de répondre à l’appel des autorités déconcentrées. La formalisation des processus a l’avantage de limiter le caractère spontané, informel et non suivi des manifestations d’intérêt, certains pouvant être simplement à finalité médiatique. En établissant un partenariat local dans le contexte du Covid-19, plusieurs catégories d’acteurs peuvent ainsi être activés, avec un suivi des interactions et des responsabilités.
Les autorités déconcentrés jouent pleinement un rôle de coordination et de prise de décision. Surtout qu’elles ont une délégation de pouvoir encore plus marquée depuis la Loi d’habilitation n° 2020-13. Qu’à cela ne tienne, les autorités locales connaissent autant leurs terroirs que les autorités déconcentrées, bien que leurs sources respectives d’informations et de données soient distinctes. Au-delà des questions liées à la distribution de vivre, impliquer davantage les élus locaux serait tout à fait cohérent par rapport à la continuité de la vie démocratique qui ne doit aucunement être en arrêt. Au travers de la conjugaison entre déconcentration et décentralisation, il s’agit principalement d’activer les Services techniques décentralisées (STD), les forces de défense et de sécurité, de même que les professionnels du Secours (Sapeurs-pompiers, SAMU, privé) et de l’Assistance (Croix-Rouge, etc.). Au-delà de la coordination, le principal défi consiste dans le suivi et la rapidité de réaction face aux situations observées quotidiennement. Il est clair que nous assistons à un retour fort de l’État, cependant le contexte est davantage indiqué pour une gouvernance participative et responsable. L’implication et la qualité des engagements respectifs ne seront produiront de réels effets qu’à cette condition. Si l’on s’accorde sur le fait qu’il y a nuance entre résultat (aides effectivement distribuées !) et effets (problèmes effectivement pris en charge !) ; l’impact étant à différer.
Les ONG humanitaires et/ou de développement ont, pour la plupart, suspendu leurs actions. Pourquoi ne pas les inviter à mettre l’accent sur les volets communications et mobilisations sociales qui sont déjà inscrits dans leurs projets aux fins de sensibiliser et de contribuer aux actions de veille et d’alerte qui peuvent et doivent également être menées dans les zones les plus éloignées. Si le personnel technique n’est plus présent, leurs référents locaux sont toujours en capacité active. Par ailleurs, il s’agit de partir du postulat selon lequel les populations se connaissent entre elles et, sur cette base, le contrôle social peut avoir plus de puissance coercitive qu’une loi ou un règlement. A côté des dynamiques de développement déjà en place, l’implication des chefs de quartiers et de villages et des guides religieux, l’implication des organisations de femmes, des organisations de jeunes peut favoriser une démultiplication de la surveillance, tant au niveau des frontières extérieures que par rapport aux mouvements « clandestins » internes.
Communication institutionnelle ou communication sociale
Cette implication des acteurs locaux amène par ailleurs à penser la communication sociale sous un angle qui la distingue mieux de la communication institutionnelle.
Concrètement, il s’agirait d’adapter la communication à la cible et, dans cette optique, mettre en œuvre une communication par les paires, entre autres approches. Pour illustration : le boutiquier parle aux boutiquiers à propos des dispositions et attitudes à adopter dans l’organisation-aménagement des espaces d’entrée et de sortie des clients, l’achalandage, l’évitement des contacts directs lors des échanges, les obligations de mesures-barrières de la part du client, les obligations de mesures-barrières de la part du boutiquer lui-même, entre autres. Le charretier s’adresse aux charretiers par rapport à la protection de soi et la responsabilité de non diffusion du virus. La femme parle aux femmes par rapport au regroupement de personnes (évènements, courses à effectuer, etc.). Le chef de ménage lambda s’adresse aux chefs de ménages par rapport à l’organisation et l’occupation de l’espace familial sans dénuer le sens de la vie sociale et domestique. Entre autres types d’illustrations.
Les formes comiques (sketches), les chansons, etc., jouent un rôle salutaire, certes. Toutefois, au risque de saturation pourrait s’ajouter un risque de banalisation du message parce que diluer par la fixation sur le « messager » bien connu dans un autre contexte mais peu crédible (voire soupçonné d’intéressement) dans le contexte du Covid-19.
L’exceptionnalité sénégalaise qui était jusqu’ici questionnée ou chantée relève, entre autres, de la réactivité des autorités politiques et sanitaires, avec singulièrement la limitation très vite opérée des entrées frontalières, ainsi que la mise en avant d’un discours d’alerte (mais qui devait et doit se limiter dans le temps pour ne pas générer des effets pervers par un caractère redondant et cérémoniel à tendance insipide). Mais, dès l’instant où le virus circule au sein des communautés, sa propagation ne peut être réalisée (ou éviter) que par les phénomènes de masse, en termes de regroupement des individus. Les marchés, les points de distribution (« Auchan », etc.) et d’achat (exemple du pain), les arrêts de bus en fin de journée, constituent aujourd’hui les principales niches de transmission du virus à une échelle exponentielle. S’il s’avère difficile de mettre en place des mesures de confinement, il reste tout de même dans l’ordre du possible de circonscrire les risques de regroupement dans les niches précitées. En mobilisant les énergies et en prêtant attention aux innovations suggérées par diverses catégories de Sénégalais, l’intelligence collective peut parvenir à adapter les dispositifs aux objectifs visés et partagés avec le public, à condition qu’il y ait un minimum de coercition. Cette coercition dont une des formes ne se manifeste que la nuit (au couvre-feu) doit nécessairement s’exprimer et être ressentie à tout moment, qu’elle soit visible ou pas. Il n’y a pas de contrôle social lorsque les individus foulent au pied la règle sociale. Cette transgression n’est possible que dans une société où le régulateur est absent. Or, un des constats les plus partagés, ici ou ailleurs, c’est que les citoyens ont besoin de l’État pour faire mieux faire société.
Toutefois, dans cette adresse au public, il y a aussi nécessité de revoir les concepts mobilisés. Comme dans le champ politique, les « éléments de langage » sont utiles autant pour parfaire la communication que pour favoriser l’évitement de certains écueils, surtout chez le non-communicant. Car, lorsque les concepts sont mobilisés (ici, on pourrait dire reproduits) sans prise de distance, cela peut induire des approches malencontreusement éloignées de leur finalité. Cette précaution épistémologique, c’est comme le doute, en matière de foi : il est nécessaire pour visiter sa foi ; plus encore chez le croyant qui désire nourrir sa foi et le pratiquant qui se doit de la traduire en acte. Dans le contexte du Covid-19 et de la communication mise en exergue, la notion de distanciation sociale connaît un emploi non questionné, au regard de nos contextes africains où les rapports sociaux connaissent un niveau d’interactions fondées sur le collectif plutôt que sur l’individuation des perspectives. La tendance observée consiste à évoquer la distanciation sociale pour figurer une distanciation physique. La distanciation physique n’est pas la distanciation sociale. La distanciation sociale intègre la distanciation physique, tout comme elle intègre le confinement. Pour saisir la gradation vers la distanciation sociale, notons que le confinement consiste d’abord dans une forme de retrait physique par rapport à un espace (géographique) déterminé, avec une idée de cloisonnement symbolique ou effectivement matérialisé. Il procède de la distanciation physique choisie ou imposée. Mais, par induction, le confinement va au-delà du retrait physique pour revêtir une forme de renoncement (ou interdiction) à entrer en interaction avec l’ailleurs (pas nécessairement autrui). Pour opérer ce renoncement, l’individu doit en saisir les motifs (pourquoi doit-on se retirer ?) et en partager l’intérêt (pourquoi ce mode et pas un autre ?) et les enjeux (à quoi est-ce qu’on peut s’attendre par la suite ? Quel est le bénéfice partagé au niveau global ?). Ce faisant, l’individu organisera d’autant mieux ce retrait pour continuer à s’accomplir sous une autre forme et, certainement, dans un périmètre (de déploiement) beaucoup moins important et qu’il sera appelé à partager, au risque d’exiger de sa part (suivant son statut dans ce périmètre) de nouvelles sociabilités et, consciemment ou pas, un nouveau mode de gouvernance de soi.
C’est en cela que les dispositifs d’aide, d’assistance et de régulation des rapports à l’environnement familial, social et professionnel – le cas échéant – doivent offrir des réponses urgentes et adaptées, en même temps que des perspectives réalistes qui prennent en considération la crise économique et sociale qui résultera des décisions politiques de l’heure.
par Daouda NDIAYE Jaraaf
LA RAISON DU PLUS FORT EST-ELLE TOUJOURS LA MEILLEURE AVEC LE CORONAVIRUS ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Somme toute, le covid-19 nous montre le chemin épineux de la vie tout en révélant à la fois notre seuil de vulnérabilité élevé et la richesse de notre capital humain
L’humanité a connu un fléau sans précédent : la pandémie du Covid-19.
La terminologie de la culture du conflit alimente les discours martiaux des chefs d’Etat et de gouvernements. Et nous devons définir ensemble des stratégies de riposte. Nous sommes en guerre. Sauf que nous sommes cette fois-ci en guerre contre un ennemi sans uniforme dont la forme renvoie à la formule « qui s’y frotte s’y pique ». Cet ennemi invisible à l’œil nu défraye la chronique dénombrant le nombre de morts par jour sur le format d’un reportage de guerre.
La guerre s’internationalise depuis Wuhan en Chine transformant le monde en foyers ardents de belligérance. L’Etat-Nation, tel un escargot, reprend ses réflexes pour ériger des murs dévitalisant les organisations supranationales amputées de la liberté d’aller et de venir.
L’Etat-providence hante les nuits des intégristes du laisser-faire économique qui sont tous sous antidépresseurs.
Mais en vérité, cette pandémie montre qu’il n’y a pas de Robinson Crusoé dans la vie réelle. L’interdépendance de nos territoires s’est confirmée. Comment lutter seuls dans nos pré-carrés de souveraineté nationale si exigus sans prendre en compte les pays d’accueil des Sénégalais de l’Extérieur ?
La démocratie accuse le coup. A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. C’est l’état d’urgence qui justifie que le chef suprême des armées ne puisse mal faire dans cette guerre sous le regard impuissant des activistes hardis et des fervents défenseurs des Droits de l’Homme.
« Quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l'autorisation d'y envoyer les pompiers. Sur ce point, il n'y a jamais eu de contestation », écrit le Commissaire du gouvernement Jean Romieu en 1902 pour alimenter la source administrative dont s’abreuvent nos juges.
Les impératifs de Santé publique font ainsi fléchir les Droits de l’Homme au Sénégal. Car, le Droit permet au chef de l’Etat de faire une entorse à la Loi n° 2008-12 du 25 janvier 2008 relative à la protection des données à caractère personnel (LPDP) au nom de l’état d’urgence.
Big Brother n’est pas mort. Et les sciences du langage s’enrichissent de néologismes. Les éléments de langage du ministère de la Santé et de l’Action Sociale font désormais partie de notre vocabulaire du quotidien. Nous n’avons pas besoin de l’accompagnement d’un orthophoniste pour prononcer ces nouveaux termes : « distanciation sociale », « gestes barrières », « cas contacts », « cas communautaires » et « décès communautaire » ; le dernier né employé pour le cas de l’imam octogénaire du quartier Bount Dépôt de Thiès.
La novlangue de Georges Orwell dans son roman « 1984 » n’est plus là pour nous empêcher de penser. Novée, cette novlangue nous donne plutôt des armes destinées à combattre efficacement l’ennemi n°1. Nous avançons masqués, impuissants à le démasquer pour le mettre hors d’état de nuire. « Primum non nocere » « D’abord ne pas nuire » : telle est la ligne de conduite du personnel médical de notre pays dont nous saluons le dévouement et l’abnégation. C’est le « triangle hippocratique » (médecin, malade et maladie) qui devrait se décliner ici dans le cadre d'une stratégie d'alliance où le malade aide le médecin en jouant un rôle actif et premier dans la lutte contre la maladie. « L’art est constitué par trois termes : la maladie, le malade et le médecin. Le médecin est serviteur de l’art ; il faut que le malade s’oppose à la maladie de concert avec le médecin ». Ainsi, parlait Hippocrate dont la déontologie médicale, traversant l’épaisseur du temps, n’a pas pris une ride au XXIe siècle pour nous permettre de vaincre le Covid-19.
Au pays du Coq gaulois, la raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ? Et ces colosses aux pieds d’argile qui toisaient le monde du haut de Wall-Street et de la City ? Et la Chine devenue le centre du monde ? De ce centre qui assiste impuissant à l’enterrement des milliers de morts dans des fosses communes à la périphérie qui réclame les corps sans vie de ses enfants, le Coronavirus, sans passeport, migre par l’Homme en nous démontrant que nous habitons un espace unique (la terre) avec plusieurs lieux de vie.
Ce Coronavirus est-il, sous un autre angle, une malédiction venue nous demander plus d’humilité et de rectitude ?
Il y a péril en la demeure. Les lieux de cultes fermés, des prières fusent de nos demeures sans réussir à endiguer le péril.
Allah l’Omniscient, le champion des superlatifs, observe les médecins, les virologues et les infectiologues qui croyaient détenir des passeports d’omniscience sans voler à leur secours.
Le génie informatique remonte difficilement sur son piédestal par le cloud pour nous proposer le traçage téléphonique des personnes infectées. C’est possible au Sénégal grâce à nos antennes relais de téléphonie mobile ; ces miradors de nos lieux de vie qui sont dans l’intimité de nos foyers par les ondes électromagnétiques via Tigo, Expresso et Orange peuvent être les yeux et les oreilles du Roi. Des applications numériques apportent des solutions au corps médical pour traquer les personnes infectées. C’est le « backtracking » expérimenté avec succès en Corée du Sud, en Russie, à Taïwan ou encore en Chine qui, au demeurant, garde ses limites.
S’inspirant de ce qui marche dans ces pays, le président Macky Sall gagnerait certainement à faire un usage parcimonieux et proportionné de ces outils de lutte contre le Covid-19 à la mesure de l’attaque subie. Nécessité fait loi.
Au nom de l’urgence sanitaire, le chef de l’Etat gouverne par ordonnances disposant de nos données personnelles. Au Sénégal, des corps sont confinés sans un déconfinement des esprits. Les incivilités de nos concitoyens dans nos quartiers surpeuplés, les transports interurbains clandestins contournant les routes nationales et les vacances « Corona » accueillies dans l’allégresse par certains étudiants insouciants nous renvoient dans le miroir les plaies béantes de notre société : « ce pays au visage de basalte balayé par les vents de l’Atlantique ». « Barça ou Bàrsaq » ? L’enfer européen s’est barricadé. La jeunesse africaine escalade ses murs pour se brûler les ailes laissant derrière elle le paradis terrestre. Ce paradis, en deçà du Sahara, a longtemps caché ses oasis. Le vent du désert les a exhumées pour le bonheur de ceux qui ont envie et savent se désaltérer. « Restez chez vous » dans un pays comme le Sénégal est un palliatif. Restons alors chez nous.
Chez nous, c’est la polémique autour du riz. S’agit-il d’une catastrophe alimentaire ou d’une urgence sanitaire ? Dans tous les cas, le pays a besoin de sérénité. C’est la vie humaine qui est en jeu. L’état d’urgence a anesthésié les gardiens du code des marchés publics. L’Agence de Régulation des Marchés Publics, confinée à la présidence de la République, garde toute son autonomie. Le chef de l’Etat l’a consultée par simple élégance démocratique. Pourtant, rien ne l’oblige constitutionnellement à le faire. « Dura lex, sed lex » (La Loi est dure mais c’est la Loi).
Chez nous, sous un autre prisme, l’école ne peut attendre. Pourtant, elle attend toujours. L’école sans murs y demeure un rêve. Elle peine à embrasser la réalité du E-learning car le Sénégal n’a pas réussi à connecter ses quartiers anémiés du Grand village planétaire qui n’ont accès ni à l’électricité ni à l’Education Pour Tous. L’Ecole pour tous, qui revient souvent dans les discours du président de la République, n’est-elle pas en définitive le meilleur vaccin contre la réémergence d’autres virus ?
Somme toute, le Coronavirus nous montre le chemin épineux de la vie tout en révélant à la fois notre seuil de vulnérabilité élevé et la richesse de notre capital humain.
De nos erreurs, nous construisons des outils. L’Homo senegalensis est devenu Homo faber par la force des choses dans la perception du philosophe Henri Bergson, auteur de « L’Evolution créatrice ». Il y va de notre survie. Le Sénégal n’importe plus de masques de la Chine. Il les fabrique sur place pour nous préparer au maquis. Marquis et roturiers, patrons et ouvriers, gouvernants et gouvernés sont logés à la même enseigne devant cette pandémie. L’ennemi n° 1 les frappe aveuglément en plein cœur au cœur de Dakar, de Yoff, de Thiès, de Tivaouane, de Touba, de Popenguine et du Bois sacré de la verte Casamance.
Que de batailles perdues chez les « plus forts » qui redécouvrent la médecine de guerre !
Et la guerre continue pour éviter le pire chez les « plus faibles » qui avancent la fleur au fusil.
Corona, à quand l’armistice ? Car nous découvrons avec toi que « la raison du plus fort n’est pas toujours la meilleure ».
Docteur Daouda Ndiaye Jaraaf est Juriste, Docteur en Sciences de l’Education,cSecrétaire Général de l’Association des Cadres Lébou Le Péey Lébu
par Abdoulaye Daouda Diallo
ANNULER LA DETTE DES PAYS AFRICAINS EST VERTUEUX ET BIEN FONDÉ
Le ministre des Finances répond aux arguments des opposants, dont son homologue béninois, à la demande d’annulation des créances institutionnelles des pays africains dans le contexte de la pandémie du Covid-19
Jeune Afrique |
Abdoulaye Daouda Diallo |
Publication 28/04/2020
Dans une tribune adressée à Jeune Afrique, Abdoulaye Daouda Diallo, ministre des Finances du président sénégalais Macky Sall, répond aux arguments des opposants, dont son homologue béninois, à la demande d’annulation des créances institutionnelles des pays africains dans le contexte de la pandémie du Covid-19.
Le 23 avril, Romuald Wadagni, ministre de l’Économie et des Finances de la République du Bénin, a publié dans Jeune Afrique une tribune intitulée « Covid-19 : pourquoi l’allègement de la dette n’est pas la solution ». Dans la présentation de l’article, il est mentionné que la tribune prend une position contraire à celle de Son Excellence Macky Sall, président de la République du Sénégal.
Notre contribution vise à clarifier certains faits, ainsi que les arguments sur le sujet de la dette des pays africains dont les économies subissent les effets du Covid-19. En Afrique, l’impact de cette pandémie sera important. La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) anticipe un taux de croissance de 1,8 %, contre une hausse de 3,2 % initialement prévue en 2020, sous l’effet de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, de la baisse des prix des matières premières et des transferts effectués par les migrants.
Pour la zone Uemoa, les premières estimations font ressortir une diminution de 3,9 % de la croissance du PIB, qui se situerait à +2,7 % contre une progression de +6,6 % initialement prévue pour 2020. Une étude de la Cedeao évalue la perte cumulée de ressources financières pour des scénarios projetant le terme de la crise à la fin juin 2020, à la fin septembre 2020 et à la fin décembre 2020 respectivement à 36,4 milliards de dollars, 63,2 milliards de dollars et 73 milliards de dollars.
Ces projections ont amené les institutions régionales et sous-régionales à définir une position commune sur le traitement de la dette dans le cadre des initiatives pour faire face aux conséquences sanitaires et économiques du Covid-19. Le communiqué final de la session extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de la Cedeao du 23 avril est sans ambiguïté. Ils soutiennent l’initiative de l’Union africaine (UA) de négocier avec les partenaires pour une annulation de la dette auprès de créanciers publics et des institutions multilatérales.
Riposte urgente et de court terme
La position de la Cedeao procède d’un pragmatisme dans la prise en charge des besoins nouveaux induits par la pandémie. Elle traduit la volonté marquée dans le sens d’efforts de réallocation budgétaire, ensuite de mobilisation de dons et de contributions volontaires, puis d’emprunts nouveaux concessionnels pour faire face aux urgences.
À ces mesures d’endiguement des effets de la pandémie grâce à la stabilisation du cadre macroéconomique, qui relèvent de la riposte urgente et de court terme, s’ajoute le plaidoyer pour un sursis suffisamment long du remboursement du service de la dette institutionnelle et, ultérieurement, une annulation de son encours.
Au regard de l’urgence, certes, un moratoire est une bonne chose, mais les situations budgétaires difficiles de nombreux États africains, limitant les capacités de réponse à la crise, ainsi que les effets du double choc de demande et d’offre sur les marchés du pétrole, appellent des mesures aussi ambitieuses que celles prises en 2009 à travers l’initiative PPTE. L’Afrique doit absolument éviter que cette crise sanitaire ne débouche sur un drame économique et social. Elle doit disposer d’un espace budgétaire supplémentaire pour faire face aux effets durables de la crise, notamment par des investissements visant à accroître la résilience économique et sociale.
En clair, l’objectif des moratoires sur des périodes suffisamment longues et de l’annulation de la dette institutionnelle est de libérer des capacités budgétaires pour renforcer les fondamentaux, de manière à maintenir les capacités de production et le pouvoir d’achat des ménages, notamment ceux qui sont vulnérables.
Quel sera, donc, l’impact d’un allègement de la dette sur l’image des États africains, notamment la perception de leur qualité de crédit ? En réalité, la perception de la qualité de crédit repose essentiellement sur deux éléments : la capacité ainsi que la volonté d’honorer, à date, les engagements financiers souscrits. La volonté de nos États d’assurer le service de la dette ne doit souffrir d’aucune équivoque. Des pays comme le Sénégal ont toujours été responsables dans la gestion de leur dette ; ce qui leur a valu de ne jamais être en défaut. Ainsi, l’appréciation, en termes de dégradation de la perception des créanciers sur les pays africains, est à relativiser.
Endettement responsable
Par ailleurs, le Sénégal – comme d’autres pays bénéficiaires dans le passé des initiatives PPTE – ont adopté une politique de gestion prudente, efficace et responsable de leur dette. La bonne mise en œuvre de cette politique dans le cadre d’une stratégie bien définie, selon des normes de l’Uemoa, des organes de gouvernance bien structurés avec des capacités avérées ont donné au Sénégal une double notation de S&P et de Moody’s qui le place au rang des émetteurs souverains de référence en Afrique.
L’endettement responsable se mesure à l’aune du respect à date des échéances d’engagements financiers. Des pays comme le Sénégal, faut-il le rappeler, n’ont jamais fait défaut à ce niveau, offrant ainsi un profil de débiteur évalué positivement aussi bien par les partenaires techniques et financiers, les bailleurs de fonds que par les investisseurs des marchés de capitaux.
Ce profil d’émetteur souverain de référence bénéficie d’une prime de risque nettement plus appréciée par les investisseurs qui accompagnent le Sénégal sur des émissions de maturité à trente ans.
Enfin, ce qui est proposé par le ministre béninois de l’Économie et des Finances – c’est-à-dire la mobilisation urgente de liquidités nouvelles, via des financements concessionnels et semi-concessionnels-des institutions multilatérales, hormis la création d’un véhicule financier ad hoc – correspond, en réalité, aux instruments de financements qui sont déjà disponibles pour les pays africains.
Cela dit, les annulations de la dette auprès des créanciers institutionnels sur des niveaux importants permettront d’obtenir des marges de manœuvres conséquentes pour un tel refinancement, en plus de pouvoir être utilisées pour des investissements structurants et à fort impact sur la croissance et l’emploi.
En cela, l’annulation de la dette institutionnelle sous forme de conversion en programmes d’investissements orientés sur des besoins de relance économique et de résilience sociale dans un monde post Covid-19 demeure une option intéressante pour l’Afrique et ses partenaires. Ainsi, le leadership du président Macky Sall est motivé par la volonté d’aboutir à des mesures fortes qui permettront à l’Afrique de poursuivre sa marche vers l’émergence.
par Fatoumata Sissi Ngom
QUAND LE CORONAVIRUS ENTRERA DANS LE CHAMP DE NOS SOUVENIRS
EXCLUSIF SENEPLUS - En termes d’objectifs de développement à atteindre et de besoins des populations à combler, une solution adaptée, existe déjà : les ODD - L’économie des narratifs et des idées sur le continent doit être lucide
La pandémie de Covid-19 fera basculer le monde dans un autre régime. En plus de la tragédie humaine qu’il est en train de générer à mesure qu’il se propage, le Coronavirus tend au monde un gigantesque miroir. Il nous pousse à nous examiner. Nous-mêmes, nos économies, nos aspirations, nos modes de vie, notre façon de prodiguer les soins. Cet examen de nous-mêmes est déjà extrêmement douloureux et nécessite une grande quantité de courage pour l’affronter, mais il constitue, aussi, une opportunité pour se relever plus forts. Pour le continent africain, il devient vital de saisir cette opportunité pour s’embarquer sur une nouvelle trajectoire de développement durable véritablement endogène et souverain. Dès lors, définir la bonne algèbre de priorités et d’approches relève aujourd’hui d’une absolue nécessité. Mais avant de débuter l’écriture de nos nouveaux romans nationaux et d’unir nos forces aux niveaux sous-régional et continental, factoriser nos réelles aspirations en matière de développement constituent une première étape cruciale qu’on ne doit pas manquer.
L’économie des narratifs
Comme analysé par l’éminent économiste américain Robert Shiller à travers ce qu’il appelle narrative economics, les histoires et idées propagés populairement sont devenus un moteur de la marche économique du monde. Exacerbés par les réseaux sociaux, la prolifération rapide des informations et le potentiel destructeur des fake news, les narratifs affectent nos émotions et peuvent précipiter perceptions, choix et actions. La puissante analyse de Shiller peut être véritablement étendue aux sphères intellectuelle et politique. En effet, les doctrines, écoles de pensée, et histoires racontées orientent l’évolution des sociétés. L’Afrique, qui se trouve à un carrefour décisif, doit embrasser avec urgence la nécessité de construire une économie saine de narratifs qui façonneront son futur.
D’un côté, avant de mettre en œuvre des programmes socio-économiques de relance, une endogénéité exige de déterminer l’origine de la trajectoire. Pour cela, il faudra fixer le miroir et examiner l’essence même des sociétés africaines et de leurs besoins. A quoi la société africaine doit-elle aspirer ? Il faudra urgemment faire la distinction entre les traditions africaines qualifiées aujourd’hui, de façon très étonnante, « d’ancestrales », les “réalités africaines” ou modes de vie imposés en vérité par la pauvreté, et la souche véritablement originelle de la culture africaine. A titre individuel, aucun africain et aucune africaine ne doit se considérer comme un rescapé ou un survivant de l’Histoire, et encore moins vivre avec l’idée exclusive et unilatérale d’être un point d’intersection d’identités et de réalités défavorables. Les narratifs anthropologiques et philosophiques véhiculés ont un rôle clairement déterminant. Accéder à la Liberté, par l’Education, la poursuite de la connaissance et la recherche de la bonne information, sera crucial. Un examen social qui définira nos aspirations les plus profondes est une première étape décisive dont on ne peut faire l’économie.
D’un autre côté, on assiste à un foisonnement de narratifs autour de “solutions africaines”. L’urgence de mettre en œuvre des politiques économiques et monétaires souveraines et endogènes est aujourd’hui absolument indiscutable. Mais les déclarations sur les voies et moyens à adopter se succèdent et s’entrechoquent parfois, et on passe du pessimisme le plus extrême aux rêves les plus fantaisistes, tous les deux parfois complètement décorrélés de la réalité. Même si la différence et la diversité des idées est une chance pour le débat démocratique et la fertilité du changement, une trop large dislocation intellectuelle et politique mine la concrétisation d’initiatives qui peuvent émaner aujourd’hui des gouvernements et de la société civile en matière de développement durable.
La dislocation intellectuelle et politique doit être évitée et les récents appels comme ceux émanant de Kako Nubupko ou de Ndongo Samba Sylla, Amy Niang et Lionel Zevounou sont à saluer. Mais en termes d’objectifs de développement à atteindre et de besoins des populations à combler, une solution, universelle et adaptée, existe déjà : les Objectifs de Développement Durable (ODD), développés par l’ensemble des pays du monde et résultants de remises en question progressives de la notion même de progrès.
Célébrer la face changeante des priorités
Dès les années 70, le modèle de croissance infinie qui s’appuie sur la surexploitation des ressources de la planète commence à être fortement questionné. Des ouvrages comme The Limits to Growth, paru en 1972 ou le rapport Brundtland — Notre avenir commun paru en 2009 accélèrent l’idée de la nécessité d’un changement de paradigme pour la définition du développement durable. D’autres études, comme le rapport Stiglitz-Sen-Fitoussi (Commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social), paru en 2009, recommandent l’établissement d’un nouveau cadre de mesure du progrès qui devra intégrer, en plus du PIB et du Seuil de pauvreté, des indicateurs de bien-être et de cohésion sociale, et de partir de l’humain et de ses besoins pour définir les politiques publiques.
En Afrique, le développement durable est un concept longtemps ancré dans de nombreuses sociétés traditionnelles africaines (mais aussi océaniennes ou sud-américaines) qui entretiennent une relation respectueuse avec l’environnement et le monde vivant qu’ils considèrent comme garants de leur propre survie. Des grands intellectuels et économistes comme Joseph Ki-Zerbo ont historiquement vigoureusement prôné un modèle de développement durable et écologique.
Les narratifs autour du développement durable et du bien-être doivent devenir le fil directeur de toute politique économique, environnementale et sociale, et les Objectifs de développement durable offrent un cadre pouvant faciliter leur concrétisation.
Développés en 2015, ces Objectifs jettent les bases d’un agenda aux niveaux mondial et national pour éradiquer la pauvreté à horizon 2030 et adresser, au-delà du PIB ou du seuil de pauvreté, ses facettes multidimensionnelles, comme l’emploi, la santé, l’environnement, la bonne gouvernance. Ils sont accompagnés d’indicateurs qui font sens, que l’on se situe au Nord, au Sud, à l’Est ou à l’Ouest, et chaque pays est invité à en définir des supplémentaires qui leur seraient endogènes.
Plus important encore, les ODD sont complétés par le World Social Capital Monitor, développé dans le but d’intégrer au développement durable des dimensions de capital social comme la confiance entre les personnes, la solidarité, ou l’hospitalité. Par exemple, une enquête officielle sur le terrain avait notamment montré des scores significativement performants des indicateurs de capital social dans les pays du Sud.
De sorte que les ODD n’ont pas été développés à New York, imposés et propagés à travers le monde en vue d’une adoption aveugle par les gouvernements. La participation des experts africains (nationaux, onusiens, ONGs, etc.) à leur élaboration était active et compétente, et il est très important de reconnaître ce travail déjà fait. Même si mettre en place des “solutions africaines” est crucial, il ne doit pas être question d’une prospérité et d’un bien-être africain qui devraient être ontologiquement différents de celui européen, américain, ou océanien.
Tendre vers l’asymptote
La nature holistique des ODD fait qu’ils sont interdépendants, ce qui favorise la multiplication des synergies. Par exemple, l’ODD 1 — Pas de pauvreté, est liée à la quasi-totalité des autres ODD, comme l’ODD 3 — Bonne santé et bien-être, l’ODD 6 — Eau propre et assainissement, l’ODD 8 — Travail décent et croissance économique, l’ODD 16 Paix, Justice et institutions efficaces ou l’ODD 13 Lutte contre les changements climatiques.
Les ODD doivent continuer à être largement promus à tous les niveaux de gouvernement. Au Sénégal, ils ont même été traduits en langue wolof, ce qui est un signal fort en termes de volonté d’appropriation nationale.
Sur la base des ODD, ce sera aux décideurs publics du continent de mettre en œuvre leurs propres modèles de développement durable, endogène et adapté ; la prodigieuse expertise africaine en matière d’économie, de secteur privé, d’urbanisme, d’environnement, de culture, etc. devra alors être massivement sollicitée. L’implémentation progressive des ODD permettra (et a déjà permis) de révéler les lacunes existantes et de les adresser soit par le renforcement des capacités locales, soit par une redéfinition des priorités et des politiques.
Le Coronavirus a révélé de grosses failles, comme la santé et le problème de l’économie informelle qui, malgré nos “réalités africaines” et pour des raisons de dignité humaine, doit être urgemment réglé. La pandémie est un puissant rappel sur l’urgence de formaliser nos économies, et cela doit devenir une priorité centrale qui permettra d’augmenter la résilience sociétale, alimentaire et médicale, surtout en cas de chocs majeurs comme celui du Covid-19. Cela permettra également de faire plus participer la population en âge de travailler à l’économie, et donc une mobilisation fiscale et une redistribution plus effectives. Sur le plan de la santé, même si certains systèmes de Sécurité Sociale essaient autant que faire se peut de s’adapter aux besoins des populations rurales et des citoyens vivant d’activités informelles (exemple de la Couverture Maladie Universelle au Sénégal mise en place par le président Macky Sall), la béance mise en lumière par le Coronavirus est grande.
Ainsi, au sortir de cette crise pandémique, il faudra mobiliser encore plus de ressources pour l’atteinte des Objectifs de développement durable qui ont à leur cœur la croissance économique, le bien-être des populations, l’écologie et la bonne gouvernance.
Il faudra bien tenir de nos mains le miroir que nous tend le Coronavirus, il ne doit pas voler en éclats. L’économie des narratifs et des idées sur le Continent doit être lucide, de bonne foi, et productive. Il est temps que l’Afrique s’assoie enfin, triomphalement, aux grandes tables du monde.
Fatoumata Sissi Ngom est analyste de politiques, écrivaine (Le silence du totem, 2018), (La tragédie des horizons, Revue Apulée, 2020), ingénieur en informatique et en mathématiques financières et diplômée de Sciences Po Paris.
Par Papa Mahamet KANOUTE
ET SI LE COVID-19 REVEILLAIT L’AFRIQUE
L’africain sait pertinemment qu’il est considéré comme un rat de laboratoire par l’occident grâce au coronavirus.
Dépendance ou indépendance des pays africains, la réponse saute aux yeux. Une pandémie qui est parvenue à éclairer plusieurs zones d’ombres que nul n’a réussi à démontrer. Le Covid-19 a ramené l’homme (en occident notamment) à sa place en lui montrant ses limites ; mais le plus surprenant serait de voir que les africains savent maintenant que dans des cas pareils, l’Afrique devra livrer bataille seule et sans soutien des pays du Nord (en termes d’inégalité de développement).
L’africain sait pertinemment qu’il est considéré comme un rat de laboratoire par l’occident grâce au coronavirus. Si d’aucuns pensent que le coronavirus est une malédiction pour l’humanité, d’autres auront aussi raison d’affirmer avec certitude qu’il est un moyen permettant aux pays pauvres (africains en l’occurrence) de se réveiller.
L’Etat pour sa part reconnait que rien n’est beaucoup plus important que de prôner une bonne gouvernance qui sera axée sur les secteurs prioritaires comme la santé par exemple. En effet, depuis l’avènement du Covid-19 on nous parle maintenant de rehausser le budget des ministères de la santé tout en oubliant qu’hier, se dernier était tellement négligé qu’on en entendait presque plus parler. Alors, essayons de voir demain qu’en serait-il de ce domaine tan important comme vital ? Quant au médecin africain, l’heure est maintenant venue de s’avoir que nul ne peut sauver son peuple si ce n’est ses recherches approfondies dans son domaine. Il reconnait que sa détermination lui permettra de pouvoir trouver un remède contribuant ainsi à sauver son peuple. Nous faisons allusion au Docteur Jérôme Munyang qui a eu l’audace de mener un travail de recherche sur l’Artemisia en France dans le but de trouver un remède contre la malaria qui décimait à l’époque la population africaine (environs 500.000 mort par an). On y reviendra.
Dans un documentaire portant sur l’étude de l’Artemisia annua dans le monde et plus particulièrement en Afrique dans le cadre de la lutte contre le paludisme, il est avéré que l’organisation mondiale de la santé a interdit l’utilisation de cette plante. De cette plante dont il est question nous savons qu’elle a déjà fait ses preuves d’abord durant la guerre du Vietnam lorsque les soldats vietnamiens l’utilisaient pour lutter contre la malaria.
Ensuite une étude du Docteur Jérôme Munyang a démontré que l’Artemisia était efficace dans le traitement de la malaria mais à notre grande surprise, l’OMS réfute catégoriquement son utilisation. Mais ce n’est toujours pas grave ; ce qui est grave aujourd’hui est qu’un pays africain (le Madagascar) affirme que cette même plante pourrait être efficace contre le Coronavirus et que l’OMS ne manifeste aucune crédibilité vis-à-vis de cette fameuse Artemisia. Que nous cache-t-il ?
Dans tout ceci, il n’est pas une drogue et n’est pas toxique non plus contrairement à plusieurs produits pharmaceutiques comme Lariam (avec des effets secondaires dévastateurs) vendus dans le monde et appuyés par l’OMS. Pour certains spécialistes ne pas essayer l’Artemisia contre le Coronavirus serait comme faire de la pandémie un business. En tout cas un vrai débat se pose. Est-ce parce qu’un pays africain pourrait trouver un remède pouvant sauver le monde qui explique ce refus catégorique ? la réponse pourrait être surprenante dans la mesure où elle aurait permis à l’Afrique de reconnaitre ses potentialités et son savoirfaire. Se réveillera-t-elle après cette pandémie ? en tout cas une chose est claire au lieu d’attendre des médicaments venant des pays occidentaux, l’Afrique, un jour fabriquera ses propres médicaments qui favorisera l’industrie pharmaceutique africaine.
Papa Mahamet KANOUTE
Master2 de recherche, spécialisé en Roman Féminin Espagnol(R.F.E) à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar,
Email : pakanoute@gmail.com
Par Al Hassane FaLL
HOMMAGE A FEU PIERRE SARR
L’hommage que je me propose de rendre à cet éminent intellectuel ne se situera pas, simplement, sur le plan personnel ou affectif, car si j’ai connu Pierre Sarr, ce fut comme étudiant au Département de Philosophie, et d’échanger avec lui
Il me plaît, en ce 28 avril, de rendre hommage à un professeur émérite de philosophie dont j’ai eu le privilège de suivre les enseignements, de la première année à la maîtrise et qui fut, du reste, l’encadreur de mes recherches pour le mémoire de maîtrise, je veux nommer feu Pierre SARR, ancien chef du Département de Philosophie.
L’hommage que je me propose de rendre à cet éminent intellectuel ne se situera pas, simplement, sur le plan personnel ou affectif, car si j’ai connu Pierre SARR, ce fut comme étudiant au Département de Philosophie, ayant eu l’opportunité, dans le cadre de mes travaux académiques, d’échanger avec lui sur les problématiques fondamentales de la philosophie. Il s’agira donc non pas d’une série de louanges mais d’un hommage philosophique à l’aune de ses considérations à la fois intempestives et inactuelles. Ce qui faisait la marque distinctive de ce natif du Sine, c’est sans nul doute son amour de la pensée grecque antique, quoi de plus normal d’ailleurs, pour cet historien de la philosophie ancienne et médiévale, si l’on admet que la philosophie, comme le dit Martin Heidegger, est grecque, elle parle grec et il faut une oreille grecque pour l’entendre. C’est pourquoi, il aimait dire que la philosophie est une affaire de bonne semence naturelle et, suivant la fameuse formule de Hegel, elle n’est pas faite pour le vulgaire ni pour être mise à la portée du vulgaire. Malgré sa conception élitiste de la pensée philosophique, il a toujours su, à la lumière de la sagesse socratique, quoique de manière parfois énigmatique, trouver le contexte ou le prétexte pour mettre en branle le dialogue philosophique.
Homme charismatique mais aussi plein d’humour, il savait si bien jouer les nuances et les subtilités du langage. Un jour, je me rappelle, surveillant un contrôle et rappelant les consignes, il disait : « il est interdit de se parler ». C’est alors que mon voisin, taquin, lui rétorqua en ces paroles : « …mais on peut au moins se regarder… ».
Après quelques secondes de silence, il lui répondit : « vous savez, monsieur, on peut même communiquer par le regard… » ; Puis, en fin connaisseur de Ferdinand de Saussure, il rajouta : « le langage de la parole n’est pas le seul langage… ». Je me souviens, également, lors d’un cours, en deuxième année, sur la Métaphysique d’Aristote, faisant le point sur le déroulement du programme de ladite matière, il s’écria : « nous avons presque fini, il ne nous reste que des détails… », aussi s’empressa-t-il de dire : « …mais la philosophie est une affaire de détail, il faut s’accaparer du détail pour en faire la substance de sa pensée ».
Au demeurant, loin de vouloir ramener le savoir philosophique à la dimension du détail, ou poser le détail comme objet de la philosophie ; en bon lecteur du Ménon de Platon, il avait compris que le détail était un critérium de la rigueur du raisonnement philosophique car le discours, en tant que discours, se devait de montrer et de démontrer son universalité, au-delà des contingences multiformes du détail, même si le détail reste un moment de la pensée philosophique. Si Pierre SARR était celui qu’on pourrait appeler, à tort ou à raison, le penseur du détail, c’est certainement parce qu’il estimait que la philosophie naît du détail, mais se construit dans sa négation et s’accomplit dans l’affirmation de l’être en tant qu’être qu’Aristote considère, dans la Métaphysique, comme l’objet de toutes les recherches, présentes, passées et à venir…
S’il en est ainsi, c’est parce que l’actualité inactuelle parce qu’actuelle à jamais du questionnement philosophique, au sens où l’entendait Pierre, comme l’appelaient affectueusement ses étudiants, réside dans la prise en charge de la sempiternelle question de l’être, non pas en vue de prendre part, uniquement, à ce que Aristote appelait « le combat des géants », mais, principalement, de comprendre l’homme, dans sa relation à l’être, en tant qu’être-là, en vue de donner sens à la politique. C’est dire que la pensée sur les fondements de l’art politique ne saurait faire l’économie de l’ontologie et, partant, de l’être de l’être qui pose la question du sens de l’être car aucune question métaphysique ne peut être questionnée sans que le questionnant ne soit lui-même compris dans la question.
Ainsi, c’est seulement à travers la connaissance de l’homme, le seul animal qui sait qu’il va mourir, cet être fini qui aspire à l’infini, ce « cas » de la nature, pour reprendre Martin BUBER, que l’on pourra refonder la politique. En effet, comme il l’écrivait dans un article paru dans la Revue Ethiopiques, intitulé La question de l’homme dans l’anthropologie métaphysique, « tel on conçoit l’homme, la personne humaine, tel on lui construira une demeure. Or, prendre la communauté humaine comme objet de réflexion revient à poser comme exigence de l’art politique, l’organisation de la vie personnelle des citoyens et de la macrostructure étatique selon des principes conformes à l’idéal de la personne humaine. »
Comprendre l’essence de la personne humaine et, par ricochet, le monde, revient d’abord et avant tout à concevoir l’homme, non pas à partir de catégories transcendantales comme l’âme ou l’esprit, ou dans la perspective d’un dualisme rédhibitoire entre l’âme et le corps, encore moins comme simple zôon politikon (animal politique) mais, essentiellement, sous le prisme de l’ontologie phénoménologique, à partir de l’historialité du Dasein, présenté dans Sein und Zeit comme être-dans-le monde.
Malheureusement, l’on assiste, aujourd’hui, à une déviation philosophique où les chemins de la question sur l’essence humaine débouchent sur un non chemin, si ce n’est le chemin des chemins qui ne mènent nulle part. En effet, le monde actuel, marqué par ce que Alain Finkielkraut appelle la défaite de la pensée, dominé par le dictat des nouvelles technologies, nous fait oublier notre réalité d’êtrepour-la-mort que Heidegger définit en ces termes : « dès qu’un homme naît, il est déjà assez vieux pour mourir ». Cet oubli de la mort et l’oubli de cet oubli ont, aujourd’hui, comme conséquence, le primat de l’inauthenticité sur l’authenticité. Maintenant, le monde dans lequel je suis est celui où j’apparais comme identifiant et identifié et non comme personne ; je n’ai plus un nom mais un pseudo, je suis à la fois ami de tout le monde et de personne.
Ainsi, pour pasticher l’auteur de l’Essence de la technique, l’on peut affirmer que le danger menace et les hommes d’aujourd’hui n’ont plus d’oreille pour l’entendre, seul leur parvient le vacarme des nouvelles technologies qu’ils ne sont pas loin de prendre pour la voix même de Dieu, au point qu’on serait tenté de reformuler le cogito cartésien en ces termes : je suis connecté donc je suis. Cette situation, caractéristique de ce qu’on pourrait appeler avec Pascal la misère de l’homme, n’apparaît cependant pas comme un simple divertissement. En vérité, il s’agit plutôt d’un jeu où le joueur est joué dans son propre jeu sans que le jeu en question ne puisse être considéré comme tel. Comprendre l’homme à partir de cette ontologie du jeu, telle doit être la tâche première de toute anthropologie métaphysique. Que ce jour donc qui marque la disparition d’un homme qui aura voué toute sa vie à la pensée métaphysique, nous permette de nous rappeler les urgences de l’heure à savoir comment penser le sens du rapport de l’homme au monde, s’il est vrai que l’homme est toujours pour l’homme ce qu’il y a de plus lointain…
C’est seulement en ranimant l’audience due au sens de la question qu’est-ce que l’homme ? Et en prolongeant cette réflexion de manière à « courir le risque de questionner jusqu’au bout, d’épuiser l’inépuisable de cette question par le dévoilement de ce qu’elle exige de demander », que nous pourrons espérer bâtir, habiter et penser un monde à l’image de l’homme, pour ne pas dire un monde humain trop humain...
Pour finir, je dirai, comme le remarquait, justement, le penseur de Messkirch, dans un cours sur Aristote, résumant la biographie du stagirite : «il naquit, travailla et mourut». Cette phrase lapidaire n’est pas sans évoquer la vie de Pierre SARR lui-même, « une vie, pour reprendre le mot de Jean-Michel Palmier, consacrée au travail et à l’étude, d’un ascétisme presque monacal, mais éclairée par un éblouissant génie ». Au revoir Pierre, que ton âme repose en Paix !
Al Hassane FaLL
Administrateur civil, ancien étudiant au Département de Philosophie
La question du faux médecin, celle de la distribution de l’aide alimentaire, les excès de zèle de certaines forces de l’ordre et d’autres phénomènes notés auraient été évités en prenant en compte ces fondamentaux de la communication de crise
Avec le coronavirus l’information gouvernementale est partout mais la communication se fait rare. Beaucoup de messages sont partagés, depuis l’apparition du coronavirus, par le gouvernement du Sénégal. Au regard des “pratiques communicationnelles” en cours, il semble nécessaire de revenir aux fondamentaux de la communication de crise. Ce réajustement est d’autant plus urgent que le covid19 recouvre tous les aspects d’une polycrise (sanitaire, économique, social, géopolitique…). Il fallait, dès le départ, ne pas s’éloigner des règles de base de la profession tout en prenant en compte le contexte. Ces principes sont: PENSER, INFORMER, EXPLIQUER, RASSURER.
PENSER : il est une règle d’or en communication de risque et de crise : la première urgence est de penser. Penser le contexte. La communication n’est jamais un système fermé ; il est ouvert sur son environnement. Nous sommes au Sénégal, en Afrique, dans une situation de vulnérabilité de certains ménages et l’injonction de nouvelles logiques (distanciation sociale, couvre feu, réduction du temps de travail et de l’occupation de l’espace dit public). Penser les acteurs. Dans cette approche systémique, l’individu prend part à une situation de communication. Il n’est jamais passif, même devant une catastrophe. D’ailleurs c’est ce qui explique, entre autres, les débordements notés surtout à la Médina et dans d’autres quartiers ou villes du pays. En effet, les récepteurs filtrent, hiérarchisent et peuvent refuser les messages. Les comportements, les attitudes sont à analyser comme de la communication. Cette dernière devient un processus social qui englobe des modalités variées et concomitantes comme les gestes, les paroles et le rapport à l’espace géographique. Tout refus de penser se heurte à un déficit pour bien informer.
INFORMER : même en situation normale, ce verbe dans la pratique professionnelle prend en compte le contenu à partager et sa mise en forme. Avec la communication gouvernementale, pour ne pas dire étatique, des réajustements sont nécessaires aussi bien dans la forme que dans le fond. Exit la multiplication des communiqués sans date ni signature, persistent encore des messages avec des mots techniques difficiles à comprendre par le public non initié. A ce niveau l’utilisation des langues nationales est à saluer même si les figures de style sont à bannir. Le vocabulaire de la crise n’accepte que la concision, la clarté et le concret.
L’action d’informer n’est pas synonyme non plus de la multiplication des plateformes si elles ne sont pas nécessaires et pertinentes. Informer revient à penser le public et à exclure toute infantilisation ou stigmatisation dans la communication publique. Depuis l’apparition des premiers cas de coronavirus, le gouvernement informe. Parfois trop. Les nombreux ministères avec leurs prises de parole médiatiques et leurs communiqués respectifs créent un brouillard informationnel. Cet abus déséquilibre le récepteur et trahit une communication institutionnelle non harmonisée. D’ailleurs la première sortie médiatique du président de la République durant cette crise a été balayée dès le lendemain par une masse de messages et par des comportements inexplicables du gouvernement. L’information est toujours une élaboration, une construction et un calibrage par rapport aux cibles. Informer devient, dès lors, donner du sens quitte à expliquer pour atteindre l’objectif de la communication.
EXPLIQUER : La communication de cette polycrise exige de la pédagogie. Avec le coronavirus l’information gouvernementale est partout, mais la communication se fait rare. Cette dernière s’accompagne d’une série d’explications afin de mieux partager le sens, de mettre en lien. Communiquer est plus complexe qu’informer ; surtout face à un risque sanitaire. La communication pose la question de l’altérité. Comment s’adresser à un public ? Comment lui expliquer (non pas exiger) des règles élémentaires comme le lavage des mains si elle ne voit qu’occasionnellement l’eau du robinet ? Qui a la légitimité de la parole ? Est-il transparent ? Le messager est aussi important que le message durant une situation de communication. Dans certaines circonstances, les relais communautaires sont à privilégier. Même distribuer des vivres revient à choisir la personne la plus apte.
De ce fait, la communication est loin de sa réduction à la Com : l’art de plaire, de séduire, de théâtraliser. Les actions de rejet de certaines décisions du gouvernement sont, en partie, liées à cette absence d’explication. Rien n’est évident en situation de crise. Demander de porter un masque revient à expliquer pourquoi et comment. Fermer les lieux de rassemblement exige la même démarche. Aucune loi si répressive soit-elle ne pourrait remplacer cette méthode. Sinon bienvenue l’incompréhension avec ses conséquences dont la plus évidente est le brouillage du message initial dans l’objectif de la communication. Au passage, le point de la situation quotidienne du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale devrait se terminer chaque fois par une explication sur un “ point” bien précis dans la stratégie du gouvernement. Finalement, en communication de crise les actes et les décisions s’expliquent et se négocient afin de rassurer les différents publics.
RASSURER : Une situation de crise plonge les acteurs dans l’incertitude. Elle génère beaucoup de questionnements et d’inquiétudes. Avec le coronavirus nous sommes dans l’inconnu : celui de la maladie, de l’horizon des décisions, de notre vulnérabilité. Tout devient fragile et tout peut changer le jour suivant. Voilà pourquoi, cette communication nécessite de s’adresser à différentes couches de la population qui n’ont pas les mêmes préoccupations.
Afin d’atteindre sa performativité, la parole publique, en plus de l’humilité et de la transparence, doit rassurer. On rassure avant les actes et les décisions afin de ne pas les subir de façon négative. Sous ce rapport, la communication de crise ne remplace pas l’action, elle l’explique, la met en lumière afin de garder le lien avec les publics. Malheureusement depuis le début de la pandémie, les actes du gouvernement ne rassurent guère. Entre hésitations, demi-mesures et pluies d’informations injonctives institutionnelles, le public ne voit pas l’horizon se dessiner.
En temps de crise, toute erreur est à éviter. Cette communication devient sensible et peut aboutir à une crise de la gestion de crise. La question du faux médecin, celle de la distribution de l’aide alimentaire, les excès de zèle de certaines forces de l’ordre et d’autres phénomènes notés auraient été évités en prenant en compte ces fondamentaux de la communication de crise. Dès lors, communiquer revient à se baser sur des faits transparents dont on fait la pédagogie. De même comme dans toute situation de crise, il faut se préparer au pire et à l’imprévisible, même si on ne peut pas prévoir ce dernier.
Dr Sahite Gaye est Enseignant - chercheur en sciences de l’information et de la communication
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, EMMANUEL DESFOURNEAUX
POUR UN NOUVEL ORDRE POLITIQUE SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Macky peut-il incarner le renouveau du continent africain et cette rupture historique ? Dispose-t-il des moyens en faveur d’une politique émancipée de la traditionnelle aide au développement ?
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 27/04/2020
Chaque pays possède son mythe fondateur. En France, c’est son nouvel ordre politique issu de la révolution française. Aux Etats-Unis d’Amérique, c’est l’esprit pionnier avec la conquête de l’ouest. Et au Sénégal ? C’est d’après moi la Renaissance africaine consacrant le « paradigme sacré de l’égale dignité de tous les peuples et de toutes les cultures » (Pr Iba Der Thiam).
L’entretien vidéo entre Macky Sall et Andry Rajoelina, savamment orchestré, autour d’une tisane en artémisinine dans la lutte contre le Covid-19, élève le président sénégalais parmi le meilleur d’entre tous. Cette appréciation élogieuse ressort des réseaux sociaux. Son soutien panafricain est salué y compris dans les rangs de l’opposition, à l’exemple d’Amadou Lamine Faye, secrétaire national chargé de la Culture et de la Renaissance africaine dans le nouveau secrétariat général national du PDS. C’est une prouesse face au parti historiquement d’obédience panafricaniste (Art.2 § 6 des statuts du PDS) !
Comment en quelques jours Macky Sall est-il passé de l’allégorie de la main tendue à l’Occident au titre de l’annulation de la dette à celle du demi-dieu panafricain avec le Covid-organics ? La première réponse qui me vient à l’esprit, est d’ordre ontologique de l’être complexe du politique sénégalais : tourmenté existentiellement entre l’infiniment français et l’infiniment africain. Cette explication d’inspiration pascalienne du déséquilibre politique, trait caractéristique de la vie politique sénégalaise depuis 60 ans, est une réalité constante de la présidence salliste. Rappelez-vous la controverse sur les desserts des tirailleurs !
Une autre explication tient à la revanche de l’histoire. Les oracles occidentaux de mauvais augure sur la propagation du coronavirus en Afrique, ont galvanisé et uni les Africains. Les relents racistes en France et en Chine ont aussi rappelé le destin commun et le passé de résistance de l’Afrique. Le Covid-19 apparaît dès lors comme une opportunité de s’affranchir de l’histoire et marque le début d’un autre chemin où l’Afrique prendrait son destin en main. Les initiatives citoyennes ne manquent pas, à l’image du « Docteur robot » de l’école supérieure polytechnique et du lavabo automatisé parlant de l’IUT, tous deux de Thiès. Le made in Sénégal se développe partout, des applications de traçage au dépistage du Covid-19.
Quel contraste avec une France figée, entre torpeur et incapacité ! Entre le fiasco des masques qui manqueront le jour du déconfinement et l’inadaptation de 8000 respirateurs pourtant construits par le fleuron des entreprises françaises, il se dit que le ciel est tombé sur la tête des gaulois réputés pour leur arrogance ! Une certaine crainte de l’avenir gagne l’entourage d’Emmanuel Macron. C’est le traumatisme des gilets jaunes. Pas très rassurant pour insuffler un esprit de confiance indispensable à des français déjà ordinairement défaitistes et râleurs !
Mais voilà la route est encore longue pour Macky Sall et l’épisode de la tisane malgache Covid-organics risque d’être un épiphénomène, et surtout un piège. En effet, toute marche arrière de sa part serait perçue par les panafricains comme une hérésie. Or l’implication des politiques dans la science est périlleuse : elle représente un danger de récupération politicienne et peut susciter de faux espoirs. Il faut aussi observer que le président Andry Rajoelina a mis en difficulté le modèle de riposte de Macky Sall face au Covid-19. Dans l’échange vidéo, les effets secondaires de la chloroquine ont été soulevés par le président malgache pour justifier les bienfaits de son remède Covid-organics. Pas très sympa !
La seule question qui vaille pour moi, c’est celle de savoir si, au-delà de sa nouvelle posture panafricaine, Macky Sall peut incarner le renouveau du continent africain et cette rupture historique ? Et s’il dispose des moyens en faveur d’une politique émancipée de la traditionnelle aide au développement ?
Le discours « Revenons sur terre ! » de Macky Sall est à mettre à son crédit. Le symbole de la terre incarne la reconquête de la dignité de l’Afrique au regard des richesses de son sol et de sa philosophie et culture dont la sagesse des aînés. Ce discours est annonciateur d’une nouvelle ère, comme le fut celui de John Fitzgerald Kennedy, « La nouvelle frontière ».
JF Kennedy pouvait se prévaloir de sa virginité politique au moment de son discours. A l’opposé de Macky Sall qui est au pouvoir depuis 8 ans ! Dans son texte « Revenons sur terre ! », il consacre sa nouvelle politique tournée vers l’économie réelle et l’épanouissement de l’homme sans piper mot sur ses anciennes responsabilités. Emmanuel Macron, affublé de l’anathème « président des riches », avait reconnu, à demi-mot, ses fautes : « Sachons nous réinventer, moi le premier ! ».
Même si le Covid-19 revêt un caractère de force majeure selon Abdou Latif Coulibaly, il n’en demeure pas moins vrai que la part de responsabilité des politiques est indiscutable. Ils ont largement profité du système qu’ils ont beau jeu de dénoncer aujourd’hui ! Tous les investissements de la phase 1 et 2 du PSE ont été rendus possibles par « l’idéologie libérale forcenée » (Latif Coulibaly) à laquelle de surcroît l’APR appartient ! Pourquoi toujours attendre une crise pour refonder les priorités des priorités, en particulier en faveur de l’économie de vie dédiée au bien-être humain (J Attali), concept semblable à celui de l’économie réelle de Macky Sall ?
Même si on lui accorde le bénéfice du doute sur la crise du néo-libéralisme, Macky Sall n’est pas animé par une doctrine de rupture avec le « mal pouvoir ». Les polémiques autour de l’attribution des marchés de l’aide d’urgence l’attestent. Et pourtant le nouvel ordre politique sénégalais est la priorité des priorités. Et ce bien avant l’instauration d’un nouvel ordre mondial ! Je dirai même plus : bien avant un nouveau modèle de développement. C’est un défi de changement de mentalité qu’il convient de relever d’ores et déjà avec l’instauration d’un parquet financier indépendant, l’arrêt du jeu des sept familles en politique sénégalaise, la durabilité d’un fichier électoral, la fin d’une culture politique clientéliste, entre autres. Toutes ces conditions sont nécessaires pour incarner un Etat au seul service de la population sénégalaise.
Il y a une certitude : c’est que la période de l’argent facile dans le cadre de la recherche de ressources extérieures pour le développement du Sénégal – qui faisait la jalousie d’autres Etats voisins, est révolue. Le paradigme de l’autofinancement doit devenir la règle. Sans doute Macky Sall manoeuvre-t-il autant en faveur de l’annulation du service de la dette publique pour la faire supprimer à moindre coût ; elle a doublé au Sénégal depuis 2013 et son niveau élevé a poussé le FMI fin 2019 à obtenir l’augmentation de l’électricité avec à la clé l’arrestation de Guy Marius Sagna.
En revanche, il faut être bienveillant à l’égard de Macky Sall sur la planification d’un autodéveloppement et d’une souveraineté économique, voire d’une monnaie africaine. Les sénégalais doivent prendre leur mal en patience. Si ces réformes sont inéluctables à court terme, il est difficile de les mettre en place dès cette année face aux incertitudes de la crise sanitaire et économique. L’annulation ou la suspension de la dette est le meilleur moyen jusqu’en 2021 pour dégager des marges budgétaires en vue de les consacrer à la lutte contre le Covid-19.
Il y a une faute de timing dans la communication de Macky Sall. Son discours « Revenons sur terre ! » est passé inaperçu. Il a été prononcé trop tôt ! Il aurait dû le faire correspondre à une annonce majeure pour l’avenir. En outre, les sénégalais ont pour seule préoccupation la crise sanitaire ; c’est leur instinct de survie qui prime pour l’instant. L’annonce d’un nouveau gouvernement dans quelques mois pourrait être l’occasion d’un discours fondateur. Les nominations ministérielles pressenties avant le Covid-19, entre autres l’entrée de quelques frondeurs du PDS, sont caduques. C’est un gouvernement de transition vers 2024, composé d’illustres personnalités politiques, qui devrait être mis en place sur fond d’une entente cordiale politique. Puisque Macky Sall n’envisage pas un troisième mandat, son action politique sera davantage imprégnée de considérations d’intérêt général.
Si les calculs politiciens persistent, la renaissance politique sénégalaise n’aura pas lieu. Si une pensée neuve et critique n’émerge pas, la renaissance politique sénégalaise n'aura pas lieu. Si Macky Sall ne nettoie pas les écuries d’Augias, son second mandat sera inutile. Si l’Etat sénégalais ne soutient pas l’inventivité sénégalaise, la mystification prendra encore le dessus. Et d’autres dominations se créeront, après celles de l’esclavage et de la colonisation.
EXCLUSIF SENEPLUS - Un regard introspectif autour de nous rappelle notre vanité obsessionnelle à remporter des combats plus faciles à mener que d’enrayer une pandémie sans frontière et qui nivelle la condition humaine
“Le guerrier victorieux remporte la bataille puis part en guerre. Le guerrier vaincu part en guerre, puis cherche à remporter la bataille” - Sun Tzu
Martelant le verbe martial, nos chefs d’Etat, revêtus de leurs attributs constitutionnels de chefs suprêmes des Armées, ont déclaré une guerre. Et nous engagent à un nouveau corps à corps impossible avec un ennemi invisible, la maladie à coronavirus. Guerre asymétrique comme celle qui nous oppose à l’hydre terroriste. C’est à leur honneur.
Pour un peuple, rien de plus redoutable ni de plus mobilisateur que la guerre et les risques de destruction par un ennemi commun qu’elle fait planer sur tous. Pain bénit pour les princes du jour qui y voient une opportunité d’en appeler à l’unité nationale et au rassemblement autour d’eux pour conjurer les périls qui menacent la nation. De cette situation, ils font une application dialectique de la fameuse maxime du Prussien Carl Von Clausewitz : « la guerre est une manière de faire la politique avec d’autres moyens ».
L’effet de surprise créé par la pandémie du COVID-19 a fait reculer la planète entière, obligeant au tâtonnement scientifique, imposant des mesures administratives inédites qui contrarient nos libertés individuelles et collectives, mesures qui apparaissent comme les plus faciles.
Le monde entier, pays pauvres et nantis confondus, se trouve désarmé. Partout, ce sont les mêmes improvisations même si elles diffèrent par l’utilisation des moyens financiers, sanitaires et aussi par l’approche culturelle du confinement recommandé.
Contraints par les circonstances, sans certitude sur les recherches de la médecine, nos dirigeants sonnent la mobilisation sur ce front inconnu qui s’ouvre brusquement. Leur ton martial indique la gravité de l’heure.
Il n’est pas nécessaire d’être grand clerc ni expert en polémologie pour savoir que par sa nature, son étendue et ses implications, la guerre obéit à des règles strictes dans sa conception, sa planification ainsi que son exécution. Ces règles ont un dénominateur commun : la rigueur, le contraire du pilotage à vue et des slogans de circonstance faciles.
En chefs de guerre, s’ils l’étaient réellement, la première initiative de nos présidents de la République aurait consisté à bien élaborer les stratégies appropriées et à choisir les chefs militaires aptes à les mettre en œuvre. La deuxième serait d’identifier les forces et les faiblesses de l’ennemi et la troisième, la mobilisation et la mise à disposition des moyens adéquats pour engager la lutte en vue de l’assaut final contre le virus.
La première condition semble facile à remplir en raison du nombre de médecins et autres soignants disponibles pour constituer les troupes à envoyer dans les tranchées de la maladie. Quant au deuxième préalable, en revanche, pour l’instant, seules les forces de l’ennemi invisible s’imposent, gagnent du terrain devant notre impuissance à arrêter cette terrible hécatombe quotidienne. Il en est de même des moyens qui ne sont pas encore à la dimension des besoins et de l’urgence.
Il suffit d’observer, pour s’en convaincre, la course contre la montre engagée dans les grands pays occidentaux pour fournir des masques aux citoyens en péril, présentés comme de nouvelles bouées de sauvetage dans la panique générale. Un simple morceau de tissu, protection suprême, contre une arme de destruction massive, jalouse de ses secrets et résistante encore à la puissance de tous les canons du monde. Quant aux moyens, l’on nage en pleine surenchère avec des chiffres annoncés dans des pays riches qui donnent le tournis aux pauvres hères qui confient leur sort au ciel. Ces mobilisations financières annoncées, ne l’oublions pas, sont destinées à amortir les conséquences de la crise économique induite par la propagation du virus et non pour le mettre hors d’état de nuire.
Expression de détermination, de désarroi et/ou d’opportunisme politique, la croisade annoncée sur tous les toits vient après d’autres luttes menées et perdues depuis des lustres.
Dans tous les programmes de gouvernement de nos opérateurs politiques destinés à séduire les électeurs, il ne figure que des combats. Comme dans une comptine à la Prévert, il est loisible de citer des guerres contre la pauvreté, les violences faites aux femmes, l’analphabétisme, les violations des droits humains, l’enrôlement des enfants dans les groupes armés, la mauvaise gouvernance, la corruption, la gabegie, la concussion, le favoritisme, l’incivisme, la destruction de l’environnement, l’irrédentisme, les maux qui minent nos sociétés sans oublier la guerre contre les inégalités entre les nations, etc.
Ces ennemis sont visibles et identifiés depuis plus d’un demi-siècle. Pour quels résultats quantifiables et mesurables sur notre vie quotidienne ? Quel bilan à l’heure de l’inventaire ? Quelles victoires remportées ?
Un regard introspectif autour de nous rappelle notre vanité obsessionnelle à remporter des combats plus faciles à mener que d’enrayer une pandémie sans frontière et qui nivelle la condition humaine en ignorant richesse, race, sexe, région et religion.
Le COVID-19, pour être insaisissable, n’en est pas moins visible par ses conséquences. Ce virus, en plus, souligne davantage la limite de nos connaissances scientifiques. Né d’un microscopique virus, il met à nu nos faiblesses et nous renvoie à l’humilité devant ses ravages, tandis que nos batailles perdues sont classées au rayon des blessures de guerre, plaies incurables et donc permanentes, telles des échardes dans le corps social.
Avec ou sans ton martial, la guerre est un art, comme l’enseigne le stratège militaire chinois Sun Tzu : on ne livre qu’une guerre qu’on est sûr de gagner, a-t—il averti il y a des millénaires. Il nous enseigne que « le guerrier victorieux remporte la bataille puis part en guerre. Le guerrier vaincu part en guerre, puis cherche à remporter la bataille ».
Nos soldats que sont ces médecins et chercheurs, armés de leur seul savoir, du crédit de leur expérience et de leur détermination inébranlable restent en première ligne de cette guerre et continuent d’œuvrer, sans relâche, pour sauver le monde de la pandémie.
Aux coûts estimés, rien n’a été pris en compte concernant les effets de la pandémie et ses corollaires sur les ménages, entreprises, les micro-entreprises et le secteur informel par rapport aux ressources nécessaires pour relancer les affaires
Annoncé comme une pandémie depuis le 11 mars 2020 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le covid-19 a tué plus de deux-cent-mille personnes dans le monde et continue d’infecter des millions d’êtres humains. Ses corollaires ont fini d’impacter négativement et profondément dans le long-terme les économies et les marchés à toutes les échelles, surtout pour les plus fragiles. En plus d’être d’une vitesse extrêmement rapide dans son expansion, et doté d’une grande capacité mortelle sur tous ceux qui avaient déjà des maladies graves ou une immunité précaire, le Covid-19 est aussi une pandémie révélatrice de nos limites et faiblesses longtemps camouflées volontairement ou involontairement sur tous les plans socio-économiques.
La pandémie a dévoilé notre impréparation scandaleuse dans les choses les plus essentielles pour les populations comme la santé publique, l’emploi et la résilience des systèmes de production et des marchés régionaux et locaux. Par exemple, la carence en structures de prise en charge des malades, le manque de tests et de masques simples même pour les soignants, et l’insuffisance d’appareils de réanimation pour les malades graves, ont fini de révéler la faiblesse de nos modèles économiques et de gouvernance et ont mis à genou les nations même les plus développées de la planète. Chaque pays s’est enfermé sur lui-même, adieu l’intégration, et tente de se prémunir comme il peut contre le Covid-19 et ses corollaires économiques dévastateurs. En Afrique, avec la faiblesse des économies, la dépendance vis-à-vis de la dette extérieure et le poids de la dette en général, le Covid-19 a fini de démasquer la vulnérabilité catastrophique et honteuse de nos pays. Les Eats et les peuples africains ne savent plus à quelles politiques et mesures de riposte se vouer.
Les pseudo-intellectuels « illuminés », donneurs de leçons et de recettes magiques, ne savent plus à quel débat se donner tellement la pandémie a révélé les limites tristes et criantes des modèles économiques qu’ils ont chantés et promus des décennies en Afrique : émergence, lutte contre la pauvreté, indépendance monétaire, économie endogène, autosuffisance en ceci ou cela, croissance inclusive, intégration, etc. A défaut de débats qui leur donnent encore raison durant cette pandémie, ils se sont emparés de la demande d’annulation de la dette lancée par certains chefs d’Etat, comme un os, et continuent de le ronger à coups de contributions confuses et étouffantes sur des plateformes médiatiques.
D’autres encore se sont emparés de peu chiffres et de statistiques disponibles sur la pandémie encore très limitées pour se donner à la construction hasardeuse d’indicateurs ou d’indices volatiles, insignifiants, inutiles et trompeurs. Covid-19 a fini de révéler nos faiblesses intellectuelles, nos maigres capacités d’analyse, notre manque d’anticipation et de rapidité ainsi que le déficit sans appel d’efficacité et de transparence dans les actions de ripostes. C’est le signe d’un échec collectif même si les pouvoir publiques ont bon dos car étant les seuls aux commandes dans ces moments de crises multiformes et difficiles.
De l’efficacité des mesures de riposte adoptées, il y a beaucoup à dire et à analyser même si c’est avec beaucoup d’incertitudes et de modestie pédagogique. Dans notre pays le Sénégal, le taux de mortalité du Covid-19 estimé en considérant le nombre de tests positifs obtenus et le nombre de morts enregistrés est environ 1,3% (avec optimisme et à l’état actuel des chiffres). Tous les chercheurs et épidémiologistes au niveau mondial se sont accordés sur le seuil d’immunité collective du Covid-19 qui est autour de 65%. Ce qui signifie, en langage simple, que le virus s’arrêtera de se propager (avec une forte probabilité) si et seulement si au moins 65% de la population est contaminée. Des chercheurs ont récemment démontré que de son départ, à son pic, jusqu’à sa première disparition ou premier retrait (car il peut toujours revenir), il faut compter au moins sept mois si aucune mesure de distanciation sociale n’est prise. Il est clairement démontré, comme de l’eau de roche, que l’effet des mesures de distanciation et de confinement n’est pas de faire disparaître le virus mais seulement de retarder son expansion.
L’hypothèse de base de choix des méthodes de distanciation et de confinement est, premièrement, qu’on espère qu’un vaccin ou un médicament serait trouvé au plus vite et ainsi arrêter les mesures, et, deuxièmement, qu’on veuille éviter le surcharge, le dépassement et la noyade de nos structures de santé très faibles, et mettre ainsi nos soignants dans des situations de risques extrêmes, et, en même temps maintenir des plateaux médicaux qui prennent en charge les autres maladies existantes, ou autres besoins courants en prise en charge sanitaire. On comprend par-là pourquoi légitimement l’écrasante majorité des soignants sont pour les choix de distanciation sociale et de confinement comme unique méthode de riposte.
Il est démontré que ces mesures peuvent seulement retarder la diffusion du virus de cinq à six mois au plus. Ce qui veut dire que le virus va toucher 65% de la population sur sept mois sans mesures de distanciations et de confinement, et sur douze mois avec ces mesures, et cela peut aller plus vite dans nos pays même avec ces mesures, là où il est difficile de les faire appliquer à 100% du fait de plusieurs facteurs y compris la pauvreté extrême d’au moins 1/3 de la population. Dans tous les cas, sans vaccin ou médicament efficaces ou disparition subite comme prévue par certains chercheurs, le virus toucherait 65% de notre population au moins dans les douze mois à venir par A ou par B.
Si nous appliquons le taux de mortalité actuel de 1,3% à 65% (seuil d’immunité collective) de 15,5 millions d’habitants au Sénégal, potentiellement, Covid-19 pourrait tuer 131.000 personnes dans notre pays les douze prochains mois. Cette estimation intègre les capacités existantes de sauvetage au niveau de nos services de réanimation qui sont très limitées. L’effet majeur connu des mesures de distanciation sociale et de confinement dans notre pays c’est d’étaler cette mortalité du Covid-19 sur douze mois au lieu de la subir sur sept mois seulement en ne faisant rien.
Du point de vue des coûts pour maintenir et faire appliquer ces mesures de distanciation et de confinement, au bout de sept à douze mois, supposons que l’Etat mette un budget Force-Covid-19 tous les deux mois, soit 1000 milliards au moins cinq fois, ce qui va donner au minimum 5000 milliards sur les douze mois à venir. Les experts prévoient une récession d’au moins 2% dans nos pays (décroissance de -2%). Ajouté à cela est la perte de la croissance de notre PIB d’au moins de 5% qu’on devait enregistrer en 2020. Au total, le manque à gagner et les pertes peuvent être estimés à 7% de notre PIB 2019. Toutes ces pertes sur la croissance du PIB et les manques à gagner s’élèveraient au moins à 2000 milliards de Fcfa. Au total, si on ajoute aux potentiels 5000 milliards de Force Covid-19 (renouvellement de 1000 milliards au moins quatre fois) les 2000 milliards de pertes, le Covid-19 coûterait à notre pays 7000 milliards au bas mot, si cette stratégie de distanciation et de confinement est maintenue les mois à venir.
Supposons que la stratégie actuelle ou sa version renforcée permette de sauver 30% des potentielles pertes en vies humaines estimées à 131.000 personnes. Au bout de 12 mois de souffrance, en l’absence de médicaments ou vaccins efficaces, ou même d’une disparition soudaine du Covid-19, les dégâts totaux s’élèveraient à environ 92.000 pertes en vies humaines. Ainsi, les 7000 milliards auraient servi à la fin à sauver 92.000 vies. Une seule vie sauvée par les effets de notre stratégie actuelle coûterait au finish 96 millions de Fcfa. 96 millions de Fcfa pour sauver une vie de la tyrannie du Covid-19, nous comprenons pourquoi les forces de l’ordre tabassent les récalcitrants qui refusent de respecter les mesures de distanciation prises par l’Etat.
Toute l’analyse de l’efficacité du modèle de riposte repose sur son coût global et les résultats obtenus à la fin en vies humaines sauvées. Sommes-nous efficaces ou efficients ? Aux coûts estimés, rien n’a été pris en compte concernant les effets de la pandémie et ses corollaires sur les ménages, entreprises, les micro-entreprises et le secteur informel par rapport aux ressources nécessaires pour relancer les affaires et faire refonctionner les marchés pour atteindre les revenus minimaux nécessaires à la vie décente.
Avons-nous réellement analysé l’efficacité et les impacts de nos mesures de ripostes ? Je ne le crois pas. Il faut qu’on s’y attèle de manière beaucoup plus sérieuse et rigoureuse dès maintenant. Il y va de notre survie durant et à la fin de la pandémie. Dans cet article, je n’ai donné que quelques pistes de réflexion qui pourraient être complétées lorsque les données seront plus stables et l’ampleur des effets mieux maîtrisée.