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3 mai 2025
Opinions
Par Tahir NDIAYE
AIR SENEGAL SA DANS L’INTERMEDE COVID 19
En comptant pour le moins, c’est autour de 300 milliards de FCFA qui ont été introduit en investissements et cautionnements d’Etat, dans le secteur du transport aérien sénégalais.
Les récentes mesures financières du gouvernement sénégalais, en soutien au secteur du transport aérien face au COVID 19, appellent à un constat sous forme de rappels de mesures financières récentes au secteur, et inspirent trois réflexions que je veux partager.
Le constat :
Il s’impose de toute évidence, jamais une si importante masse d’argent public, n’a été investi dans le secteur des transports aériens au Sénégal, en une si courte période (2016 – 2020).
Création de Air Sénégal SA avec un capital de 40 milliards de FCFA, entièrement libérés ;
Acquisition d’actifs avions (2 ATR – 2 A330) à près de 200 milliards de FCFA, avec émission de lettres de garantie souveraine de l’Etat ;
Paiement cash de PDP (Pre Déposit Payment) à Airbus, ayant permis les acquisitions des Airbus A330, 60 milliards de FCFA ;
Investissements pour la rénovation des aéroports intérieurs, St Louis en 1er ;
Pour le soutien au secteur face du désastre du COVID 19, injection directe de 45 milliards de FCFA prévus pour les plans de développement de la compagnie nationale.
En comptant pour le moins, c’est autour de 300 milliards de FCFA qui ont été introduit en investissements et cautionnements d’Etat, dans le secteur du transport aérien sénégalais. Cela fait beaucoup d’argent ; une moyenne arithmétique simple donnerait près de 80 milliards chaque année pendant 4 ans. Ceci peut traduire sans contestation possible, une réelle volonté du Président de la République de doter le Sénégal d’un secteur des transports aériens bien performant lui faisant renouer avec sa vraie place de leadership dans la sous-région en Afrique de l’Ouest.
Ce que naguère, il fut.
Mais ce constat rédhibitoire est vite douché par l’observation de paradoxes présents dans ce secteur des transports aériens sénégalais, qui viennent noyer toute perspective d’organisation rationnelle et de construction durable en son sein.
C’est ce qui vient alimenter mes 3 réflexions suivantes :
Pendant plus de 20 ans, notre pays, à l’instar de beaucoup d’autres en Afrique de l’Ouest, a toujours échoué dans la volonté de se doter d’un pavillon national pérenne, engloutissant pour sa part, en pure perte, plusieurs dizaines de milliards de FCFA d’argent public, et à l’échelle de la seule Afrique de l’Ouest, à l’unisson de tous les autres pays francophones, bien au-delà de 500 milliards de FCFA.
Aussi, la question est ouverte et permanente chez tous les spécialistes de l’activité aérienne internationale, dans toutes les instances professionnelles, sommes-nous toujours ainsi abonnés à l’échec ? Notre expérience actuelle avec Air Sénégal SA, offre-t-elle une garantie pour dire que cette fois-ci, banco !!! Demain, ce sera un succès ? Est-on certain, qu’avec la nouvelle orientation du pavillon national, la qualité professionnelle et technique de la gouvernance actuelle, la trajectoire est la bonne ? Vaines conjectures… oiseuses ratiocinations… douteuses élucubrations… me diront certains, « la preuve du pudding, c’est qu’on le mange », et « c’est en forgeant que l’on devient forgeron ». Soit. Demain, le temps, rendra son verdict.
Pour ma part, j’ai toujours pensé, parmi bien des causes, de flagrantes erreurs de casting de dirigeants, un manque notoire d’évaluation périodique, et aussi de sanctions, ont toujours présidé au choix de responsables dans le management de nos différentes compagnies nationales, et des structures techniques dans notre secteur aérien. Ceci a eu toujours cours au travers de tous les régimes politiques qui se sont succédés dans notre pays.
Ainsi pouvons-nous observé, sans que cela ne dérange outre mesure, sur le cours des 8 dernières années seulement, nous avons eu la prouesse d’aligner 5 Directeurs Généraux pour nos compagnies aériennes se succédant, 6 ministres des transports aériens en tutelle du secteur, se passant les services, dans un parfait et immuable protocole. Bien bravo !!! Disent les antillais, éternel recommencement, belle continuité. Continuité… Voilà un maître-mot que l’on peut retrouver dans le success-story de Ethiopian Airlines.
Durant ses 75 ans d’existence, on constate aisément que c’est pratiquement la même Direction Générale, qui depuis 40 années maintenant, est aux commandes du management général de la compagnie aérienne N°1 en Afrique. Guirma, Tewoldé, busera, Guétachew, voilà des noms emblématiques à ADDIS ABABA et consubstantiels à l’existence de la compagnie éthiopienne, qui ont eu à forger et à camper durant toutes ces années, l’orthodoxie de la gestion de Ethiopian Airlines. Ainsi peut-on mesurer le succès actuel de cette compagnie, au produit d’une longue mémoire et d’une continuité d’expériences vivantes et cumulées, portés par les mêmes hommes et femmes qui, comme des moines inépuisables, ont fait du transport aérien de leur pays un invariable sacerdoce. Autre réflexion, et pas la moindre.
Se peut-il qu’Air Sénégal SA, engendre par elle-même et elle seule, un développement d’envergure internationale, sans partenariat stratégique, une sorte d’impulsion continue en auto-développement sui-generis. Pour ma part je ne le pense pas. La réalité et la nature de cette industrie mondiale, avec ses acteurs globalisés, ses infrastructures et ses technologies standardisées et unifiées, inextricablement connectées, commande obligatoirement à des partenariats et des alliances stratégiques, qui devraient en épouser la forme et le fond. C’est une condition de survie et d’existence, et l’heure semble en avoir sonnée hic et nunc, pour notre pavillon national. Après ses premières années de déploiement d’une activité prometteuse reconnue par la plupart des observateurs, et d’un réseau encore largement extensible, il urge, il est indispensable de nouer un partenariat stratégique, avec une compagnie aérienne d’envergure internationale et de 1er plan. Ce choix sera stratégique, important et décisif.
La compagnie partenaire ne devra aucunement être une concurrente, mais devra apporter plutôt une complémentarité sur plusieurs aspects de l’activité aérienne, tant en actifs d’exploitation, en maintenance, en formation, qu’en management…, sur lesquels Air Sénégal SA pourra élargir ses capacités et moyens techniques et le déploiement de son réseau et de son rayon d’action. Ce partenariat aussi, devra reposer quelque part, sur un partage de vision et une commune orientation de politique internationale, entre les 2 pays des deux compagnies. Ceci pour garantir le développement d’un partenariat solide et durable, dans un tandem win-win et pour les intérêts bien compris de notre pavillon national.
L’ANNULATION DE LA DETTE, UNE JUSTICE SOCIALE ET ECONOMIQUE RENDUE A L’AFRIQUE
La pandémie du Coronavirus va plonger les états du monde dans un cycle d’endettement infernal. Elle a mis l’économie mondiale sous assistance respiratoire par intubation au moyen de la dette.
La pandémie du Coronavirus va plonger les états du monde dans un cycle d’endettement infernal. Elle a mis l’économie mondiale sous assistance respiratoire par intubation au moyen de la dette. La crise du COVID-19 coûte aux états des centaines de milliards de dollars de dette à cause du confinement qui provoque une baisse de l’activité économique. Cette crise sanitaire est aussi une crise d’inégalités entre les pays et les peuples. Les projections et les perspectives sont plus sombres pour l’Afrique que pour n’importe quelle autre région du monde : des millions de morts et de victimes de la faim.
Le panier de devises de référence
Mais tous les états ne sont pas égaux par rapport aux effets néfastes de cette dette. Les états dits développés, possédant les monnaies qui composent le panier des devises de référence ont plus de facilités de faire face aux affres de la dette. La Chine peut payer sa dette ou ses importations par son Renminbi, les USA par leur Dollar, le Japon par son Yen, l’Europe par son Euro et le Royaume-Uni par sa Livre Sterling. Leurs banques centrales respectives vont financer toute leur dette. L’Afrique n’a ni cette possibilité ni cette opportunité car sa dette est libellée en devises étrangères.
Le prix de l’argent
Le prix de l’argent est excessivement cher en Afrique comparé à celui de l’argent dans les pays du nord qui sont à des taux d’intérêts négatifs et nuls. Un dollar de dette coûte 3 à 4 fois plus cher. Ce faux prix inéquitable de l’argent est justifié par la surévaluation des risques de sécurité encourus en Afrique dont ils ne seraient d’ailleurs pas étrangers. Dans ce contexte, la charge de la dette publique africaine (intérêts de 6%) devient 6 fois plus lourde que la charge de la dette des pays occidentaux. La charge de la dette baisse en Europe alors qu’elle nous étouffe en Afrique. Si ce taux d’intérêt était pratiqué par les banques américaines, tous les dollars traverseraient les océans pour atterrir et se réfugier en Amérique. Il en résulterait une forte appréciation du dollar. Dans notre cas aucune monnaie africaine n’a profité de ces taux exorbitants, au contraire elles se déprécient. C’est d’ailleurs, tout le sens de la monnaie commune (pas de monnaie unique, c’est un autre débat) qui serait la base monétaire de tous nos échanges commerciaux et financiers internationaux. Elle jouerait le rôle de monnaie continentale à côté de nos monnaies nationales comme le dollar américain a joué le rôle de monnaie internationale à côté des monnaies nationales de tous les pays. Notons en passant qu’un taux d’intérêt négatif est intuitivement et rationnellement incompréhensible et inacceptable. Il ne peut être que le résultat d’un gangstérisme financier auquel on a confié notre droit régalien de contrôler la monnaie. Nous avons accusé la planche à billets de créer de l’inflation, le gangstérisme financier nous apporte non seulement l’inflation, mais aussi la spéculation financière à l’origine des crises telles que celle boursière de 1929 et celle bancaire de 2008 liée aux subprimes. Cette crise de 2008 a couté des milliards de dollars au contribuable européen et américain dont leurs états sont venus en sapeurs-pompiers pour éteindre le feu allumé par cette classe de gangsters financiers égoïstes et voraces qui ne se nourrit que de rente financière. Notre système financier peut mobiliser les états pour sauver les intérêts de créanciers privés tapis dans des banques mais reste insensible aux crimes sociaux commis par un endettement qui ne finit de dévorer toutes les ressources ainsi que la croissance de nos économies africaines.
Taux de croissance vs taux d’intérêt
Il faut remarquer que fixer un taux d’intérêt au même niveau ou plus qu’un taux de croissance est économiquement irrationnel. La tendance à la baisse des taux de croissance en Europe a entrainé le nivellement vers le bas des taux d’intérêts. Mais l’Afrique ne peut pas en profiter à cause des prétendus risques d’instabilité et de sécurité de ses états.
Le mécanisme de règlement de la dette
La dette mondiale représente trois fois le PIB mondial, c’est-à-dire la richesse mondiale. Elle ne peut donc être jamais payée. Le mécanisme de remboursement de la dette publique est une technique financière qui ne fait qu’augmenter la dette. On paye la dette par la dette (soule bouki, souli bouki). La dette des états augmente continuellement, les services de la dette s’envolent, grignotent des marges progressivement sur le budget chroniquement déficitaire, affectent la dynamique des dépenses sociales pour se traduire en termes d’instabilités sociale, politique et économique (pauvreté, inflation, ignorance, chômage, maladies, insécurité, incapacité, nonchalance démocratique, émeutes,….). L’Eldorado financier du monde L’Afrique est devenue l’Eldorado financier du monde. Nous avons les plus fortes rémunérations du capital financier dans le marché intérieur comme extérieur. Nous avons des prairies favorables à la fructification et au développement du capital financier international. Nous avons de la croissance, nous avons des matières premières, nous développons nos infrastructures, nous sommes bien connectés au reste du monde,... Autant nous aiguisons l’appétit des gangsters financiers, autant nous devons transformer ces avantages en atouts pour imposer notre droit à une justice économique et sociale.
Les mécanismes de répartition des richesses et le nouvel ordre mondial
De l’esclavage à la colonisation en passant par l’organisation mondiale du commerce (OMC) et l’endettement administré, nous avons été toujours victimes du partage des richesses et des patrimoines de ce monde. A travers l’esclavage, l’Amérique a disposé de l’énergie renouvelable la plus valorisée de l’époque, la force humaine des esclaves plus productive que les machines dans l’exploitation des plantations de canne à sucre. Le nombre d’esclaves était pris en compte dans le patrimoine des maitres qu’il rendait les plus riches de leur classe. Le travail forcé et l’exploitation des ressources de l’Afrique imposé par le système institutionnel violent de la colonisation ont dépecé le continent de sa richesse au profit de la France et du Royaume-Uni. Cette forte contribution de l’Afrique à travers sa force de travail et ses ressources dans le progrès économique, scientifique et technique de la planète a été mise sous silence, ignorée voire banalisée. Les mécanismes violents de la dynamique de la répartition des richesses et des patrimoines dans le monde ont toujours agi en faveur du plus fort et au détriment du plus faible. L’expropriation par la violence et la force n’a jamais été légitime ni juste.
La conscience humaine n’a pu supporter l’injustice de ces horreurs. Des voix comme celle d’Abraham Lincoln se sont élevé pour exiger l’abolition de l’esclavage et d’autres la libération des nations africaines. Ces traitements inhumains qui heurtent la conscience démocratique en violant le droit des peuples à la liberté et au développement se réadaptent dans le contexte nouveau de la mondialisation par le libre échange régi par le cadre institutionnel international, l’organisation mondiale du commerce. Il s’agit de déployer l’appareil commercial partout en confinant l’appareil de production qui crée des emplois dans les pays développés. Ce nouveau mécanisme de répartition des richesses était accéléré par la détérioration des termes de l’échange qui transfère toujours nos revenus vers les pays du nord. Cependant, ce mécanisme de libre échange commercial sera dénoncé et remis en cause par les USA parce qu’il ne les arrange plus.
Le mécanisme n’est plus performant ni efficace pour canaliser la richesse du monde vers leurs économies. Le mécanisme de libre-échange redistribue leur appareil de production à l’extérieur, au-delà de leur zone et frontière, en Chine notamment. La Chine est devenue l’atelier du monde qui ruine leurs emplois par la délocalisation d’entreprises doublée d’une agressivité commerciale féroce qui secoue profondément les bases de leur libéralisme économique. Toute leur richesse est tirée vers la Chine de la même façon que l’Afrique l’a subi sans crier. Ils brandissent maintenant l’arme du protectionnisme, en violation flagrante du dogme libéral du libre-échange. Il ne leur reste plus que le mécanisme de l’endettement à des taux d’intérêts usuraires pour continuer à pomper nos ressources. La présence de la Chine sur tous les fronts (financier, commercial, industriel,…) les empêche de plus en plus de déséquilibrer l’échange en leur faveur. Plus encore, la Chine revendique, à la place du panier des cinq devises, les monnaies de référence officiellement reconnues par le FMI et auxquelles le DTS se laisse convertir, une monnaie internationale par rapport à laquelle toutes les monnaies sont d’égale dignité. Ils constatent que tous leurs avantages liés à l’ordre et aux mécanismes qu’ils sont établis sont en train d’être chahutés par la Chine. Pour survivre, ils doivent se réadapter en se réorientant vers de nouveaux sens et un nouveau jeu plus juste et plus équitable. Le nouvel ordre international se fera, avec la Chine au centre du jeu, pour renouveler les enjeux du bonheur humain fondés sur la paix, la liberté, l’égalité, le progrès économique, social et démocratique et le bien-être écologique.
Mobiliser le leadership africain
L’après Coronavirus serait fatal à nos économies. Il ne faut pas minimiser les prévisions des institutions internationales, elles sont bien informées. Sous une dette qui explose, les conséquences peuvent aller du chômage à l’aggravation de la pauvreté, en passant par des coupures sur les salaires, des réductions de dépenses publiques sur la santé, l’éducation, les subventions,…. Le président Macky Sall, bien conscient de ces revers éventuels a voulu anticiper en exigeant l’annulation de la dette. Il ne doit pas rester solitaire dans ce combat. Nous saluons la mobilisation de tout le leadership africain pour l’accompagner dans ce combat que nous pouvons gagner. C’est un combat politique, ce n’est pas un combat de spécialiste, même si cette bataille a besoin d’une légitimation et d’une légitimité technocratique. Le déterminisme politique de la répartition des revenus et des patrimoines porté par les mouvements sociaux, syndicaux, politiques et des sociétés civiles a toujours triomphé du déterminisme économique des technocrates. Ce combat pose la problématique des inégalités sociales et économiques entre les pays et les peuples sous l’angle de la répartition juste et équitable des richesses et des patrimoines de la planète.
Résumé
En résumé, l’annulation de la dette se justifie par le privilège que détiennentles pays développés dont leurs cinq monnaies composent le panier de devises internationales d’user de la planche à billets. En outre, le service de la dette qui est chargée d’intérêts usuraires augmente chaque année et grignote les dépenses sociales en creusant le déficit budgétaire. Le mécanisme de paiement de la dette publique fait que l’on ne peut jamais la payer entièrement. La dette même effacée en partie se reconstitue rapidement. Les états paient les intérêts sur la dette et enroule le principal (de l’argent virtuel, voir mon blog seneweb) dans une nouvelle dette qu’il faut encore continuer à payer. On paie la dette par la dette en s’endettant toujours à nouveau. Le service de la dette grossit, grossit encore, grossit toujours, avec une dette qui luimême ne peut cesser d’augmenter. On se retrouve donc avec un budget qui risque d’être complètement englouti par le service de la dette. On n’est donc obligé d’effacer la dette qui s’accumule ou une partie à défaut de pouvoir la rembourser. Les bailleurs sont d’ailleurs bien conscients de cette situation, qui les pousse à annuler de temps à autre la dette de quelques pays ciblés. L’objectif de l’annulation de la dette est d’apporter à nos états une bouffée d’oxygène qui leur permet de prendre correctement en charge leurs dépenses de santé et d’éducation mais aussi et surtout de relancer leur économie. Merci de rendre cette justice sociale et économique à l’Afrique.
Dr. Abdoulaye Taye
Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop Initiateur du RBG-AMO
Opérateur politique
par Papa Demba Thiam
CONSTRUIRE L'AFRIQUE AVEC MOINS DE DETTE
Impulsés par des fonds publics limités, des investissements privés seront le moteur d'une croissance inclusive portée par plus de création de valeur dans un ensemble intégré
Le Point Afrique |
Papa Demba Thiam |
Publication 24/04/2020
Dans le contexte des mesures d'urgence de lutte contre les conséquences sanitaires et économiques de la crise du Covid-19, il importe de décrypter la réalité des financements proposés à l'Afrique. Certains de ses pays, parmi les 25 les plus pauvres du monde, bénéficient d'aides spéciales du FMI pour rembourser leurs dettes pendant ces six prochains mois. Ce sont des dons. D'autres utilisent des droits de tirage spéciaux (DTS) pour obtenir des prêts sans intérêts. Mais tous bénéficient d'un moratoire de six mois qui leur permet de ne pas payer les intérêts de leurs dettes pour cette période. Enfin, la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque mondiale (BM) offrent des ressources supplémentaires y compris par la réallocation des fonds de certains projets qui étaient déjà approuvés.
Dette africaine : un puits sans fond
Bien qu'appréciés par les gouvernements africains, ces efforts ne réduisent pas leurs dettes de manière significative. Certaines de ces mesures en augmentent même le volume. Ce sont pourtant les institutions financières multilatérales qui s'étaient récemment alarmées du poids grandissant de la dette africaine. Le sujet était même au centre de la Conférence de Dakar du décembre dernier sur le thème « Développement durable et dette soutenable : trouver le juste équilibre ». Peu après, s'est ensuivie une polémique entre la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) quant à leurs responsabilités respectives dans l'accroissement de la dette africaine. Au même moment, le cataclysme de la crise du Covid-19 était sournoisement en marche en Chine et vraisemblablement en Italie aussi. Et voilà donc qu'en trois mois, l'urgence de réduire la dette semble rangée au placard par ces mêmes institutions pour parer aux destructions du Covid-19. C'est que les institutions financières multilatérales ne font qu'avec ce qu'elles savent faire le mieux.
Dans ce contexte nouveau, ce sont donc paradoxalement les États africains, encore tout récemment accusés de « frivolité » envers les emprunts, qui ont pris conscience de la nécessité de sortir des cycles d'endettement sans fin qui risquent de noyer leurs économies. L'Afrique, dans le sillage de l'appel lancé par le président du Sénégal Macky Sall, réclame maintenant l'annulation pure et simple de la totalité de sa dette publique ainsi que la restructuration et le rééchelonnement de sa dette privée. Même le pape François s'y est mis lors de son homélie de la messe de Pâques, suivi par le président français Emmanuel Macron. Au-delà même de la faisabilité d'une telle opération, il convient de replacer la dette dans le contexte de son expansion.
L'endettement, fruit d'un système
À chaque modèle économique, son système d'endettement. Celui hérité du « consensus de Washington » n'a été le bon ni pour l'Afrique ni pour les pays développés. Parce que dans les pays occidentaux, l'endettement public massif a été favorisé par la mise en œuvre des dix « commandements du consensus de Washington » pendant les années où Margaret Thatcher était Premier ministre de Grande-Bretagne (1979-1990) et où Ronald Reagan a présidé les États-Unis d'Amérique (1981-1989). Concrètement, il s'agissait de libéraliser toutes les économies et de privatiser la plupart de leurs entreprises publiques.
Le désinvestissement dans l'industrie et les infrastructures
Des arrangements devant donner naissance à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ont préparé presque tous les pays à s'ouvrir au libre mouvement des biens et services. Résultat : beaucoup d'entreprises des pays de l'hémisphère nord se sont délocalisées vers les « économies des marchés émergents ». Ayant laissé faire, les États ont littéralement cessé d'investir dans les infrastructures, la santé, la recherche-développement et bien d'autres domaines d'importance comme l'industrie, pour laquelle presque plus aucune politique n'a été poursuivie dans plusieurs pays…
En effet, excepté les pays du nord de l'Europe, l'Allemagne et la Suisse, qui ont maintenu leurs bases industrielles avec force internalisation de chaînes de valeurs pour la protection de leurs labels économiques, la plupart des économies occidentales se sont mises en mode « pilotage automatique » sous la férule d'institutions nationales et multilatérales dont la particularité était d'être administrées par des bureaucrates.
L'affaiblissement de pays développés
Ainsi a été poursuivi un modèle de globalisation qui a, petit à petit, fabriqué de la pauvreté dans des pays dits développés. L'explication en est simple. Les investisseurs privés occidentaux eux-mêmes étant allés ailleurs financer et monter des usines pour fabriquer à bas coûts, ont exporté vers les économies des marchés émergents, technologie, savoir-faire et emplois. Ils ont contribué à augmenter la masse de produits importés en Europe, aux USA et en Afrique. Pire, même les services s'y sont mis. Il en est ainsi de la comptabilité qui, entre autres services, a été délocalisée.
La conséquence en est que les pays occidentaux et l'Afrique sont peu à peu devenus des marchés de consommation alors que le chômage et la pauvreté s'y développaient. Dans cette affaire, ils ont tous beaucoup perdu. Non seulement les États concernés ont perdu d'énormes recettes fiscales et budgétaires, mais encore, ils ont été obligés de financer leurs filets de sécurité sociale par de l'endettement public. Ainsi, l'essentiel de leurs dépenses publiques financées par l'endettement n'étaient plus des investissements publics pouvant générer des ressources pour les rembourser. La crise fiduciaire et financière de 2008 a achevé d'installer ces États dans un endettement structurel que la lutte contre la crise du Covid-19 risque d'aggraver.
La dévastation de l'Afrique
Les économies africaines, qui souffrent depuis les années 1970 des sécheresses combinées avec la détérioration des termes de l'échange et des crises pétrolières, ont été plus encore touchées par le diktat du « consensus de Washington ». Parce que les conditions drastiques mises à l'accès aux ressources financières bilatérales et multilatérales se sont multipliées : mise en œuvre de « programmes de stabilisation » et de « programmes d'ajustement structurel » avec le FMI et la BM, conformité aux règles et disciplines de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), désengagement public d'« entreprises non essentielles », « privatisation » de la fourniture de services publics, embargo sur tous les investissements à « coefficient de capital élevé », etc. Conséquence : les investissements dans les infrastructures, la recherche, l'éducation, la santé et d'autres systèmes et structures de développement économique et social ont été abandonnés. Dans le même temps, l'ouverture progressive au commerce consacrée par les accords instituant l'OMC qu'ils ont signés s'est imposée aux États africains.
Le contre-système des économies des marchés émergents
Si l'Europe, l'Afrique et les États-Unis se sont laissé entraîner dans une fabrique de pauvreté, à des degrés divers, par la mise en œuvre du « consensus de Washington », les économies des marchés émergents ont opté pour une autre approche. Dirigés par des « gouvernements stratèges » qui croient dans la politique de développement, des pays comme la Chine, la Corée du Sud, le Vietnam, Taïwan, Hongkong, Singapour, la Malaisie, l'Indonésie, les Émirats arabes unis, la Turquie entre autres, ont utilisé de l'argent public en quantité plus limitée pour construire des « plateformes de compétitivité intégrées » (PCI) dans de nombreux secteurs économiques. Cela leur a permis d'attirer massivement des « investissements directs étrangers » (IDE).
De fait, alors que l'Europe et les États-Unis d'Amérique délocalisaient massivement leurs entreprises et que l'Afrique se confinait davantage dans son rôle de fournisseur de matières premières, les économies des marchés émergents accumulaient du capital financier grâce à leurs recettes fiscales et douanières accrues. Ceci a été rendu possible par des politiques volontaristes, interventionnistes et rigoureuses par lesquelles elles ont soigneusement évité de financer leur essor par un endettement massif.
Voilà pourquoi, alors que la question de la dette publique est sur toutes les lèvres, il n'y est pas beaucoup question de celle de ces pays. Ceux-ci ont plutôt acheté de la dette publique des pays occidentaux, investi dans leurs infrastructures, prêté de l'argent et soutenu leur secteur privé en Afrique avec des stratégies interventionnistes qui ont permis de renforcer leur présence dans des secteurs comme les infrastructures, les mines et les grands travaux. C'est comme cela que la Chine est devenue créancière pour environ 40 % de la dette africaine. Elle dispose ainsi d'un pouvoir de négociation qui la rend incontournable dans toutes les discussions concernant la dette africaine. La prise de conscience que permet la crise du Covid-19 est donc une chance pour l'Afrique de changer son modèle de développement ainsi que son mode de financement.
Comment l'Afrique peut-elle prendre sa chance ?
Les investisseurs des économies des marchés émergents ayant tendance à développer l'expertise nécessaire pour suivre des opportunités, il convient d'élaborer et de présenter des notes de politique à des communautés financières et industrielles auxquelles il faut démontrer la transparence et la cohérence de nouvelles stratégies d'allocation d'actifs financiers en Afrique. L'avantage est que cela met en évidence des opportunités d'investissements rentables en Afrique, même à court terme. Une telle approche pourrait donner lieu à des programmes de « coentreprise » et faire naître des « consortia d'investissements » avec des « Partenariats Stratégiques Public-Privé sur les Chaînes de Valeurs » (PSCV).
Les modèles de partenariat proposés s'appuient sur la transformation industrielle des ressources en Afrique pour créer des pôles de croissance qui sont reliés entre eux par des plateformes logistiques qu'il faut installer sur des chaînes de valeurs. Ils s'appuient sur une logique d'intégration économique et spatiale qui distribue des potentiels de croissance intégrés et complémentaires en Afrique. C'est comme cela qu'on pourrait graduellement construire en Afrique une constellation de « centres de croissance multipolaires » (CCMP) qui seront reliés par une capillarité de chaînes de valeurs qui traversent les espaces régionaux et sous-régionaux du continent. C'est là une manière de bâtir des économies africaines coémergentes et résilientes sur leurs forces, tout en y créant des millions d'emplois durables pour éradiquer la pauvreté, définitivement.
Il s'agit bien de créer toute une machinerie économique intégrée et de la mettre progressivement en branle. Il faut donc commencer par identifier des pays africains qui abritent une masse critique de systèmes et structures qui leur permettent de fonctionner comme des locomotives pour la coémergence du continent. L'analyse montre que plusieurs pays sont conséquemment configurés pour être renforcés et pour jouer ce rôle. Il est possible d'illustrer cela avec le cas du Maroc.
Pourquoi le Maroc pourrait être un exemple de locomotive
D'abord, le Maroc était déjà assez engagé à revoir entièrement son modèle de développement avant l'avènement du Covid-19, avec sa « commission spéciale sur le modèle de développement » (CSMD). Le pays est aussi géotratégiquement bien situé entre l'Afrique et l'Europe qui est à seulement 14 kilomètres de ses côtes maritimes. Il est voisin immédiat avec l'Afrique subsaharienne, ce qui a encouragé ses dirigeants à demander son adhésion à la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest » (Cedeao)). Donc rien que de par sa position géostratégique, le pays pourrait jouer un rôle important dans le cadre de la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECA). Il pourrait donc devenir un « centre de croissance multipolaire » (CCMP) avec aussi bien des effets de polarisation d'activités économiques au Maroc que des effets de diffusion de nouvelles opportunités économiques sur l'Afrique. Cet élément est essentiel pour la construction de chaînes de valeurs continentales et pour des partenariats en coentreprise qui connectent l'Afrique et le reste de l'économie mondiale.
De plus, dans le cadre de la lutte immédiate contre les effets sanitaires et économiques du Covid-19, la base industrielle naissante et en pleine dynamique du pays, a démontré beaucoup de flexibilité et d'agilité en convertissant rapidement des lignes de production industrielle pour fabriquer des produits prophylactiques qui sont indispensables pour limiter la propagation du Covid-19. Par exemple, des usines pour produire des masques et du gel hydroalcoolique y ont été mis en place en très peu de temps au moment où des pays développés se battaient sur des cargaisons de ces mêmes produits venant d'Asie. Il faut encore noter que le pays est en train de se doter rapidement d'une culture industrielle qui essaie de maximiser le contenu local des chaînes de valeurs globales, ce qui contribue à y changer mentalités et comportements. Par exemple, les initiatives prises dans le domaine de l'industrie automobile où la valeur locale n'a cessé d'augmenter, illustrent le volontarisme efficace porté notamment par son ministère du Commerce, de l'Industrie, de l'Investissement et de l'Économie numérique qui est déterminé à pousser le pays à bâtir son économie sur ses forces.
Tout cela prédispose le Maroc à tester l'efficacité des « partenariats stratégiques public-privé sur les chaînes de valeurs » (SPCV) en utilisant des fonds publics limités pour attirer des investissements privés massifs avec une combinaison d'ingénieries technique, économique et financière taillées sur mesure.
À court terme, le gouvernement marocain pourrait émarger des fonds d'amorçage pour identifier des grappes potentielles dont le développement pourrait soutenir la transition du secteur informel et le restructurer pour augmenter sa productivité, sa compétitivité, et ainsi créer des centaines de milliers d'emplois durables pour les jeunes. L'utilisation de ressources financières publiques limitées permettrait aussi d'identifier des possibilités d'investissement dans des grappes économiques et des chaînes de valeurs aptes à soutenir ce modèle d'intégration économique inclusive en Afrique, parce que fondé sur la transformation de ses « avantages comparatifs » en « avantages compétitifs ».
À moyen terme, la mise en place d'un « fonds de développement de projets » (FDP) pourrait aider à financer le développement de projets jusqu'à des niveaux de maturité et d'appréciation des risques qui permettent de les « revendre » aux investisseurs privés.
L'identification, le développement et la coordination d'un tel modèle de croissance inclusive et progressivement intégrante à l'échelle du continent, passe par le développement des capacités d'« entrepreneuriat institutionnel » au Maroc et progressivement dans d'autres pays. Les bureaucrates peuvent être aidés à se muer en « entrepreneurs institutionnels » par de la formation dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie proposée. Cela permettrait de concevoir et multiplier plus rapidement des « partenariats stratégiques public-privé sur les chaînes de valeurs » multidimensionnels autour de projets en grappe et présenter des opportunités concrètes d'investissements solidaires aux investisseurs privés et institutionnels. Cette opération de « promotion proactive des investissements » (PPI) pourrait se faire avec la mise en place de systèmes et structures d'une « conférence permanente des investisseurs du Maroc » (CPIM). Une manière d'y réorienter et de restructurer la promotion des investissements et de l'adapter à la stratégie proposée.
Ce sont là des éléments de stratégie dont la diplomatie économique marocaine pourrait rapidement se servir pour soutenir ses discussions en cours avec les dirigeants africains et qui pourraient aboutir à un projet de coémergence africaine. Le Maroc n'en serait qu'une des premières étapes dans la construction de « centres de croissance multipolaires » (CCMP) partout en Afrique, avec la même doctrine et les mêmes principes. Dans le contexte actuel, un tel modèle fait sens. Il réduit l'usage de fonds publics au minimum et élimine la tendance à l'endettement public. Un pas important pour reconstruire les économies africaines sur des bases endogènes plus saines pour, enfin, hâter l'intégration économique et spatiale du continent dans des directions pertinentes et acceptables pour tous ses États.
Papa Demba Thiam est un économiste sénégalo-suisse, ex-cadre de la Banque mondiale est professeur et entrepreneur privé pour le développement des chaînes de valeurs.
Par Hakim Ben HAMMOUDA
COVID-19 : CRISE SUPREME DE LA GLOBALISATION ?
La globalisation est au centre des questions, critiques voire même rejets dans cette guerre contre la pandémie.
La pandémie est en train d’opérer des transformations radicales et une remise en cause sans précédent de notre monde. Ce sont nos rapports avec l’autre, avec la maladie, avec le corps et avec le monde qui sont en plein bouleversement, avec aussi une grande part d’incertitude qui est au centre des angoisses et des peurs sur l’avenir.
La globalisation est au centre des questions, critiques voire même rejets dans cette guerre contre la pandémie. Pour beaucoup, cette dynamique présentée par le néo-libéralisme triomphant au début des années 1980 comme une réponse à la crise de l’Etat providence et un moyen pour l’individu d’échapper au monde rigide de la modernité et d’atteindre les joies de la post modernité est remise en cause un peu partout. N’est-elle pas à l’origine de la marginalisation du social dans les politiques publiques et dans les choix de politique économiques ? N’est-elle pas derrière le retrait de l’Etat dans la gestion et la régulation de l’ordre marchand ? N’a-t-elle pas été à l’origine des dérives financières d’acteurs en quête de profit ? N’est-elle pas finalement à l’origine de tous les désordres et des turbulences que notre monde traverse depuis de longues années ?
La globalisation néo-libérale est au centre des critiques et des remises en cause que nous vivons aujourd’hui face à la pandémie. Et, le Covid-19 semble bien annoncer sa crise suprême et le début de la quête d’un ordre global plus solidaire et porté par les valeurs humaines plutôt que par les intérêts individuels et la recherche effrénée du profit et l’appât du gain. Et pourtant cette crise n’est pas la première.
De notre point de vue, la globalisation a traversé cinq grandes crises et mutations profondes qui auraient dû annoncer sa fin. Mais, elle a toujours réussi à se relever et à s’offrir à la face du monde comme l’ordre ultime des temps post-modernes et la seule forme d’organisation sociale et internationale. La première est sans aucun doute la crise financière de 2008. La révision de la notation de Moody’s a été à l’origine de la faillite retentissante du mastodonte bancaire Lehman Brothers le 15 septembre 2008.
La fin d’une ère pour l’un des fleurons de Wall Street, et le début de l’une des plus grandes crises financières de l’histoire du capitalisme et qui l’a mis au bord du gouffre. Cette crise a été à l’origine d’une critique radicale de la globalisation néo-libérale et des dérives financières qu’elle a entraînées et qui ont failli emporter le capitalisme. Cette crise sera à l’origine du retour de l’activisme des Etats pour recapitaliser les grandes banques et les sauver de la faillite, relancer l’économie et échapper à la grande dépression qui s’annonçait et mettre en place les nouvelles règles afin de faire aux dérives des marchés financiers. On pensait que ces grandes réformes allaient sonner le glas de la globalisation débridée et allaient ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de notre globalité. Mais, une fois le spectre des faillites en cascades des grandes banques passé, nous avons repris nos habitudes comme si de rien n’était et la globalisation a repris ses droits.
La seconde crise de la globalisation néo-libérale a fait suite aux printemps arabes à partir de janvier 2011. Certes, ces révolutions remettaient en cause l’autoritarisme et la tyrannie toute orientale des régimes arabes. Mais, au-delà des revendications d’une plus grande libéralisation des régimes politiques et l’ouverture de l’ordre politique arabe sur la modernité politique et l’universel des libertés, ces révolutions mettaient en exergue la marginalité et l’exclusion sociale de régimes considérés par les institutions internationales comme des élèves modèles.
Les révolutions arabes vont mettre à l’ordre du jour la question sociale et feront l’une des critiques les plus acerbes de la globalisation qui a accentué les inégalités sociales qui seront au cœur des crises des systèmes démocratiques et de la montée du populisme. Cette critique sera documentée dans différentes études et essais qui deviendront des bestsellers globaux et contribueront à délégitimer la globalisation. Ces critiques seront à l’origine de l’arrivée de la question de l’inclusion sociale et des solidarités.
La troisième grande crise est liée à l’accident nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011. C’était un accident industriel majeur qui s’est produit suite au séisme et tsunami sur la côte pacifique de Tohoku. Cet accident a rapidement mis en lumière les effets dévastateurs de la globalisation sur la nature et la détérioration de notre environnement avec cette course effrénée au productivisme. Certes, les questions du réchauffement climatique étaient depuis quelques années au centre des débats globaux, mais, sans que la communauté internationale ne soit en mesure de lever de grandes résistances et de ralentir le rythme et la vitesse de la globalisation. Or, Fukushima sera à l’origine d’un changement majeur dans le débat global et les impératifs du développement seront au centre de la quête d’une nouvelle globalité respectueuse de l’environnement et de la nature. La quatrième crise est liée à un développement majeur survenu au cours de l’année 2013 avec l’avènement de la Chine comme la première puissance commerciale mondiale avec un poids total dans les échanges mondiaux de 11% dépassant ainsi pour la première fois les Etats-Unis dont la part était de 10,3%.
Certes, la Chine était devenue depuis 2009 le premier exportateur mondial, mais elle va devenir progressivement la plus importante puissance économique mondiale et dans son sillage les nouvelles puissances émergentes dont l’Inde, le Brésil, l’Argentine, la Turquie, l’Afrique du Sud et bien d’autres pays en développement sortis de leur marginalité. L’avènement de ces nouvelles puissances va rompre l’hégémonie occidentale sur la globalisation néo-libérale et l’ouvrir à l’Autre.
Enfin, la cinquième concerne la gouvernance globale et l’avènement du G20 en 2011 suite à la grande crise financière. L’avènement de cette nouvelle institution a montré les limites des formes traditionnelles des mécanismes de coopération internationale de la globalisation néo-libérale dont le G7 et le besoin d’un multilatéralisme nouveau ouvert à la diversité du monde et inclusif pour la marge et les plus faibles. Or, ces nouvelles formes ont été rapidement marginalisées et le G7 a repris ses droits. De même les institutions internationales comme le FMI ou la Banque mondiale ont rechigné à faire les réformes nécessaires pour s’ouvrir aux autres nations.
La crise du Civid-19 ouvre une nouvelle dans les crises de la globalisation néo-libérale. Sera-t-elle la plus importante et la crise suprême qui nous permettra de construire un nouveau monde global plus solidaire, inclusif et durable. Ou reprendra-t-elle ses droits dès que la crise du Covid-19 sera dépassée ? C’est de nous que dépendra l’issue à cette crise et de notre capacité à reconstruire le projet démocratique et solidaire mis à mal à travers le monde par l’égoïsme et la vanité du projet néolibéral.
Hakim Ben HAMMOUDA
Economiste et Ancien Ministre de l’Economie et des Finances de Tunisie
par Abdallah Atyr Ba
LES MAIRES ET LA PÉRIODE POST COVID-19
Dans le nouvel ordre qui se dessine, des textes clairs devront donner aux élus des attributions sans ambages et leur assurer, un certain nombre de garanties et de droits
La pandémie du Covid-19 a bouleversé le monde et ses effets sur l'homme, son environnement, son mode de vie et les différents systèmes d'organisation mis en place sont encore méconnus. Mais d'ores et déjà, la situation actuelle a fini de tracer les contours du rôle et de la place de l'élu local auprès de ses administrés. Une occasion pour, au sortir de cette crise, repenser, redéfinir, rehausser, revaloriser et redonner du prestige à cette fonction. Le maire, est un citoyen certes mais, c'est le dépositaire de la confiance de tout un terroir, c'est le représentant d'une communauté – quelle que soit sa taille - il est au service des citoyens. Il a droit à un statut digne de son rang et de sa fonction.
Le processus de décentralisation, au Sénégal, a franchi, ces dernières années, une évolution significative, grâce aux différentes réformes engagées et visant à faire du territoire l'acteur majeur de conception et de mise en œuvre des politiques de développement socio-économique du pays.
Et dans le contexte actuel de lutte contre le Covid-19, les exécutifs locaux au Sénégal, à l'instar de toutes les élites locales du monde, sont en première ligne dans cette bataille engagée contre cet ennemi invisible. Car la proximité aidant, il est plus facile de sensibiliser, de mobiliser et de réaliser le faire-faire.
Plusieurs initiatives de sensibilisation et de mobilisation sont mises en œuvre, dans les contrées les plus reculées du pays, auprès des populations et en fonction des réalités locales, déroulées dans les quartiers et les villages, sans grands rassemblements et avec toutes les précautions préconisées par les autorités sanitaires.
Ainsi donc, des moyens conséquents sont mobilisés, avec une célérité rarement observée dans les procédures d'engagement, de liquidation et de paiement des dépenses, pour faire face à la crise alimentaire, mais aussi pour organiser la résilience au niveau local, avec des actions de soutien aux structures sanitaires et aux comités locaux de lutte contre la pandémie.
Cependant, en dépit de tous ces efforts et nonobstant la kyrielle de possibilités accordées par l'État aux collectivités territoriales depuis l'indépendance, différentes évaluations, tout au long du processus, ont unanimement révélé l'existence de grandes contradictions qui minent la politique de décentralisation au Sénégal.
Après la victoire contre cette pandémie, nous assisterons à une reprise culturelle, sociale, politique et économique…, avec un nouvel ordre. Celui-ci, qui se profile déjà à l'horizon, verra entre autres, immanquablement sous nos tropiques, une redéfinition de concepts tels que solidarité, proximité, décentralisation, territoire, élu local,...
Dès lors, il devient légitime d''engager une sérieuse réflexion sur les jalons à poser, pour aplanir ces écueils de la gouvernance urbaine et/ou territoriale, pour des élus réconciliés, avec eux-mêmes d'abord, avec les services déconcentrés de l'État ensuite, et, avec les organisations de la société civile au niveau local, enfin.
Être élu local au Sénégal, est presque devenu une mission impossible, en raison de la place qu'il occupe dans l'action publique locale et de la fonction même qu'il incarne.
Qu'ils soient maires, adjoints, ou conseillers, ils sont pour la plupart victimes d'un sentiment d'impuissance vis-à-vis des services déconcentrés de l'Etat central (préfet, infirmier, chef de poste, procureur de la République ...) et des organisations de la société civile, (du secteur privé, des mouvements de jeunesse,...)
Dans le nouvel ordre qui se dessine, après cette crise sanitaire, des textes clairs devront donner aux élus des attributions sans ambages et leur assurer, un certain nombre de garanties et de droits pour un statut de l'élu local à la hauteur des défis inhérents à la gestion des affaires sociales, culturelles, domaniales,...locales.
Un statut permettant à ces grands commis au service des collectivités territoriales de bénéficier dès leur installation, des formations nécessaires, susceptibles de les mettre en situation de relever les défis de la représentation, et, de s'acquitter convenablement de leur mission tout en préparant leur insertion professionnelle à l'issue du mandat.
Par ailleurs, désigné pour gérer et administrer les affaires de ses concitoyens, le maire ou le président du conseil départemental doit pouvoir bénéficier d'un régime juridique, dérogatoire au droit commun dans ses rapports avec la justice, pour une nécessaire protection de l'exercice du mandat.
Non ! Le premier magistrat d'une localité au Sénégal, ne devrait plus être embarqué manu militari, pour des faits se rattachant à l'exercice de ses fonctions. Les demandes d'autorisation d'arrestation et les mesures privatives ou restrictives de libertés pourraient être formulées par le Procureur général près la cour d'Appel et transmises au Garde des sceaux, ministre de la Justice. Et celui-ci appréciera le caractère sérieux, loyal et sincère des poursuites civiles ou pénales.
Il ne s'agit pas là de violer le principe sacro-saint de l'égalité des citoyens devant la loi mais d'un souci de protection d'un mandat. Il ne s'agit pas d'un privilège, mais d'un moyen destiné à assurer la liberté nécessaire à l'exercice d'un mandat
Enfin, pour lutter contre la corruption et la concussion dans les Collectivités territoriales, la déclaration de patrimoine devrait être obligatoire, au plus tard un mois après la date de prise de service, pour tous ceux qui ont été désignés pour assurer les charges de chef de l'exécutif local.
Abdallah Atyr Ba est Conseiller Technique AMS
par Philippe Nelson Ndiaye
L'ANNULATION DE LA DETTE PUBLIQUE, VERS UN AUTRE ENDETTEMENT
Le constat est que les nombreux crédits contractés par les Etats n'ont produit aucun effet positif visible à long terme sur le vécu des ménages
L'actualité du moment fortement marquée par la pandémie du covid-19 n'a cessé, depuis janvier 2020, de drainer son lot de polémiques et de théories conspirationnistes.
Dans ce quadrant rocambolesque entre gouvernance, mondialisation, médecine et économie, l'Afrique cherche encore son rythme, beaucoup de gouvernement ont déjà commencé à tirer leur épingle du jeu, d'autres par contre en profite pour avancer leur cartes politiques (faire voter des lois, donner les pleins pouvoirs au président...).
En effet, si certains dirigeants du tiers monde apprennent de la crise pour changer de cap dans la gouvernance, avec des réformes positives, des structures plus durables dans l'appui au développement et l'autonomisation des secteurs industriel et agricole. D'autres par contre s'enfoncent d'avantage dans un cercle vicieux d'endettement, de rééchelonnement de la dette ou tout simplement d'une « annulation de la dette publique » souvent précoce dans des conditions mal négociés.
Au Sénégal, le plan d'ajustement structurel est resté dans les mémoires. En effet, le pays comme d'autres de la sous-région, s'était rapproché du FMI pour un prêt. Le déblocage des fonds de l'institution est cependant toujours subordonné au respect absolu de conditions précises relatives à la gestion économique du pays emprunteur.
En nous arrêtant sur cette première forme de condition, il est clairement visible que la dette ici n'est pas seulement une somme d'argent à rembourser avec ou sans taux d'intérêt sur un délai donné, mais c'est une imposition d'intrusion dans la gestion publique. Vu sur cet angle, si l'économie politique est le socle de la gouvernance, car comme on dit « l'argent est le nerf de la guerre » autrement dit le FMI dicterait sa loi aux gouvernements.
Parmi les nombreuses conditions, il y a la dévaluation immédiate de la monnaie nationale pour stabiliser l'économie, afin de booster les exportations. Cependant, si le pays ne produit pas assez, cela constitue un coût globalement négatif.
Prenons l'exemple de la Chine, en tant que pays producteur à grande échelle, il a la capacité de baisser sa monnaie pour augmenter la valeur de ses exportations et ainsi réduire le coût des importations. Par contre pour le Sénégal qui produit très peu, la charge de ses importations revient plus chère encore pour des exportations presque nulles.
Une autre condition concernait la réduction de façon drastique de la balance des payements, en réduisant les dépenses publiques et en augmentant les impôts afin de dégager les ressources pour payer la dette. La conséquence est la suppression de la gratuité du service public, tel que l'éducation et la santé. Ce qui a mené rapidement à une dégradation des conditions de vie.
D'autres conditions étaient la libéralisation des prix pour favoriser une économie de marché, la réduction des dépenses courantes (baisse des salaires des fonctionnaires et forces de l'ordre, coût élevé de l'électricité... ), la libéralisation du marché du travail (non-respect des conditions légales du travail, augmentation du chômage...), l'élimination des barrières de protection douanière (asphyxie des entreprises nationales), libéraliser les flux de capitaux installation des multinationales, leur accorder des exonérations de taxes (Total, Orange, Auchan...), privatisation du service public, la banque centrale devient indépendante (libre de tout contrôle de l'Etat), etc.
Voilà un ensemble d'éléments qui a ainsi freiné l'élan de développement de la plupart des pays d'Afrique sub-saharienne.
Aujourd'hui, le débat est autours de la nouvelle monnaie africaine l'Eco, pour une nouvelle dévaluation avec 1 euro = 1200 eco, l'économie de nos pays en subirait un coup encore plus énorme et pour une énième fois et pourtant pour éviter cela nos gouvernants n'ont pas facilité les choses.
On croirait presque qu'il manquerait de professeurs d'histoire ou d'économie dans nos différents palais ou que les leaders préfèrent fermer les yeux sur les erreurs passés. Peut-être se disent-ils qu'au moment de payer l'addition et de vivre les conséquences désastreuses de leur choix politiques, ils seront déjà en sécurité avec les leurs, aujourd'hui la pandémie à prouver le contraire.
Bref, le constat est que les nombreux crédits contractés par les Etats n'ont produit aucun effet positif visible à long terme sur le vécu des ménages. C'est le cas d'ailleurs de nombreux ONG et donateurs qui pullulent encore en Afrique, laissant les pays souvent dans des situations pires.
Serait-il ainsi le moment propice de mener une analyse pertinente sur la situation économique, de réfléchir sur les réels enjeux de l'aide international ?
La question était encore en débat lorsque le secrétaire de l'Union Africaine Moussa Faki Mahamat se présentait sur France 24 le 06/04/2020 pour demander un soutien financer, pour faire face au covid-19, à la communauté internationale.
Cette sortie médiatique avait révolté plusieurs activistes panafricanistes, l'avis général voulait que les leaders africains essaient d'abord de trouver des solutions concrètes en interne avant de faire appel à l'aide international.
Il faut rappeler que 5 jours avant (le 01/04/2020), le FMI approuvait un prêt de 221 millions de dollars du président de la République du Sénégal Macky Sall. Ce dernier oubliant ou tout juste minimisant l'histoire encore récente du pays avec le FMI. Allant plus loin, sur France 24 encore au jour du 17/04/2020 il demandait tout bonnement l'annulation de la dette publique pour les « pays pauvres ».
Est-il ainsi possible d'annuler une dette de 365 milliards de dollars pour un emprunteur qui a une industrie presque inexistante, des matières premières et des ressources naturelles encore inexploitées ?
Par Yaye Fatou Sarr
CRI DU COEUR
Ma question est la suivante, si jamais une grande partie de notre personnel de santé devait se retrouver en quarantaine, qui prendra soins de nos malades ?
Dans un esprit qui valse, je pense aux citoyens sénégalais et plus encore au personnel de santé, à nos enfants talibés et à cette population démunie. La sécurité du personnel de santé ne cesse de me titiller la tête. Avec certitude j’ai noté 1 hôpital et 2 centres de santé dont une partie de leur personnel s’est retrouvée en quarantaine. Je ne parle pas de probables autres structures de santé citées dans les rumeurs. Ma question est la suivante, si jamais une grande partie de notre personnel de santé devait se retrouver en quarantaine, qui prendra soins de nos malades ?
À noter qu’au-delà des cas positifs au Covid-19 il y a d’autres personnes qui souffrent d’autres pathologies. Pourquoi le personnel doit se contenter de ses précautions habituelles que sont les gants, masques et désinfectants (qui parfois manquaient) ? Nous savons qu’ils ne tiendront pas toute une journée de consultation dans une combinaison mais pourquoi le ministère de la santé et de l’action sociale ne leur fournit pas des surblouses et des lunettes de protection ? Pourquoi il ne réorganise pas l’accueil dans les structures de santé et éviter d’exposer le personnel ?
Et d’ailleurs, je glisse vers les moyens et méthodes qui peuvent permettre d’éviter d’exposer notre personnel. Il nous faut régler le problème des numéros d’urgence. Hélas, des sénégalais se plaignent sans cesse d’absence de réponses ou de réponses inadéquates. Qui a-t-il ? Les centres d’appel sont-ils surchargés ? Si c’est le cas, que le ministère concerné fasse appel à des bénévoles et mette en place le dispositif nécessaire. Je reste convaincue que nous répondrons car déjà au début de la pandémie, des bénévoles s’étaient inscrits sur une liste pour ce genre de besoin. J’ai tellement à dire, que mes concitoyens me pardonnent le ramassage. Qu’ils me permettent de titiller le transport et de finir par les enfants de la rue appelés talibés.
La surcharge des moyens de transport est perceptible aux yeux de tous pendant qu’on parle de la multiplication des cas communautaires. Le sénégalais qui a la chance de garder son emploi à ce jour mais la malchance de ne pas pouvoir être en télétravail peine à avoir un bus, un car et parfois le prix du taxi est insoutenable. Et si les entreprises qui font dans la location de bus, cars, etc. mettaient à la disposition de l’Etat et du peuple leurs biens, une forme d’aide et le premier se chargera du carburant et de la désinfection régulière. Et parlant de ces entreprises qui travaillent toujours, certaines comptent des cas ou un employé en quarantaine mais les responsables choisissent de faire travailler son personnel sans précautions supplémentaire et d’ailleurs la seule qui vaille et de mettre en sécurité chacun le temps au moins de désinfecter et tester les cas contacts.
À défaut de tout cela, l’État devrait oser le confinement généralisé et nourrir son peuple démuni. Ledit peuple qu’il a l’obligation d’accompagner même en l’absence de confinement. Nos enfants, nos jeunes frères et sœurs… , je conclus ce texte avec eux. Des amis et moi avons enchainé quelques semaines à faire des daaras, à essayer de les confiner en apportant de quoi les nourrir et les rendre propres mais que fut douloureuse cette expérience. Nous pouvons peut être fiers de nous mais j’ai ce besoin de le dire, ces enfants sont loin d’être en sécurité. Entre l’étroitesse de leur daara, parfois l’insalubrité, parfois le manque d’eau et d’électricité, parfois l’inconscience des adultes qui les entourent, etc. je tire la sonnette d’alarme et exige que l’Etat prenne soin de ces innocents, qu’il leur assure à manger et à boire mais également la bonne santé et d’ailleurs d’en profiter pour régler le problème de la mendicité une bonne fois.
Citoyennement vôtre
Yaye Fatou Sarr
Par Demba Anta DIONE
NON AU CONFINEMENT DE LA POPULATION GENERALE !
Pour se faire comprendre, nous ne pouvons pas ne pas nous attarder un peu sur ce que nous entendons par une approche santé publique.
Pour se faire comprendre, nous ne pouvons pas ne pas nous attarder un peu sur ce que nous entendons par une approche santé publique.
En effet, cette dernière veut que tout problème de santé soit défini par des indicateurs de mesures en terme de Morbidité (nombre de cas) de mortalité (nombre de décès) ou d’invalidités. C’est une fois défini comme épidémie en fonction de son ampleur et de sa gravité que le problème de santé doit être analysé à travers ses déterminants que sont ses causes et/ou ses facteurs favorisants. On pourrait alors se demander qu’est ce qui est lié à notre environnement qui peut faire apparaître ou exploser ce phénomène ?
Quelles sont nos habitudes et coutumes ? De quels moyens disposons nous ? Comment est structuré et fonctionne notre système de santé ? Est ce qu’il pourra faire face ? Analysons ce phénomène avec beaucoup d’humilité et ne cédons pas à la panique !
In fine, après cette compréhension du problème qui est aujourd’hui le Covid-19, nous pourrons parler des stratégies et interventions nécessaires pour l’endiguer. Ces interventions pouvant être de plusieurs ordres dans le cadre d’une approche inclusive et participative et pas seulement un apanage d’Experts, de Chercheurs ou de Médecins !
Alors prenons les chiffres et analysons les ! Quand une maladie touche 80% de la population pour en tuer 0,1% parmi les plus de 75 ans qui représentent moins de 10% de cette population, combien en a telle tué ??? Alors qui doit-on protéger ? Qui est vulnérable ? C’est cette précieuse population âgée qui nous a tous mis au monde et éduqués qu’on doit sauver ! Mais jamais nous confiner dans certaines conditions qui ressemblent à : « aller tous vous enfermer avec eux et contaminez les ! »
Le confinement va venir augmenter la population vulnérable en y rajoutant des personnes qui avait déjà une maladie soit connue ou ignorée la plupart du temps quand on vit en Afrique. Le confinement va faire des malnutris avec comme corolaire, une baise de leur système immunitaire ; il fera plus de diabétiques déséquilibrés car les populations vont peut être manger très mal, insuffisamment ou trop et bonjour l’obésité ; le confinement va augmenter le stress de tous ces gens qui n’en ont pas d’habitude, alors bonjour les hypertensions de stress ou de sédentarité !
Additionnez juste 1% de chacun de ces phénomènes et vous conviendrez avec moi que vous avez largement dépassé le seul cas communautaire, mal défini et très mal communiqué dans la représentation sociale des sénégalais, que vous voulez traquer !
Regardez bien l’évolution des statistiques en Europe dans les pays les plus touchés, le Covid19 tue à travers ces comorbidités. Quand on a un peuple de croyants à 99% le message le plus perçu demande un canal adapté ! Un de nos maitres feu le professeur I. WONE (paix à son âme) nous disait, pour faire passer le message de lavage des mains lors d’une épidémie de cholera, il avait demandé aux communautés du Fouta de se laver les mains à la manière du prophète ! Alors le résultat ne pouvait être que positif !
Quand on se glorifie du nombre de cas bien traités dans nos maigres hôpitaux pour parler de l’exception sénégalaise alors que nous n’avons même pas testé 0,0001% de la population, cela veut bien dire que nous n’avons vraiment pas bien géré la prévention en amont ! Comment peut on être une exception Sénégalaise avec 377 dont 5 décès (1,3%) ? Au même moment, la Guinée a 662 cas dont 5 décès (0,8%); le Rwanda 147 cas et 0 décès ; Madagascar, 140 et 0 décès, Djibouti 846 cas et 2 décès (0,2%) et j’en passe.
Revenons sur terre, l’Europe n’est pas l’Afrique et le Sénégal n’est pas la France, nous avons ni le même système de santé ni les mêmes moyens pour avoir la même approche ! Notre population n’est pas la même et nous n’avons pas le même écosystème !
Quand l’Island a décidé de tester massivement sa population, plus de 10% ce sont soumis à ce test et les autorités ont multiplié les tests aléatoires qui leur ont permis de constater que 50% des gens déclarés positifs sont asymptomatiques ; pendant que la France qui confine toute une population durant plus de 6 semaines ne serait qu’à 5,7% de couverture en test d’ici le 11 Mai ! Et pendant ce temps regardez l’hécatombe chez eux !
Et pourtant la France n’a pas de stratégies figées, elle se réadapte en fonction de la dynamique de l’épidémie dont la compréhension est favorisée par l’analyse des données. Au moment où elle allège son confinement, on demande de corser les mesures chez nous.
Une prise de décision en situation d’épidémie doit toujours être orientée par les données sanitaires fiables et une compréhension des déterminants de la maladie. Il est temps de se réadapter et aller vers une communication positive qui malheureusement est infestée par des scandales de denrées alimentaires dont on n’avait pas besoins si les gens continuaient à gagner quotidiennement leur pain.
Les gens croient à la présence de la maladie chez eux, mais malheureusement c’est cette communication, information par le bon exemple qui fait défaut. De la manière avec laquelle ont vend l’image d’un colonel de l’armée dans la lutte, l’expertise de ces vaillants professeurs de maladies infectieuses, réanimateurs et urgentistes, on devait vraiment cacher la face de certains hommes politique car l’heure n’est pas à cela. Ceux qui gèrent la paix sont très différents de ceux qui vont à la guerre !
Laissons les gens travailler en appliquant les mesures barrières recommandées, et protégeons les personnes vulnérables. Ce combat contre l’ennemie invisible demande tact délicatesse et humilité, nul ne peux être un héros dans cette guerre ! in fine ce sont les valeureux peuples disciplinés qui gagnent.
Dr, Demba Anta DIONE
Expert Indépendant
PAR Romuald Wadagni
POURQUOI L’ALLÈGEMENT DE LA DETTE AFRICAINE N'EST PAS LA SOLUTION
Au regard de la faiblesse de l’épargne intérieure et du secteur privé, la dette, la bonne, aux meilleures conditions de coût et de durée, est essentielle pour mettre nos économies sur un sentier de croissance soutenue et durable
Jeune Afrique |
Romuald Wadagni |
Publication 23/04/2020
Contrairement à ceux qui, comme Macky Sall et Emmanuel Macron, prônent l’annulation de la dette des pays africains pour faire face à la pandémie de coronavirus, le ministre béninois de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, estime que d’autres approches doivent être privilégiées.
Le COVID19 inflige au monde entier l’une des plus graves crises sanitaire et économique de son histoire. Cette crise vient complexifier les difficultés déjà importantes des pays fragiles et du continent africain en particulier. Elle surgit alors même que les budgets de plusieurs pays subissent déjà de plein fouet les conséquences redoutables du défi sécuritaire et du changement climatique.
Dans ce contexte de baisse importante et brutale des recettes budgétaires, plusieurs dépenses restent néanmoins incompressibles comme celles liées au fonctionnement de nos institutions, à la lutte contre de nombreuses maladies endémiques, à la poursuite d’autres dépenses sociales prioritaires et au respect de nos engagements financiers.
Face à cette crise, je voudrais reconnaître et saluer la forte et rapide mobilisation internationale. Les récentes mesures en faveur des pays pauvres et l’accord du 15 avril 2020 au sein du G20, l’illustrent bien. Toutefois, je constate que les politiques et instruments mis en œuvre pour soutenir les économies des pays développés sont orientés vers la mobilisation et la mise à disposition immédiate de nouveaux financements visant à contenir les impacts économiques de la crise, tandis que les mesures adoptées pour l’Afrique se résument principalement soit à des annulations de dette, soit à des moratoires sur le service de la dette publique bilatérale.
Plusieurs inconvénients
Ces solutions, malgré la marge budgétaire immédiate qu’elles offrent, ne répondent pas aux enjeux cités plus haut et présentent d’importants inconvénients à court et moyen termes. En effet, les dépenses des États sont appelées à croître rapidement pour contrer la propagation de la pandémie alors même qu’il faut continuer à faire face aux défis du développement.
À ce constat, s’ajoute la chute importante des recettes qui vient réduire davantage les marges budgétaires. L’allègement de la dette ou un moratoire constitue dans ce contexte, un appel à l’indulgence des créanciers et n’apporte pas de solutions structurelles aux difficultés des États.
Par ailleurs, un allègement de la dette ou un moratoire pour le paiement des échéances ternira davantage l’image des États et compromettra leur accès aux financements futurs. Nos pays subiront un effet induit sur la perception de leur qualité de crédit ; ce qui les exposerait à des sanctions ultérieures inévitables de la part du marché. Un moratoire pourrait même être considéré dans certaines documentations de prêt comme un événement de défaut par les créanciers privés, qu’il soit voulu ou subi et quand bien même il ne concernerait que les créanciers publics bilatéraux.
Au-delà des agences de notation qui pourraient sanctionner le non-respect d’une échéance de prêt, tous les efforts fournis par nos pays pour améliorer le climat des affaires et la perception de risque présentée dans les classifications de l’OCDE notamment et utilisée pour définir le taux d’emprunt de nombreux prêts, ne seront qu’anéantis.
C’est le lieu de rappeler que les annulations de dettes opérées dans la décennie passée à la suite de l’initiative PPTE, n’ont pas manqué de laisser de mauvais souvenirs tant au niveau des créanciers privés que des prêteurs bilatéraux publics dont certains ne sont d’ailleurs plus jamais revenus financer nos États, si ce n’est par l’octroi de dons.
Or, au regard de la faiblesse de l’épargne intérieure et du secteur privé, la dette, la bonne, aux meilleures conditions de coût et de durée, est essentielle pour mettre nos économies sur un sentier de croissance soutenue et durable.
Dans ce cadre, il me plaît d’approfondir les propositions suivantes contenues dans la lettre adressée cette semaine, par le Président Patrice Talon aux dirigeants du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale :
1- Aider à la mobilisation urgente de liquidité nouvelle en lieu et place des annulations ou moratoires de dette.
Les besoins urgents exprimés par l’Afrique se chiffrent à 100 milliards de dollars (dont 44 milliards pour le service de la dette). Une nouvelle allocation en Droits de tirages spéciaux du FMI tant débattue devrait être envisagée. Elle permettrait d’apporter une réponse rapide et efficace aux besoins des pays les plus vulnérables tout en préservant la soutenabilité de leur dette.
Cette solution n’est pas nouvelle et fut mise en œuvre avec succès lors de la précédente crise financière mondiale de 2008 où 250 milliards de dollars furent débloqués rapidement. Par ailleurs les importantes liquidités mises en œuvre dans plusieurs grands espace économiques ces derniers jours sont édifiantes.
2- Relancer les économies africaines via des financements concessionnels.
Les institutions multilatérales et les banques de développement devraient mettre à profit leur qualité de crédit pour mobiliser individuellement des ressources concessionnelles ou semi- concessionnelles pour le financement des économies africaines, à un moment où leur accès aux financements à taux presque nul est intact, contrairement aux pays africains.
Collectivement, elles pourraient mutualiser leurs qualités de crédit au sein d’un nouveau véhicule ad hoc, dédié à un plan de reconstruction d’une ampleur sans précédent pour nos pays. Le Mécanisme européen de stabilité pourrait constituer une bonne source d’inspiration pour créer un véhicule supranational ayant le statut de créancier privilégié et réunissant les partenaires au développement. Ce mécanisme pourrait proposer plusieurs types de programmes adaptés aux spécificités de chaque pays, allant de la ligne de précaution pour les pays sujets à des risques de refinancement à des lignes de financements de grands programmes d’investissement pour les pays aux fondamentaux macroéconomiques robustes.
Un exemple de programme pourrait consister à concentrer les efforts des partenaires au développement pour un investissement massif destiné à réduire significativement le gap en infrastructures de base. Pour les pays à dette non soutenable, ce véhicule pourrait racheter de la dette à décote et obtenir une réduction de l’endettement à faible coût afin d’éviter une restructuration de dettes futures aux conséquences économiques souvent désastreuses.
Pour finir, les appels à l’allègement de la dette ont un côté « déjà vu » avec des résultats controversés. L’option d’un soutien à l’endettement adéquat et responsable me semble un meilleur choix qu’un appel à l’indulgence. Il est également impératif qu’il serve à répondre à des besoins concrets, avec efficacité et efficience. Ceci appelle à la transparence dans sa gestion.
La fraternelle des retraités du Sénégal
L'APPEL DES RETRAITES DE L’IPRES
Au détour d’une série de conversations avec certains de nos concitoyens retraités, il est apparu chez beaucoup d’entre eux, un sentiment d’exclusion de la chaîne de solidarité à laquelle vous appelez de toutes vos forces
La fraternelle des retraités du Sénégal |
Publication 23/04/2020
Monsieur le Président de la République, Au détour d’une série de conversations avec certains de nos concitoyens retraités, il est apparu chez beaucoup d’entre eux, un sentiment d’exclusion de la chaîne de solidarité à laquelle vous appelez de toutes vos forces, jusqu’au-delà de nos frontières, parce que convaincu que sans elle, la rupture de la chaîne de transmission de la maladie du Covid-19 serait presque impossible.
En effet, en bon chef de « guerre » contre cette terrible maladie, vous avez déclenché une batterie de « missiles » qui s’inscrit en droite ligne dans cette chaîne de solidarité, caractérisée entre autres par le paiement par l’Etat des factures d’électricité et d’eau des ménages abonnés de la ‘’tranche sociale’’, le déblocage d’une enveloppe de 69 milliards pour la dotation en denrées de premières nécessités, destinées aux ménages les plus vulnérables. Monsieur le Président, votre prise en compte des conséquences de l’impact de la crise du covid-19 sur les revenus des ménages n’a d’égal, pour nous, que votre sens de l’empathie que vous nourrissez envers la population sénégalaise depuis votre accession à la magistrature suprême. Cette empathie s’est manifestée dans plusieurs de vos actions : bourses familiales, couverture maladie universelle, baisse de l’impôt sur les salaires, augmentation des pensions de retraite et instauration de la pension minimale.
Monsieur le Président, au nom de la solidarité nationale à laquelle vous appelez de tous vos vœux et qui sous- tend la mise en œuvre de ces mesures sociales, aucun sénégalais ne devrait être exclu parce qu’étant tous impactés, dans leur revenu, par cette crise sanitaire survenue brutalement. Il est vrai, Monsieur le Président, que le vocable « ménage » n’exclut dans l’absolu aucun chef de famille y compris les retraités. Mais est-ce pour autant, que cette appartenance aux ménages, rendrait tous les retraités éligibles au programme social spécial que vous avez élaboré pour matérialiser fortement la chaine de solidarité ?
Nous ne le pensons pas Monsieur le Président de la République au regard des critères d’éligibilité à cette chaîne de solidarité, reposant sur les données issues du Registre national unique (Rnu) avec à son actif 442 mille ménages vulnérables et celles d’une liste de 588 mille ménages considérés démunis. Laquelle liste est confectionnée par les chefs de quartiers et de villages, validée par les Gouverneurs, de concert avec les Préfets et Sous-préfets. Monsieur le Président, tenaillés entre une certaine précarité et les maladies de vieillesse, la plupart de vos retraités se sont recyclés dans d’autres activités pour nourrir leur progéniture qui n’arrive pas à leur assurer la relève, parce que, victime du chômage endémique que connait notre pays.
En d’autres termes, ils constituent à assurer la dépense quotidienne, payer la scolarité de leurs enfants, les factures d’eau et d’électricité, etc. Voilà la réalité, que vivent vos retraités, Monsieur le Président de la République. Monsieur le Président, vos retraités s’ils ne sont pas dans la consultance, retrouvent leurs entreprises d’origine, ravalés au rang d’ouvriers voire même amenés à exécuter des tâches moins valorisantes relativement aux fonctions qu’ils occupaient antérieurement, pendant que d’autres arpentent à longueur de journées les escaliers des amphithéâtres pour partager leurs expériences. Les moins chanceux d’entre eux noient leur angoisse et leur précarité dans les «Grand-Place». Monsieur le Président, la chaîne de solidarité que vous enclenchée a, selon la compréhension que nous en avons, pour vocation de soulager les populations impactées par la crise sanitaire qui sévit dans tout le monde.
De ce point de vue, elle ne saurait se suffire des données contenues dans le Registre national unique (RNU) dont la mise en place était orientée vers la confection d’une base de données des personnes vivant endessous du seuil de pauvreté, pour leur éligibilité aux bourses familiales. Egalement, l’éligibilité à la chaine de solidarité ne devrait non plus se suffire des fichiers SENELEC ET SEN-EAU pour la prise en charge des factures d’électricité et d’eau pour les impactés du coronavirus. Le niveau de consommation d’électricité et d’eau des ménages est proportionnel au nombre de personnes vivant sous le toit familial.
Aussi, se suffire des données fournies par ces deux fichiers et de celles contenues dans le Registre national unique, constitue un biais qui poserait le problème de la fiabilité de la démarche. Pour corroborer ce qui vient d’être avancé relativement à l’électricité et à l’eau, nous en voulons pour exemple cette réalité indéniable qui fait foison dans notre pays : « une personne plus nantie qu’une autre peut se retrouver dans la tranche sociale parce que vivant seule avec sa femme, alors que l’autre moins nantie à la tête d’une famille nombreuse se retrouve largement en dessus de cette fameuse tranche »
Sous ce rapport, les retraités, au-delà des pertes de revenus subies du fait de la crise, sont davantage angoissés par la perspective d’un confinement général qui devrait se traduire par une limitation des sorties et corrélativement une ruée vers le marché pour s’approvisionner.
En conséquence de cela et face au mutisme des administrateurs de l’IPRES suite à leur saisine par voie de presse écrite et audio à travers les ondes de Sud FM, les retraités pensionnaires ladite institution en appellent à votre sens de la justice sociale, pour bénéficier dans ces instants difficiles, d’une subvention ou d’une avance d’un mois de pension à faire valoir sur leurs revenus ultérieurs, de la part de l’institution pour mieux se pourvoir pendant le ramadan et parer à toute éventualité de spéculation et de rupture de stock. Monsieur le Président, nous ne saurions conclure ces lignes sans vous faire part du soutien et des encouragements de vos retraites qui, à l’instar de leurs compatriotes s’inscrivent dans cette dynamique d’»union Sacrée» enclenchée autour de votre personne pour combattre le covid-19.