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3 mai 2025
Opinions
par Abdourahmane Ba
NOTRE RIPOSTE AU COVID-19 EST-ELLE EFFICACE ?
Aux coûts estimés, rien n’a été pris en compte concernant les effets de la pandémie et ses corollaires sur les ménages, entreprises, les micro-entreprises et le secteur informel par rapport aux ressources nécessaires pour relancer les affaires
Annoncé comme une pandémie depuis le 11 mars 2020 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le covid-19 a tué plus de deux-cent-mille personnes dans le monde et continue d’infecter des millions d’êtres humains. Ses corollaires ont fini d’impacter négativement et profondément dans le long-terme les économies et les marchés à toutes les échelles, surtout pour les plus fragiles. En plus d’être d’une vitesse extrêmement rapide dans son expansion, et doté d’une grande capacité mortelle sur tous ceux qui avaient déjà des maladies graves ou une immunité précaire, le Covid-19 est aussi une pandémie révélatrice de nos limites et faiblesses longtemps camouflées volontairement ou involontairement sur tous les plans socio-économiques.
La pandémie a dévoilé notre impréparation scandaleuse dans les choses les plus essentielles pour les populations comme la santé publique, l’emploi et la résilience des systèmes de production et des marchés régionaux et locaux. Par exemple, la carence en structures de prise en charge des malades, le manque de tests et de masques simples même pour les soignants, et l’insuffisance d’appareils de réanimation pour les malades graves, ont fini de révéler la faiblesse de nos modèles économiques et de gouvernance et ont mis à genou les nations même les plus développées de la planète. Chaque pays s’est enfermé sur lui-même, adieu l’intégration, et tente de se prémunir comme il peut contre le Covid-19 et ses corollaires économiques dévastateurs. En Afrique, avec la faiblesse des économies, la dépendance vis-à-vis de la dette extérieure et le poids de la dette en général, le Covid-19 a fini de démasquer la vulnérabilité catastrophique et honteuse de nos pays. Les Eats et les peuples africains ne savent plus à quelles politiques et mesures de riposte se vouer.
Les pseudo-intellectuels « illuminés », donneurs de leçons et de recettes magiques, ne savent plus à quel débat se donner tellement la pandémie a révélé les limites tristes et criantes des modèles économiques qu’ils ont chantés et promus des décennies en Afrique : émergence, lutte contre la pauvreté, indépendance monétaire, économie endogène, autosuffisance en ceci ou cela, croissance inclusive, intégration, etc. A défaut de débats qui leur donnent encore raison durant cette pandémie, ils se sont emparés de la demande d’annulation de la dette lancée par certains chefs d’Etat, comme un os, et continuent de le ronger à coups de contributions confuses et étouffantes sur des plateformes médiatiques.
D’autres encore se sont emparés de peu chiffres et de statistiques disponibles sur la pandémie encore très limitées pour se donner à la construction hasardeuse d’indicateurs ou d’indices volatiles, insignifiants, inutiles et trompeurs. Covid-19 a fini de révéler nos faiblesses intellectuelles, nos maigres capacités d’analyse, notre manque d’anticipation et de rapidité ainsi que le déficit sans appel d’efficacité et de transparence dans les actions de ripostes. C’est le signe d’un échec collectif même si les pouvoir publiques ont bon dos car étant les seuls aux commandes dans ces moments de crises multiformes et difficiles.
De l’efficacité des mesures de riposte adoptées, il y a beaucoup à dire et à analyser même si c’est avec beaucoup d’incertitudes et de modestie pédagogique. Dans notre pays le Sénégal, le taux de mortalité du Covid-19 estimé en considérant le nombre de tests positifs obtenus et le nombre de morts enregistrés est environ 1,3% (avec optimisme et à l’état actuel des chiffres). Tous les chercheurs et épidémiologistes au niveau mondial se sont accordés sur le seuil d’immunité collective du Covid-19 qui est autour de 65%. Ce qui signifie, en langage simple, que le virus s’arrêtera de se propager (avec une forte probabilité) si et seulement si au moins 65% de la population est contaminée. Des chercheurs ont récemment démontré que de son départ, à son pic, jusqu’à sa première disparition ou premier retrait (car il peut toujours revenir), il faut compter au moins sept mois si aucune mesure de distanciation sociale n’est prise. Il est clairement démontré, comme de l’eau de roche, que l’effet des mesures de distanciation et de confinement n’est pas de faire disparaître le virus mais seulement de retarder son expansion.
L’hypothèse de base de choix des méthodes de distanciation et de confinement est, premièrement, qu’on espère qu’un vaccin ou un médicament serait trouvé au plus vite et ainsi arrêter les mesures, et, deuxièmement, qu’on veuille éviter le surcharge, le dépassement et la noyade de nos structures de santé très faibles, et mettre ainsi nos soignants dans des situations de risques extrêmes, et, en même temps maintenir des plateaux médicaux qui prennent en charge les autres maladies existantes, ou autres besoins courants en prise en charge sanitaire. On comprend par-là pourquoi légitimement l’écrasante majorité des soignants sont pour les choix de distanciation sociale et de confinement comme unique méthode de riposte.
Il est démontré que ces mesures peuvent seulement retarder la diffusion du virus de cinq à six mois au plus. Ce qui veut dire que le virus va toucher 65% de la population sur sept mois sans mesures de distanciations et de confinement, et sur douze mois avec ces mesures, et cela peut aller plus vite dans nos pays même avec ces mesures, là où il est difficile de les faire appliquer à 100% du fait de plusieurs facteurs y compris la pauvreté extrême d’au moins 1/3 de la population. Dans tous les cas, sans vaccin ou médicament efficaces ou disparition subite comme prévue par certains chercheurs, le virus toucherait 65% de notre population au moins dans les douze mois à venir par A ou par B.
Si nous appliquons le taux de mortalité actuel de 1,3% à 65% (seuil d’immunité collective) de 15,5 millions d’habitants au Sénégal, potentiellement, Covid-19 pourrait tuer 131.000 personnes dans notre pays les douze prochains mois. Cette estimation intègre les capacités existantes de sauvetage au niveau de nos services de réanimation qui sont très limitées. L’effet majeur connu des mesures de distanciation sociale et de confinement dans notre pays c’est d’étaler cette mortalité du Covid-19 sur douze mois au lieu de la subir sur sept mois seulement en ne faisant rien.
Du point de vue des coûts pour maintenir et faire appliquer ces mesures de distanciation et de confinement, au bout de sept à douze mois, supposons que l’Etat mette un budget Force-Covid-19 tous les deux mois, soit 1000 milliards au moins cinq fois, ce qui va donner au minimum 5000 milliards sur les douze mois à venir. Les experts prévoient une récession d’au moins 2% dans nos pays (décroissance de -2%). Ajouté à cela est la perte de la croissance de notre PIB d’au moins de 5% qu’on devait enregistrer en 2020. Au total, le manque à gagner et les pertes peuvent être estimés à 7% de notre PIB 2019. Toutes ces pertes sur la croissance du PIB et les manques à gagner s’élèveraient au moins à 2000 milliards de Fcfa. Au total, si on ajoute aux potentiels 5000 milliards de Force Covid-19 (renouvellement de 1000 milliards au moins quatre fois) les 2000 milliards de pertes, le Covid-19 coûterait à notre pays 7000 milliards au bas mot, si cette stratégie de distanciation et de confinement est maintenue les mois à venir.
Supposons que la stratégie actuelle ou sa version renforcée permette de sauver 30% des potentielles pertes en vies humaines estimées à 131.000 personnes. Au bout de 12 mois de souffrance, en l’absence de médicaments ou vaccins efficaces, ou même d’une disparition soudaine du Covid-19, les dégâts totaux s’élèveraient à environ 92.000 pertes en vies humaines. Ainsi, les 7000 milliards auraient servi à la fin à sauver 92.000 vies. Une seule vie sauvée par les effets de notre stratégie actuelle coûterait au finish 96 millions de Fcfa. 96 millions de Fcfa pour sauver une vie de la tyrannie du Covid-19, nous comprenons pourquoi les forces de l’ordre tabassent les récalcitrants qui refusent de respecter les mesures de distanciation prises par l’Etat.
Toute l’analyse de l’efficacité du modèle de riposte repose sur son coût global et les résultats obtenus à la fin en vies humaines sauvées. Sommes-nous efficaces ou efficients ? Aux coûts estimés, rien n’a été pris en compte concernant les effets de la pandémie et ses corollaires sur les ménages, entreprises, les micro-entreprises et le secteur informel par rapport aux ressources nécessaires pour relancer les affaires et faire refonctionner les marchés pour atteindre les revenus minimaux nécessaires à la vie décente.
Avons-nous réellement analysé l’efficacité et les impacts de nos mesures de ripostes ? Je ne le crois pas. Il faut qu’on s’y attèle de manière beaucoup plus sérieuse et rigoureuse dès maintenant. Il y va de notre survie durant et à la fin de la pandémie. Dans cet article, je n’ai donné que quelques pistes de réflexion qui pourraient être complétées lorsque les données seront plus stables et l’ampleur des effets mieux maîtrisée.
par Felwine Sarr
LE TEMPS D’APRÈS...
La question n’est pas de savoir qui fera le meilleur pronostic sur le temps d’après, mais en quoi demain pourrait et surtout devrait différer d’aujourd’hui. Nous vivons un bouleversement qui ouvre la voie à une transformation sociale
Une bataille fait rage entre ceux qui pensent et disent que le monde post covid-19 ne sera plus comme avant et ceux qui estiment que rien ne changera. Les habitudes consuméristes sont ancrées, le capitalisme féroce ne se rendra pas aussi facilement, il prolongera sa vie. Pour l’heure, il a les armes de la finance globale, la puissance des multinationales, une oligarchie politique qui lui est majoritairement acquise, et nous lui confions la satisfaction aussi bien de nos besoins fondamentaux que de nos désirs. On a d’ailleurs entendu quelque part, l’un de ses thuriféraires préconiser qu’après le confinement, il faudra accélérer la cadence du travail, ce qui a choqué et lui a valu une volée de bois vert. Signe des temps encourageant.
Les moments que nous vivons sont inédits à plusieurs égards.
Il y a quelques mois à peine, personne n’aurait pu prévoir que le train serait à l’arrêt, la production industrielle mondiale en pause, les transports aériens limités à acheminer les biens nécessaires, les économies au ralenti et leur redémarrage programmé par activités jugées essentielles ; que l’Europe et les USA seraient l’épicentre d’une pandémie mondiale pour laquelle ils payent le plus lourd tribut, que l’air des mégalopoles serait à nouveau respirable et le désir d’un nouveau monde aussi fortement exprimé. Comme des funambules, nous sommes en équilibre au-dessus du gouffre des possibles. Une brèche s’est ouverte dans le temps et elle indique de nouvelles potentialités historiques. La question n’est pas de savoir qui fera le meilleur pronostic sur le temps d’après, mais en quoi demain pourrait et surtout devrait différer d’aujourd’hui.
La crise seule cependant ne tranchera pas. Sa fonction est d’indiquer ce qui n’est plus tenable et qui doit changer. Pour qu’elle accouche d’un bouleversement, il nous faut le penser, mais surtout y travailler.
Le post-capitalisme : une utopie concrète
Hala Moughanie dans un magnifique texte a lancé un appel aux utopistes. Y répondre, c’est bien évidemment penser la tension entre utopie et réel, mais surtout concevoir comme Miguel Abensour, l’utopie comme une recherche sans fin de l’ordre politique juste et bon. Pour la majorité des individus du globe, cet ordre économique et politique mondial, ne l’est point.
L’apport de l’Utopie est de rendre manifeste la plasticité du monde. Il permet d’envisager l’histoire comme un espace de potentialités, de reconfiguration et de recomposition ; et d’imaginer les possibles au-delà du réel. Le réel que nous vivons est en train de se défaire sous nos cieux. La tentation de le rapiécer est certes forte, mais on pourrait aussi en accélérer la déconfiture. Nous vivons un bouleversement qui ouvre la voie à une transformation sociale, à condition cependant que nous y travaillions.
Pour ceux qui vivent sur le continent Africain, cette pandémie est d’abord l’occasion d’un bilan sans concession de nos déficits en infrastructures socioéconomiques de base, en filets sociaux, en infrastructures de santé, ainsi que dans la prise en charge des plus vulnérables. Les plans de résiliences conçus çà et là sur le Continent devraient être les embryons de politiques publiques résolument tournées vers la satisfaction des besoins fondamentaux des populations et dont le fondement est de nourrir la vie et d’apporter du soin au grand nombre. L’impératif est d’assurer sur le Continent la sécurité alimentaire, l’indépendance énergétique, la création de chaines de valeurs continentales, une industrialisation écologique, un meilleur choix des modalités de notre insertion dans le commerce international, une sortie de la spécialisation primaire, la transformation de nos matières premières sur place ainsi que la diversification de nos économies.
Il s’agit dans le monde d’après, d’opérer ces transformations structurelles, de repenser des économies insérées dans leur substrat socioculturel, en symbiose avec le vivant. Et pour cela, des révolutions culturelles, sociales et politiques seront nécessaires et nous devons y travailler.
LA RÉSILIENCE AU SÉNÉGAL : LE CONCEPT FACE AU CONTEXTE !
Le retour de certains ruraux vers la campagne, comme une stratégie de survie ou de recherche de sécurité auprès des siens dans les terroirs, constitue une opportunité de redynamisation agricole de certaines zones provisoirement délaissées
L’apparition de la pandémie du Coronavirus, COVID 19, et les catastrophes observées en termes de pertes en vies humaines, de crise économique et sociale sur toute la planète, donnent une occasion incontestée d’opérationnaliser le concept de résilience. Perçu un moment comme un concept-éponge ou concept-valise (Dubois, Ouattara, 2013) son utilisation apparaissait souvent inappropriée, parfois confondue avec l’adaptation dans ses différentes dimensions (Etat, processus, stratégie), notamment dans le cadre de changement climatique). A la suite de l’urgence en santé publique créée par la fièvre à virus Ebola, l’humanité s’investit en ce moment-même dans une orientation de résilience pour ses systèmes sanitaires, sociaux, économiques… pour faire face à la pandémie. Quel contenu les différentes nations, inégalement vulnérables à travers leurs multiples acteurs, peuvent-elles donner à ce concept déjà polysémique ?
Formulé et appliqué pour le domaine de la métallurgie, au 19ème siècle, le concept de résilience sera popularisé en écologie, en psychologie et ensuite dans toutes les autres sciences, en particulier humaines et sociales. Selon les auteurs, la résilience peut être considérée comme la capacité d’un individu à faire face à l’adversité, au trauma et à continuer de vivre malgré les contraintes. Le concept peut être également élargi à d’autres domaines tels que la gouvernance, lorsqu’elle s’intéresse au maintien de la sécurité (Kane et Vanderlinden, 2015) des fonctions du système, lui permettant de faire face ou de se remettre des chocs endogènes et exogènes.
Ainsi, la résilience ne se réduit pas seulement à la capacité de rebondir vers l’état initial ; elle peut aussi s’interpréter comme un ressort pour progresser et aller de l’avant, à partir des expériences vécues et des leçons engrangées.
Dans le cadre du Covid 19, on assiste à une universalisation simultanée de l’utilisation du concept. Elle concerne, au premier plan, les acteurs politiques, de façon plus urgente et spontanée, alors que, dans le cadre du changement climatique, l’analyse du phénomène et de ses impacts impose une observation de paramètres climatiques, pendant une période assez longue. La pandémie en cours ne laisse aucune place à l’hésitation et au scepticisme, ni à l’incertitude dans l’occurrence des risques mais plutôt à l’incertitude dans le temps de son éradication. Depuis son apparition à Wuhan (Chine) en décembre 2019, des milliers de personnes meurent chaque jour. La diversité des réponses envisagées ou apportées (sanitaire, social, économique, technique…) renforce le caractère multidimensionnel du concept, au contenu maniable mais relativement flou. Elle constitue cependant une base de réponse, une option pour les Etats et les collectivités territoriales, les communautés dans leur diversité pour faire front au défi créé par le Covid 19.
Cependant, quelles que soient les demandes sociales, les populations, même les plus vulnérables, ne restent jamais dans une position attentiste car, dans leur diversité, elles innovent et développent des stratégies fondées sur des « capabilités » individuelles et collectives (Sen A. 2012). L’absence de contrôle citoyen constituerait une forme de vulnérabilité.
Une autre notion, « Tuteurs de résilience », est évoquée ; Cyrulnik (2012) les définit comme des acteurs ou des réseaux de soutien sur lesquels des personnes en situation de vulnérabilité s’appuient pour se relever. Ces tuteurs mettent en place les dispositifs qui favorisent l’adaptation (coping stratégies). Une palette de « tuteurs de résilience » pourrait donc émerger.
La résilience reste donc un processus en construction permanente, à différentes échelles, en vue de maintenir ou de bâtir la capacité de rebond d’une organisation. Elle constitue une trajectoire qui englobe une période d’anticipation des risques multisectoriels (sanitaire, alimentaire, économique…), par différentes mesures, et une période ex-post pour préparer l’émergence de la résilience (Koffi J.M, 2010) ; le résultat passe nécessairement par la clarification des rôles de différents acteurs (Etats, collectivités territoriales, institutions locales, communautés…) pour une meilleure coordination.
Comme partout ailleurs dans le monde, au Sénégal, différentes formes de vulnérabilités sont notées dans le système de santé, dans le secteur économique, dans les modes de vie pourtant tous ciblés par les orientations politiques du pays ayant permis d’enregistrer une croissance significative ces dernières années. Il est important de noter l’existence d’institutions modernes et traditionnelles fonctionnelles, de cadres politiques forts, de vastes programmes et projets, de cohésion sociale qui constituant des atouts forts. Pour la recherche d’efficacité, des transformations institutionnelles ont été récemment observées.
La vulnérabilité et la résilience sont deux concepts intégrateurs permettant d’appréhender la fragilité des systèmes, environnementaux et humains, mais aussi d’évaluer leurs potentialités de reconstitution. L’intervention sur les limites des systèmes en place permet de rétablir leur aptitude à surmonter les crises et, en cela, la résilience reste dynamique. Elle intègre dans ses prolongements possibles d’autres principes tels que la responsabilité, la morale et l’éthique.
Dans ce processus de réflexion sur la résilience et ses champs d’application, le secteur agricole est stratégique dans l’optique d’une autonomisation alimentaire recherchée. Elle devrait nécessairement s’appuyer sur la promotion d’activités dérivées, sur toutes les chaines de valeur, la valorisation des ressources non agricoles, notamment l’exploitation des produits forestiers non ligneux, qui exercent un grand rôle dans l’alimentation des populations rurales. La diversification et la modification des habitudes alimentaires, en plus de la consommation de produits locaux, constituent un défi à surmonter, en milieu urbain, pour retrouver des situations de résilience. Dans les systèmes naturels, la biodiversité maintenue est un indicateur de résilience. Au niveau des territoires, les zones à mono-activité rurale ou industrielle demeurent toujours plus vulnérables.
Le retour de certains ruraux vers la campagne, comme une stratégie de survie ou de recherche de sécurité auprès des siens dans les terroirs, constitue une opportunité de redynamisation agricole de certaines zones provisoirement délaissées, en attendant de futurs bons hivernages ou la maitrise de l’eau assurée à la suite d’aménagements hydro agricoles. Dans les orientations politiques, il est important de considérer l’apport déterminant des migrants nationaux et internationaux, au profit des ménages ruraux ; il en est de même pour leur participation au financement de toutes les activités de production. Par ailleurs, la protection sanitaire des zones rurales, très vulnérables, appelées à réaliser leur autosubsistance en même temps que le ravitaillement des villes, devient fondamentalement une priorité.
Diatou Thiaw Niane est Maitre de Conférences Titulaire, Université Cheikh Anta Diop/Chef du Département de Géographie, Unité Mixte Internationale de Recherche (UMI) 236 Résiliences.
par Philippe Nelson Ndiaye
UNE PANDÉMIE FAISEUSE DE MILLIARDAIRES
Il est temps de bannir les intérêts capitalistes au détriment de la cause nationale, de réorienter les priorités qui sont d'ordre sanitaire et alimentaire afin d'assurer une sortie de crise
Aujourd'hui encore plus que jamais la solidarité doit être un mot d'ordre généralisé, voici que l'humanité toute entière fait face à la pire des guerres, un ennemi invisible qui rode partout et à tout instant, personne n'est épargnée. Cet ennemi ne fait aucune distinction entre petits et grands, riches et pauvres, responsbles politiques ou citoyens ordinaires. La santé est malade, l'économie a fini par céder. En effet, toute la production est presque à l'arrêt. Après la chute des prix du pétrole, il y a eu l'effondrement du marché boursier et la mise à terre du tourisme. Dans les pays industrialisés, beaucoup de travailleurs ont déjà perdu leur emploi. Aux États-Unis, le taux de chômage qui avait atteint son niveau le plus bas en 50 ans, en février 2020, avec 3% signe d'une économie en pleine compétitivité, aujourd'hui ce taux de chômage est de l'ordre de 11%, signe d'une détresse en evolution. L'économie capitaliste serait-elle menacée par une particule microscopique? Néanmoins, dans beaucoup de ces pays développés, les salaires seront maintenus à plusieurs employés selon le système de prévision budgétaire propre à chaque État.
Cependant, dans les pays moins avancés, le système politico-économique n'est pas assez performant pour prévoir ce genre de situation. Bientôt le secteur privé ne pourra plus payer les salaires et à long terme, l'administration publique pourrait se trouver en grande difficulté. Au Sénégal, un fond de solidarité a été initié par le governement pour faire face aux effets désastreux de la pandémie. Le fond a pu mobiliser la somme de 299 milliards de franc CFA à peu près, dont près de 30 milliards sont constitués de dons des particuliers Sénégalais, des organisations et des entreprises locales.
Dans le communiqué de la direction générale du Trésor et de la comptabilité publique (DGTCP), il est stipulé que l'objectif était de "mobiliser des ressources nécessaires au financement d'action d'endiguement de la pandémie et de soutien aux entreprises et des ménages dans le besoin". L'idée initiale de ce plan noble aux résultats prometteurs avait fini par séduire l'ensemble de la population intriguée par la peur d'un avenir incertain. Mais hélas, comme à l'accoutumée dans nos pays, la polémique va s'installer dans la gestion des fonds, des organes de presse font état d'irrégularités dans l'attribution de ce marché juteux en ces temps de disette. Les réseaux sociaux en rajoute une couche, citant de grandes personnalités, hommes d'affaires et célébrités. On assiste encore à un risque de politisation de la distribution de l'aide alimentaire. Une fois de plus, le malheur des uns fait le bonheur des autres, mais cette fois-ci, le malheur frappe à la porte de tout individu. Beaucoup d'opérateurs économiques profitent de cette situation de crise pour s'enrichir, espérant vivre plus longtemps que les autres. Dans les marchés les prix des denrées ont rapidement grimpés, le transport a suivi...
On se précipite à importer des produits de l'extérieur alors que le riz et le sucre local restent invendus. Dans plusieurs pays, des mouvements de citoyenneté et de patriotisme ont vu le jour, ces mouvements qui incitent les populations à acheter les produits locaux pour soutenir l'économie nationale, Il serait aussi temps pour le Sénégal de changer même ses habitudes alimentaires car pourquoi se regrouper en masse à la porte de la boulangerie, risquant des contaminations communautaires, si on peut facilement remplacer le pain ou même le préparer nous-mêmes.
Au total dans ce contexte, où le Sénégal est désormais classé parmi les 10 pays où la contamination est la plus rapide, il est temps de bannir les intérêts capitalistes au détriment de la cause nationale, de réorienter les priorités qui sont d'ordre sanitaire et alimentaire afin d'assurer une sortie de crise, mais surtout et plus encore de prévoir enfin une réelle relance économique.
Par Dibor BAKHOUM
JE NE VOUS COMPRENDS PAS
Le mercredi 4 juin 1958, depuis le balcon du Gouvernement général d’Alger, le général De Gaulle a prononcé le discours dont une phrase en a fait l’un de ses discours les plus célèbres, si ce n’est le plus célèbre : «Je vous ai compris.»
Le mercredi 4 juin 1958, depuis le balcon du Gouvernement général d’Alger, le général De Gaulle a prononcé le discours dont une phrase en a fait l’un de ses discours les plus célèbres, si ce n’est le plus célèbre : «Je vous ai compris.»
Pour le paraphraser dans un autre contexte, je conjugue le même verbe «comprendre» au même mode, l’indicatif, mais à un autre temps, le présent et à une autre forme, la forme négative, pour dire quoi ? Pour dire, en désespoir de cause, le cœur meurtri et la mort dans l’âme, que je ne vous comprends pas. Oui ! Je ne vous comprends pas.
La répétition étant pédagogique, je dis bien que je ne vous comprends pas. Je m’empresse de dire : Vous, qui ? Mon incompréhension sous forme de cri du cœur, d’alerte et d’appel à l’introspection s’adresse aux Sénégalaises et aux Sénégalais qui se reconnaissent à travers les causes de mes interpellations ou mieux, avec les réponses que j’apporte à mon interrogation : pourquoi je ne vous comprends pas ? Je ne vous comprends pas à cause des comportements que vous adoptez. Je ne vous comprends pas à cause des attitudes que vous avez. Je ne vous comprends pas à cause de la voie que vous suivez. Comportements, attitudes et voie, par rapport à quoi ?
Par rapport au respect strict des mesures édictées par nos autorités sanitaires, par conséquent, par rapport aux responsabilités individuelles et personnelles d’abord et collectives, ensuite à assumer quant au rôle que chacun, chacune, chaque Sénégalaise, chaque Sénégalais doit jouer pour le suivi des recommandations faites, l’application des directives clairement définies et le respect des consignes expliquées et explicitées, pour empêcher la propagation du virus du Covid-19.
Si un enseignant qui a consacré toute sa carrière professionnelle, pour ne pas dire toute sa vie, à expliquer et à expliciter pour faire comprendre : pour avoir été professeur craie et chiffon en main pendant une vingtaine d’années ; pour avoir ensuite, en tant qu’inspecteur de l’Enseignement moyen et secondaire général, exercé les missions de formation, de contrôle, d’évaluation et de suivi des professeurs de ses disciplines ; pour enfin, avoir apporté pendant dix ans au niveau institutionnel sa modeste contribution à la réflexion et à la gestion des enseignements-apprentissages et de la vie scolaire, si un tel enseignant qui a usé et abusé des questions «Est-ce que vous avez compris ? Qu’est-ce que vous n’avez pas compris ?», dit qu’il ne comprend pas, c’est que ce qui se passe est incompréhensible à cause de la gravité de la situation.
En réalité, je ne vous comprends pas, mais mon incompréhension est bien compréhensible. Elle se comprend par vos attitudes inadmissibles, elle se comprend par vos comportements intolérables, elle se comprend aussi par vos agissements inacceptables, car l’heure est grave, très grave et gravissime : Grave d’abord parce que la propagation du virus et le nombre de sujets contaminés se font à une vitesse vertigineuse et à une croissance exponentielle alors qu’aucun vaccin n’existe pour le moment.
Très grave ensuite parce que certains Sénégalaises et Sénégalais, pour des raisons le plus souvent justifiées et non expliquées parce qu’inexplicables, refusent de respecter les directives édictées pour endiguer la propagation du virus. Des questions ! Plusieurs questions, tout un questionnement : les appels et les rappels à respecter les directives de nos autorités sanitaires ont-ils été entendus ? A quoi ont servi les éditions spéciales quotidiennes de tous les média audiovisuels ? Que dire des efforts faits par ces média en utilisant plusieurs canaux linguistiques pour transmettre les messages, et les unes quotidiennes de tous les journaux sur le même sujet ?
Les informations, toutes les informations sur le Covid-19, sont diffusées à longueur de journées par les radios, les télévisions et les journaux. Les contenus exprimés sous diverses formes ont un fond pour ne pas dire un dénominateur commun : en plus des informations à chaud, il s’agit d’un ensemble de messages qui, après diffusion, sont quotidiennement rappelés, répétés et rabâchés ; d’où mon incompréhension qui se comprend davantage par le questionnement suivant : Nos autorités, nos spécialistes et nos experts ; nos guides et nos artistes, dans les domaines scientifique, religieux et artistique, vont-ils continuer à prêcher dans le désert ? Que dire des informations préoccupantes, pour ne pas dire alarmantes, en provenance des principaux foyers du Covid-19 ? Ne doivent-elles pas constituer une alerte rouge pour une introspection ?
Les efforts faits par l’Etat, les nombreux sacrifices consentis par les groupes de presse privée qui participent vaillamment à l’effort de guerre contre le coronavirus en jouant le rôle citoyen et patriotique de service d’Etat, doivent-ils rester vains ? Pour toutes ces questions, il y a une et une seule réponse en lettres majuscules : NON. Je dis bien Non pour, enfin, expliquer pourquoi la situation n’est pas seulement très grave : elle est aussi gravissime.
Gravissime enfin, car ce n’est pas souhaitable, mais les conséquences pourraient être dramatiques, si elles ne le sont pas déjà. Elles pourraient même être pires que les conséquences des deux guerres mondiales. En tirant les leçons des conséquences de ces deux conflits, si tant est que les leçons de l’Histoire servent ou plutôt doivent effectivement permettre de comprendre le passé pour éviter ou corriger les erreurs du présent, que pouvons retenir de notre étude comparative.
L’Afrique a participé à ces deux conflits par l’envoi de ses fils dans les différents fronts et par une importante contribution à l’effort de guerre. Si on reconnaît que l’Humanité est en guerre, une guerre asymétrique me rétorquera-t-on, quand bien même c’est toujours une guerre qui est pire que la guerre conventionnelle, il suffit de comparer l’état d’esprit des Sénégalais pendant ces guerres et leur état d’esprit par rapport au Covid-19. Si dans les quatre communes les citoyens français étaient conscients du déroulement de ces conflits comme les Français de la Métropole, dans le reste du pays, l’état d’esprit des populations n’était pas le même.
C’est ainsi, en utilisant des noms d’emprunt à mes cousins Peulhs/Toucouleurs et Diolas, qu’un Samba Yoro Sow, un Bocar Kane, un Hamady Wane à Linguère, à Kolda et ou à Matam, un Malang Diatta, un Pierre Sagna, un Mamadou Diédhiou à Bignona, à Oussouye ou à Ziguinchor, poursuivaient normalement leurs activités quotidiennes : qui pour conduire son troupeau sans souci, qui d’autre pour s’occuper tranquillement de sa rizière, sans se préoccuper de la progression des troupes allemandes dans les différents fronts. Ce qui est totalement différent avec cette pandémie dont les conséquences commencent à se faire ressentir dans les localités les plus excentrées du pays.
Et pourtant, les populations sont quotidiennement, à longueur de journée, informées de l’évolution de la pandémie grâce à la campagne de médiatisation radiophonique et télévisuelle des média d’Etat et des groupes de presse privée qu’il faut saluer pour leur patriotisme qui par principe ne se proclame pas par le simple verbiage, mais se mesure par des actions concrètes, palpables et évaluables comme ils le font actuellement si bien, en chamboulant leurs programmes.
Cette sur médiatisation est une bonne chose, un très bon support pédagogique, non pour apeurer, encore moins affoler, mais pour conscientiser sur les comportements à adopter et sensibiliser sur les voies à suivre en vue d’endiguer la propagation du Covid-19 et faciliter à nos services sanitaires la prise en charge des malades dont le prompt rétablissement est souhaité. Les prières !
Continuons à prier, à beaucoup prier, mais tout en priant, demandons-nous si chaque Sénégalais et chaque Sénégalaise se pose l’importante question à savoir s’il est en train de jouer et de bien jouer sa partition par des actions concrètes dans la lutte contre le coronavirus. Je reste toujours sur ma faim et ma soif quant à ma volonté de vouloir bien vous comprendre est loin d’être étanchée.
Et pour causes : Au moment où les mosquées de la Mecque et de Médine sont fermées, au moment où la pratique du cinquième pilier de l’islam pourrait être compromise, au moment où la Basilique Saint-Pierre du Vatican est fermée ; alors que le Pape François a prononcé son message de bénédiction urbi et orbi de Pâques à l’heure du Covid-19, alors que les conséquences, même si ce n’est pas souhaitable, pourraient être pires que celles des deux guerres mondiales, avec l’effondrement de l’économie mondiale et le blocage des systèmes éducatifs, peut-on ou doit-on continuer à ignorer les conséquences de la pandémie ?
Et pourtant, invraisemblablement, aussi étonnamment que curieusement et incroyablement, en ce moment, à l’instant même (hic et nunc) devrais-je dire, certains comportements dont les auteurs semblent ignorer, s’ils ne refusent pas purement et simplement de reconnaître la gravité de l’heure, inquiètent et obligent à se poser des questions, plusieurs questions.
Le constat est regrettable : les attroupements dans les terrains de sport, dans les plages, dans les Grand-Place, les regroupements autour de la théière, les marchés improvisés, la réglementation des transports contournée sinon royalement ignorée, et pire : le non-respect du couvre-feu par certains. Face à de tels comportements et au moment où il n’existe aucun vaccin, que faire, ou mieux que doit-on faire ?
Comment éviter toutes ces dérives ? Tout le monde est interpellé pour accomplir sa mission en participant à la fabrication du seul vaccin à notre portée, sous la forme d’une contribution quotidienne de chaque Sénégalaise et de chaque Sénégalais au renforcement de l’élan national civique et patriotique pour endiguer la propagation du Covid-19 et à l’engagement collectif en vue d’éradiquer son mode de contagion le plus dangereux : la contamination communautaire. Cet élan exige une prise de responsabilité au niveau individuel d’abord et collectif ensuite : en quoi faisant ?
Que chaque Sénégalaise, chaque Sénégalais, se considère comme le maillon le plus important de la chaîne de solidarité nationale requise pour endiguer la propagation du Covid-19. Mieux, les 16 millions 209 mille 125 (projections de 2019) Sénégalaises et Sénégalais que nous sommes devons constituer une équipe de relais dont chaque membre doit démontrer ses talents d’endurance et de vélocité pour remettre rapidement le témoin à son coéquipier qui l’attend impatiemment pour le triomphe final.
Le départ de cette course tarde à être donné, pas à cause de l’absence d’un arbitre, mais des comportements évoqués plus haut. Le respect et la prise de conscience de l’application urgente de toutes les mesures édictées par nos autorités étatiques et sanitaires sont les seuls critères d’auto-évaluation. Cela requiert et exige un minimum de discipline. Comparaison n’est pas raison, mais Wuhan ne serait jamais dé-confinée en ce moment sans la discipline de ses habitants.
Prenons donc toutes et tous le départ ! Essayons même de nous rattraper pour que notre système éducatif puisse être rapidement débloqué, pour que nos élèves puissent être élevés, pour que nos étudiants puissent étudier, pour que nos enseignants puissent enseigner, pour que toutes les activités économiques puissent reprendre et pour que, sans emphase ni moralisation, ni catastrophisme, je puisse conjuguer le verbe comprendre au même mode, au même temps, mais à la forme affirmative et dire : je vous comprends parce que vous avez, enfin, compris, bien compris et très bien compris mon incompréhension !
Monsieur Dibor BAKHOUM
Inspecteur de l’Enseignement Moyen et Secondaire Général,
EFFETS ECONOMIQUES ET SOCIAUX DE LA PANDEMIE DU NOUVEAU CORONAVIRUS ET LES PERSPECTIVES DE SORTIE DE CRISE
Regardons l’avenir pour éviter un état d’urgence sociale. Les Chinois dans leur sagesse ancestrale ont deux mots pour désigner la crise : le danger et l’opportunité
Les théories de la croissance endogène (Lucas, Romer et Barro) ont enrichi l'analyse des effets de l'investissement, réhabilité le rôle de l'État et renouvelé le débat sur l'origine de la croissance. Elles ont bouleversé la vision néoclassique qui porte les politiques des Institutions Financières Internationales en démontrant que la santé et l’éducation sont deux facteurs à très fortes externalités positives pour l’ensemble du système productif. Soigner et former les populations contribuent à élever la productivité globale de la main d’œuvre et contribue à la compétitivité des entreprises. Manifestement, le laisser-faire, le laissez-passer du libéralisme ainsi que la marchandisation des biens publics que sont la santé et l’école font vivre aux citoyens du monde les pires moments de leur existence.
Dans ces secteurs essentiels de la vie, le néo-libéralisme a toujours fait trop peu et trop tard avec un défaut coupable d’anticipation. Dans les chocs exogènes, le néolibéralisme s’intéresse plus à la réparation du système productif au détriment des hommes. Aujourd’hui, la mondialisation libérale vantée pour faire notre bonheur vire au cauchemar pour des milliards d’individus avec la conjugaison de crises économiques, financières et sanitaires. Dans toutes les crises antérieures ce sont les classes populaires qui ont payé la note et ont dû se serrer la ceinture. La crise sanitaire actuelle du coronavirus prend le même chemin que celle 2008-2009 avec l’annonce des plans nationaux aux montants faramineux. Qui va payer la note cette fois-ci? Quelle gestion des ressources mobilisées ?
I/ LES RESSSOURCES FINANCIÈRES MOBILISEES POUR FAIRE FACE A LA CRISE.
Au niveau mondial les pays de l’OCDE, du G20 et des États-Unis ont mobilisé une cagnotte estimée déjà à plus de 100.000 milliards de dollars.
1) Au niveau du continent.
D’après les évaluations de la CEA, le COVID-19 peut entraîner une baisse des recettes d’exportation d’environ 200 milliards de dollars, une perte de la moitié de son PIB avec une baisse de sa croissance de 3,2% à environ moins de 2%. Les causes se situent dans la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, la détérioration des revenus, la diminution des exportations et des importations de biens intermédiaires, tous ces éléments affectent directement les systèmes productifs. Les processus d’intégration seront ralentis ainsi que la mise en œuvre de certains projets comme la ZLECAF et les programmes intégrateurs de l’agenda 2063. Enfin, la baisse des prix des matières premières entraînera des pressions budgétaires pour la plupart des pays et particulièrement les puissances économiques africaines que sont le Nigéria, l’Afrique du Sud, l’Algérie, l’Angola, l’Égypte, etc.
2) Au niveau du Sénégal :
le contexte de la lutte, l’économie sénégalaise de l’espoir à l’angoisse. Au début de la crise sanitaire, l'économie sénégalaise allait mieux, alors même que la société sénégalaise se porte beaucoup moins bien. Certains indicateurs macroéconomiques sont robustes, d’autres s’améliorent et les déficits se réduisent.
Soulignons, brièvement, quelques variables du tableau de bord :
1°) la croissance économique est soutenue avec de vastes investissements surtout publics. Les taux pour 2019 et 2020 sont respectivement de 6,7% et 6,8%, le FMI est même plus optimiste;
2°) l’inflation est maitrisée avec une augmentation légère des prix ;
3°)le déficit budgétaire s'est amélioré de 3,5% du PIB en 2018, en hausse par rapport aux 3% de 2017, financé principalement par des émissions d'euro-obligations, il restera l’éternelle assiette de l’impôt qui ne s’élargit faute d’un patriotisme fiscal défaillant ;
4°) l’endettement qui fait l’objet de beaucoup de polémiques plus politiciennes qu’économiques est soutenable avec un ratio Dette extérieure /PIB total de 62,9% en 2018, contre 64,2% en 2017. À l’évidence des questions d’opportunité et de rentabilité se posent pour certains emprunts comme le TER (un train cloué en gare depuis son inauguration), la Zone économique intégrée, etc. ;
5°) l’accumulation d’arriérés de paiement de la dette intérieure plombe certaines entreprises du secteur privé.
Le bilan des politiques sectorielles est moins reluisant :
(i) l'agriculture emploie 52,7% de la population active et ne contribue qu’à 16% du PIB ce qui montre la faiblesse de la productivité par acteur et par surface cultivée. Elle est très vulnérable et constitue la jambe faible de l’économie bien que l’on dispose de tous les atouts pour une excellente politique agricole : l’eau, les facteurs de modernisation et de bons paquets technologiques surtout pour la production arachidière et maraichère. Le pays demeure toujours dépendant de l’extérieur en produits alimentaires ;
(ii) le secteur industriel contribue à 22,6% du PIB et emploie 20,2% de la population active. Nonobstant les importantes opportunités et en dépit de nombreux politiques, programmes et projets, les entreprises sont toujours confrontées à de nombreuses contraintes d’ordre technique, financier et humain qui entravent leur compétitivité ;
(iii) le secteur des services contribue pour 53,8% au PIB et emploie 26,5% de la population active. Il bénéficie d’une excellente infrastructure de télécommunications qui a développé des investissements dans les télé services, Internet de haut débit et le mobile banking. Ce sous-secteur en expansion est dominé par de puissantes multinationales. Trois importants volets soulèvent des problèmes : d’abord, le sous-secteur commercial qui tombe progressivement sous contrôle des supermarchés français, ensuite, le commerce import-export qui contribue à creuser le déficit de la balance commerciale et enfin, le sous-secteur du tourisme qui ne décolle pas pour de multiples causes notamment l’absence de spécification des produits, la méconnaissance de la demande touristique et l’inefficience de la politique de promotion sur les grands marchés émetteurs.
3) Le Sénégal entre plan financier de riposte à hauteur de 1000 milliards de FCFA, état d’urgence et couvre-feu. Incontestablement, les autorités sénégalaises ont bien pris la mesure de la crise et s’inscrivent dans la bonne direction. Le Chef de l’État dans un discours solennel et pathétique se déclare « soucieux des effets de la crise sur l’économie nationale.
Pour en atténuer l’impact. La création d’un Fonds de Riposte et de solidarité, doté de 1000 milliards de CFA alimenté par l’État et toutes les bonnes volontés est une excellente mesure pour servir, entre autres, à soutenir les entreprises, les ménages et la diaspora. Il restera à réaliser (i) une étude approfondie pour spécifier l’origine des ressources financières attendues,(ii)les clefs de répartition aux bénéficiaires et les modalités, (iii) au finish l’évaluation précise de l’incidence sur l’économie globale. Concernant la composition des ressources mobilisée, on peut entrevoir trois sources : la première serait la contribution des finances publiques. Cette contribution doit être rigoureusement évaluée en préservant les capacités d’investissement dans la perspective de relance de l’économie post-crise. La seconde source devrait provenir de la BCEAO.
Dans une déclaration l’Institut d’émission a pris 8 mesures pour limiter l’impact négatif COVID-19 sur les économies de l’Union. Elles se décomposent comme suit: d’abord les interventions chiffrées avec la hausse de 340 milliards sur les ressources mises à la disposition des banques, 1050 milliards pour élargir l’accès au refinancement, 25 milliards au Fonds de bonification de la BOAD, et ensuite trois mesures institutionnelles non chiffrées notamment la sensibilisation des banques pour l’utilisation des ressources du guichet spécial, la négociation en vue de la réduction des coûts des transferts, l’approvisionnement en billets des guichets automatiques des banques, le réaménagement du calendrier d’émissions des titres publics sur le marché régional. Ces mesures sont largement insuffisantes pour régler les quatre contraintes majeures du financement de l’économie :
les besoins de liquidités des PME/PMI affectées par la crise,
(ii)la faiblesse ou même l’absence de revenus pour les ménages en situation de quasi confinement,
(iii) l’abaissement des taux d’intérêt usurier (15%) qui ruinent la compétitivité des entreprises et
(iv) le retour aux avances directes de la Banque Centrale aux Trésors publics.
Dans une situation d’urgence sociale les ménages, en quasi confinement, ont besoin de parachute monétaire pour leur survie. L’écosystème financier est le problème majeur en ce qu’il manque de différenciation en matière d’offre, de dynamisme et d’innovation (mêmes types de produits et de services). Il est fortement concentré et se focalise sur le court terme avec des taux d’intérêt usuriers préjudiciables au financement des entreprises, au développement économique et au bien-être social. Cela explique sa surliquidité actuelle malgré la présence de plus en plus affirmée de non-banques ce qui devrait rendre le marché contestable et les pousser à faire preuve d’audace et d’ingéniosité pour développer de nouveaux relais de croissance sur le segment de long terme. De plus, l’absence de corrélation entre les taux directeurs de la Banque centrale et les taux des banques commerciales va renforcer la fixation sur les opérations de court terme.
La rentrée prochaine du compte d’opération à la maison mère offre à la BCEAO de plus grandes opportunités. Désormais, elle dispose de ressources financières élargies pour mener des politiques semblables à celles de la BCE, de la FED ou de la Banque Centrale de Chine. La troisième source concernerait l’apport des Institutions Financières Internationales (FMI et Banque mondiale). Elles ont annoncé des contributions financières substantielles aux Etats et ont également demandé aux créanciers bilatéraux de geler les remboursements des dettes des pays pauvres, c’est une sorte d’un PPTE réduit. Les IFI doivent, en plus, lever ou relever le niveau de soutenabilité de l’endettement, d’ailleurs, ce niveau n’a aucun sens pour des pays qui réussissent des programmes de croissance forte, inclusive et durable (Côte d’Ivoire et Sénégal, Éthiopie, etc.). Leur imposer un plafond d’endettement risque de casser le rythme. La quatrième source est relative à la contribution des acteurs nationaux.
Pour que les ressources soient importantes, il faut impliquer tout le secteur privé sans leur concéder un désarmement fiscal qui serait inefficace et désastreux pour le futur. A ce niveau, l’État doit faire preuve de transparence et de rigueur dans la gestion des fonds reçus et établir la confiance des potentiels donateurs. Les mesures de confinement, d’état d’urgence et de couvre-feu qui sont prises partout dans le monde pour stopper l’épidémie vont ralentir les sociétés et son système productif. En définitive, la croissance économique en sera durement affectée ce qui va accroitre la précarité sociale : pauvreté, chômage, inégalités. Si les ressources mobilisées sont mal utilisées, nous rentrerons dans un cycle de récession dont on ne pourra sortir que par des politiques d’ajustement et de rigueur pouvant entrainer une grave situation d’état d’urgence sociale.
II/CETTE CRISE SANITAIRE APPELLE UN LARGE DÉBAT PUBLIC SURLES PERSPECTIVESDERÉPARATION DU SYSTÈME DE SANTÉ ET DE L’ÉCOLE.
L’opportunité qu’offre toute crise est d’ouvrir un débat large et prospectif sur ce qui est et ce qu’il faut faire. Les lois du capitalisme se soucient très peu du social avec la sublimation du marché comme forme suprême de la coordination économique alors même que celui-ci est myope à la fois pour les pauvres et les inorganisés que sont nos économies désarticulées et dépendantes. C’est pourquoi nos recherches actuelles se polarisent sur la problématique de «l’Économique à l’épreuve du Social». La question essentielle pour l'Afrique est celle le financement du système social. Deux décennies de progrès ont été interrompues dans les années 80, sous l'effet des politiques d'ajustement qui ont diminué de façon drastique, les dépenses d'éducation et de santé. Ce n’est nullement un hasard si ces deux secteurs sont au cœur des luttes syndicales et des revendications citoyennes au nom de la justice sociale et de l’équité.
En matière de santé, nous manquons de politiques publiques cohérentes et efficientes qui fortifient les liens entre professionnels mais qui négligent gravement la prévention, l’anticipation. Le Sénégal a largement les moyens d’une politique exemplaire de santé: d’abord, il possède l’une des meilleures Facultés de Médecine et de Pharmacie de la francophonie, de bonnes institutions de formation des cadres intermédiaires, des centres de recherche bien adossés aux normes internationales avec des chercheurs pointus mais limités par la modestie des financements. Ensuite, le pays dispose d’une armée nationale pleine de compétences dans tous les domaines et bien équipée en capacité de réaliser toutes sortes de travaux d’infrastructure de base. Il suffit de la réengager dans les programmes de construction nationale comme l’avait souhaité le Président Mamadou Dia. Aujourd’hui, la plupart des circonscriptions médicales sont dirigées par des Officiers de l’École de santé militaire. Enfin nous disposons
EN CONCLUSION:
Regardons l’avenir pour éviter un état d’urgence sociale. Les Chinois dans leur sagesse ancestrale ont deux mots pour désigner la crise : le danger et l’opportunité. Nous pouvons, comme eux, nous relever de toute situation tragique en réalisant les transformations structurelles et en mobilisant nos concitoyens, la jeunesse en tête, autour d’une vision stratégique clairvoyante portée par des politiques économiques et sociales efficientes. Il n’existe pas de fatalité à l’échec, réussir l’Émergence passera par une volonté politique consensuelle conduite par un leadership transformationnel, un professionnalisme qui utilise toutes les compétences et les savoirs et l’adoption d’un référentiel de valeurs patriotiques et de civisme.
Par Professeur Moustapha KASSE
Doyen Honoraire et membre de l’Académie
Par CALAME
ARTEMISIA « MALGACHE », PRENONS-EN DE LA GRAINE
La réaction de nombre d’Africains à l’annonce par le président malgache, de la «découverte » d’un remède au coronavirus, grâce à une plante dénommée «artemisia», est source de réconfort.
Il était une fois, un patient couché sur le billard dans une salle d’opération, en attente d’une incision qui devait le débarrasser d’un furoncle. L’anesthésiste, comme de bien s’entend, lui explique qu’il va lui faire une anesthésie locale. Et le patient de protester avec énergie : «Ah non docteur, une anesthésie oui, mais pas locale, mais comme en France !». Local, dans la compréhension de notre malade, équivalant à dépréciation, voire de mauvais aloi. N’est valable que ce qui vient de l’extérieur. Penser globalement et agir localement ? Au-dessus de nos têtes et de nos capacités confinées.
La réaction de nombre d’Africains à l’annonce par le président malgache, de la «découverte » d’un remède au coronavirus, grâce à une plante dénommée «artemisia», est source de réconfort. Habituellement cette plante, réputée efficace est utilisée principalement dans le traitement du paludisme et dans certains cas de typhoïde, depuis des siècles en Chine (encore elle!) et en Afrique.
La fierté légitime que peut éprouver l’Africain à qui on dénie tout, jusqu’à son identité d’humain et qui, matraqué par un destin auquel il a fini par se soumettre, est compréhensible. Il n’en demeure pas moins que l’ignorance de ses propres capacités et des extraordinaires ressources déployées par cet autre Africain, debout et conquérant semblent être la marque de fabrique de nos élites et de nos dirigeants.
Au Sénégal où l’artemisia est cultivée depuis plus d’une vingtaine d’années, des structures de santé le prescrivent aux populations pour prévenir et soigner le paludisme. Notre pays fait partie de 23 pays du continent qui ont été ciblés pour le lancement d’un essai clinique sur l’efficacité de l’artemisia contre le Covid 19. La presse internationale et locale -y compris des sites d’information- bien de chez nous, en ont parlé à foison.
Qu’est qui explique alors cet engouement soudain pour, que le Président du Sénégal tienne tant à «féliciter Madagascar et son Président », «André » comme il l’appelle familièrement, «pour cette bonne nouvelle qui nous vient de la grande Ile pour cette thérapie qui pourrait venir d’une de vos plantes (sic) d’après ce que j’ai appris. Ce serait un grand honneur pour toute l’Afrique de savoir qu’un de nos pays parmi les terroirs les plus beaux, les plus magnifiques, qu’une solution mondiale pourrait venir de l’Afrique».
Doctement, «André» s’est appliqué à expliquer à notre Président admiratif et approbateur, les prouesses de la recherche médicale malgache. «Nous avons à Madagascar, une plante (...) plus de mille tonnes d’artemisia et en fait la meilleure qualité au monde» a-t-il décliné avant de vanter le «produit bien étudié et bien élaboré» et l’excellence de l’Institut malagasy de recherche appliquée, crée depuis 1957 ».
« André » a donné de la voix. Indiqué une voie ?
C’est un Président sénégalais subjugué qui a sauté sur l’offre marketing du chef de l’Etat malgache, pour réclamer des échantillons «pour les mettre au niveau du service des maladies infectieuses où il font le traitement déjà», tout en s’empressant d’assurer son interlocuteur de sa volonté de passer commande : «nous serons disposés à acquérir, selon les modalités mises en œuvre par Madagascar». «Courage et force à nous M. le Président», a conclu sentencieusement « André, là où son prospect (son futur client) lui donne du «je salue tout le peuple de Madagascar et bravo pour ce que tu fais aussi ».
Cette démarche qui consiste à vouloir acheter ce qu’on a déjà chez soi, produit par les paysans sénégalais encadrés par les bénévoles de la Fondation «la maison de l’artemisia», les mêmes qui ont appuyé et accompagné les chercheurs congolais, (les plus en pointe sur la question) et malgaches, présents dans la moitié des pays africains, est pour le moins surréaliste.
Le président malgache se targue d’avoir la meilleure plante, certes. Les spécialistes disent qu’il y a deux espèces de plantes de cette famille. L’artemisia annua connue en Chine et ailleurs depuis des millénaires et l’africaine (ils ne disent pas malgache !), l’artemisia afra. La première doit être acclimatée pour pousser en Afrique avec des semis annuels, tandis que la seconde, la nôtre, la bonne vieille africaine, considérée comme une plante miracle, se présente sous forme de buisson, est facile à entretenir et peut avoir une durée de vie d’une cinquantaine d’années, explique-t-on. On attend de voir les particularités de la « malgache » tant vantée par notre îlien
A Sébikotane, Diass et surtout Tivaouane, où officie sous la guidance d’un ingénieur agronome belge, installé dans la Ville sainte, M. Pierre Van Damme, une équipe de 17 personnes, les actions de vulgarisation de masse de l’artemisia, considérée comme une véritable plante contre le paludisme, sans effets secondaires, sont déployées face à une opposition farouche, déterminée des lobbies de l’industrie pharmaceutiques, des laboratoires, de certains médecins prescripteurs liés à ceux-ci, activement soutenus par l’organisation mondiale de la santé (OMS).Cette dernière, faut-il le rappeler, tire l’essentiel de ses ressources de Fondations et d’Etats ayant pour souci, de préserver les intérêts des firmes hégémoniques dans cette véritable guerre du médicament.
Les propriétés prêtées et/ou reconnues à cette plante présentent autant de bienfaits pour nos populations que de risques de «bliztkrieg» pour les sangsues de la finance internationale. Jugez-en: d’après ses promoteurs, la plante soignerait, outre le paludisme, la fièvre, les maux de tête, la constipation, les règles douloureuses, l’acidité de l’estomac, la bilharziose, l’ulcère, le diabète de type 2, etc. Excusez du peu !
Nos chercheurs, à l’instar du Professeur Diallo de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, certains des membres du personnel soignant dans les zones péri-urbaines et rurales, nos paysans et des partenaires africains et étrangers ont fait de l’expérimentation, des protocoles de validation et de la vulgarisation de l’artemisia, à des fins de prévention et curatives leur principale préoccupation. Ce que l’on n’arrive pas à réaliser, c’est comment l’Etat du Sénégal a pu (ou feint) ignorer tous ces efforts endogènes au point d’exposer de cette manière le Président de la République à un tel étalage de méconnaissance de ce qui se passe dans le beau et magnifique pays «qu’il dirige? » Est-il dans son pouvoir de prendre des échantillons et de les transmettre directement aux services des maladies infectieuses, et si avis favorable de ceux-ci, éventuellement passer commande à Madagascar d’un produit disponible à domicile ?
Sans tenir compte du parcours scientifique que tout médicament doit emprunter avant validation, sur la foi des déclarations du Président malgache et des résultats de son institut de recherches appliquées, alors que nos scientifiques observent strictement le protocole de recherche et d’essai clinique sur cette même plante?
S’il est vrai qu’en dehors de son effet non encore prouvé sur le coronavirus, ce que l’on sait déjà de l’artemisia plaide largement et à suffisance, pour sa valorisation et sa popularisation, une fois la validation scientifique éprouvée et reconnue.
Madagascar montre la voie de ce qu’un travail sur soi, par soi et pour soi peut produire de bienfaits, charriant au passage une fierté légitime et une émulation. L’homologue familier « André » a su créer l’événement pour faire la réclame pour son pays et ses produits, en affectant de donner l’exemple en tenant la dragée haute à l’Occident. Tout l’inverse d’une posture de communication mettant en avant un leadership claironné, avec pour gage la stabilisation du système international qui enserrera davantage nos pays, à la faveur des ravages du Covid19. Leçon d’histoire: si on veut être écouté, il faut être à l’écoute des moindres pulsations de son peuple!
Quitte à s’obliger, à descendre « au ras des pâquerettes » et s’inquiéter du détail qui tue, ne serait-ce que pour nettoyer les écuries d’Augias !
PAR MADIAMBAL DIAGNE
LE DROIT DE TÂTONNER COMME TOUT LE MONDE
La décoction du Covid-Organics, préparée avec des tisanes, est censée prévenir et guérir le Covid-19. Serait-il interdit de lui accorder un quelconque crédit quand on juge les statistiques de Madagascar face à la maladie ?
Tous les laboratoires et centres de recherches du monde sont à la recherche d’un traitement efficace pour contenir la pandémie du Covid-19. Un médicament n’est pas encore disponible et chaque médecin, pour rester en adéquation avec son serment d’Hippocrate, ne saurait baisser les bras et refuser de soigner des malades, faute d’un remède déjà homologué par les autorités sanitaires. Ainsi, chacun s’y essaie pour chercher à soulager ses patients, à l’aune de sa propre initiative, son flair, son jugement, son intuition, son analyse de la maladie et de ses expériences personnelles ou des idées ou tuyaux partagés çà et là.
Aucun traitement n’est donc garanti, mais à force de combinaisons de divers médicaments, déjà connus et utilisés pour traiter d’autres pathologies, des milliers de patients arrivent à être tirés d’affaire. Il n’est pas question de faire n’importe quoi, les spécialistes engagent leur crédibilité, leur réputation scientifique et leur responsabilité personnelle.
Les autorités sanitaires des différents pays s’évertuent de leur côté à encadrer les méthodes et modes de traitement. Il reste qu’en l’espèce, les protocoles traditionnels pour l’acceptation d’un traitement ne sauraient être de rigueur, car la maladie n’attend pas, elle continue de causer des centaines de milliers de morts et frapper plusieurs millions de personnes à travers le monde.
C’est une urgence sanitaire à laquelle le monde doit faire face. La mise au point définitive d’un vaccin est annoncée pour quelques mois encore. Pour l’heure, il n’existe pas de vaccin contre le Covid-19, mais plusieurs entreprises travaillent à la conception d’un vaccin contre ce nouveau coronavirus. Ces équipes de chercheurs travaillent pour le compte de laboratoires français, britanniques, japonais, allemands, chinois et autres.
En l’absence d’un traitement efficace, le vaccin est l’unique solution pour un retour à la «normalité», selon l’Organisation mondiale de la Santé (Oms). On retiendra donc, qu’en attendant le vaccin, les remèdes préconisés sont divers et variés et aucun n’emporte l’adhésion totale et entière de la communauté scientifique et des médecins. Pour chaque traitement préconisé, des voix et non des moindres se lèvent pour exprimer des réserves.
Quelles pistes de médicament contre le coronavirus ?
La littérature médicale de ces derniers jours présente un panorama des traitements disponibles et utilisés. Dans la recherche d’un traitement contre le Covid-19, la chloroquine fait office de favorite. Le Pr Didier Raoult, conforté par des succès médicaux à Marseille, a tenu, contre vents et marées, à défendre son traitement à base d’hydroxy-chloroquine, couplée à l’antibiotique azithromycine, contre le Covid-19. La molécule est sujette à débat, mais le taux de guérison dans les services du Pr Raoult, et surtout le très faible taux de létalité constaté chez ses patients ont fini par faire accepter ce traitement utilisé contre le paludisme, avec certaines réserves et précautions formulées, notamment par l’Agence européenne des médicaments, du fait de possibles effets secondaires.
Ces médicaments sont susceptibles, entre autres, de causer des problèmes de foie et de reins et d’endommager des cellules nerveuses. La Federal drugs administration (Fda) des Etats-Unis a mis en garde contre d’éventuelles complications d’ordre cardiologique. Il reste que ce traitement a permis indubitablement de sauver des vies. L’utilisation de ce traitement au Sénégal et dans de nombreux autres pays africains a donné des résultats qui ont conforté le Pr Raoult, qu’il n’y a pas encore contre le Covid-19 un traitement plus probant que celui qu’il a mis au point.
D’autres patients ont été traités, certes avec succès, à l’aide de produits anti-inflammatoires et/ou des antiviraux utilisés dans le traitement du Sras, du Vih/Sida ou de Ebola. Un autre traitement, très rapidement abandonné, a été conçu sur la base de sang de ver marin. Des essais cliniques consistant en la transfusion de plasma de patients guéris du Covid-19, contenant des anticorps dirigés contre le virus et qui pourrait transférer cette immunité à un patient souffrant du Covid-19, ont été testés avec un succès très relatif.
Des médecins japonais et australiens ont testé des anti-parasitaires pour traiter des patients atteints du Covid-19. Des neuro-biologistes ont préconisé de faire usage de la nicotine dans les traitements. Aussi, le Bcg, un vaccin antituberculeux, est une piste potentielle dans la lutte contre le Covid-19. En effet, des «études épidémiologiques ont montré de façon intéressante une corrélation entre taux de vaccination au Bcg et taux de morbidité et de mortalité face au Covid-19».
Tout en restant prudent, l’institut Inserm en France a évoqué que le sérum «pourrait permettre de diminuer l’importance de l’infection au virus SarsCoV-2 en stimulant la mémoire de l’immunité innée». Tous ces traitements pour venir à bout du virus sont accompagnés de soins palliatifs.
Un nouvel espoir pointe de Madagascar
C’est dans un tel contexte que des scientifiques malgaches ont proposé un traitement du Covid-19, à base d’une plante médicinale, l’Artémisia, sous forme d’infusion. L’annonce publique a été faite le 20 avril 2020. On ne peut pas ne pas relever le mépris affiché d’emblée par les milieux scientifiques, à l’annonce de ce traitement préconisé par l’Institut Malagasy de recherches appliquées. Les contempteurs n’ont même pas cherché à le tester.
Le jour même de l’annonce de ce traitement, l’Académie de médecine de Madagascar a rejeté en bloc le remède proposé. La démarche est apparue assez curieuse, pour des scientifiques qui se sont ainsi permis de contester les résultats des travaux de chercheurs sans avoir pris le temps ou la précaution élémentaire de les étudier. Les membres de l’Académie de médecine de Madagascar vont finir par relativiser leur jugement après une rencontre, le 24 avril 2020, avec le président de la République de Madagascar, Andry Rajoelina.
Cette rapide volte-face indique bien que les motivations du rejet du traitement, à l’aide de breuvages à base d’Artémisia, n’étaient pas fondées sur des bases scientifiques absolues. Le propos n’est pas ici de chercher à défendre le traitement malgache, mais il semble présenter un certain espoir. En effet, la décoction du Covid-Organics, préparée avec des tisanes, est censée prévenir et guérir le Covid-19. Serait-il interdit de lui accorder un quelconque crédit quand on juge les statistiques de Madagascar face à la maladie ?
Ce pays a enregistré son premier cas le 20 mars 2020 et on n’y dénombre, à la date d’hier, que 123 cas confirmés de Covid-19, avec 62 malades guéris. On notera qu’aucun décès n’est déploré sur la Grande Ile pour cause de la pandémie.
Cela a poussé un citoyen malgache, sans doute révolté par les quolibets des médias occidentaux contre le Covid-Organics, de leur balancer avec dépit : «Comptez vos malades et vos morts, nous comptons les nôtres à Madagascar !» Il est difficile de ne pas se révolter contre cette forme de condescendance qui voudrait que d’autres chercheurs du monde peuvent essayer des traitements, dont le succès n’est pas garanti, mais que la même chose n’est point acceptable pour des Africains, encore moins des chercheurs malgaches.
Pour lutter contre le Covid-19, tous les médecins et chercheurs du monde tâtonnent encore, pourquoi alors ne reconnaîtrait-on pas aux Africains le droit de tâtonner eux aussi ? Des laboratoires et centres de recherches, de partout à travers le monde, ont utilisé des raccourcis, des remèdes sans protocole dûment validé pour traiter des malades du Covid-19. Il avait fallu des polémiques autour du traitement proposé par le Pr Didier Raoult avant que les autorités sanitaires françaises ne finissent pas l’accepter avec les mêmes réserves que s’agissant des autres thérapies utilisées en Europe, en Amérique, en Asie ou en Australie.
Pourtant, le Covid-Organics n’est pas un breuvage sorti d’on ne sait où. L’Artémisia est une plante déjà bien connue et dont les propriétés pour guérir le paludisme sont scientifiquement reconnues. Cette plante qui serait venue de Chine est développée à Madagascar depuis plusieurs décennies. Des chercheurs l’ont préconisée efficacement contre le paludisme. Cette plante s’est développée en Afrique où de vastes plants d’Artémisia sont cultivés, au Sénégal et dans de nombreux autres pays.
D’ailleurs, le médecin-chercheur congolais, le Dr Jérôme Munyangi, s’est illustré avec ses recherches sur cette plante. Seulement, de tels résultats ne sont toujours pas encore acceptés par les autorités médicales du monde, sans qu’une objection à caractère strictement scientifique ne soit formulée contre ce traitement antipaludéen. Divers reportages ont pu être réalisés par des médias pour s’étonner que ce mode de traitement antipaludéen continue toujours d’être snobé, en dépit des preuves tangibles de son efficacité. Cet état de fait est-il lié aux énormes enjeux commerciaux qui entourent l’industrie pharmaceutique ?
En attendant, on ne voit pas pour quelle raison l’Artémisia ne devrait pas être utilisée pour participer à soigner les patients atteints du Covid-19, d’autant que nul ne peut indiquer une toxicité du produit. Si on accepte la chloroquine, on devrait véritablement accepter l’Artémisia jusqu’à meilleure découverte médicale. Dans l’absolu, aucun remède pour guérir des pathologies n’est définitif, car il est courant de voir de grands laboratoires ou des autorités sanitaires décider de retirer tel ou tel produit médicamenteux pour cause de méfaits découverts auprès de patients traités.
Malgré tout, il restera toujours des farfelus pour inventer des remèdes
La psychose que continue de susciter le Covid-19 a poussé de nombreux farfelus à préconiser des remèdes les plus surréalistes. Cela constitue un véritable danger. Devant l’impuissance à juguler la propagation de la pandémie et les ravages qu’elle provoque, des chefs d’Etat se sont permis des libertés condamnables. Ainsi a-t-on vu le Président guinéen, Alpha Condé, préconiser son remède de «mentholatum», avec de la boisson chaude, ou le Président Ougandais Yoweri Museveni s’adonner à des exercices de pompes pour venir à bout de la maladie.
De telles frasques auraient pu simplement faire rire si la pandémie du Covid-19 ne constituait pas le plus grave péril sanitaire que l’humanité a connu ces derniers siècles. Ces sorties ubuesques ont pu porter tort au Covid-Organics du fait que la promotion de ce remède a été assurée par le chef de l’Etat malgache lui-même. Un autre chef d’Etat africain qui joue au sorcier, aurait-on pu se dire ?
On se rappelle encore combien était remplie la cour d’un certain Yahya Jammeh qui, du temps où il dirigeait la Gambie, jouait au guérisseur du Sida, entre autres pathologies. Mais le Président américain Donald Trump fera oublier la désinvolture coupable de Boris Johnson (Grande Bretagne) ou de Jair Bolsonaro (Brésil) face au Covid-19.
Le Président Trump préconise d’inoculer des produits antiseptiques aux malades et de les exposer à de puissants rayons Uv. Quand tout le monde lui tombe dessus, le Président Trump revient pour dire que son propos procédait d’une blague. Une bien mauvaise blague sur le sort de milliers de morts !
par Ass Malick Tine
PLAIDOIRIE D’UN PAYSAN POUR UNE SOUVERAINETÉ MÉDICALE
Il est impératif d’avoir une autonomie et une maitrise sur les chaines de production en mono-thérapie, en bithérapie ou en trithérapie
En ces temps où les Etats se barricadent et s’inquiètent des conséquences de cette pandémie du Covid-19, où l’on assiste avec sidération au démantèlement des chaînes d’approvisionnement classique de médicaments et de dispositifs médicaux, nul besoin d’être un poète pour apercevoir ce lendemain incertain qui nous guète. Certains, parmi les plus philanthropes, diront qu’il y aurait peut-être quelque chose d’indécent à se projeter dans l’avenir si tant est qu’il y en aura un, au moment où chaque pays fait quotidiennement le décompte de ses morts. L’heure sera, sous l’ombre d’un sage d’une autre époque, à la quête d’une souveraineté médicale certes non encore acquise.
Souveraineté et indépendance en matière de développement et de production de médicaments innovants et stratégiques
Souveraineté ! C’est le terme le plus adéquat pour se projeter sur le « post Covid-19 », selon sa définition du Larousse : pouvoir suprême reconnu à l'État, qui implique l'exclusivité de sa compétence sur le territoire national (souveraineté interne) et son indépendance absolue dans l'ordre international où il n'est limité que par ses propres engagements (souveraineté externe) ». Notre souveraineté médicale est plus qu’une urgence, elle est maintenant vitale. On pourrait autant en dire des domaines comme l’énergie, l’hydraulique, les transports, etc.
Il est impératif d’avoir une autonomie et une maitrise sur les chaines de production en monothérapie, en bithérapie ou en trithérapie :
- Indépendance en termes de recherche et en termes de prix.
- Lieux de production et maîtrise des prix : les Etats qui maitrisent totalement la chaîne de recherche, de développement, de la production et de la commercialisation de certains types de médicaments indispensables pour la santé ont la capacité à la fois d’orienter les recherches, d’investir dans la recherche et de fixer les règles du jeu des marchés internationaux. Par conséquent, le fait de ne pas maîtriser totalement cette chaîne de recherche, de développement et de production d’un médicament stratégique pèse sur la politique économique qui sera conduit au niveau international.
Une recherche académique désuète ?
On a la chance d’avoir des chercheurs de grande qualité sur des pathologies qui ont un très grand impact sur nos sociétés : oncologie, génétique, cardiologie, pneumologie, diabétologie… mais nos ne savons pas transformer ce capital en processus industriel et nous savons encore moins le transformer en usine de production.
Conséquences de nos faiblesses
Nous nous privons de rapport de force dans le cadre des stratégies de commercialisation international.
Aucune influence sur la politique des prix des médicaments qui est très dépendante des attentes des industriels, ce qui est légitime d’ailleurs.
Dépendance des stratégies de distribution qui sont élaborés dans d’autres pays
Combien de produits avons-nous développé sur le territoire sénégalais : aucun !
par l'éditorialiste de seneplus, serigne saliou guèye
LES FRAIS DU DILETTANTISME
EXCLUSIF SENEPLUS - A mesure que les tests augmentent, on se rend compte que les personnes en contact avec le virus dépassent toutes les craintes. C’est le déboussolement général dans les prises de décisions
Serigne Saliou Guèye de SenePlus |
Publication 26/04/2020
Depuis les premiers symptômes prodromiques de la pandémie, le gouvernement sénégalais enchaîne avec dilettantisme les erreurs d’appréciation, les décisions frileuses mettant en péril la santé des Sénégalais. Nonobstant les nouvelles alarmantes qui nous parvenaient de la province de Hubei, d’Italie, de la France, d’Espagne et d’Allemagne de janvier à février, un véritable plan de riposte n’avait pas été élaboré avant le début de la crise pandémique dans notre pays. Même si les agents du ministère de la Santé et de l’Action sociale pérégrinaient de média en média pour clamer urbi et orbi qu’ils étaient prêts à contrer le Sars-Cov2, l’on s’est rendu compte qu’aucun budget n’avait été dégagé en ce moment-là pour faire face à la pandémie. En effet, une infime partie du trésor de « guerre » (1,4 milliard francs CFA) n’a été sortie par le Général que le jour du 2 mars où le premier cas de Covid a été enregistré dans notre pays alors qu’il fallait au moins 5 milliards pour commencer sereinement la lutte contre le virus.
La rencontre du 10 mars entre le gouvernement et les partenaires techniques et financiers, coprésidée par M. Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé et de l’Action sociale et M. Amadou Hott, ministre de l’Economie du Plan et de la Coopération, atteste que le plan de riposte qu’on nous vantait tant n’en était pas encore une réalité. En effet, au cours de cette rencontre, le Dr Marie Khemesse Ngom Ndiaye, Directrice générale de la santé, indépendamment du 1,4 milliard, avait demandé des ressources additionnelles estimées à 3 865 926 382 FCFA pour asseoir le plan de riposte contre le Covid-19. Les ressources additionnelles devaient être réparties comme suit :
Contrôles sanitaires aux frontières (9 000 000 FCFA) ;
Communication (153 990 480 FCFA) ;
Coordination (182 793 612 FCFA) ;
CTE (Sites de référence) (550 000 000 FCFA) ;
Ambulances (Samu et Sites de référence) (500 000 000 FCFA) ;
Logistique roulante (430 000 000 FCFA) ;
Autres équipements et (EPI) et produits (1 735 129 187 FCFA) ;
Prévention de l’infection (100 580 000 FCFA) ;
Prise en charge des cas (204 433 103 FCFA) ;
Ce qui signifie qu’en dépit de tout le ramdam orchestré autour du plan de riposte, le nerf de la guerre faisait défaut. Aujourd’hui, en dehors d’une communication calamiteuse du ministère de la Santé, on ignore tout sur les fonds disponibles pour la lutte contre le Covid-19. Aucune information sur le nombre d’agents de santé mobilisés, sur le nombre de lits apprêtés, de respirateurs disponibles, des EPI (équipements de protection individuelle), des masques chirurgicaux et FFP2, des gels hydro-alcooliques, des thermomètres Thermoflash. Une chose est sûre, les EPI, les gels hydro-alcooliques, les Thermoflash manquent drastiquement dans plusieurs centres de soins au point d’exposer le personnel soignant à tout risque d’infection. Chaque jour, l’on fait état de professionnels de la santé confinés pour avoir été en contact avec une personne atteinte du Covid-19. Maintenant, qu’est-ce qui va se passer quand le personnel soignant désarmé infecté va disputer les lits d’hôpitaux avec sa patientèle et qui soignera ceux qui doivent soigner ?
La seule communication-spectacle du ministère de la Santé (malheureusement dramatique) se résume à cette litanie matinale anxiogène et indigeste que servent le ministre Diouf Sarr ou ses collaborateurs aux Sénégalais angoissés avec la même diction macabre.
On a crié victoire trop tôt…
Aujourd’hui, le rythme des cas de contamination confirmés progresse à une vitesse exponentielle. Et le nombre de morts enregistrés en quelques jours suit la courbe des personnes infectées. A mesure que l’on augmente les tests, l’on se rend compte que les personnes en contact avec le Sars-Cov2 dépassent de loin ce que la majeure partie des Sénégalais pensaient. En six jours, c’est-à-dire du mardi 21 avril au dimanche 26 avril, 3145 tests ont été effectués et 294 cas de contamination ont été confirmés soit plus de 2/3 des 377 cas enregistrés en 40 jours. Ce qui ne présage rien de bon. Le fait qu’après un mois de Covid le Sénégal s’était retrouvé avec 195 cas de personnes infectées, 55 patients guéris et une perte en vie humaine avait poussé certains de nos compatriotes à verser dans un triomphalisme auto-glorificateur prématuré. Certains aèdes allant même jusqu’à entonner l’hymne de l’exception sénégalaise. On a crié victoire trop tôt alors que la « guerre » n’en était qu’à ses débuts.
Aujourd’hui, nous commençons à faire les frais de l’amateurisme avec lequel le président et son ministre de la Santé ont géré le début de la crise sanitaire que nous sommes en train vivre dramatiquement. Quand le 2 mars, le premier cas de contamination au Covid-19 a été publicisé, des mesures drastiques devaient être prises pour donner un coup d’arrêt à cette pandémie qui s’était invitée chez nous via les airs. Et dès lors, le meilleur moyen était de réfléchir sur une stratégie de fermeture de nos frontières tous azimuts. Mais que nenni ! La seule décision majeure prise, c’est le déblocage de 1,4 milliard de francs CFA pour amorcer le plan de riposte. Ainsi, le Général distribua les armes après le déclenchement des hostilités. Quelle stratégie gagnante !
Alors que de plus en plus les pays du monde se barricadaient pour stopper le virus voyageur, notre pays, avec sa téranga millénaire légendaire, laissait grandement ouverts ses espaces aérien, maritime et terrestre au reste du monde. Le professeur Daouda Ndiaye, chef du département de parasitologie de la faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, invité de l’émission Jury du dimanche le 2 février, déclarait que même si le Sénégal franchissait la barre des 11 mille cas, il n’était pas question de se barricader parce que pour lui « la meilleure stratégie, c’est de laisser les personnes se mouvoir correctement et préparer le système dans la prise en charge et surtout dans la prévention ». Surprenante déclaration de la part d’un éminent professeur comme Daouda Ndiaye siégeant au CNGE !
Et le 15 mars à la même émission, le ministre de la Santé déclarait, au moment où l’on comptait 26 cas de contamination confirmés, que le Sénégal ne trouvait pas encore nécessaire de fermer ses frontières même à l’endroit du Maroc qui avait interdit tout vol en provenance de notre pays. La Mauritanie voisine, elle, a été plus prompte dans la restriction des déplacements intra et extraterritoriaux. Ses autorités, dès la confirmation de la présence d'un premier malade sur le sol mauritanien le 13 mars, ont pris une batterie de mesures rigoureuses en fermant, trois jours après, les frontières routière, aérienne et maritime du pays. A cela se sont ajoutées des décisions relatives à la fermeture des écoles, des universités et des marchés, au confinement et à la mise en place d'un couvre-feu de 18h à 6h du matin assorties de mesures sociales pour accompagner les ménages nécessiteux. Et il a fallu que les frontières de l'espace Schengen et d’autres pays africains fussent fermées depuis le 17 mars pour que notre pays en fît de même le 20 mars.
Déboussolement
Le président Macky Sall n’a pris de vraies demi-mesures de lutte contre le virus que le 23 mars quand notre pays a enregistré 79 cas de contamination. Mais aucune décision courageuse n’a été prise pour la fermeture des marchés qui sont devenus aujourd’hui des foyers « super spreader ». Tantôt ce sont les maires qui sortent des arrêtés de fermeture provisoire des marchés pour raison de nettoyage ou de désinfection, tantôt ce sont les gouverneurs ou préfets qui montent au créneau pour prendre des mesures afférentes. Cette pandémie a semé un véritable désarroi au sein de l’Etat tant est si bien qu’on ne sait plus qui doit faire quoi. Il y a trop de tergiversations, trop de tâtonnements, trop d’imprécisions, trop de cafouillages, trop de bafouillages dans les prises de décisions concernant les rassemblements publics, le transport urbain, le port et la confection du masque, la vente du pain.
La ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, a interdit la vente du pain dans les boutiques par crainte de propagation du virus mais ce n’est que cautère sur jambe de bois parce que, parallèlement, son arrêté crée des embouteillages humains au niveau des boulangeries, sapant, par là même, la mesure barrière de la distanciation sociale ? Et comme solution, l’incompétente ministre demande aux consommateurs d’aller acheter leur pain à partir de midi. Et c’est cette même ministre et son collègue du Développement industriel et des Petites et moyennes industries, Moustapha Diop, qui ont pris ce 24 avril, un arrêté conjoint, rendant obligatoire l’obtention de la certification NS-Qualité Sénégal, comme un préalable à toute confection de masques barrières. Quels sont les tailleurs qui comprennent ce que veut dire la norme « NS 15-014 : 2020 » ? Même lesdits ministres n’y pigent que dalle ! Et voilà que le dimanche 26 avril, le ministre Moustapha Diop sort un communiqué pour dire que « tenant compte du contexte particulier où aucun moyen n’est de trop pour freiner la propagation du covid-19, l’application de l’arrêté n° 009450 du 24 avril 2020 est suspendue jusqu’à nouvel ordre ». C’est le déboussolement généralisé dans les prises de décisions.
Cela est constatable dans le confinement que l’autorité propose oralement par le « Restez chez vous » mais qu’elle n’impose pas par voie décrétale. Combien de fois n’a-t-on pas entendu des médecins dire que le confinement est la solution pour endiguer le mal alors que d’autres prônent des tests massifs ? Le président de la République n’a-t-il pas menacé de décréter le confinement si certains comportements favorisant la contagion rapide ne prennent pas fin ? En temps de crise, la tergiversation et la procrastination dans les prises de décisions sapent l’autorité du chef. Si aujourd’hui, la Mauritanie voisine a pu juguler la pandémie au point de ne plus compter un seul cas contamination depuis le 18 avril supplémentaire sur les 8 enregistrés, c’est grâce à la prompte réactivité et à la fermeté des décisions prises par son président Mohamed Cheikh El Ghazouani.
Au lieu de prendre sérieusement à bras-le-corps cette pandémie, on détourne l’attention des Sénégalais sur la distribution des vivres comme si on était en temps de crise alimentaire alors qu’elle est sanitaire. Le président de la République, sous les caméras et flash des journalistes et photographes, passe en revue les cargaisons de riz destinés à son peuple affamé alors qu’on aurait aimé le voir dans certains centres de santé en agonie logistique, dans certaines unités de fabrique de masques ou de gels hydro-alcooliques. On ne parle plus du coronavirus mais du coronariz avec tout le parfum de scandale qui entoure l’attribution du marché par son beau-frère Mansour et le manque de transparence dans les cibles destinataires. On média-folklorise la distribution des vivres en invitant la presse et les politiciens pour immortaliser ces libéralités du président et de sa parentèle. Dans la même lancée, les maires subitement « humanistes », dans la plus grande opacité, se jettent dans une féroce concurrence d’achat de produits aseptiques et de vivres pour venir en aide aux populations dont ils ne se sont jamais souciés en temps de paix.
La loi d’habilitation ne met pas en congé les principes de la transparence et de la bonne gouvernance. Pendant que le coronariz fait la une de la presse, le coronavirus sournois voyage entre les régions et se propage à un rythme démentiel dans nos marchés sans qu’aucune mesure concrète et courageuse ne soit prise pour fermer ces lieux de dissémination du Sars-Cov2.
Mais il est évident qu’il y aura un après-Covid et l’heure de la reddition des comptes politiques se profilera. Malgré cette espèce d’unanimisme hypocrite derrière le Général qui empêche certains citoyens de moufter par crainte d’être taxés de déserteurs ou de défaitistes, certains lâches responsables politiques et de la société civile de dénoncer les failles du moment, tout manquement et toute malversation dans la gestion de cette crise sanitaire seront chèrement payés.