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4 mai 2025
Opinions
Par Oumar Faye
QUELLES STRATÉGIES DE SORTIE DE L’ETAT D’URGENCE ?
L’analyse du complexe pathogène lié à l’épidémie, laisse présager de l’existence d’une dynamique communautaire souterraine comme le prouve les cas communautaires qui sont chaque jour notifiés par le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale.
L’analyse du complexe pathogène lié à l’épidémie, laisse présager de l’existence d’une dynamique communautaire souterraine comme le prouve les cas communautaires qui sont chaque jour notifiés par le Ministère de la Santé et de l’Action Sociale. Tout laisse penser que cette dynamique ira en s’amplifiant lorsqu’on analyse les forces motrices qui animent le réacteur qu’est l’épidémie, le combustible étant le virus. Ces dernières sont essentiellement au nombre de quatre: une contagiosité importante (20 personnes ont été contaminées par n malade), une période d’incubation pouvant atteindre 15 jours, des porteurs asymptomatiques du virus et un ’environnement social, culturel et économique favorable habituellement à la propagation du virus (mobilité, sociabilité, promiscuité, pauvreté). On peut aujourd’hui affirmer sans se tromper que nous assisterons pendant plusieurs mois encore à des notifications de cas. Dans un contexte d’imprévisibilité et d’incertitudes scientifiques, il faut développer des stratégies de gestion des risques qui donnent une plus large place aux méthodes prospectives et anticipatrices. Sous ce rapport, la lucidité plus que jamais nécessaire nous amène à penser que le virus continuera à circuler dans la zone africaine et que c’est un scénario de coexistence avec le virus qui s’impose à nous. Afin d’éviter qu’un drame économique succède à un drame sanitaire, il convient d’identifier les stratégies les plus productives permettant de sortir de l’Etat d’urgence et de ralentissement des activités économiques dans lequel nous sommes, pour progressivement reprendre les activités économiques et sociales.
1 – Le renforcement et la décentralisation de la capacité de prise en charge des malades par le CovId-19
La très forte contagiosité de la maladie est responsable d'une diffusion importante du virus, de ce fait les personnes infectées doivent être isolées avec la nécessité pour nombre d’entre eux d’une réanimation intensive. Sous ce rapport, L’OMS s’attendait à ce que les Systèmes de santé africains s’effondrent devant cette épidémie, ce n’est apparemment le cas. Au Sénégal, le gouvernement ayant d’emblée pris conscience de la gravité de la menace, a élaboré, financé et mis en œuvre un plan de riposte qui a été adapté en fonction de l’évolution de l’épidémie. Si au Sénégal beaucoup d’efforts ont été consentis en termes de structures de santé, d’équipements et de recrutement de personnel technique, force est de reconnaitre qu’il existe toujours la crainte d’une inadéquation entre la charge en soins que pourrait occasionner l’épidémie et la capacité de prise en charge des malades par nos structures de santé notamment les hôpitaux. La répartition de l’offre de soins pour les malades atteints par le C0VID19, prise en charge par les exercices de planification a permis jusqu’à maintenant la validation de la confrontation d’une part, de la carte d’activités avec d’autre part la morbidité liée au COVID-19. Des efforts importants ont été faits par le Gouvernement pour atténuer les disparités qui avant étaient facilement perceptibles à la lecture des quotients de mortalité. Ce qui pose problème, c’est certes les moyens qui doivent être mis en œuvre pour prévenir et lutter contre la maladie, mais aussi, la capacité de cette épidémie à soustraire du champ sanitaire d’autres problèmes concomitants de santé publique ; n’oublions pas que la première cause de mortalité au Sénégal est constituée par les maladies cardiovasculaires.. En continuant l’analyse, on se rend compte combien il est légitime de soulever cette problématique, en effet on peut constater que La manière dont l’épidémie a été portée dans l’espace public et constituée en problème sécuritaire, est révélatrice beaucoup plus de la morbidité sociale importante liée à cette affection, que de la réalité épidémiologique stricte telle qu’elle peut être objectivée par les indicateurs utilisés en santé publique pour mesurer la gravité de la maladie (létalité). Il faut reconnaitre qu’il est toujours difficile pour notre pays de se doter de politiques sanitaires qui le préparent à répondre aux nécessités de demain tout en lui permettant de faire face aux urgents besoins du présent. Le principe de précaution impose à notre pays d’adapter son système de santé dans son ensemble à la gestion d’une crise majeure, défi auquel notre pays a essayé de faire face jusqu’à maintenant avec beaucoup de résilience. Tout ceci veut dire que la réponse la plus cohérente aujourd’hui doit aussi être celle qui ouvre les voies les plus favorables à plus long terme ; Cette perspective conférerait à l’élaboration des décisions un sens de l’orientation et du but à atteindre qui fait souvent cruellement défaut lorsqu’elle s’opère sous les pressions d’une crise. Il faut donc augmenter et décentraliser la capacité d’accueil des patients porteurs du COVID-19, car rappelons le, une épidémie se gère toujours dans l’anticipation sur le coup d’après.
2 - Renforcement des activités de promotion des «mesures barrière»
Nous avons déjà vécu l’épidémie d’Ebola, alors la question qu’on se pose tout de suite, c’est comment faire aujourd’hui pour que les acquis en termes de comportements se pérennisent. S’il est possible d’enrayer l’évolution de la maladie en adoptant des gestes très simples (lavage des mains avec l’eau savonneuse ou nettoyage les mains avec une solution hydro- alcoolique, la distanciation d’au moins un mètre, tousser dans le creux du coude, se moucher avec un mouchoir que l’on jette après à la poubelle) par contre, un tel comportement dépend d’autres facteurs, pouvant échapper au pouvoir individuel, hors de la variance du comportement de ce dernier. Si l’information et l’éducation pour la santé sont des stratégies essentielles pour se prémunir d’une épidémie comme celle qui sévit actuellement au Sénégal, elles ne peuvent cependant exister par elles-mêmes et pour elles même, elles n’acquièrent leur signification réelle que par la mise en corrélation de l’état de santé avec les autres conditions sociales et économiques. Il faut prendre en compte les modèles conceptuels qui sous- tendent les pensées médicales des populations sénégalaises, ces modèles constituent l’arrière fond beaucoup plus stable en fonction duquel se conçoivent et s’élaborent les stratégies adaptatives en matière de santé. L’éducation pour la santé qui fait la promotion de messages qui il faut le dire sont clairs, lisibles et scientifiquement validés, doit être renforcée ; cette stratégie qui vise à améliorer la responsabilité individuelle et collective lors des choix qui concernent certains comportements ou modes de vie dangereux pour la santé vise à développer chez les citoyens une conscience sanitaire qui devra les rendre responsables de leur propre santé. Il faut que chacun prenne conscience du patrimoine que représente sa santé. Il reste aussi que si le grand défi du renforcement de la citoyenneté en matière de prévention reste la responsabilité, cependant, l’éternel postulat de cette dernière n’aura un sens que lorsque les comportements auto-préjudiciables auront une alternative judicieuse (si on veut que les gens se lavent les mains, il faut que les robinets ne soient pas coupés). Les journalistes sénégalais ont été des partenaires précieux qui ont pu non seulement assurer efficacement la promotion des mesures barrière mais ont aussi, participé aux débats publics organisés autour de l’épidémie à Coronavirus. Le monde des médias et celui de la santé ont besoin de travailler en étroite collaboration ; cette dernière ne peut pas se limiter comme c’était le cas avant à des plages publicitaires réservées au niveau des supports de l’information par le Ministère de la Santé et de l’Action sociale.
3- Le confinement des personnes à risques (âge de plus de 65 ans, maladie chronique, obèsi et un cordon sanitaire pour les espaces à haute incidence de cas)
La fièvre est le signe d’appel le plus constant et le plus précoce, cette fièvre s’accompagne souvent de dyspnée. Ce tableau clinique de pneumonie peut rapidement évoluer vers une insuffisance multiviscérale. Le virus étant bien adapté à l’homme et la transmission interhumaine pouvant être intense, les stratégies développées reposent habituellement sur une fermeture des modèles épidémiologiques qui se restreignent aux variables biologiques, constituant ainsi dans la tradition de la médecine hippocratique, l’individu comme siège en grande partie de détermination de la mortalité. Les statistiques des différents pays touchés par le Coronavirus font état d’un nombre beaucoup plus élevé de décès chez les personnes de plus de 65 ans, les obèses, les sujets porteurs de maladie chronique etc.. Cette létalité est aussi marquée chez les sujets présentant une comorbidité telle que le diabète, les maladies cardiovasculaires. Le confinement limite les contacts de ces personnes fragiles et donc à risque de faire des complications pulmonaires notamment et au-delà la pression sur le Système de santé. Pour les quartiers où l’on note un nombre élevé de cas par rapport au reste du pays notamment des cas provenant de la transmission communautaire, il faut mettre en place un cordon sanitaire.
4 - Le port obligatoire de masque dans l’espace public
Le COVID-19, virus responsable de cette épidémie, est très contagieux, il se transmet par l’air, via des gouttelettes infectées, qui peuvent atteindre par des éternuements ou la toux des personnes qui sont situées à moins d’un mètre. Cette projection de sécrétions et donc de virus, permet donc de transmettre l’infection à d’autres. L’objectif du port obligatoire de masque est que les sénégalais se protègent mutuellement. Il est préférable de porter un masque chirurgical en tissu, avec un renfort rigide. Il est important de le porter correctement, c’est à dire le placer juste en dessous des yeux et nouer les élastiques ou lacets sur les oreilles de façon à ce que le masque soit adhérent. Il est préférable de porter un masque à usage unique qu’on peut jeter dès qu’il est mouillé, ce qui arrive quand on tousse, éternue ou qu’on fait un effort. Il faut l’utiliser avec précaution, en se lavant les mains avant de le manipuler et après l’avoir enlevé, et penser à le changer après trois heures Le port de masque s’impose surtout quand on sort et qu’on va dans des lieux collectifs, mais surtout quand on va au contact de personnes fragiles, à savoir les femmes enceintes, les personnes âgées notamment celles qui sont atteintes de maladies chroniques ou immunodéprimées. Aujourd’hui alors que ce n’était pas le cas, l’OMS souligne les avantages en termes de protection du port du masque par la collectivité aussi bien en espace ouvert que clos.
5 - développement d’une approche sous régionale (Guinée, Gambie, Mali, Mauritanie, Guinée Bissao)
Un autre facteur favorisant la propagation des virus est constitué par la mobilité spatiale intense résultant des mutations environnementales en cours et à venir. On a pu le constater avec l’épidémie à Coronavirus actuelle ; partie de Wuhan, elle a rejoint Pékin, de là, le virus a profité des liaisons aériennes pour atteindre la Corée du Sud et Hong Kong avant de « visiter » l’Europe et le Canada. Le premier cas de Coronavirus a été notifié le 02 Mars au Sénégal. On est en plein cœur de la globalisation en matière de risque. On constate que les populations et les espaces locaux sont de plus en plus intégrés dans des ensembles socio-économiques et politiques de plus en plus larges : régionaux, nationaux et internationaux, qui sont interconnectés dans leurs déterminants et leurs conséquences. Les migrations et autres formes de déplacements sont devenues une réalité qui peut accroître la propagation des maladies infectieuses. La porosité de nos frontières montre la facilité avec laquelle on peut passer des pays voisins à notre pays et vice versa Toutes ces évolutions se caractérisent par la rapidité avec laquelle elles se produisent, par leur complexité, leur imprévisibilité et leur interdépendance. Lorsqu’on raisonne en termes de risque, il faut considérer l’Afrique de l’Ouest comme un espace épidémiologique dans lequel la dynamique du complexe pathogène lié à l’épidémie se déroule de manière assez homogène. On peut affirmer sans se tromper que ni la fermeture des frontières, ni les antiviraux, ni les mesures barrière ne peuvent sanctuariser un pays quel que soit ses moyens et sa position géographique, comme en témoigne la situation épidémiologique mondiale liée aujourd’hui à cette affection. Il faut partir de l’évidence qu’il n’y aura pas de rempart possible tant qu’il persistera un malade ne serait-ce que dans un seul pays de la sous-région. Les plus avertis en conviennent, la vulnérabilité des uns recèle la vulnérabilité de tous. Il parait donc logique de développer une approche régionale dans la lutte contre cette épidémie.
6 - des études en rapport avec les incertitudes scientifiques liées à cette épidémie
Ce virus émergent engendre des problèmes inédits et transverses, avec des inconnues scientifiques massives contraignant à revoir les plans tout faits. L’épidémiologie liée à cette maladie décrite dans les différents pays où elle sévit, témoigne de l’interaction incessante de facteurs naturels, économiques et culturels sans cesse remis sur la balance. Il est donc évident que pour prendre la juste mesure de la situation de santé relative à cette crise, on ne peut se contenter d'une analyse qui se bornerait à travailler à partir de grands indicateurs descriptifs, il faut une observation fine du complexe pathogène. Une incidence importante, je dis bien importante, est – elle possible à Linguère, Matam, en Mauritanie, au Mali ou au Niger ? Quelle est la carte du risque ? Existe t – il en Afrique sub-saharienne et au Sénégal en particulier des facteurs bioécologiques pouvant atténuer l’ampleur et la gravité de l’épidémie ? Quelle est l’étendue de l’épidémie au Sénégal ? Quelles sont la qualité et la durée de la réponse immunitaire ? Quelle est Importance du réservoir de virus scolaire ? Quel est l’’impact des gestes barrière sur la mortalité générale ? Des réponses éventuelles à ces interrogations qui sont légitimes, permettent d’éclairer les décisions que les politiques sont amenés à prendre, notamment par rapport à la sortie de l’état d’urgence.
Professeur Oumar Faye
Ancien Directeur de la Santé et Ancien Directeur de la Prévention Individuelle et Collective
Par Oumar-Diouf FALL
L’EFFET POSTILLON
Au Sénégal, tout observateur attentif constate que les programmes de soutien aux populations dites défavorisées ont toujours laissé un goût amer.
Au Sénégal, tout observateur attentif constate que les programmes de soutien aux populations dites défavorisées ont toujours laissé un goût amer. C’est même à croire que l’opinion publique, à travers quelques lanceurs d’alerte, traque le moindre faux pas sur le chemin des différents gouvernements qui ont eu à gérer des opérations de cette nature. Malheureusement, les différents gouvernements sont tombés dans cette sorte de chausse-trappe.
Ce gouvernement-ci ne déroge pas à la règle, perturbé dans son élan par une tempête médiatique heureusement vite étouffée —pour l’heure en tout cas — par le président de la République. Lequel a pu mesurer la clameur d’indignation en apportant des correctifs dans son dispositif de gestion de la logistique de l’aide destinée à ses concitoyens affectés par les ravages sanitaires et économiques de cette pandémie.
En effet, Macky Sall sait très bien que les partenaires au développement du Sénégal goûteraient peu un détournement supposé des fonds mobilisés pour la riposte par l’attribution frauduleuse des marchés de cette aide. Pour la bonne et simple raison qu’il ne peut vouloir une chose et son contraire. Demander l’annulation de la dette pour atténuer les terribles et imprévisibles contrecoups qui seront créés par la pandémie du Covid-19 ne peut s’accommoder d’un quelconque soupçon de collusion avec ses partisans politiques. Ce serait tout simplement se faire hara kiri !
Pour autant son plaidoyer pour l’annulation de la dette risque d’être un coup d’épée dans l’eau, même si, dans son offensive médiatique tous azimuts à travers France 24 et le quotidien Le Figaro, il n’a cessé de prévenir les partenaires du Sénégal et de notre continent que si « l’Afrique tombe, le monde tombe ».
De son point de vue, « une Afrique impuissante face au Covid-19 restera une menace pour le monde », d’où l’impérieuse nécessité de soulager notre continent du lourd fardeau de la dette — dont le paiement serait insupportable — tout en faisant face aux répercussions désastreuses de l’après-pandémie sur nos économies et sur nos vies.
A vrai dire, le monde d’après Covid19 se relèvera difficilement des dégâts manifestes qui n’épargneront personne. Dès lors, il est plus à redouter un repli généralisé sur soi qu’un sursaut de solidarité et de partage des dividendes de cette catastrophe venue d’ailleurs que de notre continent habituellement indexé de toutes les pestes de la terre. C’est pourquoi, les bouleversements économiques et socio-politiques qui se profilent dans un proche horizon poseront plus de problèmes qu’ils n’en résoudront.
Alors, autant le virus dégage des postillons susceptibles de propager à grande échelle la maladie, autant la bataille pour son endiguement ne peut s’accommoder de considérations politiciennes et de bavardages inutiles.
Oui, cette affaire de Covid-19 est trop sérieuse pour qu’on puisse jouer avec ou se laisser distraire par elle. Cela est valable aussi bien du côté du gouvernement, qui est à la manœuvre au nom et pour le compte du peuple sénégalais, que de celui de ceux qui crient haro à la magouille et au détournement d’objectifs de l’aide destinée aux populations. Attention ! Il n’est pas question ici de donner blanc-seing à des pratiques hors normes et des dérives qui transgressent l’orthodoxie de la bonne gestion.
Les comptes seront faits en temps opportun et au besoin réclamés avec insistance par une opinion publique exigeante et désormais de plus en plus soucieuse de transparence et de bonne gouvernance. Pour l’heure, ne nous trompons donc pas de combat et de priorités car le mal progresse et touche des zones jusqu’ici épargnées. Virus invisible, cas communautaires invisibles. Équation difficile à résoudre d’où l’alerte des techniciens de santé sur la riposte musclée à apporter par le port systématique de masques et le confinement séquentiel ou général des quartiers ou régions infestés.
Visiblement, nous ne sommes pas encore sortis de l’auberge Covid-19.
Oumar-Diouf FALL
MediaPower221.com
Par Doudou DIA
OBLIGATION DE TRANSPARENCE ET D’INCLUSION POUR VAINCRE L’INCERTITUDE ET LA PEUR
Nous vaincrons le Covid-19 que lorsque nous respecterons toutes les règles collectives y compris la gestion vertueuse et efficiente du fonds alloué à cet effet. Le Covid-19, aussi tragique qu’il soit, ouvre également des opportunités !
Dans son adresse à la nation du 03 avril 2020, le Président Macky Sall insistait sur la nécessité de la mise en place d’un Comité de pilotage composé de représentants de l’Etat, de l’Assemblée nationale toutes sensibilités confondues et de la société civile afin de superviser le Fonds «Force-Covid -19» pour ainsi garantir les conditions de transparence et d’inclusion.
Cet appel du Chef de l’Etat a suscité un élan de solidarité nationale instaurant ainsi une confiance au sein de toutes les parties prenantes de la nation sénégalaise sanctionné par le vote, à l’unanimité de la loi d’habilitation autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
Malheureusement depuis quelques jours le débat est dominé par les questions d’amateurisme et de transparence dans l’attribution des marchés et de la distribution de l’aide alimentaire au profit des citoyens les plus démunis. En aucun cas, cette crise sanitaire inédite dans l’histoire de l’humanité ne doit être une source d’enrichissement de prédateurs économiques ou une porte ouverte à la gabegie. Faut-il le rappeler, si la crise sanitaire semble pour le moment être maitrisée c’est grâce au patriotisme et au professionnalisme de nos vaillants médecins et personnel de santé, faisant preuve d’une forte résilience.
Cependant, avec la montée des cas communautaires, il est prédit que notre pays, comme tant d’autres du continent africain surtout, risque d’être sévèrement atteint dans tous les secteurs. Ce qui rend le défi beaucoup plus grand qu’inquiétant. C’est dire qu’il est plus qu’important de gérer cette crise avec intégrité et patriotisme compte tenu de ses conséquences incalculables pour le moment et susceptibles de bouleverser nos vies. L’heure n’est pas à la manipulation, à la suspicion ou à la gabegie ; la santé des citoyens est la supra-priorité. L’état d’urgence, une des réponses gouvernementales, requiert dans sa gestion l’anticipation, la réactivité et la transparence sur toutes les décisions prises ; l’information sur tout le processus lié à la lutte contre la pandémie dans le seul but de protéger les populations. Par contre, cet état d’urgence ne doit pas rimer avec absence de transparence, de reddition des comptes ou d’abstraction des règles de bonne gouvernance et d’intégrité en général. Il ne faudrait surtout pas que la gestion de la crise du Covid-19 renforce les inégalités sociales par une distribution nébuleuse des aides ou un accès inéquitable aux services sociaux de base.
Faut-il le rappeler, les crises sont des moments opportuns pour éprouver les capacités de résilience d’un peuple, mais bien plus jauger le niveau d’engagement citoyen, de patriotisme et surtout de la primauté de la nation sur l’Etat. C’est dire que les décisions prises par les autorités notamment le Chef de l’Etat doivent être ouvertes, informées et transparentes. C’est dans ce sens que toute la nation sénégalaise, dans son écrasante majorité, et les forces vives avaient salué l’initiative du Chef de l’Etat et fait bloc autour de lui. Il ne faut donc surtout pas altérer cet élan de solidarité et de patriotisme mobilisé pour une réponse collective et ferme à la pandémie.
L’état d’urgence ne doit pas être une funeste opportunité de faire fi de ces règles même s’il est clair qu’une décision participative est, toutefois, difficile en tant de crise de cette envergure. C’est pourquoi, il faut saluer et consolider la récente décision du Président de la République de matérialiser le Comité de Pilotage annoncé par le Chef de l’Etat tel qu’annoncer dans son adresse à la nation du 03 avril 2020. Ce Comité aura au moins à atténuer autant que possible les risques de malversations en surveillant, contrôlant et supervisant la mise en œuvre de toutes les décisions des pouvoirs publics.
Le débat autour de l’attribution de marchés et de la distribution de l’aide alimentaire constitue une opportunité pour nos gouvernants de renforcer les moyens de contrôle et de contre-pouvoirs attribués au Comité, mais aussi communiquer plus clairement sur ses actions. Il nous faut favoriser les bonnes pratiques capables de renforcer l’élan de confiance, de solidarité et de cohésion nationale, éléments essentiels pour répondre efficacement aux besoins des citoyens.
Au moment où le coronavirus survient en temps d’agitation sociale et nous dicte un changement drastique de comportement, un avenir incertain et la peur, il importe de construire un partenariat collaboratif entre nos dirigeants et nos communautés pour surmonter cette crise sanitaire aux conséquences économiques incalculables. Le Gouvernement, en mettant à disposition un financement d’urgence de 1000 milliards de Fcfa, se doit d’intensifier ses opérations en mettant le focus sur les besoins prioritaires en matière de santé et sur la protection des ménages les plus démunis. Dans notre situation actuelle avec la pandémie du COVID-19 en cours, le problème central de gouvernance consiste à amener les gens à se détourner de leurs routines normales au nom d’objectifs de santé publique.
Pour redonner espoir à nos citoyens, nos gouvernants doivent apprendre à changer. Après tout, avant que le virus ne se déclare, le débat était dominé par la politique délétère symbolisée par des jeux d’alliances qui se font et se défont au gré des intérêts du moment des acteurs. Pour le citoyen lambda, « politique et mensonge portent le même pagne ». Avec le Covid-19, le Gouvernement bénéfice de la confiance des populations et joue la carte de la crédibilité de l’Etat. Nous savons tous que le manque de transparence est encore plus préjudiciable lorsque les systèmes sont exposés à des menaces graves comme la pandémie actuelle d’où la nécessité d’un nouveau contrat social. Le COVID-19 est aussi une opportunité de construire un nouvel avenir basé sur une plus grande confiance de la société face à l’Etat, un impératif pour un processus de changement social. Toute rupture de confiance conduirait à des pratiques contre productives au sein de nos communautés.
Enfin, il est surtout indispensable de faire prendre conscience de la valeur des biens publics. Après tout, la corruption résulte en partie d’un manque d’appréciation du bien commun. Le coronavirus est égalitaire et ne cède pas aux fausses allégations. Il attaque tout le monde indépendamment de la classe économique, de l’appartenance politique et du groupe social ou religieux. L’énormité de la situation provoquée par la pandémie du COVID-19 oblige surtout nos décideurs politiques à réfléchir sur la nature et l’efficacité de nos systèmes de gouvernance. Au-delà du Covid-19, nous nous devons être les protagonistes de notre propre avenir ; nous devons éviter la mentalité de la dépendance et de la coercition pour épouser celle de l’auto-développement coordonné où le citoyen est au cœur de l’action. Après tout, un peuple qui exige de la part de ses gouvernants l’obligation de respect des règles de bonne gouvernance en cette période de pandémie est un peuple de citoyens informés et engagés, conscients de leurs droits et surtout animés du mieux-être. Comme le dit si bien une sagesse populaire: « quand vous perdez la confiance du peuple, même si vous dites la vérité, on ne vous croit plus », c’est aussi sous cet angle qu’il faut apprécier toute cette exigence de transparence, de reddition des comptes et d’inclusion. Profiter du bien public en cette période de pandémie est pire que le Covid-19 et pourrait-être assimilé à de la haute trahison. Nous vaincrons le Covid-19 que lorsque nous respecterons toutes les règles collectives y compris la gestion vertueuse et efficiente du fonds alloué à cet effet. Le Covid-19, aussi tragique qu’il soit, ouvre également des opportunités !
par Youssoupha Niang
COVID-19, PROTÉGEONS CE QUE NOUS AVONS DE PLUS VULNÉRABLE ET PRÉCIEUX
Si nous voulons que les gestes barrières et en particulier le bon port du masque soit adopté par la majorité des Sénégalais, il faudra en faire une « mode » et non une contrainte
Ces dernières décennies, le monde fait face à de plus en plus d’épidémies d’origine virale (VIH/SIDA, Grippe aviaire, Ebola, SARS, MERS, Covid-19). Ceci a été le cas en particulier de l’Africain. Souvent nous y avons laissé beaucoup de vie. Nous en avons aussi gardé dans notre génome beaucoup de restes de matériel génétique viral. Nous avons également développé toute une ingénierie et un savoir-faire en santé publique.
Notre mode de développement nous a emmenés à briser certaines frontières biologiques avec le reste du monde animal mais aussi à réduire de manière drastique la biodiversité qui participait à contenir la virulence des virus. Nous, nous exposons et continuerons de nous exposer aux virus qui jusque-là étaient étrangers à notre écosystème. Notre réaction d’adaptation doit être à la hauteur de l’agression actuelle mais aussi anticipée sur celles à venir en agissant sur les déterminants biologiques et sociaux de la santé.
Nous avons certes une faible connaissance sur ce virus mais nous savons là où il est plus nocif. Nous pouvons alors être plus effectifs dans nos interventions de santé.
Nous parlons souvent de la résilience des Africains et des Sénégalais en particulier. Cependant, ne confondons pas résilience et coping par défaut. La résilience nous ne la saurons qu’au décours de la crise car elle implique une capacité à absorber un choc et à rebondir au décours. En d’autres termes, sortir d’une crise avec plus d’atout et de développement dans le domaine impacté par la crise.
En ce qui nous concerne, elle passera par des ressorts individuels, communautaires, culturels mais surtout l’organisation et la communication de crise qui permettent l’adhésion et la mobilisation communautaire pour un enjeu sanitaire.
Nonobstant les chiffres de contagion, qui semblent refléter plus la faiblesse du dépistage qu’un profil épidémiologique du virus au Sénégal, la jeunesse de notre population, les expositions antérieurs à d’autres virus, une peut-être plus faible virulence du virus, un système sanitaire assez performant et un niveau relatif de mobilisation communautaire semblent contribuer à déterminer un profil particulier de la transmission.
Si les chiffres égrenés tous les jours reflètent vraiment le niveau de la transmission alors on peut affirmer que le virus est devenu moins virulent pour une raison ou une autre ou qu’il existe déjà une certaine immunité collective à même de ralentir la transmission. Car il n’y a pas une spécificité sénégalaise dans la riposte.
La seule jeunesse de la population pourrait expliquer le nombre limité de cas graves mais devrait au contraire participer à une plus grande transmission du virus et le développement rapide d’une immunité collective.
En attendant de disposer d’un vaccin capable de conférer cette immunité, certains pays ont développé une riposte qui se base sur la facilitation de l’immunité collective et n’ont l’aplatissement forcé de la courbe épidémiologique. L’objectif étant de protéger les plus vulnérables et être plus résilient à des vagues ultérieures de contagion, si pas de vaccin d’ici-là (ce qui est assez probable). Les mesures barrières et de cantonnement ne peuvent être que temporairement efficaces et très difficiles à soutenir dans la durée. Seulement, avec un Ro à 2.5 il faudra au moins 60% d’immunisation pour y arriver.
La modélisation mathématique de la transmission se fait en tenant compte de trois paramètres à savoir : la capacité du virus à se propager d’une personne à une autre, la dynamique de la propagation et la sensibilité de la population exposée. Partant des deux derniers critères, il serait intéressant de recalculer le Ro en Afrique. Aujourd’hui, toutes les ripostes sont basées sur un Ro calculé dans d’autres contextes environnementaux et épidémiques.
Le défi sanitaire, en l’absence de vaccin, n’est pas tant d’isoler la population entière par rapport au virus ou de se battre contre des chiffres de contagion que nous ne maitrisons pas, mais plutôt de protéger les personnes avec un risque vital important si atteint de covid-19, de réduire la durée et l’impact de la crise engendrée par la pandémie et la riposte.
Toute la communauté devrait protéger de manière généreuse et volontaire ceux qui sont le plus à risque du fait de leur âge ou d’une possible comorbidité. La mobilisation sociale et le discours qui la soutient devrait aider à créer cet esprit de dépassement de soi pour une cause supérieure. La mobilisation et le monitoring familial et communautaire par rapport au port du masque et gestes d’hygiène en général sont souvent des plus efficaces que les injonctions et la moralisation.
Les pays du Nord ont perdu dans cette crise un bon nombre de leurs seniors. Nous devons protéger les nôtres ainsi que toutes celles et ceux qui ont besoin d’être protégé(e)s. Il s’agit pour la jeunesse surtout et pour tous ceux qui se portent bien de protéger les personnes vulnérables à travers des mesures certes contraignantes mais simples. La lutte contre cette infection appelle à notre altruisme individuel et collectif. Il ne s’agit pas seulement de se protéger mais surtout, de protéger l’autre plus vulnérable que soit.
En attendant l’installation d’une immunité collective provoquée ou non, ou de la disparition spontanée du virus, il me paraît important de :
Se rappeler que la gestion de toute crise se fait de manière holistique et effectivement intégrer le personnel soignant, les artisans, les leaders communautaires, les universitaires, les « bay » et « yayfalls », les socio-anthropologues, les médiateurs communautaires, les étudiants et encore plus, de manière constructive et transparente. Transparence et alignement sont les maîtres mots d’une bonne gestion de crise.
Augmenter significativement le volume du dépistage afin de mieux détecter, et isoler. Que l’on utilise un modèle de confinement (total, partiel, ciblé, mobile, etc.) ou de non-confinement, tous les experts de la riposte épidémiologique s’accordent à dire qu’il faut tester, tester et tester, isoler les cas et les contacts, et veiller à l’application des gestes dits barrière. Ceci se fait mieux avec une bonne mobilisation « salutogenesique » de la communauté et la préservation tant que possible des ressources communautaires et individuelles (sociales, émotionnelles, spirituelles, économiques et physiques).
Développer une communication stratégique et changer quelques bruits sémantiques dans la communication avec les populations. Le déni et la négation d’un facteur de perte de normalité sont des étapes normales de résilience en ce sens qu’ils sont une forme de résistance psychologique à cette perte. Il faut savoir utiliser l’énergie que cet état psychologique dégage et non la confronter de manière stigmatisante et culpabilisante.
S’il est vrai que le personnel médical et les décideurs publiques sont dépositaires d’une partie du savoir une autre partie est communautaire.
Dans une crise, aucune des parties ne peut gérer unilatéralement la situation. Il est alors important de se poser la question du comment impliquer l’autre.
En même temps que les populations écoutent les experts et décideurs publiques, il est important que ces experts et décideurs écoutent également avec humilité les populations. C’est aussi pour cette raison qu’il est important d’associer pleinement dans la riposte les médiateurs communautaires, les experts du comportement humain et les communicateurs.
Les stratégies de communication gagneraient à être « empowering » et surtout ne pas déposséder les populations de leurs mécanismes de contrôle contre la perte ou l’adaptation à la nouvelle normalité. Lorsque les populations seront acteurs des politiques de sante publiques alors le pari sera gagné.
Par rapport à la « distanciation sociale », il me semble plus opportun, dans nos réalités sociales, de changer de sémantique et de parler plutôt de « distanciation physique dans l’engagement social ». La « distanciation sociale » est une crise à la crise en ce sens qu’elle introduit une « normalité » anxiogène. Nous avons besoin de soutenir et protéger un pan de la communauté rendu vulnérable par la pandémie et la riposte. Le « nit, nitaygarabam » prend tout son sens dans cette crise. C’est collectivement que nous devons traverser la crise et mettre en place les barrières aux adversités à venir et qui ne manqueront pas. Dans les moments de crise, le soutien social est crucial et doit être valorisé.
Faciliter et encadrer le retour des sénégalais de la diaspora à travers des corridors humanitaires. Il est normal qu’ils veuillent rentrer. Ils essaieront encore plus lorsque les frontières seront ouvertes avec quelques porteurs asymptomatiques. Faciliter leur retour est une manière de prévenir la diffusion du virus au-delà de nos moyens de détection et de suivis des cas.
Transformer les comportements dans le court et moyen terme par effet d’entrainement et renforcement positif du comportement souhaité. Pour combattre Ebola, les dispositifs de lavage des mains et de prise de la température étaient si présents dans la communauté et leur bon usage si démontré par les multiplicateurs communautaires que le comportement souhaité était devenu la « mode ». Si nous voulons que les gestes barrières et en particulier le bon port du masque soit adopté par la majorité des Sénégalais, il faudra en faire une « mode » et non une contrainte. Cette mode devrait être renforcée par le discours altruiste de protéger ceux que nous aimons et voulons protéger.
Mettre en place un réseau de relais communautaire en utilisant la formidable énergie qui se dégage un peu partout et qui tend à amplifier le discours médical sou à le nier. Des réseaux de relais communautaires ont déjà commencé à se former spontanément (étudiants en médecine et Pharmacie, étudiants des autres facultés, les relais de la Croix-Rouge, les pharmaciens, etc). Certains réseaux de relais existent depuis des crises antérieures. Ils demandent à être réactivés et structurés pour s’aligner à l’effort national à travers une organisation pyramidale de coordination de la riposte.
Enfin, faire sortir l’hôpital de ses murs et rendre le personnel soignant plus proactif en se rendant dans les communautés et familles physiquement, en ligne ou au téléphone, pour éduquer, soutenir, monitorer et soigner. Le discours médical doit être adapté à la compréhension des populations. La sémantique compte ! Si la terminologie « cas communautaire » a un sens épidémiologique il ne fait que créer une angoisse supplémentaire et confusion chez le profane. On a l’impression, avec sa vulgarisation, que le Sénégal fait face à deux dangers : coronavirus et cas communautaires. A la fin de la journée, ce qui compte le plus c’est la compréhension de la population. Alors vulgarisons des mots qui donnent sens à chaque sénégalais et qui déclenche en lui le reflexe souhaité sans créer de panique. Pour ce faire, le corps médical et les décideurs doivent se faire aider de communicateurs, dans leur communication de crise et surtout démontrer qu’ils ou elles appliquent les mêmes règles.
Nous devons définir une stratégie de communication à même de mobiliser la communauté à se focaliser à la protection des vulnérables et prévenir des vulnérabilités secondaires.
Pendant que la crise et la riposte sont en cours, il est important de déjà penser à la stratégie de sortie de crise mais aussi au développement post-crise synonyme de résilience.
Garder les gens sains et non les empêcher d’être malades est le défi fondamental et nous pouvons collectivement y arriver.
par Alassane Ibra Niang
EN ATTENDANT QUE LA MONDIALISATION REPRENNE SON SOUFFLE
Les atouts que renferme cette mondialisation pour se maintenir sont nombreux. Elle pas qu’économique comme le capitalisme tend à nous le faire croire, elles dépendent aussi du niveau de mentalité des peuples
Il est tentant de croire que la pandémie du Covid-19 va accélérer la fin tant attendue de la mondialisation, une fin, vue seulement sous un angle économique, avec une crise qui se profile à l’horizon, une crise du capitalisme plutôt, c’est bien de ce qu’il s’agit et de ces effets néfastes dans le monde. La mondialisation n’est pas si maléfique pour qu’on tente de le jeter en pâture, n’est-elle pas l’essence même de la tolérance et de la diversité dans ce monde gagné par l’incertitude ?
Une mondialisation qui n’a pas encore dit son dernier mot
Prédire la fin de la mondialisation, en se basant sur des incertitudes qui sont l’écroulement de l’économie mondiale, et l'hypothétique orientation des Etats sur leurs vraies priorités, pose un problème de compréhension de ce qui est même la mondialisation, ou de la mondialisation telle que ceux qui annoncent sa fin le comprennent. L’incertitude trouve toute sa pertinence dans les enjeux économique, politique, sociale et environnementale que renferme cette mondialisation. Les liens d’interdépendance, la production mondialisée ne sont pas prêtes à s’arrêter, puisque les acteurs, en premier les Etats et les multinationales même affaiblis, n’ont rien perdu de leurs appétits au contraire ragaillardis par l’après-crise, leurs visées impérialistes conditionnées par des intérêts économiques reprendront de plus belle. La guerre économique que se livre actuellement la Chine et les Etats-Unis vont dans ce sens, de même que celle avec l’UE ou au sein même de l’UE entre Etats membres et futurs ex-Etats membres, vont donner un autre tournant aux relations internationales. Les peuples connaissant désormais les enjeux, seront de plus en plus exigeants, difficilement manipulables.
Des perspectives interdépendantes
La pandémie du Covid-19 a permis de jeter de nouvelles bases sur les rapports entre les Etats et leurs peuples. Les peuples auront une idée claire des capacités et des limites de leurs Etats, de leurs politiques tant niveau intérieur qu’international. Ils pourront se donner une opinion sur leur pays et des perspectives qui influenceront leurs choix futurs.
Les peuples africains voient dans cette crise, une occasion de créer la rupture avec leurs pays colonisateurs, de prendre en main leur destin, mais surtout contribuer enfin d’une manière significative à la marche du monde. Tout en tenant à leurs libertés et leurs acquis, les peuples africains veulent que leurs dirigeants prennent l’exemple sur la Chine et l’Inde, ils veulent que leurs pays deviennent des puissances émergentes. Ils veulent que leurs richesses matérielles et immatérielles influencent et inspirent la pensée, les normes et les rapports universels. Mais ce que les peuples africains, ne savent pas et qu’ils ne sont plus les seules à penser ainsi.
Dans les pays européens, cette vision sur les perspectives politiques, risque d’être corrompue par les avantages et les inconvénients du choix de rester ou de sortir de l’UE.
- Sortir d’une union qui n’est en réalité pas ce qu’elle prétend être, des plans d’austérité qui ruinent la classe moyenne et les plus pauvre, un ensemble d’Etat fort où la solidarité des Etats n’est qu’un mot, où la concurrence se fait plus entre les Etats membres que contre les grandes puissances que sont les Etats–Unis et la Chine. La guerre des masques et la durée des débats sur les plans de relances en sont des exemples patents.
- Mais pour la classe aisée majoritairement capitaliste, rester dans l’UE pourrait être une aubaine en perspective, pour plus de marchés, plus de consommateurs mais surtout limités les assauts des entreprises chinoises et américaines, ce qui est une menace sérieuse. Ces attaques sont d’ailleurs déjà plus récurrentes et plus agressives dans l’UE même, d’où l’importance d’une réforme qui va toucher le fondement des Etats qui tiennent toujours à leur souveraineté.
Les débats sur la souveraineté économique seront ravivés par les nationalistes, encouragés par une classe majoritaire moyenne, pauvre qui veut avant tout garantir son emploi avec une relocalisation des entreprises qui étaient délocalisées dans les pays en développement. Les peuples penseront à eux d’abord avant les autres et feront confiance à ceux qui peuvent préserver leurs intérêts.
Les Etats-Unis sont dans la même situation que l’Union européenne, la pandémie a révélé les inégalités sociales qui y existent et une forte dépendance à la Chine. La population sera plus encline à prêter oreille attentive sur l’emploi et la santé dans les prochaines élections.
Un air de déjà vu, me diront certains, qui essayeront de se lancer dans une comparaison très difficile des impacts politiques de cette crise sanitaire aux impacts politiques de la crise de 1929 qui ont en parti causé la deuxième guerre mondiale et la montée en puissance des partis nationalistes dans le monde. Le nazisme à l’Allemagne et le fascisme en Italie avaient profité de la crise économique et du désespoir des peuples pour prendre le pouvoir, seulement la gestion catastrophique de la crise sanitaire en Italie et aux USA par des dirigeants populistes risquerait de fausser cette comparaison à moins que les rapports au niveau international (UE pour l’Italie, Chine pour les Etats-Unis, l’après Macron en France avec la montée future du Front national) donnent plus de sens à cette coopération ce qui n’est pas à exclure.
Retour à la réalité
En Afrique, des débats d’intérêts nationaux vont de plus en plus se poser dans l’espace public, animés par une jeunesse décomplexée et majoritaire, consciente de sa force électorale. Les partis qui prônent un nationalisme radical auront plus de chance de prendre le pouvoir, aidé en grande partie par la situation internationale ou la primauté des intérêts de chaque Etat vont s’accentuer.
Les peuples occidentaux font face à ce même dilemme, longtemps en déclin, précipité par le Covid-19, ils se sont rendus compte que leurs Etats ne sont plus indépendants, ils espèrent un retour de leur puissance économique et politique d’antan. Ils pensent de plus en plus d'abord en eux même, de leur sécurité et leurs épanouissements en trahissant l’espoir de dons et de dettes des dirigeants africains, incapables de faire preuve d’honneurs et de dignités. Pour l’Afrique, le développement ne se fera pas forcement avec l’Europe, qui ne va jamais commettre encore une fois, l’erreur qu’elle a commise avec la Chine, ni avec cette dernière qui a plus besoin d’une « mère porteuse », d’un grenier et d’une vache laitière pour satisfaire son trop–plein démographique. Le développement se fera entre les Etats africains, leur croissance démographie et la jeunesse de leur population restent des atouts non-négligeables.
Cependant, la complexité des échanges entre les pays, l’importance des canaux de communication, les enjeux qui s’y agrippent (économique politique et social) risqueraient de leur rappeler la dure réalité. Ces contraintes montrent que cette mondialisation est aussi un outil abstrait qui a un énorme impact sur les vies individuelles de chaque humain.
Mais là où les leçons de cette crise risqueraient de n’être pas apprises, et même se révéler vaines sont :
- D’abord sur le plan politique, ou les Etats violent constamment les droits humains et, il ne peut pas y avoir de nouvel ordre mondiale basé sur l’humanisme si la crise en Libye, en Palestine, le blocus de Cuba et la tension militaire au Venezuela en pleine crise continue en pleine pandémie.
- Sur le plan environnemental : les pays surtout ceux en développement vont devoir jongler entre la nécessité de respecter les normes environnementales de plus en plus contraignantes et l’obligation d’assurer un développement soutenu de leur économie, avec les règles que cela exige (Brésil sur l’Amazonie). D’ailleurs, l’économie qui a momentanément ralenti avec la crise, pourrait reprendre son cours normal, en tirant dangereusement dans cette corde d’équilibre fragile pour rattraper son retard. Le débat sur la protection des animaux menacés d’extinction va se poser d’une manière concrète, leur consommation tout en omettant leur espace d’habitat de plus en plus menacé ? Les atouts que renferme cette mondialisation pour se maintenir sont nombreux. Elle pas qu’économique comme le capitalisme tend à nous le faire croire, elles dépendent aussi du niveau de mentalité des peuples, de leurs volontés.
par Ndongo Samba Sylla
DERRIÈRE LE PROCESSUS D'ENDETTEMENT, UNE CHAÎNE DE PONZI
La possibilité d’effectuer des dépenses à la hauteur de ce qu’exigent les défis de l’heure est tributaire de la "générosité" de l’extérieur. Dans la configuration actuelle dont il importe de sortir, le Sénégal n’a pas son destin en main
«Il n’y a rien qu’une Nation devrait éviter autant que d’emprunter de l’argent à l’étranger.» C’est la confidence que Ulysses Grant fit à l’Empereur du Meiji lors de sa visite en août 1879. Après lui avoir donné plusieurs exemples de nations asservies à cette époque par la dette en monnaie étrangère, le 18e Président américain (1869-1877) suggéra à son hôte de liquider au plus vite celle de son pays d’autant plus qu’elle n’était pas très élevée : «Plus vite elle sera remboursée, mieux ce sera pour le Japon. Le Japon, si possible, ne devrait plus jamais emprunter à l’étranger.» Ce conseil ne tomba pas dans l’oreille d’un sourd. Les Japonais retinrent la leçon. Mais tel n’est toujours pas le cas des pays africains, à l’exception de l’Algérie, un pays riche en hydrocarbures, qui a le ratio dette publique extérieure/Pib le plus faible du continent.
Distinguer les pommes des poires
En 2018, dans le cadre du sommet Japon-Afrique, le gouvernement japonais s’était inquiété publiquement du niveau d’endettement du continent, qui affichait un ratio dette publique/Pib de l’ordre de 50%. Emporté par sa fougue panafricaniste, un économiste africain de renom s’indigna, sur les réseaux sociaux, contre le fait que le Japon eût le toupet de donner des leçons aux gouvernements africains alors que sa dette publique dépassait largement les 200%. Comment le gouvernement nippon pouvait-il se permettre cette attitude perçue comme condescendante alors que sa dette publique était au moins quatre fois supérieure à la moyenne africaine, se demandait-il ?
Malheureusement, notre économiste, à l’image de l’écrasante majorité des économistes standard qui ont pignon sur rue, ne fait pas la distinction élémentaire -et pourtant cruciale et décisive- entre une dette en monnaie nationale et une dette en monnaie étrangère.
L’Etat japonais n’est endetté que dans sa propre monnaie. A l’instar de tous les gouvernements qui émettent leur propre monnaie, le Japon ne peut jamais manquer d’argent (c’est-à-dire des entrées électroniques sur des comptes bancaires). Il ne pourrait donc jamais être dans une situation où il ne pourrait pas payer les obligations libellées dans sa monnaie. Son indépendance financière signifie en effet qu’il n’a aucune contrainte de financement intrinsèque dans sa monnaie et qu’il détermine lui-même les taux d’intérêt auxquels il «emprunte». Ses éventuels déficits budgétaires sont donc financés en yen.
Tel n’est pas le cas de la plupart des pays africains dont la dette publique est principalement libellée en monnaie étrangère. S’ils ne peuvent pas être insolvables dans leur propre monnaie, ils peuvent l’être en revanche en monnaie étrangère. Quand un pays africain s’endette en dollar, il devra trouver des dollars pour rembourser sa dette au moment du paiement. Car ses créanciers n’accepteront pas en règle générale d’être payés dans sa monnaie. Pour être en mesure de rembourser la dette, le pays africain devra obtenir des revenus de l’extérieur, des devises, principalement sous la forme de recettes d’exportation additionnelles. Plus précisément, il doit généralement avoir une balance commerciale excédentaire (ses exportations doivent être supérieures à ses importations). Car les recettes d’exportation sont, d’une certaine manière, une manière de financer les importations.
Seulement, enregistrer des surplus commerciaux en permanence n’est pas évident. D’un côté, les pays africains exportent majoritairement des produits primaires, lesquels présentent deux particularités : leurs prix sont instables et sont déterminés à l’étranger. Quand les cours de leurs produits d’exportation sont favorables, leur capacité à emprunter à l’étranger et à payer la dette augmente. Et inversement. Quand les cours sont défavorables, leur capacité à rembourser la dette se dégrade. Leurs monnaies tendent à se déprécier d’autant plus qu’une fuite des capitaux est observée. Ce qui renchérit la charge de la dette étrangère et rend plus difficile son remboursement.
D’un autre côté, ils sont dépendants d’un certain nombre d’importations essentielles : même quand leurs prix augmentent, la demande reste inchangée ou ne baisse pas significativement. Or, sur le long terme, les prix des produits manufacturés, importés par les pays africains, évoluent plus favorablement que ceux de leurs produits d’exportation. Il s’agit là de la fameuse «détérioration des termes de l’échange» : pour acquérir le même panier d’importations, les pays africains doivent exporter beaucoup plus.
Avec la pandémie du coronavirus, beaucoup de pays africains, qui se sont endettés en monnaie étrangère de manière déraisonnable, durant la décennie écoulée, se retrouvent dans une situation proche de l’insolvabilité. La chute drastique des prix de leurs produits d’exportation, couplée à la dépréciation de leur taux de change, les place dans une situation financière d’autant plus précaire que l’activité économique est partout au ralenti. Ils doivent payer une dette extérieure alors que leurs avoirs extérieurs ont chuté brutalement.
L’exemple du Sénégal
Au regard de la capacité à dégager régulièrement des surplus commerciaux, deux groupes de pays africains peuvent être distingués. Il y a d’un côté ceux qui sont solvables en moyenne : ils peuvent honorer le service de la dette grâce à des surplus commerciaux récurrents mais ils ne sont pas à l’abri d’une mauvaise conjoncture pouvant réduire leurs avoirs en devises. C’est souvent le cas des pays pétroliers. Il y a d’un autre côté, ceux qui ne peuvent pas payer la dette extérieure en dégageant un surplus commercial et qui doivent donc trouver d’autres moyens. Tous les pays qui utilisent le franc Cfa en Afrique de l’Ouest sont dans ce cas, à l’exception de la Côte d’Ivoire.
Prenons le cas du Sénégal. Sa balance commerciale est structurellement déficitaire depuis 1967. En 2019, ses exportations étaient de l’ordre de 2000 milliards F Cfa contre 4200 milliards FCfa pour les importations, soit un déficit commercial de l’ordre de 2200 milliards F Cfa. Comment dans ces conditions le Sénégal peut-il faire pour payer sa dette extérieure ? Il doit œuvrer désespérément à attirer le capital étranger : les investissements directs étrangers (Ide) et plus d’endettement encore.
Les Ide ne résolvent pas le problème. Au contraire, ils l’aggravent. Comme ils tendent à financer des projets (par exemple les infrastructures, les télécoms, etc.) qui n’augmentent pas les recettes d’exportation, leur effet est plutôt de détériorer davantage la balance commerciale (à travers les importations d’équipements, de technologies, etc.). De plus, comme les Ide se traduisent annuellement par des rapatriements de profits, des honoraires exorbitants versés à des experts étrangers, des manipulations comptables pour couvrir des transferts illicites, tout cela renforce la saignée financière. De tels effets pervers n’ont pourtant jamais douché l’ardeur des gouvernements dits libéraux depuis 2000 dans leur volonté d’«attirer les Ide». L’aide publique au développement étant souvent «liée» -attachée à l’exécution de projets contrôlés par les donateurs- s’inscrit dans la même logique. Elle tend à aggraver le déficit de la balance commerciale et à faciliter la saignée financière.
Dans ces conditions, pour rembourser sa dette extérieure et faciliter les rapatriements de profits réalisés en monnaie locale (et qui doivent donc être convertis en devises), le Sénégal n’a pas d’autre option que de se ré-endetter en permanence. Pour que cette stratégie marche, le Sénégal doit tout faire pour avoir la «confiance» de ses créanciers. Ce qui suppose de sa part l’adoption d’une politique budgétaire orthodoxe (faible déficit budgétaire) et discriminatoire (le paiement régulier de la dette extérieure est prioritaire par rapport à celui de la dette intérieure et aux dépenses sociales) ainsi qu’une érosion de ce qui tient lieu de souveraineté au profit du Fmi. Cette stratégie n’est pas pérenne. Tôt ou tard, il arrive un moment où le pays n’est plus objectivement en mesure de payer la dette sauf à consentir des sacrifices socialement inacceptables.
Dans le langage de la finance, la «chaîne de Ponzi» est le nom d’une escroquerie qui consiste à financer les intérêts dus aux investisseurs (dans notre cas le service de la dette en cours) par l’argent de nouveaux investisseurs attirés par des perspectives de gains élevés (dans notre cas l’émission de créances nouvelles). A y regarder de plus près, telle a été la stratégie innocemment suivie par le Sénégal depuis 1960 : un endettement continuel en monnaie étrangère qui est financé par un ré-endettement permanent en monnaie étrangère. Elle a été masquée/atténuée depuis deux décennies par les transferts de sa diaspora (environ 10% du Pib en 2019).
Enseignements
Comme cas d’école, l’exemple du Sénégal a un triple intérêt. Premièrement, il est la preuve la plus éloquente qu’une stratégie de développement basée uniquement sur le financement étranger est nécessairement contre-productive (Sur le long terme, entre 1960 et 2015, le revenu réel par habitant du Sénégal a fait du surplace). Il faut dire les choses clairement : la finance internationale fait partie du problème. Elle ne peut jouer un rôle réellement positif que pour les pays qui misent d’abord sur la mobilisation de leurs ressources domestiques (un concept à ne surtout pas réduire à l’augmentation du poids des impôts et des taxes dans le Pib) et qui privilégient la finance locale. Ce qui suppose de la part des gouvernements un contrôle effectif sur le système de crédit -qui reçoit du crédit et à quel taux ?- lequel ne doit jamais être laissé sous la mainmise de l’initiative privée.
Deuxièmement, le cas du Sénégal permet d’apprécier les contraintes (y compris l’érosion de souveraineté) auxquelles font face, en temps de crise, les pays qui n’ont pas leur propre monnaie. Etant membre d’une zone monétaire (l’Uemoa), le Sénégal a, sur le plan financier, le statut de collectivité locale (ou le statut de colonie si on veut être plus précis). La particularité des collectivités locales et des colonies est qu’elles dépendent des taxes et des impôts pour leurs dépenses par opposition aux Etats qui émettent leur monnaie. Ces derniers ont la possibilité de dépenser sans être contraints par le montant des impôts et taxes qu’ils perçoivent. Pour effectuer leurs dépenses, ils ont juste à demander à leur banque centrale de créditer (inscrire des chiffres sur) des comptes bancaires donnés. Comme le gouvernement du Sénégal ne dispose pas de sa propre monnaie, il n’a pas cette possibilité de tirage sur sa banque centrale, ainsi que le font actuellement les pays riches et certains pays émergents, en guise de riposte à la crise en cours. De plus, il n’a pas le contrôle sur les taux d’intérêt sur les obligations qu’il émet en franc Cfa. Comme les taux d’intérêt sur la dette en franc Cfa sont parfois supérieurs à ceux qui prévalent sur les marchés financiers internationaux, cela tend à favoriser l’endettement en monnaie étrangère et ainsi à exposer les pays comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire au risque de change (risque lié à la variation des taux de change). Seuls des gouvernements pour qui la souveraineté n’est qu’un mot peuvent accepter ce type de situation. Enfin, le gouvernement du Sénégal, comme ceux des autres pays de l’Uemoa, n’a aucun contrôle sur l’allocation du crédit. Ce sont les banques étrangères qui décident qui a droit à quel volume de crédit et à quel taux. D’où l’exclusion du crédit bancaire de l’agriculture et des Pme-Pmi, fondements de toute prospérité.
Avec la pandémie du coronavirus, cette absence de souveraineté monétaire a des implications immédiates. Comme le gouvernement ne peut pas trop compter sur les impôts et taxes du fait du ralentissement de l’activité économique, la possibilité d’effectuer des dépenses à la hauteur de ce qu’exigent les défis sanitaires et économiques de l’heure est tributaire de la générosité de l’extérieur : annulations de dettes, moratoires, aide au développement, plus d’endettement. Dans la configuration actuelle -dont il importe de sortir- le Sénégal n’a donc pas son destin en main. Il doit tendre la main vers l’extérieur. Comme l’écrivait en 1992 le brillant économiste britannique Wynne Godley : «Le pouvoir d’émettre sa propre monnaie, de faire des tirages sur sa propre banque centrale, est la principale chose qui définit l’indépendance nationale. Si un pays abandonne ou perd ce pouvoir, il acquiert le statut de collectivité locale ou de colonie.»
Beaucoup de pays africains qui disposent de leur propre monnaie sont aussi obligés de tendre la main vers l’extérieur. Mais ils ont un avantage sur le Sénégal qu’ils sont peu à utiliser : ils n’ont aucune contrainte financière intrinsèque dans leur propre monnaie. Ils peuvent en principe financer dans leur propre monnaie tout projet qui repose sur des ressources locales qu’ils contrôlent. Par exemple, si la Guinée avait sur place toute l’expertise et les matériaux pour construire une usine pharmaceutique, elle n’aurait aucune contrainte à la financer en monnaie guinéenne. Sa banque centrale pourrait faciliter le processus. Mais bien entendu rares sont les pays africains à avoir une politique résolue de mobilisation des ressources locales. Cela demande une détermination politique qui n’existe plus sur le continent depuis l’assassinat de Thomas Sankara en 1987.
Enfin, le cas du Sénégal permet de voir que la dette en monnaie étrangère est moins une cause du sous-développement que sa manifestation. C’est la conséquence d’une insertion primaire dans l’économie mondiale avec une souveraineté monétaire limitée ou inexistante, une ouverture commerciale importante, une domination des secteurs-clés par le capital étranger, des structures sociales inégalitaires qui fondent un modèle d’accumulation où le progrès économique touche seulement une minorité de la population, généralement portée sur la consommation de produits importés, etc. Tant que cette structure de dépendance est maintenue, une annulation de la dette extérieure, à la supposer possible, ne changera rien à la donne. Elle permettra juste aux gouvernements d’avoir un peu plus de marge de manœuvre budgétaire à court terme et de ne pas infliger plus de misère à des populations déjà affaiblies.
LA PANDEMIE DU CORONAVIRUS POSE -T-ELLE LES JALONS D’UN NOUVEL ORDRE SOCIAL MONDIAL ?
En somme la pandémie du coronavirus fait vaciller tous les repères et rappelle avec force, la valeur du travail et la nécessaire solidarité entre les nations et les peuples sans laquelle, aucun ordre mondial n’est stable ni viable.
De son nom scientifique SARSCOV 2, le Coronavirus ou Covid19 surprend le monde entier, de par son ampleur, sa vitesse de propagation et son impact qui bousculent tous les us et coutumes : politiques, économiques, sociales et même scientifiques.
En somme la pandémie du coronavirus fait vaciller tous les repères et rappelle avec force, la valeur du travail et la nécessaire solidarité entre les nations et les peuples sans laquelle, aucun ordre mondial n’est stable ni viable. Au moment où le pouvoir financier qui a fait voler en éclat le contrat social si cher à Jean - Jacques Rousseau est à son summum, la survenue du COVID-19 n’est assurément pas fortuite, dans un monde marqué par le développement exponentiel des technologies et l’expansion du numérique, mais également des inégalités criardes.
Rien qu’en ce troisième millénaire, nous avons vécu trois Krachs boursiers : en 2000, 2008 et celui actuel de 2020, conséquence directe de la pandémie du coronavirus. Les deux crises boursières de 2000 et 2008 ainsi que celles qui les ont précédées, ont été voulues et créées de toutes pièces par le pouvoir financier.
En effet, le Capital brandit à échéance régulière la menace de paralyser l’activité économique planétaire et des pertes massives d’emplois dans le seul but de se faire renflouer les comptes par les gouvernements et les banques centrales.
Rappelons qu’en 2008 les fonds libérés par les Etats Unis et l’Europe pour secourir le système financier, feraient de chaque habitant de la terre un millionnaire, s’ils étaient redistribués équitablement à la population mondiale.
Ainsi, la pauvreté et les inégalités seraient éradiquées, partant, l’économie mondiale se retrouverait boostée par la relance de la consommation, massivement portée par les sept milliards et demi d’habitants de la terre dotés chacun de revenus substantiels.
La pandémie ferme les frontières dans un contexte de mondialisation. A la différence des deux précédentes crises, qui furent une création du système financier néolibéral, le krach de 2020 a une origine exogène : le COVID 19. Dans ce cas-ci donc c’est « l’infiniment petit » qui menace de paralyser « l’infiniment grand » et de bouleverser l’ordre économique mondial établi.
Les frontières que la mondialisation avait grandement ouvertes sont fermées par « l’infiniment petit » confinant ainsi « l’infiniment grand » avec des « gestes barrières » à toute convivialité. Pour une fois, les vulnérables d’antan, ne le sont pas plus que les privilégiés. Le Covid-19 a fait prendre en compte les marginaux ou couches dites déshéritées composées de travailleurs atypiques (boudiou man), Sans Domiciles Fixes (SDF) et autres hères, rappelant ainsi fortement que nous avons tous la même dignité humaine. Par exemple, le gouverneur de Californie a débloqué 50 millions de dollars pour acheter des mobile homes et louer des chambres d’hôtels afin de domicilier les SDF.
Dans le comté de Los Angeles, près de cinquante mille SDF sont logés gracieusement, dans des camping-cars avec vue sur l’océan Pacific et suivis médicalement. Même scénario à Las Vegas ou plus de 500 SDF ont été logés par les responsables de la ville. La Russie envoie aux Etats Unis un avion Antonov-124 des forces aériennes, chargé d’aide humanitaire, avec à son bord des masques médicaux et de l’équipement médical divers. Qui l’aurait cru ?
En Tunisie, les travailleurs précaires bravent l’interdiction de circuler et refusent le confinement. « Laissez-moi ramener du pain à mes enfants! Peu importe si je meurs, je partirai en martyr », a déclaré un maçon à l'Agence Française de Presse (AFP). Cette bravade massivement suivie, a obligé le gouvernement tunisien à créer le 21 mars un fond d’urgence de 50 millions d’euros sous forme d’aide directe aux nécessiteux pour mieux supporter le confinement. Un site britannique de vente de tenues et accessoires fétichistes a annoncé avoir donné tout son stock de combinaisons médicales aux soignants d’un hôpital « désespérés », face au manque d’équipement pour se protéger du coronavirus.
On se rend compte que le système se transforme subitement en généreux donateur, à présent qu’il est sérieusement menacé d’effondrement, malgré toutes les mesures de prévention prises pour se maintenir. En fait, la précaution essentielle qui aurait dû être prise, a toujours été reléguée au second plan : la prévention sociale. Pour lutter contre la pandémie du COVID19, la résilience sociale qui n’a jamais été intégrée dans l’élaboration des politiques publiques, est devenu aujourd’hui incontournable et la gouvernance du pouvoir est largement partagée dans la solidarité et la concertation avec la représentation populaire. L’égalité sociale se dessine. Dans l’euro groupe composé de l’ensemble des pays de la zone euro, le débat sur le redémarrage simultané de leurs économies se pose en termes de solidarité.
Après l’eurobonds, on va certainement vers la «pandémie bonds», ou le «corona bonds», en tout cas vers un nouvel étalon de la solidarité face au coronavirus. Mais, à quand donc le « socialbonds » ? Au demeurant il s’agit d’autant d’actes posés ou envisagés pour se prémunir de l’insécurité ambiante, induite par la pandémie du Covid 19. L’insécurité pour qui ?
Pour les impassibles privilégiés certainement, car en ce qui concerne les marginales couches vulnérables corollaires du système néolibéral, elles ont de tout temps subi « les insécurités » : sociale, économique, affective, éducative ainsi que l’absence ou le manque de services publics. La pandémie du COVID 19 met à rude épreuve l’ordre mondial établi, bouleverse les fondamentaux économiques et met à nu les limites de toutes les prévisions programmatiques du système économique, en même temps qu’elle met en exergue la valeur du travail, et rappelle les valeurs cardinales d’humilité et de solidarité nécessaires au vivre en commun. En outre, la pandémie du coronavirus rappelle avec force, la nécessité d’un nouveau contrat social que nous, militants de l’équité, de la justice et du progrès social avons toujours réclamé. L’humanité doit se doter d’une nouvelle conscience sociale pour garantir sa stabilité.
A se demander en fin de compte si le COVID-19 n’ouvre pas une nouvelle ère de justice sociale ? Des voix autorisées semblent le confirmer.
Dans son allocution du 03 avril 2020, s’adressant à la nation, Le Président Macky SALL, après avoir décliné sa stratégie de résilience économique et sociale face au coronavirus, pose la problématique de la révision de l’ordre économique mondial.
Dans le même sens, le Ministre français de l’économie et des finances Bruno Le Maire pense que, la crise du Covid-19 offre l’occasion de tout remettre en cause, de créer un nouveau modèle économique, plus humain, plus solidaire, plus altruiste et empathique. «Il faut un nouveau capitalisme plus respectueux des personnes, plus soucieux de lutter contre les inégalités et respectueux de l’environnement ».
Trois cents ans après, la pensée de Jean-Jacques Rousseau : «la communauté socialement cohérente garantit l’autonomie sociale », demeure la sève nourricière du combat que nous menons pour l’avènement d’un nouveau contrat social visant à renforcer la gouvernance économique et environnementale, le développement communautaire et la justice sociale.
Par Seybani SOUGOU
COVIDGATE , LE BUSINESS MACABRE DE DIOP SY ET MANSOUR FAYE
« La société « Urbaine d’Entreprise » de Diop SY est en liquidation judiciaire depuis le 19 avril 2019 »
« La société « Urbaine d’Entreprise » de Diop SY est en liquidation judiciaire depuis le 19 avril 2019 »
Le 19 avril 2019, le tribunal de commerce hors-classe de Dakar en audience de la Chambre des procédures collectives, a constaté la cessation de paiement de la société de Diop Sy, et ordonné la liquidation des biens de sa société « Urbaine d’entreprise ».
Lorsqu’une entreprise n’est plus en capacité de régler ses dettes avec son actif disponible, elle se trouve alors en situation de cessation de paiement (dépôt de bilan). La liquidation judiciaire survient lorsque la société est dans l’impossibilité de pouvoir faire face à la poursuite de son activité.
La situation est si compromise que la société n’a pas d’autre choix que de disparaître. Lorsque la liquidation est prononcée dans le jugement d’ouverture de la procédure collective, le dirigeant de l’entreprise est dessaisi de ses fonctions (pour l’entreprise de Diop SY, le tribunal de commerce a désigné M. El Hadjj Allah Kane en qualité de juge commissaire et Mme Delphine N’Diaye en qualité de syndic).
En liquidation judiciaire, le jugement emporte arrêt de l’activité. Par exception (extrêmement rare pour ne pas dire nul), le Tribunal peut autoriser la poursuite de l’activité dans trois cas précis :
1) si l’intérêt des créanciers l’exige,
2) si l’intérêt public est en cause, 3) si des perspectives de cession d’entreprise existent.
Alors que le tribunal de commerce hors-classe de Dakar a ordonné la liquidation des biens de la société de Diop Sy (UdE) depuis le 19 avril 2019, ce dernier a décidé de se refaire une santé financière sur le dos des sénégalais, dans le cadre d’une entente illicite et d’une magouille de bas étage avec un piètre ministre, affairiste Mansour Faye.
Alors que le pays tout entier retient son souffle, que la majorité de la population sénégalaise est confrontée à une situation sociale dramatique et n’arrive plus à se nourrir, que des hommes d’affaires, et des citoyens se sont mobilisés pour apporter leur contribution financière au fond mis en place pour lutter contre la pandémie de COVId-19 ; 2 sinistres personnages indignes, perfides, ignobles et dépourvus d’honneur décidant de faire du business avec le CORONAVIRUs : « le business de la mort ».
Le député Diop Sy et le ministre le ministre Mansour Faye ; 2 énergumènes perfides qui jouent avec la mort (COVId-19), et profitent de la pandémie du CORONAVIRUs ne méritent qu’une seule chose : la prison à perpétuité et l’indignité à vie.
Alors que le peuple crève de faim, et que les citoyens sont préoccupés par le CORONAVIRUs, ils se sucrent ! Le Ministre Mansour Faye (qui doit sa nomination à son appartenance au clan fayesall) doit être démis de ses fonctions et traduit devant la haute cour de justice. Cette affaire est d’une extrême gravité. In fine, un seul homme, depuis son accession au pouvoir, par effraction en 2012, a favorisé la persistance de telles pratiques « macabres » : Macky Sall, un « président » irresponsable, et incompétent, qui devra forcément un jour, ou l’autre rendre compte de ses turpitudes.
Redressement judiciaire : une procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et l’apurement du passif (à ce stade, la situation est rattrapable).
Liquidation judiciaire : Elle est prononcée lorsque l’entreprise a cessé toute activité ou lorsque le redressement est manifestement impossible.
Par quel miracle l’entreprise de Diop Sy (Urbaine d’Entreprise), en liquidation, judiciaire depuis le 19 avril 2019 a-t-elle pu remporter le marché de transport d’aide alimentaire au titre du Covid ?
Par Abdou Latif COULIBALY
POURQUOI FAUT-IL EFFACER LA DETTE DE L’AFRIQUE ?
L’idée d’effacement de la dette africaine, à peine lancée par le président de la république du Sénégal, a fait débat et, continue d’en faire, au-delà des frontières africaines.
L’idée d’effacement de la dette africaine, à peine lancée par le président de la république du Sénégal, a fait débat et, continue d’en faire, au-delà des frontières africaines. L’appel en question fait, naturellement, débat en ce qu’il questionne une sempiternelle problématique : comment, à défaut de pouvoir changer le pernicieux ordre économique mondial, le rendre moins affligeant pour une plus grande partie de l’humanité, en particulier pour les populations du Sud, en mettant en place des mécanismes de solidarité minimale entre le peuples.
Cette exigence est aujourd’hui rendue davantage plus indispensable par la crise économique procédant de la pandémie du Covid-19. Certains s’interrogent sur la légitimité et sur la faisabilité technique de la nouvelle demande qui ne concerne en réalité que 365 milliards de dollars US. Des sommes dues au titre de la dette publique. Autant dire tout de suite, peu de choses est demandé, au regard des sommes astronomiques payées chaque année aux créanciers par les pays du Tiers monde, en remboursement de capitaux prêtés et d’intérêts divers. En tout état de cause, cet appel lancé par le Sénégal ne manque pas d’intérêt.
Au-delà de la personne qui en a eu l’initiative, la demande réjouit en Afrique, car les discussions qu’elle suscite permettent d’éclairer le monde, en ce qu’elles sont susceptibles d’expliquer les effets bénéfiques qu’une telle mesure pourrait avoir sur les faibles économies de nos pays en ces temps de crise. Et l’on comprend mieux l’idée ainsi exprimée, dès lors que l’on met en parallèle cette nouvelle demande formulée par le Sénégal avec un précédent effacement de dettes qui avait été initié au début de la première décennie des années 2000. Nous parlons, ici, de l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés). Comme la précédente initiative (PPTE), cette nouvelle demande émise par le Sénégal pourrait, entre autres, constituer, dès lors que la communauté internationale accepte de l’endosser, un puissant levier de refondation des économies africaines qui sont du reste durement frappées par cette pandémie du Covid-19.
En quoi faisant ? Comme en écho à l’initiative du Sénégal, le FMI a déjà annoncé un allégement de dettes qui n’est certes pas un effacement. Ainsi, de nombreuses personnes, à travers le monde et même en Afrique doutent que l’appel de Dakar soit suivi d’effets, au-delà de l’accueil favorable que lui réserve Sa Sainteté le Pape François et le Chef de l’Etat français qui l’a également préconisé. Ceux qui doutent ainsi considèrent que l’annonce faite par le Fonds monétaire international (FMI), préconisant l’allégement de la dette de quinze pays africains, est une nette indication quant à la position définitive de la communauté financière internationale, comme réponse apportée à l’appel du Chef de l’Etat sénégalais. Il semble pourtant, à en croire, du moins, des sources proches des milieux financiers internationaux, que la position affichée par le Fonds Monétaire International (FMI) est une mesure conservatoire pour parer au plus pressé, face au pire qui pourrait résulter d’une inaction totale. Il s’agirait pour le FMI d’une réaction d’attente, préalable pour engager l’élaboration d’une stratégie globale, mieux pensée et plus adaptée à une crise économique sans précédent, depuis la crise de 1929.
Rappelons que cette crise de 1929 avait produit dans certains pays d’Europe, comme l’Allemagne et l’Italie, des régimes ultranationalistes et fascistes qui ont été à la base de la deuxième guerre mondiale. En rappelant cela, on attire en même temps l’attention des uns et des autres sur les risques – qui sont peut-être de toute autre nature, mais qui n’en sont pas moins périlleux que ceux des années 20 -, pour l’humanité. Si jamais les égoïsmes nationaux, étroits, fossoyeurs de l’esprit de solidarité internationale, résultant en particulier de l’attitude des pays les plus développés du monde, empêchent de voir et de comprendre que le péril actuel, du fait de la mondialisation des économies, est autrement plus complexe et plus grave que la crise qui a frappé le monde, il y a 90 ans (1929) et à laquelle nous faisions tantôt référence.
Au regard de ce qui vient d’être dit, nous pensons que la communauté internationale devrait penser à réactiver les mécanismes de l’initiative PPTE qui avait bénéficié aux pays très pauvres et surendettés.
Rebaptisée autrement mais conservant tout de même sa finalité. Cette initiative avait permis de venir en aide à une cinquantaine de pays -les plus faibles et les plus endettés de la planète-, dont trente-cinq (35) nations africaines. Pour mieux comprendre ce que nous avançons, il me semble indiqué de convoquer la teneur de l’opération d’effacement de dettes qui avait été mise en œuvre, sous l’égide des pays développés du G20 qui ont été vite rejoints dans l’initiative par le FMI et le groupe de la Banque Mondiale (BM), ainsi que par la Banque Africaine de Développement (BAD).
A l’époque, quand les États sous-développés, au sein desquels les pays africains jouaient un rôle très actif, avaient formulé une demande pressante d’effacement de leurs dettes, les pays du G20 avaient, après un long moment d’hésitation, répondu positivement pour le principe. Ils avaient toutefois décidé, du point de vue de la mise en pratique de la mesure accordée, de définir une méthodologie assortie d’un mécanisme opérationnel très rigoureux. Cette méthodologie et son mécanisme opérationnel obligeaient chaque pays désireux d’en être bénéficiaire, d’engager des réformes, pour ne pas dire des politiques d’assainissement économique et de mise en œuvre de procédures de transparence et de bonne gouvernance.
Toutes mesures tendant à rendre plus efficaces et plus efficientes les politiques publiques de chaque État éligible à l’initiative PPTE. Lors du sommet du G20 tenu à Lyon en 1996, les pays riches, sous la pression des organisations de la société civile, avaient lancé l’initiative en faveur des PPTE. Cette mesure visait comme les précédentes, à soulager les finances des pays bénéficiaires en leur permettant d’économiser des ressources pour soutenir leur développement.
Moment ne peut s’avérer plus opportun pour réinventer un tel mécanisme dans le contexte de crise née de cette pandémie du Covid-19 sévissant de façon dramatique et qui n’a pas encore fini de compromettre chaque jour le fonctionnement de toutes les économies du monde. En estimation grossière, en attendant que des évaluations plus rigoureuses soient faites, notre pays pourrait perdre rien qu’en recettes douanières la bagatelle de 200 à 300 milliards de FCFA. Ce manque à gagner pourrait être circonscrit dans cette fourchette à condition, toutefois, que la crise n’excède pas trois mois.
Sans compter toutes les remises fiscales évaluées à un peu plus de 200 milliards FCFA, qui sont concédées par l’Etat aux entreprises, pour sauver des emplois et pour éviter une faillite tous azimut de celles-ci. Autant de ressources perdues par l’Etat entraînant un affaiblissement considérable de ses Finances publiques. Aucune Banque centrale d’un pays sous-développé, encore moins celles de l’Afrique, ne peut, à l’image de ce que font la Réserve fédérale américaine (FED) ou la Banque centrale de l’UE (BCE), faire jouer la planche à billets, en créant massivement de la monnaie pour venir au secours des États.
Pour rappel, les institutions financières européennes en particulier la BCE, a dégagé en faveur des pays membres de la zone euro une aide arrêtée à 500 milliards d’euros.
Sans compter les interventions internes des États se chiffrant à des centaines de milliards également. Certains pays, foulant allègrement au pied les limites des déficits budgétaires établis par une règle de principe de l’Union quasi immuable à 3% du PIB. Un pays comme la France a explosé le plafond de son déficit, mais d’autres membres de l‘UE l’ont également fait. Ils l’ont tous fait, à bon escient, pour la survie de leur économie, sans aucune conséquence pour eux. C’est ce qui a permis à la France de mettre sur la table 300 milliards d’euros, sans compter la garantie de prêts accordée à ses entreprises, pour un plafond de couverture d’un montant de 100 milliards.
Là où les États développés du monde peuvent compter sur une panoplie de leviers pour assurer la sauvegarde de leurs économies, l’Afrique, elle, à l’image de l’ensemble des pays sous-développés, ne dispose, à cet effet, que du seul levier budgétaire. Ainsi, il va s’en dire donc, qu’au regard de la solidarité internationale imposée par la crise, nous pensons qu’une nouvelle initiative PPTE est non seulement pertinente, mais qu’elle est obligatoire dans le contexte actuel, pour tous ceux qui pensent que l’humanité est une et indivisible. On ne peut pas se contenter de sauvegarder une partie de celle-ci et laisser la majorité périr, en étant doublement victime. Une nouvelle initiative PPTE est d’autant bienvenue dans son principe, que celle qui a été déroulée, il y a quelques années, comportait une innovation majeure qui en faisait plus qu’un simple mécanisme d’effacement de dettes. Elle s’est révélée aux yeux du monde comme un puissant levier économique, dans la mesure où les pays pauvres qui voulaient en bénéficier étaient obligés de verser les sommes à rembourser aux prêteurs dans un compte séquestre ouvert dans les livres de leur banque centrale pendant une certaine période.
Conçu comme un formidable instrument de collecte de fonds, en vue d’assurer des investissements cruciaux, la mise en place d’un nouveau mécanisme d’effacement de dettes élaboré au regard du contexte actuel, avec quelques changements apportés au système, comparativement à celui du début des années 2000, est à la fois souhaitée et vivement attendue en Afrique. Dans le moyen et long terme, ce mécanisme pourrait être un excellent outil de promotion, pour un temps limité, du développement. Avec le précédent, les ressources déposées par les États leur étaient réallouées pour financer les secteurs sociaux notamment la santé et l’éducation.
Rétrospectivement, l’on constate, qu’à compter de l’année 2006, l’Etat du Sénégal était parvenu au point d’achèvement. On se rappelle l’ancien Premier ministre Idrissa SECK se félicitant, à juste titre, d’avoir conduit avec succès toute la procédure ayant abouti au point d’achèvement de son pays qui lui donnait ainsi le droit d’accéder directement à l’effacement de sa dette publique. Le philosophe et professeur émérite d’économie, notre compatriote François BOYE, n’avait pas manqué de railler la déclaration de satisfaction de l’ancien Premier ministre. Il se demandait comment un pays pouvait se glorifier d’atteindre le point d’achèvement fixé par ses bailleurs, en soulignant que cela ne devait et ne pouvait, en aucune façon, être considéré comme une prouesse économique. En tout état de cause, le pays avait réussi par le mécanisme PPTE à déposer un peu plus de 600 milliards de FCFA dans le compte ouvert, à cet effet, dans les livres de la BCEAO. Il y était parvenu avec une moyenne du service mensuel de sa dette publique estimée à l’époque à 67 milliards de FCFA.
En ayant obtenu auprès de ses bailleurs une réallocation de cette somme déposée à la BCEAO, le Sénégal en avait fait usage pour investir massivement dans la construction d’écoles et le recrutement d’enseignants, mais aussi dans la construction d’hôpitaux et de Centres de santé à travers le pays. Quand nous disions, plus haut, que le groupe de la Banque mondiale et le FMI, ainsi que la BAD avaient rejoint dans l’initiative le club du G7, c’est que celle-ci avait été plus tard complétée par l’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM), qui a permis l’effacement de la dette des pays concernés vis-à-vis de ces trois institutions financières en 2005. 17 pays africains éligibles ont pu disposer de centaines de milliards de FCFA pour réduire la pauvreté à travers un programme consigné dans les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP).
Parmi les conditionnalités, les bénéficiaires devaient s’astreindre à limiter toute perspective de nouveau surendettement. Pour la majorité des pays bénéficiaires, le niveau actuel de la dette reste soutenable même si un nouvel effacement aiderait à mobiliser de nouvelles ressources pour combattre les effets de la pandémie du coronavirus. Sauf que, par ailleurs, ce prétexte de la soutenabilité de la dette actuelle, ainsi que l’engagement précédent des pays qui avaient souscrit l’initiative PPTE à ne pas demander une nouvelle initiative d’effacement, brandis comme arguments pour s’opposer à l’appel de Dakar, ne sauraient tenir la route. La pandémie du Covid-19 est un cas de force majeure, un péril imprévisible qui pulvérise tous les engagements économiques ainsi que les bons points de croissance engrangés ces dernières années.
Que signifie encore la vie des êtres humains sur terre, face au drame imposé par le Convid-19 ? Que valent surtout tous les engagements économiques antérieurement souscrits, procédant souvent d’un ordre mondial bâti à partir d’une idéologie libérale forcenée, reposant essentiellement sur l’idée d’une mondialisation se jouant de l’essence même de l’homme : son humanisme et sa dignité ? Toutes valeurs qui se trouvent en permanence sacrifiées sur l’autel d’une accumulation déshumanisante de profits financiers et de biens matériels.
Comment procéder, dès lors que l’on accède à la demande d’effacement de la dette de l’Afrique ? On pourrait y parvenir, en tenant compte du contexte actuel, en améliorant le processus et le mécanisme, mais en raccourcissant surtout les délais, de la méthode d’effacement appliquée au début des années 2000. Celle-ci, nous semble-t-il, est bien appropriée à cette fin. Nous considérons, pour notre part, que le Covid19 est, sans aucun doute, une immense tragédie pour l’humanité et pour l’Afrique, en particulier.
Paradoxalement, celle-ci pourrait pourtant se révéler comme une vraie chance ouverte aux économies africaines. Ainsi, pour parler comme l’économiste sénégalais Felwin Sarr, cette pandémie offre au continent noir une réelle occasion pour engager un travail en profondeur d’une sérieuse et totale refondation de son économie.