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4 mai 2025
Opinions
par Oumou Wane
COVID-19 : LE SÉNÉGAL RÉSISTE !
L’OMS, les Nations-Unies nous prévoyaient le naufrage, voyez comme on navigue ! Sans une politique réactive et ferme, nous ne pourrions aujourd’hui nous vanter des mesures déployées en un temps record pour endiguer la pandémie
L’ensemble des souffrances infligées par le Covid-19 n’en sont apparemment qu’à leurs débuts.
Le nombre de cas varie, mais une constante demeure. Notre monde moderne, globalisé, et finalement si sûr de lui et de sa toute puissance n’a pas su voir venir le petit intrus, invisible et meurtrier.
Un ennemi vicieux, rapide et invisible, qui en si peu de temps a détruit tant de vies, et mis à plat nos économies, et restreint nos libertés si durement acquises. Cet ennemi de l’intérieur, n’a qu’un leitmotiv : « je frappe donc je suis », de manière aléatoire et sans aucune logique connue aujourd’hui.
Néanmoins, dans cette logique meurtrière, le virus a su trouver en face une grande nation d’irréductibles qui n’a jamais cessé de croire en la protection de Dieu. Un pays alerte qui a su apprendre des vulnérabilités des autres afin de trouver des solutions pragmatiques face à un ennemi invisible.
Dans un mélange de sagesse et d’extrême lucidité, le Sénégal a su préparer ses atouts pour contrer la trajectoire macabre du Covid-19.
Une fois le constat établi, je ne peux m’empêcher de saluer l’effort présidentiel.
Sans une politique réactive et ferme, nous ne pourrions aujourd’hui nous vanter des mesures déployées en un temps record pour endiguer la pandémie.
Etant depuis six semaines captive des politiques balbutiantes italiennes, pour ne pas dire européennes, les tergiversations ont révélé les failles d’un système que l’on croyait à tort inébranlable.
C’est par l’addition de ces constats et d’une vision teintée d’expériences que je me dois d’annoncer une triste nouvelle à ceux qui profiteraient de la confusion pour fustiger un pays, qui fait l’admiration du monde entier dans sa gestion de la crise.
L’OMS, les Nations-Unies nous prévoyaient le naufrage, voyez comme on navigue !
Oui, actuellement, le Sénégal est en train de faire un sans faute.
Non, nous ne ferons pas partie de ces nations qui au sortir de la crise auront honte de leur chef d'État. Macky Sall a pris immédiatement les mesures justes pour préserver les populations. Il a consulté toutes les composantes de notre société et mis 1000 milliards de francs cfa sur la table pour contrer le virus… De plus, il a appelé la communauté internationale à annuler la dette de nos pays, appel qui a reçu des échos favorables !
Oui, les temps seront difficiles, mais une guerre ne se gagne pas sans efforts.
Dès le début de la crise Macky Sall a su s’entourer de lumières dans leurs domaines, pour faire front à ses côtés dans le combat contre le coronavirus.
Indéniablement, nous pouvons lui reconnaître ceci : un dévouement extrême à l’exercice de ses fonctions, donnant l’impulsion nécessaire à celui qui veut maîtriser plutôt que celui qui ne cherche que constats pour établir des critiques… En politicien aguerri, il a su que les enjeux étaient autres cette fois-ci, que ses actions auraient une réponse dans l’Histoire.
Je me permets un instant de sortir de mes constats pour vous parler de faits plus factuels, mais tout aussi aberrants.
Confinée en Italie, s’il venait à m’arriver quelque chose, je demande à l’Etat sénégalais de m’assurer une tombe ici.
Dans un pays comme l’Italie où même mourir est devenu un casse-tête chinois, je pense qu’il n’est pas sérieux de la part de certains de nos compatriotes de véhiculer certaines peurs. Il serait responsable d’approfondir la réflexion et d’étudier avec les autorités toutes les options. En effet, il n’y a plus de place dans les morgues, encore moins dans les cimetières et la crémation n’arrive même plus à absorber tous ces morts.
Je n’ai alors qu’une question : pourquoi est-ce que le contribuable sénégalais débourserait-il tant d’argent pour rapatrier des dépouilles dans un espace aérien fermé ? A noter d’ailleurs, si les décès de nos compatriotes devaient être plus élevés, comment l’Etat pourrait-il affréter des avions cargo à cout de milliards pour des rotations journalières avec des escales qui ne seraient certainement pas autorisées par certains pays ?
Nous sommes d’accord sur la réponse. Pour autant, cela n’empêche pas certains sénégalais d’Italie, qui, abandonnant toute logique, préfèrent s’adonner à une politique de comptoir, feignant d’ignorer les vrais enjeux auxquels nous sommes confrontés au quotidien. Il est aisé de demander à l’Etat de faire l’impossible mais restons raisonnables. Le Covid-19 est une situation exceptionnelle !
Notre terre n’a rien à envier à quiconque, même pas à New-York qui enterre ses citoyens dans des fosses communes, sur une île au large de la ville.
C’est pour cela que nous nous devons d’être solidaires.
Solidaires avec nos médecins. Solidaires avec nos champions.
Solidaires avec nos ministres.
Solidaires avec notre président.
Solidaires ensemble, pour faire face à la chevauchée infernale du coronavirus.
Solidaires et à nos places, les hommes qu’il faut à la place qu’il faut pour : revaloriser l’éducation, hisser la santé en priorité absolue. Développer notre agriculture et notre petite industrie. Etre autonomes et autosuffisants !
C’est sans détour que je dédie cet éditorial à nos champions, qui pour y arriver ont besoin d’une discipline nationale et citoyenne.
Au gré de ma mémoire, je cite : Dr Abdoulaye Bousso, Pr Moussa Seydi, Pr Mboup, Dr Amadou Sall, Dr Aloise Waly Diouf, et tant d’autres dans les tranchées et en première ligne…
Cher président Macky Sall, que ces mots du Marechal Joffre puissent vous accompagner le temps de cette crise et bien après :
« Mon aile droite est enfoncée, mon aile gauche faiblit, excellente situation, j’attaque au centre ! »
Sur cette citation, je vous laisse méditer et vous incite à continuer à nous préserver de tous les obscurantismes pour que notre Sénégal sorte de cette épreuve plus forte et plus unie.
Par MOUSTAPHA AMAR
DE QUI SE MOQUE-T-ON ?
Vous vous êtes certainement rendus compte de la différence des prix annoncés par le ministre Mansour Faye et l’autre qui est passé sur RTS. J’ai juste envie de me demander de qui se moque-t-on?
Vous vous êtes certainement rendus compte de la différence des prix annoncés par le ministre Mansour Faye et l’autre qui est passé sur RTS. J’ai juste envie de me demander de qui se moque-t-on? Pourquoi aussi ne se prononce-t-il pas sur l’adjudicataire du marché?
Qui n’est personne d’autre que Demba Diop Sy. Le même à qui on avait confié la gestion du renouvellement du parc des gros porteurs et qui vendait des camions chinois (shinotruck 380 cv et une semi-remorque 3 essieux) à 128.000.000 de francs cfa
Pour rappel, ces camions étaient exonérés de droits de douane et de TVA. Un camion en TTC ne coûte pas 40.000.000. Faudrait-il rappeler que le sieur en question n’est pas transporteur dans le jargon de la profession qui liste cette dernière en 3 catégories le transport conventionnel, conteneurisé ou les pondéreux.
Diop Sy fait partie de la catégorie qui ne fait pas de transport mais plutôt du ramassage d’ordures. On nous aiderait si on nous éclairait sur les critères qui ont prévalu à son choix. En tant que professionnel de ce secteur j’ai été contacté par les courtiers de Diop Sy. Ne serait-on pas tenté à la lumière de Bergson de demander un supplément d’âmes à ces vautours qui n’hésiteraient pas à tirer sur une ambulance?
MOUSTAPHA AMAR
PRÉSIDENT DE LA COOPÉRATION DES GROS PORTEURS DU SÉNÉGAL
Par Emeline Nsingi Nkosi
ÊTRE MERE, UN SACRIFICE POUR BEAUCOUP DE SPORTIVES
"J'ai eu quelques coéquipières qui ont eu des enfants et pendant la mi-temps. Elles doivent soit allaiter, soit tirer le lait et ensuite retourner sur le terrain", se souvient Italee Lucas, basketteuse américano-angolaise
"J'ai eu quelques coéquipières qui ont eu des enfants et pendant la mi-temps. Elles doivent soit allaiter, soit tirer le lait et ensuite retourner sur le terrain", se souvient Italee Lucas, basketteuse américano-angolaise
«Voir cela et en faire l'expérience... c'est comme si elle avait une différente forme de force". Il n'est pas facile de jongler avec le fait d'être une mère et être une joueuse de basket de haut niveau. Des questions sur les effets de la grossesse sur votre corps à la peur de la réaction de votre employé, mettre au monde comporte ses propres défis dans l'univers du sport.
Lors de l'Afrobasket de l'année dernière, le tournoi de basket-ball africain le plus en vue qui s'est tenu au Sénégal, seuls 25 des 144 joueurs étaient des mères, soit environ deux mères en moyenne dans une équipe de 12 personnes.
On peut dire que l'exemple le plus connu de femme faisant du sport pendant sa grossesse est celui de Serena Williams. En 2017, Williams a remporté son 23e titre du Grand Chelem à l'Open d'Australie alors qu'elle était enceinte de sa fille Alexis Olympia Ohanian. "J'ai joué au basket toute cette année-là, j'ai reçu des coups,... comme d'habitude. Dès que j'ai arrêté de jouer, c'est à ce moment-là que ma bosse est apparue", raconte la Camerounaise Baleta Mukoko. Elle n'a réalisé que plus tard qu'elle était enceinte. Elle jouait pour l'équipe de France des moins de 16 ans lorsqu'un mal de dos l'a envoyée chez le médecin, qui lui a révélé qu'elle était déjà enceinte de sept mois. "J'ai eu le temps d'accoucher, car c'était en juin et la saison a recommencé en août, donc j'ai eu le temps de récupérer".
Comme Serena Williams, Mukoko a pu revenir au sport de haut niveau. Mais l'un des thèmes clés autour du fait d'être une mère et une athlète est le "sacrifice". En 2019, la championne olympique de sprint Shelly-Ann Fraser-Pryce a célébré sa victoire aux Championnats du monde d'athlétisme avec son fils Zyon. Elle a évoqué le fait qu'elle avait manqué la première journée sportive de Zyon en raison de ses engagements à l'entraînement et combien cela avait été difficile pour elle. Mukoko comprend parfaitement le dévouement et le sacrifice nécessaires pour être une athlète de haut niveau. "Mon premier (enfant) vit avec ma mère car le sport me prend beaucoup de temps, et je ne le vois déjà pas beaucoup". "Je ne le vois que pendant les vacances et certains week-ends. Je pense que pour mon prochain, je ferai une pause côté carrière".
Une interruption de carrière est elle nécessaire ? Quel sera l'impact de cette interruption de carrière sur une carrière sportive ? Seraije pénalisé financièrement ? Allyson Felix, six fois championne olympique, a engagé son sponsor Nike après avoir affirmé que le géant du vêtement de sport voulait la payer 70 % de moins après qu'elle soit devenue mère. C'est un combat que Félix a fini par gagner, mais ce sont quelques unes des questions qui traversent l'esprit de certains des athlètes avec lesquels j'ai parlé lors du tournoi. Et qu'en est-il d'avoir un bébé quand on ne peut physiquement pas jouer ?
C'était le cas de la capitaine de la Côte d'Ivoire, Mariama Kayoute: "J'avais été opérée des deux genoux, je m'étais déchiré les ligaments. C'est après l'opération du premier genou que j'ai pensé : "Ok, pourquoi ne pas avoir un enfant et continuer le basket après ? Maintenant, je suis très fière d'avoir mon enfant". Avec l'évolution des temps et des mentalités, la question de la maternité comme obstacle à la carrière d'une femme est une question qui ne devrait pas être posée, selon Natosha Cummings-Price, l'entraîneur national de Mukoko: "J'ai vu des femmes jouer un an à l'université, avoir un enfant, et revenir pour finir championnes de la conférence".
Cummings-Price, entraîneur d'une équipe de basket-ball universitaire aux États-Unis, déclare "Le choix d'une femme ne définit pas sa carrière sportive. Si vous êtes prête à faire le dur travail et à vous engager à vous remettre en forme parce que c'est la chose la plus difficile pour la plupart des femmes qui reviennent d'une grossesse, c'est de remettre réellement le corps dans la condition physique qui est nécessaire pour jouer au basket".
Cependant, Cummings-Price ajoute que "c'est leur choix s'elles choisissent d'avoir une famille, et ce que nous les encourageons à faire, c'est de ne pas abandonner leur carrière". Mais M. Cummings souligne qu'il y a une chose qui fait toute la différence pour les athlètes qui ont donné naissance ou qui cherchent à fonder une famille tout en jouant: "Il s'agit du soutien que vous recevez de la part du personnel d'entraînement et de votre administration. Tant que le soutien est là, le ciel est la limite pour tous ceux qui veulent jouer au basket".
Par Emeline Nsingi NkosiBBC Sport Africa
Par Hakim Ben HAMMOUDA
COVID-19 ET LA FIN DE LA GLOBALISATION HEUREUSE !
En plus des peurs et des fureurs, cette crise sanitaire de grande ampleur est en train de remettre en cause nos modes de pensées et nos pratiques politiques, économiques et sociales au cours des décennies passées.
La pandémie du Covid-19 est en train de bouleverser notre monde comme nous ne l’avons jamais vu en temps de paix. Par l’ampleur de ces pertes humaines, la rapidité de sa transmission et notre incapacité à arrêter sa propagation, ce virus est à l’origine d’une grande angoisse et d’une peur sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Mais, en plus des peurs et des fureurs, cette crise sanitaire de grande ampleur est en train de remettre en cause nos modes de pensées et nos pratiques politiques, économiques et sociales au cours des décennies passées.
Cette pandémie est venue nous montrer grandeur nature les dérives de notre monde et un productivisme globalisé qui a eu des effets effrayants sur la nature et la société. Parallèlement aux angoisses et aux effrois, le Covid19 est à l’origine d’une réflexion majeure sur le monde d’avant et nos dérives passées et notre monde à venir.
Plus rien ne sera comme avant avaient prévenu responsables politiques, acteurs de la société civile, intellectuels et penseurs. C’est un autre monde que nous devrons nous attacher à définir et à reconstruire ensemble. Et, probablement l’une des premières grandes révisions concerne la globalisation dont les douces certitudes nous ont bercés pendant plus de trois décennies. Le projet de la globalisation néo-libérale s’est présenté à nous comme la réponse à la crise du modèle de l’Etat-nation héritée du système westphalien et qui a régi le monde depuis le 17ième siècle.
La globalisation nous offrait d’échapper au monde de la modernité et de nous inscrire dans celui plus joyeux et moins contraignant de la post modernité. Mais, elle favorisait également une sortie de l’Etat-providence qui éprouvait les plus grandes difficultés à faire face aux incertitudes et aux difficultés du monde d’après-seconde guerre mondiale. La crise du Covid-19 est en train de remettre en cause la globalisation heureuse qui a dominé le monde depuis les années 1980 et qui a offert le nouveau cadre de formulation des politiques économiques et des grands choix de politique publique. Mais, il faut dire que cette pandémie n’est pas la crise du monde global et qu’elle vient probablement donner le coup de grâce à cette dynamique en panne depuis des années. Nous avons eu la grande crise financière de 2008 qui a montré les dérives de la globalisation financière et l’instabilité qu’elle fait régner sur le monde.
Les années post-crise financière ont été aussi marquées par les débats et les critiques sur la montée des inégalités que la globalisation a renforcée. La pandémie du Covid-19 est venue renforcée la crise de la globalisation et la mélancolie qui la couvre depuis quelques années. Les politiques mises en place aujourd’hui et les choix et les décisions des acteurs économiques sont en train de façonner un nouveau monde et une nouvelle architecture qui vont renforcer la sortie de la globalisation débridée mise en place depuis quelques décennies. Cette sortie de la globalisation heureuse s’observe nous-semble-t-il autour de six points essentiels.
Le premier concerne le retour de la notion de souveraineté et de frontières. Or, rappelons-le la globalisation a été fondée sur l’abandon de cette souveraineté politique, comme économique, au profit des grandes institutions multilatérales comme des grandes firmes transnationales. Ce dogme est en train d’être remis en cause aujourd’hui et les grands pays sont en train de se rappeler au bon souvenir de la souveraineté nationale notamment dans la production des industries stratégiques, comme les industries pharmaceutiques, pour faire face aux effets des crises sanitaires. C’est aujourd’hui que le monde, et particulièrement les pays développés, ont découvert leur dépendance pour les produits actifs à la Chine et à l’Inde qui produisent aujourd’hui près de 80% de la production mondiale de ces produits. Et, les voix de s’élever sur la nécessité de sortir de ce mythe de fin de la souveraineté pour reconstruire les activités stratégiques abandonnées jusque-là.
La second point dans la remise en cause de la globalisation concerne le retour de l’Etat et le rôle prépondérant qu’il est en train de jouer dans la gestion de cette crise et qu’il continuera à jouer dans le monde d’après. Ce retour fracassant de l’Etat dans la lutte contre les effets sanitaires de la pandémie comme dans la gestion de ses dimensions économiques et sociales ont fait voler en éclat les anciennes conceptions du rôle régulateur de l’Etat et la nécessité de limiter ses interventions dans la correction des imperfections du marché qui étaient au cœur de la globalisation triomphante. Or, aujourd’hui on assiste à ce retour qui ne s’arrêtera pas de sitôt.
Le troisième point de cette remise en cause de la globalisation heureuse concerne le retour du social. La montée des inégalités et les débats majeurs qu’elle a suscités ont montré les limites de la globalisation et sa contribution dans cette marginalité croissante. Aujourd’hui, la pandémie de Covid-19 est à l’origine d’un retour du social et d’une plus grande prise en compte de l’effort de solidarité et des investissements dans la santé et dans l’éducation par l’Etat et pour créer une nouvelle sociabilité.
Le quatrième point est lié à la globalisation de la production et le développement des chaînes de valeur mondiale qui a favorisé une grande division du travail au niveau mondial et qui a fait de notre monde un petit village. Certes, cette tendance a été fortement remise en cause au cours des dernières avec la montée des guerres commerciales, particulièrement entre les Etats-Unis et la Chine. La pandémie du Covid-19 est en train de remettre en cause cette tendance et d’appeler à un retour des Etats-nations et des régions.
Le cinquième point est en rapport avec la financiarisation qui a constitué un fondement essentiel de la globalisation et un pendant essentiel de celle de la production. Certes, la crise de 2008 a contribué à égrener ce mythe et les normes de risques mises en place avec Bâle 3 ont été à l’origine d’un repli des grands groupes bancaires et financiers sur leurs bases nationales ou régionales. Cette tendance va s’accentuer avec la nouvelle crise et la démesure financière de la globalisation sera certainement remise en cause.
Enfin, le dernier point concerne la gouvernance de la globalisation et la tentation de limiter le rôle et la place des institutions de gouvernance mondiale comme les Nations-Unies, l’OMC, la Banque mondiale ou le FMI. Or, la crise de la pandémie du Covid-19 a montré l’importance des institutions multilatérales dans la gestion des crises globales, pourvu qu’elles soient à l’écoute des plus faibles et des plus démunis. La pandémie Covid-19, comme toutes les épidémies dans l’histoire de l’humanité, est en train d’ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire de l’humanité. Parallèlement à la lutte contre la propagation de l’épidémie, nous sommes en train d’assister à l’émergence d’une nouvelle expérience humaine plus solidaire, ouverte et démocratique.
HAKIM BEN HAMMOUDA
ECONOMISTE ET ANCIEN MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES
par Rodrigue Fénélon Kenge
À QUI PROFITE LE DÉSENDETTEMENT DE L'AFRIQUE ?
Après chaque période d’annulation de la dette des pays africains, on a l’impression de se retrouver au même point de départ. Les pays qui ont bénéficié du processus de désendettement se retrouvent, quelques années plus tard, surendettés
Après le Pape François durant ses bénédictions pascales, le président français Emmanuel Macron a annoncé dans son discours du 12 avril, envisager avec l’Europe à l’annulation massive de la dette des pays africains.
Le processus de développement économique induit des besoins de financement importants pour la mise en place d’infrastructures et de services publics, dont l’essentiel est couvert par l’endettement, notamment public. L’encours de la dette publique africaine représentait ainsi 1 330 milliards de dollars en 2019 , soit 57 % du PIB continental (équivalent à 60 % du PIB en calculant en moyenne pondérée sur les PIB en parité de pouvoir d’achat) ou encore 1 060 dollars par habitant, et s’inscrit en hausse depuis le début de la décennie 2010. Cette augmentation interroge sur la viabilité de l’endettement des États africains et pose la question du financement de leur processus de développement. En Afrique, cette problématique est d’autant plus importante que des allègements significatifs de dette publique ont été accordés dans les années 2000 et 2010.
Le mythe de Sisyphe
Au demeurant, on a l’impression de se retrouver dans un cycle bi-quinquennal de la question de la dette des pays africains qui déjà, durant les dix dernières années, ont bénéficié de l’initiative PPTE qui a permis un effacement de la dette à travers le mécanisme de réinvestissement des fonds consentis pour le service de remboursement de la dette. Au regard de tout ce qui précède, après chaque période d’annulation ou d’allégement partiel de la dette des pays africains, on a l’impression de se retrouver au même point de départ, dans une sorte de mythe de Sisyphe.
Car les pays qui ont bénéficié du processus de désendettement se retrouvent, quelques années plus tard, surendettés comme c’est le cas du Congo et du Mozambique. Le premier a vu sa dette effacée entre 2009 et 2010 mais se retrouve en 2020 avec une dette de plus de 120% de son PIB. La dette publique de la République du Congo oscille autour de 12,5 milliards de dollars. Cela représente plus d’un tiers supplémentaire par rapport aux estimations publiées par le FMI en juillet 2019 . Le Congo, il sied de le signifier, dans le cadre bilatéral, ne doit pas à la France plus de 11% de sa dette. La part de la dette du Congo qui pose problème est celle vis-à-vis de la Chine , des traders pétroliers, des banques privées et des obligations. Les prévisions budgétaires des charges de trésorerie pour 2020 sont de 1045milliards FCFA dont 601milliards pour cette partie-ci de la dette. Les experts sont formels, le Congo n’a pas les moyens de faire face à de tels engagements.
Tant que la Chine et les traders ne réduiront pas leurs créances, le Congo ne pourra pas à court et moyen terme s’en sortir malgré l’annulation massive annoncée par le chef de l’Etat français en faveur des pays africains. Ainsi, toujours dans le même ordre d’idée, la Côte d’Ivoire qui avait en 2012 atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE se retrouve aujourd’hui avec une dette publique qui avoisine 12 105,3 milliards FCFA à fin juin 2019. Elle réalise ainsi une progression de 4,29% par rapport à son niveau du 31 décembre 2018. L’encours de cette dette est essentiellement constitué de 67% de la dette extérieure et de 33% de la dette intérieure. A la fin de juin 2019, la dette extérieure de la Côte d’Ivoire s’est élevée à 8 063 milliards FCFA contre 7 613,4 milliards FCFA à fin décembre 2018. Les principaux créanciers de la Côte d’Ivoire sont donc les porteurs de titre de créances (51%), les partenaires bilatéraux (17,4%) et multilatéraux (24,6%). La part des autres créanciers ne ressort qu’à 7%. La plus grande part de cette dette est libellée en dollar (44,7%) contre 34,9% en euro. Aussi, 97,4% de la dette extérieure a été contractée à taux fixe contre 2,6% à taux variable.
La problématique de l’annulation de la dette
Annulation massive de la dette. Pourquoi Macron utilise t-il le vocable “massive”? Une annulation n’est elle pas une annulation? S’agit-il d’une réduction massive ou d’une annulation massive? D’entrée de jeu, il sied de souligner que la dette est le moyen classique d'”asservir davantage” les pays endettés, en ajoutant un nœud supplémentaire au nœud existant autour de leur cou. Par ailleurs , lorsqu’on parle d’annulation de la dette, c’est pas toujours limpide. Le togolais Edem Kodjo nous disait que par annulation de la dette il ne s’agit souvent que de l’annulation des intérêts de ladite dette tandis que le “capital” reste entier.
Parfois, on annule une partie de la dette (capital) sans toucher aux intérêts. Ce qui compte souvent pour le bailleur c’est la publicité autour de la pseudo-annulation de la dette et là, les détails manquent. Les dirigeants africains, pour la plupart d’entre eux, ne partagent pas avec leurs citoyens même par le biais de leurs élus au parlement. L’annulation de la dette de l’Afrique ne bénéficiera jamais qui plus est aux peuples du continent. Tous les experts et observateurs africains les plus avertis le savent, y compris les tenants du système financier des pays occidentaux et asiatiques. Le désendettement servira d’abord à déresponsabiliser certaines élites politiques prébendiéres ayant endetté leur pays à des fins de corruption et d’enrichissement personnel. La question de l’endettement du désendettement cyclique dans la coopération multilatérale s’apparente à un jeu de casino. Au terme de notre analyse, il serait judicieux de faire remarquer que le continent est riche de ses hommes et femmes mais cela n’est encore bien clair dans nos textes et les esprits de plusieurs africains, les dirigeants. Parce qu’on a pas cesser de nous asséner que nous sommes pauvres, sous-développés, qu’on nous aide, on a fini par le croire et on arrête pas de tendre la main. Il faut que cela change .
par Felwine Sarr
TEMPS ÉTRANGES
Ce virus révèle les failles et fragilités de la société-monde, son caractère profondément inégalitaire, ses défauts de solidarité - Depuis que le mantra de jouir sans entraves est le mieux partagé au monde, que faire ?
Temps étranges où la vie est réduite à ses fonctions essentielles ; biologiques, végétatives. En ces temps de pandémie, elle se résume à se maintenir en bonne santé. Et pour cela, éviter l’autre qui est un potentiel porteur de cette maladie, infectieuse, sournoise et invisible.
Etrange temps où l’on se rend aussi comte que vivre est au-delà de se maintenir en vie, c’est aussi vivre avec, c’est être relié aux autres.
Dakar est une ville où la proxémie est forte. C’est une notion qui varie selon les cultures. Certaines se touchent, se tâtent, s’embrassent, s’agglomèrent, s’agglutinent. D’autres mettent une plus grande distance entre les corps, se saluent de la tête, les deux moins jointes, les corps inclinés. Ici, pour se saluer on se touche. On se serre la main. Des fois on la pose sur le front et le cœur de l’autre. Vivre, c’est être ensemble. On se regroupe à plusieurs dans des pièces exiguës, sur des bancs publics, à l’entrée des maisons autour du thé, dans des gargotes, dans les transports en commun. Dans les baptêmes, les mariages, on fait grappe. La société fait littéralement corps.
La ville est fantomatique. La peur a gagné les esprits. D’abord ceux des citadins, bien informés, connectés 24h sur 24h sur des tubes cathodiques qui diffusent ad nauseam les mêmes informations. Le nombre de cas qui augmente. La mort qui rode et fauche. Les difficultés des systèmes de santé. La peur. Toujours la peur.
Couvre-feu. Interdiction de sortie entre 20h et 6h du matin. Le premier soir la police a bastonné les retardataires. Des jeunes qui ont trainé, des taximen, des pères de familles sur le pas de leur porte. Des aides-soignants rentrant chez eux mais n’ayant pas trouvé de transport en commun. Cette culture de la violence étatique sous nos cieux, qui remonte à l’époque coloniale, que nos états postcoloniaux ont repris à leur compte. Le peuple, un bétail que l’on mate, à défaut de l’éduquer. Le président de ce pays a remis aux affaires un commissaire tristement célèbre qui s’était illustré par sa brutalité lors des contestations de 2012, contre les velléités de troisième mandat d’Abdoulaye Wade, qui ont fait une dizaine de morts. La crise est une aubaine pour les pouvoirs qui en profitent pour serrer la vis, amenuiser les libertés publiques et justifier le tournant autoritaire dont ils rêvent tous. En France, ils en profitent pour chasser les immigrés clandestins et les rapatrier, gagner du terrain dans les banlieues dites difficiles, y casser du marginal, du pauvre, du noir et de l’arabe. Au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Burkina, soumettre le peuple à la trique et à la chicotte. Transformer un problème de santé publique en une problématique de maintien de l’ordre. S’attaquer aux plus vulnérables, au lieu de leur apporter soin et assistance.
L’Afrique, le continent le moins touché, parce que le moins connecté à la mobilité mondiale. Pour une fois, l’épidémie ne vient pas d’ici. Il n’empêche que l’OMS demande au continent de se réveiller et de se préparer au pire et Antonio Gutteres le Secrétaire Général de l’ONU déclare qu’il y aura des dizaines de millions de morts sur le Continent. Toujours la même antienne de mépris, de condescendance et de racisme, qui ne prend plus la peine d’observer la réalité. L’Afrique, c’est une réalité imaginaire dont la force des représentations qui lui sont accolées congédie sa réalité. Même si la plupart des pays Africains ont très tôt pris des mesures, dont certaines sont drastiques, contrairement à certains pays européens qui eux ont dormi. On nous anticipe le pire. C’est l’Afrique. Ce serait contre la logique des choses que nous nous en sortions pas trop mal. On oublie que le continent a malgré ses difficultés, une longue expérience de gestion des maladies infectieuses. Et certainement une plus grande résilience à tous types de chocs. Sa longue histoire est là pour en témoigner. Rendez-vous est pris au lendemain de la crise.
Ce virus nous oblige à faire monde, même négativement dans un premier temps. Il a transcendé les frontières géographiques, physiques, économiques, idéologiques, de classe. Il est le résultat de l’anthropocène, d’une dévastation de la biodiversité par un mode de production capitaliste écervelé et l’hubris du mode de vie d’un quart de la planète, les euraméricains auxquels s’ajoutent désormais les chinois. Tout le monde paye le prix de leur inconscience et de leur égoïsme. Ce virus révèle les failles et fragilités de la société-monde, son caractère profondément inégalitaire, ses défauts de solidarité. Il nous rappelle également notre communauté de destin. Nul n’échappera aux effets d’une crise écologique qui est déjà en cours.
Deux options, un repli, le retour et le renforcement des idéologies ethno-nationaliste ; ou la solidarité, une conscience écologique plus aiguë, une refondation de notre civilisation. Depuis l’arrêt imposé de la surproduction industrielle, les rivières et fleuves respirent mieux, les poissons reviennent, les grandes mégalopoles sont moins polluées, on respire mieux à Beijing. J’ai rarement respiré un air si pur sur la corniche de Dakar.
Mais il semblerait que l’art que nous pratiquons le mieux soit Lars oblivionis, l’art de l’oubli. Il est à craindre qu’une fois la crise passée, heureux de retrouver nos habitudes, notre vie sociale, après un temps de sidération que nous oublions le signal envoyé par le covid 19 et le sens de cette crise. Où faut-il chercher notre aveuglement au désastre ? Comment se fait-il qu’aucune alarme ne soit assez puissante pour nous empêcher d’aller gaiement vers le mur.
Le cerveau est depuis le pré-cambrien programmé pour assurer sa survie ; manger, se reproduire, stocker de l’information, accéder à un statut social, découvrir de nouveaux territoires. Au cœur du cerveau, le striatum assure cette tache en déchargeant de la dopamine pour récompenser et motiver les comportements qui assurent la survie. C’est ce que le neuroscientiste Sébastien Bohler appelle le bug du cerveau. Ce dernier est conçu pour toujours désirer consommer toujours plus. Ce principe qui a assuré notre survie jusqu’ici est celui qui aujourd’hui le menace. La surconsommation et la surexploitation de nos écosystèmes menace notre survie en temps qu’espèce.
Comment alors s’autolimiter lorsque la structure interne du cerveau et son fonctionnement conduisent à l’hubris. Les religions et les grands corsets communautaires ont tenté de modérer cette tendance, avec un succès limité. Mais depuis que le mantra de jouir sans entraves est le mieux partagé au monde, que faire ?
Renoncer au rêve sur-consumériste. Pour ceux du nord industrialisé entreprendre un travail de de-sintoxication consumériste. Pour ceux des sud, qui déjà vivent une austérité imposée, renoncer à l’imaginaire de la modernité industrielle occidentale et à ce modèle civilisationnel. En inventer un autre. Cette crise est opportunité pour cela.
La pandémie nous oblige à changer nos mauvaises habitudes sociales acquises : laxisme, raccourcis frauduleux, incivisme, esquive des règles établies et dédain de l’intérêt général
Commençons par un truisme : la maladie à coronavirus est inédite dans notre mémoire récente. Elle inflige à notre planète un nombre effroyable de décès, accélère notre rendez-vous permanent avec le deuil. Pendant longtemps, ce siècle, comme sans doute d’autres à venir, portera les stigmates de cette peste bubonique de notre ère. Est-ce consolation que de rappeler que le propre de l’humain est de pouvoir se relever toujours plus fort après chaque chute comme dans le sublime poème de Rudyard Kipling « Tu seras un homme mon fils », publié en 1910 ? Cette résilience confère assurément une certaine immortalité à notre espèce.
En Chine, pays auquel on attribue l’origine de la maladie à coronavirus, l’idéogramme désignant une crise signifie aussi opportunité. Cette apparente contradiction de sens est la marque d’une civilisation millénaire dont la dialectique est de regarder les portes ouvertes au lieu de s’attarder sur celles qui sont fermées. Elle traduit en meilleur ce qui ressemble au pire, minimisant, dans la même logique, ce qui apparaissait comme le plus grand malheur connu de notre humanité à l’ère des technologies qui ont propulsé très loin le savoir universel et orienté notre vie de tous les instants.
Dans le même esprit que la sagesse chinoise, peut-on dire, mutatis mutandis, que le Coronavirus peut être une chance ? En tant que crise donc en tant qu’opportunité ? Oui, en tant qu’élément de rupture dans l’ordre normal des choses, en somme nos habitudes de vie. Il nous enseigne de nombreuses leçons et nous oblige à nous interroger, cet exercice que les miracles de l’ère du numérique nous avait fait jeter aux orties.
La crise actuelle borne nos certitudes scientifiques et nos doutes métaphysiques nourris de religiosité. La première question est la scientificité de la science. La connaissance scientifique est-elle exactitude ou tâtonnement tantôt fructueux tantôt miraculeux de la méthode expérimentale chère à Claude Bernard sur les traces du chimiste Michel- Eugène Chevreul ? En d’autres termes, où s’achève la science si jamais elle a une fin ? Aux épistémologues de répondre.
Mais le doute et le défi sont la sève nourricière de la prodigieuse vitalité de la science. En ce sens, avec le COVID-19, la médecine a une première matière inattendue. Des milliers de scientifiques, cerveaux invisibles, confinés dans le silence des laboratoires et loin des plateaux de télévision, nous aident, par la prévention et les soins, à contenir les ravages de la pandémie. A contrario, cette crise montre fort heureusement que la fin des civilisations, tant brandie par certains prophètes de malheur, est un délire pour pessimistes. Elle montre aussi, espoir de nos savants et chercheurs, que la science reste un vaste champ à parcourir avec d'innombrables périmètres en jachère.
La crise du COVID-19 n’est pas que sanitaire. Elle a d’autres dimensions. Elle met en lumière les qualités d’anticipation et de vision attendues de nos dirigeants dont la gouvernance est plus que jamais scrutée et jaugée. Les gouvernés ont droit à la reddition des comptes, les plus nombreux espèrent la fin de leur infantilisation par des marchands d’illusions déguisés en opérateurs politiques.
Le Coronavirus impose un retour à la politike, l’art de (bien) gérer les affaires de la Cité. On n’a jamais entendu autant de discours des princes du jour témoignant de leur compassion, sous la pression de cette crise sanitaire dont les conséquences multiformes sont imprévisibles. Certains de ces princes se souviennent soudain que leur devoir constitutionnel est de nous porter assistance et de nous garantir sécurité et protection.
Que n’avons-nous pas fait suffisamment pour en arriver là ? Que devons-nous faire autrement pour sortir de là ?
Tout autant qu’à la médecine et qu’à la gouvernance, le COVID-19 est un défi posé à nous citoyens ordinaires. Il nous donne ou nous impose la chance de nous ajuster au réel en faisant le tri entre le nécessaire et l’utile, entre le superflu et le clinquant. Mieux, il nous oblige à changer nos mauvaises habitudes sociales acquises : laxisme, raccourcis frauduleux, incivisme, esquive des règles établies et dédain de l’intérêt général.
Nos mauvaises pratiques, fatalisme atavique, influencent négativement notre rapport aux recommandations et aux injonctions pour éviter la propagation du virus. Nous nous croyons exemptés de nous laver les mains, de porter le masque, de respecter l’hygiène, de cultiver la propreté du corps, du cœur et surtout de l’âme. Nous nous gaussons de la distanciation sociale. Nous nous remettons à la volonté divine ou cultivons une criminelle insouciance devant le danger que nous croyons destiné uniquement aux autres. Pourtant, nous voyons les ravages de la maladie qui ne distingue pas l’origine sociale, religieuse, régionale, continentale. Elle ne connaît ni genre ni race. Elle nous rappelle dans son odyssée de sang que nous naissons tous libres et égaux sur cette planète que nous avons en partage.
Autre chance de la crise née du coronavirus, nos retrouvailles avec des qualités longtemps remisées au magasin des accessoires, comme le disait Sartre. Il nous faut, hic et nunc, séparer la bonne graine de l’ivraie. Elle constituera sûrement un nouveau départ. Nous ne pourrons que voir, désormais, la vie autrement.
Au plan psychologique, la crise aura été une chance si elle arrive à nous aider à transformer les peurs en défis et surtout à nous débarrasser d’un complexe d’infériorité né d’une histoire de terreur et de fureur qui fait perdre à un peuple l’estime de soi en l’inhibant devant les épreuves et en le privant de l’audace qui fait réussir et de l’optimisme fondateur d’un nouveau monde. Débarrassons-nous immédiatement de cette tunique de Nessus dont on nous a vêtus pendant des siècles aussi bien au niveau de la pensée qu’au plan de l’action. Comme Césaire, disons, « ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir ».
La crise du COVID-19 peut devenir une chance si nous la vivons comme la chiquenaude vers un élan post-traumatique pour nous remettre en cause. Ou une nouvelle occasion manquée si nous ne la comprenons que comme une tragique parenthèse, un simple accident de parcours de notre histoire pleine de fractures sombres que nous n’aurons pas su refermer.
A nous de choisir.
Hamadoun Touré est journaliste, ancien ministre, fonctionnaire International à la retraite
texte collectif
FACE AU CORONAVIRUS, IL EST TEMPS D’AGIR !
Wole Soyinka, Makhily Gassama, C. Hamidou Kane et des dizaines d'autres intellectuels africains, exhortent leurs dirigeants à profiter de la crise du covid-19 pour penser le développement endogène, rompre avec la sous-traitance de leur souveraineté
Près de 90 intellectuels du continent et de la diaspora parmi lesquels Wole Soyinka, Makhily Gassama, Cheikh Hamidou Kane, Iva Cabral,
Odile Tobner, Olivette Otele, Boubacar Boris Diop adressent la lettre ci-dessous aux dirigeants africains, afin de les exhorter à saisir l'occasion de la crise du coronavirus pour opérer dès maintenant des ruptures dans la gouvernance.
Les risques qui planent sur le continent africain, relatifs à la propagation du COVID-19, nous interpellent individuellement et collectivement. L’heure est grave. Elle ne consiste pas à juguler une énième crise humanitaire « africaine » mais à contenir les effets d’un virus qui vient bousculer l’ordre du monde et interroger les fondements de notre vivre ensemble.
La pandémie du coronavirus met à nu ce que les classes moyennes et aisées vivant dans les grandes mégalopoles du continent ont feint de ne pas voir. Depuis près de dix ans, en effet, certains médias, intellectuels, hommes politiques et institutions financières internationales s’accrochent à l’image d’une Afrique en mouvement, d’une Afrique nouvelle frontière de l’expansion capitaliste. Une Afrique sur la voie de l’émergence économique ; une Afrique dont les taux de croissance positifs feraient pâlir d’envie plus d’un pays du Nord. Une telle représentation que l’on finissait par croire réelle à force d’en rêver se déchire désormais devant une crise multiforme qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Dans le même temps, l’ordre global multilatéral que l’on se figurait encadré par un minimum de traités se délite sous nos yeux, faisant place à une lutte géopolitique féroce. Ce nouveau contexte de guerre d’influence économiquedu tous contre tous laisse dans l’ombre les pays du Sud, en leur rappelant s’il le fallait le rôle qui leur échoit : celui de spectateurs dociles d’un ordre du monde qui se construit par-devers eux.
La pandémie du COVID-19 pourrait saper les bases des États et des administrations africaines dont les défaillances profondes ont trop longtemps été ignorées par la majorité des dirigeants du continent et leur entourage. Il est impossible de les évoquer toutes, tant elles sont nombreuses : sous-investissement dans les secteurs de la santé publique et de la recherche fondamentale, insécurité alimentaire, gaspillage des finances publiques, priorisation d’infrastructures routières, énergétiques et aéroportuaires aux dépens du bien-être humain, etc. Autant de sujets qui font pourtant l’objet d’une littérature spécialisée, désormais abondante, mais qui semblent avoir peu pénétré les cercles du pouvoir des différents États du continent. La preuve la plus évidente de ce fossé est fournie par la gestion actuelle de la crise.
De la nécessité de gouverner avec compassion
Reprenant sans souci contextuel le modèle de « containment » et des régimes d’exception adoptésdes pays du Nord, nombreux sont les dirigeants africains imposant un confinement brutal à leurs populations souvent ponctué, lorsqu’il est n’est pas respecté, de violences policières. Si de telles mesures satisfont les classes aisées, à l’abri de la promiscuité et ayant la possibilité de travailler à domicile, elles demeurent punitives pour ceux qui, pour utiliser une formulation répandue à Kinshasa, doivent recourir à « l’article 15 », c’est-à-dire à la débrouille et aux activités dites informelles.
Soyons clairs. Il n’est nullement question d’opposer sécurité économique et sécurité sanitaire mais plutôt d’insister sur la nécessité pour les gouvernements africains de prendre en compte les conditions de précarité chronique vécue par la majorité de leurs populations. Cela, d’autant plus que le continent africain a une longueur d’avance sur le Nord en matière de gestion de crises sanitaires de grande ampleur, au regard du nombre de pandémies qui l’ont frappé ces dernières années.
La nature ayant horreur du vide, plusieurs initiatives fragiles provenant de la « société civile » se mettent progressivement en place. En aucun cas pourtant, le dynamisme d’individus ou d’acteurs privés ne peut pallier la désorganisation et l’impréparation chronique que seuls les États seraient en mesure d’endiguer à travers le continent.
Plutôt que de subir et tendre la main à nouveau en attendant meilleure fortune, il serait d’ores et déjà souhaitable de repenser notre vivre ensemble en partant de nos contextes spécifiques et des ressources diverses que nous avons.
Notre conviction est que l’urgence ne peut, et ne doit pas, constituer un mode de gouvernance. Il s’agit de saisir ce moment de crise majeure comme une opportunité afin de revoir les politiques publiques, de faire en sorte notamment qu’elles œuvrent en faveur des populations africaines et selon les priorités africaines. Bref, il s’agit de mettre en avant la valeur de chaque être humain, quel qu’il soit et quelles que soient ses appartenances, au-delà des logiques de profit, de domination et de monopolisation du pouvoir.
Au-delà de l’urgence
Les dirigeants africains doivent, et peuvent, proposer à leurs peuples une nouvelle idée politique d’Afrique.C’est une question de survie et non d’arguties intellectuelles comme on a trop souvent tendance à le croire. De profondes réflexions sont nécessaires sur la gestion et le fonctionnement des administrations nationales, de la fonction de l’État et de la place des normes juridiques dans la distribution et l’équilibre des pouvoirs à l’aune de systèmes de pensées adaptés aux réalités du continent. En effet, la seconde étape de nos indépendances politiques ne se réalisera que sur les terrains de l’inventivité politique et sociale, de la prise en charge par nous-mêmes de notre destinée commune. Des initiatives en ce sens existent déjà. Elles mériteraient simplement d’être écoutées, discutées et encouragées.
Le panafricanisme aussi a besoin d’un nouveau souffle. Il doit retrouver son inspiration originelle après des décennies d’errements. Si les progrès en matière d’intégration du continent ont été faibles jusque-là, la raison est que celle-ci n’a été conçue que sur la base de la seule doxadu libéralisme économique. Or, la pandémie du coronavirus montre tristement l’insuffisance de la réponse collective du continent autant sur le volet sanitaire qu’ailleurs. Plus que jamais, nous sommes placés devant la nécessité d’une gestion concertée et intégrée de domaines relatifs à la santé publique, à la recherche fondamentale dans toutes les disciplines scientifiques et aux politiques sociales. Dans cette perspective, il est important de repenser la santé comme un bien public essentiel, de revaloriser le statut du personnel de la santé, de relever les plateaux techniques des hôpitaux à un niveau qui permet à tous, y compris les gouvernants eux-mêmes, de se faire soigner en Afrique.
Cette lettre est un morceau de rappel, de rappel de l’évidence : le continent africain doit reprendre son destin en main. Or c’est dans les moments difficiles que des orientations nouvelles doivent être décidées et que des solutions pérennes doivent être mises en place.
Cette lettre est destinée aux dirigeants africains de tous bords, aux peuples africains et à ceux qui essaient de penser le continent. Nous les invitons à saisir l’opportunité de cette crise pour mutualiser leurs efforts afin de repenser l’idée d’un État au service du bien-être des peuples, de rompre avec le modèle de développement basé sur le cercle vicieux de l’endettement extérieur, de sortir de la vision orthodoxe de la croissance pour la croissance, et du profit pour le profit.
Il s’agit pour l’Afrique de retrouver la liberté intellectuelle et la capacité de créersans lesquelles aucune souveraineté n’est envisageable. De rompre avec la sous-traitance de nos prérogatives souveraines, de renouer avec les configurations locales, de sortir de l’imitation stérile, d’adapter la science, la technique et les programmes de recherche à nos contextes historiques et sociaux, de penser nos institutions en fonction de nos communes singularités et de ce que nous avons, de penser la gouvernance inclusive, le développement endogène, de créer de la valeur en Afrique afin de diminuer notre dépendance systémique. Surtout, il est primordial de ne pas oublier que le continent dispose de suffisamment de ressources matérielles et humaines pour bâtir une prospérité partagée sur des bases égalitaires et respectueuses de la dignité de chacun. L’absence de volonté politique et les agissements de l’extérieur ne peuvent plus constituer des excuses pour nos turpitudes. Nous n’avons pas le choix : nous devons changer de cap. Il est plus que temps !
Depuis son apparition en décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine, qui pouvait penser que trois mois plus tard, le CoViD-19 allait déferler si rapidement dans le monde entier au point de se révéler comme l’une des pires crises sanitaire et socioéconomique depuis la deuxième grande guerre ?
Dès lors, le CoViD-19 s’est joué allégrement des frontières en se propageant à une vitesse vertigineuse et en semant dans son sillage mort, dévastation socioéconomique, repli sur soi des États ; et même en portant un coup d’arrêt à la mondialisation.
Face à cette pandémie, chaque pays tente en fonction de ses moyens, d’apporter des réponses circonscrites à l’intérieur de ses frontières.
Outre les mesures sanitaires dictées par l’urgence et la sévérité des cas, les solutions ont globalement pris la forme d’actions de santé publique centrées sur la distanciation physique et la généralisation de gestes barrière censées contribuer à briser la chaîne de transmission de la maladie ; la fermeture des frontières aériennes et terrestres et l’arrêt des services non essentiels qui a comme conséquence le ralentissement de la production. Parallèlement, on redécouvre l’élan de solidarité devant l’épreuve, à travers les ralliements des forces de l’opposition, des entreprises, des donateurs et des bénévoles à Force CoViD-19.
Sommes-nous à l’avènement d’un nouvel ordre ? L’ensemble de ces mesures n’est pas sans conséquences sur la vie de larges segments de la population. Au Sénégal, depuis l’apparition des premiers cas de CoViD-19 au début du mois de mars 2020, outre les réponses médicales qui ont mis en lumière le professionnalisme, l’expérience et le talent du personnel soignant sénégalais, les pouvoirs publics ont pris une série de mesures d’ordre sanitaire, sécuritaire et socioéconomique pour freiner l’avancée de l’épidémie : instauration de l’état d’urgence et d’un couvre-feu, isolement des personnes infectées, mise en quarantaine des contacts, fermetures des frontières du pays, etc. Ce train de mesures n’est pas sans conséquences sociales néfastes pour une bonne frange de la population urbaine et rurale du pays en termes de pertes d’emploi et de revenus, de l’impossibilité de circuler et d’exercer des activités professionnelles pour beaucoup d’acteurs, particulièrement ceux de l’économie populaire. Le confinement paraît extrêmement difficile à mettre en œuvre au Sénégal Aujourd’hui, la vigoureuse progression du CoViD 19 dans notre pays1 commande de débattre de mesures certainement plus hardies pour contenir la fulgurance de la contagion qui la diffuse si tragiquement.
Une des mesures, citée avec de plus en plus d’insistance, est le confinement total ou partiel de la population, à la manière de ce qui se fait dans certains pays du monde touchés par le même virus. quoique parfois évoqué avec espoir (voire avec espérance), le confinement paraît extrêmement difficile à mettre en œuvre dans un pays comme le Sénégal, au regard des configurations et des dynamiques sociétales locales ; lesquelles se constituent de particularités dans lesquelles s’ancrent les espaces et les systèmes sociaux, les pratiques quotidiennes de sociabilité, les caractéristiques de l’économie du pays ainsi que les pratiques de consommation de l’écrasante majorité de la population du pays.
C’est dire qu’au-delà de ses dimensions techniques et administratives, la question des conditions locales de pertinence du confinement est majeure ; car en la matière les erreurs se paieront dramatiquement, malheureusement. il importe, dès lors, d’être attentif à la complexité de cette mesure qui s’affirme comme inévitable à en juger la situation et les prévisions réalistes. Comment mettre en œuvre des mesures de confinement pour des populations majoritairement cantonnées dans une économie de débrouille qui les oblige à se déplacer quotidiennement pour assurer les besoins de base, notamment la nourriture ? Comment, dans ces conditions, résoudre l’équation du choix entre les risques de contracter et de disséminer la maladie et la famine ; laquelle, en plus de ses effets physiologiques est féconde de considérations morales ?
Comment re-négocier l’ancrage de l’individu (physique et symbolique) dans le communautaire ? Le confinement introduit inexorablement une rupture de la quotidienneté Le confinement introduit inexorablement une rupture de la quotidienneté. il apparaît comme une injonction au changement (au changement social ?). Sous ce rapport, il peut être vu comme est une invite à la définition de nouvelles modalités de rapport à soi, à autrui et aux espaces (physiques comme symboliques). il appelle alors à inventer les sociabilités qui désormais, feront désormais le vivre-ensemble. Aussi, dans l’hypothèse probable du confinement comme seule issue pour lutter efficacement contre le CoViD, nous pensons qu’il doit être ciblé en fonction des territoires et des régions et être adossé à des mesures plus adaptées aux réalités sociétales, économiques et culturelles endogènes.
Dans cette perspective il serait souhaitable de rapidement commencer par la distribution alimentaire aux populations nécessiteuses dans le respect et sans mépris en confiant cette tâche à l’armée qui pourrait se référer aux bases de données telles que celles de la SEn EAU, de la SEnELEC et des chefs de quartiers ou des chefs de villages, entre autres, pour une meilleure répartition des vivres. Toutefois, la répartition ne devrait pas se limiter aux personnes vivant dans des ménages car il existe de nombreux sénégalais qui n’appartiennent pas à cette catégorie.
La situation actuelle d’état d’urgence et de couvre-feu de 20h à 6h est une étape adaptée pour la mise en place de ces pratiques de distribution des vivres et de nécessaires. Le succès de cette action passe par la cessation de paiement de loyers, de factures d’eau et d’électricité pour au moins une durée d’un mois. Parallèlement il faut inviter les populations à repenser leurs pratiques de subsistance à fois matérielle et immatérielle.
La réduction de la mobilité et la diminution des ressources nécessitent un accompagnement nutritionnel et diététique pour éviter l’augmentation de certaines formes de pathologie (diabète, tension artérielle, etc.) ainsi que la résurgence de la malnutrition, surtout chez nos jeunes et nos personnes âgées. outre ces mesures, il urge de mettre en place un programme efficace de communication communautaire (par les radios et télévisions publiques et privées, des messages vocaux et électroniques, des capsules de vidéos, etc.) en français et en langues locales (wolof, pulaar, sereer (les six types), joola (les six types), màndienka, sóninké, banama, hasaniya, balant, mànkaañ, mànjaku, mënik, oniyan, saafi-saafi, guñuun, laalaa, kanjad, jalunga, bayot, paloor et womey).
La parole pourrait revenir non pas uniquement aux lanceurs d’alertes et aux experts mais aussi aux guides religieux et coutumiers, aux relais communautaires comme les badianou gox ou autres porteurs et porteuses de voix dans nos sociétés. Ce faisant les églises et mosquées pourraient être mises à contribution pour diffuser les mesures prises. L’homme n’est pas qu’un être biologique il est aussi et surtout un être moral ; c’est-à-dire un être configuré psychologiquement, socialement, culturellement, cultuellement, etc. Certes la médecine conventionnelle a imposé sa légitimité véhiculée par l’Oms, organisation d’ailleurs dont la légitimé a été rudoyée par cette maladie.
Depuis le début de la pandémie on est dans une logique scientifico-médicale occultant les aspects sociosymboliques de l’homme. Le sénégalais, sans qu’il soit en cela particulier, est un être de croyances et de ritualités ; lesquelles qui sont centrales pour l’expression de son identité sociale et culturelle. Les règles énoncées en vue de lutter contre le CoViD-19 empêchent l’accomplissement de rituels importants pour l’adoucissement des souffrances engendrées notamment par la perte d’un proche.
Les rites funéraires sont presque supprimés pour éviter la propagation de la maladie alors même qu’ils sont nécessaires pour l’acceptabilité de la fatalité et pour mener un deuil ancré dans des significations culturelles et cultuelles. L’apport des sciences sociales pour une meilleure compréhension de la pandémie Les sciences sociales peuvent aider à une meilleure compréhension et appréhension locale de la pandémie en révélant les logiques et effets socioculturels autour desquels elle s’articule (professions et catégories socio-professionnelles, territorialisation de la maladie, coûts, recomposition des logiques et pratiques de sociabilité et de solidarité, etc.)
A ce titre, elles pourraient explorer des questions telles que : quelles dynamiques sociales l’épidémie induit-elle ? Comment se manifeste la résilience du système social en contexte épidémique ? Quels stigmates l’épidémie laissera-t-elle dans le corps social ? Les sciences sociales ont ainsi un rôle de premier plan à jouer dans la compréhension des sémiologies populaires face au CoViD, les représentations sociales au sujet des causes, de la prévention et du traitement des symptômes associés au CoViD-19 sans compter leur contribution dans l’analyse des multiples conséquences que l’épidémie engendre et comment elle peut concourir à la désarticulation des structures familiales et des dynamiques migratoires, sur la recomposition des pratiques professionnelles et éducationnelles (télétravail, téléenseignement, etc.).
En plus des analyses sur les effets actuels et anticipés du CoViD-19, les sciences sociales peuvent fournir un corpus de connaissances indispensables pour mettre en place des scénarios post-CoViD-19 car, le monde va changer. Aujourd’hui, plus que jamais, l’on comprend que les maladies sont des réalités sociales.
Liste des signataires
Amédoune BA. Sociologue. Assistant. Université Gaston berger de Saint-Louis.
Dr. Ibrahima Bao. Socio-anthropologue. Maître Assistant. Université Gaston berger de Saint-Louis.
Mamadou Ndongo Dime. PhD. maître de Conférences. Sociologue. Université Gaston berger de Saint-Louis.
Dr. Bakary DOUCOURE. Socio-anthropologue. Maître Assistant. Université Gaston berger de Saint-Louis.
Dr. Sara Ndiaye. Sociologue. Maître Assistant. Université Gaston berger de Saint-Louis.
Dr. Cheikh Sadibou Sakho. Anthropologue et sociologue. Maître Assistant. Université Gaston berger de Saint-Louis.
Dr. Aly TANDIAN. Sociologue. Maître de Conférences. Université Gaston Berger de Saint-Louis.
1 Selon le bilan mensuel partagé à l’issu du point de presse du ministre de la santé et de l’action sociale tenu le jeudi 2 avril 2020, le Sénégal enregistre 40% de cas importés, 4% de cas communautaires et 56% de cas contact sur un total de 195 cas confirmés. Près de 1851 personnes sont actuellement isolées et suivies.
Par Jean Pierre Corréa
L’APPEL DE MACKY SUR LA DETTE FAIT FLORES
Le traitement du coronavirus va s’ajouter à un fardeau déjà bien lourd : l 'Afrique, c’est presqu'un quart des cas de pathologies les plus lourdes comme la tuberculose, la malaria ou le VIH, mais seulement 1 % des dépenses globales de santé.
Le traitement du coronavirus va s’ajouter à un fardeau déjà bien lourd : l 'Afrique, c’est presqu'un quart des cas de pathologies les plus lourdes comme la tuberculose, la malaria ou le VIH, mais seulement 1 % des dépenses globales de santé.
Pour faire face à l'urgence plusieurs gouvernements ont pourtant réussi à débloquer des fonds destinés en priorité à la santé. Secteur on le sait qui avait lourdement pâti des mesures drastiques imposées par nombre de bailleurs de fonds pour stimuler nos économies. Mais pour le moment aucun État africain n’a les moyens de dégainer des milliards comme l’ont fait les pays occidentaux pour soutenir massivement leurs salariés et leurs entreprises paralysées par le confinement.
Pour dépenser plus d'argent public, il faut pouvoir recourir à l’emprunt, or les États africains sont déjà à l’os. Pour stimuler la croissance ils ont emprunté tous azimuts. De quoi s'inscrire dans la logique de la demande d'annulation faite par le président sénégalais Macky Sall se faisant écho de la forte préoccupation de nombre de ses homologues. Parce que l’Afrique va payer le prix de la récession économique mondiale : chute des matières premières, arrêt des entreprises, chute des exportations… Cela va aggraver le chômage et la précarité sociale, sachant que très peu de pays africains ont des mécanismes de protection sociale. Plus de 1300 milliards venaient régulièrement de ces envois des Sénégalais de l’Extérieur alors qu’on sait que les principaux pays d’émigration des Sénégalais que sont la France, l’Italie, l’Espagne, les Etats-Unis entre autres, restent confinés et que plus aucun envoi ne provient de ces pays, depuis les mesures de confinement préconisées par les gouvernements.
Sur le plan national, la morosité économique affecte des pans entiers de l’économie, comme l’hôtellerie, la restauration, les transports aériens, maritimes et terrestres, le secteur des Btp entre autres. L’appel lancé par le Président Macky Sall fait florès, et il est entendu par d’autres leaders mondiaux, comme le Pape François, le Roi du Maroc, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair et hier soir par Emmanuel Macron, qui a fait de la solidarité avec le continent africain un élément fort de son allocution de sortie de crise.
C’est une preuve de leadership, d’autant que l’Union Africaine suit et se dote d’un fonds piloté par un de ses fils les plus brillants, Tidiani Thiam. Mais aller au-delà est sans doute nécessaire mais sera hyper complexe à réaliser, car le tiers de la dette africaine est détenu par des créanciers privés. C'est cette dette privée qui génère les intérêts les plus élevés, mais négocier dans l'urgence avec cette nébuleuse d'acteurs, des banques, des fonds, des négociants en matières première relèvera du tour de force. Il sera nécessaire aussi de reconnaître nos errements en matière de gestion de ces endettements contractés, et ne pas donner l’image redoutable d’une partie de notre classe politique et économique qui tirerait profits de ces efforts universellement requis en guise de solidarité face au Covid 19.
Le pire pour l’Afrique ne sera pas le nombre de ses morts, mais le fait de voir son économie ravagée par cette pandémie, sans qu’elle ait su tirer les leçons du passé, qui confinaient tout de même à une certaine forme excessive de gabegies.