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1 mai 2025
Politique
par Abdoulaye Bathily
SENGHOR DÉFORME L'HISTOIRE DU PEUPLE SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Juillet 1978, l'ancien ministre alors en clandestinité, déconstruit point par point dans les colonnes de Vérité, organe de la Ligue Démocratique, un pan de l'Histoire du pays travesti par le président-poète
Ce texte a été publié dans Vérité N°2, organe de la Ligue Démocratique (LD), en Juillet 1978 dans les conditions de la clandestinité. Mais nous avons tenu à garder le texte intégralement en n’en corrigeant que quelques méprises de formes.
Il a été distribué sous le manteau aux participants des Assisses des Etats Généraux de l’Education organisées en juillet 1978 à l’Ecole Berthe Maubert à Dakar, et qui précéderont ceux tenus sous l’égide du gouvernement en 1981 sous la pression de la grève du SUDES.
L'histoire comme toutes les sciences en général et les sciences sociales en particulier, ne saurait échapper à l'influence déterminante de la lutte des classes. Pour justifier telle ou telle attitude du présent, chaque classe et chaque groupe de la société à besoin de présenter une certaine image du passé. Ainsi le régime colonial représentait les Africains comme appartenant à une sous-humanité éternellement dépendante du reste de la planète. Cette image des sociétés africaines servait de justification idéologique à la politique d'exploitation économique sans limite des travailleurs et des peuples des colonies.
Le développement du nationalisme africain dans la première moitié du XXe siècle a conduit à un renversement de cette perspective colonialiste de notre histoire.
Par exemple, les travaux d'un Nkrumah, d'un Eric Williams pour les colonies britanniques, ceux de Cheikh Anta Diop, de Mahjmout Diop, d'un Abdoulaye Ly, de Joseph Ki-Zerbo, etc. pour les pays sous domination coloniale française, s'inscrivent avec leur mérite respectif dans le courant de la décolonisation de l'histoire africaine.
Depuis l'indépendance, de nombreux historiens africains patriotes et même des internationalistes comme Jean Suret Canale, Basil Davidson, etc. poursuivent en l'approfondissant cette œuvre de renaissance culturelle africaine.
A contre courant de ce mouvement se situe Senghor et ses historiens de service. La bourgeoisie bureaucratique et compradore qui représente les intérêts de l'impérialisme français chez nous tente par tous les moyens de faire prévaloir une certaine image de notre passé qui concilie ses propres intérêts avec ceux de ses maîtres étrangers. Ces efforts sont déployés au mépris de la vérité scientifique.
Ainsi pour Senghor, les trois siècles de présence française sur notre sol sont « trois ans d'amitié entre le Sénégal et la France » ! La traite des esclaves, la conquête militaire, l'exploitation économique, et leur corollaire, la destruction de nos sociétés, seraient des témoignages de l'amitié entre ces deux pays !
L'on sait qu'en 1945 déjà le théoricien de la Négritude minimisait les effets de la colonisation lorsqu'il écrivait : « le problème colonial n'est rien d'autre au fond qu'un problème provincial, un problème humain. Je ne suis pas le premier à l'avoir remarqué. Lyautey, l'avait déjà dit, et, plus près de nous, Delavignette, cet humaniste impérial, dans son livre au titre si suggestif : Soudan - Paris - Bourgogne, Paris unissant les deux provinces ». (Léopold Sédar Senghor, la communauté impériale française).
Deux autres faits montrent encore le travestissement de notre histoire nationale au profit de l'impérialisme français par les idéologues du régime.
- Le problème des cahiers de doléances des habitants de Saint-Louis aux états généraux de la révolution française de 1789
- Le chant de la jeunesse : Niani Bagnna.
1. De manière rituelle, Senghor proclame que les auteurs des cahiers de doléances sont les précurseurs de la nation sénégalaise d'aujourd'hui. Ils seraient même les fondateurs de la démocratie sénégalaise, etc.
Cette interprétation ne résiste pas à une critique tant soit peu sérieuse. Les auteurs des cahiers de doléances représentaient environ 2000 individus libres, des traitants pour la plupart (métis ou mulâtres, des petits blancs venus chercher fortune en Afrique et quelques nègres) sur une population totale évaluée à plus de 6 000 à l'époque (île de Ndar). La majorité de la population de l'île était composée d’esclaves, de domestiques, d'ouvriers et de laptots (ouvriers de la navigation fluviale) tous nègres, qui étaient tenus à l'écart de l'administration et de la politique du comptoir de Saint-Louis.
Cette poignée de traitants vivait essentiellement en marge du reste de la population du pays. Les rapports entre les traitants et le reste de la population autochtone n'étaient que des rapports de marchands à clients. Les traitants n'ont jamais envisagé un seul instant de représenter les intérêts des « indigènes » auprès des autorités françaises.
Leurs doléances portaient sur deux points essentiellement :
a) les traitants aspiraient à être traités comme des citoyens français à part entière. A l'instar de Senghor, aujourd'hui, ils considéraient la France comme le pays modèle en tout.
« Nègres ou mulâtres nous sommes tous français puisque c'est le sang des français qui coule dans nos veines ou dans celles de nos neveux. Cette origine nous enorgueillit et élève nos âmes. Aussi, aucun peuple n'a montré plus de patriotisme et de courage ! Lorsqu'en 1757, le Sénégal fut lâchement rendu aux anglais. Nous voulions le défendre malgré les chefs de la colonie ...
Nous avons regardé comme le plus beau jour de notre existence, celui où en 1779, nous jouîmes du plaisir de voir flotter la bannière française sur le port de Saint-Louis. Nous accueillîmes tous les français comme nos libérateurs, comme nos frères ... »
b) Aux 17ème et au 18ème siècle la traite des esclaves et le commerce de la gomme était pratiquée par une compagnie, la compagnie du Sénégal qui en avait le monopole. Ce monopole était exercé au détriment des petits blancs et des traitants qui revendiquaient le droit d'exercer librement le métier très lucratif qu'était alors le commerce des êtres humains. Les cahiers de doléances étaient adressés au roi de France pour amener ce dernier à supprimer le privilège de la compagnie et à libéraliser le trafic négrier. Cet autre passage du document est très net à ce sujet.
« Aussi notre étonnement fut extrême quand nous vîmes publier le privilège exclusif de la traite des Noirs dans toute l'étendue du fleuve. Ce fut un jour de deuil et de consternation dans tout le pays ! ...La traite des Noirs est celle où nous avons généralement le plus de part parce que nous avons des bateaux et des esclaves matelots que nous envoyons jusqu'en Galam (Haut Fleuve) traiter des noirs que nous vendons ensuite à des marchands européens au Sénégal avec un léger profit ». Sur le texte intégral des cahiers de doléances, voir le livre de Lamiral l'Afrique et le peuple africain considérés sous tous leurs rapports avec notre commerce et nos colonies. Paris, Librairie Dessenne, 1789.
Les doléances qui avaient été adoptées le 15 avril 1789 par l'Assemblée générale des habitants de l'île Saint-Louis furent rédigées par le nommé Charles Cornier, alors maire de Saint-Louis et président de la dite Assemblée. Elles ont été portées devant les Etats Généraux par un autre colon M. Lamiral désigné en la circonstance comme « député du Sénégal ».
Comme on le voit, le contenu de ces doléances n'a rien à voir avec les préoccupations de l'immense majorité des populations du territoire qui forment le Sénégal d'aujourd'hui. Les revendications de ces colons étaient diamétralement opposées à celles des paysans de l'époque qui étaient soumis à la tyrannie des négriers.
On ne peut donc décemment proposer au peuple sénégalais de telles doléances comme une source d'inspiration dans sa lutte pour la démocratie véritable et le progrès social.
2. Le choix de Niani Bagnna comme hymne de la jeunesse de notre pays révèle encore l'orientation néocoloniale de la politique culturelle du régime. Les Sénégalais savent que ce chant a été composé par des griots du Kajoor à l'occasion de la guerre qui a opposé le Damel Lat Joor au roi du Niani (royaume sénégalais de la Haute Gambie).
Par sa signification, ce chant évoque un chapitre des luttes intestines entre les entités politiques du territoire de notre Sénégal actuel. Ces divisions crées et entretenues par les conquérants ont pesé négativement sur l'action unie des différents mouvements populaires contre la conquête. Leur influence a heureusement commencé à s'estomper chez les citoyens d’aujourd’hui.
Un régime soucieux de promouvoir l'unité nationale en général et celle de la jeunesse en particulier aurait pu choisir un hymne autre que celui-là.
Par exemple Malaw, ce chant dédié au célèbre coursier de Lat Joor. Malaw refuse, dit-on, de voir le chemin de fer qui, à ses yeux symbolisait la domination française au Kajoor. Un tel hymne, par sa signification sied mieux aux préoccupations de notre jeunesse qui dans sa majorité lutte contre la domination du capital étranger et ses alliés, les principaux ennemis de notre peuple.
Ici, encore, on le constate, le choix de Niani Bagnna n'obéit à d'autre logique que celle qui consiste pour le régime de Senghor inconditionnellement profrançais, à ne rien entreprendre tant au plan économique que culturel qui touche aux intérêts de ses maîtres.
Le combat pour une culture nationale et populaire est indissociable de la lutte générale que mène notre peuple pour sa libération totale. La lutte sur le front culturel est une autre dimension importante de l'action multilatérale que Vérité, notre journal, entend mener.
DÉCÈS DE MOUSTAPHA SOURANG
DERNIÈRE MINUTE SENEPLUS - L'ancien ministre de l'Education, puis de la Justice et enfin des Forces armées, également ancien recteur de l'UCAD, s"est éteint cette nuit de lundi à mardi à l'hôpital Principal de Dakar
Enseignant à l'Université de Dakar, il est le doyen de la Faculté des Sciences juridiques de 1984 à 1999, puis le recteur de l'Université Cheikh Anta Diop de 1999 à 2001. En mai 2001 il est nommé ministre de l'Éducation, un poste qu'il occupera jusqu'à sa nomination au poste de Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, le 1eroctobre2009. Le 4décembre2011, il est nommé Ministre des Forces armées.
EXCLUSIF SENEPLUS - Pendant la colonisation l’on pouvait être heureux de s’appeler les évolués, aujourd’hui l’on cultive l’empathie avec son bourreau au point de lui reconnaitre la vertu d’avoir attelé nos ancêtres à la construction des ponts
« Un homme arrive dans une église. On veut le baptiser. On lui dit « On te baptise aujourd’hui ». On prend sa tête et on met dans l’eau. Une fois, deux fois, trois fois. Quand on l’a retirée, on lui dit : « À partir d’aujourd’hui tu es baptisé. Ton ancien nom ? Tu n’es plus ton ancien nom. A partir d’aujourd’hui tu t’appelles David. Et tu ne dois plus boire de l’alcool.
Il arrive à la maison ; il ouvre son frigo, il prend une bière bien glacée. Il plonge dans l’eau : une fois, deux fois, trois fois. « A partir d’aujourd’hui tu ne t’appelles plus… bière. Tu t’appelles… jus d’orange. »
Et il boit.
Un humoriste sur RTI
L’on peut se réjouir que certains actes forts, certaines idées forces qui ont jalonné les processus de décolonisation dans nos pays, reviennent comme un leitmotiv, pour nous rappeler la nécessité et l’exigence d’un transfert intégral de nos souverainetés confisquées. Zaïrianisation, politiques de l’authenticité ayant pour corollaire le changement de prénoms au Tchad, au Togo, le défi sankariste couronné par le dé-baptême de la Haute Volta, etc. Et puis hier encore cette déferlante que soulève la tragédie de George Floyd… et qui parfois s’en prend aux monuments, aux statues, aux noms de rue, de villes, de places publiques… qu’elle s’efforce d’emporter. L’on serait tenté de regarder la vague haute moutonner simplement vers son extinction, sans coup férir. Et puis l’on hésite à se tenir ou non hors des rangs. Surtout que, de se pencher à nouveau sur le déboulonner-débaptiser s’apparenterait à enfoncer les portes ouvertes d’un débat inépuisable, tant il l’est que désormais il se nourrit de la bulle médiatique au point de sortir les politiques de leurs gonds. Il n’en demeure pas moins que les nouveaux contextes géopolitiques nous exhortent au débat. Déboulonner, ne pas déboulonner, débaptiser, ne pas débaptiser… Et voilà plantée la question « existentielle » ! Certes, elle n’est pas à l’abri de la complexité et davantage parce que la spectacularisation de l’obscène est devenue la panacée d’un monde à court d’inspiration et qui se laisse tenir en laisse par l’émotion… douteuse, parfois traitresse. A mon humble avis - puisqu’il s’agit d’opinion -, le dilemme ne devrait pas en être un. Et la question devrait plutôt s’énoncer en ces termes : que veut donc conserver la mémoire collective d’une communauté humaine, d’une nation, d’un empire, lorsqu’elle arpente les péripéties de son Histoire ? C’est de souveraineté qu’il s’agit, de Mémoire et d’Histoire.
D’emblée, il me faut avouer que je comprends difficilement la fougue des jeunes français, belges, anglais, ceux nés de l’immigration récente et qui veulent s’en prendre à la statue de Léopold II dans un patelin de Belgique, celle de Colbert au Sénat français, celle d’Edward Colston à Bristol. Ils devraient avoir adopté tous les fantômes de leur terre de naissance : l’Europe, s’ils ont décidé d’en faire partie !
Et parfois, les mauvaises questions, il faut ne pas éviter de se les poser ? Comment vouloir exiger des nations-criquets-pèlerins, issues d’une civilisation qui s’est construite sur le principe de la prédation systémique et qui au sortir d’un Moyen-âge brumeux lourd de superstitions, de famine, de surpopulation, de maladies, endémiques, qu’elles ne se fussent pas lancées dans l’aventure des conquêtes territoriales et razzias esclavagistes ? Comment attendre de ces nations-criquets-pèlerins qui pour mettre en œuvre leur révolution industrielle, ont eu besoin de matières premières, d’étendre leur marché, de secréter les lois du laisser-faire, qu’elles n’eussent pas été des modèles du gangstérisme ? Que dire donc de toute l’armada intellectuelle, ce que Nkrumah appelle l’Empire scientifique, qui par le biais de mythes têtus et doctrines, a jeté les fondations idéologiques très pérennes de toutes ces formes de domination ?… Comment veut-on que ces nations-criquets-pèlerins qui par deux fois ont entrainé l’Humanité entière dans leurs guerres byzantines chroniques et qui se gavent du négoce des armes, tout en continuant de détruire les autres peuples par tous les moyens de leur « intelligence » et de leurs nouvelles Bulles papales Onusiennes, ne vénèrent-elles pas les héros et hérauts de leur suprématie ? Pourquoi voudrait-on que français, belges, anglais, hollandais, etc., déboulonnent-ils de leur Mémoire barbare, une Histoire certes construite autour de la déprédation, mais qu’ils assument comme hauts faits de gloire puisqu’elle leur a procuré la pitance, les a enrichis et a consolidé leur hégémonie sur le monde ? Leur faire rendre gorge ? Faut pas rêver : la repentance, le pardon, le regret, la contrition, c’est évidemment une chausse-trape judéo-chrétienne, belle ruse qui lave le crime ! De Gaulle adulé n’en est pas moins comptable de l’extermination de centaines de milliers d’Algériens, de centaines de milliers de Biafrais, de trois cent mille militants de l’Union des Populations du Cameroun, de la fondation du système françafricain, des crimes économiques qui résultent de l’imposition du Franc CFA… Et la liste est longue.
En définitive, les gens en Europe sont souverains chez eux et les statues, les bustes, les monuments, sont parfaitement à leur place, là où ils ont décidé de les planter. Image, miroir, images kaléidoscopiques : c’est une question de reflet, de réfraction. Ces œuvres-là ne rappelleraient que mieux la cruauté nécessaire au Léviathan, si elles ne constituent pas en outre un panthéon de fantômes inspirateurs de nouveaux crimes bien d’aujourd’hui. Haro sur le vandale qui voudrait ruiner la mémoire glorieuse des autres !
Déboulonner, débaptiser, dégrader… Ah le cri du cœur : l’on en arriverait à dépeupler les nations esclavagistes et les empires coloniaux de toutes leur belle mise : l’archéologie des savoirs fondateurs de la mission civilisatrice de l’Occident et dont l’édifice idéologique a implanté la fabrique de la mélanophobie, de l’indigénat, du sujet, de la mentalité prélogique, de l’homme de couleur, du nègre primitif, du bon sauvage, de la Terra incognita... C’est dire tagger, noyer, dégrader, maculer de peinture rouge ou fouetter Voltaire, Humes, Beaumarchais, Montesquieu, Adam Smith, Bartholomé de las Casas, Napoléon, Renan, De Gobineau, Ferry, Hegel, Maupassant, Nicolas V, Sarraut, Kant, Colbert,… Victor Hugo dont l’ode au colonialisme continue de résonner si haut, si fort. …"Au dix-neuvième siècle, le Blanc a fait du Noir un homme ; au vingtième siècle, l’Europe fera de l’Afrique un monde. Refaire une Afrique nouvelle, rendre la vieille Afrique maniable à la civilisation, tel est le problème. L’Europe le résoudra." "Allez, Peuples ! Emparez-vous de cette terre. Prenez-la. A qui ? A personne. Prenez cette terre à Dieu. Dieu donne la terre aux hommes, Dieu offre l’Afrique à l’Europe. Prenez-la. »[1]
Oh oui ! J’entends déjà les appels à l’objectivité ! Bien sûr qu’il serait réducteur de limiter toute l’action d’un homme, illustre philosophe ou politique à un discours, un acte malencontreux singulier dans l’éventail vaste d’autres actions plus humanistes qu’il a pu poser. Bien sûr qu’il n’est pire cécité que celle de vouloir juger les gens d’hier à l’aune de nos jours d’hui et de convoquer morale ou éthique dans une perspective axiologique sentencieuse quand le champ des valeurs est multiple et divers… Bien sûr que beaucoup parmi eux ont été et continuent de marcher à nos côtés dans nos luttes de libération… Cela n’empêche pas de se poser les questions qu’on refuse parfois de se poser… comme : « Pourquoi donc les multiples associations internationales qui quotidiennement scrutent à la loupe le moindre mouvement en Afrique pour épingler leaders criminels et propriétaires des biens mal acquis ne traduisent-elles pas en justice les Bush pour leurs guerres dévastatrices en Irak ? Sarkozy et Bernard Henry Levy pour leur abominable guerre en Lybie ? Où donc ont disparu les avoirs libyens du temps de Kadhafi, estimés à de centaines de milliards de dollars ?...
La communitas, le grand leurre : en fait, le colon, il n’est jamais parti !
Mais pour nous africains, que donc nous racontent les boulevards Giscard d’Estaing, les interminables avenues Charles de Gaulle qui fendent nos capitales, en deux ? Quelles épopées de nos victoires nous chantent Leclerc et Eboué à quelques dizaines de mètres de l’Hôtel de Ville de Ndjamena ? Pierre Savorgnan de Brazza ? Et ce trio Léopold II, Albert Ier et Henry Stanley, tous bénis de la Monusco qui curieusement se découvre la responsabilité de les faire transférer au Parc du Mont N’galiema, et de les dresser haut, altiers, tournés vers le fleuve Congo et sous l’œil vigilant du bon piquet de gardes… Oublierait-on tout aussi aisément l’épisode du Régime de la Communauté, qui permettait au colonisateur de marquer le pas pour installer et « boulonner » ses gardes-chiourmes physiques et symboliques… avant que l’on en soit venu à obéir à l’injonction du Plan Marshall, lequel exigeait un territoire élargi de consommateurs solvables… donc les « indépendances chachacha » ? La bride ne fût lâchée que parce que le maître s’était assuré d’avoir solidement installé ses monuments dans la tête des colonisés, amarré ses accords de monopoles énergétiques et du continuum de l’occupation militaire, satisfait d’avoir défini à merveilles les contours de la dette coloniale dont le CFA est l’instrument sensible… jusqu’à ce matin encore.
Un clin d’œil à Mongo Béti qu’intéressent énormément les questions qu’on se refuse de poser : « Pourquoi nous a-t-on si longtemps pourchassés sur nos côtes, raflés jusque dans nos communautés de l’intérieur des terres, transportés au fond des cales, vendus à l’encan sur les marchés américains comme vil bétail, courbés sous le cruel soleil des plantations de coton, entassés et lynchés dans les ghettos de grandes villes industrielles, contraints aux travaux forcés sur les chantiers africains, assujettis à un système colonial inhumain d’abord, puis au pillage des firmes néocoloniales après les « indépendances », et aux dictatures que ces firmes sécrètent tout naturellement ? Pourquoi ? Parce que nous étions et sommes d’ailleurs toujours des sauvages à civiliser, des cannibales dont il convient de corriger les goûts pervers, des païens à convertir, des paresseux à transformer en producteurs »[2] Le colon s’en était-il allé ? Revient-il ? Oh que non ! Dans les faits, aux indépendances de nos pays, il n’y a jamais eu de véritable repli du colonisateur pour que l’on évoque sereinement le retour du colonial. L’on pourrait sans trop de risques souligner plutôt le phénomène de substitution frauduleuse de présence permanente avec de temps à autres des accès d’apparition de fantômes et d’ectoplasmes au seuil de la conscience. Dans le champ de la théâtralité, l’on parlerait de spectres, d’apparitions liminales. Des monuments coloniaux ? Il s’agit d’une espèce d’esthétique de la mémoire politique, qui revendique une certaine territorialité, une présence presque liminaire et convie à un genre de communitas perpétuel où les spectres sont légion au bal nocturne des sorciers. Si l’on en croit Jean-Louis Borloo, ancien ministre français : « Donc, nos destins sont liés… Et tout le monde s’en rend compte ! D’abord les liens avec l’Afrique, même inconscients, restent forts. Ensuite, on ne peut plus éviter le sujet. Pas besoin d’avoir fait des années d’études pour comprendre que, si l’Afrique ne se développe pas, les mouvements migratoires vont évidemment se poursuivre et s’intensifier. Ce n’est pas des centaines de milliers, mais des dizaines de millions de personnes qui voudront aller vers la lumière. Et si l’Afrique se développe, le marché au bout de la rue, avec ses 2 milliards de personnes, pourrait bien remplir les carnets de commandes de nos entreprises. Les grands dirigeants économiques français, ceux dont le métier consiste à définir des visions stratégiques, ont identifié un nid de croissance en Afrique. L’avenir de la France se joue en l’Afrique[3]… Mais oui, colonisés et colonisateurs, nous sommes les mêmes, n‘est-ce pas ? Nous parlons la même langue, nous adorons le même dieu barbu qui trône au milieu des anges, nous mangeons le même pain, buvons le même vin, arborons la même cravate, vénérons Aristote, Kant, Spinoza, Lamartine, Machiavel, Baudelaire, Shakespeare, Keynes, Marx, Hegel, le Fourrier des phalanstères ! Et lorsque le lien spirituel est établi entre les statues de Léopold II à Kinshasa, celui de Leclerc à Ndjamena, celui de Faidherbe à Saint-Louis, et quand à tout ce beau monde se joignent les entrelacs toponymiques des rues et avenues aux mille noms d’oiseaux, la monnaie fantôme de la colonie, etc. la Communauté resurgit. Les spectres s’installent autour du cercle des initiés dans le bois sacré : les rituels sont rodés. Que le même amour divin nous unisse ! Et vive la communitas ! C’est cathartique ! Nous en avons besoin pour combler l’absence, la disparition programmée des indépendances « chachacha » … Déprimant que l’on se refuse de sentir que « l’ocelot est dans le buisson, le rôdeur à nos portes, le chasseur d’hommes à l’affût, avec son fusil, son filet, sa muselière ; le piège est prêt, le crime de nos persécuteurs nous cerne les talons…! »[4]
Et si l’on épiloguait encore, l’on dirait que l’aurore rouge que l’on nous promet, n’a rien de boréal. Eh oui, chiche, le mondialisme sauce cube Maggi… Le tout homogénéisé politique, économique, culturel, transforme l’infinie diversité des « sujets pensants » en un bloc monolithique régi par la pensée unique eurocentrée. Et surtout nivelle un terre-plein sur lequel construire le nouvel ordre mondial : celui de la domination du capital, des grandes fortunes, de quelques illuminés lubriques décidés à en découdre avec notre Humanité. La zombification de l’Homme par le marché et le tout « intelligence artificielle », outils de la conquête du comportemental battent le plein. Bientôt nous ne serons tous que des consommateurs passifs et lobotomisés, pavloviens accrocs aux produits fastfood du marché abêtissant, incapables d’exercer la faculté de jugement et de réaction, tant la machine huilée avec ses gardes chiourmes, ses armées répressives, veille à ce qu’aucune liberté, aucune différence ne puisse s’exprimer. A l’Homme de fer succède aujourd’hui l’Homme transhumain et pour les siècles à venir, zombie métamorphosé par les dieux peu avenants, ceux du contrôle total de nos moindres gestes, de notre moindre pensée. Le nouveau challenge se logerait certainement dans cette autre confrontation supra coloniale.
Le Syndrome de Stockholm
Pour revenir à nos bustes et monuments en question, l’idéologie néocoloniale perpétue ardemment une sorte de Syndrome de Stockholm. C’est inscrit dans ses gènes. Hier encore pendant la colonisation l’on pouvait être heureux de s’appeler les évolués, aujourd’hui l’on cultive l’empathie avec son bourreau au point de le défendre becs et ongles, de justifier sa cruauté, de lui reconnaitre la vertu d’avoir eu la merveilleuse idée d’atteler nos ancêtres à la construction des ponts, des routes, des chemins de fer, le fouet sur l’échine. Parfois on leur a coupé les mains…, les mains de milliers d’hommes et de femmes pour toujours plus de sève d’hévéa… Drôle tout de même qu’il se trouve des africains défenseurs de monuments et statues de colons en Afrique. Tragique et comique à la fois ! Le tango des arguties et éloges se déploie ample : le monument document-pédagogique, sans lequel l’Histoire serait tronquée, le monument-témoin du bienfait de la colonisation civilisatrice, l’habitus confèrerait valeur à la statue de Faidherbe et de « son » pont ! Une seule statue de Faidherbe nous manque et Saint-Louis est dépeuplé ! On aime le colonisateur, l’on s’éprend de lui, l’on attend de lui qu’il nous aime, qu’il nous adoube, qu’il nous reconnaisse et pour cela l’on s’affuble de magnanimité, ce grand désir de fraternité christique qui lui tendrait l’autre joue lorsqu’il a déjà assené sa main d’acier sur la droite ! « Mais c’est à ce seul prix-là qu’on aura connu le développement ! » L’argument est très vigoureux : celui de l’illimitée dévotion du nègre à son bourreau. Beaucoup d’entre nous sont convaincus que sans la colonisation le continent n’aurait pas connu le développement que propose le monde moderne capitaliste - encore qu’il serait bien à propos de se demander où il commence, où il finit et s’il satisfait vraiment nos besoins vitaux - ; c’est méconnaitre l’Histoire du continent qui pendant des siècles a été au centre des échanges dans le monde et qui sans la rencontre avec l’Occident aurait sans doute connu d’autres formes de développement… Quant à la science, elle n’est ni du septentrion, ni du midi. Elle est de partout, même de nos moindres hameaux. Les résultats des recherches technologiques, scientifiques, les découvertes, nous appartiennent à tous. Ils sont l’aboutissement de processus historiques pendant lesquels, telle découverte succédant à l’autre s’est alimentée de la précédente. C’est l’usage que l’on en fait qui nous distinguerait, surtout quand des esprits malins en confisquent les secrets. Ici la question qui se pose est celle de la profondeur de la plaie. Oh la pertinence, un brin prémonitoire de Cheikh Anta Diop pendant la Conférence de Niamey : « l’aliénation culturelle finit par être partie intégrante de notre substance, de notre âme et quand on croit s’en être débarrassée, on ne l’a pas encore fait complètement. Souvent le colonisé, l’ex colonisé ressemble un peu à cet esclave du 19e siècle qui, libéré, va jusqu’à la porte puis revient à la maison parce qu’il ne sait plus où aller. Depuis le temps qu’il a perdu la liberté, depuis le temps qu’il a acquis des réflexes de subordination, depuis le temps qu’il a appris à penser à travers son maitre… »[5]
Et cet orage qui gronde : Panafricanisme au secours !
Au-delà des statues, des bustes coloniaux et des places et rues aux mille noms d’oiseaux, c’est la question de nos souverainetés qui se pose. Quand la mondialisation est anormalement gourmande : on brade nos territoires, nos aéroports, nos ports à tour de bras, l’on abandonne la gestion des eaux, de l’énergie, des communications, aux entreprises coloniales et multinationales sans foi, ni loi ; le vol lourd des cargos remplis de terres rares, l’extractionisme, l’on brandit le prétexte des réformes agraires par la réglementation des titres fonciers pour déposséder les communautés paysannes de leurs terres et ainsi en préparer la vente à la grande industrie agroalimentaire … Les roses et les tulipes d’Amsterdam se cultivent en Ethiopie, au Kenya. … et la liste est longue ! L’on abandonne « notre sécurité » aux armées étrangères dont le chapelet de bases militaires encercle le continent, nous étouffe, exactement comme au temps des forts et comptoirs du yovodah, la traite des esclaves. We can’t breath ! Tout, pour que la jeunesse debout clame « ya basta le Syndrome de Stockholm ! »
En 2001, André Blaise Essama, au Cameroun, était venu à bout de la statue de Leclerc qui trônait devant le palais du Gouverneur à Douala. Il lui a arraché la tête qu’il a transférée dans une plantation agricole et qui devait servir à des rites « pour libérer les camerounais de la domination française », et a laissé le buste gisant auprès du piédestal. Oh la geste épique et symbolique, à la fois politique : « J’ai cassé ce monument afin que le général Leclerc rejoigne la terre de ses ancêtres en Hexagone. Car je pense bien que sa place est certainement de ce côté-là. Cette place où trônait ce monument de la honte est désormais pour nous, la place de Um Nyobe, John Ngu Foncha, Martin Paul Samba, Douala Manga Bell et bien d’autres héros nationaux »[6] L’on a dit de lui qu’il était un déséquilibré mental. Pour sûr qu’il faut être un azimuté pour être logique et cohérent dans cette Afrique possédée par le Syndrome deStockholm. C’est ce mouvement de bascule que nous retrouvons difficilement sous nos tropiques ! Peut-être plus pour longtemps. Cette jeunesse panafricaine debout se réclame de ces hallucinés de l’azur qui n’ont pas besoin de permission pour déboulonner et rebaptiser, exiger la reconnaissance de leurs héros-résistants.
L’oubli fondamental qui sera fatal à l’Occident c’est d’avoir fait la sourde oreille à la nécessité de l’équilibre dans un corps quel qu’il soit. L’ubuntu ou la mâât le traduisent excellemment. Aimé Césaire dans sa façon ferme, effrontée et pugnace le résume parfaitement « c'est de votre maigreur que ces messieurs sont gras ». Six siècles de déséquilibre sont intolérables ! Et les retours du colonial et de l’impérialisme qui consistent à provoquer la destruction par proxy des communautés millénaires constituées, l’écosystème et la planète entière avec, ne pourra plus jamais assurer la prééminence d’une civilisation violente et décadente. Le déséquilibre est désormais rompu. La crise ne se colmatera plus par ces stratagèmes et leurres qui n’ont que trop longtemps duré. Il va falloir trouver un autre discours. A celui-là la jeunesse africaine voudra participer, et, même avec effronterie. Il y a bien longtemps, Emile Cioran a identifié le monstre : Chaque civilisation croit que son mode de vie est le seul bon et le seul concevable, qu’elle doit y convertir le monde ou le lui infliger ; il équivaut pour elle à une sotériologie expresse ou camouflée ; en fait, à un impérialisme élégant, mais qui cesse de l’être aussitôt qu’il s’accompagne de l’aventure militaire. On ne fonde pas un empire seulement par caprice. On assujettit les autres pour qu’ils vous imitent, pour qu’ils se modèlent sur vous, sur vos croyances et vos habitudes ; vient ensuite l’impératif pervers d’en faire des esclaves pour contempler en eux l’ébauche flatteuse ou caricaturale de soi-même.[7]
Les statues de colons, les monuments coloniaux, les avenues et places aux noms de colons, c’est dans nos têtes qu’ils sont érigés ; c’est aussi dans nos têtes qu’il faut les renverser, les déboulonner, les débaptiser…
Koulsy Lamko est universitaire, spécialiste du théâtre, romancier, dramaturge et poète. L’auteur Tchadien est un des grands noms de la littérature africaine contemporaine.
[1] Extrait du discours prononcé le 18 mai 1879, pendant le banquet commémoratif de l’abolition de l’esclavage par Victor Schœlcher.
MANSOUR CAMA, DÉFENSEUR D'UN SECTEUR ÉCONOMIQIUE NATIONAL DIGNE
Tout au long des travaux des Assises Nationales dont il a été, à côté d'Amadou Makhtar Mbow, un des principaux piliers il a, sans relâche, défendu les principes du patriotisme économique
J'éprouve une profonde tristesse avec la disparition brutale de Mansour Cama.
Militant engagé sur le front de l'indépendance économique de notre pays, il s'est battu pour la construction d'un secteur privé national agent indispensable d'un développement national véritable. Tout au long des travaux des Assises Nationales dont il a été, à côté d'Amadou Makhtar Mbow, un des principaux piliers il a, sans relâche, défendu les principes du patriotisme économique.
Il laisse en héritage les conclusions de cette expérience inédite dans notre histoire et dont la pertinence vient d'être encore démontrée par la crise du Covid-19.
Adieu cher ami !
Ton modèle d'humilité et de recherche passionnée d'une Afrique maîtresse de son destin économique continuera d'inspirer les jeunes entrepreneurs de notre cher continent que tu as tant aimé.
Repose en paix.
PAR Ibrahima Thioye
DES MURS D’INCOMPREHENSION AUX FENÊTRES DE CONNEXION BIENVEILLANTES
Les vices de népotisme et de corruption sont exacerbés dans nos sociétés par le lien étroit qu’ils entretiennent avec la vertu de réciprocité chère à notre système de valeur traditionnel
Cet article nous rappelle nos fragilités et mentionne quelques pistes de dépassement dont la plupart sont en lien avec la pensée systémique. Nous sommes sujets à l’erreur, aux illusions, à l’aveuglement et aux carences de toutes sortes. Ces insuffisances constituent le ciment des murs d’incompréhension qui s’érigent entre nous. Les quatre toxines (mépris, blâme, attitude défensive et dérobade) constituent les types de briques de ces murs. Une bonne compréhension de la configuration de ces murs devrait nous pousser vers l’humilité et la compassion. Celles-ci atteignent un bon niveau de perfection (pas la fine pointe), lorsqu’elles sont accompagnées par l’intégrité et l’assertivité. Nous pouvons également ouvrir des fenêtres qui nous permettent de dépasser (ou surmonter) ces murs. Elles ont pour noms : la courtoisie, l’autodiscipline et surtout la conscience d’une connexion élargie et bienveillante avec tous les habitants de la Terre.
Murs d’incompréhension
Quels sont les niveaux de ces murs d’incompréhension ? Dit autrement, quels sont ces éléments qui entretiennent et nourrissent l’incompréhension ? Sans prétendre à l’exhaustivité, nous en avons dénombré cinq que nous nommons RIFED :
- la (R)elativité du bien et du mal, des vertus et des vices,
- l’(I)nconscience de nos propres défauts et l’ «hyperconscience» de ceux des autres,
- la (F)orce des idées qui peuvent nous posséder,
- l’(E)cologie de l’action (pour utiliser un concept d’Edgar Morin),
- le (D)ilemme entre nos devoirs moraux.
R : relativité des vertus et des vices
Dans la sagesse populaire, un individu, doté de raison, sait parfaitement distinguer le bien du mal ou l’acte vertueux du comportement vicieux. Nombreux sont les penseurs qui réfutent cette thèse. Il y a une certaine relativité des vertus et des vices illustrée par cet exemple dont parle Aristote : pour un lâche, le courageux peut être perçu comme un téméraire ; pour un téméraire, ce même courageux peut être perçu comme un lâche. Cette relativité découle des différences de perceptions.
Pascal, le grand dialecticien, dit qu’il ne peut concevoir une vertu sans son complément (ou vertu opposée). A les examiner de près, on voit bien que vice et vertu sont complètement mêlés. Les penseurs systémiques confirment qu’on ne peut concevoir le vice sans la vertu. L’un, poussé au loin, produit l’autre. Quand l’un des termes s’actualise, l’autre se potentialise. La seule chose possible est de réduire, mais pas d’éliminer totalement l’un ou l’autre.
I : inconscience de nos défauts et «hyperconscience» de ceux des autres
Comme le dit l’adage : «Il voit la paille dans l’œil du voisin, mais pas la poutre dans le sien ». L’œil ne peut se voir. En général, nous sommes très objectifs vis-à-vis des autres et «hypersubjectifs» vis- à-vis de nous-mêmes. Nous sommes très détachés et utilisons toutes nos ressources pour observer, interpréter les actes des autres, mais nous sommes parfaitement indulgents vis-à-vis de nous-mêmes ; nous nous cajolons.
Qu’est-ce qu’une querelle ? Elle ressemble à un jeu d’acteurs qui entrent dans un cycle vicieux où chacun explique avec netteté le tort qu’il a subi, et qui justifie son comportement. La séquence commence toujours par ce que l’autre a fait. La personne est un centre de référence ultime qui connaît le bien et le mal. Elle voit parfaitement le tort qu’elle a subi, mais ignore royalement ou sous-évalue ce qu’elle a commis. Et comme les actes/paroles entrent régulièrement dans des cycles, nos actions peuvent être à la source de ceux-ci. Dans tous les cas, elles participent à l’entretien de ces cycles.
Sans nul doute, la tendance inverse existe. C’est le cas des personnes qui estiment qu’elles ont plus de défauts qu’elles en ont réellement. Leur acuité perceptive leur permet également de déceler les qualités des autres tout en sous-estimant les leurs.
F : Force des idées
Les idées nous possèdent autant que nous les possédons. La bonne illustration est celle de l’histoire de Bouki-l’hyène, qui avait menti en annonçant aux animaux qu’il y avait de la viande à un endroit précis de la brousse. Sitôt dit, les animaux s’enfuirent en direction de l’endroit indiqué par Bouki. Au bout d’un certain temps, ce dernier pensa que c’était vrai, et lui-même suivit la troupe. Lorsque les idées nous possèdent, nous devenons leurs prisonniers incapables de prendre du recul. Nous devenons des doctrinaires, des personnes fanatiques, des dogmatiques. Nous pensons détenir une vérité universelle et nous écartons de notre champ de conscience toute idée pouvant la remettre en cause.
Cela pose la question de l’illusion qui nous permet de supporter la difficile réalité, mais qui peut également nous aveugler complètement. Ce qui nous éclaire peut également nous aveugler. Les idées sont comme des virus. Lorsqu’elles nous pénètrent, elles ont souvent la force de réduire l’anxiété, de nous mettre en harmonie avec une certaine identité ou de nous préserver psychologiquement, mais elles peuvent également créer des impairs qui ont pour noms : l’aveuglement, l’hallucination, l’erreur, la bonne mauvaise foi, l’oubli sélectif etc.
E: Écologie de l’action
La corrélation n’est pas toujours parfaite entre une intention et son impact ou son résultat. Une intention peut aboutir au pire résultat, confirmant l’adage selon lequel «l’enfer est pavé de bonnes intentions». L’intention de nuire (ou d’écarter du pouvoir) également peut entraîner un effet contraire. Abdou Diouf, l’ancien président de la République, avait placé Ousmane Tanor Dieng à la tête du parti socialiste, le positionnant ainsi comme son dauphin. Cela a contribué aux différents déboires enregistrés par ce parti, y compris la défaite aux élections de 2000, remportées par Abdoulaye Wade. Ce dernier, s’est séparé de son ancien président de l’assemblée nationale, ouvrant ainsi, contre ses intentions, un boulevard à Macky Sall qui devint son challenger et son tombeur aux élections de 2012. L’ancien président du conseil, Mamadou Dia, avait à cœur la construction d’un État de droit arrimé aux valeurs républicaines et l’émergence économique du Sénégal. Très mal comprises, les actions posées dans ce sens (manquant peut-être de pédagogie) ont provoqué son éviction du pouvoir.
Toute action prise dans le jeu des interactions/rétroactions échappe aux intentions de son auteur. L’on n’est jamais sûr de la parfaite harmonie entre l’intention et le résultat de l’action.
Au niveau de l’interaction humaine, nous maîtrisons nos intentions, mais nous n’avons aucune prise sur l’impact chez le destinataire. L’action est donc un pari qui nécessite explications et pédagogie.
Même à supposer que nous ayons la possibilité de bien définir le bien, d’être objectif et de résister à la force des idées qui peuvent nous posséder, nos intentions ne sont pas toujours perçues comme telles.
D: Dilemme à propos de nos devoirs
A supposer que notre acteur soit conscient de tous les niveaux d’incompréhension évoqués plus haut, il en reste un qui a son importance. Comment régler le problème des contradictions entre ses différents devoirs ? On en dénombre plusieurs : devoirs égocentriques liés à sa préservation, devoirs génocentriques relatifs à sa famille, son clan, devoirs sociocentriques couvrant le champ complet de la société et nos devoirs envers tous les êtres vivants de cette planète et les générations à venir.
Les vices de népotisme et de corruption sont exacerbés dans nos sociétés par le lien étroit qu’ils entretiennent avec la vertu de réciprocité chère à notre système de valeur traditionnel. Nous avons tendance à sacrifier nos devoirs sociocentriques (fondées sur les valeurs républicaines) au profit de nos devoirs géocentriques.
Conscients de ces dérives qui montrent nos fragilités, nous devons faire des efforts pour ouvrir des fenêtres en nous appuyant sur l’humilité (woyof), la compassion (laabir), l’intégrité (ngor) et l’assertivité (fulla ak fayda).
Humilité et compassion sont deux vertus importantes, reconnues généralement pour contribuer largement à l’harmonie de toute société. Nous devons être indulgents vis-vis des autres (compassion) et accepter que la première personne qui peut être victime de ces insuffisances c’est d’abord nous-mêmes (humilité). Elles ont comme compléments naturels : l’intégrité et l’assertivité.
Fenêtres de connexions élargies et bienveillantes
L’humilité et la compassion sont-elles des vertus absolument bonnes ?
De mon point de vue : Non.
- l’humilité qui pousse la personne à accepter l’asservissement ou l’assujettissement n’est pas bonne ; idem pour celle qui anesthésie la personne et étouffe son potentiel de développement ou la possibilité d’accès à ses ressources ; la bonne humilité est accompagnée par l’assertivité ;
- l’humilité, poussée à un certain niveau, nous introduit dans une vie en prose, sans sel, sans poésie. Le meilleur humour consistant à rigoler (beaucoup de nous-mêmes et un peu des autres) lorsque nous devenons narcissiques, mégalomanes ou paranoïaques etc. L’action inventive et la créativité ont besoin de passion, d’ego surdimensionné ;
- la compassion pose problème lorsqu’elle ressemble à de la condescendance ;
- la compassion ne doit pas rimer avec l’apathie, l’anarchie ou le lasser-allez ; l’intégrité (dans sa dimension courageuse) lui apporte un complément.
Munis de tous ces éléments (compréhension de la fragilité humaine, humilité, compassion, assertivité et intégrité), nous pouvons facilement ouvrir des fenêtres qui vont nous habituer à la bonne action et ainsi surmonter les murs d’incompréhension. Je les nomme CAC :
(C)ourtoisie et respect,
(A)utodiscipline ou autoéthique,
(C)onnexion élargie ou reliance planétaire (au sens d’Edgar Morin).
C: Courtoisie et respect
Comme tout est cycle dans les interactions humaines, nous devons exiger de nous-mêmes le respect de nos semblables. En cela, nous devons nous appuyer sur la règle de platine plus puissante que la règle d’or : « ne jamais faire à l’autre ce qu’il ne souhaite pas qu’on lui fasse » « faire à l’autre ce qu’il souhaite qu’on lui fasse ». La courtoisie poussée jusqu’au respect est un apprentissage qui demande de l’écoute et de la compréhension. Ces trois instances forment un trio magique inséparable car on respecte mieux ce que l’on comprend et l’on comprend mieux après avoir écouté. Cette écoute doit mettre le focus sur les émotions et les besoins de l’autre.
A : Autodiscipline ou «auto-éthique»
Étant d’emblée un être soumis à l’erreur et aux aveuglements, la vigilance vis-à-vis de nous-mêmes peut nous aider à surmonter ces murs. Le premier réflexe est de changer de paradigme : apprendre à être plus objectif vis-à-vis de soi et plus subjectif vis-à-vis des autres. Comment puis-je faire pour être «hypersubjectif» vis-à-vis des autres et «hyperobjectif» vis-à-vis de moi-même ?
Il y a une difficulté, l’idée n’est pas de se sentir coupable systématiquement, ni de prendre tout sur soi. Mais la bonne démarche est de prendre sa juste part de responsabilité et de mettre l’accent sur cela. Quelle est ma part d’action qui contribue à entretenir le phénomène ? Comment puis-je agir dessus pour rompre le cycle vicieux ?
Comment puis-je concrètement changer ce paradigme ? C’est là qu’intervient cette autodiscipline :
auto-examen et auto-observation permanents, en surveillant son corps et le champ émotionnel résultant des différentes interactions que nous avons avec le monde extérieur ;
invitation au feedback, autocritique et réflexe d’apprentissage permanent,
«hypervigilance» sur les défauts qui nous gênent (ils peuvent être des projections de nos propres défauts), et ceux des nôtres (parents, génération, peuples etc.) qui existent probablement en nous à l’état latent ou potentialisé ;
conscients de tout ce qui a été évoqué plus haut, nous devons traquer les 4 toxines (mépris, blâme, attitude défensive et dérobade) qui constituent les types de briques que l’on retrouve dans les murs d’incompréhension ; elles s’emboîtent les unes dans les autres (mépris, blâme ou critique déclenchent la dérobade ou l’attitude défensive et vice versa) ; nous devons leur mener une lutte lucide et intelligente en cassant les boucles dans lesquelles elles s’insèrent; cela requiert une bonne capacité de communication ;
refuser toute forme de grossièreté, de rejet, d’exclusion ou d’humiliation ;
ériger l’intégrité en principe sur lequel se fondent nos pratiques de tous les jours ; à ce niveau, chacun doit mener le combat contre lui-même.
C : Connexion élargie et bienveillante ou «reliance» planétaire
Se relier à tous les êtres vivants de la planète Terre, voilà le type de connexion qui contribuera à l’harmonie générale. Il est facile à dire, mais difficile à mettre en pratique, car cela exige de notre part qu’on se départisse de tous les « centrismes » sectaires et élargir nos responsabilités et nos devoirs à l’égard de tous les autres habitants de la planète Terre. Cette première disposition est notre axe horizontal. Sur l’axe vertical, nous devons également développer les mêmes responsabilités et obligations vis-à-vis des générations futures.
Faire tomber les murs d’incompréhension en ouvrant des fenêtres de connexion élargies et bienveillantes, tel est le propos de cet article. Contrairement à la vision populaire, nous avons du mal à distinguer le bien et le mal. Nous sommes objectifs vis-à-vis des autres et «hypersubjectifs» vis-à-vis de nous-mêmes. Nous possédons des idées qui peuvent nous posséder. Nous subissons les contrecoups de l’écologie de l’action ; nous n’avons aucune certitude sur la cohérence entre nos intentions et les résultats de nos actions. Mépris et blâme suscitent attitude défensive et dérobade. Nous pouvons également nous retrouver dans des dilemmes à propos des devoirs moraux. Trois fenêtres peuvent cependant nous aider à surmonter ces difficultés. Elles s’appuient d’abord sur l’humilité, la compassion, l’assertivité et l’intégrité et ont comme noms : le respect, la courtoisie, l’ «auto-éthique» et la connexion élargie avec tous les êtres humains (axe horizontal), en prenant en compte également les générations futures (axe vertical).
IDRISSA SECK AUX ABONNÉS ABSENTS
La communauté musulmane de Thiès a célébré vendredi la fête de la tabaski, dans un contexte de pandémie du coronavirus. C’est pourquoi d’ailleurs, Idy et les autorités administratives ont brillé par leur absence au niveau des différents lieux
La communauté musulmane de Thiès a célébré ce vendredi la fête de la tabaski, dans un contexte de pandémie du coronavirus. C’est pourquoi d’ailleurs, Idrissa Seck et les autorités administratives ont brillé par leur absence au niveau des différents lieux de prière.
La Tabaski a été célébrée cette année dans un contexte particulier, marqué par la propagation de la pandémie du coronavirus, qui prend de plus en plus des proportions inquiétantes. C’est pourquoi d’ailleurs, Idrissa Seck, les autorités administratives et autres autorités politiques ont brillé par leur absence au niveau des différents lieux de prière de la capitale du rail. C’est dire que la COVID-19 vient encore d’imposer son agenda aux hommes politiques.
Pour la première fois depuis plusieurs années, Idrissa Seck a brillé par son absence à la grande mosquée Moussanté, comme d’ailleurs il en a été lors de la korité. Pourtant, cette prière lui donnait l’occasion chaque fois de jouer son rôle d’opposant, à travers des messages politiques. Mais cette année, note notre source, il a préféré prier les deux rakas à domicile Il s’est contenté d’adresser un message aux Sénégalais. «A l’occasion de cette belle fête de Tabaski, il me plait d’adresser à l’ensemble du peuple sénégalais, d’ici et de la diaspora, mes meilleurs vœux de sécurité, de bonne santé et de prospérité. Je partage avec vous les peines engendrées par la pandémie qui nous frappe, avec son lot de conséquences économiques et sociales qui rendent le quotidien des populations encore plus difficile. Je n’ai aucun doute cependant qu’à force de travail et d’engagement patriotique, le génie du peuple sénégalais viendra à bout de cette crise multiforme », dit-il.
A la mosquée Moussanté, l’autorité administrative a également brillé par son absence. Il en est de même à la grande mosquée mouride où étaient traditionnellement présents, le Sous-préfet de Thiès Sud et Pape Bassirou Diop Maire de Thiès-Est, mais ils ont manqué à l’appel.
L’ancien Ministre Thierno Alassane Sall, Président de la République des Valeurs (RV) étaient aussi aux abonnés absents à la grande mosquée de Grand Thiès. C’est également à travers un message qu’il s’est adressé aux sénégalais : « C’est avec un plaisir renouvelé que nous nous adressons à vous en cette heureuse occasion de la fête de Tabaski. Nous rendons grâce à Allah qui nous a permis de célébrer ce jour béni dans la quiétude, la joie et la santé. Nous avons la chance d’être au RV d’une nouvelle période de grâces et de réjouissances. Que la pandémie qui entache toutes les activités humaines de cette année 2020 soit très vite un mauvais souvenir.
A cet effet, en plus de nos prières, observons les gestes barrières, que l’on tend d’autant plus à oublier qu’il y a un dangereux relâchement collectif. Se protéger, c’est également protéger toutes les personnes que nous visitons pour présenter nos vœux et nos souhaits de longévité ». Mais, au vu du comportement des sénégalais face à la propagation de la maladie, on est tenté de dire que ces autorités ont toutes les raisons d’adopter une telle posture.
En effet, les populations font du respect des gestes barrières et de toutes les mesures de prévention, le cadet de leurs soucis. Même si au niveau des mosquées, la distanciation physique était imposée par l’organisation interne, avec un dispositif permettant de se laver les mains avec du gel hydro-alcoolique, force est de constater que les populations ont un problème avec le masque, dont le port constitue également un élément fondamental de prévention. C’est qu’en allant dans les mosquées, beaucoup de fidèles ont « oublié » de porter correctement le masque et de respecter les mesures barrière et dès qu’ils sont sortis de la mosquée, ils ont adopté la même attitude, ce qui constitue des facteurs à risque.
SI MACKY SALL DECIDE DE SE PRESENTER, LA REGION OUEST-AFRICAINE VA EXPLOSER
Alors que le débat est de plus en plus agité, le professeur d’histoire à l’université de Columbia (États-Unis), Mamadou Diouf met en garde le chef de l’Etat, Macky Sall et ses partisans sur une possible 3eme candidature.
Alors que le débat est de plus en plus agité, le professeur d’histoire à l’université de Columbia (États-Unis), Mamadou Diouf met en garde le chef de l’Etat, Macky Sall et ses partisans sur une possible 3eme candidature.
Invité de l’émission Objection de la radio Sudfm (privée) hier, dimanche 2 août, l’enseignant chercheur est formel en indiquant que «si le président Macky Sall se présente pour un 3e mandat, l’Afrique de l’ouest va exploser».
Face à notre confrère Baye Oumar Guèye, Mamadou Diouf qui analysait le contexte actuel sous régional ouest africaine marqué par des foyers d’instabilité notamment au niveau du Mali, Guinée, Burkina Fasso, Niger, Nigéria, a indiqué que les conséquences d’un troisième mandat du président Sall au Sénégal pourraient tout simplement faire basculer dans la violence toute cette partie du continent africain déjà confronté à des mouvements radicaux. «Si le président Macky Sall décide de se présenter pour un troisième mandat, la région ouest-africaine va exploser. Ça c’est évident. Ça va être une explosion terrible» a-t-il prévenu en précisant que cela serait une crise de trop dans une région déjà très instable aussi bien sur le plan politico-institutionnel que sur le plan économique. Par ailleurs, le professeur d’histoire à l’université de Columbia (États-Unis) a également salué le rôle avant-gardiste de feu Babacar Touré rappelé à Dieu le dimanche 26 juillet dernier.
Après s’être incliné devant sa mémoire, Mamadou Diouf a indiqué au sujet du défunt Pdg du groupe Sud communication qu’en plus d’être le pionnier de la presse privée indépendante au Sénégal et en Afrique francophone à travers ses organes (un journal et une radio non partisans), Babacar Touré était également un homme de confiance qui avait des amis parmi les gens qui étaient au pouvoir de même que dans l’opposition et parfois même ceux qui incarnaient son aile dure.
PAR Omar Arouna
LE BÉNIN A SOIXANTE ANS MAIS DANS UN CUL-DE-SAC
EXCLUSIF BENINPLUS - Il y a peine à ne pas hurler « y a-t-il un adulte dans la maison rupture, pour parler au chef de l’Etat ? » ; lui expliquer que cette notion provinciale du développement en porte-à-faux avec les libertés et droits humains, est ridicul
Un cul-de-sac, également appelé, une impasse, est un passage avec une seule entrée ou sortie. Dans le jeu d’échecs, l’impasse est une situation où le joueur dont c’est le tour de se déplacer n’a aucun mouvement légal.
Ici, impasse est en référence au contexte dans lequel une résolution ou une action supplémentaire semble très difficile ou improbable pour tous. Force est donc de constater en ce jour où nous célébrons soixante ans d’indépendance que nous sommes dans l’impasse au Benin, dans un cul-de-sac, socio-économique et politique de tout point de vue.
Sur le plan socio-économique, même si on nous parlera désormais de « pays à revenu intermédiaire de tranche inferieure », (après les bisbilles du « rebasage » économique) ou « d’asphaltage », ne nous y méprenons pas ; la pauvreté reste rampante. Les emprunts frénétiques et récurrents, les impositions et taxations tous azimuts, les licenciements massifs, les fermetures d’entreprises fréquentes, des chômeurs par milliers, un système éducatif tangentiel, la fermeture des frontières avec le voisin fortuné de l’est, la baisse drastique du trafic portuaire, les purges au sein de l’armée, la chute du coût mondial du Coton, l’isolement diplomatique, l’embastillement, le déni de justice, la fuite des capitaux, l’incapacité d’accompagnement social de COVID-19 que sais-je d’autre… sont des signes avant-coureurs d’une situation socio-économique sans issue, un cul-de-sac.
Au plan politique, le constat est sans ambages. Le pays ne peut pas, avancer ou faire des progrès depuis que subsiste l’exclusion qui a conduit à la crise post-électorale de mai 2019 ou plusieurs enfants du Benin ont connus la morts, la population est tétanisée.
Des lois crisogenes, une constitution non consensuelle, une Assemblée nationale illégitime, des élus communaux désignés, des institutions sans crédibilité, des exilés, des résistants, des opposants, des opposants faire-valoir, des partisans, des partisans faire-valoir, des candidats sans parrains, des parrains sans candidats; une présidentielles élusive … autant d’indices patents d’un contexte politique boueux où aucun progrès ne peut être réalisé en raison d’un désaccord fondamental. En somme, il s’agit d’une impasse, d’un cul-de-sac.
Il y a peine à ne pas hurler « y a-t-il un adulte dans la maison rupture, pour parler au chef de l’Etat ? » ; lui faire prendre toute la mesure du contexte socio-économique alarmant et surtout lui expliquer que cette notion provinciale du développement qui existerait exclusif d’un ordre démocratique ou en porte-à-faux avec les libertés et droits humains, est ridicule et sans mérite. « Y a-t-il un adulte dans la maison rupture pour rappeler au chef de l’Etat » si le rêve est toujours d’être « porté en triomphe à la fin de son premier et unique mandat » comme dans un cul-de-sac, il devra se retourner car la porte de sortie est la même que la porte d’entrée… la restauration de l’ordre démocratique et républicain.
Ambassadeur Arouna, MBA est Managing Partner chez USAFCG, fondateur et PDG de Global Specialty (GSL), ancien ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République du Bénin aux États-Unis d’Amérique, et représentant du Bénin au Mexique et à l’Organisation des États américains. Il est un expert reconnu des investissements du secteur privé en Afrique, des relations gouvernementales et des relations entre les États-Unis et l’Afrique.
par Armelle Mabon
CES MORTS SANS NOM QUI DÉRANGENT
L’État français ne peut plus se perdre dans les méandres d'une écriture négationniste du massacre de Thiaroye par loyauté pour ces soldats qui n'ont fait que réclamer leurs droits. Il est temps de retrouver une morale politique, historique, citoyenne
Le 25 juillet 2020 un hommage a été rendu à tous les soldats venus d’Afrique, de l’Océan indien, du Pacifique et des Antilles sous l’Arc de Triomphe en ravivant la flamme du soldat inconnu en présence de membres du gouvernement et de la directrice de l'ONACVG. Ceux massacrés par l'armée française le 1er décembre 1944 à Thiaroye au Sénégal pour avoir osé réclamer leur solde de captivité, sont exclus de tout hommage. Ils sont sans nom dans des fosses communes mais ne sont pas des soldats inconnus. Le gouvernement a remis, le 1er juillet 2020, aux parlementaires des commissions de la Défense et des Forces armées de l’Assemblée nationale et du Sénat un livret avec le parcours de cent combattants de la Seconde Guerre mondiale. Comme l'indique le site du ministère, ce livret est un outil à destination des maires de France, qui souhaitent répondre à l’appel du président de la République lancé lors du 75ème anniversaire du Débarquement de Provence. Nommer des rues, des places et des écoles du nom de combattants africains permettra que ces soldats méconnus ne demeurent pas des soldats inconnus.
Aucun des hommes massacrés à Thiaroye ne figure dans ce livret : ils sont exclus du champ mémoriel comme le rappelle l'ajointe au maire de Rennes Lénaïc Biero: « Je vous remercie de votre proposition de cérémonie concernant les morts de Thiaroye, toutefois je vous informe qu'elle ne relève pas du champ mémoriel de la Ville de Rennes. En effet, le président de la République a rendu hommage aux soldats morts à Thiaroye en 2014, à l'occasion du sommet de la francophonie. Ce temps de célébration, chargé d'une symbolique qui engage toute la Nation, ne peut se décliner sur un hommage local ».
N'y a t-il pas partout en France des déclinaisons locales d'un hommage national ?
Le président Hollande a engagé la nation en diffusant des erreurs historiques, en réitérant le mensonge d’État et en faisant croire que le lieu de leur sépulture était inconnu.
Ils méritent un hommage national avec non pas des expositions relayant un récit officiel mensonger mais avec l'exhumation de leur corps des fosses communes et l'octroi de la mention « Mort pour la France ». L'Etat français les a nommés « mutins » et a condamné 34 d'entre eux pour un crime qu'ils n'ont pas commis. Le procès en révision permettra de décharger la mémoire des morts. Ce sont des préalables indispensables avant que ces hommes puissent intégrer le champ mémoriel des villes de France, là où ils ont combattu, là où ils ont été prisonniers de guerre, là où ils ont rejoint la résistance, là où ils ont quitté la métropole.
Leur histoire a été confisquée, salie. On prête à Faidherbe cette phrase : « Ceux-là, on les tue on ne les déshonore pas », qui est aujourd’hui la devise de l’armée sénégalaise « On nous tue, on ne nous déshonore pas ». A Thiaroye, le 1er décembre 1944, des officiers français se sont déshonorés et l’État français aussi en couvrant une ignominie. Il est temps de retrouver une morale politique, historique, citoyenne et mémorielle. En affrontant la vérité, ces morts ne dérangeront plus, ils seront nommés, auront une sépulture digne, seront innocentés et seront honorés localement comme nationalement. L’État français ne peut plus se perdre dans les méandres d'une écriture négationniste du massacre de Thiaroye par loyauté pour ces soldats qui n'ont fait que réclamer leurs droits.
L'ÉLYSÉE, LE PLUS GRAND SYMBOLE À PARIS DU PASSÉ ESCLAVAGISTE DE LA FRANCE
Trois siècles après sa construction financée par un négrier, l'Élysée est un des derniers grands témoignages à Paris de l’histoire du commerce colonial. Les autres bâtiments prestigieux occupés par des esclavagistes ont disparu ou sont tombés dans l’oubli
France Culture |
Benoît Grossin |
Publication 02/08/2020
Trois siècles après sa construction financée par un négrier, l'Élysée est un des derniers grands témoignages à Paris de l’histoire du commerce colonial. Les autres bâtiments prestigieux occupés par des esclavagistes ont disparu ou sont tombés dans l’oubli. Un travail de mémoire reste à accomplir.
Sans un négrier, Antoine Crozat, le palais de l'Élysée n’aurait pas été édifié en 1720, avant d'être occupé par la marquise de Pompadour, Napoléon et depuis plus d'un siècle maintenant par les présidents de la République.
L’homme le plus riche de France au début du XVIIIe siècle, selon Saint-Simon, en a financé la construction pour le compte de son gendre, Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, dans le cadre d’une stratégie, en vue d'intégrer la haute société aristocratique.
Antoine Crozat à la direction de la Compagnie de Guinée, l’une des plus importantes sociétés de commerce triangulaire, a bâti sa fortune en obtenant en 1701 le monopole de la fourniture en esclaves de toutes les colonies espagnoles.
Mais il n’est pas le seul grand acteur à l'époque.
A Paris, le Club de l’hôtel de Massiac, société de colons de Saint-Domingue et des Petites Antilles défend ses intérêts dans un bâtiment qui a disparu comme beaucoup d’autres, depuis les travaux haussmanniens, depuis les transformations de la capitale en profondeur, à partir de 1853 sous le Second Empire. Bâtiment sur la place des Victoires remplacé par l'hôtel de L'Hospital. Alors que les stigmates de l'esclavage sont encore nombreux aujourd'hui dans l'urbanisme des anciens ports négriers, Bordeaux et Nantes, notamment.
Reste le Palais de l'Élysée, mais aussi et dans une certaine mesure la Banque de France et la Caisse des dépôts.
L’ancien président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), Louis-Georges Tin, a demandé au chef de l’Etat Emmanuel Macron, le 13 juillet dernier dans Libération, le lancement d’une enquête pour mettre en lumière tous les liens entre l’esclavage colonial et les grandes institutions de la République.
La Fondation pour la mémoire de l’esclavage, mise en place le 12 novembre 2019, doit travailler avec la ville de Paris à la création d’un monument et d’un lieu muséal dédiés.
L’historien Marcel Dorigny, membre du comité scientifique de cette fondation, plaide pour un mémorial et milite pour des explications aux quatre coins de la capitale où le passé colonial et esclavagiste est omniprésent.
Le palais de l'Élysée s’est construit sur le dos d’esclaves
Le Toulousain Antoine Crozat, l’homme le plus riche de France au début du XVIIIe siècle, selon le courtisan et mémorialiste Saint-Simon, est un parvenu aux yeux de ses contemporains, un financier et négociant cupide, engagé dans toutes les affaires pouvant rapporter gros, à commencer par la traite négrière.
C’est sur décision du roi Louis XIV que cet homme né roturier prend la direction de l’une des plus importantes sociétés du commerce triangulaire créée en 1684, la Compagnie de Guinée, avec pour mission d’acheminer du port de Nantes, le plus grand nombre possible d’esclaves noirs vers Saint-Domingue et de remplacer sur l’île, le tabac par le sucre.
Le monopole qu’il obtient à partir de 1701 sur la fourniture d’esclaves aux colonies espagnoles, permet à Antoine Crozat d’amasser une fortune colossale.
L’auteur d’une biographie intitulée Le Français qui possédait l’Amérique. La vie extraordinaire d’Antoine Crozat, Pierre Ménard, évalue sa fortune en 1715, à la mort de Louis XIV, à 20 millions de livres, soit près de 300 milliards d’euros !
De quoi acheter des châteaux par dizaines, de posséder un hôtel particulier dans sa ville de Toulouse et d’en acquérir un autre, prestigieux, sur l’actuelle place Vendôme, à l’endroit où se trouve maintenant le Ritz.
Quoique richissime, Antoine Crozat est maintenu à l'écart du système d'honneurs, moqué pour son inculture et sa vulgarité par la noblesse qui ne le fréquente que pour lui emprunter de l'argent.
Et c'est grâce à sa fortune bâtie sur la traite négrière qu'il s'ouvre les portes de l’aristocratie, en mariant sa fille - alors qu'elle n'a que 12 ans - à Louis-Henri de la Tour d’Auvergne, le comte d’Evreux.
Ce membre de la haute noblesse française, gouverneur de l'Île-de-France, profite de son beau-père en bénéficiant d'une dot de 2 000 000 de livres pour se faire construire un hôtel particulier, l’hôtel d’Évreux, qui prendra le nom d'hôtel de l'Élysée à la toute fin de l’Ancien Régime.