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30 avril 2025
Politique
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LA GESTION ANTI-COVID A PARFOIS MANQUÉ D'ÉTHIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il faut impérativement décentraliser les tests de dépistage et engager des acteurs communautaires dans la sensiblisation - Nous aurions pu avoir plus d'empathie vis-à-vis des plus vulnérables - AU FOND DES CHOSES AVEC ABDOUL KANE
Dans cette deuxième partie de l’émission Au fond des choses qui reçoit le Pr Abdoul Kane, le chef du service cardiologie de l’hôpital Dalal Diam et président de la société sénégalaise de cardiologie estime que le Sénégal pourrait circonscrire le mal en mettant plus d’éthique, plus d’empathie et moins de politique dans la gestion déjà trop verticale de la pandémie.
L’invité qui plaide pour des tests massifs partout dans le pays, évoque l’exemple ivoirien qui a mis en œuvre des centres de dépistage volontaire et anonyme (CDVA) pour faire face à la progression de la covid-19.
Sur un autre aspect, le cardiologue, auteur de plusieurs ouvrages dont la vie sur un fil ; l’éthique, le soignant et la société ; et les eaux noires, appelle à une mise à jour régulière et inclusive du code de déontologie médicale, texte de l’ordre des médecins en vigueur depuis 54 ans.
Le professeur Abdoul Kane est au micro de Lika Sidibé. Montage : Boubacar Badji.
500 milliards de FCFA gaspillés en achat de véhicules administratifs. Les remparts ont sauté, l’administration est à la merci des bureaucrates-politiciens. Le président a choisi de se soumettre aux groupes de pression - INTERVIEW DE CHEIKH TIDIANE DIEYE
Titulaire d’un Doctorat en études de développement, auteur d’un livre sur la corruption bureaucratique au Sénégal, Cheikh Tidiane Dièye revient sur les maux de l’Administration sénégalaise et dénonce le manque de volonté du pouvoir actuel d’y apporter des solutions pérennes.
L'Inspection générale d'État a publié, la semaine dernière, les rapports 2016, 2017, 2018 et 2019. Êtes-vous satisfait du travail accompli par les inspecteurs ?
L’Inspection générale d’Etat est une des pierres angulaires du dispositif de contrôle et de reddition des comptes. C’est la loi sur le statut des inspecteurs généraux d’Etat qui impose au vérificateur général de présenter, chaque année, au président de la République un rapport sur l’état de la gouvernance au Sénégal. Ces rapports étaient donc très attendus, ce d’autant plus qu’ils n’étaient plus sortis depuis quelques années. Les inspecteurs généraux d’Etat représentent un corps réputé pour son sérieux, sa rigueur et son intégrité. Les rapports qu’ils produisent sont donc présumés dignes de foi, car étant de grande qualité, au moins au plan technique.
Ce qui est en général en cause, c’est moins leur contenu que leur sort, c’est-à-dire le traitement qui leur est réservé par le président de la République. Et, à ce niveau, les fruits n’ont jamais tenu la promesse des fleurs. Il a révélé lui-même avoir sous le coude une grande quantité de rapports des organes de contrôle. La question est de savoir pourquoi ou pour qui ?
Justement, on a l'impression d'être dans un éternel recommencement, avec les mêmes manquements qui reviennent à chaque fois. Pourquoi, selon vous, rien ne change ?
Ces manquements sont les produits ou les effets de pratiques structurelles, ancrées au plus profond des interstices de la machine politico-bureaucratique. Ce sont des pratiques qui se nourrissent de l’impunité et de la protection qui est assurée aux partisans de chaque régime en place. C’est comme si, au-delà des discours et des effets de manche, il n’y avait aucune volonté de combattre la corruption, le détournement et le gaspillage des ressources publiques tant que cela sert les intérêts politiques du camp au pouvoir.
Vous avez raison de parler de recommencement, car il s’agit bien d’une reproduction du système d’accaparement et de prédation qui a traversé les âges. Au Sénégal, l’Etat fonctionne ou dysfonctionne de la même façon depuis qu’il existe. Ces logiques d’appropriation privative des ressources de l’Etat et de redistribution restreinte au sein des cercles comme la famille, le clan, le parti, l’ethnie ou la confrérie, remontent au moins à la naissance de l’État. Chacun des quatre présidents qui ont dirigé le Sénégal a réorganisé la forme de ce système à sa façon, mais tous en ont gardé la structure. Les deux derniers plus que les autres. Et Macky Sall, après seulement un mandat, a déjà égalé, sinon dépassé ses devanciers en matière de mal gouvernance. Le clientélisme est le moteur de sa gouvernance et l’impunité son rempart.
‘’Macky Sall avait tous les atouts pour changer le système’’
Lorsqu’il était candidat, Macky Sall avait fait un diagnostic sans appel de ce système et les pratiques qui le fondent. Il s’était engagé à mener les réformes structurelles nécessaires pour le changer. Il avait tous les atouts pour réussir : des forces politiques, sociales et citoyennes aguerries et motivées, pour avoir mené une lutte victorieuse contre Wade. Un projet de société complet et réaliste élaboré dans le cadre des assises nationales et une charte de gouvernance démocratique consensuelle. Il n’a pas eu l’audace de saisir ces atouts pour changer le Sénégal durablement. Il a choisi la voie la plus facile : se soumettre aux groupes de pression, y compris ceux de son camp politique, pour avoir la ‘’paix’’.
Quel est l'impact de cette mal gouvernance et de cette bamboula sur le budget de l'État et les politiques publiques ?
Ce n’est pas de la bamboula, mais de l’irresponsabilité. Un pays pauvre, endetté jusqu’au cou, au point de lancer une hypothétique campagne africaine pour l’annulation de la dette, devrait avoir la décence de limiter ses désirs à ses capacités. Comme partout en Afrique, nous avons des gouvernements mégalomanes, qui ne se privent de rien pour être dans le luxe et le confort, sans aucune contrepartie pour le peuple en matière de résultats. Figurez-vous qu’entre 2012 et 2018, Macky Sall et son gouvernement ont dépensé près de 120 milliards de F CFA pour l’achat de voitures. En 2019, 3,5 milliards ont été dépensés et plus de 6 milliards étaient prévus pour 2020. Cette somme aurait sans doute été dépensée, si le décret n°2020-474 du 19 février 2020 portant suspension de toute commande ou acquisition de véhicules administratifs n’était pas venu arrêter la folie dispendieuse du gouvernement. De 2000 à 2020, soit en 20 ans, ce sont 500 milliards de F CFA qui ont été gaspillés pour acheter environ 20 000 voitures pour le secteur public et parapublic. Il n’est pas rare de voir, dans le parking d’un ministre ou d’un DG, 2 ou 3 voitures rien que pour le plaisir et le confort de leurs familles. Aucun pays au monde ne peut se développer avec un tel niveau d’irresponsabilité et de gaspillage de ressources.
L'IGE a aussi relevé des incongruités dans la création et le fonctionnement de certaines administrations. Parfois, on a l'impression que tout est fait pour ne pas du tout se conformer aux textes en vigueur. Cela colle-t-il à cette réputation d'administration de qualité prêtée à l'Administration sénégalaise ?
Dans son fond comme dans sa forme, l’Administration ne ressemble que très peu à une administration de type légal, rationnel, obéissant à des procédures et des normes, et organisée en des fonctions hiérarchisées et interdépendantes. L’Administration sénégalaise n’est plus organisée selon des critères objectifs. Elle est au contraire traversée par des intérêts, des clivages et des coqueries importées de la sphère politique qui a fini de l’envahir. La politisation à outrance des échelons supérieurs de l’Administration publique a fortement réduit la capacité de cette dernière à agir avec efficacité. Tout est fait pour répondre à une demande politique plutôt qu’à des exigences sociales et économiques.
Les assises nationales comme la CNRI (Commission nationale de réforme des institutions, NDLR) avaient fortement recommandé que les postes de direction et de responsabilités administratives ne soient pas occupés par les leaders politiques actifs. Il n’en n’a pas toujours été ainsi. En ce qui concerne la gestion bureaucratique, Senghor agissait avec beaucoup de mesure et de décence. Abdou Diouf lui emboitait le pas, quoique dans une moindre mesure. Avec Wade, et surtout avec Macky, on a dépassé toutes les limites. Les remparts ont sauté, laissant l’Administration à la merci de tous les bureaucrates-politiciens, avec leurs réseaux de clients, courtisans et affairistes en tout genre. Je souhaite un retour à cette orthodoxie administrative qui passe nécessairement par l’interdiction formelle de toute nomination politique à certains postes de direction des ministères ou des agences qui doivent être pourvus sur la base du mérite et de la compétence.
Comment expliquez-vous l’instabilité au niveau de certaines agences et services administratifs ?
C’est parce que de telles agences ne reposaient pas, lors de leur création, sur une rationalité guidée par des objectifs clairs de développement. Lorsqu’un service ou une agence est créée pour caser des militants ou du personnel politique de manière générale, sa survie ne peut être que précaire. Chaque ministre en use et abuse à sa guise, selon ses intérêts du moment. Elles deviennent alors très vite des gouffres à milliards qui ne produisent pas de résultats et finissent par peser lourd dans les équilibres budgétaires. Et finalement, lorsqu’elles deviennent impossibles à supporter, disparaissent. La crise économique née de la Covid-19 et les problèmes financiers importants auxquels l’État fait face vont sans doute conduire à la suppression de plusieurs agences. Le gouvernement n’a plus le choix. Il réduira ses dépenses et rationalisera son fonctionnement ou il s’effondrera. Car, avec la crise, les partenaires au développement rechignent à prêter ou à donner à ceux qui gèrent mal et auront de plus en plus du mal à rembourser leur dette.
Êtes-vous satisfait par le mode de fonctionnement de cet organe de contrôle qu'est l'IGE ?
L’IGE est un organisme d’une grande importance. En tant qu’institution supérieure de contrôle de l’Etat, elle fournit au président de la République les moyens d’évaluer le fonctionnement des structures administratives sous son autorité et de mesurer la performance ou la contreperformance de ces structures ainsi que les facteurs qui les expliquent. Un tel outil entre les mains d’un président libre, équidistant, soucieux de la justice économique, de l’équité sociale et soucieux de la préservation des ressources publiques, aurait sans doute fait faire de grands bonds en matière de bonne gouvernance.
Mais hélas, le travail important qu’elle abat ne débouche presque jamais sur une action sérieuse. Les rapports de l’IGE sont destinés principalement au président de la République et nous savons que cette destination est une voie de garage. Ce qui est donc en cause, c’est moins l’IGE que le traitement qui est fait de ses rapports.
Concrètement, que faudrait-il faire pour que les rapports produits par les différents corps de contrôle puissent être suivis d'effet ?
La démarche la plus simple est de soustraire ces organes de la tutelle du président de la République. Car un président qui fait passer ses objectifs politiques devant la recherche de performance économique et du bien-être de l’ensemble de la population, ne s’en prendra jamais à ceux qui défendent ses intérêts politiques. Parce que, justement, c’est en leur garantissant l’impunité qu’il peut leur faire faire à peu près ce qu’il veut. Le président Macky Sall sait mieux que quiconque ce qu’il faut faire pour installer la bonne gouvernance. C’est qu’il n’en a pas le désir.
Souvent, l'affectation de terres à des projets agro-industriels soulève des vagues. Pensez-vous qu'on peut atteindre la souveraineté alimentaire et même le développement sans ce type d'agriculture ?
Dans des États en construction comme les nôtres, tout est une question d’équilibre. Ceux qui pensent qu’on peut avoir une agriculture de type familial, qui produit pendant trois mois de quoi vivre pendant 9 mois ad vitam aeternam ont tort. Ceux qui pensent que cette agriculture n’est pas performante et qu’elle devrait être remplacée par l’agri-business avec les exploitations à perte de vue, ont aussi tort. La solution se trouve entre les deux, car elles peuvent cohabiter. Il y a des pays qui ont réussi à forger des expériences heureuses sur des modèles contractuels entre les deux formes d’agriculture qui peuvent se renforcer mutuellement. La sécurité alimentaire, ou plus exactement la souveraineté alimentaire, passe par l’articulation des deux.
Mais pour y arriver, il faudrait respecter plus les paysans et reconnaitre leurs droits sur les terres. On a comme l’impression que l’agri-business peut facilement avoir un titre foncier sur des dizaines, voire des centaines d’hectares, alors qu’une exploitation familiale n’aurait pas le droit de posséder 2 hectares. Une réforme foncière est nécessaire et le gouvernement le sait. Mais il n’a pas eu le courage d’assurer les recommandations contenues dans le rapport de la Commission nationale sur la réforme foncière qu’il a pourtant commandité. La gestion de la terre pose, il est vrai, beaucoup de problèmes au Sénégal. Mais le diagnostic est bien établi et les solutions sont à portée de main. Il suffit d’ouvrir le rapport de la commission et d’avoir le courage d’avancer.
En milieu urbain, il est difficile, pour le Sénégalais moyen, d'accéder à la propriété foncière. N'est-ce pas un échec de l'État ?
Oui, c’est l’un des secteurs où l’échec de l’État se donne le plus à voir. Sous Senghor, et même sous Abdou Diouf, il y avait une véritable politique de logement social avec la SN/HLM et la Sicap qui facilitaient un accès plus équitable des populations urbaines au logement. Aujourd’hui, ces politiques ont été démantelées. La SN/HLM, ou ce qui en reste, n’est que l’ombre d’elle-même, tandis que la Sicap n’est plus qu’une structure ‘’para-privée’’ qui gère des programmes hors de portée et souvent réservés à une élite connue d’avance.
Quelles solutions pour de véritables logements sociaux accessibles à la majorité ?
Le Programme des 100 mille logements est déjà une bonne avancée. J’espère que le ministre de l’Urbanisme, qui fait preuve d’un certain volontarisme, saura déjouer les pièges des affairistes et des spéculateurs pour aider le maximum de Sénégalais, y compris les non-salariés, à accéder au logement. Dans les 15 prochaines années, le triangle Dakar, Thiès et Mbour, que j’appelle le ‘’Triangle urbain de l’Ouest (Turbo) sera une seule agglomération. Les populations devraient être déplacées progressivement et installées dans des quartiers aménagés qui répondent à tous les besoins urbains. L’État devrait donc s’assurer que les communes situées dans ce triangle n’accordent plus de terres agricoles d’une certaine étendue à des privés. La SN/HLM et la Sicap ou une structure qui pourrait naitre de leur fusion, ce que je recommande, pourraient, à travers des programmes cohérents, suivis et surveillés, s’assurer de maintenir les prix des terrains à des niveaux acceptables.
Brièvement, quelle note donneriez-vous aux ministres Diouf Sarr, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye et Mansour Faye par rapport au rôle qu'ils ont eu à jouer dans la lutte contre la Covid-19 ?
Je me garderais bien de distribuer des bons ou des mauvais points à ces ministres. Ils auraient été fautifs même que je ne leur donnerais même pas de note, à fortiori une mauvaise note. Le responsable, c’est leur patron. C’est lui qui s’est mis en face des Sénégalais pour dire. Et ensuite pour se dédire. Les autres n’ont écrit que sous sa dictée.
L’actualité est aussi dominée par l’affaire des gazelles oryx transférées vers la ferme du ministre de l’Environnement. Votre plateforme a sorti un communiqué largement relayé par la presse nationale et même internationale. Qu’allez-vous faire maintenant ?
Nous ferons ce qui doit être fait à un braconnier. D’abord, le dénoncer et ensuite le traduire en justice, y compris la justice internationale. Nous avons déjà informé les plus grandes institutions en charge de la conservation de la nature, notamment l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), le secrétariat de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) et d’autres organismes non gouvernementaux. Ce ministre et tous ceux qui, comme lui, ont bénéficié de ces gazelles ont terni l’image de notre pays. Dans un pays normal, il aurait démissionné ou aurait été démis de ses fonctions immédiatement.
Qu’est devenue votre alliance avec Ousmane Sonko, dans le cadre de la coalition Jotna ?
Note coalition Jotna se porte bien. Nous sommes en train de l’organiser et la structurer afin qu’elle soit plus apte à jouer son rôle et qu’elle remplisse sa part du contrat qu’elle veut nouer avec les Sénégalais. Nous travaillons à faire émerger et à renforcer les pôles de leadership qui doivent en constituer les piliers.
Êtes-vous de ceux qui pensent que la chance de Macky Sall est surtout de ne pas avoir une opposition à la hauteur ?
Quelle définition donnerait-on à une opposition à la hauteur ? Faut-il être tous les jours dans la rue et brûler des pneus pour mériter ce statut ? Faut-il injurier à longueur de colonnes de journaux ? Je ne le crois pas. L’opposition n’est pas un bloc monolithique. Chacun agit selon ses méthodes, sa stratégie ou son tempérament. Certains parlent et se font entendre, tandis que d’autres font autre chose. Je respecte chaque posture. Dans une République normée, pour qu’il y ait une bonne opposition, il faut un pouvoir responsable qui respecte les lois et un peuple qui comprend les enjeux et accepte de se battre pour son bien-être.
Pour ma part, avec la plateforme Avenir Senegaal Bi Nu Begg, je participe au débat public, critique des politiques ou actions gouvernementales lorsqu’elles vont dans le mauvais sens, félicite les bonnes actions et propose des mesures et des actions. C’est aussi le cas de Mme Ndèye Fatou Diop Blondin qui, en plus d’être coordonnatrice adjointe de la plateforme Avenir, est très active dans l’espace public, dans le cadre d’Aar Li Nu Bokk qu’elle coordonne. C’est ce qui correspond à notre tempérament et à l’orientation de notre mouvement qui est un espace de construction et de proposition d’alternatives. Nous portons une véritable alternative pour changer et refonder le Sénégal. Nous y travaillons en tant qu’acteurs politiques indépendants.
Par Seybani SOUGOU
MACKY SALL EST TENU DE DÉPOSER UNE NOUVELLE DÉCLARATION DE PATRIMOINE
Chaque prestation de serment doit être accompagnée d’une déclaration de patrimoine, en bonne et due forme : 1 prestation de serment équivaut à 1 déclaration de patrimoine ; 2 prestations de serment = 2 déclarations de patrimoine. C’est clair, net et préci
Macky Sall est tenu de déposer une nouvelle déclaration de patrimoine : il n’y a aucun débat possible à ce niveau. En effet, l’article 37 de La Constitution sénégalaise est extrêmement clair et ne laisse place à aucune forme d’interprétation. « Le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique ». En vérité, l’exigence constitutionnelle de la déclaration de patrimoine du chef de l’état est intimement liée au serment présidentiel qui précède l’installation du Président de la République, moment où il est investi des prérogatives liées à son statut.
Chaque prestation de serment doit être accompagnée d’une déclaration de patrimoine
La prestation de serment inaugure un nouveau mandat présidentiel. Macky Sall a prêté serment à 2 reprises, devant le Conseil Constitutionnel. La première prestation de serment a eu lieu le 02 avril 2012, La seconde prestation de serment s’est déroulée le 02 avril 2019. Chaque prestation de serment doit être accompagnée d’une déclaration de patrimoine, en bonne et due forme : 1 prestation de serment équivaut à 1 déclaration de patrimoine ; 2 prestations de serment = 2 déclarations de patrimoine. C’est clair, net et précis. Un laudateur du régime, ancien administrateur de la Fondation servir le Sénégal, s’est livré à un exercice périlleux en affirmant « Le Président n’a jamais quitté son bureau de la présidence de la république ». Un argument loufoque, digne d’un élève de primaire. Demandez-lui pourquoi Macky Sall a prêté serment une seconde fois et a été installé à nouveau, en tant que Président de la République par le Conseil Constitutionnel ?
La Constitution sénégalaise impose au président de déposer une déclaration de patrimoine en début de mandat, mais n’exige pas d’effectuer une déclaration en fin de mandat.
En France, les élus doivent faire, au cours de leur mandat, plusieurs déclarations : d’abord au moment de la prise de fonction ; puis en cours de mandat si une modification substantielle affecte leur patrimoine (héritage, mariage, divorce, etc…) ; et enfin, ils doivent déposer une déclaration de patrimoine de fin de mandat. Toutefois, la loi est extrêmement claire concernant la déclaration de fin de mandat : « Les élus dont le mandat s’achève doivent déposer une déclaration patrimoniale de fin de mandat deux mois plus tôt et un mois plus tard avant l’expiration de leur mandat », auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), conformément aux dispositions de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il convient de préciser que la déclaration de patrimoine de fin de mandat doit intervenir au plus tard un mois avant l’expiration du mandat. Au Sénégal, l’article 37 de la Constitution impose au Président de déposer une déclaration de patrimoine en début de mandat, mais n’exige en aucun cas d’effectuer une déclaration de patrimoine en fin de mandat. L’article 37 de la charte suprême taillade en pièces, l’argument fallacieux de Mounirou Sy selon lequel Macky Sall doit faire sa déclaration de patrimoine en fin de mandat. Cette disposition n’est prévue par aucun texte (ni par la Constitution, ni par loi n°2014-17 du 2 avril 2014 relative à la déclaration de patrimoine).
A supposer d’ailleurs que Macky Sall doive faire sa nouvelle déclaration de patrimoine en fin de mandat (ce qui est totalement faux, car n’étant prévu par aucun texte), ladite déclaration devait obligatoirement être effectuée avant fin de son premier mandat et donc avant les élections présidentielles du 24 février 2019. Une déclaration de patrimoine de fin de mandat ne doit pas être effectuée, après que l’élu ait quitté la magistrature suprême mais bien avant (au cours du mandat).
Manifestement, le Constitutionnaliste Mounirou Sy a une mauvaise compréhension de la temporalité de la déclaration de patrimoine de fin de mandat. L’attestation sur l’honneur de l’actuel Président Français, M. Emmanuel MACRON, suite à sa déclaration de patrimoine (disponible sur le site légifrance) devrait lui rafraichir la mémoire et lui permettre de mieux comprendre le sens de la déclaration de patrimoine de fin de mandat. « Je soussigné : Emmanuel Macron, Certifie sur l’honneur l’exactitude des renseignements indiqués dans la présente déclaration et m’engage, en cas d’élection à déposer deux mois au plus tôt et un mois avant l’expiration de mon mandat de Président de la République ou, en cas de démission, dans un délai d’un mois après celle-ci, une déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat, en application du neuvième alinéa du I de l’article 3 de la loi n°62-1292 du 06 novembre 1962 ».
Fait le 16 mars 2017 Emmanuel Macron
Les partisans du régime qui croyaient trouver la parade pour Macky Sall, en invoquant une déclaration de patrimoine en fin de mandat, ne font que l’enfoncer davantage. La déclaration de patrimoine de fin de mandat doit intervenir avant la fin du mandat, pas après (dans cette hypothèse, Macky Sall aurait dû déposer sa déclaration de patrimoine de fin de mandat, avant les élections de 2019). Quel que soit l’angle choisi par les soutiens du régime (déclaration de fin de mandat ou nouvelle déclaration de patrimoine), Macky Sall est pris au piège, et se trouve face à une équation insoluble. En conclusion, la Constitution sénégalaise (article 37) est très claire et impose au Président de déposer une déclaration de patrimoine en début de mandat. En conséquence, Macky Sall qui a entamé son second mandat et dernier mandat est tenu de déposer une nouvelle déclaration de patrimoine, dans les meilleurs délais. Tout le reste relève de la sorcellerie juridique et n’est que pure affabulation. La violation de l’article 37 de la Constitution n’a que trop duré.
Par Mamadou Oumar NDIAYE
LE RACISME SUBTIL DE L’UNION EUROPÉENNE
Avec 6 morts, un de plus que le Rwanda, le Lesotho aussi est banni de même que la Namibie. Pendant que des pays arabes ayant 40 fois plus de morts que la Namibie et 280 fois de plus que le Botswana voient leurs ressortissants autorisés d’accès à l'Europe
Décidément, nous ne comprendrons jamais rien aux subtilités de la pensée des Blancs ! Nègres, nous sommes émotifs comme le disait avec justesse le président Léopold Sédar Senghor. Eux, ils sont cartésiens et la raison leur appartient. Lorsqu’ils prennent des décisions, surtout ceux d’entre eux qui nous ont colonisés, il y a peu de chances que nous y comprenions grand-chose. De fait, il y a fort à parier que nous fassions une lecture au premier degré de leurs décisions alors que, encore une fois, il faut être cérébral pour en saisir toute la complexité, la sophistication. Ce que nous ne sommes évidemment pas. Tenez, cette décision de l’Union Européenne de fermer ses frontières aux voyageurs en provenance de tous les pays africains à l’exception de l’Algérie, du Maroc, de la Tunisie et du… Rwanda. Officiellement parce que la situation sanitaire de ces pays relativement au coronavirus est maîtrisée et qu’ils ne représentent donc aucune menace pour la vieille Europe. Les esprits simples que nous sommes peuvent évidemment être tentés de voir à travers cette mesure de sanctuarisation de l’espace Schengen un manifestation d’un racisme anti-Nègres primaire quand on sait que trois de ces quatre pays africains dont les citoyens sont bienvenus en Europe sont arabes. C’est là que la subtilité des Blancs s’exprime dans ce qu’elle a de plus cynique, de plus retors aussi : Pour prévenir toute accusation de racisme, ils ont eu le génie d’inclure dans leur liste un pays d’Afrique noire à savoir le Rwanda.
« Nous racistes, voyons, et le Rwanda alors ? » De quoi clouer le bec à ces grands dadais de Nègres. De fait, le Rwanda présente une excellente situation épidémiologique, en effet : cinq morts seulement et 1699 contaminés à la date du mercredi 22 juillet dernier, c’est-à-dire il y a 48 heures !
Le problème, c’est que nos si intelligents "toubabs" auront du mal à expliquer pourquoi, à l’aune de ces critères scientifiques, ils ont écarté de leur liste… noire (n’y voyez aucun malice !) le Maroc, l’Algérie et la Tunisie qui ont enregistré respectivement 280 morts (17742 contaminés), 1100 morts (24248 cas) et 50 morts (1389). Ils vont nous dire sans doute que les statistiques des Nègres ne sont pas fiables et que les chiffres déclarés par nos pays de ce côté-ci du Sahara sont à prendre avec des pincettes s’ils ne sont pas carrément farfelus.
Sans doute. Sauf que, au Sénégal et un peu partout en Afrique de l’Ouest, les tests sur lesquels se basent les autorités pour élaborer des statistiques sont élaborés par un laboratoire français, l’Institut Pasteur. Et que, donc, si manipulation statistique il y a, la France serait grandement complice ! Or, l’Institut Pasteur faisant foi, la situation épidémiologique est largement meilleure au Sénégal, par exemple, que dans les trois pays du Maghreb central. Sans compter que, s’il y a des pays qui sont fondés à fermer leurs frontières aux ressortissants d’autres parties du monde pour ne pas être contaminés, ce sont bien les nôtres qui sont loin des pics atteints en Grande-Bretagne, en Espagne, en Italie et en France !
D’ailleurs, les premiers cas enregistrés au Sénégal ne nous venaient-ils pas de Marianne ? On nous rétorquera certes que même les Etats-Unis sont frappés de bannissement par l’Union Européenne et que, donc, on ne saurait la taxer de mépris envers l’Afrique, singulièrement sa frange noire. Sauf que la situation pandémique est à ce point catastrophique aux USA que permettre effectivement aux vols en provenance de ce pays-continent de se poser dans les aéroports européens serait une manière de déclencher une deuxième, voire une troisième vague de contaminations. Et puis, le président Donald Trump n’avait-il pas été le premier à fermer son pays aux vols en provenance d’Europe ?
Pour en revenir à l’Afrique, on nous dit que l’exception rwandaise se justifie scientifiquement par les excellents résultats du pays des Mille collines dans la lutte contre la pandémie du coronavirus. Sans doute. Sauf que, là aussi, il existe des pays africains qui ont fait de meilleurs résultats que le Rwanda et qui sont bannis de l’espace Schengen ! Le Botswana, par exemple, qui est un modèle en matière de bonne gouvernance et aussi une démocratie — contrairement à Kigali et comme le Sénégal — a eu un seul mort depuis le début de la pandémie pour 522 cas seulement. Malgré cela, il ne figure pas sur la liste de l’Union européenne !
Avec six morts, un de plus que le Rwanda, le Lesotho aussi est banni de même que la Namibie (sept morts). Pendant ce temps, des pays arabes ayant 40 fois plus de morts (Maroc) que la Namibie et 280 fois plus que le Botswana voient leurs ressortissants interdits d’accès sur le territoire européen. Certes, les Blancs ont une pensée hypersophistiquée et la subtilité de leur pensée, on l’a dit, sera toujours insaisissable pour nos cerveaux engourdis de Nègres mais enfin, on aimerait bien qu’ils nous expliquent, eux les cartésiens, et pourvu que les idiots que nous sommes puissent évidemment suivre les méandres de leur pensée, qu’est-ce qui explique cette différence de traitement réservée à ces pays du continent.
En dehors du racisme anti-Nègres bien sûr. Car, en pleine affaire Georges Floyd et aussi un peu Adama Traoré en France, la vieille Europe blanche ne pouvait bien sûr pas nous dire crûment : « Nègres africains, restez chez vous avec vos sales maladies » ! Elle l’a fait de manière subtile et sur la base de pseudo-arguments scientifiques qui lui sont tombés sur la gueule comme un boomerang.
Pour cause, elle s’est retrouvée piégée dans ses propres arguments « scientifiques » : le Zambèze ne sera certes jamais la Corrèze mais le Botswana, le Lesotho, l’Ouganda (zéro mort du coronavirus, on allait l’oublier !), la Namibie répondront incontestablement toujours plus aux critères fixés par l’UE pour l’accès à son territoire en ces temps de pandémie que l’Algérie, le Maroc, la Tunisie voire le Rwanda. Et puis, on doute fort qu’avec la chape de plomb qui les recouvre et aussi leur faible pouvoir d’achat, malgré la grosse propagande de leur régime, les Rwandais soient de gros voyageurs vers le continent européen. Vous voyez donc bien qu’en jetant son dévolu sur ce pays, Bruxelles ne prend aucun risque de voir l’Europe envahie par des hordes de Nègres ! Pour dire que sa décision d’accorder une exception à Kigali ne mange pas de pain… Et que les mesures de rétorsion prises par les présidents sénégalais et gabonais sont parfaitement justifiées !
L'AFRIQUE DE L'OUEST PEINE À RÉSOUDRE LA CRISE MALIENNE
Cinq chefs d'Etat d'Afrique de l'Ouest réunis jeudi à Bamako ne sont pas parvenus à faire accepter à l'opposition leur plan pour sortir le pays de la crise, mais ils restent "optimistes" et se retrouveront lundi en sommet extra-ordinaire de la Cédéao
Cinq chefs d'Etat d'Afrique de l'Ouest réunis jeudi à Bamako ne sont pas parvenus à faire accepter à l'opposition malienne leur plan pour sortir le pays de la crise, mais ils restent "optimistes" et se retrouveront lundi en sommet extra-ordinaire de la Cédéao par visio-conférence.
"Rien n'a bougé pour le moment", a déclaré, le visage fermé, l'imam Mahmoud Dicko, figure centrale de la contestation qui secoue le Mali depuis juin.
"Si vraiment c'est à cause de cela qu'ils se sont réunis, je pense que rien n'a été fait", a-t-il ajouté, après avoir rencontré dans un hôtel de la capitale malienne les présidents Muhammadu Buhari du Nigeria, Mahamadou Issoufou du Niger, Alassane Ouattara de la Côte d'Ivoire, Nana Akufo-Addo du Ghana et Macky Sall du Sénégal, venus appuyer les efforts de médiation de la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
"Nous sommes un peuple debout, nous ne sommes pas un peuple soumis ou résigné.Je préfère mourir en martyr que de mourir en traitre.Les jeunes gens qui ont perdu leur vie ne l'ont pas perdue pour rien", a ajouté le chef religieux de 66 ans, l'une des voix les plus influentes du Mali et bête noire du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit "IBK".
Dans une lettre ouverte adressée aux cinq présidents et diffusée jeudi soir, le Mouvement du 5-Juin, coalition hétéroclite qui mène la contestation, accuse le président Keïta de faillir à sa mission, sans explicitement réclamer, cette fois, sa démission.
"Il a abandonné cette mission à des personnes qui n'en ont ni la légitimité, ni les compétences requises", affirme le mouvement, où des tensions sont apparues entre "faucons" et "colombes".
Le président en exercice de la Cédéao, le chef de l'Etat nigérien Mahamadou Issoufou, s'est néanmoins dit "optimiste" à l'issue d'une longue journée de pourparlers, marquée par un très long déjeuner de la délégation avec le président Keïta dans son palais de Koulouba.
"Je fonde l'espoir qu'une solution sera trouvée", a-t-il dit, en annonçant la tenue d'un sommet lundi prochain, 27 juillet, des 15 chefs d'Etat de l'organisation régionale.
"A l'issue de ce sommet, je pense que la Cédéao prendra des mesures fortes pour accompagner le Mali", a-t-il ajouté, en soulignant que "faire partir le président IBK alors qu'il a été démocratiquement élu" demeure une "ligne rouge" pour la Cédéao.
Il reste "un groupe encore qui n'a pas donné son adhésion", a reconnu le chef de la diplomatie du Niger, Kalla Ankourao, qui préside le Conseil des ministres de la Cédéao.
"C'était important qu'une étape supérieure soit franchie", a-t-il toutefois dit à propos de la réunion de Bamako."Nous pensons que d'ici lundi le travail sera totalement achevé", a-t-il ajouté.
- Soldat français tué -
Au pouvoir depuis 2013, le président Keïta est massivement contesté dans la rue depuis juin.
Au climat d'exaspération, nourri depuis des années par l'instabilité sécuritaire dans le centre et le nord du pays, le marasme économique ou une corruption jugée endémique, est venue s'ajouter l'invalidation par la Cour constitutionnelle d'une trentaine de résultats des élections législatives de mars-avril.
Le 10 juillet, la troisième grande manifestation contre le pouvoir à l'appel du M5-RFP a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers à Bamako, les pires dans la capitale depuis 2012, qui ont fait 11 morts selon le Premier ministre Boubou Cissé.
Une division de la mission de l'ONU dans le pays (Minusma) parle de 14 manifestants tués.Le M5 évoque 23 morts.
La crise politique actuelle au Mali, dont une large partie du territoire, en proie à des violences jihadistes et/ou communautaires quasi-quotidiennes, échappe à l'autorité de l'Etat, inquiète ses alliés et voisins, qui craignent que le pays sombre dans le chaos.
Un soldat français a été tué jeudi matin au Mali "lors de combats contre les groupes armés terroristes", a annoncé l'Elysée.
Le plan de la Cédéao, soutenu par la communauté internationale, prévoit la nomination rapide d'une nouvelle Cour constitutionnelle pour régler le litige autour des législatives, ainsi que la mise sur pied d'un gouvernement d'union nationale.
Qu'est-ce qui est en train de se négocier? "La démission du Premier ministre Boubou Cissé", juge Brema Ely Dicko, sociologue à l'Université de Bamako.
"Une répartition de postes sur la base de pourcentages par catégorie d'acteurs ne suffira pas pour répondre aux aspirations profondes des populations", estime de son côté l'Institut d'études de sécurité (ISS), pour qui la Cédéao doit "prouver qu'elle n'est pas un +syndicat de chefs d'Etat+ qui se soutiennent et se protègent mutuellement".
IGE, QUAND LE CALCUL POLITICIEN DICTE SA LOI
Alors qu’il est attendu sur le traitement qu’il fera des différents rapports de corps de contrôle qu’il a reçus cette année, Macky Sall est dans un dilemme cornélien
Alors qu’il est attendu sur le traitement qu’il fera des différents rapports de corps de contrôle qu’il a reçus cette année, dont en dernier ceux de l’IGE sur la période 2016, 2017 et 2018-2019, le président de la République, Macky Sall, est dans un dilemme cornélien. Avec l’approche des prochaines élections locales prévues avant le 28 mars prochain, le chef de l’Etat qui est également président de l’Alliance pour la République (Apr) est appelé à arbitrer entre sa promesse de reddition des comptes et la «protection» de ses partisans épinglés en matière de mal gouvernance, dans le souci de consolider les bases de sa formation politique, voire la nécessité de conforter l’assise politique de son quinquennat.
L’année 2020 restera certainement gravée dans les annales de l’histoire politique du Sénégal. En effet, en plus de coïncider avec le premier anniversaire de la réélection de l’actuel chef de l’Etat, Macky Sall, cette année a été également très fournie en termes de rapports de corps de contrôle.
Ainsi, entre le mois de janvier et celui de juillet, près de huit documents d’évaluation de la manière dont sont gérées les affaires publiques, pour ne pas dire le bien commun, ont été remis entre les mains du chef de l’Etat qui s’était engagé à inscrire la bonne gouvernance au cœur de sa gestion. Ces rapports ont été le fait des différents corps de contrôle publics dont l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), l’Inspection générale d’État (Ige), la Cour des comptes ou encore l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp, rapport 2016).
Ces institutions, comme dans leurs précédents rapports, ont encore épinglé la gestion de plusieurs proches collaborateurs de l’actuel chef de l’Etat, responsables d’actes notoires de mal gouvernance en totale rupture avec la gestion dite « sobre et vertueuse » de la quatrième République. Une situation qui n’est pas du tout à arranger les choses pour le président de la République, Macky Sall.
Seul habilité à décider de la suite à donner aux rapports d’organes de contrôle, Macky Sall, également président de l’Alliance pour la République (Apr) se retrouve ainsi entre l’enclume de sa promesse de reddition des compte et de transparence dans la gestion des affaires publiques et le marteau de calcul politique qui pourrait le pousser à mettre encore sous le coude ces fameux rapports incriminant certains de ses proches, souvent grands électeurs, dans le souci de consolider les bases de sa formation politique et de conforter l’assise politique de son quinquennat.
Et pour cause, le déclenchement d’une procédure judiciaire en cette veille d’élections locales prévues avant le 28 mars prochain contre tous ses proches épinglés ou soupçonnés de malversations ne serait pas sans conséquence pour son parti, l’Alliance pour la République, qu’il est en train de massifier par tous les moyens en enrôlant à gauche et à droite avec des membres de l’opposition casés à certains postes clés (Pca et autres). Car la plupart des responsables sur qui pèsent aujourd’hui des soupçons de malversations sont soit à la tête des collectivités territoriales soit des candidats potentiels de l’Apr au niveau de leurs localités. Face à cette situation, il faut dire qu’il est très peu probable de voir l’actuel chef de l’Etat qui a déjà mis aux oubliettes de précédents rapports de ces organes de contrôle incriminant ses proches, décider enfin de laisser la machine judicaire faire son travail de suivi des documents en question.
D’ailleurs, lors de sa déclaration à la suite de la réception des rapports publics sur l’état de la Gouvernance et de la Reddition des comptes 2016, 2017, 2018, 2019 de l’Inspection générale d’État (Ige), Macky Sall n’a pas fait état d’aucune sanction. «Les rapports sur l’état de la Gouvernance et de la Reddition des Comptes, produits par l’Ige, invitent à l’introspection et à la responsabilité, individuelle et collective, afin d’avancer résolument dans la transformation de l’action publique pour consolider un Etat performant». De là à imaginer que Macky Sall se joue encore des corps de contrôle sous la dictée de ures considérations politiques, il n’y a qu’un pas que le moindre observateur franchit aisément.
UNE ÉMISSION DE LIKA SIDIBÉ
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RECTIFIER LE TIR DANS LA GESTION ANTI-COVID
EXCLUSIF SENEPLUS : Les chiffres manquent de lisibilité - Le nombre de laboratoires effectuant des tests est très en deçà des capacités du pays - L'Afrique a sous-estimé la problématique de la pandémie - AU FOND DES CHOSES AVEC ABDOUL KANE
2/3 des patients atteints de covid-19 restent asymptomatiques, mais ils sont désormais exclu du processus de prise en charge au Sénégal, car exemptés de tests suite à une décision des autorités médicales. Une stratégie contre productive de l’avis du professeur Abdoul Kane.
Dans cette première partie de l’émission Au fond des choses animée par Lika Sidibé, le chef du service cardiologie de l’hopital Dalal Diam et président de la société sénégalaise de cardiologie, estime que l’Afrique d’une manière générale a sous estimé la question de la covid-19, confortée par la progression lente de la pandémie sur le continent.
Sur l’allégement des gestes de prévention qui avaient été adoptées, le Pr Kane regrette l’absence de pédagogie progressive, alors que les communautés ne s’étaient pas appropriées l’immensité de la problématique.
Le cardiologue recommande une forte mobilisation ressources humaines et d’équipement pour assurer une disponibilité des tests partout dans le pays, une décentralisation des tests, un retour effectif dans les communautés dont la dimension dans la prise en charge a été à son avis sous-estimée.
La deuxième partie de l’interview bientôt sur seneplus.com
LA DESTRUCTION DES MONUMENTS NE PEUT EFFACER LA RÉALITÉ HISTORIQUE
Le Professeur Kalidou Diallo est contre la destruction des monuments qu’il assimile à un refus «d’assumer la réalité historique». L’ancien ministre défend qu’un monument historique ne peut être banni ou valorisé en fonction des contextes
La position du Professeur d’Histoire contemporaine et moderne, Kalidou Diallo, est claire. Il est contre la destruction des monuments historiques qu’il assimile à un refus «d’assumer la réalité historique». L’ancien ministre de l’Education nationale défend qu’un monument historique ne peut être banni ou valorisé en fonction des contextes.
Professeur, il y a un débat sur les destructions des monuments historiques. Certains revendiquent leur destruction. En tant qu’historien, quel est votre point de vue sur ce sujet ?
Cette volonté de démolition des monuments historiques est loin d’être nouvelle, dans le monde comme au Sénégal. En France, lors de la Révolution de 1789, après la prise et la destruction de la forteresse de la Bastille le 14 juillet, il y a eu un mouvement pour démolir tous les symboles de l’Ancien Régime. Il y a eu, par la suite, le décret du 13 octobre 1790 qui protège les monuments, les arts et sciences. Victor Hugo avait publié, en 1825, «La guerre aux démolisseurs» ; Châteaubriand avait fait de même. Lors de la Révolution culturelle chinoise à partir de 1966, des millions d’étudiants, avec brassards et petits livrets rouges à la main, ont sillonné le pays et détruit ou détérioré des centaines de monuments et valeurs traditionnelles ou bourgeoises. La chute du Mur de Berlin dans la nuit du 9 novembre 1989 et l’effondrement de l’Urss le 26 décembre 1991 ont été l’occasion de déboulonnements violents de tous les symboles du communisme dans les pays de l’Est et les anciennes Républiques soviétiques y compris en Russie.
Plus récemment, en Afghanistan, il y a eu la démolition spectaculaire, en 2001, de la statue du Bouddha de Bamiyan par les Talibans du Mollah Oumar. La destruction des mausolées et manuscrits précieux par des groupes armés indépendantistes et jihadistes au nord du Mali à Tombouctou est encore dans nos mémoires.
Mais certains Sénégalais oublient vite, car dans la nuit du 13 au 14 août 1983 (cf. Soleil de 17 août 1983), la statue de Faidherbe qui était devant le Palais de la République, ainsi que les deux soldats Demba et Dupont placés à l’époque à la Place Tascher (devenue Place Soweto) devant l’Assemblée nationale avaient été démolis et cachés aux cimetières de Bel-Air. La statue de Faidherbe fut transférée au Musée des Forces armées dénommé actuellement Musée de la Direction des archives et du patrimoine historique des forces armées du Sénégal.
Le président Abdoulaye Wade avait, le 23 août 2004, récupéré la statue Demba et Dupont, à l’occasion de la Journée des Tirailleurs, pour l’installer à la Place de la Gare du chemin de fer à Dakar, rebaptisée Gare des tirailleurs. Le contexte était devenu favorable avec le règlement du problème de la cristallisation des pensions des anciens combattants. Il fut rappelé alors leur rôle dans la défaite du nazisme et la libération de la France lors de la Seconde guerre mondiale 1939-1945.
Il est bon de rappeler aussi que cette statue, représentant ces deux soldats, avait été installée en 1923 à Dakar, capitale de l’Afrique occidentale française (Aof) pour célébrer la victoire solidaire des Tirailleurs sénégalais et des soldats français. Vous voyez bien qu’un monument historique peut être banni ou valorisé en fonction des contextes.
L’assassinat atroce par étouffement volontaire de Georges Floyd par un policier blanc et trois de ses complices, le 25 mai 2020, a suscité une indignation mondiale et provoqué la démolition de plusieurs monuments aux Etats-Unis et ailleurs. Au Sénégal, il a relancé le débat sur le déboulement ou non de la statue de Faidherbe à Saint-Louis et le changement de nom de rues et autres sites symbolisant la domination coloniale.
Je reste pour un traitement serein de ces questions, sans précipitation ni esprit revanchard qui ne peut, en aucune manière, effacer la réalité historique.
Certains disent que détruire ces monuments, c’est refuser d’assumer notre passé historique…
Pas forcément, car aucun pays colonisé puis devenu indépendant ne devrait, en principe, célébrer ces conquérants et les monuments qui symbolisent leur victoire. La séparation peut être violente et déboucher pourtant sur des relations exemplaires fondées sur des valeurs partagées. C’est le cas entre l’Angleterre et les 13 colonies d’Amérique. Le 04 juillet symbolise bien la date de la Déclaration puis la Guerre d’indépendance des Américains du nord contre les Britanniques. Pourtant, ils sont devenus les meilleurs alliés du monde durant les deux grandes guerres du 20ème siècle et toutes les autres crises politiques, économiques et financières qu’ils ont traversées.
On pourrait dire la même chose entre la France et le Canada, la Grande Bretagne et ses ex-dominions où la reine reste encore un symbole. La conquête française a été violente, faite avec des armes, en utilisant, d’une part, les Spahis et les Tirailleurs sénégalais, et l’aristocratie déjà déformée par le système de la traite négrière, d’autre part. L’exploitation économique bien qu’atroce, surtout pour ceux qui avaient le statut de sujet français, a été quelque peu «adoucie» par sa politique «d’assimilation» et l’existence des quatre communes de plein exercice avec le statut de citoyen de ses habitants, renforcé avec l’élection de Blaise Diagne en 1914.
L’exploitation sous la colonisation allemande, belge ou portugaise fut encore plus inhumaine, celle britannique, avec le système de l’association, beaucoup plus «souple». Le contexte de création dans l’espace colonial d’un nouveau pays, le Sénégal, en rassemblant des royaumes précoloniaux en mutation et dont l’essentiel des chefs sont impliqués dans l’esclavage n’a pas créé, de façon automatique, une nation. L’indépendance obtenue pacifiquement dans la coopération n’a pas été une rupture. L’Etat-Nation s’est construit dans ce processus que certains appellent néocolonial depuis 60 ans.
Déboulonner tous les symboles de la colonisation française au Sénégal dont Saint-Louis (1895-1902) et Dakar (1902-1960) furent les anciennes capitales de l’Afrique occidentale française revient presque à détruire le pays. Je me demande d’ailleurs pour quelles raisons, car la plupart de ces édifices ont été bâtis avec les budgets des colonies et de l’Aof, etc.
Est-ce qu’il ne faudrait pas trouver un compromis entre les deux camps ?
Je ne vois pas deux camps. Aucune personne raisonnable ne peut demander la destruction ou l’abandon des infrastructures héritées de la colonisation, les institutions, les universités et instituts comme l’Ifan, le Musée Théodore Monod, les Archives de l’Aof, etc. Les travaux de Maurice Delafosse, Henri Gadem, Théodore Monod, Raymond Mauny, Charles Monteil, Vincent Monteil et d’autres, avec différents fonds, autant les monographies ou catalogues ne sauraient être détruits sous prétexte qu’ils sont l’œuvre de la colonisation, autant on ne pourrait, non plus, continuer à maintenir systématiquement les dénominations de certaines rues, d’établissements, de places et l’érection de certaines statues comme celle de Faidherbe à Saint-Louis.
Je me suis même demandé pourquoi conserver la statue de l’ancien gouverneur de la colonie dans le Musée des forces armées sénégalaises alors que Faidherbe a été promu Général de brigade en 1865 dans le cadre de son action coloniale et Général de division lors de la guerre franco-prussienne de 1870. Ici, le compromis, c’est avant tout de se débarrasser du complexe du colonisé, assumer son histoire et avoir une haute conscience historique.
L’histoire de l’humanité, depuis l’homo sapiens-sapiens en passant par les grandes étapes de l’évolution des civilisations humaines a toujours été un conflit permanent entre dominants et dominés. L’esclavage domestique et les dominations ont traversé toutes les sociétés.
Quelles seraient aussi les conséquences de la destruction de ces monuments sur le travail de mémoire ?
En détruisant des forts, des palais de gouverneurs, en modifiant les dimensions architecturales du centre de Saint-Louis, de la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec (c’est le premier directeur de l’école de médecine en 1919), les Marchés Kermel et Sandaga, le pont Faidherbe, les bâtiments du ministère des Affaires étrangères ou de la Chambre de commerce de Dakar, pour ne citer que ceux-là, c’est tout un travail de mémoire qu’on efface.
L’Ile de Gorée qui symbolise la traite négrière a été classée monument historique par le régime colonial. Et sur proposition du Sénégal, Gorée a été classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 1978. D’ailleurs, la promotion du tourisme colonial liée à la mémoire coloniale a commencé en 1926 avec le gouverneur général de l’Aof, Jules Cardes (1923-1930). La pointe des Almadies a été érigée en site touristique le 10 août 1942 et l’île de Gorée le 15 novembre 1944.
Comment mettre davantage nos monuments historiques au service de la promotion du tourisme au Sénégal ?
Léopold Sédar Senghor, le président poète, s’est particulièrement intéressé à la revalorisation du patrimoine pour à la fois développer la culture mais aussi promouvoir le tourisme. L’organisation du premier Festival mondial des arts nègres, en 1966, en est la première illustration. La création de la Direction du patrimoine historique et ethnologique en 1970, la loi 71-12 du 25 janvier 1971 et son décret d’application 73-746 du 8 août 1973 avaient permis le recensement, sur le plan national, de 48 sites et monuments historiques à l’époque. Avec l’institution de la Convention Unesco de 1972 pour le Patrimoine culturel et naturel, le Sénégal est devenu partie Etat le 13 janvier 1976 et a pu faire accepter, comme nous l’avons déjà dit, l’île de Gorée sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité.
Beaucoup d’infrastructures culturelles ont été créées par Léopold Sédar Senghor, entre autres : l’université des mutants, le Théâtre national Daniel Sorano, l’Ecole d’architecture et d’urbanisme, l’Ecole des arts, les Archives culturelles du Sénégal, etc.
Le président Abdou Diouf bien que limité par les Programmes d’ajustement structurel (qui ont fait disparaître certaines créations de Senghor), a été à l’origine de plus d’une dizaine d’initiatives d’ordre culturel : la Galerie nationale des arts (1983), le Musée d’art africain (1991), la Biennale de l’art africain contemporain ou Dak’Art (1996), les différents Grands Prix du Chef de l’Etat, le Festival national des arts et cultures (Fesnac), etc. Sur les biens naturels, il a pu obtenir l’inscription sur le patrimoine mondial de l’Unesco, du Parc national des oiseaux de Djoudj (1981) et du Parc national Niokolo-Koba (1981), actuellement sur la liste du patrimoine en péril. Pour le patrimoine documentaire, le Fonds de l’Aof est inscrit en 1997.
Le président Abdoulaye Wade a renforcé le budget du ministère de la Culture qui avait presque doublé avec de grands chantiers culturels, notamment le Parc culturel de Dakar et ses sept merveilles architecturales : le Grand théâtre national inauguré le 15 avril 2011, l’Ecole des arts, l’Ecole d’architecture, les Archives nationales, la Maison de la musique, la Bibliothèque nationale et le Musée des civilisations noires. Il faudra également mettre à l’actif du président Wade, la Place du Millénaire, la Place du Souvenir africain, l’imposant Monument de la Renaissance africaine et le Fesman en décembre 2010. Il assura également la pose de la première pierre du Musée des Civilisations noires dont la construction sera finalement l’œuvre de son successeur, inauguré le 6 décembre 2018. Au titre des biens culturels, le président Wade a pu inscrire comme patrimoine mondial de l’humanité, la ville de Saint-Louis en 2000, les Cercles mégalithiques de Sénégambie en 2006, le Delta du Saloum en 2011 et le pays Bassari : paysages culturels bassari, peul et bédik en 2012. Le Sénégal a déposé sa candidature pour huit éléments en 2005, mais ils n’ont pas encore été inscrits. Il s’agit de l’Aéropostale, l’île de Carabane, l’Architecture rurale de Basse-Casamance : les cases à impluvium du Royaume de Bandial, le Parc naturel des îles de la Madeleine, les Escales du Fleuve Sénégal, les Tumulus de Cekeen, le Lac Rose et le Vieux Rufisque. En 2003, la Convention pour la sauvegarde du Patrimoine culturel immatériel a été instituée par l’Unesco et le Sénégal a pu faire inscrire, en 2008, le Kankurang, rite d’initiation mandingue.
Qu’en est-il pour le président Macky Sall ?
Il est assez tôt pour l’historien que je suis, de faire le bilan intégral de la politique culturelle du président de la République, Macky Sall, son mandat étant en cours. Cependant, on peut d’ores et déjà noter le renforcement du budget du ministère de la Culture, du Dak’Art, le projet de transformation de l’ancien Palais de justice pour les artistes, la construction du Musée des Civilisations noires et l’action diplomatique pour le retour des biens culturels du Sénégal conservés en France. Au titre du patrimoine immatériel, le Sénégal a inscrit sous son magistère le «Xooy», une cérémonie divinatoire chez les Sérères sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Sur le patrimoine documentaire de l’humanité, le Président Sall a inscrit deux biens : Les Cahiers de l’Ecole normale William Ponty en 2017 et Les cartes postales aériennes en 2017 également. Avec trois éléments inscrits au patrimoine mondial documentaire, le Sénégal occupe la deuxième place avec le Mali après l’Afrique du Sud. Mais le Mali a eu une longueur d’avance sur nous avec les Manuscrits de Tombouctou qui ont remporté, en 2018, le Prix Jikji/Unesco (c’est le livre le plus ancien du monde avec des caractères en cuivre écrits par des moines bouddhistes coréens bien avant Gutenberg). Notons que le Mali est le seul pays africain inscrit à ce jour. Avec autant d’éléments inscrits entre 1972 et 2017 au titre du patrimoine culturel et naturel, du patrimoine immatériel et du patrimoine documentaire, le Sénégal est bien un grand pays de culture de dimension mondiale malgré sa petite taille en termes de superficie et de population.
Il reste que les dimensions culturelles du Sénégal des profondeurs sont loin d’être exploitées en totalité, de même que ses capacités de consommation touristique. Le tourisme international a, certes, bien des contraintes liées au marketing, aux sponsors, aux infrastructures ou à la sécurité, mais notre pays semble avoir relevé un certain nombre de ces défis et reste encore très loin de son potentiel, de tourisme culturel et intérieur.
par Khadim Ndiaye
RÉPONSE AU FAIDHERBIEN AUTOPROCLAMÉ OUSSEYNOU NAR GUEYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Dire que ceux qui dénoncent la statue de Faidherbe doivent trouver un "alphabet dépouillé d'origine allogène et d'effluves coloniales", c’est croire encore au mythe nazi d’une langue pure
Ousseynou Nar Gueye que je lis souvent m’avait personnellement habitué à de meilleurs textes. Celui qu’il consacre à ceux qu’il appelle « défaidherbeurs » ("Mon Adresse aux défaidherbeurs") semble être rédigé à la hâte pour répondre à d’autres auteurs sans s'entourer des gardes-fous et précautions intellectuelles nécessaires. Il tombe dans un total confusionnisme, voire un amalgamisme volontaire trahissant une incompréhension des termes du débat sur la statue de Faidherbe.
M. Gueye peut tout à fait se déclarer « Faidherbien » comme il le fait dans son texte - c’est son droit -, mais il serait bien, dans l’intérêt des lecteurs, que les participants à ce débat, en comprennent tous les tenants avant de se lancer dans de longues diatribes sans réelle valeur heuristique.
Aucun Sénégalais connaissant un tant soit peu l’histoire de son pays ne conteste que Faidherbe et les gouverneurs coloniaux en fassent partie. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de débatteurs ont fait savoir dans leurs écrits. En ce qui me concerne, j’écrivais ceci : « Demander le retrait de la statue de Faidherbe, ce n’est ni réclamer la suppression de ce personnage des manuels d’histoire ni exiger qu’il ne soit plus enseigné. Ce qui est dénoncé, c’est sa présence et sa mise en avant dans l’espace public. Ceux qui s’arc-boutent sur l’argument de « l’effacement de l’histoire » confondent enseignement de l’histoire et éléments du patrimoine auxquels on accorde de l’importance et que l’on choisit de conserver dans l’espace public. L’histoire du fait colonial avec ses différents personnages et péripéties est bien enseignée, mais la question du legs à promouvoir interpelle, elle, la notion de patrimoine. On peut bien enseigner une histoire douloureuse sans statufier des bourreaux et sans les inclure dans les héritages à valoriser publiquement et à transmettre à la postérité. »
Ceux qui s’érigent contre la statue de Faidherbe ne sont pas contre la France en tant que peuple et civilisation. Ce combat, il faut le rappeler, est mené en toute intelligence avec des Français, vivant en France, opposés aux statues d’oppresseurs coloniaux. Il est également important de préciser que des Français résidant au Sénégal, ont rencontré il y a quelques jours à Dakar des opposants sénégalais à la statue de Faidherbe pour apporter leur pierre à la lutte. Eux ont bien compris, comme le disait le regretté Sankara, que ceux qui exploitent l’Afrique sont les mêmes qui exploitent l’Europe. C’est donc un débat qui va au-delà de tout racialisme étriqué.
A-t-on une bonne prise en se plaçant sur le terrain de la langue ? Demander à ceux que M. Gueye appelle les « défaidherbeurs » d’utiliser une autre langue que le français s'ils sont cohérents est-il pertinent ? Ce n’est pas parce des personnes utilisent une langue donnée qu’elles ne doivent pas dénoncer un oppresseur parlant cette langue. Si l’on suit ce type de raisonnement jusqu’au bout, alors on dira qu’un Amilcar Cabral devait se départir de la langue portugaise avant de dénoncer les colonialistes portugais ; qu’un Cheikh Anta Diop devait cesser d’écrire en français et répudier sa femme française avant de dénoncer le colonialisme français ; qu’un germanophile français célèbre, le père Chaillet, ne devait plus étudier l’allemand en devenant un célèbre résistant à l’occupation allemande. Si ce raisonnement prévaut, alors il faut dire également aux penseurs latino-américains Enrique Dussel et le regretté Aníbal Quijano, qu’ils ont commis une grosse erreur en émettant en espagnol, langue européenne, une critique des savoirs eurocentriques et coloniaux hégémoniques.
Qui se pose la question de savoir si les Algériens de l’après-indépendance devaient se départir de la langue française avant de remplacer la statue du tortionnaire colonialiste Bugeaud – maître à penser de Faidherbe - par celle de l’émir Abdel Kader ? Le fait de parler la langue d’un oppresseur ne délégitime pas la lutte menée contre lui. Au contraire, il la nourrit et la renforce souvent. Nelson Mandela nous dit qu’en prison, la première chose qu’il a comprise c’est la nécessité d’apprendre l’afrikaan, langue des Afrikaners, pour mieux sympathiser avec les gardes, gagner leur confiance, lire les journaux dans cette langue afin de mieux orienter son combat.
Il faut donc être clair : parler la langue d’un tortionnaire ne rend pas invalide le combat mené contre sa statue.
Pour aller plus loin, même ceux qui militent pour les langues nationales ne disent pas de bouter dehors les langues étrangères européennes. Un Cheikh Anta Diop réfutait même l’exclusivisme qui tendait à éliminer les mots d’origine occidentale qui ont acquis droit de cité dans les langues africaines. C’est parce que Diop savait bien que les langues se forment et évoluent par la création de néologismes mais surtout par emprunt à d’autres langues. Dire que ceux qui dénoncent la statue de Faidherbe doivent trouver un « alphabet dépouillé d'origine allogène et d'effluves coloniales », c’est croire encore au mythe nazi d’une langue pure.
Des auteurs africains écrivant dans des langues africaines continuent d’écrire en français ou en anglais. C’est le cas de Boubacar Boris Diop et de Ngugi wa Thiong'o. Boris Diop nous dit bien d’ailleurs qu’il n’a rien contre quelque langue que ce soit, qu’il écrit plutôt « pour l‘humanité entière, consciemment ou inconsciemment ». Mais écrire pour l’humanité entière ne veut pas dire ignorer son audience première. Boris Diop et Ngugi wa Thiong'o ont l’intention de dire aussi au monde qu’ils ont une langue première : « Notre audience, reprend Boris Diop, c’est le monde entier. Mais pour moi, le concept fondamental, c’est celui de l’audience première. Autrement dit : pour qui écrit-on en premier lieu ? À partir de quel lieu va-t-on atteindre le reste du monde ? »
Utiliser par moment le français ou l’anglais ne délégitime pas chez ces auteurs le combat contre la décolonisation des esprits qu’ils appellent de leurs vœux.
Faidherbe, à l’instar de beaucoup de gouverneurs français, parlait très souvent le wolof à ses interlocuteurs sénégalais. Cela ne l’a pas empêché pourtant de massacrer des populations qui parlaient cette langue. André Demaison, dans la biographie qu’il a consacrée à Faidherbe en 1932, nous rappelle que ce gouverneur avait bien compris « l’autorité, la touche directe que l’on acquiert sur les âmes et sur les cœurs des indigènes quand on parle leur langue avec dignité. C’est un élément essentiel d’administration que nos fonctionnaires modernes dédaignent généralement, pour le plus grand dommage de leur esprit et de leur commandement. » Parler la langue de l’indigène, c’était avoir une emprise sur lui. Faut-il alors parler wolof comme Faidherbe pour avoir le droit de décrier sa statue ?
Ce débat sur les statues coloniales et, partant sur le patrimoine, est d’une haute importance. Il ne faudrait pas que certains en fassent une arène de simples gesticulations et l’abordent en dilettante. Il est bien vrai que sa nouveauté fait peur. La gestation d'un monde nouveau est toujours douloureuse. Le crépuscule des idoles laisse un goût amer. Ceux qui appréhendent mal le changement sont ceux-là qui sont incapables de voir la promesse qui s'annonce. Ramener la conversation à une question d’usurpation linguistique doit être perçu comme un signe des derniers spasmes d'un monde en voie de disparition, celui où l’on statufie et glorifie des racistes et autres tortionnaires de la colonisation.
Le philosophe et spécialiste des langues africaines Khadim Ndiaye est basé à Montréal au Canada
Continuera-t-on à laisser mourir sans assistance ceux qui nous ont fait rêver et espérer des lendemains meilleurs, ceux qui sont les vrais ambassadeurs du Sénégal pensant et créatif ? Nous ne réclamons pas de privilèges. Seulement de la reconnaissance
Mardi 21 juillet 2020. Voilà qu’on m’annonce la disparition d’un concitoyen exemplaire dans ce qu’il faisait pour servir son pays, le Sénégal, le faire découvrir et le faire rayonner. Non, il n’était pas un politique au sens où l’on entend ce mot, sous nos cieux. Non, il n’était pas non plus un de ces bonshommes pleins aux as que les griots chantent et qui tapissent de billets de banque les scènes de spectacles devant lesquelles les femmes vont pervertir leur âme et la jeunesse désœuvrée dilapider son énergie. Était-il d’ailleurs connu et véritablement reconnu dans ce pays où un éminent professeur d’histoire affirmait, en substance, que c’était un crime d’être compétent et probe ?
Jean-Pierre LEURS vient de tirer sa révérence. Beaucoup de personnes m’écrivent pour dire que c’est avec surprise qu’ils apprennent tardivement la triste nouvelle. Une façon de dire que les grands hommes, chez nous, vivent sans tambour ni trompette et meurent sans bruit, alors que d’autres qui n’ont pas servi mais se sont amplement servis au détriment des populations et du pays ont tous les honneurs de leur vivant et bénéficient d’hommages posthumes de la part des hautes autorités de l’État.
Pour ceux qui l’ignorent Jean Pierre LEURS- Thiampou, pour les familiers- était un homme de théâtre, illustre pensionnaire du Théâtre National Daniel Sorano, dont la prestigieuse troupe d’art dramatique et les émoustillants corps de ballets ont sillonné le monde pour porter au rendez-vous du donner et du recevoir le message de paix et de solidarité d’un peuple précurseur de la promotion de la diversité culturelle et linguistique, un peuple qui vit le dialogue des cultures et celui des religions. Il était précisément un metteur en scène hors pair.
C’est lui qui a porté au petit écran la pièce d’Alioune Badara BEYE : Le sacre du Ceddo. C’est lui qui a signé la mise en scène de la pièce en langue wolof de Cheik Aliou NDAO : Guy Njulli, ainsi que l’adaptation théâtrale du célèbre roman d’Aminata Sow FALL : La grève des battus, qui a remporté, en 1984, trois Prix simultanés, à l’occasion des Journées théâtrales de Carthage, en Tunisie. Il a réalisé le poème dramatique de LS SENGHOR : Chaka, confiant le rôle du chef zoulou à l’incomparable Omar SECK. Il était aussi féru de spectacles sons et lumières, de fresques grandioses comme celle organisée à l’occasion de la célébration du 90 ème anniversaire de la naissance du Poète-président, celle organisée à Thiès lors de la fête lors du 44 ème anniversaire de l’indépendance du Sénégal.
Allons-nous enterrer Thiampou comme on enterre n’importe qui, comme quelqu’un qui n’a rien donné à ses semblables, à son pays ? J’interpelle tous les créateurs, artistes de toutes catégories et écrivains, et d’abord le Ministre de la Culture et de la Communication. Continuera-t-on à laisser mourir sans assistance ceux qui nous ont fait rêver et espérer des lendemains meilleurs, ceux qui sont les vrais ambassadeurs du Sénégal pensant et créatif ? Nous ne réclamons pas d’argent, pas de privilèges. Seulement de la reconnaissance.
À quoi servent les média nationaux s’ils n’offrent pas au peuple et à la jeunesse des modèles exemplaires, des femmes et des hommes au parcours rectiligne et édifiant, authentiques porteurs des valeurs cardinales de notre peuple ?
Cessons de snober nos compatriotes méritants qui vivent parmi nous, se sacrifient à la tâche sans crier sur les toits ni bomber la poitrine. Ne les laissons pas mourir dans l’anonymat pour les décorer à titre posthume et pleurnicher sur leurs tombes.
Jean-Pierre LEURS mériterait bien qu’un théâtre, dans une des régions où il a démontré son génie créateur, porte son nom. Pourquoi pas l’École Nationale des Arts de Dakar où professe son cadet Mamadou Seyba Traoré et où, moi-même, j’enseigne l’écriture dramatique. ?