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29 avril 2025
Politique
AU MALI, LES PROTESTATAIRES DISENT NON À LA CEDEAO
Le mouvement de contestation a rejeté samedi un compromis proposé par la médiation ouest-africaine et prévoyant le maintien au pouvoir du président Ibrahim Boubacar Keita dit "IBK", dont il continue de réclamer la démission
Menée par l'ex-président nigérian Goodluck Jonathan, l'équipe de médiation dépêchée mercredi au Mali par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a de nouveau rencontré vendredi soir le Mouvement du 5-Juin (M5-RFP), l'alliance qui défie le pouvoir dans la rue.
Dans un climat d'exaspération nourrie depuis des années par l'instabilité sécuritaire liée aux violences jihadistes et intercommunautaires dans le centre et le Nord du pays, le marasme économique ou une corruption jugée endémique, la troisième grande manifestation à l'appel du M5-RFP, le 10 juillet, a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers à Bamako.
"La délégation du M5-RFP se démarque des propositions de solutions de la Mission de la Cédéao qui ne correspondent absolument pas aux aspirations et attentes exprimées par le M5-RFP et portées par l’écrasante majorité du peuple malien", a signifié le mouvement dans un communiqué à l'issue de la réunion qui s'est achevée dans la nuit.
Samedi, Goodluck Jonathan a assuré à la presse que les négociations n'avaient pas échoué et que la médiation poursuivrait son travail.
Vendredi soir durant la réunion, la médiation de la Cédéao qui tente d'empêcher que la crise politique au Mali ne s'aggrave encore et d'éviter une nouvelle effusion de sang, a proposé un plan de sortie de crise en plusieurs points, selon le M5-RFP.
Selon le mouvement, ce plan prévoit expressément le maintien du président Keïta dans ses fonctions, ainsi notamment qu'une recomposition de la Cour constitutionnelle - qui a fait déborder la colère en invalidant une trentaine de résultats des législatives de mars-avril -, un réexamen du contentieux électoral et un gouvernement d'union nationale.
"Ces propositions ont réduit tout notre combat à des questions électorales", a regretté devant la presse Choguel Maiga, un des dirigeants du M5-RFP, alliance hétérogène de chefs religieux et de personnalités du monde politique et de la société civile.
Lors de cette réunion, le M5-RFP a "réitéré ses demandes (...) notamment la démission" du chef de l'Etat, mais la Cédéao a fait savoir que cette exigence était "pour elle une ligne rouge", poursuit le mouvement dans son communiqué.
Selon le M5-RFP, les propositions de la médiation sont identiques à celles déjà formulées par le chef de l'Etat et qu'il a déjà rejetées.Elles "ne tiennent aucunement compte du contexte socio-politique et des risques majeurs que la gouvernance de Ibrahim Boubacar Keïta fait peser sur l’existence même du Mali en tant que Nation, République et démocratie".
"Cette exigence de démission est fondée sur l’incapacité avérée de M. Ibrahim B. Keita à redresser le Mali, sa gouvernance ayant conduit à la perte de l’intégrité territoriale et à la dislocation de l’unité nationale, sa perte de légitimité, les violations graves des droits et libertés, et plus récemment les massacres perpétrés (...) contre des manifestants aux mains nues", poursuit-il.
Les trois jours de troubles de juillet, marqués par des saccages et des affrontements entre lanceurs de pierres et forces de sécurité tirant à balles réelles, ont fait onze morts selon les autorités, 23 selon le M5.
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LES DERNIÈRES HEURES D'ADAMA TRAORÉ
Le 19 juillet 2016, à la gendarmerie de Persan, Adama Traoré gît, inanimé. Il est 19 h 05 quand le médecin déclare son décès. Depuis, au gré des expertises contestées et des témoignages contradictoires, cette affaire judiciaire ne s’est jamais refermée
Que s'est-il passé le 19 juillet 2016, jour de la mort d'Adama Traoré ? Une enquête vidéo du Monde.
Le 19 juillet 2016, dans la cour de la gendarmerie de Persan (Val-d’Oise), à une trentaine de kilomètres au nord de Paris, Adama Traoré gît, inanimé. Il est 19 h 05 quand le médecin du SAMU appelé sur place déclare son décès. Depuis, au gré des expertises contestées et des témoignages contradictoires, cette affaire judiciaire hors norme ne s’est jamais refermée.
Grâce à l’analyse des images de vidéosurveillance, au recoupement des échanges radio des forces de l’ordre, aux récits de témoins et à des simulations 3D, l’équipe vidéo du Monde, en partenariat avec le collectif d’experts Forensic Architecture, a reconstitué les deux heures critiques qui ont précédé la mort d’Adama Traoré.
par Ousseynou Nar Gueye
LA HAAC BÉNINOISE, ‘‘IRRÉGULATEUR’’ AUDIOVISUEL PEU BÉNIN
EXCLUSIF BENINPLUS - La HAAC avec ses couteaux d'Anastasie se croit dans la presse du 19ème siècle. L’identité juridique des médias en ligne n’est pas sous la tutelle des juridictions béninoises, surtout quand ces sites ne sont pas en «.bj »
« Il n’y a de libertés non écloses, que lorsque qu’il y a des responsabilités désertées », paraphraserai-je Césaire. Dans une UEMOA où les crispations des pouvoirs se font plus fortes à mesure que les populations des huit pays opérationnalisent de plus en plus leurs libertés au quotidien, ce qui se passe dans un pays, le Bénin, doit interpeller les lanceurs d’alerte de tous les pays de l’Union. Libertés politiques, libertés sociales, libertés économiques, libertés culturelles, libertés médiatiques : quand une seule de celles-ci est étouffée, c’est toutes qui en souffrent. Et la dernière citée de ces libertés, est celle qui rend les autres possibles.
Le Moretti en charge de libertés dont on s’attendait à ce qu’il attentât rapidement à celles-ci, c’est Eric Dupond-Moretti, récemment nommé ministre français de la Justice, et dont on sait les antagonismes avec la magistrature de son pays qu’il a désormais sous sa tutelle. Mais c’est un autre Moretti, Rémi Prospère de ses désuets prénoms, président de la HAAC du Bénin, qui aura dégainé le premier son fil d’étrangleur turc des libertés, dont il a la mission de protéger l’exercice. Le ci-devant président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication du Bénin, le sieur Moretti donc, a « ordonné (rien de moins !), le 7 juillet dernier, la fermeture de tous les médias en ligne du pays, pour cause de prolifération sauvage peu à son goût de chef de gare.
« Tuez-les tous, Dieu reconnaitra les liens (hypertextes) » ? La HAAC choisit de casser le thermomètre désormais vital que sont les sites d’informations, pour mettre fin à la fièvre dont elles se font l’écho chaque jour dans la société béninoise. Dans une belle expression de néo-colonisés, le Bénin s’est longtemps targué d’être le « Quartier latin de l’Afrique ». Eh bien, aujourd’hui, on y perd son latin plutôt, avec le Bénin. Le pays dirigé par Patrice Talon, après avoir restreint comme peau de chagrin le nombre de partis politiques admis à concourir à des élections, en excipant de l’inobservance par ceux-ci de contraintes paperassières, remet ça. Sa HAAC, dont les membres et le président sont nommés par le chef de l’Etat béninois, se fait la talonnette du pouvoir, pour écraser sous son pied toues les médias en ligne du pays : sites d’informations, web TV.
Cela n’est pas tolérable, cela n’est pas acceptable, cela n’est pas légal. Pour réfuter le bien-fondé et l’opportunité très hasardeuse de cette « décision » de la HAAC, on permettra à l’auteur de ces lignes de se réclamer de son statut d’expert en contentieux de la propriété intellectuelle, suite à un certificat passé en 2004 avec comme condisciples des avocats du barreau dakarois, auprès du Centre de Formation Judiciaire de Dakar et de l’IDLO, International Development Law Organization de Rome. Qualité sous laquelle j’exerce aussi comme consultant depuis plus de 15 ans. Vous excuserez le « moi » naturellement haïssable, mais, pour opposer des arguments d’autorité à l’argument de la force de la HAAC, elle m’est aussi importante sur ce sujet que ma double qualité de fondateur de site d’information (Tract.sn) et d’éditorialiste, y compris à titre régulier sur des médias internationaux comme Jeune Afrique ou SenePlus.
Médias international, médias nationaux ? Les médias en ligne que la HAAAC se fait fort de fermer ont-ils un rattachement géographique si évident au Bénin (et donc une subordination automatique à la loi béninoise) ? Rien n’est moins sûr. Et la Nouvelle Tribune (LNT) est le premier média en ligne à avoir opposé à « l’irrégulateur » béninois que les autoroutes de l’information sur lesquelles elle roule ne sont pas sous juridiction du Bénin. Par communiqué du 10 juillet, elle informe que : « le site LNT qui appartenait à deux sociétés (le journal la Nouvelle Tribune au Bénin et la société R. Network au Canada) a été rachetée par une société de droit canadien depuis 2018. De ce fait le site internet ne dépend plus d’aucune manière d’une société béninoise, et donc n’est plus soumise aux décisions venant du Bénin. L’esprit du site reste cependant le même (validé par le contrat de cession) : informer les lecteurs du Bénin mais aussi d’Afrique et de par le monde avec une vision africaine de l’information. Au départ constitué de journalistes béninois du quotidien La Nouvelle Tribune, le site est désormais entretenu par des journalistes de plusieurs pays dont le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso, le Canada et la France. ». BéninPlus.com a aussi rassuré ses visiteurs de ce que « le communiqué de la HAAC n’est ni applicable, ni opposable à BeninPlus » et qu’elle opère « par-delà les frontières ».
L’élément déterminant est, en effet, le centre de la vie juridique, et non pas le lieu où la société exerce matériellement son exploitation (si l’élément intentionnel résulte des énonciations des statuts, au contraire l’élément matériel est plus difficile à découvrir). Concernant l’exploitation dans un pays (le Bénin, dans le cas d’espèce), il faut, en droit commun, l’exercice habituel d’une activité dans ce pays dans le cadre d’un établissement stable et autonome. L’établissement stable est une installation matérielle possédant une certaine permanence et possédant un but économique qui génère un profit. Ces principes sont applicables aux activités marchandes en ligne (ou éditoriales, donc), mais la notion d’établissement stable est plus difficile à cerner et à définir. Elle passe nécessairement par la différenciation entre serveur virtuel et serveur matériel. Le serveur virtuel est une page Web sans autre attache que celle immatérielle qui la relie à son auteur. La page Web n’est pas reconnue comme un établissement stable et il n’y a donc pas d’imposition au Bénin par exemple si l’auteur est implanté à l’étranger. Le serveur matériel est un site Web hébergé par un serveur distinct du producteur. Il s’agira de l’occupation d’un espace sur le disque d’un serveur. Localisé géographiquement par incorporation à un serveur matériel autonome, dans la réalisation d’une activité de nature commerciale, le site Web peut être qualifié d’établissement stable : si le site matériel est implanté au Bénin, il y est imposable lorsque des revenus lui sont imputables. Si ce n’est pas le cas, il n’y est pas imposable. S’il n’y est pas imposable, il n’en est pas non plus justiciable. CQFD. Tout ceci pour démontrer que les médias en ligne présumés béninois auxquels la HAAC de ce pays donne l’ordre de fermer ne tombent pas forcément sous l’impérium abusif de son autorité. Bref, le rattachement géographique au Bénin dont se prévaut la HAAC sur ces sites pour leur appliquer des règlements n'est pas aussi automatique que ça.
C’est la ligne de défense que se doivent d’adopter les médias en ligne béninois, dont très peut utilisent le suffixe de nom de domaine du pays, qui est « .bj » : Il n'est pas du tout évident que le régulateur béninois ait autorité sur un site en « .info » comme le populaire banouto.info ou un site en « .com » comme beninplus.com. Si on se réfère au siège social juridique réel, il n'est pas forcément dans le pays d'exploitation et si on se réfère aux utilisateurs, la chalandise est mondialisée : la (« clientèle » (le lectorat), dont on peut supposer qu’elle est à majorité béninoise et qui ne paie rien au média en ligne pour les informations auxquelles elle accède, n’a de ce fait pas à bénéficier d’une protection commerciale du Bénin).
De plus, la HAAC ne peut pas fermer un média en ligne par décision administrative, tout assermentés que ses membres puissent être. Il lui faut une décision de justice pour chaque site Internet concerné. Et ensuite, obtenir un exequatur de la décision de justice dans le pays d'enregistrement qui, pour banouto.info, est …le Panama. La décision sera exécutée par le Panama si elle est conforme à sa loi. La HAAC avec ses couteaux d'Anastasie se croit dans la presse du 19ème siècle. Les chapitres NIC qui fournissent les sous- domaines dans les noms de domaines internationaux (.com, .net, .info, etc.) ou nationaux (.sn pour le Sénégal, .bj pour le Bénin, .cm pour le Cameroun…) ne sont pas sous l'autorité des gouvernements et ne doivent pas y être. Même si ceux-ci peuvent y être représentés. Les chapitres NIC sont des organisations civiles et non pas gouvernementales.
La HAAC assure constater «une création tous azimuts de médias en ligne sans autorisation préalable», mais reste floue sur les contours de cette nouvelle interdiction. «Il y a des gens qui ne répondent pas aux enquêtes de moralité», s'est défendu un porte-parole de la Haac, Fernand Gbaguidi, lors d'une conférence de presse. «Cela constitue un danger pour le pays». Eh bien, M. Gbaguidi, l’exercice du journalisme n’est pas une activité pour laquelle il faut un certificat de bonnes vies et mœurs, ce vestige administratif colonial, ou un « carnet de santé », avec visites régulières chez le médecin, comme pour les péripatéticiennes au Sénégal. La HAAC avait déjà appelé en 2018 les médias en ligne à venir se faire « régulariser » : plusieurs organes en ligne avaient fait des démarches pour être en règle, ont payé le montant exigé mais la Haac n'a jamais donné suite. C’est la carence de la HAAAC qui est donc en cause, et non celle des médias en ligne.
Qui gère et attribue les noms de domaines, qui sont l’identité juridique des médias en ligne mis en cause au Bénin ? Au plan international, il s’agit de l'ICANN (The Internet Corporation for Assigned Names and Numbers). L’ICANN est un organisme privé, représentant plusieurs organismes et institutions, bien que placé sous la tutelle du ministère du Commerce américain. L'ICANN délègue la gestion des noms de domaines à des entreprises spécifiques (appelées registry operators). Par exemple, Educause = la gestion du domaine .edu
Plus près de notre culture institutionnelle africaine francophone subsaharienne, en France, ils sont gérés par un organisme : l’AFNIC (Association Française pour le Nommage Internet en Coopération). Depuis janvier 1998, responsable du domaine national .fr et .re (pour la Réunion), l'AFNIC, qui a pris la suite de l'INRIA et du NIC-France, est composée de trois grands collèges distincts :
- les prestataires Internet,
- les utilisateurs, personnes morales (entreprises, établissements) ou physiques (particuliers),
- les organisations internationales ou francophones.
Il ne saurait en aller autrement dans nos pays africains et donc au Bénin : le nommage et donc l’identité juridique des médias en ligne n’est pas sous la tutelle des juridictions béninoises, surtout, on le répète, quand ces sites ne sont pas en « .bj ».
Léon Anjorin Koboubé, expert en communication interrogé par l'AFP, a raison de dire que la HAAC veut « tuer les initiatives locales», avec cette décision «anachronique et contre-productive, qui ne cadre pas avec le contexte technologique au 21e siècle». Un contexte technologique où tout individu doté d’un smartphone peut, à juste titre, être producteur d’informations à caractère journalistique, notamment sur ses réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Youtube, Instagram, Whatsapp…). De ce point de vue, je préfère d’ailleurs la traduction anglaise de réseaux sociaux, qui est « social media ». Les réseaux sociaux sont bien des médias et les premiers médias au monde sont Facebook et Twitter, sur lesquels s’informe la majorité des habitants du monde libre (Chine exclue). Dans une économie de la presse où les modèles se recherchent encore et s’éprouvent chaque jour, le Bénin devait plutôt s’honorer de la vitalité des médias en ligne « béninois », qui créent du contenu local et des emplois pour les jeunes. Et s’il y a un chantier de contrôle technologique dont le Bénin doit se préoccuper, c’est plutôt de mettre en place un RGPD (Règlement Général de Protection des Données), qui garantisse que les citoyens majeurs et vaccinés donnent leur consentement quand ils accèdent à un site et y contrôle l’utilisation de leurs données. Mais bon, le Bénin n’est pas le seul pays africain à la traine en matière d’élaboration de RGPD….
Au total, plutôt que technique, cette question de la fermeture brutale, unilatérale et totale des médias en ligne au Bénin est politique et sociétale : on ne peut y voir autre chose que la poursuite par le président Patrice Talon, de la pente autoritaire dans laquelle il a engagé le Bénin, prétendant diriger le pays comme une entreprise : avec mises à pied, blâmes, avertissements et …mises en chômage technique de citoyens, transformés en employés.
A cet égard, il faut rappeler que plusieurs journalistes et blogueurs ont déjà été poursuivis depuis l'adoption, en avril 2018, d'une loi portant Code du numérique, criminalisant les délits de presse en ligne et notamment le partage de «fausses informations» sur les réseaux sociaux.
En vertu de cette loi, Ignace Sossou, journaliste d'investigation pour le site Benin Web TV, a été arrêté en décembre 2019, après avoir relayé des propos critiques du procureur de la République à l'encontre du pouvoir, sur Facebook et Twitter. Il avait finalement été lourdement condamné à 12 mois de prison, dont 6 mois ferme pour «harcèlement», bien que les propos retranscrits aient été tenus.
Le fin mot de cette histoire est que on veut réduire au silence les médias en ligne que le pouvoir en place ne parvient pas à contrôler comme c'est le cas pour les médias traditionnels, avec une télévision d’Etat qui ne couvre d’ailleurs pas les activités de l’opposition.
Il s’agit, ni plus, ni moins, que d’une tentative de purge dans les médias avant l'élection présidentielle, prévue en avril 2021. La moindre des choses est pour nous, Africains des médias, de la dénoncer. Et pour les médias en ligne « béninois » : de refuser de s’y plier. Pour obliger le régime Talon à se résoudre à couper Internet dans le pays, l’exposant ainsi à la face du monde comme le pouvoir à tendances liberticides qu’il est.
Ousseynou Nar Gueye est fondateur-éditeur du site d’informations Tract.sn, Expert en Contentieux de la Propriété Intellectuelle
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LE RESPECT DES DEUX MANDATS EN AFRIQUE ?
''Si le Sénégal veut rester une vitrine démocratique, il doit échapper aux dérives politiques du troisième mandat '' selon Mamadou Lamine Diallo
Sputnik France |
Christine H. Gueye |
Publication 17/07/2020
Si le Sénégal veut rester une vitrine démocratique, il doit échapper aux dérives politiques du troisième mandat, aux dérives économiques des passe-droits à des élites corrompues et continuer à respecter les libertés publiques. Avec les retombées du pétrole et du gaz prévues pour 2023, le pays de la Téranga n’a jamais été aussi proche d’émerger. Le polytechnicien et ingénieur des Mines, le parlementaire Mamadou Lamine Diallo, président du mouvement Tekki (être utile), en est convaincu. Pour éviter que le pays ne sombre dans les violences politiques et sécuritaires qui secouent son voisin malien, il exhorte son Président à ne pas céder à la tentation d’un troisième mandat. Moins d’omnipotence présidentielle, plus de participation et de respect des électeurs ainsi qu’une émancipation vis-à-vis des grands groupes français -qui n’ont pas réussi à industrialiser le pays- sont des passages obligés, selon lui, pour que le Sénégal décolle.
MACKY SALL SUR LA CORDE RAIDE
Entre récession économique annoncée et incertitudes sur la situation sécuritaire dans la sous-région, les défis du président sont immenses. Y parviendra-t-il avec une concentration excessive des pouvoirs entre les mains ?
Sputnik France |
Momar Dieng |
Publication 17/07/2020
La posture du président Macky Sall, depuis l’adoption en mai 2019 par l’Assemblée nationale d’une loi constitutionnelle supprimant le poste de Premier ministre, fait débat. En première ligne sur toutes les grandes controverses, notamment celles liées à la gestion quotidienne de la pandémie de Covid-19, le Président sénégalais est assailli de toutes parts. Obligé même d’intervenir pour mettre la pression sur son beau-frère de ministre en charge de la distribution des vivres aux populations impactées par le Covid-19.
«C’est le choix du Président de la République de ne pas être en deuxième ou troisième ligne. En tant que clef de voûte de nos institutions, il ne peut être qu’en première ligne. C’est son option. Mais il a des collaborateurs qui l’aident avec dévouement et efficacité. Et ça donne des résultats», répond Abdou Mbow, porte-parole adjoint du parti présidentiel interrogé par Sputnik.
Selon Mbow, par ailleurs premier vice-président de l’Assemblée nationale, le Président Sall s’en tiendra à cette ligne aussi longtemps qu’il en verra la nécessité. «L’idée de ramener le poste de Premier ministre ou de procéder à un remaniement gouvernemental dépend exclusivement de lui et de lui seul.» Un son de cloche qui ne fait pas l’unanimité.
«Continuer à rester sans Premier ministre est un risque qui expose le Président de la République. En lieu et place de la concentration des pouvoirs, l’option de déléguer plus de responsabilités existe. Elle a l’avantage de protéger le chef. Tout système a besoin de fusibles», indique à Sputnik Patrice Sané, militant du parti présidentiel et membre des cadres dudit parti.
La suppression du poste de Premier ministre avait été expliquée par le souci du Président Sall d’accélérer la mise en œuvre des projets et programmes de l’État en éliminant les lenteurs et les blocages dans l’administration. Elle tenait compte, aussi, des rapports difficiles entre l’ex-Premier ministre Abdallah Dionne et plusieurs ministres au cours du mandat présidentiel 2012-2019. Le «fast-track» est ainsi arrivé pour remettre les choses à l’endroit. Mais le doute persiste sur son succès.
«La vitesse n’est pas un gage d’efficacité ni de qualité. Le slogan "fast-track" est-il d’ailleurs bien choisi s’il est rapproché de "fast-food" qui renvoie à "manger vite et manger mal"? La concentration et la personnalisation excessives du pouvoir entre les mains du Président nuisent au bon fonctionnement du travail gouvernemental», écrit dans le journal Sud Quotidien le docteur Maurice Dione, enseignant-chercheur en sciences politiques à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.
Cette verticalité du pouvoir sans un Premier ministre agissant en coordonnateur de l’activité gouvernementale est d’autant plus difficile à perpétuer que Macky Sall entretient lui-même l’incertitude sur ses intentions par rapport à un troisième mandat à la tête du pays en 2024.
En exigeant à ses collaborateurs de déclarer leur patrimoine, après un an de violation flagrante des normes, dans un contexte où le remaniement sourd, Macky Sall a a avoué qu’il y a des ministres hors-la-loi dans son gouvernement
Avril 2019-juillet 2020. Voilà maintenant 15 longs mois que l’Ofnac (Office national de lutte contre la fraude et la corruption) court derrière certains gros bonnets de la République, pour qu’ils fassent leur déclaration de patrimoine. En vain ! Pourtant, la loi n°2014-17 du 2 avril 2014 portant sur la question est très claire. Trois mois après leur nomination, les assujettis avaient l’obligation de faire parvenir la liste de leurs biens à l’organe de lutte contre la corruption. L’article 1er de ce texte dispose : ‘’Les personnes mentionnées à l'article 2 de la présente loi doivent, dans les trois mois qui suivent leur nomination, formuler une déclaration certifiée sur l'honneur, exacte et sincère de leur situation patrimoniale concernant notamment leurs biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis, en application de l'article 380 du Code de la famille. Ces biens sont estimés à la date du fait générateur de la déclaration, comme en matière de droit de mutation à titre gratuit.’’
Normalement, les membres du gouvernement actuel devaient donc s’y soustraire au plus tard en juillet 2019. Mais, à cette date, près de 50 % des assujettis narguaient encore la présidente de ladite institution. Parmi eux, de hautes personnalités de l’Etat et de l’attelage gouvernemental. D’habitude très discrète, trop même, de l’avis de nombreux observateurs de la société civile, la présidente Seynabou Ndiaye Diakhaté avait même été contrainte de se lâcher, devant un parterre d’ordonnateurs et de comptables. C’était le 16 juillet 2019, lors d’un atelier d’échange avec ces derniers. Elle révélait : ‘’A ce jour, on a reçu 680 déclarations, soit un peu plus de 50 % par rapport au nombre d’assujettis.’’
Depuis lors, c’est mystère et boule de gomme. Jusqu’à ce que le président fasse sa déclaration-aveu. En sommant ses ministres, avant-hier, de faire leur déclaration dans un délai de 45 jours, Macky Sall ne semble avoir réussi qu’une chose : porter à la connaissance du grand public que certains de ses ministres continuent de violer allègrement la législation. Qui sont-ils ? Les jours à venir seront certes édifiants.
En attendant, cet ancien membre de l’Ofnac assure que rien n’est nouveau sous le soleil. De 2014 à 2016, pas plus de la moitié des assujettis ne se conformaient pas à la législation en vigueur. Et malgré les multiples invitations de l’ancienne équipe, le chef de l’Etat n’a jamais daigné bouger le plus petit doigt pour inciter ses collaborateurs à respecter la loi. ‘’C’est lui-même qui protégeait certains récalcitrants. Il lui arrivait de se fâcher et de dire : Wày bàyil jàmbur, wày, bàyil jàmbur… (Laissez-le tranquille)’’, confie notre interlocuteur. Malgré sa ténacité, l’ancienne présidente, Mme Nafy Ngom Keita, n’a rien pu faire, jusqu’à son départ forcé de l’institution, avant même son terme.
Il n’empêche, la dernière sortie du président de la République reste pour le moins très troublante, aux yeux de certains observateurs. ‘’C’est étonnant’’, lance le président de Legs (Leadership, éthique, gouvernance et stratégie) Africa, Elimane Haby Kane. Qui ajoute : ‘’Le président sait très bien que c’est une obligation pour ses ministres. La loi leur impose de déclarer leur patrimoine dans un délai bien déterminé. A la limite, c’est un aveu du laxisme au sommet de l’Etat. Pourquoi leur donner 45 jours, alors qu’ils sont déjà en faute depuis des mois ? Ce n’est pas du tout compréhensible. C’est une grosse légèreté, à mon avis. On attend du chef de l’Etat qu’il soit beaucoup plus ferme avec ses collaborateurs qui violent la loi. D’autant plus que l’alerte a été lancée depuis longtemps par la présidente de l’Ofnac.’’
Pourquoi maintenant ?
Pourquoi maintenant ? Telle est la question qui taraude bien des esprits. En tout cas, en une semaine, l’espace politique, surtout le camp présidentiel, a été particulièrement agité. Entre la fronde initiée par le tonitruant député Moustapha Cissé Lo, qui menace de faire des déballages, la publication subite des rapports de l’Inspection générale d’Etat bloqués par le chef de l’Etat pendant 4 ans, les ambitions supposées ou réelles de certains compagnons de guerre… Le moins que l’on puisse dire est que la case du président brûle de partout. Rarement d’ailleurs, estiment certains, le chef de l’Etat n’a semblé aussi affaibli. Y a-t-il une volonté de reprendre la main ou de lâcher quelques collaborateurs ? Les questions vont bon train.
Selon certaines indiscrétions, le chef de l’Etat voudrait peut-être avoir une idée de l’arsenal de guerre sur lequel sont assis certains des membres du gouvernement.
En tout cas, ils sont nombreux les observateurs qui s’interrogent sur la volonté réelle de Macky Sall de promouvoir la transparence avec cette affaire de déclaration de patrimoine. Déjà, depuis des années, dorment sur la table du procureur de la République 25 dossiers du même Ofnac. Rien n’est fait pour élucider la lanterne des Sénégalais sur ces dossiers. Interpellé, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dakar disait : ‘’Tous les rapports de l’Ofnac sont en train d’être étudiés par la section financière de mon parquet. Prochainement, une conférence de presse sera organisée à cet effet. Je vous réunirai. Je sais qu’il y a beaucoup de bruit autour de cette question. Je vous en parlerai.’’ C’était en 2017, au cœur de l’affaire Khalifa Ababacar Sall. Depuis lors, pas grand-chose n’a été fait.
En sus de ces dossiers, il y a eu les rapports de la Cour des comptes et tant d’autres scandales qui ont défrayé la chronique. D’après Elimane Haby Kane, la situation actuelle n’aurait jamais dû exister dans un Etat normal. Et pour changer la donne, il préconise : ‘’Je pense qu’on doit même revoir la loi pour plus d’efficacité. La déclaration de patrimoine doit être faite avant même que le ministre ne prenne fonction. Au même titre que l’enquête de moralité, la déclaration de patrimoine doit faire partie de ces éléments qui valident le dossier d’un ministre. Comme ça, on n’aura plus à courir derrière un ministre pour lui demander de déclarer son patrimoine.’’
Par ailleurs, cette déclaration du chef de l’Etat remet au goût du jour le Code de transparence dans la gestion des finances publiques, adopté en 2012. Des pans entiers de cette législation semblent rangés aux oubliettes, renforçant les doutes sur la volonté réelle des pouvoirs publics. Il en est ainsi de la loi sur l’accès à l’information qui n’a toujours pas été votée. Aussi, se demandent certains observateurs, Macky Sall a-t-il lui-même fait sa déclaration de patrimoine devant le Conseil constitutionnel ? Pourtant, en ce qui le concerne, la loi est très claire. Il ressort de l’article 37 alinéa 3 de la charte fondamentale que : ‘’Le président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique.’’ La publicité n’ayant pas été faite, on peut aisément supposer qu’il n’a rien déclaré, même si un document qu’on présente comme la liste de son patrimoine circule, ces temps-ci, sur les réseaux sociaux.
par Cheikh Kassé
À PROPOS DES ÉCHANGES ENTRE HAMIDOU ANNE ET PAAP SEEN
EXCLUSIF SENEPLUS - Les volontés individuelles de leadership ne suffisent plus. Il faut que de réels processus populaires portent l'alternative. Comment faire en sorte de ne pas être le seul sachant penser, décider pour les autres ?
J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt vos échanges par SenePlus. Paap Seen a raison de dire que ce débat serait plus d’ordre privé. Certes. Mais le fait de le rendre ouvert a permis à beaucoup de lecteurs de vous relire plusieurs fois et de se rendre compte que le devenir alternatif de nos pays et du monde continuent d’intéresser. Franchement, en vous lisant dire que vous en aviez discuté plusieurs fois à domicile, je me suis permis de vous dire que ce débat nous (des amis et moi) l’avons mené, réunis à plusieurs reprises autour des mêmes problématiques : Qu’est-ce qui s’est passé après tous nos engagements ? Que faire ? Et comment faire ?
Mais un mot sur ce NOUS. Des amis et moi dans des discussions informelles. Nous réfléchissons parfois aussi autour d’un thé ou d’un mafé. Notre particularité est que nous, comme vous probablement, avons eu des trajets communs ou individuels adossés à l’héritage de la gauche historique qui, pendant des décennies, s’est engagée pour une réelle alternative révolutionnaire pour le Sénégal, l’Afrique et le monde. La liste de Paap à propos de tous ces hommes et femmes, nos oubliés de l’histoire, nous est intime mais, comme toute liste, elle est incomplète de tous ces anonymes, des milliers à s’être donnés pour ce processus d’émancipation. Mes pensées vont à ces jeunes, ces autres nous-mêmes d’alors qui s’étaient professionnalisés politiquement et qui malgré la débâcle de la gauche restent debout, héroïques et dignes ! J’ai bien des visages d’eux encore cherchant des voies d’émancipation. Ce legs-là, dans ses réussites et ses échecs, ne nous somme pas de céder mais, nous habite par des questions presque que vous posez.
Nous avons, sans épuiser la question, pensé que des choses n’ont pas marché tout le long des engagements. Il y a eu échec au sens politique du terme. Nous avons été plus ou moins d’accord que les catégories de parti, révolution, Etat et autres par lesquels nous nous référions sont à questionner. Car pourquoi les tentatives de construction du socialisme ont échoué de par le monde ? Pourtant, il n’y a nulle désillusion, nul pessimisme quant à ce grand soir qui adviendra parce qu’il n’y a nulle autre solution que de le réaliser.
Alors nous réfléchissons depuis longtemps autour des questions : que faire maintenant ?
Et je veux partager avec vous ces quelques points sur lesquels j’ai beaucoup discuté avec des amis :
Nous avions eu à fétichiser les révolutions, l’idéologie marxiste, les croyances importées et nous sommes passés à côté de leur atypisme, de leur singularité même si elles ont développé des invariants. Nous sommes passés à côté de nos réels avec leurs cosmogonies et leurs imaginaires, leur génie et leur tortueux cheminement pour une vie d’égalité. Nous ne pouvons plus fétichiser, nous voulons être au cœur d’une pensée dynamique ancrée sur nos réels ouverts aux expériences autres dans ce qu’elles ont de partageables par tous.
Vous avez évoqué l’héritage de la Gauche. Elle est riche de ses trajets multiples non seulement ceux du PAI et du RND mais de ceux de beaucoup d’autres organisations ou partis - UDS-RDA, PRA et autres - et d’individualités de la Gauche historique. Et là, Pape a raison de poser la question de ce qu’il faut retenir de cet héritage. Qu’est-ce que nous en faisons dès lors ? En faire un bilan, non comme dans un procès, mais dans le sens d’une analyse, d’un croisement des trajectoires, des séquences qui ont structuré ce cheminement pour en saisir les forces et les faiblesses qui permettent de réactiver une puissance de Gauche. Parce qu’il nous est nécessaire de savoir pourquoi cette formidable épopée n’a pas enfanté ce qu’on mettait à l’époque dans le mot révolution. Et pour dire vrai, les idées de gauche sont hégémoniques mais la Gauche ne l’est pas. Elle est "émiettée" suivant le mot du doyen Alla Kane, dispersée dans le gouvernement et en totale opposition avec lui par des individualités ou des partis. Or, une Gauche hégémonique se fonde sur le socle de ce bilan en termes de ce qui s’est passé, ce qui a été raté, ce qui aurait pu se passer en tenant sur le point fixe des intérêts des masses travailleuses. Car en termes d’alternative réelle, rien ne peut se passer sans se réactiver à partir de ce bilan. Il ne s’agit pas d’en faire un exhaustif mais d’en dégager au fur et à mesure de nos engagements dans les réels de nos pays, des lignes de force, des convergences pour se prémunir de ses erreurs et capitaliser ses réussites. La débâcle idéologique et politique des organisations et partis de Gauche concomitante à leur mise à l’épreuve du pouvoir après l’ouverture intégrale prétendument démocratique, a beaucoup impacté la subjectivité des militants. Il y a eu des cascades d’abandons, de replis, de retournements de vestes. Il y a eu des maladies et des folies, des drames familiaux. Et cette tâche de bilan reste majeure ! Et ce réel bilan n’a pas été fait par les militants survivants de ces époques… Il n’a pas été fait et la jeunesse d’aujourd’hui critiquée par Paap, n’a pas le lien avec la génération d’avant.
Paap Seen évoque aussi l’humain qui est une préoccupation essentielle. Oui, mais dans le sens de son élargissement à tout ce qui le touche et plus particulièrement à la terre et plus prospectivement aux générations à venir. Un ami propose même de ne plus placer l’homme au centre mais de renverser la perspective en plaçant la terre au centre. Puisqu’il faut la sauver de la rapine, de la prédation, de l’exploitation hors des besoins réels des humains par le capitalisme. C’est ainsi que le combat pour l’humain prend tout son sens.
Chaque fois que nous discutions, nous nous constitutions en une instance qui sans se prendre pour un groupe, une organisation, un parti est pourtant l’un ou l’autre. D’ailleurs, il est question de délibérer, de se prendre pour un détachement avancé, une conscience de peuple, de cette Afrique, de ce monde. Mais comme le dit l’adage wolof : «ku ndobin ray sa maam boo gise lu ñuul dow». Là, nous avons beaucoup discuté.
Parce que de ce qui s’est passé il y a au moins un point sur lequel, nous, dans nos débats, sommes tombés d’accord pour le moment car toute vérité est éternellement provisoire : le parti devenu parti-état s’est octroyé tous les pouvoirs au détriment des masses organisées, pour décider, penser pour elles. L’échec de construction de sociétés socialistes est fondé en partie sur l’impossibilité de transférer progressivement le pouvoir aux Soviets en Russie, aux processus populaires dans les autres pays. Hamidou parle d’avant-garde. Cette catégorie doit être soupçonnée. Elle ne devra jamais muter en un parti qui s’arroge tous les pouvoirs.
La question, pour nous alors, est comment nous constituer en puissance tout en destituant, autrement dit comment faire en sorte de ne pas être le seul sachant penser, déclarer, décider pour les autres ? Comment faire de sorte que les masses aussi pensent, déclarent, et décident... Et en toute autonomie.
Si seuls des processus populaires d’autonomie collective peuvent réellement porter une alternative en la pensant, en la décidant, en la déclarant tout en la faisant, en en faisant le bilan, la projection, l’enfantement, etc. Au vu de notre histoire mondiale récente, Burkina avec Sankara, Venezuela avec Chavez, Brésil avec Lula ( ?), etc., nous nous sommes dit que les volontés individuelles de leadership ne suffisent plus. Il faut que de réels processus populaires aient à cœur l’alternative et la portent. Ce qui ne veut point dire que des individualités, des organisations n’émergent pas et ne se structurent pas dans ces processus. Mais, elles ne doivent pas les accaparer.
Que faire ? Une création de lieux multiples de la politique ou une implication dans des lieux déjà existants pour une bataille d’idées pour que cette idée d’émancipation véritable ne soit plus oubliée ou noyée dans des revendications immédiates. Parce que dans la séquence ouverte à partir de 1981, celle de cette ouverture intégrale prétendument démocratique, très peu de fois cette idée a été agitée. Il a été plus question d’élections, de nombre de députés, d’entrisme. Avant oui, on parlait de RND (Révolution nationale démocratique), de RDN (Révolution démocratique nationale ou même de RNDP (Révolution nationale démocratique et populaire), de mbokaan (qui partage), de jalarbi, de Démocratie populaire, de Socialisme, de communisme, etc. Il s’agira de trouver la bonne dialectique entre les luttes immédiates et celles des longs termes. Comme aussi, il faut que notre imaginaire nous trouve les catégories politiques et idéologiques qui nous permettent de penser et d’agir à partir de nos réels. Je rigole en pensant à la catégorie politique de « Ndumbelaan » pour désigner nos républiques et je deviens sérieux en pensant au concept de « Aar li ñu bokk » et à tant d’autres. Un débat est attendu sur cette question. Désormais, nos catégories doivent toucher nos affects, nos vies réelles, nous engager dans nos subjectivités, dans la fête, la joie comme dans le sérieux.
Sur le panafricanisme, dans un débat nous y avons réfléchi et nous nous sommes dit que ce mouvement solidaire pour l’indépendance totale d’une Afrique unie est révolutionnaire mais que la catégorie ne doit pas cacher une simple opposition africaine à l’Europe. Parce que là-bas aussi les masses luttent contre la mainmise entière du capital sur leurs vies. Elles sont contre le capitalisme, la néo-colonisation, le G20 qui décide contre elles et contre l’Afrique et les autres. Nos combats ont les mêmes origines quoiqu’ils soient différents par les réalités géopolitiques.
Le panafricanisme vu alors comme les luttes pour la dignité des africains doit être perçu comme un chemin avec tant d’autres sur d’autres continents conduisant à une terre respectée et une dignité humaine.
Que faire ? Encore investir des lieux (dahira, association, syndicats, partis, etc.) pour construire une idée d’un panafricanisme militant, critique des idées de haine, d’amalgame, un tremplin pour rencontrer les peuples en luttes des autres continents et faire l’émancipation planétaire.
Et nous intellectuels militants de ces idées-là ? La petite bourgeoisie est une classe à risques ; risques de rester prisonnière des tentations d’individualisme, de la chair et du plaisir, de jouissance, d’être habitée par une idée d’une puissance et de pouvoir…, et une capacité à céder aux moindres échecs. Loin de prôner une vie de moine, l’engagement militant requiert quelques sacrifices qui ne renient pas les désirs et les utopies individuels… mais, en tempèrent l’impact sur la dignité des autres et le mouvement solidaire. Pendant des décennies des gens dans ce pays ont tout donné en efforts, en sacrifices. Mais, c’est mon humble avis, nous avons peu déconstruit nous-mêmes. Nous avons porté en partie les mêmes travers, les mêmes défauts des gens de pouvoir que nous dénoncions. C’est pourquoi, les revirements de beaucoup de gens connus avant pour leur engagement n’ont pas manqué dès qu’ils ont été à l’épreuve du pouvoir. Les affects des autres militants ont pris de sacrés coups. Beaucoup de déçus ont quitté les rangs.
Que faire ?
Nous devons commencer à nous déconstruire : échapper petit à petit à la totale emprise de l’argent, des mondanités, du pouvoir de domination tapi au plus profond de chacun de nous… Il nous faut d’ores et déjà bifurquer, abandonner progressivement cet être de consommation de tout et de rien enfoui en nous, instillé par le mode de vie capitaliste. Chacun se fait son petit chemin sur cette question. Si nous ne le faisons pas dès maintenant, nous nous éloignerons des préoccupations des masses dès qu’une situation de pouvoir, d’argent et autres se posent. Les masses auraient lutté pour se voir dirigées par une autre caste. Le grand soir commence par nous dès maintenant.
Les expériences dans les constructions du socialisme (URSS, Chine, etc.) sont à méditer. Une oligarchie bureaucratique militaire a pris le pouvoir.
Des points évoqués rapidement dans les deux textes surtout par Hamidou sont : notre imaginaire, nos cosmogonies. Il est question de se les réapproprier pour comprendre leurs enjeux d’origine, leurs dits réels, leurs constructions. Comme aussi, il convient d’en trouver les traces dans nos langues, nos rites, nos coutumes et de les analyser pour mieux comprendre nos peuples et les transformations qu’ils ont subies, les bifurcations à faire avec eux.
Que faire ?
Trouver la brèche pour se mettre avec eux et apprendre d’eux et construire avec eux ce qui peut se faire pour une alternative où ils ne seront plus écartés des processus de penser, faire, contrôler, etc.
Probablement d’autres discutent comme vous, comme nous. D’autres s’activent, bataillent, cherchent leur chemin. Et un jour, une pensée active au cœur des préoccupations des masses émergera. L’Afrique, le monde l’exigent contre le règne de la barbarie.
Cheikh Kassé est enseignant-chercheur FASTEF/UCAD
Les diférents échanges entre le journaliste, éditorialiste de SenePlus, Paap Seen et l'essayiste, chroniqueur Hamidou Anne, sont à découvrir plus bas :
Nous devons nous assurer une existence sûre et saine dans ce pays qui, au final, est notre seul et ultime refuge et confier nos destinées à des compatriotes désireux de nous servir et non de nous asservir
Il aura réussi, par on ne sait quel subterfuge, à s’installer dans ce pays en mars. La tête dure, le caractère belliqueux, bougon à souhait, il aura anéanti plus d’un espoir et brisé foultitudes de rêves. Toutes les tentatives pour s’en débarrasser ou du moins en juguler les funestes effets ne seront que coup d’épée dans l’eau ou plutôt coup de sabre au vent, l’eau se faisant rare en ces temps de pandémie. Nous avons raté l’occasion de nous administrer le vaccin qui s’imposait, et nous voilà curieusement hésitants et hagards pendant que le sérum est là, à portée de main. La distanciation est le remède indiqué : éloignons-nous-en.
Il faut se demander par quel coup du sort ce monstre est venu frapper à nos portes. Non, il a été fabriqué, par un homme diront certains ou simplement la nature à travers la volonté divine, objecteront d’autres. Qu’importe : il s’est bien installé, se complaisant à nous prendre en otage et ne compte pas s’en aller de sitôt. Il est vrai que dans un pays où la désinvolture passe pour normalité dans les traits de caractère, où il n’y a de communautés que dans les jours heureux, où le combat de tous n’est mené que par quelques-uns, où ceux qui devraient se taire ont pris la place des orateurs indiqués, où ceux qui devraient agir ont les mains désespérément liées, un tel parasite ne trouve aucune peine à mettre à exécution ses funestes desseins.
Nous l’avons accueilli à bras ouverts, espérant que ce serait un de ces épisodes à l’issue heureuse qu’il nous plairait de raconter plus tard à nos enfants. Si, un jour, nous avons la chance et le loisir de le faire, car il faut le reconnaître : les lendemains sont ternes, et aussi hypothétiques que l’apparition d’une sortie favorable.
Tous les signes sont au rouge : règles sanitaires allègrement ignorées de tous comme le sont notre constitution et nos lois de la part de ceux à qui nous avons confié nos destinées ; plateau médical bancal tout autant que notre économie chancelante à la moindre secousse subie ; crédulité incommensurable de ceux d’en haut sur la posologie des priorités malgré les lamentations grandissantes des populations ; théories fumeuses du « médecin » attitré sur l’évolution espérée heureuse de la situation pendant que ses compères rivalisent de grandiloquence sur la pertinence des mesures prises alors que la gangrène s’installe ; le médecin-chef qui ignore royalement les complaintes de ses patients, ceux dont il est justement chargé de panser les plaies et guérir les maux ; une coterie constituée de véritables chantres alimentaires qui vantent ses mérites, louent sa clairvoyance, vendent ses compétences, magnifient son empathie pour ses patients, et par-dessus tout se font un malin plaisir à s’égosiller en pollicitations non policées et qui seront rapidement retirées sur l’autel des comptes à rendre ; l’intendant qui peine à fournir de l’eau potable aux malades et élude habilement par un « ce n’est pas moi » ou dédramatise par cette promesse éculée d’un « retour incessant à la normale » ; les élèves-médecins et enseignants envoyés au front royalement ignorés pendant que ceux qui dorment sous les lambris dorés sont portés aux nues, etc.
Le salut passe avant tout par un désir ardent d’en finir, de revenir à une vie normale et décente.
Il est vrai qu’il n’existe aucun antibiotique à même de nous débarrasser définitivement de ce fléau, aucun anti-inflammatoire capable de calmer la détresse profonde qui sévit aujourd’hui dans le pays marqué entre autres par une justice qui tousse, une économie cherchant désespérément la direction à prendre comme prise de migraines, un système éducatif à l’état fiévreux sur fond de revendications sans cesse ressassées et jamais satisfaites, des forces de sécurité débordées, un système de santé immunodéficient, des infrastructures de transport oblitérantes, des populations assoiffées, un tissu industriel dystrophique. Et par-dessus tout, un gouvernement qui s’essouffle. Quelle calamité !
Voilà le reluisant bilan de corona à l’heure du « déconfinement ».
Cela suffira, certains ont le myocarde sensible et nerveux : un petit coup d’accélérateur pourrait causer un accident.
Le lecteur averti aura vite fait une gémellité avec une réalité connue. L’esprit a cette particularité qu’il est foncièrement rebelle : on ne peut le circonscrire, encore moins lui retirer le droit de vaquer à ses occupations comme l’ont été les sénégalais pendant trois longs mois pour … rien. Car Corona est toujours là, plus fort que jamais, commandant ses troupes en alerte pour mater de l’intrépide, plus pernicieux et vicieux que nous ne pouvons l’imaginer, confortablement installé dans ses quartiers pendant que ses contempteurs cherchent en vain le moyen de s’en débarrasser.
Nous devons nous assurer une existence sûre et saine dans ce pays qui, au final, est notre seul et ultime refuge et confier nos destinées à des compatriotes désireux de nous servir et non de nous asservir.
Il aurait été plus sage, depuis plusieurs années déjà, de s’atteler à régler les vériables priorités pour une réelle émergence et un développement durable : construire des structures de santé dignes de ce nom en lieu et place d’arènes et autres infrastructures qui, la crise aidant, auront démontré toute leur inutilité dans notre quête des fondamentaux pour une vie décente ; renforcer le personnel de santé au lieu de caser de la clientèle politique dans des structures sans intérêt pour le bien-être commun ; réorienter l’économie vers les fondamentaux de la résilience en privilégiant la production agricole et industrielle locale au lieu de favoriser les importations pour les recettes douanières qu’elles peuvent nous conférer ; promouvoir la justice et la bonne gouvernance plutôt que le larbinisme et l’opportunisme et ainsi restaurer les valeurs-socle de l’Etat et la confiance des populations en ses gouvernants ; réduire le train de vie de l’Etat et orienter l’utilisation de nos maigres ressources vers des actions précurseurs de l’auto-suffisance alimentaire, l’accès à l’eau potable, à l’énergie et à l’habitat pour tous ; renforcer la sécurité pour une former société où nous pourrons vivre en harmonie les uns avec les autres ; promouvoir l’entreprenariat des jeunes indépendamment de toute obédience ethnique, politique, régionale ou religieuse.
Mais surtout, pour nos enfants, améliorer l’éducation, base de tout développement harmonieux, afin que le legs que nous leurs laisserons plus tard puisse raviver à chaque instant et vivifier continuellement leur fierté d’être … Sénégalais.
Dire que nous lui avons comme déroulé le tapis rouge, un soir de … mars. Et le voilà qui rempile.
LES BIENS IMMOBILIERS DE JAMMEH DANS LE COLLIMATEUR DE LA JUSTICE AMÉRICAINE
L'ancien président de la Gambie a acheté 281 biens immobiliers avec de l’argent détourné du trésor public, selon une plainte déposée par des procureurs américains qui cherchent à saisir l’une de ses villas
L'ancien président de la Gambie, Yahya Jammeh, a acheté 281 biens immobiliers avec de l’argent détourné du trésor public, selon une plainte déposée par des procureurs américains qui cherchent à saisir l’une de ses villas.
La villa en question est située dans la ville de Potomac, bourgade huppée dans la périphérie de la capitale américaine, Washington.
Selon les procureurs, la villa, qualifiée de somptueuse, est évaluée à 3,5 millions de dollars et doit être saisie car son achat a été rendu possible par la corruption. Ce que la justice américaine ne permet pas.
"Les États-Unis ne permettront pas à ceux qui commettent des crimes d’en tirer profit et nous allons rendre justice aux victimes aussi bien ici qu’à l'étranger", a affirmé Robert Hur, procureur fédéral.
Selon la plainte, l’ex-président Jammeh a ouvert "plus de 100 comptes bancaires" pendant la vingtaine d’années qu’il avait passée à la tête de ce pays enclavé dans le Sénégal.
Arrivé au pouvoir en 1994 à la faveur d’un coup d’État, Yaya Jammeh part en exil en 2016 après avoir été battu par Adama Barrow, l’actuel président. Il vit désormais en Guinée équatoriale.
En 2017 il avait été mis sur la liste des sanctions américaines pour des violations présumées des droits humains.
Il est à préciser que ni M. Jammeh ni les membres de sa famille ne font l’objet de poursuites judiciaires aux États-Unis.
La demande de saisie a été introduite devant un tribunal fédéral situé dans l'État du Maryland.
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LA TERRE VICTIME D'UNE ÉLITE POLITIQUE PRÉDATRICE
Dans ce pays, nous aimons profiter des failles de la loi - Il y a sur la corniche un détournement du bien public au profit de quelques uns - La déclassification n'est pas un permis pour construire n'importe comment - ENTRETIEN AVEC JEAN CHARLES TALL
La question du foncier au devant de l'actualité ces derniers jours, est abordée par l'architecte Jean Charles Tall, au micro de itv. A en croire l'invité d'Alassane Samba Diop, la terre instrument de constitution de richesse par excellence, est aujourd'hui accaparée par une élite qui n'en a cure des législations en la matière. Car estime-t-il, c'est moins la pression démographique que l'avidité de quelques uns qui est à l'origine de la colonisation du domaine public maritime. Jean Charles Tall en veut pour preuve, l'état de la corniche, complètement défiguré et aux antipodes des normes démocratiques censées être la sienne.
L'architecte fait dans cette interview, un diagnostic succint de la situation et propose des solutions pour éviter l'explosion des colères.