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27 avril 2025
Politique
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POUR AMADOU BA, CEUX QUI PARLENT DE REJET DE LA LOI INTERPRÉTATIVE DE L’AMNISTIE SE TROMPENT
Le député dénonce une "désinformation" autour de la décision du Conseil constitutionnel. "Je ne comprends pas l'agitation de certaines à aller dire au public que la loi d'amnistie a été censurée, c'est faux", défend-il
Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision majeure concernant la loi interprétative 08-2025, déposée par les députés de Pastef et votée le 2 avril dernier. Cette décision, loin de constituer un rejet total comme certains l'affirment, établit un principe fondamental concernant les limites de l'amnistie au Sénégal, selon Amadou Ba, initiateur du texte.
D'après les explications du député, invité de l'émission "Soir d'infos" sur TFM mercredi 23 avril, le Conseil constitutionnel a confirmé que "les crimes de sang, assassinats, meurtres et tortures ne peuvent être couverts par une loi d'amnistie", conformément aux engagements internationaux du pays. Le considérant 31 de la décision marque ainsi, selon lui, une évolution notable par rapport à la jurisprudence antérieure de 2005, qui accordait au législateur un pouvoir quasiment illimité en matière d'amnistie.
Cette clarification juridique ouvre désormais la voie aux victimes et aux familles des personnes assassinées ou torturées pour saisir les tribunaux et faire valoir leurs droits, dès la publication de la décision au Journal officiel, à en croire le parlementaire. "Toutes les victimes vont pouvoir brandir ce considérant 31 et se présenter devant les procureurs des différentes juridictions de ce pays", souligne-t-il.
À l'en croire, le Conseil a certes censuré une partie du texte concernant l'exclusion du bénéfice de l'amnistie pour ceux qui "exerçaient une liberté publique ou démocratique", mais cette censure partielle ne remet pas en cause l'objectif principal visé par les auteurs de la loi.
Le député a également justifié le choix d'une loi interprétative plutôt qu'une abrogation totale, qui aurait pu entraîner le retour en prison de toutes les personnes libérées et provoquer une désorganisation judiciaire conséquente.
Cette décision du Conseil constitutionnel intervient dans un contexte politique tendu, alors que l'Assemblée nationale s'apprête également à examiner la mise en accusation de cinq anciens ministres devant la Haute Cour de Justice, pour des faits qui concerneraient notamment la gestion des fonds Covid.
L’APR CRIE VICTOIRE APRÈS LE REJET DE LA LOI D’INTERPRÉTATION
L’ex-parti au pouvoir dénonce une dérive autoritaire du régime actuel et appelle au respect strict de la décision du Conseil constitutionnel.
Dans un communiqué, le Secrétariat Exécutif National de l’Alliance Pour la République (APR) s’est félicité de la décision du Conseil Constitutionnel de rejeter la loi d’interprétation adoptée par la majorité parlementaire du parti Pastef. Pour l’APR, cette décision représente une victoire du droit et de la légalité contre ce qu’elle qualifie de « manœuvre scélérate ».
Le parti fondé par l’ex-président Macky Sall a tenu à saluer « chaleureusement » les parlementaires qui ont saisi le Conseil Constitutionnel, estimant qu’ils ont ainsi démontré leur attachement aux institutions républicaines et au respect scrupuleux des règles démocratiques.
Dans son communiqué, l’APR n’a pas mâché ses mots à l’égard du pouvoir en place, parlant d’un « désaveu cinglant » pour le président de la République, son Premier ministre et une « majorité mécanique » de députés. Le parti dénonce un régime qu’il qualifie d’amateur, manipulateur et en constante violation des principes fondamentaux de l’État de droit.
Le Secrétariat Exécutif National appelle les autorités à respecter sans condition la décision du Conseil Constitutionnel, insistant sur son caractère définitif et contraignant pour tous. L’APR exhorte également le peuple sénégalais à rester vigilant face à toute tentative de passage en force qui viserait, selon elle, à satisfaire une « volonté de vengeance » du régime actuel.
Enfin, l’APR dénonce ce qu’elle considère comme un « acharnement » contre les anciens dirigeants sous couvert de reddition des comptes, qu’elle qualifie de « vulgaire règlement de comptes ». Le parti exige la libération immédiate des détenus politiques et d’opinion, affirmant sa détermination à défendre les libertés fondamentales.
LE COMMUNIQUÉ DU CONSEIL DES MINISTRES DU MERCREDI 23 AVRIL 2025
Le Chef de l’Etat a souligné le caractère fondamental de la valorisation des résultats de la recherche et de nos capacités d’innovation dans les lettres de politique sectorielle, les stratégies industrielles, numériques et technologiques définies.
Le Chef de l’Etat, Son Excellence, Monsieur Bassirou Diomaye Diakhar FAYE a présidé, ce mercredi 23 avril 2025, la réunion hebdomadaire du Conseil des Ministres, au Palais de la République.
A l’entame de sa communication, le Président de la République a présenté les condoléances de la Nation et a exprimé sa compassion à la communauté catholique, suite au décès du Souverain pontife, Sa Sainteté le Pape François. Le Pape François fût un homme de foi et de paix, particulièrement engagé et attaché à la justice sociale, notamment à la défense des couches les plus vulnérables. Dans le contexte des célébrations de la fête de Pâques, il a adressé ses chaleureuses félicitations à la communauté chrétienne et a prié pour un Sénégal de paix, de prospérité et de solidarité.
Le Chef de l’Etat a abordé la problématique du développement de la recherche et de l’innovation dans l’agenda national de transformation. L’ambition pour un Sénégal souverain, juste et prospère, place la recherche et développement et l’innovation au cœur de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques publiques. A ce titre, il a demandé au Ministre chargé de la Recherche et de l’Innovation de finaliser, avant fin juin 2025, la cartographie de la recherche et de l’innovation en indiquant les infrastructures et les équipements disponibles, mais également le capital humain national mobilisé dans la sphère publique et le secteur privé.
Le Président de la République a indiqué au Premier Ministre et au Ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et aux Ministres en charge de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique en particulier, la nécessité de travailler à la validation, avant fin août 2025, d’un document de politique nationale de recherche et d’innovation impliquant les acteurs publics et privés, les universitaires, les chercheurs, les industriels et toute autre partie prenante. Il a aussi demandé au Premier Ministre d’assurer la mise en cohérence, la supervision des programmes ministériels d’investissement dans la recherche, la promotion de l’innovation et de veiller à leur convergence avec les besoins sectoriels du pays.
Le Chef de l’Etat a souligné le caractère fondamental de la valorisation des résultats de la recherche et de nos capacités d’innovation dans les lettres de politique sectorielle, les stratégies industrielles, numériques et technologiques définies, les programmes et projets déployés. Il a indiqué, en outre, l’importance du soutien de l’Etat à la création d’entreprises technologiques et de laboratoires de recherche, au renforcement adéquat des écoles d’ingénieurs et des instituts de recherches mais aussi au financement et à l’accompagnement adaptés au développement de la recherche et de l’innovation. A cet effet, le Président de la République a demandé au Premier Ministre, au Ministre en charge de la Recherche et au Ministre des Finances et du Budget de rationnaliser toutes les aides et l’essentiel des fonds publics destinés à la recherche, dans le cadre d’un Fonds national pour le Développement de
la Recherche et de l’Innovation, avec de nouveaux mécanismes de mobilisation et d’allocation de ressources à travers des contrats de performance intégrant des objectifs de résultats bien ciblés. Dans ce sillage, il a demandé au Premier Ministre, de mettre en place un Conseil national de la Recherche et de l’Innovation pour matérialiser la nouvelle politique de recherche et d’innovation endogène et arrimée aux meilleurs standards internationaux. Pour clore ce chapitre, il a magnifié la participation remarquable de la délégation sénégalaise au 50ème Salon international des Inventions de Genève tenu du 09 au 13 avril 2025 et adresse ses vives félicitations aux lauréats.
Le Président de la République est revenu sur la question de l’amélioration et de l’attractivité du Sénégal et de l’optimisation des procédures dans la transparence en vue d’accélérer la mise en œuvre des programmes et projets. En effet, l’attractivité et la compétitivité de l’économie nationale s’érigent en priorités. A cet égard, il a indiqué au Gouvernement que le déploiement performant de l’Agenda national de Transformation exige une maitrise parfaite des procédures administratives et de passation des marchés mais également de toutes les actions visant la réalisation, dans les délais, des infrastructures, programmes et projets financés dans le cadre du budget de l’Etat et du partenariat public-privé. Il a aussi demandé au Premier Ministre de veiller à la finalisation de la réforme relative au Code des Investissements ainsi qu’à la célérité requise des structures publiques dans l’instruction optimale et transparente des dossiers d’investissements privés crédibles et conformes aux priorités de la Vision Sénégal 2050. Dans le même élan, il a appelé le Premier Ministre à travailler à la certification des procédures notamment au sein de l’Autorité de Régulation de la Commande publique (ARCOP) et de la Direction centrale des Marchés publics (DCMP) pour plus de célérité dans le traitement des dossiers tout en garantissant la transparence.
Le Chef de l’Etat a réitéré au Gouvernement, aux Centrales syndicales, au Patronat et à toutes les forces vives de la Nation son attachement constant au dialogue et à la concertation comme méthode de gouvernance. Dans ce contexte de renforcement conséquent du dialogue social tripartite (Etat, Patronat, Syndicats), il a demandé au Ministre en charge du Travail de faire le point sur le processus de conclusion du Pacte national de Stabilité sociale, l’état de prise en charge des cahiers de doléances des centrales syndicales en perspective de la fête du travail, le 1er mai 2025, et les enseignements et recommandations du rapport 2024 sur les statistiques du marché du Travail. Enfin, le Président de la République a informé le Conseil qu’il présidera, jeudi 24 avril 2025, la cérémonie d’ouverture de la quatrième édition de la Conférence sociale placée sous le thème de l’employabilité et de l’emploi des jeunes.
À l’entame de sa communication, le Premier Ministre a souligné que les opérations de reddition de comptes en cours, conformes aux engagements électoraux de Monsieur le Président de la République, sont une exigence dans une démocratie. Il a relevé qu’un tel exercice doit aller de pair avec la mise en œuvre des actions requises pour bâtir une patrie forte souveraine et prospère portée par un sursaut national face aux nombreux défis à surmonter dans le contexte de la situation critique des finances publiques. À cet égard, il a informé le Conseil que le Gouvernement présentera, dans les prochains jours, au peuple sénégalais et aux partenaires techniques et financiers, un plan structuré, détaillé et chiffré de relance, adossé à l’Agenda national de Transformation systémique du pays.
Le Premier Ministre a ensuite axé sa communication sur la prise en charge des enfants de la rue et sur le phénomène de la mendicité publique et du vagabondage en général. Concernant la prise en charge des enfants de la rue, le Premier Ministre a marqué la forte préoccupation du Gouvernement face à ce phénomène de violation grave des droits de l’enfant garantis par le Constitution du Sénégal et les divers textes internationaux. Il a rappelé les différentes initiatives prises par le Sénégal, notamment la « Stratégie de protection de l’enfant », le Projet
« Zéro enfant en situation de rue » et le « Programme de Modernisation des Daara », qui n’ont pas produit les impacts attendus. Un nouveau paradigme s’impose donc dans le contexte de la Vision Sénégal 2050 qui place l’avenir de l’enfant au cœur de la promotion d’un capital humain de qualité et de la promotion de l’équité sociale. Il s’agira de parvenir, une fois pour toutes, au retrait des enfants en situation de rue et à leur réinsertion socio-économique.
Dans cette perspective, le Premier Ministre a soumis à Monsieur le Président de la République la proposition faite par le Ministre de la Famille et des Solidarités, relative à l’organisation des Assises de la petite enfance destinées notamment à proposer des solutions concrètes, durables et adaptées au contexte sénégalais, en synergie avec l’ensemble des parties impliquées, sur la base de l’identification précise des obstacles qui entravent l’éradication du phénomène des enfants en situation de rue.
Sur la base des directives arrêtées par le Chef de l’Etat, il a invité le Ministre de la Famille et des Solidarités à prendre les dispositions appropriées pour la bonne organisation de ces Assises, en relation avec les Ministres chargés de la Justice, de la Santé et de l’Action sociale, de l’Education nationale ainsi que de l’Intérieur et de la Sécurité publique.
Abordant le phénomène relatif à la lutte contre la mendicité publique et le vagabondage, le Premier Ministre a déploré son accentuation malgré un arsenal légal dissuasif et la mise en place d’organes dédiés. Il a rappelé les dispositions légales pertinentes relatives à l’incrimination de la mendicité, du vagabondage et de l’exploitation de la mendicité d’autrui ainsi qu’à la protection des victimes d’exploitation de la mendicité et à la protection de l’enfant en danger.
Sur cette base, il a engagé les Ministres chargés de la Justice, de la Famille, de l’Intérieur et de la Sécurité publique, des Forces armées ainsi que des Affaires étrangères de lui soumettre, au plus tard fin octobre 2025, une stratégie de riposte à présenter à l’approbation de Monsieur le Président de la République. Cette stratégie devra couvrir, entre autres, les axes suivants :
la mendicité des mineurs, par des mesures d’opérationnalisation de la Brigade spéciale de protection des mineurs, devant permettre l’identification des parents de tout mineur trouvé dans la rue et éventuellement des personnes chargées de sa garde afin que des poursuites puissent être engagées à leur encontre ;
la mendicité des étrangers, par des mécanismes de concertation avec les pays d’origine pour le retour organisé de leurs ressortissants et par l’application des mesures d’éloignement dès la prise des décisions de condamnation à leur égard.
AU TITRE DES COMMUNICATIONS DES MINISTRES :
Le Ministre de la Formation professionnelle et technique, Porte-parole du Gouvernement a fait une communication sur l’état d’avancement des projets de construction et d’équipement de centres de formation professionnelle ;
Le Ministre de l’Industrie et du Commerce a une communication sur le PROMOGEN et la lutte contre les incendies dans les marchés ;
Le Ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les Institutions a fait une communication sur le déroulement de la 4ème Conférence sociale sur l’emploi et l’employabilité au Sénégal, la préparation de la fête internationale du travail et les travaux relatifs au pacte de stabilité sociale.
AU TITRE DES TEXTES LEGISLATIFS ET REGLEMENTAIRES,
Le Conseil a examiné et adopté :
le projet de décret portant création et fixant les règles d’organisation et de fonctionnement du Comité d’appui au pilotage de l’Agenda national de Transformation de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (CAP-ANTESRI) ;
le projet de décret relatif à la commercialisation des aliments destinés aux nourrissons et aux jeunes enfants.
AU TITRE DES MESURES INDIVIDUELLES,
Le Président de la République a pris les décisions suivantes :
Au titre du Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères :
Monsieur Mouhamed KONATE, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 606 883 I, est nommé Secrétaire général adjoint au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en remplacement de Monsieur Malick DIOUF, appelé à d’autres fonctions ;
Monsieur Babacar BA, Administrateur civil, matricule de solde n° 611 532 B est nommé Directeur de l’Intégration africaine et du Panafricanisme au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, et Responsable du Bureau national de la CEDEAO ;
Monsieur Talla GUEYE, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 624 531 E, est nommé Directeur de la Coopération bilatérale africaine au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères ;
Monsieur Mamadou Mounsir NDIAYE, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 624 499 D, est nommé Directeur des Organisations internationales au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en remplacement de Monsieur Pierre FAYE, appelé à d’autres fonctions ;
Madame Cathy DIAGNE THIOYE, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 624 487 E, est nommée Directeur Asie, Pacifique et Moyen-Orient au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en remplacement de Monsieur Ousmane DIOP, appelé à d’autres fonctions ;
Monsieur Abdoulaye KEITA, Conseiller des Affaires étrangères, matricule de solde n° 624 500 C, est nommé Directeur Europe, Amérique et Océanie au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères, en remplacement de Monsieur Ousmane Camara DIONGUE, appelé à d’autres fonctions ;
Monsieur El Hadji Abdoul Karim CISSE, Économiste, titulaire d’un Master en Méthodes statistiques et économétriques, est nommé Directeur des Sénégalais de l’Extérieur au Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères.
Le Ministre de la Formation professionnelle et technique, Porte-Parole du Gouvernement
Amadou Moustapha Njekk SARRE
par Amadou Thiourou Barry
REFONDER LA DÉMOCRATIE SÉNÉGALAISE : ENTRE RUPTURE ET RECONSTRUCTION
Face à une société civile de plus en plus exigeante, le dialogue politique à venir représente une opportunité historique pour repenser en profondeur notre contrat social et éviter le piège de la banalisation des crises
Le Sénégal a longtemps été présenté comme un modèle démocratique en Afrique de l’Ouest. Cette réputation flatteuse, bien que partiellement méritée, ne saurait occulter les failles profondes de notre système politique. Depuis l’indépendance, notre démocratie repose sur une architecture institutionnelle fondée sur le présidentialisme fort, hérité de la Constitution gaullienne de 1958, que nous avons trop souvent reconduit sans le remettre fondamentalement en question. Ce choix historique, fait dans un contexte de construction étatique fragile, a permis d’éviter certaines dérives autoritaires visibles ailleurs. Mais il a aussi figé notre vie politique dans un déséquilibre structurel.
Le pouvoir exécutif concentre toujours l’essentiel de la décision publique, marginalisant l’Assemblée Nationale, fragilisant l’indépendance de la justice et transformant les institutions de contrôle en coquilles vides ou en instruments de régulation politique à géométrie variable. Cette hypercentralisation nourrit une logique verticale du pouvoir, où la citoyenneté se vit en position subalterne. Le président de la République reste la figure dominante de la vie politique, souvent perçu comme une providence ou un recours, dans une culture politique qui personnalise à l’excès les fonctions publiques et réduit l’État à une pyramide d’obligations et de loyautés.
Dans ce contexte, le multipartisme n’a pas produit le pluralisme espéré. Les partis politiques sénégalais, à de rares exceptions près, ne remplissent plus leur mission de médiation entre la société et l’État. Vidés de leur substance idéologique, souvent construits autour de leaders providentiels, ils sont devenus des instruments de carrière plus que de conviction. L’absence de démocratie interne, la volatilité des alliances et le phénomène récurrent de transhumance sapent la crédibilité du jeu politique. La citoyenneté, dans ce cadre, devient résignation ou colère, abstention ou fuite.
Car les alternances qui ont jalonné notre histoire récente – en 2000, 2012, et plus récemment en 2024 – n’ont pas rompu avec cette logique. Elles ont souvent servi de soupape à une société en tension, mais ont rarement enclenché des réformes structurelles. Avec l’arrivée d’Abdoulaye Wade au pouvoir en 2000, beaucoup espéraient une nouvelle ère. Mais la promesse fut vite trahie par une série de réformes opportunistes, un tripatouillage constitutionnel permanent et des projets de succession dynastique qui ont nourri un sentiment de trahison. Macky Sall, arrivé au pouvoir en 2012 sur la base d’un discours de rupture a lui aussi contribué à renforcer les dérives du système : verrouillage du jeu politique, promotion d’un régime hyperprésidentiel étouffant les contre-pouvoirs. Le discours de rupture est devenu une rhétorique usée, où la promesse de changement masque le recyclage des pratiques anciennes. Même ceux qui se présentaient comme des adversaires du "système" se sont empressés d’en adopter les codes dès leur accession au pouvoir.
Pourtant, la demande sociale de transformation est bien réelle. Les mobilisations citoyennes, portées par des mouvements ou des collectifs de jeunes et de femmes, ont révélé une aspiration profonde à plus de justice, de transparence et de dignité. Mais cette énergie citoyenne a souvent été marginalisée par les institutions, ou cooptée par le pouvoir politique. Elle peine à s’inscrire dans des mécanismes durables de décision et de contrôle. C’est pourquoi le prochain dialogue politique national doit éviter d’être un énième exercice d’apaisement entre élites politiques. Il doit être l’occasion d’un aggiornamento démocratique, d’une réinvention concertée de notre contrat social. Refonder la démocratie sénégalaise exige de briser plusieurs tabous.
D’abord celui du régime politique. Il est temps de questionner sérieusement le présidentialisme hégémonique, et d’envisager des alternatives : un régime plus équilibré, une limitation claire des pouvoirs du chef de l’État, une séparation effective des pouvoirs. Cela suppose également de renforcer l’Assemblée Nationale, de garantir son autonomie, et d’améliorer la qualité de la représentation nationale. Cette institution doit retrouver sa fonction de contrôle effectif de l’exécutif, avec une capacité d’enquête parlementaire renforcée, un droit d’initiative législative réel, et une pluralité de voix représentées. Quant à la Justice, elle ne saurait continuer à être un instrument politique. Il faut revoir en profondeur la gouvernance du Conseil supérieur de la magistrature, assurer une séparation claire entre le parquet et le pouvoir exécutif, et garantir que les juges constitutionnels soient désignés de manière indépendante. L’Ofnac, la Cour des comptes et les juridictions de contrôle doivent être protégées contre les pressions politiques et disposer de moyens réels d’action. Le débat sur le régime ne doit pas être confisqué par les juristes ou les technocrates : il concerne tous les citoyens, car il détermine le rapport de chacun à la décision publique.
Ensuite, la réforme des institutions ne saurait suffire sans une transformation profonde de la culture politique. La démocratie ne peut survivre dans un environnement où les acteurs sont corrompus, où les partis politiques sont financés de manière opaque, et où les citoyens n’ont aucun contrôle sur leurs représentants. Trop de formations politiques restent structurées autour de figures individuelles, sans idéologie claire ni fonctionnement démocratique interne. Les partis doivent redevenir des espaces de débat, d’éducation politique et de propositions. Il faut une moralisation rigoureuse de la vie publique : obligation de transparence patrimoniale, casier judiciaire vierge pour les candidats, financement public conditionné à la démocratie interne des partis. Un mandat électif ne peut être un sauf-conduit pour l’impunité. La centralisation excessive de notre système étouffe les initiatives locales et favorise l’inefficacité. Les collectivités territoriales doivent recevoir les moyens – humains, financiers, techniques – d’assumer leurs missions. Une véritable décentralisation est aussi une manière de rapprocher le citoyen de la décision publique. Il faut également garantir une représentativité plus inclusive : accès des jeunes et des ruraux à la décision, réforme électorale favorisant la diversité sociologique et non les logiques de rente politique.
Mais la démocratie ne vit pas que dans les institutions : elle se nourrit de la participation quotidienne. Il faut instaurer de nouveaux espaces de démocratie directe et délibérative : référendums citoyens, pétitions à valeur législative, budgets participatifs dans les collectivités locales. L’école, les médias, les réseaux sociaux doivent devenir des lieux d’apprentissage civique, où la citoyenneté s’exerce et se construit dès le plus jeune âge. C’est par cette dynamique que nous pourrons retisser les liens entre institutions et société.
Ce projet est ambitieux, mais il est nécessaire. Le dialogue politique qui s’annonce doit être à la hauteur de ce moment historique. Il doit écouter, inclure, transformer. Il ne s’agit pas de trouver un consensus mou entre forces partisanes, mais de repenser en profondeur notre architecture politique, en interrogeant ses fondements, ses objectifs et ses résultats. L’histoire nous enseigne que les nations qui progressent sont celles qui savent, à certains moments-clés, se réinventer sans se renier. Le Sénégal est à ce carrefour.
Rompre avec les pratiques anciennes ne signifie pas rompre avec notre histoire. Cela signifie en assumer les leçons, et tirer de nos échecs comme de nos réussites les principes d’un nouvel ordre politique. Il ne s’agit pas de faire table rase, mais de faire mieux, autrement, avec tous. La démocratie ne peut pas se contenter d’être une alternance de visages. Elle doit devenir une alternance de pratiques, de valeurs, de priorités.
Le peuple sénégalais a fait preuve, au fil des décennies, d’une maturité remarquable. Il mérite une République à sa mesure : juste, équitable, accessible. La refondation que nous appelons de nos vœux ne viendra pas d’un seul homme, ni d’un seul camp. Elle devra être l’œuvre collective d’une société qui refuse de choisir entre résignation et explosion, et qui revendique le droit de gouverner son avenir.
Le Sénégal peut être à l’avant-garde d’une nouvelle génération démocratique africaine. Mais cela passe par un sursaut. Par une rupture assumée. Par une reconstruction patiente. Ce dialogue qui vient est peut-être notre dernière chance d’échapper à la banalisation de la crise et à la dérive autoritaire. Saurons-nous la saisir ?
LES ÉVANGILES SELON MAGA
Milliardaires athées, théologiens réactionnaires, complotistes et évangéliques s'unissent sous la bannière du nationalisme chrétien avec un objectif : "mettre fin à la démocratie américaine telle que nous la connaissons", révèle Katherine Stewart
(SenePlus) - Katherine Stewart, journaliste américaine qui a infiltré pendant plus de quinze ans les mouvements nationalistes religieux américains, dévoile les dessous de cette puissante machine politique dans un entretien accordé au journal Le Monde paru ce 23 avril 2025. Son analyse, issue de son dernier ouvrage "Money, Lies and God: Inside the Movement to Destroy American Democracy", déconstruit méthodiquement ce mouvement qu'elle considère comme une menace réelle pour la démocratie américaine.
Le nationalisme chrétien américain, explique Stewart, réunit sous la bannière MAGA (Make America Great Again) des acteurs aux profils étonnamment divers : "des prétendus 'apôtres' de Jésus, des milliardaires athées, des théologiens catholiques réactionnaires, des intellectuels pseudo-platoniciens, des opposants à la 'gynocratie' qui détestent les femmes, des évangéliques à la tête de réseaux puissants, des pronatalistes, des complotistes du Covid-19". Malgré cette apparente hétérogénéité, la journaliste souligne que "ces groupes éclectiques peuvent sembler ne pas avoir grand-chose en commun, mais leur objectif est le même : mettre fin à la démocratie aux États-Unis telle que nous la connaissons."
Ce mouvement repose sur "quatre piliers" idéologiques : "une vision identitaire de l'Amérique, définie comme une nation fondamentalement chrétienne ; la victimisation, qui consiste à prétendre que la discrimination viserait avant tout les chrétiens conservateurs ; le catastrophisme et l'autoritarisme." Mais contrairement aux apparences, le nationalisme chrétien "ne relève pas de la spiritualité. Il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour être un nationaliste chrétien, et beaucoup de chrétiens patriotes ne veulent rien savoir de ce mouvement."
L'enquête de Katherine Stewart révèle que derrière l'image d'un mouvement populaire spontané se cache une organisation rigoureuse et extrêmement bien financée. "L'un des plus grands mythes à propos de ce mouvement est qu'il vient d'en bas", affirme-t-elle au Monde. "Bien plus qu'un simple phénomène social, c'est d'un vaste mouvement façonné par une élite déterminée qu'il s'agit."
Cette machine politique s'appuie sur trois piliers : "les bailleurs de fonds : des milliardaires, qui ont décidé d'investir leur fortune dans la destruction de la démocratie", "des penseurs [qui] fournissent l'armature intellectuelle au mouvement" et enfin "ceux que j'appelle des 'sergents', déployés sur le terrain, qui font en sorte que l'argent et les messages du mouvement permettent de gagner des votes, en s'adaptant au contexte local."
La journaliste cite notamment l'exemple de la Fondation Lindsey qui, "entre 2019 et 2022, a versé plus d'1 million de dollars (près de 880 000 euros) à une nouvelle organisation, Faith Wins, destinée à mobiliser les pasteurs des églises conservatrices dans les États pivots pour faire gagner le vote républicain pro-Trump."
La manipulation des "valeurs bibliques"
L'un des aspects les plus frappants de cette stratégie réside dans l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Les "sergents" du mouvement "sillonnent le pays, faisant des présentations dans des églises devant des dizaines, voire des centaines, de pasteurs, à qui l'on explique comment amener leurs fidèles à voter 'selon les valeurs bibliques'."
Mais Stewart souligne que "les 'valeurs bibliques' sur lesquelles ils s'appuient ne sont pas celles du christianisme, telles que beaucoup, sinon la plupart des Américains, l'entendent. Il n'est pas question d'attention portée aux plus humbles, de l'amour de son prochain." Ces valeurs sont réduites à quelques questions sociétales clivantes comme l'avortement ou le mariage homosexuel, "parce qu'ils savent que si vous pouvez amener les gens à voter sur deux ou trois questions-clés, vous pouvez contrôler leur vote."
La journaliste rappelle d'ailleurs que "le Parti républicain d'aujourd'hui, 'pro-life', est une création moderne" et que "pour comprendre cela, il faut remonter à la fin des années 1970, à une époque où la plupart des républicains soutenaient le droit à l'avortement et le considéraient comme conforme aux valeurs protestantes de responsabilité personnelle." L'opposition à l'avortement a été stratégiquement choisie comme "cheval de bataille" car touchant "à la sexualité et à l'insécurité des gens concernant l'évolution des mœurs et de la famille".
Au cœur de cette stratégie se trouve également un appareil intellectuel sophistiqué. Stewart cite notamment l'influence de théoriciens comme Carl Schmitt, philosophe nazi, dont le concept d'"état d'exception" a été repris par les penseurs de cette droite radicale : "nous serions confrontés à une situation d'urgence absolue à cause du libéralisme, du wokisme, etc. Tous les moyens sont bons pour vaincre cet ennemi intérieur [...] Nous avons donc besoin d'un homme fort."
La journaliste évoque également la communication à deux niveaux inspirée de Leo Strauss : "une 'écriture ambiguë', qui comporte un message 'entre les lignes', que seuls les initiés peuvent comprendre." Ainsi, "on transmet à la base des messages simples — ce qui est dit n'a pas vraiment d'importance, il suffit de les faire adhérer au projet. Et il y a une autre forme de compréhension, réservée à l'élite."
Cette stratégie explique, selon elle, pourquoi "la désinformation joue un rôle aussi important" et que de nombreux "électeurs républicains [...] vivent dans un monde imaginaire où Trump a remporté haut la main l'élection de 2020, qui leur a été volée."
Un nihilisme réactionnaire alimenté par les inégalités
Katherine Stewart qualifie finalement cette idéologie de "nihilisme réactionnaire" car "au lieu de promouvoir le progrès, il s'agit d'un mouvement qui met l'accent sur un retour à une version imaginaire d'un passé prétendument meilleur" et qu'il "se définit mieux en termes de ce qu'il souhaite détruire plutôt que de ce qu'il propose de créer."
L'analyse de la journaliste établit un lien entre cette montée en puissance et "l'explosion des inégalités" qui "a largement contribué à la vague de déraison qui a balayé notre vie politique et notre culture. Elle a fracturé notre foi dans le bien commun."
Stewart conclut néanmoins en pointant une contradiction potentielle au sein de cette coalition : "un conflit pourrait éclater au sein du mouvement nationaliste chrétien. La base et les bailleurs de fonds ne partagent pas les mêmes opinions. Les grands donateurs se soucient peu en vérité des guerres culturelles ou des 'valeurs familiales'. Leur priorité reste la préservation d'une politique économique qui va justifier et accroître la concentration massive de la richesse."
PAR Thierno Bocoum
LA VÉRITÉ FACE À LA MANŒUVRE
La prétendue victoire n’est donc qu’un rideau de fumée. La loi interprétative a été retoquée, ses intentions démasquées. Le bluff ne prend plus. Ce que les juges constitutionnels ont réellement fait, c’est mettre à nu une entreprise politique grossière
« Nous avons gagné, notre objectif est atteint, les crimes pourront être jugés malgré l’amnistie. » Voilà le nouvel argument fabriqué à la hâte pour maquiller un désaveu aussi éclatant qu’embarrassant. Une tentative de manipulation, encore une pour cacher une défaite juridique retentissante.
Soyons clairs : cet argument est totalement fallacieux. Le respect des engagements internationaux du Sénégal en matière de torture, de traitements inhumains ou dégradants n’a jamais dépendu de cette loi. Les juridictions compétentes étaient déjà en mesure de s’y référer, avec ou sans texte interprétatif.
Invoquer cela aujourd’hui pour sauver la face est un non-sens juridique.
Ce que les juges constitutionnels ont réellement fait, c’est mettre à nu une entreprise politique grossière, celle de déguiser en loi d’interprétation une tentative d’amnistier des actes que le droit international considère comme des crimes imprescriptibles. Une manœuvre qui visait à blanchir, sous couvert de liberté publique, des faits d’une extrême gravité.
Le Conseil constitutionnel, dans un considérant limpide numero 31, a rappelé l’évidence « Considérant qu'au sers de l'alinéa 2 de la loi attaquée, les faits tenus pour criminels d'après les règles du droit international, notamment l'assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, sont inclus dans le champ de l'amnistie lorsqu'ils ont un lien avec l'exercice d'une liberté publique ou d'un droit démocratique ; qu'en incluant ainsi dans le champ d'application de la loi portant amnistie des faits imprescriptibles au regard des engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, l'alinéa 2 de l'article premier de la loi n° 08/2025 du 02 avril 2025, viole la Constitution »
La prétendue victoire n’est donc qu’un rideau de fumée. La loi interprétative a été retoquée, ses intentions démasquées. Le bluff ne prend plus.
Et comme à chaque fois que l’argumentaire ne tient pas, les éléments de langage sont distribués comme des tracts, répétés en boucle par des relais sans esprit critique, sans lecture préalable, sans recul.
Mais le peuple n’est pas dupe. Nous connaissons les ficelles des manipulateurs. L’enjeu aujourd’hui, c’est que celles et ceux qu’ils cherchent à tromper soient assez lucides et informés pour ne pas tomber dans leur piège. Car la lumière finit toujours par percer les ténèbres de la supercherie.
Thierno Bocoum est juriste, ancien parlementaire, président AGIR.
par Ousmane Sonko
LE PASTEF CONFORTÉ PAR LES SAGES
Cette décision du Conseil constitutionnel constitue un véritable revers contre une certaine opposition, haineuse au point de vouloir assimiler l’exercice d’une liberté politique et civique de manifester à des crimes de sang et de torture
Je me serais bien gardé de me prononcer sur la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi dite « interprétative », si les résidus d’opposition sénégalaise ne s’étaient pas précipités, dans une tentative désespérée de récupération politicienne, de conclure à un revers juridique du groupe parlementaire Pastef-Les-Patriotes.
Il en est tout autrement, car cette décision conforte la démarche et les objectifs poursuivis par la proposition de loi interprétative, à savoir :
1. Exclure du champ de la loi initiale les faits qualifiables d’actes d’assassinat, de meurtre, de crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants ;
2. Y maintenir les autres motifs de poursuites de faits se rapportant à des manifestations politiques.
Le Conseil constitutionnel a simplement considéré que le postulat qui fonde la démarche du groupe parlementaire Pastef, selon lequel l’article premier de la loi initiale incluait les faits qualifiables d’actes d’assassinat, de meurtre, de crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, était superflu car, dans sa version originale, la loi excluait déjà d’office cette catégorie d’infractions, conformément aux engagement internationaux à valeurs constitutionnelles de notre pays (considérant 31).
Le Conseil constitutionnel estime par ailleurs, dans son considérant 32, n’avoir relevé aucun autre motif d’inconstitutionnalité de la loi attaquée, fermant ainsi définitivement toute possibilité de recours contre l’amnistie de tous autres faits se rapportant à des manifestations politiques.
Ainsi, le Conseil a fait une interprétation au-delà de ce qui était recherché par le groupe parlementaire Pastef Les Patriotes.
Cette position du Conseil est complétée par l’ordonnance de non-lieu, rendue par le doyen des juges d’instruction le 27 janvier 2025, qu’il concluait ainsi :
« Par ces motifs
Vu les articles 169, 6 et 171 du code de procédure pénale, la loi 2024-09 du 13 Mars 2024 ;
> Constatons l'extinction de l'action publique pour cause d'amnistie,
> Disons n'y avoir lieu à suivre davantage contre Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye des chefs d'inculpation susvisés.
Cette décision du Conseil constitutionnel constitue un véritable revers contre une certaine opposition, haineuse au point de vouloir assimiler l’exercice d’une liberté politique et civique de manifester à des crimes de sang et de torture. Tout ça, pour assouvir le dessein cynique de vouloir renvoyer des milliers de patriotes dans des geôles où ils ont tant souffert déjà.
Qu’avons-nous fait au bon Dieu pour mériter une opposition si indigente ?
Demain au réveil, au lieu de voir la lune que je leur montre, ils vont disserter sur mon doigt qui la leur désigne.
CARDINAL SARAH, L'OUTSIDER AFRICAIN QUI SÉDUIT LES CONSERVATEURS
Ce prélat guinéen au parcours exceptionnel, jadis surnommé "le bébé" par Jean-Paul II, cristallise les espoirs de l'aile traditionaliste de l'Église, malgré des chances d'élection jugées minces par les observateurs du Saint-Siège
(SenePlus) - Au lendemain de la disparition du pape François, les regards se tournent vers les potentiels successeurs au trône de saint Pierre. Parmi les noms qui circulent avec insistance figure celui du cardinal Robert Sarah, une figure discrète mais influente au sein de l'Église catholique, comme le rapporte Le Parisien.
Si le prélat guinéen n'apparaît pas en tête des pronostics officiels, il bénéficie d'un soutien remarquable dans les milieux catholiques traditionalistes, particulièrement en France et aux États-Unis. « C'est la coqueluche des tradis », confirme un vaticaniste cité par le quotidien francilien, soulignant l'engouement que suscite ce défenseur d'une ligne doctrinale conservatrice.
Né en 1945 à Ourouss, en Guinée, Robert Sarah est issu d'un milieu modeste – son père était cueilleur de rôniers, ces fruits récoltés au sommet des palmiers dont on tire du vin. Son ascension au sein de la hiérarchie ecclésiastique relève presque du miracle.
Ordonné prêtre en 1969, il est nommé archevêque de Conakry dix ans plus tard par Jean-Paul II, devenant ainsi le plus jeune évêque de l'époque, au point que le souverain pontife le qualifiait affectueusement de « bébé ». Un détail qui n'est pas anodin dans l'univers très protocolaire du Vatican.
Sa carrière connaît ensuite une progression fulgurante : secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples sous Jean-Paul II, puis cardinal sous Benoît XVI, avant d'être nommé préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements par le pape François. Il quitte ce poste en 2021, atteint par la limite d'âge de 75 ans.
La candidature informelle du cardinal Sarah « bénéficie depuis plusieurs années de relais médiatiques forts aux États-Unis ou en France », précise Le Parisien. Parmi ses soutiens les plus influents figurent son éditeur Fayard et le milliardaire français Vincent Bolloré, « catholique fervent ». Sa médiatisation avait d'ailleurs provoqué une controverse en juillet 2022, lorsque son portrait avait fait la Une de l'hebdomadaire Paris Match.
Sur les réseaux sociaux, la mobilisation en sa faveur est particulièrement visible depuis l'annonce du décès du pape François. Le Parisien cite notamment un tweet qui a recueilli plus de 74 000 « j'aime » : « The next Pope should be Cardinal Robert Sarah » (Le prochain pape devrait être le cardinal Robert Sarah).
Malgré cette popularité dans certains cercles, l'influence réelle du cardinal Sarah au sein du Vatican serait à nuancer. « En réalité, au Vatican, il n'a pas la même surface médiatique et la même influence. Il a ses amitiés, comme le cardinal Gerhard Ludwig Müller [...] mais ne fédère pas au-delà des anti-François », confie au Parisien un vaticaniste familier des arcanes du Saint-Siège.
Le prélat guinéen représenterait « un courant plutôt marginal, alors que l'église en synode, ouverte, celle voulue par François, est majoritaire au Vatican », poursuit cette source. Son principal atout réside dans « sa spiritualité, son attachement à la liturgie et aux valeurs traditionnelles de l'Église, comme le célibat des prêtres », plus que dans sa maîtrise des rouages politiques vaticans.
Robert Sarah s'est imposé comme un gardien de l'orthodoxie catholique. « Être catholique est plus qu'une identification culturelle, c'est une profession de foi. Sortir de ce contenu, tant dans la croyance que dans la pratique, c'est sortir de la foi », déclarait-il lors d'un séjour à Washington en juin dernier, selon Le Parisien.
Il exprime régulièrement « sa grande peur de la déchristianisation de l'Europe » et s'inquiète de l'évolution des pratiques religieuses dans le monde occidental. « Les États-Unis ne sont pas comme l'Europe. La foi y est encore jeune et en pleine maturation. Cette jeune vitalité est un cadeau pour l'Église », avait-il ajouté lors de cette même intervention.
Lorsqu'il évoquait en 2022 l'hypothèse de devenir pape, le cardinal Sarah affirmait : « Ça ne m'intéresse pas. Ce qui compte, c'est de retrouver Dieu. » Il soulignait également sa relation respectueuse avec les trois pontifes sous lesquels il a servi : « Celui avec lequel j'ai le plus de liens, c'est Benoît XVI, mais j'admire autant François, qui sait parler à tous, avec qui l'échange est toujours libre et auquel on a eu tort de m'opposer. »
Malgré la présence accrue de cardinaux africains au prochain conclave, les chances d'élection du cardinal Sarah demeurent minces. D'après Le Parisien, « la dynamique du collège des cardinaux penche en faveur des représentants européens ou sud-américains, globalement plus proches de l'église horizontale prônée par le défunt François ces dernières années. »
Néanmoins, comme le rappelle judicieusement le quotidien français, le nom qui sortira dans quelques semaines de la Chapelle Sixtine « reste encore un mystère et a souvent réservé des surprises. » L'histoire de l'Église catholique est jalonnée d'élections papales inattendues, et celle à venir pourrait bien en être une nouvelle illustration.
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SONKO EST EN TRAIN DE CRÉER SON PROPRE MONSTRE
Le journaliste Ibou Fall évoque la confrontation entre Thierno Alassane Sall et le Premier ministre, révélant comment ce dernier pourrait renforcer involontairement son opposant en lui accordant une attention médiatique démesurée
Dans une récente intervention, le journaliste et chroniqueur Ibou Fall a livré une analyse sur le défi lancé par Thierno Alassane Sall à Ousmane Sonko pour un débat public, et sur la réaction de ce dernier.
Selon Ibou Fall, Ousmane Sonko est en train de désigner délibérément Thierno Alassane Sall comme son adversaire politique, bien que ce dernier ne soit pas encore considéré comme un "poids lourd" électoral. "Chacun choisit ses adversaires," explique Fall, tout en soulignant que c'est précisément ainsi qu'on "crée" des figures politiques importantes.
Le chroniqueur met en garde contre cette stratégie : "Un homme politique, ce qui le tue, c'est l'indifférence. Mais dès que tu commences à répondre à quelqu'un, c'est parti, il est en train de créer un adversaire." En répondant à Thierno Alassane Sall, Sonko lui offre une visibilité considérable et pourrait involontairement renforcer sa stature politique.
Ibou Fall estime qu'un gouvernant devrait plutôt se concentrer sur sa mission première : "La seule attitude d'un gouvernant, c'est de gouverner, régler les problèmes des Sénégalais, ce n'est pas autre chose." Il critique cette tendance à créer des ennemis et à donner de la visibilité à des adversaires politiques au lieu de s'attaquer aux véritables problèmes du pays.
Si Fall reconnaît que Thierno Alassane Sall, en tant que député de l'opposition, est "dans son rôle" d'être virulent, il s'interroge sur les motivations de Sonko à le cibler spécifiquement parmi les nombreux autres opposants. Il met en garde contre ce qu'il considère comme une "grave erreur" : "On peut se tromper en disant 'lui, je vais lui marcher dessus'."
Le chroniqueur avertit que cette stratégie pourrait se retourner contre Sonko s'il continue à négliger les problèmes urgents des Sénégalais : "Ils vont se créer de vrais opposants parce que, un, tu ne règles pas les problèmes des Sénégalais, et deux, tu donnes de la visibilité à tes adversaires." Avec une formule frappante, il résume le danger : "C'est très bien, il va se créer un monstre."
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DERRIÈRE LES RAILS DU TER, L'HUMANITÉ BROYÉE
Pendant que le "Sénégal émergent" de Macky Sall célébrait son Train Express Régional, Mamadou Khouma Gueye filmait l'autre réalité : celle des expulsions massives. Son film "Liti Liti" documente avec sensibilité le déracinement de plusieurs impactés
(SenePlus) - Dans le paysage cinématographique sénégalais, une œuvre singulière fait son apparition. Le réalisateur Mamadou Khouma Gueye signe son premier long-métrage, « Liti Liti », un documentaire intime qui aborde frontalement les conséquences humaines des grands projets d'infrastructure au Sénégal, comme le rapporte RFI.
L'œuvre suit le parcours de Sokhna Ndiaye, la propre mère du cinéaste, contrainte de quitter sa maison située dans le quartier de Guinaw Rail, en banlieue de Dakar, après y avoir passé quarante années de sa vie. Cette expulsion n'est pas un cas isolé : elle s'inscrit dans le vaste programme de déplacement qui a touché près de 250 000 riverains pour permettre la construction du Train Express Régional (TER) reliant Dakar à Diamniadio.
« Pendant plus de cinq ans, le réalisateur capte des images à la fois intimes et marquées par la froideur des grands travaux, interrogeant au fil du récit le sens du progrès et la mémoire des lieux », souligne la correspondante de RFI à Dakar, Juliette Dubois. Ce contraste entre l'humanité des récits personnels et la rigidité technique du chantier constitue l'une des forces du film.
Le TER, présenté comme l'un des symboles phares du « Sénégal émergent » promu par l'ancien président Macky Sall, illustre parfaitement cette tension entre développement national et destins individuels. Dans le film, Sokhna Ndiaye « évoque toutes les péripéties liées au déguerpissement dont elle et ses voisins ont été victimes, pour les besoins de la réalisation des infrastructures du TER », précise RFI.
Au-delà du simple témoignage, « Liti Liti » se veut une réflexion profonde sur le coût humain du progrès. Comment concilier modernisation des infrastructures et respect des communautés établies ? Quelle place accorder à la mémoire des lieux dans une vision du développement parfois technocratique ? Le film ne prétend pas apporter de réponses définitives, mais pose ces questions essentielles à travers le prisme d'une histoire familiale.
Cette démarche documentaire, qui mêle l'intime et le politique, s'inscrit dans une tradition cinématographique sénégalaise riche, héritière d'Ousmane Sembène et Djibril Diop Mambéty. Mamadou Khouma Gueye y apporte sa sensibilité propre, transformant l'expérience douloureuse du déracinement en une œuvre artistique qui interroge les fondements même du développement urbain.
À l'heure où de nombreux pays africains intensifient leurs projets d'infrastructures, « Liti Liti » offre un contrepoint nécessaire aux discours triomphalistes sur le progrès, rappelant que derrière chaque grand chantier se cachent des histoires humaines, des souvenirs et des attachements que nul dédommagement ne peut totalement compenser.
Le film a été présenté au festival Visions du Réel, comme l'indique RFI, confirmant l'intérêt international pour cette œuvre qui dépasse le cadre sénégalais pour toucher à l'universalité des questions d'aménagement du territoire et de mémoire collective face aux impératifs de modernisation.