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2 mai 2025
Politique
L'HUMANITÉ EN PÉRIL
Jusqu'où ira la dérive violente au Sénégal ? L’universitaire et islamologue Abdoul Azize Kébé constate effaré, qu'un nouveau seuil a été franchi avec l'exhumation et l'incinération publique à Kaolack, d'un défunt présumé homosexuel
L’universitaire et islamologue sénégalais Abdoul Azize Kébé, analysant l’affaire défrayant la chronique à Kaolack (centre) où le corps d’un présumé homosexuel a été exhumé et brûlé, attire l’attention sur ‘’l’accroissement effrayant de la violence’’ dans la société sénégalaise, qui s’est départie de son humanité à force de relativiser et de se détourner de la lumière de la foi et de la raison.
‘’Les derniers événements qui ont défrayé la chronique, l’acte barbare consistant à déterrer la dépouille d’un concitoyen pour la brûler autour d’un feu de joie, interpellent notre conscience’’, écrit M. Kébé dans une contribution, ajoutant : ‘’Que sommes-nous devenus ? Pourquoi désormais jouer avec le feu nous est si banal au risque d’y consumer notre humanité et notre héritage ?’’
‘’Avec ce que le Sénégal a vécu, nous savons maintenant que nous, Sénégalais, sommes capables de monstruosité. Et cela doit nous effrayer et nous alerter sur notre rapport à la violence et les limites que nous avons semblé franchir’’, analyse-t-il.
Abdoul Azize Kébé semble regretter l’éloignement du ‘’temps du foyer ardent où, à la lumière des flammes et au reflet de leur danse, le talibé déchiffrait le secret des lettres et mémorisait le solfège des versets’’. ‘’Ce feu est éteint dans notre pays, laissant la place à celui des violences urbaines, qui se sont développées au fil des revendications démocratiques ou subversives.’’
‘’Dans un premier temps, relève l’universitaire, le feu des revendications urbaines s’alimentait des pneus et autres matériaux usés, allumés dans les rues pour faire barrage aux forces de défense et de sécurité. Et subitement, on ne sait par quelle fascination ce feu a commencé à se propager aux propriétés et bien privés appartenant à des adversaires politiques, la plupart du temps aux personnalités de premier plan de l’Etat.’’
Il a ensuite ‘’consumé les commerces de simples entrepreneurs qui tirent leur subsistance de l’exploitation d’une licence française’’, a constaté Abdoul Azize Kébé.
‘’Nous sommes des témoins distraits de l’accroissement effrayant de la violence’’
‘’Jusque-là, les Sénégalais observaient plus ou moins amusés, spectateurs d’un mauvais spectacle qu’ils croyaient être temporaire puisque lié au calendrier électoral. Mais voilà qu’avec une force irrésistible, avec la rapidité de la langue des flammes, le feu a surpris les temples et leurs gardiens. Les temples de foi et de savoir, les sanctuaires des lumières de la raison et de l’âme, les mosquées et universités exhalent encore le souffre des autodafés’’, a observé M. Kébé.
À partir de ce moment, ‘’nous avons été témoins, peut-être distraits, de l’accroissement effrayant de la violence dans notre société et des limites que nous avons franchies allègrement. Mais nous n’avons pas mesuré à sa juste valeur le danger qui se profilait à l’horizon’’, a-t-il signalé.
M. Kébé renchérit : ‘’Nous n’avons pas perçu que symboliquement on a tenté de brûler le Sénégal en offrant à l’appétit vorace des flammes les sanctuaires de la mémoire, les bibliothèques et les archives des universités et des services d’état civil, mais aussi nos représentations consulaires et diplomatique à l’étranger. Nous avons encore considéré qu’il s’agissait de simples débordements politiques. Or, tout cela cumulé aurait dû nous réveiller et nous amener à nous poser la question : où allons-nous ? Est-ce donc que le Sénégal n’est plus Sunugaal ?’’
L’islamologue estime que par ‘’crainte d’être jugés ou classés dans un camp ou dans l’autre, nous avons simplement gesticulé’’, et pour faire ‘’bonne figure, nous avons tenté une explication contextuelle, et nous avons cru exorciser le mal’’.
‘’Et voilà que le feu nous a encore surpris, en déployant ses flammes sur les voitures de transport public, prenant au piège de vieilles personnes qui garderont, jusqu’à la tombe, sa signature sur leurs corps’’, a-t-il écrit.
‘’La gravité des choses nous rattrape aujoud’hui’’
D’après Abdoul Azize Kébé, devant de telles situations, l’attitude générale adoptée par la communauté nationale a été de manifester ‘’timidement notre malaise, car nous ne nous reconnaissions plus face à de telles cruautés’’, ou de relativiser les choses.
‘’Hélas, aujourd’hui, la gravité des choses nous rattrape, de plein fouet elle nous assène un coup foudroyant, puisque le feu, cette fois-ci, est descendu dans le couloir de l’au-delà pour disputer à Dieu ce qui Lui est exclusif, le châtiment infernal’’, fait observer l’ancien délégué général au pèlerinage aux lieux saints de l’islam.
‘’Nous avons osé ! Nous avons mal agi ! Trop mal agi ! Refuser une sépulture à un concitoyen en supposant qu’il fût un homosexuel, puis s’en aller hardiment déterrer sa dépouille et la brûler ! Nous avons dépassé les bornes, or au-delà des bornes, disait l’autre, il n’y a plus de limites. Et c’est cela qui est effrayant. Il est clair qu’avec cet acte innommable, la violence et l’intolérance ont franchi un seuil que nous étions loin d’imaginer’’, a remarqué l’universitaire, actuellement ministre conseiller auprès du chef de l’État, chargé des Affaires religieuses.
Il est d’avis que ‘’les ‘comportements énergumènes’ […] sont désormais considérés comme héroïques dans notre pays, et cela conduit à stimuler la montée aux extrêmes dans l’usage de la violence’’. ‘’Nous y voilà ! Nous avons gravi le sommet lorsque nous nous sommes départis de notre humanité, lorsque nous ne sommes plus éclairés par la lumière de la foi ni, par celle de la raison. Que sommes-nous devenus ? Le risque est grand que ce soit des monstres’’, a analysé Abdoul Azize Kébé.
‘’L’acte de déterrer une dépouille pour y mettre le feu est ignoble, il est innommable. Je n’invoquerai aucun verset du Coran, ni de la Bible pour exprimer ma rage devant cette folie, je laisse cette partition aux théologiens de l’islam et du christianisme. J’invoque seulement l’esprit d’humanité, qui est supposé nous animer et nous distinguer des autres créatures. Et je m’interroge : au nom de quoi ? Parce que ce n’est pas au nom d’Allah, Le Miséricordieux’’, a-t-il écrit.
Le 28 octobre dernier, les vidéos d’une dépouille exhumée, sortie d’un cimetière puis brûlée devant une foule ont choqué le Sénégal.
Le procureur de la République a ordonné l’ouverture d’une enquête. Le défunt, supposément homosexuel, avait été enterré le même jour à Kaolack (centre).
par Ciré Clédor Ly
LES PRÉMISSES D'UN ÉTAT DICTATORIAL
L’Etat du Sénégal est devenu méconnaissable avec l’emploi de procédés déloyaux et de pratiques inquiétantes. L’Etat du Sénégal toujours pressé de juger Ousmane Sonko, a peur d’être jugé lui-même
L’Etat du Sénégal est devenu méconnaissable avec l’emploi de procédés déloyaux et de pratiques inquiétantes qui présagent d’un futur Etat dictatorial, policier et sanguinaire.
Après l’arrestation arbitraire du leader de Pastef, des comportements jamais soupçonnés dans la gouvernance se sont révélés pour l’éviction d’un adversaire politique, au détriment de la démocratie et de l’Etat de droit comme option irréversible du peuple sénégalais.
D’abord, l’Etat du Sénégal refuse de garantir les libertés individuelles et publiques, ainsi que les droits démocratiques au peuple sénégalais, en refusant systématiquement les rassemblements pacifiques, les marches pacifiques, réprimant à toute occasion ceux qui usent de leur droit de critique sur la gouvernance politique ou économique, expriment leurs pensées ou leurs opinions s’ils ne sont pas catalogués inféodés, partisans ou sympathisants du parti politique au pouvoir.
Fausser le suffrage universel
Le port du bracelet Pastef porterait bonheur et renforcerait la foi et la détermination, aux dires de ceux qui en ont porté et que j’ai eu à rencontrer dans les caves des tribunaux, attendant leur tour d’être placés sous mandats de dépôt, sans s’interroger sur la nature du crime reproché, sachant qu’il n’ont commis aucune infraction.
Ensuite, l’Etat discrédite lui-même les institutions en jetant la suspicion sur les juges dans ses écrits et refusant d’exécuter une décision de justice au su de la communauté nationale et internationale.
L’Etat reste sourd et impitoyable, décidé à fausser le suffrage universel et la volonté populaire, en emprisonnant le personnage le plus populaire, que les sondages politiques donnent victorieux aux prochaines élections présidentielles, malgré l’inopportunité de la mesure et l’état de santé de la personne qui fut très alarmant, même s’il s’est amélioré grâce aux interventions intenses des médecins.
Les arrestations et persécutions des cadres du Pastef se poursuivent dans le dessein toujours d’entraver la candidature d’Ousmane Sonko et toute personne qui pourrait être porteuse de son projet politique panafricaniste ainsi que de son programme national.
Derrière l’arrestation d’Amadou Ba...
L’arrestation d’Amadou Ba depuis le samedi 28 octobre, nuitamment sans qu’il lui soit notifié les motifs de son interpellation, avait un double objectif :
- l’empêcher de se rendre à Abuja pour déposer à la Cour le dossier opposant Ousmane Sonko et le Pastef à l’Etat du Sénégal et dont l’audience était programmée pour le 31 Octobre à 10heures. La personne qui avait pris la suite, employé de mon cabinet, a été empêchée de prendre l’avion pour Abuja et les dossiers qui étaient déjà embarqués dans l’appareil, débarqués. Mais au grand dam de l’Etat, les services de renseignement de l’Etat ont été dribblés et le dossier a été reçu et enregistré au greffe de la Cour de la CEDEAO qui a accusé réception au cabinet ;
- le second objectif visé par l’arrestation d’Amadou Ba est de faire obstacle à la candidature du prisonnier politique Bassirou Diomaye Faye dont il est le mandataire (Diomaye est le second de Ousmane Sonko dans le parti Pastef).
Amadou Ba est en retour de parquet, un régime de détention arbitraire que ne justifie aucune disposition légale et le mandat de Dépôt ainsi qu’un emprisonnement jusqu’après les élections de 2024 au plus tôt, serait de la politique de persécution et de répression politico-judiciaire de l’Etat du Sénégal.
« L’État du Sénégal a peur d’être jugé »
L’Etat du Sénégal a franchi le rubicon en produisant dans le dossier de la CEDEAO une vidéo montée à partir des diffusions de <<ANITA>> qui est son monstre médiatique et il est désemparé lorsqu’il a su que les Patriotes ont rétabli et produit auprès de la Cour les originaux des vidéos qui faisaient partie du dossier qu’Amadou Ba devait amener à Abuja.
C’est pour cette raison que l’Etat joue la carte du dilatoire en demandant le report de l’audience, pour arriver à une date qui ne permettrait à Ousmane Sonko et au Pastef de participer aux élections, ce qui est triste et dégradant pour un Etat.
L’Etat du Sénégal toujours pressé de juger Ousmane Sonko, a peur d’être jugé lui-même.
Qu’en sera-t-il lorsque des artisans responsables du délabrement de l’Etat de droit et du système démocratique seront placés en garde à vue, sous mandats de dépôt et comparaîtront à la barre pour répondre de leurs crimes
Me Ciré Clédor Ly est avocat, membre du Collectif de défense d'Ousmane Sonko.
LA CENA RÉCLAME SA FICHE DE PARRAINAGE POUR SONKO
L'instance chargée du processus électoral estime que le leader de Pastef doit pouvoir jouir de ses droits politiques en tant qu'électeur régulièrement inscrit sur les listes. Si la DGE ne s'exécute pas, la CENA peut la dessaisir et se substituer à elle
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/10/2023
Selon des informations exclusives obtenues par le site d'information Emedia, la Commission électorale nationale autonome (Cena) a officiellement exigé la remise de la fiche de parrainage de l'opposant Ousmane Sonko. L'instance, qui veille au bon déroulement du processus électoral au Sénégal, estime en effet que M. Sonko doit pouvoir jouir de l'ensemble de ses droits politiques en tant qu'électeur régulièrement inscrit sur les listes.
Cette décision importante a été confirmée par El Malick Ndiaye, responsable du parti Pastef, sur son compte Twitter. "La Cena vient d’ordonner la délivrance des fiches de parrainage au président Ousmane Sonko", a-t-il tweeté. L'avocat de Sonko, Juan Branco, a donné la même l'information sur le réseau social.
À en croire Emedia, la Cena a envoyé deux courriers distincts ce lundi pour notifier officiellement sa décision. Le premier était destiné aux autorités étatiques concernées, tandis que le second s'adressait au pool d'avocats mandatés par Ousmane Sonko. Dirigée par Doudou Ndir, l'instance veille avec attention au respect du code électoral dans ce dossier complexe.
L'article L.6 dudit code précise d'ailleurs noir sur blanc que "Si la DGE ne s'exécute pas, la CENA peut la dessaisir et se substituer à elle". Reste désormais à savoir si l'administration électorale, sous la houlette du ministère de l'Intérieur, se pliera à cette injonction officielle de la Cena. Jusqu'ici, elle avait refusé de transmettre la fiche malgré l'annulation de la radiation par la justice de Ziguinchor.
Cette décision inédite de la Cena constitue en tout cas une étape majeure et une nouvelle victoire politico-juridique pour Ousmane Sonko. Elle intervient quelques jours après le revers subi par l'Etat du Sénégal devant la Cour de justice de la Cedeao, qui a rejeté sa demande de report du procès sur la dissolution de Pastef.
AMADOU BA SE VOIT GAGNER AU PREMIER TOUR
«Pour 2024, ce sera une élection à un seul tour», a déclaré Amadou Ba devant plusieurs dizaines de militants acquis à sa cause
Le Premier ministre Amadou Ba et candidat de la Coalition Bby promet sa victoire, dès le premier tour. C’était lors d’un meeting tenu ce dimanche à Fandène, à l’occasion de sa tournée économique dans la région de Thiès.
Pour la première fois, le Premier ministre Amadou Ba promet la victoire à ses troupes. Candidat de la Coalition Benno bokk yaakaar à la Présidentielle de février 2024, choisi par le président Macky Sall, qui a renoncé à un troisième mandat, Amadou Ba a évoqué ouvertement la perspective de sa victoire dès le premier tour à la Présidentielle. «Pour l’élection 2024, ce sera une élection à un seul tour», a déclaré Amadou Ba devant plusieurs dizaines de militants acquis à sa cause. Une déclaration qui est en droite ligne avec les propos du leader de Bby, Macky Sall, qui disait lors d’une audience qu’il avait accordée à ses alliés de la Gauche, qu’il va se donner à fond pour assurer la victoire au candidat de Bby au soir de la Présidentielle de février 2024. «Je serai au front. Je vais m’engager aux côtés du candidat, et je vais l’encadrer jusqu’à la victoire au 1er tour», avait déclaré le chef de Bby.
En tournée économique dans la région de Thiès, dimanche 29 octobre à Fandène, une commune située à environ 7 km à l’Est de Thiès et dirigée par l’ancien ministre des Forces armées devenu par la suite ministre d’Etat, Augustin Tine. Amadou Ba en a profité pour motiver ses troupes qui lui ont réservé un accueil populaire. L’occasion pour le chef du gouvernement de livrer un message de remerciement au maire de la commune de Fandène, le ministre d’Etat, Augustin Tine, aux responsables politiques, aux groupements de femmes, mais aussi aux chefs de village.
Le choix de Amadou Ba, comme candidat de Bby à la prochaine Présidentielle, a bien été approuvé par le maire Augustin Tine, ses militants et sympathisants, qui scandaient «Amadou Ba» ou encore «Président Amadou Ba».
Pour Martin Dione, responsable des cadres républicains, Fandène ne peut se conformer qu’au choix du président Macky Sall.
Représentant des chefs de village de la commune de Fandène, Abel Tine se réjouit du déplacement du chef de gouvernement, Amadou Ba. «La journée d’aujourd’hui est mémorable. Un Premier ministre à Fandène, ce n’est pas tous les jours, tous les ans. Il faut voter pour Amadou Ba», a déclaré Abel Tine qui a été fortement applaudi en signe d’approbation.
A l’endroit de son maire, il lui décerne un satisfecit, rassure le Premier ministre. Pour Augustin Tine, cette visite du Premier ministre à Fandène était une occasion pour lui rendre un hommage mérité. A l’entendre, Amadou Ba est en train de suivre les pas de son leader, Macky Sall. «Il est écrit que vous étiez un étudiant brillant. Il est dit que vous étiez un fonctionnaire brillant. Il est dit aussi que vous êtes un homme bon et que vous avez du respect pour toutes les personnes qui sont autour de vous. Ce sont des qualités que nous avons observées chez le président Macky Sall», fait savoir le ministre d’Etat Augustin Tine.
L'HORREUR EXHUMÉE
Même si l'homosexualité y est réprimée par la loi et communément rejetée par la société, un tel acte de profanation d'une sépulture a choqué au-delà des milieux de défense des droits humains au Sénégal
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 31/10/2023
L'exhumation et l'incinération présumée du corps d'un homme enterré la veille et présenté comme homosexuel dans le quartier Léona Niassène de Kaolack, au centre du Sénégal, a provoqué une immense vague d'émoi, de réprobation et de condamnation ces derniers jours.
Selon les informations recueillies par l'AFP, des individus se sont présentés samedi soir au cimetière municipal à la recherche de la tombe fraîchement creusée. Ils l'ont exhurmée de force avant de traîner le corps hors des grilles du cimetière. Des vidéos largement partagées sur les réseaux sociaux montrent ensuite une foule d'une cinquantaine de personnes assemblée autour d'un grand feu, filmant avec leurs téléphones portables la dépouille en train d'être consumée par les flammes.
L'onde de choc a été immense dans le pays. Même si l'homosexualité y est réprimée par la loi et communément rejetée par la société, un tel acte de profanation d'une sépulture a choqué au-delà des milieux de défense des droits humains. Le parquet a immédiatement ouvert une enquête, tandis que quatre personnes soupçonnées d'avoir participé à l'organisation de ces agissements ont été interpellées lundi à Kaolack.
Pluiseurs organisations locales de défense des droits de l'homme comme Amnesty International Sénégal, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme et la Ligue sénégalaise des droits humains ont fermement condamné cet acte "attentatoire à la dignité du défunt et de sa famille". Ces ONG dénoncent régulièrement la stigmatisation, les violences et l'ostracisation dont sont victimes les homosexuels au Sénégal.
Bien que très rare, ce n'est pas la première fois qu'un cas d'exhumation d'une personne présentée comme homosexuelle est rapporté dans le pays. Des précédents avaient eu lieu à Thiès (ouest) en 2008 et à Kaolack déjà en 2009. L'écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr évoquait lui-même une scène similaire dans son roman "De Purs hommes", récompensé du prix Goncourt 2021.
Sur le plan religieux, de nombreuses figures musulmanes se sont élevées contre ces agissements. Serigne Cheikh Tidiane Khalifa Niasse, dignitaire mouride, a déclaré dans un communiqué sa "profonde indignation" et estimé que "cet acte ne peut en aucun cas être justifié ou toléré". Même son de cloche du côté d'And Samm Jikko Yi, un collectif conservateur qui milite pour un renforcement de la criminalisation de l'homosexualité, estimant que cette "justice populaire" était "regrettable".
Cet incident a une nouvelle fois braqué les projecteurs sur la condition précaire des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et trans au Sénégal, dans un contexte de moins en moins tolérant ces dernières années selon les associations. Au-delà du réquisitoire pénal, c'est toute une partie de la société qui rejette encore l'homosexualité, perçue comme contraire aux valeurs culturelles et une déviance importée de l'Occident.
ANTA BABACAR TIRE SUR LE CANDIDAT DE LA CONTINUITE
Anta Babacar Ngom, qui inaugurait, dimanche, sa permanence à Mbacké, estime que cette continuité n’est ni plus ni moins que «la faim, le chômage endémique des jeunes, l’émigration clandestine».
Bés Bi le Jour |
Malick SY |
Publication 31/10/2023
La candidate de l’Alternative pour la relève citoyenne (Arc) prône la rupture et tire sur le candidat de la continuité, Amadou Ba, sans le nommer. Anta Babacar Ngom, qui inaugurait, dimanche, sa permanence à Mbacké, estime que cette continuité n’est ni plus ni moins que «la faim, le chômage endémique des jeunes, l’émigration clandestine».
Jusque-là, elle avait un discours moins offensif. Mais Anta Babacar Ngom a décidé d’élever le ton. Et c’est pour tirer sur le régime de Macky Sall sans le nommer. A Mbacké où elle a inauguré la permanence de son mouvement Alternative pour la relève citoyenne (Arc), elle a appelé à la rupture avec ce qui est là. «L’Arc ne milite pas pour la continuité, mais pour la rupture. Il faut que les pratiques dont nous avons toujours souffert cessent. Ça suffit ! Ils ont dit la continuité. Dans cette élection, il y en a qui prônent la continuité et d’autres la rupture. La continuité c’est la faim, le chômage endémique des jeunes, l’émigration clandestine et son lot de morts. Or, nous voulons y mettre fin et travailler pour notre pays. On ne peut construire ce pays par des paroles. Pour développer ce pays, il faut le confier à un industriel, et c’est Anta Babacar», a dit la candidate à la Présidentielle.
Elle a justifié l’ouverture de la permanence de l’Arc à Mbacké par une volonté de se rapprocher des populations. «Elle marque une nouvelle étape de la campagne pour la candidate, qui place la proximité au cœur de ses préoccupations. C’est un signal fort envoyé à tous les citoyens. Leur voix compte et leur participation est cruciale pour façonner l’avenir du pays», a-t-elle dit. Parce que, également, dit-elle, elle «est talibé mouride et originaire du Baol ». Pour la candidate, cette permanence régionale est aussi «un acte symbolique pour le mouvement Alternative pour la relève citoyenne, dessinant encore un plus son ancrage politique. L’objectif est ici de massifier la structure, favoriser la proximité avec les militants, afin d’être au plus près de la population».
CENA, COUR SUPREME ET CEDEAO SONKO DANS L’URGENCE DE TROIS FRONTS DECISIFS
Sonko dont l’avenir présidentiel est toujours suspendu à la question de sa réintégration sur le fichier, refuse de capituler face au pouvoir en place
Bés Bi le Jour |
Falilou MBALLO |
Publication 31/10/2023
A seulement trois mois d’une échéance décisive, Sonko dont l’avenir présidentiel est toujours suspendu à la question de sa réintégration sur le fichier, refuse de capituler face au pouvoir en place. Il est entre offensive de ses avocats devant la Cour de justice de la Cedeao, le pourvoi de l’Etat à la Cour suprême, la Cena.
Comme annoncé par Bés bi, dans son édition du samedi, la Commission électorale nationale autonome (Cena) a répondu à Sonko, ce lundi. L’organe de contrôle et de supervision des élections a appris que la décision est pourtant tombée hier avec un courrier envoyé au ministère de l’Intérieur ou la Dge et aux avocats du maire de Ziguinchor. Seulement, la teneur est restée secrète jusqu’au moment où nous couchions ses lignes. Des deux côtés l’information n’avait pas suinté. Me Cledor Ly et Cie avaient demandé à Doudou Ndir et son équipe d’user de leurs prérogatives après le refus de la Dge de remettre des fiches de parrainage à leur client. L’avenir politique du plus célèbre détenu au Sénégal pourrait aussi prendre une autre tournure avec la sentence attendue du côté de la Cour suprême, saisie d’un pourvoi en cassation par l’agent judiciaire de l’Etat après la décision du juge du Tribunal d’instance de Ziguinchor ordonnant la réintégration de Ousmane Sonko sur les listes électorales.
Le Directeur général des élections, en dépit de cette décision de Sabassy Faye notifiée au préfet de Ziguinchor, n’a pas daigné recevoir le mandataire de Sonko, Ayib Daffé. Thiendella Fall estime que la décision n’est pas définitive puisque l’Etat a introduit un recours devant la Cour suprême. Dans quelques jours, il sera fixé puisque l’Aje a déposé son pourvoi et la défense de Sonko prépare son mémoire. Reste à savoir si la Cour suprême va confirmer ou infirmer la décision de Ziguinchor. L’autre front va se jouer à Abuja (Nigeria), ce mardi, où ses avocats Juan Branco et Ciré Clédor Ly vont plaider leur recours devant la Cour de justice de la Cedeao sur la radiation de Sonko des listes et la dissolution de son parti, le Pastef.
LES PREMIERS RATS QUITTENT LE NAVIRE
Depuis la désignation d'Amadou Ba comme candidat, les défections se multiplient au sein du camp du pouvoir. Certains y voient le signe d'un naufrage électoral annoncé, d'autres évoquent des frustrations liées aux nouvelles orientations du Premier ministre
En septembre dernier, le président de la République sortant Macky Sall a confié le gouvernail du navire battant pavillon « Bby » à son Premier ministre Amadou Ba pour le conduire à bon port, c’est-à-dire à la présidentielle 2024. Malgré l’expertise managériale du nouveau capitaine, qui est chevronné et rassembleur, des rats quittent le navire les uns après les autres depuis sa désignation ! Des rats et pas des moindres puisqu’il s’agit de gros rats (ministres, anciens ministres, députés, directeurs de société, conseillers spéciaux et autres hauts cadres de l’Apr) comme s’ils avaient flairé un naufrage électoral. Pendant ce temps, les rats artistes, rats chanteurs et rats flagorneurs, qui durant 12 ans de traversée ont joué à fond la musique « Macky Dolima », se la « jouent » douce aujourd’hui le temps d’être orientés par la boussole financière.
Après 12 ans de traversée festive à bord du navire gouvernemental battant pavillon « Bby », le capitaine Macky Sall a finalement échoué dans sa tentative de prendre un troisième cap vers la présidentielle de 2024. Cette décision de « non-troisième » mandat a poussé le président de la République sortant Macky Sall à confier le gouvernail de son gigantesque, juteux et à l’équipage pléthorique à son chef du gouvernement Amadou Ba. A bien des égards, il est le mieux placé comme coach et capitaine pour maintenir le navire dans une mer très agitée afin de le conduire à bon port. C’est-à-dire les rivages de la présidentielle de février 2024. Malgré l’ouverture, l’assurance technique et l’expertise managériale du capitaine Amadou Ba, les rats quittent le navire ! Dans le lot des premiers départs, ceux qui espéraient être ministre ou Premier ministre dans son nouveau gouvernement. Un cadre en service au ministère du Commerce et de la Consommation, dirigé par Abdou Karim Fofana, dit s’attendre à d’autres défections compte tenu du mauvais système de gouvernance et de la politisation de l’administration centrale par les partis. Une politisation qui fait l’objet d’un débat permanent au sein de la fonction publique. « Et à chaque alternance du pouvoir, le débat s’amplifie au grand dam des conseillers techniques et hauts cadres qui ne seront jamais promus ministres alors qu’ils sont les chevilles ouvrières des départements ministériels. La preuve par le ministère du Commerce où le ministre a tout chamboulé pour des raisons politiques. Il ne s’occupe pas du ministère, plutôt il met en avant son statut de porte-parole pour avoir plus de visibilité politique. Ce qui justifie les nombreux échecs de la politique sociale de baisse des prix des denrées alimentaires. Car le prix d’aucun produit n’a connu une baisse, au contraire tout a augmenté » se désole ce fonctionnaire. Avant de s’emporter : « Malheureusement, pour être ministre au Sénégal, il faut faire de la politique politicienne ou s’activer dans des manœuvres médiatiques sur fond de grande gueule ! Je connais de hauts responsables politiques, hauts cadres de l’administration centrale et membres de Benno Bokk Yakaar (Bby) qui vont attendre la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel pour mieux choisir et quitter la baraque » annonce-t-il mystérieusement.
Notre interlocuteur a sans doute dû oublier que d’autres « gros rats » s’adonnent aux jeux de trous en cas de deuxième tour au regard de la position des candidats. Ainsi, ils vont se tailler des croupières, et jouer aux faiseurs de roi, en se rangeant derrière le candidat le mieux placé.
Intelligents et bons nageurs, selon les experts navigateurs, les rats pressentent les catastrophes et se jettent à l’eau avant que le bateau ne coule. Une expression employée pour désigner les lâches et les traitres qui abandonnent leurs compagnons dans des moments difficiles. Justement, le navire « Bby » conduit par un équipage « Apr » semble être dans cette situation de détresse. Les gros rats y occupant des fonctions de ministres, députés, directeurs de société, conseillers spéciaux et autres hauts cadres de l’Administration sont les premiers à le quitter après s’être très bien servis et enrichis durant la longue traversée de 12 ans. Sans oublier l’orchestre des rats constitué d’artistes, de chanteurs et flagorneurs qui, durant toute cette période, ont joué à fond l’air du « Macky Dolima » et se la « jouent » douce aujourd’hui le temps d’être orientés à nouveau par la boussole financière des candidats en lice. Pourtant, le mariage en croisière était pour le meilleur lorsque le président Macky Sall prêtait serment pour devenir le quatrième président de la République du Sénégal indépendant. Une installation à la magistrature suprême à la suite du passage d’un ouragan électoral ayant coulé le navire du Parti démocratique sénégalais (Pds).
Au souvenir, le paquebot « Sopi » !
Un paquebot majestueux dont tous les météorologues et autres prévisionnistes politiques avaient juré qu’il allait résister pendant « 50 ans » à tous les vents, marées, ouragans et cyclones. Un bateau insubmersible, en somme. Autrement dit, ces devins avaient prédit que le régime du président Abdoulaye Wade allait battre le record du Parti socialiste (Ps) de Senghor et de Diouf en termes de longévité au pouvoir. Grâce à ces prédictions de longévité politique, les vastes prairies bleues wadiennes avaient attiré tout ce que le Sénégal compte comme leaders politiques, transhumants, marabouts de rang intermédiaire, hommes d’affaires, et autres forces opportunistes de la Nation.
Cette thèse de la longévité, bien qu’absurde, avait fini par convaincre l’univers des politologues sénégalais que le calcul politique n’est jamais une science exacte. Pour preuve, au lendemain du naufrage avec corps et bagages du navire « Sopi », la majorité écrasante des cadavres libéraux avait ressuscité dans les prairies beige-marron de l’Apr où ils ont trouvé encore toutes sortes de variétés d’herbes, en espèces et en nature : fonds politiques, passeports diplomatiques, lettres de recommandation, postes à « promouvoir », « diakhal », impunité judiciaire, marchés de gré à gré etc…Mais surtout, surtout, titres fonciers et autres baux pour accaparer le peu de terrains qui restent encore dans la région de Dakar.
A côté des transhumants officiels, il y avait aussi des truands à col blanc qui se refugiaient dans les étables de la présidence de la République pour se protéger des foudres du nouveau président de la République Macky Sall. Dommage que ce sont les mêmes responsables politiques, hommes d’affaires et hauts dignitaires de « Bby/Apr » au ventre infecté et ballonné de deniers publics qui quittent le navire, les uns après les autres, au lendemain de la désignation d’Amadou Ba comme dauphin suivie de la formation d’un nouveau et dernier gouvernement. Un gouvernement de campagne électorale, bien sûr. Ont-ils senti le vent tourner ? En tout cas, tous ces gens font comme si le navire « Amadou II » allait couler au soir du 24 février prochain !
UNE AUDIENCE, MILLE ENJEUX !
La Cour de justice de la Cedeao va se pencher, ce mardi 31 octobre, sur les trois requêtes déposées le 19 septembre dernier par Ousmane Sonko leader du parti Pastef demandant à cette juridiction de se prononcer sur 11 violations de ses droits fondamentaux
La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) va se pencher, ce mardi 31 octobre, sur les trois requêtes déposées le 19 septembre dernier par Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor et leader du parti Pastef qui demandait à cette juridiction sous régionale de se prononcer sur 11 violations de ses droits fondamentaux. Cette audience initialement prévue dans la capitale du Nigéria, Abuja, où siège la Cour de justice de la Cedeao, le défi tourne autour de sa tenue à la date d’aujourd’hui surtout après la demande in extremis de report introduite par l’Etat du Sénégal à travers son Agent judiciaire de l’Etat au motif des coupures d’électricité et internet à Dakar. Mais aussi sur le respect de la décision qui sortira de cette audience puisque jamais le Sénégal n’a respecté les décisions qui lui sont défavorables rendues par cette Cour de justice sous Macky Sall.
Jour de vérité pour Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor et leader du parti Pastef dissout par décret présidentiel du 31 juillet dernier. En effet, c’est ce mardi 31 octobre que la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) va examiner ses trois requêtes déposées le 19 septembre dernier et dans lesquelles il demandait à cette juridiction sous régionale de se prononcer sur 11 violations de ses droits fondamentaux dont notamment sa radiation des listes électorales, la dissolution de son parti Pastef et sa détention préventive». Du côté du leader de l’ex Pastef, Ousmane Sonko et de ses partisans et sympathisants, on attend avec grand espoir cette audience de la Cour de justice de la Cedeao. Et pour cause, une décision favorable pourrait être pour lui un atout majeur dans le cadre de son bras de fer avec les autorités en place autour de sa candidature à la présidentielle du 25 février 2024 prochain. Surtout dans ce contexte marqué parla décision du président du tribunal d’instance de Ziguinchor qui, après avoir annulé la mesure de radiation de son nom du fichier électoral par le ministère de l’Intérieur, a ordonné sa réintégration sur les listes électorales. Une décision que le ministère de l’Intérieur refuse pour le moment d’exécuter au motif que l’Etat a déposé un recours auprès de la Cour suprême alors que ce dernier n’est pas suspensif.
L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT DEMANDE LE REPORT DE L’AUDIENCE AU MOTIF DES COUPURES D’ELECTRICITE ET INTERNET A DAKAR
Prévue dans la capitale du Nigéria, Abuja, où siège la Cour de justice de la CEDEAO, cette audience de dernière chance pour le leader de l’ex Pastef pourrait ne pas se tenir aujourd’hui comme initialement prévue. En effet, selon l’avocat franco-espagnol du maire de Ziguinchor qui doit plaider avec son confrère Me Clédor Ciré Ly, coordonnateur du collectif des avocats de la défense de Sonko, l’Etat du Sénégal aurait demandé in extremis le report de cette audience. Dans un message partagé sur son compte X (ex tweeter) hier, lundi 30 octobre, l’avocat au sujet des motifs de cette demande de report introduite par l’Agent judiciaire de l’Etat, a indiqué que ce dernier a évoqué des problèmes de coupure d’électricité et de connexion internet dans la commune du Plateau où se situent ses bureaux.
L’Etat du Sénégal vient de demander in extremis le report de l’audience en invoquant des « perturbations tant dans la fourniture de la connexion internet que celle de l’électricité en centre-ville » », a-t-il annoncé dans ce message partage sur X (ex tweeter) avant de marteler. « Ce n’est non seulement pas sérieux. C’est indécent et embarrassant ». Il faut dire que la tenue de cette audience est suspendue à la décision du juge de la Cedeao. La balle est désormais dans le camp de la Cour. C’est à elle d’apprécier cette demande in extremis de report de cette audience qu’aurait introduite hier, l’Etat du Sénégal à travers son Agent judiciaire de l’Etat qui voulait participer à cette audience en visioconférence depuis son bureau à Dakar.
JAMAIS LE SENEGAL N’A RESPECTE LES DECISIONS DE LA COUR DE JUSTICE SOUS MACKY SALL
Prévue aujourd’hui, dans la capitale du Nigeria, l’enjeu de cette audience de la Cour de justice de la Cedeao sur les trois requêtes déposées le 19 septembre dernier par Ousmane Sonko porte également sur le respect de la décision que prendra cette juridiction supranationale. En effet, depuis son arrivée au pouvoir en 2012, l’actuel chef de l’Etat s’est distingué par le refus de ses différents gouvernements à appliquer les verdicts prononcés par cette Cour de la justice de la Cedeao notamment ceux qui « contredisent ses options politiques dans le domaine électoral et des libertés publiques ». Nous pouvons ainsi citer entre autres, la décision rendue par cette même Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) le 31 mars 2022 ordonnant à l’Etat du Sénégal d’abroger « l’arrêté Ousmane Ngom », adopté en 2011 par le régime libéral du président Abdoulaye Wade et qui interdit des manifestations au centreville Dakar. Toujours concernant les décisions de la Cour de justice de la Cedeao rangées dans les placards par les autorités sénégalaises, nous pouvons également citer l’injonction à « supprimer le système du parrainage électoral » dans six mois, donnée par la Cour en avril 2021 suite à sa saisine par le parti Union sociale libérale (USL) de l’avocat, Me Abdoulaye Tine.
Outre ces décisions, nous pouvons également citer celle rendue par la Cour de justice de la Cedeao en 2017 dans l’affaire Khalifa Ababacar Sall-Etat du Sénégal.
Saisie par l’ancien maire de Dakar qui était incarcéré depuis le 7 mars 2017 pour détournement de deniers publics, la Cour de justice de la Cedeao avait conclu dans sa décision rendue le 28 juin 2018 que l’Etat du Sénégal par le truchement de ses autorités policières et judiciaires a violé les droits d’assistance d’un conseil, à la présomption d’innocence et à un procès équitable de Khalifa Sall. C’est ainsi qu’elle a condamné l’Etat du Sénégal à verser 35.000.000 FCFA au leader de la plateforme Taxawu Sénégal. Seulement, malgré les appels sans réserve de l’ancien procureur général de la Cour d’appel de Dakar, Lansana Diabé Siby, demandant au Sénégal de se conformer à cette décision de la Cedeao, cela n’a jamais été fait. Cinq ans auparavant, les autorités sénégalaises s’étaient déjà illustrées dans leur défiance totale vis-à-vis de cette Cour de justice de la Cedeao quand elles avaient refusé d’appliquer sa décision invalidant l’interdiction de sortie du territoire national signifiée aux 25 dignitaires de l’ancien régime dont notamment : Karim Wade, Oumar Sarr, Samuel Sarr, Madické Niang, Ousmane Ngom, Tahibou Ndiaye (ancien directeur du Cadastre), Doudou Diagne (ex-directeur de l’Urbanisme) pour ne citer que ceux-là, une décision rendue le 22 février 2013.
par Marema Touré
PROFESSEUR IBA DER THIAM, DE LA TRAJECTOIRE PROFESSIONNELLE ET MILITANTE DU CITOYEN HISTORIEN
EXCLUSIF SENEPLUS - Iba Der était un combattant à la foi inébranlable, qui avançait en politique comme en religion. Toute sa vie durant, ce sont ses seules convictions, qui ont guidé, en dernière instance, toutes ses décisions (2/2)
L’inauguration, le 10 février 2023, de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT), m’avait imposé l’agréable devoir d’entamer ce témoignage dédié à mon défunt époux. Décédé le 31 Octobre 2020, le Professeur Iba Der Thiam était un homme exceptionnel. Je saisi l’occasion de cet anniversaire posthume pour compléter cet hommage que je rends à sa mémoire. Dans un premier jet, j’avais abordé l’identité et les valeurs de l’homme ainsi que la pertinence du système de parrainage des établissements scolaires dont il a été le précurseur. Je m’intéresse ici, à sa trajectoire professionnelle, syndicale et politique.
Il est de notoriété que l’illustre disparu a marqué des générations entières à travers son action publique unanimement reconnue. Toutefois, il faut l’admettre, si le militant Iba Der a été au cœur des nobles luttes de sa génération, il a aussi été au centre des controverses syndicales et politiques qui les ont ponctuées ! L’historien patriote a également été mêlé au débat épistémologique passionné mais riche de leçons, qui marqua la parution des premiers volumes de son projet titanesque de réécriture de l’Histoire Générale du Sénégal (HGS). C’est le sens de l’exercice, presque périlleux, auquel je me prête. En tant que témoin intime du dernier versant de sa vie, je me propose d’éclairer, de ma propre lanterne, l’itinéraire complexe du Grand Serviteur du Sénégal et de l’Afrique.
Un Historien Patriote, Enseignant jusqu’au dernier souffle
Persuadé, comme Cheikh Anta Diop que l’« Antériorité des civilisations nègres » loin d’être un Mythe est une Vérité historique, Der était taraudé par la question de savoir, pourquoi notre continent a autant de mal « Au plan des idées, des concepts, des symboles, des valeurs et des références, à se libérer des pesanteurs du passé, des préjugés hérités du système colonial, de l’ethnocentrisme et de l’apriorisme, des clichés, des comportements et des attitudes générées par des siècles d’endoctrinement, d’obscurantisme, de falsification des faits et de travestissements de la vérité, « de mensonge culturel », pour parler comme le regretté et sémillant Cheikh Anta Diop. » (Thiam 2009).
Le Panafricaniste convaincu, ne se lassait jamais de rappeler, la vérité avérée que « le monde négro-africain est, dans l’état actuel des connaissances, celui qui peut se réclamer de la plus ancienne histoire dans la trajectoire plurimillénaire de la très longue aventure humaine. C’est en Afrique qu’on situe le berceau de l’humanité. C’est, aussi, sur son sol, que se sont développées toutes les différentes phases du processus d’hominisation. Les mouvements Pan-noirs du 19ème et du début du 20ème siècles ont attiré, très tôt, l’attention sur les fastes de l’Egypte pharaonique, de l’Ethiopie Antique et sur l’éclat que l’humanisme du Soudan Nigérien a développé du 8ème au 16ème siècles, au moins ».
Conscient de l’urgence de déconstruire la triple colonialité du pouvoir, de l’État et des systèmes de savoir dominants (Lander, 2000 et Quijano, 2007) qui pèse sur le Continent, Iba Der s’est très vite attaqué aux disfonctionnements de notre monde asymétrique. Il trouvait paradoxal que la pensée africaine, pourtant antérieure, réelle et audible soit aujourd’hui marginalisée, réifiée et vassalisée.
Instituteur ayant gravi tous les échelons de la fonction enseignante, Iba Der Thiam est un exemple pour tous ceux qui croient que la pugnacité est la clef de la réussite. Promu en 1983, Ministre de l’Education Nationale, par le Président Abdou Diouf, qui adjoignit à ce Portefeuille, celui de l’Enseignement Supérieur de 1985 à 1988, Der demeura un pédagogue résolu jusqu’à son décès. Le Grand Professeur n’a jamais cessé d’enseigner et encadra à ce titre plusieurs Thèses et Mémoires.
La brillante trajectoire de ses étudiants en thèse, parmi lesquels Kalidou Diallo et Mor Ndaw qui, à son image, sont passés du statut d’instituteur à celui de professeur des universités, illustre à volonté, l’empreinte qu’il aura imprimée à ses fils institutionnels. Comme lui Kalidou, le continuateur de ses travaux sur le mouvement syndical au Sénégal, sera Ministre de l’Education Nationale. Comme lui, Mor Ndaw, actuel directeur d’une école doctorale, a été Inspecteur Général de l’Enseignement Secondaire. Parmi les premiers docteurs dirigés par le Professeur, il faut signaler l’historien artiste, Abdarahmane Ngaïdé, Omar Guèye, Gana Fall et tous ses autres fils que je n’ai pas pu citer.
Le Professeur Mor Ndaw, avec ses collègues du département d’histoire, Dr Daouda Diop et Dr Abdou Karim Tandjigora ont coordonné, avec un grand succès la publication et le lancement des « Mélanges dédiés au Professeur Iba Der Thiam ». Il en a été de même pour la cérémonie d’inauguration de l’UIDT, organisée avec panache, par l’ancienne Rectrice, Pre Ramatoulaye Diagne Mbengue. Ces événements ont été brillamment modérés par les Pr Mbaye Thiam et Lamane Mbaye. Je voudrais saisir cette occasion pour leur exprimer ma gratitude, ainsi qu’aux plus hautes autorités qui y ont été présentes et à tous ceux et celles, dont la seule présence est un témoignage d’amitié. C’est le meilleur hommage que la République et le monde universitaire pouvaient offrir à l’illustre défunt !
L’historien émérite ne s’est jamais départi de sa ferme résolution de défendre l’identité culturelle sénégalaise et africaine. Avec son style singulier, c’est d’abord en pédagogue qu’il occupa sa discipline. Ses publications ont, entre autres, contribué à répondre à l’impératif de disposer, de livres adéquats au double plan culturel et technique dans des matières importantes. Il dota son pays de huit (08) manuels structurants respectivement intitulés : Histoire du Sénégal et de l’Afrique ; Géographie du Sénégal ; Mon premier livre de Géographie ; Les Atlas Jeune Afrique (Sénégal) ; Instruction Civique classe de Sixième ; Instruction Civique classe de Cinquième ; Instruction Civique classe de Quatrième et Instruction Civique classe de Troisième. Ces ouvrages, conformes à son orientation patriotique, sont encore en usage dans les enseignements primaires et moyens du Sénégal. Ils permettent à la jeunesse de fixer leurs repères, de bien s’arrimer à la culture de leurs terroirs et de cultiver le civisme pour être des bons citoyens du monde.
Sa production scientifique inclut, entre autres, les publications intitulées : Maba Diakhou Bâ, Almamy du Rip (Sénégal), Paris, ABC, 1977 ; Le Sénégal dans la guerre 14-18, ou le prix du combat pour l'égalité, Dakar, Les Nouvelles Éditions Africaines, réédité en 2009 ; Histoire du mouvement syndical africain, 1790-1929, L’Harmattan, 1993 ; Histoire des Communes et leur rôle dans la construction de la démocratie sénégalaise et dans l’émergence d’un leadership indigène (Des premiers contacts au début du XXe siècle), NEAS – 2014 ; La Révolution de 1914 au Sénégal ou l’élection au Palais Bourbon du Député noir Blaise Diagne (De son vrai nom Galaye Mbaye Diagne) (Tome 1) - L’Harmattan Sénégal, 2014. Son tout dernier ouvrage a été édité, à titre posthume, par le Pr Mamadou Fall, actuel coordonnateur de l’HGS, qui le présente ainsi :
Ce livre porte sur la Tidjania. On y retrouve tout le talent, la générosité et le courage lucide de Iba Der Thiam. Il se fait l’écho d’un mémorable débat entre Amadou Bamba et Khali Madiakhaté Khala sur le sens et la portée de l’action d’un des disciples épigone du jihad de El Hadj Omar Tall : Akhmadou Sheikhou. Les armes de la guerre sainte s’étaient à peine posées qu’il fallait en analyser les ressorts, la portée et la signification. Les arguments, les hypothèses et les paradigmes se croisaient déjà dans ce moment fondateur de notre historiographie. La démarche de Iba Der est celle d’un historien engagé dans une relation sympathique avec son objet. Le texte est déroulé comme un chapelet de l’initié au « wird » Tidiane qu’il est. (Fall 2022).
Au plan continental et international, Pr Thiam figure parmi les principaux rédacteurs de l’Histoire Générale de l’Afrique (HGA), réalisée par l’UNESCO. Directeur des volumes VI et VII de l’HGA dédiés à l’Histoire du Développement Scientifique et Culturel de l’Humanité ; Co-directeur de l’Histoire de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ; Co-auteur du Tome VI (Parties I et II) de la Collection « Les différents aspects de la civilisation islamique » - UNESCO 2017-, le Professeur a également participé à plusieurs ouvrages collectifs dans la Collection traitant des différents aspects de la civilisation islamique, sous l’égide de l’UNESCO et de l’ISESCO.
Il a également publié plus de 450 articles, conférences, communications, préfaces scientifiques, politiques, économiques et culturels, dans des revues et journaux et à l’occasion de manifestations scientifiques qui traitent de thèmes tellement divers qu’ils confirment encore son éclectisme déjà souligné. Il était le Président de la Commission Nationale chargée de célébrer la Journée du Tirailleur Sénégalais et a également été le Président du Comité pour la Valorisation des Archives de Thiaroye 44 "COVART 44". C’est le lieu de reconnaître ses compagnons dans ce parcours, le Pr Mamadou Koné et le Colonnel Birama Thioune, ainsi que le soutien de tous les généraux, chefs d’état-major de notre armée, qui l’ont soutenu dans cette mission.
Coordonnateur Général du projet Histoire Générale du Sénégal des Origines à nos Jours, de 2013 jusqu’à son éclipse, il dédia les dernières années de sa vie à cette œuvre monumentale. Ce projet qui vise à retracer la cohérence de l’évolution générale du Sénégal, des origines du peuplement à nos jours dans les différents domaines de la vie politique, économique, sociale, syndicale, diplomatique, institutionnelle, scientifique, technique et culturelle, a occupé le dernier versant de sa vie. Il s’est consacré, corps et âme, à en démontrer la rationalité, le but et la méthodologie et à lui donner corps. L’HGS est mise en œuvre par une équipe multidisciplinaire composée d’historiens et de chercheurs des différentes régions ou de la diaspora, appartenant à toutes les disciplines capables de contribuer à la reconstruction du très précieux héritage, qu’est la mémoire de notre peuple, et la construction de repères nationaux communs. (Note conceptuelle HGS).
Les cinq volumes, publiés de son vivant ont, de l’avis des éditeurs, déjà contribué « à reconstruire sur la très longue durée la trame des événements historiques qui permettent d’appréhender toute la complexité des facteurs essentiels d’explication de ce qui fait le Sénégal actuel et son identité, à travers la contribution de ses populations, à l’édification de son unité territoriale et à l’avènement des valeurs communes qui fondent et justifient son attachement au pluralisme, à la démocratie, à la justice, à la paix, à la solidarité, à la dignité et au développement, dans le respect des différences ».
A l’instar de beaucoup de travaux scientifiques structurants, ces publications inaugurales avaient suscité débats et passions. Avec la détermination de la nouvelle équipe dirigeante de l’HGS, il ne fait nul doute que toutes les leçons seront tirées, sans concession, du débat critique et salvateur, que notre passion partagée pour cette histoire qui nous touche dans nos identités intimes, avait soulevé, avec bonheur. La nouvelle équipe et le comité de pilotage d’HGS, s’acquittent magistralement du viatique reçu. Avec ardeur et hardiesse, ils s’attèlent à la tâche de parachever cette œuvre de rédemption africaine que Iba Der Thiam a commencé avec eux. Ils perpétuent la collégialité, la synergie créatrice et le sens de l’éthique qui a toujours été le label de l’HGS. En toute modestie, certains ont même affirmé, que le regretté Historien est irremplaçable. Mais, je voudrais, ici, confesser qu’en les écoutant, je suis constamment émue de redécouvrir que ni le talent oratoire, ni la mémoire des faits, ni la verve du tribun, ni le savoir encyclopédique, ni même la conviction exubérante de l’historien militant, n’a disparu avec l’éclipse du Grand Professeur. Je demeure convaincue que la moisson sera encore plus généreuse et les contributions toujours pertinentes pour réaliser la totalité des objectifs fixés.
Quelle agréable impression de voir certains d’entre eux, croiser, si élégamment, le fer des idées avec l’incorrigible race des détracteurs du projet ! Loin de s’éteindre avec la disparition de Super Der, les fossoyeurs de la ligne éthique et scientifique de l’HGS semblent revigorés par le « courage » sans gloire de s’attaquer à l’honneur du vaillant guerrier endormi. Ces « contradicteurs fugitifs » savent pourtant très bien que même dans sa nouvelle tanière pour un repos mérité, le défunt lion, qui n’a jamais connu la peur, a encore à sa portée la réplique toujours saillante du batailleur aguerri. En vrai gentlemen, la vaillante équipe de l’HGS a insufflé un nouvel élan à la résilience de roseau de leur preux légataire. Comme le digne héritier de Mbakhar Thiam, ils ne se dérobent nullement quand la confrontation s’impose. Comme leurs glorieux prédécesseurs, ils savent affronter, avec classe et célérité, toutes les formes d’adversité !
A cette belle équipe, je rappelle que, comme moi, le public du Sénégal, de l’Afrique et tous ceux qui, dans le monde entier, sont férus d’une histoire africaine réhabilitée et remise sur ses pieds, attendent, impatiemment de découvrir les dix ouvrages produits dans l’année consécutive au décès du Professeur et la suite imminente. Nous savons déjà qu’ils s’inscriront dans le même ancrage local de la production historique des cinq premiers volumes. Nous savons également que ces nouvelles publications seront dans la continuité de la logique d’intégration (..) de chaque lieu de mémoire, chaque grand témoin dans un contexte régional et panafricain comme le dit si bien le coordonnateur.
Un syndicaliste organique doublé d’un militant politique
L’existence de Iba Der Thiam a également été, une vie de combat sans répit pour l’indépendance du pays et les libertés syndicales ; Combat pour la souveraineté effective et totale du Sénégal et de toute l’Afrique ; Combat pour le progrès social des populations du Sénégal, de notre continent et de ses Diasporas. C’est là que réside la signification du saut qualitatif qu’il effectua, très tôt, en renforçant son statut de syndicaliste par un engagement politique constant et fécond, tout au long de son histoire. Combattant des bonnes causes, Der a été un acteur central des polémiques politiques qui ont marqué l’Afrique depuis l’aube des luttes pour la liberté de nos peuples.
De 1955 à 1958, il est élu président de la « Jeunesse scolaire de Kaolack » (JSK), une Association calquée sur le modèle Jeunes Turcs, Jeunes Egyptiens, Jeunes Tunisiens, Jeunes Algériens, qui eut un impact certain sur son orientation patriotique et panafricaniste. C’est ainsi que, dès ses 18 ans, il fût un membre influent du Comité de coordination des Associations scolaires du Sénégal, membre du Rassemblement de la Jeunesse Africaine (RJDA) et du Conseil de la jeunesse du Sénégal.
C’est suivant une logique toute transparente que le militant et spécialiste du mouvement syndical adhéra au Parti Africain de l’Indépendance (PAI), dès les lendemains de sa création, en septembre 1957 à Thiès. Cette cité rebelle a été le théâtre des grandes grèves de cheminots de 1938 et 1947, projetées au cœur des travaux de l’Universitaire Iba Der Thiam. Quoi de plus naturel que ce soit dans ce parti de gauche, qui opta clairement, dès ses débuts, pour le socialisme avec une orientation résolue pour le marxisme-léninisme, le panafricanisme et le pan-négrisme, que Iba Der effectua ses premiers pas en politique ?
Après avoir fourbi ses armes au PAI, l’homme politique Iba Der avec d’autres compagnons rejoignirent le Parti du Regroupement Africain-Sénégal (PRA-Sénégal), créé en septembre 1958, qui fort de son idéal panafricaniste adhéra au Parti du regroupement africain (PRA). On remarque, pourtant que, comme beaucoup de combattant de sa génération, Der n’a jamais rompu avec les objectifs déclarés du PAI, son parti originel. Tout au long de son itinéraire politique, « la défense de la cause de tous les noirs », « la lutte pour l’unité africaine » et « la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme » ont servi de colonne vertébrale à l’action syndical et politique du militant Iba Der Thiam. Ses camarades, qui sont encore en vie, peuvent témoigner avec moi, que si les divergences, surtout tactiques, ont certes conduits certains d’entre eux, à emprunter des pistes différentes (mais souvent convergentes), les mots d’ordre du PAI : Mom sa reew pour l’indépendance, Bok sa reew pour l’unité nationale et Défar sa reew pour la construction nationale et le développement, sont toujours restés au centre de leur foi ultime.
La trajectoire syndicale et politique du citoyen engagé, Iba Der Thiam s’identifie, en effet, à la logique mouvementée de l’histoire politique du Sénégal. De 1960 à 1973, le Sénégal a officiellement vécu sous le régime du parti unique de l’Union Progressiste Sénégalaise (UPS), créée en 1958 par Lamine Guèye et Léopold Sédar Senghor. Ce dernier, élu Président de la République en 1960 resserra l’étau. Le PRA-Sénégal et le Bloc des Masses Sénégalaises (BMS) ont ainsi intégré l’UPS, pendant que le PAI, le Front National Sénégalais (FNS), etc., ont été dissouts. Ce n’est qu’en 1974, avec la conjonction des luttes estudiantines, de l’action syndicale et des groupes politiques clandestins, mais également la pression du peuple et de l’opinion internationale que le président Senghor autorisa la création du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) de Maître Abdoulaye Wade.
Combattant indomptable, le dirigeant syndical a été présent sur tous les fronts de la lutte pour revendiquer et faire respecter les droits des travailleurs. Ancien Secrétaire Général du Syndicat Unique de l’Enseignement Laïc (SUEL) et du Syndicat des Enseignants du Sénégal (SES) de 1966 à 1972, ancien membre du Bureau de l’Union Nationale des Travailleurs du Sénégal (UNTS), le militant indocile a été arrêté trois fois et mis en prison pour activités politiques et syndicales. Sa dernière condamnation sous le régime Senghorien, en 1971, devait durer trois ans, avant qu’il n’obtienne une remise de peine par grâce présidentielle, après neuf mois de détention.
Il me plait de souligner que cette période a beaucoup raffermi les liens qui unissent Iba Der et Thiès, cette plate-forme des insoumis qui accueille aujourd’hui l’Université à laquelle, le Président Maky Sall a bien voulu donner son nom. Iba Der et la cité du rail partageaient, en effet, la même grille de principe fondée sur la résistance. L’esprit et la lettre du syndicalisme, dont Thiès a été la capitale attitrée, ont été les constantes dans l’itinéraire curviligne de Der le combattant. Sous cet angle également, les jeunes étudiant-e-s de l’UIDT peuvent et doivent être fiers de leur Parrain.
C’est aussi en acteur déterminé que l’historien engagé a été un témoin privilégié de la révision constitutionnelle du 19 mars 1976, qui porta le nombre des partis à trois au maximum, soumis à la règle de représenter des courants de pensée différents. L’UPS s’arrogea l’étiquette socialiste et démocratique et prit sa nouvelle appellation, de Parti Socialiste (PS) en décembre 1976. Le courant Libéral et démocratique fut affecté au PDS. Des différents démembrements issus du PAI historique, seule la faction dirigée par Majemouth Diop fut reconnue. Le courant communiste ou marxiste – léniniste lui fût attribué et la reconnaissance officielle de l’appellation d’origine, PAI-Sénégal. Avec la révision constitutionnelle du 28 décembre 1978, le nombre des partis fut porté à quatre. Le nouveau courant, représentant le centre ou le conservatisme, fut attribué au Mouvement Républicain Sénégalais (MRS), fondé par Maître Boubacar Guèye.
En décembre 1980, le président Senghor dévoila sa double décision de quitter le pouvoir en se faisant succéder par son Premier Ministre Abdou Diouf. Pour le citoyen militant Iba Der Thiam comme pour tout le pays d’ailleurs, ce fut un tournant important ! Toutes les victimes des persécutions de Senghor se mobilisèrent, avec des directions différentes, les uns pour continuer de faire face au nouvel avatar du régime et les autres pour accompagner les réformes hardies que le nouveau Président entreprit. Parmi les premières mesures, l’abrogation de la Loi des quatre courants, remplacée par la Loi n°81 – 16 du 6 mai 1981 modifiant l’article 3 de la Constitution qui instaura le multipartisme intégral. La métaphore inspirée du président Diouf, « la Mosquée est ouverte et tous les muezzins autorisés à lancer leur appel à la prière » ne « tomba pas dans l’oreille de sourds ». Beaucoup de « feddayin » saisirent la balle au bond pour fonder leurs « chapelles partisanes » et obtenir un récépissé pour leur clan politique.
Cependant, la tactique d’Abdou Diouf ne se limita pas aux réformes. Dans la perspective des élections de 1983, il ficela une stratégie féconde pour garder le pouvoir. Des pans entiers des élites nationales décidèrent également de l’accompagner. Il fut plébiscité par les principaux foyers maraboutiques et obtint le « Ndiguel » du Khalife général de la confrérie mouride. Bien au-delà de la communauté mouride, la puissance du discours de Serigne Abdou Lahad Mbacké frappa la mémoire du Sénégal. D’autres centres de la Tidjania lancèrent aussi des appels au profit du Président musulman qui s’était rendu, plusieurs fois à la Mecque. Le très influent Cheikh Omar Mountaga Daha Tall, petit fils du Grand Djihadiste de l’Islam El Hadji Omar Tall, séjourna longuement au Fouta pour apporter son soutien actif au candidat Abdou Diouf. Mais ce qui était, le plus singulier, c’était la multitude de mouvements de soutien dont certains étaient portés par des « intellectuels patriotes » et avaient une résonnance nationaliste. (Tamba 2011).
Dans cette mouvance, le militant Iba Der prit fait et cause pour le président Diouf. Comme à l’accoutumée, il avança sans masque. Toujours, à l’avant-garde des causes qu’il défend, Super Der démultiplia les fronts. En sus de sa qualité de « Membre de l’Appel des 1500 » lancé en 1981, il fut le Président du Groupe d’Etudes et de Réflexion pour un Sénégal Nouveau (GRESEN), puis fonda le Mouvement « Abdo ñu doy » (Notre confiance va à Abdou). Éternellement égal à lui-même il soutînt, de toutes ses forces, celui qu’il considérait, à cette époque-là, comme le principal porte-étendard des intérêts du pays.
A sa sortie du gouvernement, le 05 Avril 1988, Iba Der poursuivit son action politique. Ses divergences avec certains pôles du pouvoir avec qui il avait déjà connu des antagonismes, surtout autour de son projet d’école nouvelle, a fini par se muer en une cristallisation avec le régime. Au début des années 1990, Der se retrouva, de nouveau dans l’opposition contre le Parti Socialiste et son chef, Abdou Diouf. Ce qui peut apparaître à première vue comme un changement de cap est pourtant un itinéraire logique pour qui connait Iba Der Thiam. Convaincu qu’il était de ne devoir sa loyauté qu’à ce qu’il considère conforme aux intérêts du Sénégal, Iba Der a toujours été constant dans sa position de patriote libre et incorruptible. Généreux dans tous ses engagements, il était foncièrement indépendant dans ses prises de décision et rebelle à toute forme d’asservissement. Sa posture était toujours conforme à la morale du croyant qu’il était.
Avec le multipartisme illimité, qui est toujours de mise, Der et ses camarades créèrent leur propre formation politique, la Convention des Démocrates et des Patriotes Garab-Gi (CDP/Garab-Gi) dont le récépissé lui fut délivré le 13 juillet 1992. Ses compagnons lui firent l’amitié de le propulser au rang de Secrétaire Général (SG) du Parti. A deux reprises, ils l’ont investi comme candidat aux élections présidentielles de 1993 et 2000. Ayant eu la chance de côtoyer les dirigeants de cette formation, j’ai toujours pensé qu’au-delà du projet politique, leur véritable liant résidait dans leur commune conviction que l’action partisane doit être fondée sur l’éthique et les valeurs cardinales de notre société. Leur foi inaliénable dans la primauté de l’intérêt supérieure de notre nation par rapport à leur propre destin a toujours guidé leurs options.
C’est lors des élections législatives de 1993 auxquelles, la CDP/Garab-Gi participa sous la bannière de la coalition « Jappoo Liggeyal Sénégal » fondée avec And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ-PADS) de Landig Savané et le Rassemblement National Démocratique (RDN) de Madior Diouf, que Iba Der fit sa première entrée comme Député à l’Assemblée Nationale. Pendant cinq législatures, de 1993 à 2017, il y sera successivement élu. Pendant deux législatures, il fut, le Premier Vice-président de l’Assemblée Nationale du Sénégal. Ce bail, qu’il noua avec la nation sénégalaise dura pendant 24 ans ininterrompus. Ce fut une période centrale dans la trajectoire politique de l’éminent militant. Ces nombreuses prestations pertinentes, percutantes, imbues de justice sociale et toujours du côté des dominés, lui valurent le surnom mérité de Député du Peuple.
Ce n’est possible de survoler, ici, le trajet florissant de l’ancien Coordonnateur du Front pour l’Alternance (FAL) et du Regroupement des partis politiques de la Majorité présidentielle, dénommé « Convergence des Actions autour du Président pour le 21ème siècle » (CAP-21) sous le Président Abdoulaye Wade. Le Président Wade lui proposa les fonctions de Président du Conseil de la République pour les Affaires Economiques et Sociales (CRAES), quatrième personnalité de l’Etat et plus tard celle de Ministre d’Etat auprès du Président de la République, qu’il déclina poliment en faveur de sa nette préférence de continuer à servir le peuple sénégalais en tant que Député.
Parmi ses principaux camarades de la CDP/Garab-Gi, je voudrais ici citer le SG-Adjoint, le très fidèle Ibrahima Fall, son complice de toutes les causes. Quelques portes étendards, dont Mamoussé Diagne, le porte-parole unique de Iba Der en politique, Thierno Lo, Tidiane Ly, tous les membres du Groupe de Rufisque, Isma Dioum, Abdourahmane Seck dit Omer, Meïssa Bèye, Bassirou Guène, Gana Ndour, Mansour Aw, Alassane Ba, Mbaye Sy, Mbaye Sall, Malick Sy, Youssou Sow, Diégane Guèye, Sogui Tine, entre autres personnalités qui figuraient parmi ceux qui portèrent le parti.
Il importe également de nommer les valeureuses dames dont Marème Wane Ly, la première femme candidate à l’élection présidentielle sénégalaise, les fidèles comme Maty Thiaw, Fatou Ba, Adja Oumou Diallo, Rama Sow, Aida Gassama, Aïssatou Ba, Bety Ngom, Mama Mangane et toutes mes autres Ndieuké (belles sœurs) que je tiens encore en très haute estime. Le mouvement était vaste et porteur d’espoir pour beaucoup de jeunes patriotes qui voyaient, en Iba Der une personne intègre et honnête. Des personnalités comme Abou Aziz Kébé, les jeunes Papa Sadio Thiam, le premier de ses neveux à adhérer au Parti, Ibrahima Faye son ombre de toujours, Mamadou Diakhaté, Mawa Ndiaye, Doudou Koulibaly, Ndiaye Diop, Ismaila Madior Fall, Mor Thioub, Mamadou Ndione, Maimouna Ndiaye, Lémou Niang, Khady Ndiaye, Tidiane Baldé et tous les autres qui se retrouvent aujourd’hui dans d’autres partis ou non, mais souvent avec la même sincérité.
Je m’incline devant la mémoire de Falilou Fall, Moussa Bayo, Serigne Taiba Sarré, Pathé Ndiaye, Guédé Diouf, Abdoulaye Diagne, Aly Thiobane, Khady Guène, la grande artiste Mame Saye Diop, Pauline Sène, Mame Basse, toutes et tous les patriotes qui nous ont devancé. Paix à leurs âmes !
Pour ne pas conclure sur ce registre central de la vie du patriote émérite, je voudrais simplement confier aux observateurs non avertis, pour qui la trajectoire du militant Iba Der Thiam pourrait apparaître faussement versatile, que ce qu’il importe d’en retenir c’est que dans toutes ses postures, toute sa vie durant, sa seule boussole était le Sénégal. L’Afrique était sa patrie et la Ummah sa Communauté. Son engagement militant repose sur la même sincérité. Au pouvoir comme dans l’opposition, il demeurait fidèle à ses convictions et défendait ses idées avec la même la verve et les mêmes discours toujours engagés.
C’est avec la même générosité parfois débordante, les mêmes superlatifs qu’il aimait aligner, que Der parlait de ses camarades mais aussi de ses adversaires du moment. Même quand il les avait soutenus, dans des périodes où il croyait qu’ils incarnaient au mieux les intérêts du Sénégal, il n’hésitait pas à traduire son état d’âme au moment où il posait ses actes. Iba Der Thiam était toujours quitte avec sa conscience. Il ne se souciait pas des commentaires que suscitaient ses partis pris, car il était constamment certain d’avoir agi dans l’intérêt stricte du Sénégal.
Désintéressé, qu’il était de toutes formes de prébendes, de richesses matérielles et même de prestige, son intégrité était reconnue de tous. Iba Der était un combattant à la foi inébranlable, qui avançait en politique comme en religion. Toute sa vie durant, ce sont ses seules convictions, qui ont guidé, en dernière instance, toutes ses décisions.
Fall Mamadou, 2022, Discours prononcé lors de la cérémonie de lancement des « Mélanges dédiés au Professeur Iba Der Thiam », Dakar, UCAD.
Lander Edgardo (dir.), 2000, La colonialidad del saber: eurocentrismo y ciencias sociales. Perspectivas latinoamericanas, Buenos Aires CLACSO, Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales, p.4-23.
QUIJANO Aníbal, 2007, “COLONIALITY AND MODERNITY/RATIONALITY”, Cultural Studies, 21: 2, 168 — 178. DOI: 10.1080/09502380601164353 URL: http://dx.doi.org/10.1080/0950238060116435
Thiam Iba Der, 2009, « De la Nécessite de Faire Appel à d'autres Sagesses et Cultures pour enrichir l'histoire de la Démocratie Et des Droits Humains », Série de Conférence sur la Renaissance Africaine, UCAD, Dakar, Sénégal.
Cette partie repose essentiellement sur les différentes « biographies » de Iba Der dont le Curriculum Vitae celle qu’il avait lui-même élaboré, qui a été plusieurs fois repris en particulier la version proposée par Kalidou Diallo et celle de Mor Ndaw.