Les banques classiques et les institutions de micro-finances ont été, durant plusieurs années, les seuls acteurs du marché des transferts d’argent au Sénégal à travers des structures financières telles que Western union, Money gram, Money express. Mais, aujourd’hui, ces dernières semblent bousculées par d’autres concurrents qui grignotent les parts de marchés comme Wari, Joni-Joni, entre autres. Du côté des usagers, on se réjouit de la proximité et de la rapidité des services de ces structures. Toutefois, ces clients déplorent la cherté des frais de transfert et souhaitent leur baisse.
Difficile de circuler dans les rues de la capitale sans tomber sur une boutique où on offre de multiples services notamment le transfert d’argent. Ces cantines pullulent comme des champignons. La moindre surface d’un angle d’une rue est transformée en un centre de services financiers. De véritables places financières décentralisées, devrait-on dire. Au rond-point Jet d’eau, à une trentaine de mètres, une affiche publicitaire lumineuse indique la direction d’une bâtisse toute neuve peinte en blanc-gris.
A l’intérieur, quelques clients prennent place sur les chaises rangées de part et d’autre. Au fond, Marie Sylla, une belle nymphe au joli teint clair, le regard attirant, le sourire accueillant, se concentre sur son ordinateur. Elle est au service de ses hôtes. L’impatience se lit sur les visages de certains d’entre eux. Mais le respect de l’ordre d’arrivée s’érige en règle.
Moustapha Kaba, 40 ans, est agent administratif. C’est la fin du mois. Il doit envoyer les frais de la dépense quotidienne au village. Et le moyen le plus rapide, selon lui, reste les structures de transferts d’argent. C’est pourquoi il s’est pointé dès les premières heures de la matinée pour s’acquitter de cette tâche avant de rejoindre le bureau. « Auparavant, je partais à l’ancienne gare routière de Pompiers pour envoyer de l’argent à mes parents. Maintenant qu’il existe d’autres mécanismes qui permettent de faire le même travail beaucoup plus rapide, je ne peux que m’en réjouir », se félicite-t-il.
Même sentiment de satisfaction chez un autre client Lamine Kairé, qui relève l’efficacité et la discrétion du service. Il vient d’envoyer un montant de 80.000 FCfa à son grand frère habitant à Bambèye pour les besoins de la finition de sa maison. Toutefois, il déplore les frais jugés « exorbitants » par rapport à la somme envoyée. « Sur le montant envoyé, j’ai payé 4.000 FCfa. Cela est trop cher », dénonce-t-il, invitant les responsables des opérateurs de transferts à revoir leur tarification d’envoi. A son avis, avec la multiplication des structures de transfert d’argent, on pourrait avoir des coûts beaucoup moins chers. La concurrence, argumente-t-il, doit profiter aux clients.
La gérante, Mlle Sylla, quant à elle, tire bien son épingle du jeu vu le nombre important de transactions effectuées par jour. Ce qui permet à sa structure de gagner des commissions sur les envois, les retraits et le paiement d’autres services comme les factures dans la journée. Cependant, elle reste aphone sur son chiffre d’affaires malgré notre insistance. Moussa est propriétaire d’une quincaillerie établie au Front de terre, non loin de la gendarmerie.
En plus de ses activités de commerçant, il a aménagé un petit cabinet au coin de sa boutique pour faire des services de transferts d’argent. Presque toutes les structures sont présentes dans ses offres, Orange money, Wari, Joni-Joni, Yobanté cash… Ismaël est aux manettes.
A l’aide de téléphone couplé d’une minuscule imprimerie laser et d’un ordinateur portable, de l’autre côté, il réalise ses transactions. Assis sous un ventilateur pendu au plafond, le bonhomme très sollicité, est accueillant. Une de ses clientes, Fama Gaye vient tout juste de payer sa facture d’électricité moyennant des frais estimés à 500FCfa. « J’allais passer des heures à patienter dans les rangs devant les agences Senelec pour m’acquitter de mes factures. Ce qui fait que je perdais beaucoup de temps », explique la dame, très affaiblie par la canicule.
Une autre fille voilée, détentrice d’un compte orange money vient, elle, effectuer un retrait pour régler ses besoins personnels. Comme d’autres clients, elle dénonce la facturation chère des montants transférés. En raison d’un envoi de 5.000 FCfa, il faut payer 400 FCfa et 700 pour 10.000 FCfa.
L’arrivée de Wari, Joni Joni… a donné une nouvelle configuration au marché de transfert d’argent qui été longtemps sous le contrôle des banques classiques par le biais de Western Union, Money Gram, entre autres. Aujourd’hui, les usagers semblent sortir des contraintes bancaires pour pouvoir effectuer un certain nombre de services financiers tels que le paiement mobile, le transfert de fonds, l’épargne etc.
PAIEMENT MOBILE OU MOBILE BANKING : La revanche des exclus du système bancaire
La révolution des Tic n’a pas épargné l’univers des finances avec l’utilisation du téléphone portable dans les services financiers. Grâce à cet outil de communication, l’usager parvient également à ouvrir son propre compte, effectuer des transactions, faire des épargnes et régler ses factures. Autant d’opportunités qui constituent, selon certains analystes, une réponse au problème de la bancarisation que rencontre une bonne partie de la population.
Face à la complexité des procédures administratives bancaires, à l’ignorance par bon nombre de la population du fonctionnement du système des banques, à la flambée usuraire des taux d’intérêts pratiqués par les institutions de crédit, l’avènement du paiement mobile ou « mobile banking » semble être une alternative pour combler ce gap. Aujourd’hui, la plupart des personnes qui n’ont pas la possibilité d’accéder aux banques, pour diverses raisons, se contentent à l’ouverture de compte à travers les opérateurs de téléphonie.
Pour Abdoul Karim Sow, directeur du Centre de traitement informatisé du Sénégal (Ctisn), une structure s’activant dans les Services financiers décentralisés (Sfd), le « mobile banking » est un marché qui reste très dynamique avec de plus en plus d’acteurs qui essaient d’offrir encore plus de services en misant sur la convergence de plusieurs supports notamment la monétique.
Il estime que l’avènement de la carte Joni Joni liée à la plateforme de transfert est un exemple intéressant à suivre. C’est un marché, dit-il, qui reste très dynamique avec des possibilités d’innovations. Celles-ci, souligne M. Sow, doivent aller dans le sens de dépasser simplement le transfert d’argent. « Il est possible aujourd’hui d’améliorer les plateformes pour faciliter l’ensemble de nos transactions quotidiennes avec les paiements mobiles par exemple payer le taxi, le bus le boutiquier du coin etc. », préconise-t-il.
Mais pour cela, à son avis, il faudra une politique audacieuse des autorités tendant à favoriser l’utilisation de tels services avec des mesures incitatives. Selon le patron de Ctisn, le paiement mobile réduit la circulation du cash et sécurise les personnes qui voyagent dans des zones de conflits. En plus, il réduit « pas mal » le coût de transaction sur les microcrédits surtout en zone rurale où certaines populations doivent payer des coûts de déplacement importants pour payer un microcrédit.
En réalité, le paiement mobile devra faciliter la vie des populations en permettant le paiement des services des bases (eau, électricité etc.) en toute sécurité, l’accès à l’information et d’autres services relatif au M-commerce (Mobile commerce).
Pour sa part, Dr Abdoul Salam Fall, sociologue, coordinateur du Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales (Lartes) à l’Ifan, relève que face à l’explosion du nombre d’abonnés en mobile, la téléphonie mobile est devenue un moyen d’initiation et d’exécution de transactions financières en ligne. Il soutient que le paiement mobile a créé une zone de convergence entre ces deux secteurs.
Sa cible, indique-t-il, est la population non bancarisée qui demeure importante au Sénégal si l’on tient compte de la proportion d’analphabètes. Pour M. Fall, l’émergence des solutions « orientées mobile » offertes par les Smartphones dans le marché des télécommunications réduit la présence physique dans les banques.
En effet, ces solutions, de par leur simplicité, se substituent à celles proposées par le système bancaire (inutile de renseigner un numéro de carte bancaire au moment de l’achat sur son mobile). L’opérateur devient le maillon le plus important de toute la chaîne de valeur, maîtrisant la création et la gestion du compte au paiement. Comparé à l’acte bancaire, le paiement par l’opérateur présente de nombreux avantages dont la fluidité, la simplicité et le coût des transactions pour le client.
Pour un cadre juridique incitatif
Pour le directeur du Lartes, Dr Abdou Salam Fall, le pullulement des services de mobile cash au Sénégal s’est développé « sans préavis », sans qu’il ait pu se préparer en amont un cadre réglementaire. A l’heure actuelle, constate-t-il, « le Sénégal ne dispose pas d’un cadre légal et réglementaire favorable » pour l’activité de transfert de fonds par téléphonie mobile.
Or, souligne Abdoul Salam Fall, ce sont les intérêts des consommateurs et la durabilité de tels produits qui sont en jeu. De plus, indépendamment de la protection du consommateur, ce cadre légal permettrait de superviser les systèmes de paiement, les contrats électroniques y afférents, les potentielles activités de blanchiment d’argent et les technologies de l’information et de la communication. M. Sall estime que dans notre pays, l’absence d’une réglementation appropriée pour ce service « novateur » qu’est le mobile cash est vécue sans grande difficulté par les consommateurs qui transcendent les frontières.
M. Sow ne semble pas partager cet avis car, selon lui, la réglementation sur les moyens de paiement existe avec comme principales motivations : servir de siège légal aux systèmes automatisés de paiement, créer un environnement juridique adapté à la mise en place des conventions de place devant sous-tendre le fonctionnement des différents systèmes, affirmer la conformité aux normes internationales des règles mises en place dans le cadre du nouveau système de paiement.
S’y ajoute la facilitation de la mise en œuvre des mesures de promotion de la bancarisation et de l’utilisation des moyens scripturaux et les aménagements à la loi uniformes sur les instruments de paiement. Pour favoriser l’accès de ces services liés au paiement mobile, Abdou Salam Fall juge nécessaire de prendre en compte l’univers culturel des communautés dans la définition des politiques, former et éduquer les populations à l’appropriation des services de paiement mobile.
Dans les pays où l’économie est basée sur la liquidité, le paiement mobile constitue un élément essentiel pour faire face à l’équation de la bancarisation dont le taux peine toujours à dépasser les 20% malgré la floraison des banques et des institutions de microfinance.
L’adoption du paiement mobile fortement tributaire du niveau d’instruction, selon une étude du Cres
L’étude intitulée « Inclusion financière à travers le mobile-banking dans la niche des ménages à faible revenu », réalisée par Yaya Ky, François Seck Fall et Ousmane Birba, chercheurs au Cres, établit une corrélation entre le niveau d’instruction et la possession du m-banking. En réalité, ceux qui ont un certain niveau d’études utilisent plus facilement ces outils.
Selon les auteurs, les personnes qui savent lire et écrire possèdent plus cette technologie que celles qui sont analphabètes ou qui ont un faible niveau d’instruction. En outre, l’enquête du Cres révèle que les membres d’une tontine, les propriétaires de micro-entreprise ont plus intégré cette solution technologique dans la gestion de leurs affaires.
En dépit de ces opportunités, le taux de pénétration du m-banking reste relativement faible dans les pays comme le Sénégal où le rythme de diffusion de la téléphonie mobile est pourtant passé de 10 % en 2005 à 77 % en 2011. Il est donc important, d’après les chercheurs du Cres, d’explorer les pistes devant conduire à une utilisation plus accrue des services financiers via la téléphonie mobile.
L’étude, qui tente d’apporter des éclairages sur les facteurs sociaux et économiques de l’intégration du mobile-Banking dans la banlieue dakaroise aux différentes étapes de son adoption, note également que l’âge a tout son poids sur la méconnaissance du m-banking chez les sujets interrogés. En effet, la probabilité pour les personnes qui ont 45 ans et plus de connaître cette technologie est faible au premier stade du processus d’adoption à savoir la connaissance.
Par contre, les autres caractéristiques des personnes enquêtées ne sont pas si déterminantes à cette étape, mentionne le document du Cres. Ajoutant que la nouvelle influence liée au salaire peut s’expliquer par le faible coût du recours au m-banking.
L’utilisation de cette technologie est également tributaire du niveau du revenu dans certains cas. Il est apparu que le revenu modeste peut aussi pousser des individus à ne pas intégrer le m-banking dans leur mode vie en estimant que leur marge de manœuvre en matière d’épargne est marginale.
SOULEYMANE CISSOKHO, ECONOMISTE, FINANCIER
« Les prestataires n’ont pas suffisamment développé les énormes potentialités que présentent les services de paiement mobile »
De l’avis de Soulymane Cissokho, économiste, financier, spécialiste en suivi et évaluation, les nombreuses opportunités qu’offre le paiement mobile n’ont pas encore été exploitées dans notre pays. Il déplore le manque de transparence dans la tarification car, soutient-il, les coûts liés aux prestations restent très élevés par rapport à la qualité du service fourni.
Quelles appréciations faites-vous de l’avènement du paiement mobile au Sénégal et la problématique de l’inclusion financière ?
Je constate que malgré un fort taux de pénétration du téléphone mobile, favorisé par la concurrence du marché, le paiement en espèces continue de dominer toujours dans les transactions, ce qui explique en partie le faible taux de bancarisation de la population. En plus, je remarque que ce fort taux de pénétration du téléphone mobile ne parvient pas à servir comme un moyen d’inclusion financière pour faciliter la bancarisation de la majorité de la population active à travers le développement des services de banques à distance par le biais de la téléphonie mobile, particulièrement dans les zones rurales.
Enfin, il faut noter que ce faible taux de bancarisation de la population ne facilite pas l’épargne car ce dernier est l’un des produits financiers le plus important, parce qu’il il permet de constituer une réserve pour effectuer des transactions courantes et également de faire face aux dépenses d’imprévus, ou de constituer une garantie en cas de nécessité de contracter un emprunt avec une institution financière. Ainsi, on peut dire que l’avènement du paiement mobile a connu un boom extraordinaire au Sénégal sous une approche de consommateurs et non clientéliste.
Car l’offre des produits et services obéit plus avec une approche ciblée de la clientèle. Et je trouve que les prestataires n’ont pas suffisamment développé les énormes potentialités que présentent ces services de paiement mobile.
Cependant il faut souligner que quelques prestataires sont souvent bien positionnés pour vendre un produit d’envoi de fonds de qualité, qui réponde spécifiquement aux besoins de leur base de clientèle traditionnelle. Par ailleurs, un certain nombre de facteurs essentiels doivent être réunis pour garantir le succès dans le domaine des transferts d’argent par le paiement mobile.
Ainsi, il faut souligner que la qualité des produits liés aux transferts d’argent est caractérisée par leur rapidité, leur fiabilité, leur accessibilité et par la tarification correcte, transparente et également facile d’utilisation. Sous ce rapport, il doit prendre en compte les besoins essentiels des clients, expéditeurs comme destinataires. C’est pourquoi le processus de développement des produits de transferts d’argent doit être rigoureusement soumis à la logique des « 8 P » qui sont une méthode d’évaluation de la conception des produits à offrir comme suit :
Public :
C'est-à-dire le ciblage du groupe doit être homogène, identifiable, accessible et de taille suffisante, en cherchant quelle est la proposition de valeur pour ce groupe ? Puis de savoir s’il y a un décalage entre l’offre actuelle et la demande du marché cible ?
Produit : Il s’agit dans ce cadre de voir toutes les caractéristiques et attributs du produit, ses avantages, son appellation, et également de s’assurer les avantages qu’il procure aussi bien pour les clients, réels et potentiels ?
Prix : Parce qu’il est un instrument de tarification tels que le taux d’intérêt, solde minimal, les frais et les commissions etc.
Processus : Sous ce rapport il doit être un processus opérationnel nécessaire pour une activité spécifique, sous une forme standardisée qui peut être reproduite
Place (lieu) : Sur ce plan, le lieu ainsi que le canal par lequel le client accède au produit, soit le canal de distribution et les points de vente est extrêmement déterminant dans la qualité de l’offre de produit.
Personnel : Ensuite, les ressources humaines impliquées nécessitent des formations et un besoin d’accompagnement et de coaching pour plus d’efficacité et de sécurité dans le front of office etc.
Présentation : En plus, le design ou les supports physiques du produit (par exemple brochures et formulaires) font partie de la qualité de l’offre.
Promotion : Enfin, les campagnes publicitaires et mesures marketing destinées à attirer l’attention du marché cible sur le produit et à promouvoir les ventes.
Outre le paiement mobile, on a constaté aussi l’essor des activités du marché de transfert d’argent avec l’avènement de Wari, Joni Joni, entre autres. Comment analysez-vous l’évolution de ce marché ?
Il faut souligner d’abord que le transfert d’argent est un service financier qui est accessible pratiquement à tout le monde, en ce sens qu’il ne nécessite pas d’avoir un compte dans une institution financière pour pouvoir l’utiliser. Ainsi, aujourd’hui, on peut constater que ce marché de transfert d’argent au Sénégal a connu de nouveaux opérateurs comme les sociétés de téléphones mobiles autres que des sociétés spécialisées comme (Western Union, Money Gram etc.) qui offrent des services de transfert de fonds où les transactions sont effectuées en espèces. Ils offrent leurs services en partenariat avec les institutions financières ou à travers des agents indépendants autorisés.
Cependant, ce qu’il faut déplorer dans ce marché de transfert d’argent, c’est la faible transparence dans la tarification, car les coûts liés aux prestations sont très élevés par rapport à la qualité du service fourni. Et sous ce rapport, l’Etat avec les autorités monétaires peuvent s’appuyer sur ce marché de transfert d’argent pour en faire un véritable instrument d’incitation à la valorisation des transferts de fonds surtout des immigrés dans des investissements productifs.
Il peut aussi, à partir de ces statistiques financières, développer de véritables politiques de ciblage des personnes à faible revenu dans le but d’améliorer davantage les politiques de solidarité nationale, comme par exemple la Bourse de sécurité familiale (Bnf), la Couverture maladie universelle (Cmu), l’emploi des jeunes…
Les transferts d’argent à l’intérieur du pays se font le plus souvent par le canal d’un agent indépendant, ou par des moyens informels (famille, proche etc.). Le téléphone portable vient au troisième rang et devance les institutions financières et la Poste pour ce type de service.
Autrement dit, les opérateurs de transferts d’argent qui dominent le marché local au Sénégal sont aujourd’hui Wari malgré la baisse des tarifs Western Union, Money Gram et Money Express par l’entremise des banques et des Institutions de microfinance avec qui ils signent des conventions de partenariat. Par ailleurs, la loi permet à une banque ou une Imf détenant un organe financier de disposer des services de plusieurs opérateurs de transferts. Au Sénégal, les banques constituent les interlocuteurs directs des opérateurs de transfert d’argent. Cependant, elles ont un rayon d’action très limité car elles ne couvrent qu’environ 8% de bancarisation et leur couverture géographique reste encore très faible dans le pays.
Pour pallier ce déficit, les banques nouent des partenariats de plus en plus avec des institutions de micro-finance (qui sont utilisés comme des sous-agent de transfert d’argent) pour atteindre certaines couches de la population et bénéficier de leur présence dans les zones rurales les plus reculées. On note cependant des forces et faiblesses liées aux types de transfert. Il faut relever que les transferts d’espèces à espèces restent encore dominants sur le marché des envois de fonds.
Toutefois, grâce à des partenariats forts entre les Opérateurs de transfert d’argent (Ota) et les banques du côté des expéditeurs, et les institutions de micro-finance du côté des destinataires, l’impact des transferts d’argent peut être optimisé en offrant aux expéditeurs comme aux destinataires des opportunités de bancarisation et d’accroissement des actifs grâce aux comptes d’épargne. Par contre, les transferts d’argent via le mobile n’arrivent pas à servir comme moyen d’accès au crédit bancaire au Sénégal.
En plus, il n’existe pas une approche unique et idéale de partenariat (partenariat simple ou partenariat multiple), car chaque prestataire peut déterminer le type de partenariat commercial qui lui convient le mieux pour réussir dans ce domaine.
A votre avis, qu’est-ce qui explique les contraintes liées au développement de l’inclusion financière soutenu par l’éclosion de la téléphonie ?
Il est important de définir et d’expliquer l’inclusion financière en apportant au préalable quelques précisions sur la notion d’exclusion car lorsqu’on parle d’inclusion financière, c’est parce qu’il y a exclusion financière. Il faut noter que l’exclusion financière est le fait des personnes qui ne font pas recours aux systèmes financiers, ni formels ni informels. Et cette situation concerne la majorité de la population au Sénégal et généralement dans tous les pays de la zone monétaire ouest africaine.
Autrement dit, il faut comprendre que l’exclusion implique ici une limitation de l’accès aux services financiers liée à l’identification par les institutions financières, notamment les banques de risques spécifiques et de coûts de transaction plus élevés. Alors, l’inclusion financière est un concept multidimensionnel qui se définit par un accès permanent de la population civile à une gamme de produits et services financiers offerts par des institutions financières formelles et pérennes, régies par une réglementation adéquate, diversifiés, abordables et adaptés aux besoins de la population et utilisés par celle-ci dans le but de contribuer à l’amélioration de ses conditions de vie socio-économiques.
Au regard de cette définition, il s’agit maintenant de s’interroger sur les différentes problématiques d’inclusion financière au Sénégal. Il faut souligner que les contraintes à l’inclusion financière sont nombreuses, diverses et variées aussi bien du côté de l’offre (des institutions financières) que de la demande (clients). En effet, il est constaté, de façon générale, que la demande d’inclusion financière reste encore très faiblement prise en compte dans l’ensemble des pays de la zone Uemoa, particulièrement pour une certaine catégorie de personnes, notamment la population rurale, les jeunes, les femmes et les micros et petits entrepreneurs etc.
Du côté de la demande, l’une des principales contraintes majeures soulevées dans plusieurs études est liée à l’absence ou à la faiblesse des revenus des populations, ce qui limite considérablement leur capacité d’épargne et de crédit. En plus, il s’y ajoute également, entre autres, le manque d’information et de confiance vis-à-vis des institutions financières ainsi que le manque de structuration de la demande et de sa solvabilité qui constituent des contraintes à l’inclusion financière.
À l'inverse, du côté de la demande, les contraintes au niveau de l’offre peuvent se situer à plusieurs niveaux. D’abord, au plan de la réglementation, des améliorations doivent être apportées, notamment en ce qui concerne le cadre de supervision des activités du mobile banking et du paiement électronique, car il n’existe pas encore un cadre de supervision formel qui prend en compte la diversité des acteurs et des types d’acteurs à surveiller.
En effet, si les émetteurs de monnaie électronique sont supervisés par la Bceao, il n’en demeure pas moins de relever qu’il n’existe pratiquement pas une réglementation sur les détaillants/agents, ce qui favorise aujourd’hui le développement des réseaux avec des difficultés de contrôles sur les fraudes et la vérification des niveaux de liquidité.
Vu la floraison des services financiers à travers la téléphonie mobile. Existe-t-il réellement un cadre réglementaire dans notre pays régissant le fonctionnement de ce secteur ?
Oui, évidemment, il existe un cadre réglementaire lié au paiement électronique. C’est l’instruction relative à l’émission de monnaie électronique qui autorise ce type d’instrument de paiement et d’identification des établissements émetteurs ou distributeurs de monnaie électronique. Sous ce rapport, les institutions de micro-finance peuvent émettre de la monnaie électronique, moyennant une autorisation de la direction nationale de la Bceao avec notification au gouverneur. Pour les banques, un avis de non objection est requis et pour les établissements de monnaie électronique, un agrément.
Il faut rappeler à ce niveau que l’autorisation des institutions de micro-finance d’exercer des activités d’émission et de gestion de monnaie électronique est assujettie à plusieurs conditions. Elles doivent disposer d’un capital social ou d’un dépôt de 300 millions FCfa, signer des contrats de partenariats, établir des études financières avec des impacts sur la situation financière de l’institution de micro-finance, enfin avoir un dispositif technique permettant d’assurer ainsi l’authentification, la confidentialité, l’intégrité. En outre, il faut noter que les exigences de la Bceao par rapport aux agents et sous-agents conventionnés portent notamment sur la traçabilité et le remboursement de la monnaie électronique.
A ce niveau, soulignons que la réglementation a une définition très précise d’un établissement émetteur de monnaie électronique et les réseaux d’agents ne peuvent outrepasser leur rôle d’agents d’intermédiaires. Il s’agit des tâches comme : le renforcement de la clientèle par l’acquisition de nouveaux clients, le paiement par voie de transfert d’argent, la distribution de paiement prépayé et l’acceptation de moyens de paiement sous la supervision de l’agent émetteur.
Donc il est du ressort des établissements financiers et bancaires de mettre en place des procédures de gestion administrative financière afin de préserver leur image et réputation, et également de ne s’exposer aux sanctions de la Bceao en cas faute ou de manquement.
Malgré ce dynamisme noté dans les secteurs du paiement mobile et du transfert d’argent par le téléphone, des citoyens peinent encore à accéder à ces types de services financiers. Que faut-il faire pour combler ce gap ?
Il faut aujourd’hui favoriser le développement de paiement électronique comme par exemple la digitalisation des paiements des prestations sociales, des impôts et le secteur de la distribution. Et je dis que cela est possible grâce au développement très avancé des Tic. Mais cela passera, entre autres, nécessairement par des préalables comme la promotion d’une véritable avancée économique et financière des populations.
Et d’ailleurs, à ce titre, certaines organisations internationales comme le Fonds d’équipement des Nations unies pour le développement (Uncdf), à travers son programme Mobile money for the poor, aident à la mise en place de solutions digitales dans le but d’améliorer l’accès aux services financiers des personnes exclues et des micro-entreprises.
Ensuite, aujourd’hui, il faut envisager plusieurs actions importantes comme, premièrement, la dématérialisation des modes de paiement, le développement de l’inter-bancarité, ce qui permet de réduire les comptes dormants ou inactifs et améliorer le portefeuille client des banques.
Enfin, il est essentiel de mettre en place un réseau élargi plus adapté aux contraintes et difficultés d’inclusion financière.
LA JEUNESSE AFRICAINE N’A PAS VOCATION À FINIR AU FOND DE L’OCÉAN
Macky Sall au 2e forum économique de la francophonie de Paris
Quels sont les freins pour avoir une zone économique commune à tous les pays francophones ? La question a été posée en marge du deuxième forum économique de la Francophonie à Paris. Données par Macky Sall, Ali Bongo, Michaelle Jean et Laurent Fabius, les réponses ont été diverses avec souvent une tentative de concilier nécessités nationales et besoins régionaux.
Dialogue avec le privé
Annoncé par la France lors du deuxième Forum économique de la Francophonie, l’octroi de titres de séjour allant jusqu’à quatre ans pour la mobilité des hommes d’affaires et étudiants francophones est une avancée fondamentale sur l’épineuse question de la mobilité. Il reste cependant la lancinante question du « passeport francophone ». Pour Macky Sall, « à sa connaissance, rien a été fait pour le moment ». Le président Sall met en parallèle deux situations. D’un côté, les hommes d’affaires occidentaux rentrent et sortent comme ils le veulent en Afrique. D’un autre côté, l’inverse n’est pas encore possible, constate le président Sall. « J’avais instauré un visa d’entrée qui a été abandonné par la suite après une évaluation de la situation », dit-il.
L’abandon du visa d’entrée au Sénégal a été qualifié par Michaelle Jean, la Secrétaire générale de l’OIF, de « geste extraordinaire » avant de poursuivre : « Quand des entrepreneurs circulent, c’est parce qu’ils ont envie d’examiner d’autres marchés, de négocier des entreprenariats. Ce n’est pas pour prendre asile ailleurs ». Mme Jean émet l’hypothèse que l’OIF puisse se porter garante de « certains projets d’entrepreneurs ». Aller au-delà de l’aspect culturel du partage du français pour évoquer les questions avec pragmatisme. « C’est bien beau de parler de la francophonie mais nos jeunes se demandent : qu’est-ce que cela met dans l’assiette ? » rappelle Ali Bongo Ondimba, président du Gabon. Sur les opportunités que présente l’Afrique, le président gabonais évoque plusieurs pistes : « Il faut développer l’axe économique Nord-Sud. Nous faisons face à des problèmes de développement certes, mais aussi écologiques qui impactent sur le développement économique. Il en résulte l’accélération du phénomène migratoire vers l’Europe. Les solutions économiques existent à travers le secteur public mais aussi privé. Le dialogue avec le privé va nous permettre de connaître les besoins du marché ». Le rôle du Franc Cfa est souvent décrié, à tort ou à raison. Macky Sall, président en exercice de la Cedeao et Ali Bongo de la Ceac, ont des avis complémentaires sur la question. L’idée de libérer une partie des réserves des banques centrales de l’Afrique de l’Ouest, et celle de l’Afrique centrale déposée à la banque de France est souvent soulevée.
Ce qui devrait permettre d’avoir le capital d’une banque de développement de la Francophonie afin de se doter véritablement de moyens d’un développement accéléré. « Il faut être prudent quand on parle de monnaie, tempère Ali Bongo qui est sur la même longueur d’onde que Macky Sall : « La question monétaire est très sérieuse et ne doit pas être abordée sous le simple angle économique ».
« Notre système en place depuis des décennies a certes des contraintes, mais il est facteur de stabilité pour le développement », poursuit le président gabonais qui pense plutôt à des « harmonisations à faire pour trouver un véritable modèle ».
Utilité d’une banque francophone
Tout en pensant que « les mécanismes du Franc Cfa peuvent être améliorés ». Laurent Fabius met l’accent sur « la stabilité monétaire indispensable pour le développement économique ». C’est une raison fondamentale pour que le chef de la diplomatie française renouvelle sa mise en garde de prudence sur les mécanismes monétaires et législatifs. Garanti depuis plusieurs décennies par le trésor français, le Franc CFA a des atouts et des inconvénients.
Pour les points positifs, Macky Sall est revenu sur « sa stabilité monétaire » qui permet de passer de la monnaie unique à l’intégration économique ; le Franc CFA « permet aussi d’avoir des politiques douanières communes » : Ce qui a facilité l’union monétaire et économique, d’avoir un tarif extérieur commun et des critères de convergence, les mêmes fiscalités dans l’espace ouest-africain. Le Franc CFA est d’autant plus un atout que les « Etats africains sont malheureusement de micros Etats, en réalité ». Il faut « aller vers des espaces élargis et le Franc CFA de l’Afrique de l’ouest et celui de l’Afrique centrale devraient converger pour en faire une seule zone monétaire stable ».
Avec tous ses avantages, le Franc CFA n’est pas en contradiction avec la création d’une banque centrale francophone. « Ce n’est pas en opposition, reprend Macky Sall. Mais il est vrai que nous devons pousser nos banques centrales à être plus dans le développement. Elles ont une philosophie trop financière alors que c’est l’économie qui doit commander la monnaie. Il y a des interactions qui doivent aller ensemble. Nos banques centrales doivent être plus présentes dans l’économie, dans le financement du développement. Récemment à Dakar, la BAD a décidé de mettre 10 milliards de dollars sur 10 ans dans le secteur de l’agriculture.Nos banques centrales doivent aider les banques commerciales dans le financement du secteur agricole en Afrique ».
De l’avis du président sénégalais, la croissance en zone francophone inclusive est matérialisée et sous-tendue principalement par la garantie de l’emploi. Mais il existe d’autres efforts à fournir : « comme mieux gérer les ressources, mieux optimiser les choix économiques et budgétaires, accroître la transparence budgétaire et faire plus d’inclusion dans les politiques sociales mais aussi renforcer le volet formation professionnelle ».
Macky Sall est conscient des manques dans le système éducatif sénégalais qui « n’est pas adapté aux besoins de l’emploi ». Même constat pour Ali Bongo Odimba : « Au Gabon, la formation des jeunes ne correspond pas toujours à l’offre proposée. Avec des politiques d’allégement fiscal, nous demandons aux entreprises du privé de participer à la formation des jeunes. Nous demandons à toute société de plus de 50 employés de prendre des apprentis ».
Macky Sall pense à la nécessité de faire « des réformes majeures pour continuer à faire l’excellence dans l’enseignement général sénégalais, mais également donner des perspectives à la jeunesse afin de lui permettre de donner les bras nécessaires à la croissance de l’Afrique ».
La croissance des 54 Etats, des 800 millions d’Africains, va nécessiter beaucoup de marchés. Ce qui va engendrer des partenariats entre gouvernements du Nord et ceux du Sud. Le chef de l’Etat sénégalais donne l’exemple du train express régional que le Sénégal va réaliser au début de l’année 2016.
Sur ce projet, l’Etat du Sénégal a invité les entreprises à développer des partenariats avec des entreprises locales sur chaque lot (phases du projet). « Ce qui permettra le transfert de technologie et ainsi une richesse partagée. Ce qui permettra aussi à la jeunesse de rester sur le continent. Notre jeunesse n’a pas vocation à traverser la méditerranée et à finir au fond de l’océan, mais de participer pleinement au développement du continent ».
On a chanté avec eux et dansé sur leurs rythmes. Pour chacun d'eux, on a pensé qu'il allait révolutionner ou contribuer à parfaire la musique sénégalaise mais, pour aucun d'eux, cela n'a été le cas. Pourtant ces chanteurs avaient ou semblaient avoir du talent. Pourquoi les choses n'ont pas marché pour eux ? se demande-t-on. EnQuête pose le débat avec divers acteurs culturels.
Quel mélomane n'a pas aimé et fredonné des chansons d'El Hadji Faye "Samina", d'Abou Thiouballo, d'Amy Collé Dieng, de Lamine Seignane, d'Assane Gaye (ndlr Thione 2), d'Alassane Fall, de Tanor Tita Mbaye, de Maïga, d'Amy Mbengue, d'Abdou Rass, de Malouida, de Maïga, Boy Marone, etc.
Beaucoup trouvaient que ces jeunes avaient du talent et leurs places dans le show-business. Mais tous ou presque ont fait long feu. On ne comprend pas comment ils ont pu passer d'un apogée à un déclin en un temps record alors qu'ils ont les atouts nécessaires pour rester au sommet. Pour résoudre cette équation, certains n'hésitent pas à évoquer des problèmes mystiques pour expliquer ces succès à la volée.
Mais de l'avis du producteur Bouba Ndour, on a l'habitude de dire au Sénégal que tel artiste est victime de maraboutage ou de pratiques mystiques. "Je ne cautionnerai pas qu'un artiste vienne dire que c'est une cause mystique qui est à la base de sa perte de performance. D'ailleurs une personne qui réfléchit ne doit pas avoir ce comportement. J'exclus le côté mystique dont beaucoup de personne parlent", dit-il.
Un argument que ne partage pas un manager qui a travaillé avec beaucoup d'artistes dont Ousmane Seck, Moustapha Goudiaby. "Pour les chanteurs qui disent être victimes de coups bas, de maraboutage et autres, qu'ils sachent que nous sommes au Sénégal et cela existe dans toutes les professions, que ce soit dans la musique ou dans d'autres domaines. C'est un fait réel qui existe au Sénégal", indique-t-il.
Par ailleurs, loin de ces explications qui peuvent paraître irrationnelles, des causes plus raisonnables sont évoquées ici. Pour Bouba Ndour, le talent dont on parle peut être juste trompeur. "Il y a beaucoup de facteurs qui font que parfois les artistes disparaissent. Des fois, ils n'ont pas assez de talent parce qu'aussi une personne peut faire un tube et ne plus être capable de faire mieux ou à la limite autant. Cela montre juste qu'il n'a pas assez de talent", pense-t-il.
Le journaliste Pa Assane Seck abonde dans le même sens en approfondissant la réflexion. "Certains d'entre eux font des tubes qui bougent et cartonnent parce qu'ils ont compris les réalités psychologiques du moment, mais cela ne veut dire qu'ils font de la bonne musique", déclare-t-il. Pour dire que ces artistes "font des musiques de mode et la mode est éphémère". Ce qui est à l'image de leur carrière. D'autres par contre, ne manquent pas de talent, mais n'ont pas su gérer leur succès. "
Un encadrement non adéquat
Il s'y ajoute qu'il peut arriver, selon Tapha Goudiaby, que l'artiste ne puisse pas gérer son succès, en changeant de comportement, et de mode de vie, alors qu'il n'était pas préparé à tout cela comme le relève Bouba Ndour. "Quand le succès arrive si l'artiste n'est pas réellement mature il peut casser son rythme de travail, ce qui peut entraîner une baisse de performance", explique-t-il.
La mauvaise gestion du triomphe constitue donc un frein pour certains. D'autant plus que grâce ou à cause de cela, leur cercle d'amis grossit et ce ne sont pas tout le temps les bonnes personnes qui viennent s'incruster.
"L'artiste, dès qu'il a du succès, est entouré par des gens attirés par ce succès-là. Alors ce sont ceux-là qui créent certains problèmes et lui mettent dans la tête des choses fausses jusqu'à ce qu'il se sépare de sa maison de production alors que ces derniers ne peuvent rien lui apporter. Ces gens sont généralement des amis, des membres de la famille qui ne maîtrisent pas le domaine. Une carrière doit être gérée par toute une équipe. Si un artiste est mal entouré, forcément il ne peut pas percer. Donc, un problème d'entourage s'impose de plus en plus", analyse Bouba Ndour.
L'animateur de la Rfm Sidate Thioune est aussi du même avis. "Ces chanteurs disparus de la scène musicale actuelle ont certes du talent mais il leur manquait un bon encadrement avec des gens expérimentés pour qu'ils puissent durer dans la sphère musicale. Certes, ils cartonnent quand ils sortent un single ou un album mais c'est la suite qui pose véritablement problème. Donc, pour qu'ils puissent s'en sortir, ils doivent avoir à leurs côtés des gens qui peuvent les guider et leur montrer le bon chemin à suivre", suggère-t-il.
Surtout quand le succès commence à leur monter à la tête. "Quand l'artiste n'arrive pas à gérer son succès, c'est à l'encadrement de le recadrer", renseigne Tafa Goudiaby. Encore qu'il faudrait qu'il ait de la considération pour ces gens-là. Car, les choses peuvent se dessiner de sorte qu'il pense que sans lui rien ne marche ou que sans lui les autres ne sont rien, oubliant que ce sont ces autres qui ont fait de lui le phénomène qu'il est aujourd'hui.
"Il faut oser le dire : tant que les artistes ne respecteront pas les gens qui les encadrent, ils n'iront nulle part", ajoute-t-il. "Des chanteurs ont du succès et pensent automatiquement qu'ils peuvent tout gérer et commencent à prendre de mauvaises décisions", renchérit Bouba Ndour.
La mauvaise gestion du succès
En outre, tous ces écueils trouvent leur cause principale dans la vision que l'artiste a de sa carrière. Et ces artistes-là donnent l'impression de n'avoir pas compris que la musique est un métier comme tous les autres. "Quand on décide de faire une production, il faut y mettre du sérieux. D'ailleurs, il faut du sérieux dans tout ce que l'on entame dans la vie", conseille Michael Soummah animateur à Dakar Fm.
Le journaliste et chargé de communication du chanteur Pape Diouf, Pa Assane Seck lui, pense simplement que "certains artistes ne sont pas rigoureux dans ce qu'ils font, il y a un certain manque de professionnalisme.". Alors que les choses ne semblent pas si simples que le croient certains.
Sortir un album ou une chanson de qualité demande un certain nombre de pré requis. Le talent à lui seul ne suffit pas. "Certains sont toujours pressés de réaliser leur produit. Ils sont nombreux d'ailleurs les musiciens qui réalisent leur produit dans les studios", constate Michael Soumah.
Alors qu"'auparavant, il fallait répéter d'abord, enregistrer la maquette ensuite et présenter cette maquette au studio. Et c'est sur la base de cette maquette que tout le travail était fait. Aujourd'hui, on se rend compte que tout se réalisait directement en studio en peu de temps. L'artiste enregistre en studio, amène ses musiciens et vite, le produit est fini. C'est ce qui fait que ce sont des produits assez éphémères et le succès de l'artiste est alors à l'image du son single ou de son album", dixit l'animateur de Dakar Fm.
Ainsi, le processus normal et respectif de production est violé. On rate dès le début le procédé régulier. Et c'est ce que Pa Assane Seck appelle "défaut dans la création". Ce qui peut s'expliquer par le fait qu'ils ne sont pas "nombreux les artistes qui travaillent sérieusement pour éviter de répéter les mêmes choses et de créer en mettant sur le marché du nouveau", à en croire Bouba Ndour.
Sur un autre registre, le manque de producteurs ainsi que la piraterie sont évoqués pour expliquer la situation. Comme le souligne Sidate Thioune, il n'y a aujourd'hui qu'un seul label de production, qui ne peut pas produire tout le monde malheureusement. Seulement, être dans un bon label n'assure pas toujours un avenir sûr. "Abou Thiouballo a travaillé avec prince Arts et a tout de même eu un succès bref", rappelle Tapha Goudiaby.
"Ils n'ont pas laissé d'empreintes à travers leur musique"
"On ne peut pas d'un seul coup conquérir le monde. Un musicien doit être patient. Son devoir est de toujours travailler. Il y en a qui cartonnent avec un single au Sénégal mais deux à trois mois au maximum, après, on les oublie. C'est parce qu'ils n'ont pas laissé de solides empreintes pour rester gravés dans l'esprit des Sénégalais. Il y a ce qu'on appelle une musique immortelle, celle qui peut accompagner des générations. Pour cela, il faut un temps pour des recherches, consacrer sa vie à la musique. Aussi, il faut être entouré de bons arrangeurs qui maîtrisent l'orchestration. Une chose qui devient de plus en plus rare. Avant, on commençait par maîtriser l'orchestration, savoir ce que c'est que la mélodie, l'harmonie, savoir sur quelle base on doit faire notre attaque, etc. Tout cela, on le maîtrisait avant de créer quoi que ce soit. On écoutait beaucoup le Super international, Number one entre autres grands groupes de l'époque. Mais aujourd'hui, il suffit de franchir d'autres frontières pour savoir que le Mbalax n'est pas exportable. Il y a aussi des artistes qui sont pressés de sortir un album alors qu'ils devaient encore attendre environ cinq ans pour maîtriser certaines choses. Il faut faire du Mbalax mais tout en se mettant à l'esprit une certaine ouverture pour sillonner le monde. J'insiste pour que les jeunes revoient leur manière de travailler. Malheureusement, d'aucuns pensent qu'il s'agit d'une leçon de morale alors que je ne fais que relater les faits, la réalité. Il faut éviter les singles et prendre les singles pour des maquettes et puis revoir les textes, soigner les mélodies, la régularité, corriger petit à petit avant de sortir un album."
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DIACK EXHIBE MAINS PROPRES
Réaction de la famille de l'ancien président de l'IAAF suite à sa mise en examen
L'entourage du président Lamine Diack est monté au créneau, hier, pour dénoncer et démonter en pièces les accusations de corruption sur le dopage des athlètes russes dont il fait l'objet. Accusations portées par un juge français qui a mis en examen l'ancien président de l'Iaaf, qui sont qualifiées d'"excessives" et "insignifiantes".
L'annonce a fait l'effet d'un bombe, si elle n'a pas sonné comme une farce de mauvais goût. Lamine Diack mis en examen par le juge français Van Ruymbeke qui l'accuse dans une affaire de corruption sur le dopage. Telle est l'information qui a été donnée, ce mercredi par les médias français qui renseignent aussi que son conseil juridique, Me Habib Cissé, a été aussi impliqué dans cette affaire.
La question est dès lors de savoir pourquoi ? Pourquoi la France en veut tant à l'homme qui a dirigé avec brio la Fédération internationale des associations d'athlétisme (Iaaf) de 1999 à août dernier ? Selon les médias français, la justice hexagonale enquête suite à un signalement de l'Agence mondiale antidopage (Ama), parvenu début août au Parquet national financier (Pnf). Ils renseignent que d'après une enquête préliminaire, les investigations ont été confiées à des juges d'instruction financiers qui ont aussi entendu l'actuel président de l'Iaaf, le Britannique Sebastian Coe.
À la base une révélation d'une télé allemande
Lamine Diack et Habib Cissé sont "soupçonnés d'avoir touché de l'argent de la part de la fédération d'athlétisme russe pour avoir caché des cas de dopage d'athlètes locaux". Une accusation difficile à comprendre. En effet, pour les proches de l'ancien président de l'Iaaf, "la mise en examen du président Lamine Diack pour corruption passive, par la justice française suite à une prétendue histoire de dopage, est un nouvel épisode du feuilleton de l'acharnement contre lui".
"Cet acharnement a commencé il y a plus de 11 mois, suite aux ‘révélations' d'un documentaire d'une télévision allemande Ard, qui n'a jamais apporté de preuves. Plus de 16 mois d'enquête de la commission d'éthique de l'Iaaf dirigée par l'avocat anglais Michael Beloff n'ont encore rien donné de concret. La commission d'Ethique doit rendre ses décisions le 19 décembre 2015 à Londres. Et il est fort étonnant qu'à quelques semaines de son verdict, on transfère le dossier sur le plan judiciaire, par l'entremise d'une procédure engagée par l'enquête indépendante de l'Agence mondiale anti-dopage", s'étonne-t-on.
La revanche de l'Occident
Pour les proches du président Diack, "accuser le président d'une organisation sportive internationale d'avoir couvert des cas de dopage est surréaliste. Parce que le président de l'Iaaf ne siège dans aucune commission de contrôle et n'administre pas de tests antidopage. Il se contente de constater les résultats qu'on lui fournit et de faire prendre au Conseil de l'Iaaf des décisions sur les sanctions".
"En cas de dopage, on ne peut même pas accuser un président de fédération nationale, a fortiori un président de Fédération internationale. A titre d'exemple, c'est comme accuser un président de la République d'avoir une responsabilité personnelle dans un accident de la circulation parce qu'un conducteur n'a pas respecté le code de la route", fait-on le parallèle pour démonter "les arguments saugrenues" qui sous-tendent cette accusation.
Diack et pas Platini
"En fait, le club des nations occidentales n'a jamais digéré l'élection d'un Tiers mondiste à la tête de la plus importante fédération olympique (l'Iaaf a plus de membres que l'Onu) et surtout, sa décision stratégique d'organiser les événements d'athlétisme dans les pays émergents comme la Russie, le Qatar et la Chine. Cela, là où les Usa peinent à gagner démocratiquement l'attribution des Jo (Cas de Chicago contre Rio en 2009 et d'Eugene en Oregon contre Doha en 2014)", éclaire l'entourage du président Diack, qui entend prouver ainsi que cette affaire cache une volonté de prendre une revanche sur l'histoire et de ternir l'image d'un homme qui a été toujours cité en modèle.
En effet, au moment où "Lamine Diack est accusé de corruption passive et est mis en examen, dans le même pays qu'est la France, Michel Platini, un Français qui a avoué un délit de corruption active sur près de 2 000 000 d'euros encaissés sans contrepartie, a le soutien actif du gouvernement français", signale-t-on.
Soupçons de dopage
Dès lors, il apparaît qu'"accuser Lamine Diack, dont la probité est mondialement reconnue, et laisser Platini en liberté revient à sanctionner la vertu et à encourager le vice ou la justice vous rendra blanc ou noir selon que vous soyez sénégalais ou français. Cet acharnement est excessif. Et comme dit Talleyrand : 'Tout ce qui est excessif devient insignifiant'".
"Les accusations contre Lamine Diack sont tellement excessives qu'elles sont insignifiantes sur tous les plans. Et les jours qui viennent vont démontrer l'insignifiance de ces accusations surréalistes", clame l'entourage du Président Diack. Il est à noter que la Fédération internationale d'athlétisme a réagi, hier, dans un communiqué. Elle indique qu'elle "coopère pleinement" avec la justice française. Dans le cadre de l'enquête française, la police a perquisitionné le siège de l'Iaaf mardi, pour mener des auditions et consulter des documents, précise-t-elle
OMAR FAYE DE "LÉRAL ASKANWI"
"Soutien public au nom du peuple"
Connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche, Omar Faye n'a pas mis longtemps à réagir suite aux accusations de corruption portées par un juge français contre Lamine Diack et Habib Cissé. Des accusations qui ont abouti à une mise en examen de l'ancien président de l'Association internationale des associations d'athlétisme (Iaaf) et de son ex-conseiller juridique.
Pour le président du Mouvement Léral Askanwi, "cet acte a tous les relents d'un règlement de comptes, pour ne pas dire que cette affaire à des soubassements racistes". "On a été choqué par ces accusations graves contre un homme dont la probité morale ne souffre d'aucun doute et dont le monde entier sait qu'il s'est toujours battu pour un sport propre. Vous vous imaginez un seul instant que Lamine Diack, qui a été toujours à l'avant garde du combat contre le dopage puisse être complice d'une telle entreprise.
Assurément non ! Tous nous savons qu'il n'en est rien et que cette histoire a été montée de toutes pièces par des juges français en mal de sensation qui veulent salir un homme digne et respecté, qui a tout donné à sa discipline, l'athlétisme, et qui est le symbole même de son pays. Et nous, nous n'accepterons pas qu'on traîne dans la boue notre symbole", a clamé M. Faye.
Aussi, Omar Faye demande "solennellement à Macky Sall de marquer le coup. Nous demandons à notre président de la République, de faire une déclaration publique de soutien à Lamine Diack, au nom du peuple Sénégalais. Parce que ce digne fils du pays mérite ce soutien et mérite qu'on se mobilise tous pour lui servir de bouclier contre ses délateurs qui sont à la solde de lobbies qui veulent briser l'image d'une icône. Nous autres Sénégalais nous ne l'accepterons pas et nous voulons que notre Président soit en première ligne dans ce combat. Parce que c'est une bataille qui s'ouvre pour l'honneur du Sénégal et pour celui de tous ses fils".
Rappelant que lorsqu'il a été mis en cause à la Fifa, Michel Platini a reçu le soutien public du président français, François Hollande, Omar Faye de dire qu'"on n'en attend pas moins de Macky Sall. Et qu'on nous parle pas de neutralité, de séparation de pouvoir ou de lutte anti-corruption. Parce que, dans cette affaire, le monde entier sait de quoi ça retourne. Il s'agit d'un acharnement sur un digne de fils de l'Afrique que les Blancs, les Européens et les Français en particulier, n'ont jamais digéré de le voir trôner pendant 15 ans à la tête de la première fédération olympique au monde. Aujourd'hui, on solde des comptes contre cet homme, parce qu'il est noir, parce qu'il est africain".
"Mais, clame-t-il, que les Français sachent que Lamine Diack n'est pas seul. Il a tout un peuple derrière lui. S'il y a des corrompus et des dopés, ils savent très bien où les trouver. Et c'est chez eux. Puisque tout le système français est basé sur la corruption et le lobbying. La France est aujourd'hui la plus grande mafia du monde. Et c'est ce qui s'est passé entre Blatter et Platini, qui a reçu des milliards en sous main à la Fifa, le prouve éloquemment. Lamine Diack n'est pas comme eux et il ne sera jamais à leur botte".
LUTTE CONTRE LE DOPAGE
La partition de Lamine Diack
L'ancien président de l'Iaaf (1999-2015), Lamine Diack, accusé d'avoir accepté des pots de vins pour cacher des cas de dopage, a "largement contribué" à la lutte contre ce phénomène dans l'athlétisme pendant son magistère, indiquent des documents officiels de l'instance mondiale en charge de cette discipline.
Selon ces documents consultés mercredi par l'Aps, le secteur médical et antidopage de la Fédération internationale d'athlétisme, composé de quatre personnes en 2000, est passé à sept puis à 11 personnes en 2008. Dans le même temps, renseignent-ils, le budget alloué à ce secteur a régulièrement augmenté pour atteindre plus de deux millions et demi de dollars (2.535.000 dollars), avec la mise en place d'Antidoping Task Force. Parmi les actions édictées par l'Iaaf, notent ces documents officiels, figure en bonne place la mise en oeuvre de contrôles sanguins aux championnats du monde d'Edmonton (Canada) en 2001, sans compter les actions éducatives mises en ouvre par cette instance en direction des athlètes.
L'Iaaf rappelle avoir collaboré dans cette lutte avec plusieurs structures travaillant contre le dopage, évoquant sa décision datant des championnats d'Helsinki (Finlande) en 2005 et consistant à conserver tous les échantillons d'urine prélevés. En 2007, à Osaka (Japon), à côté du renouvellement des membres de la Commission médicale et antidopage en marge des championnats du monde, indiquent les mêmes documents, il y a eu un vaste programme de tests sanguins et urinaires, avant et durant la compétition. Ils signalent par ailleurs la signature de la convention tripartite Iaaf-Lad-Ama (Agence mondiale antidopage) pour la conduite des contrôles sanguins, actée lors des championnats du monde en 2011, à Daegu (Corée du Sud). S'y ajoute "la collecte de sang de tous les athlètes participant pour le module hématologique et le module endocrinien du passeport biologique", selon les mêmes sources.
A Moscou (Russie) en 2013, poursuivent-elles, de nouvelles mesures ont été prises et certaines reconduites comme le programme des tests sanguins avec contrôle de tous les athlètes. Dans le même ordre d'idées, soulignent encore ces documents de l'Iaaf, il faut citer l'idée d'un laboratoire satellite spécialisée dans les analyses de sang du passeport biologique, une structure qui devait être implantée à Nairobi (Kenya).
En août dernier, des médias allemands et anglais avaient fait état de l'existence d'échantillons sanguins de 800 athlètes présentant des valeurs de dopage "suspectes ou hautement suspectes". Ces médias faisaient référence à une base de données détenue par l'Iaaf et concernant des athlètes russes et kényans, à quelques semaines des championnats du monde de Pékin.
L'ancien président de l'Iaaf a été mis en examen à Paris dans un dossier de corruption lié à la lutte antidopage, rapportent mercredi plusieurs médias français. Lamine Diack, 82 ans, a été mis en examen lundi, a indiqué mercredi une source judiciaire qui confirmait une information de la chaine d'info continue 'iTélé. Son conseiller juridique, l'avocat Habib Cissé, a également été mis en examen par deux juges financiers parisiens.
AU SÉNÉGAL, ON NE VA PAS SE LAISSER FAIRE
Mbaye Jacques Diop, conseiller technique au ministère des Sports
Comme de nombreux Sénégalais, Mbaye Jacques Diop a été également surpris d'apprendre que Lamine Diack a été mis en examen pour une affaire de corruption. Ce conseiller technique au ministère des Sports et proche de l'ancien président de l'IAAF estime que l'homme mérite respect pour le travail abattu à la tête de l'instance mondiale d'athlétisme. Il promet de se mobiliser pour honorer Diack.
Comment avez-vous accueilli la nouvelle de la mise en examen de l'ancien président de l'IAAF, Lamine Diack, pour une affaire de corruption ?
C'est avec surprise que j'ai eu écho de cette information de iTELE. Mais vous savez, aujourd'hui, les dirigeants africains ont une certaine valeur et le Président Lamine Diack aussi incarne des valeurs, des vertus, il a une certaine éthique. Ce n'est pas à l'âge de 82 ans, au moment de quitter, qu'il sera impliqué dans ces affaires. Vous savez aujourd'hui, les Européens Blatter (président Fifa) et Platini (président Uefa) sont trempés ; maintenant, il faut que ces gens cherchent des coups dans la tête de ces Africains qui ont eu à gérer des instances mondiales. Le Président Lamine Diack a été un haut cadre dans l'administration sénégalaise, il a été un des plus éminents dirigeants du monde du sport sénégalais et même de l'athlétisme mondial. Je pense qu'il a su révolutionner la discipline au point de donner une certaine crédibilité. Parce qu'à l'époque, lorsqu'il venait, il n'y avait pas cette disposition ‘un pays une voix'. Lamine Diack a su transcender ça, il a au moins équilibré les chiffres. Je me rappelle lors du dernier congrès qui s'est tenue à Beijing (19 au 20 août 2015), où j'étais présent, le président (Sébastien Coe) avait dit que Lamine Diack avait laissé un héritage dans la mesure où les finances étaient saines. Aujourd'hui, quand quelqu'un vous laisse quand même pratiquement des millions de dollars dans vos comptes, cela veut dire que sa gestion a été transparente, ferme et équilibrée. Aujourd'hui, on ne peut pas venir du jour au lendemain pour essayer d'entacher tout ce qu'il a fait et au regard de ce qu'il représente pour le monde noir et le monde sportif. En tout cas nous, Sénégalais et Africains, n'allons accepter que les Européens pensent être des donneurs de leçons. Ils sont les premiers corrompus.
Pourtant, on dit que c'est un homme qui véhicule des valeurs…
C'est une énorme surprise donc d'apprendre sa mise en examen ! Parce que quelqu'un qui nous a toujours enseigné des valeurs, des vertus, qui nous a toujours demandé de les véhiculer, qui nous a demandé de les avoir… Moi, je connais très bien Lamine Diack, c'est un père pour moi, une référence pour moi. C'est donc quelqu'un qui mérite respect. On ne peut se lever du jour au lendemain et s'attaquer à lui. C'est quelqu'un qui a tout donné dans sa vie. Allez dans les comptes du président Lamine Diack, vous n'y trouverez pas un million F Cfa. C'est quelqu'un qui a l'habitude de partager. Sa générosité vous donne parfois des frissons. Parce qu'il donne à telle enseigne que vous avez parfois même peur. Il a tout donné dans sa vie, il ne s'est même pas occupé de sa famille alors qu'il aurait pu faire le contraire. Mais il a laissé sa famille, au service du sport, de la Nation. Donc on ne peut pas se lever un bon jour pour dire qu'il est inculpé ou mis en examen pour une affaire de corruption. Je pense que quelqu'un qui, en 1969, payait le salaire de quatre ministres, ne peut pas être incriminé pour une affaire de sous. Allez en Jamaïque et en Amérique, on vous dit : ‘On n'a jamais eu quelqu'un comme lui.'
Vous connaissez aussi son modèle de management…
Lamine Diack est un homme qui a toujours travaillé dans la plus grande transparence. Quand vous fautez, il vous appelle pour vous remettre à l'ordre. Mais pourquoi on ne va pas chercher dans la gestion du défunt président (Primo Nebiolo) et l'ancien président du CIO (Jacques Rogge) et autres ? C'est parce que tout simplement on a épinglé Platini et Blatter, et Beckenbauer sera entendu très prochainement. On dit : ‘Oui, ce sont toujours les Blancs ; ce sont des donneurs de leçons qui ne sont pas imbus de valeurs et de vertus.' Au Sénégal, on ne va pas se laisser faire. On va occuper l'espace médiatique, on va envoyer des contributions partout et travailler sur les réseaux sociaux pour montrer que le président Lamine Diack est un homme de valeurs, qui incarne des vertus, qui, à la limite, est une référence dans le monde du sport. Qu'on le veuille ou pas !
Le M23 invite au dialogue et n'exclut pas la dissolution de l'Assemblée nationale, dans la crise actuelle. Dans le même sillage, Assane Dioma Ndiaye, président de la ligue sénégalaise des droits humains, fustige l'absence de débat.
En conférence de presse hier, le mouvement du 23 juin (M23), coordonné par Mamadou Mbodji, a condamné "les tiraillements, invectives et pugilats auxquels se livrent les députés, depuis quelques jours". Selon l'analyse du M23, la grave crise qui sévit dans l'Hémicycle est sans aucun doute la conséquence d'une absence de dialogue entre la majorité et le pouvoir. Le mouvement appelle ainsi les parlementaires à la concertation, à défaut de dissoudre l'Assemblée nationale.
"Nous préconisons un dialogue dans tous les cas entre les gens du Pds pour trouver une solution interne et un autre entre l'opposition et la majorité pour qu'il y ait une stabilité dans l'espace parlementaire. Ce dialogue devrait conduire à la mise en place d'un nouveau bureau. A défaut de trouver ce consensus, on devrait envisager la dissolution de l'Assemblée nationale", a soutenu le coordinateur du mouvement.
Cependant Mamadou Mbodji et ses partisans révèlent que la réaction de l'opposition a été provoquée et que la majorité doit être animée d'un esprit de dépassement et se hisser à la hauteur des attentes citoyennes. "Nous pensons que les députés de la majorité sont les premiers responsables, car l'opposition doit avoir son propre groupe parlementaire. Le fond de cette affaire est purement politique", a ajouté Mbodji.
A l'en croire, le groupe dirigé par Moustapha Diakhaté a perpétué l'artifice de la majorité mécanique, en contribuant à installer la confusion, la défiance, la violence verbale et physique qui n'honorent pas notre démocratie. "Il n'est pas capiteux d'ajouter que cette situation calamiteuse découle de la révision tendancieuse de ce règlement intérieur qui a dessiné en pointillés l'absence dommageable de pluralisme à l'hémicycle", ont rajouté les membres du M23. Ils se sont toutefois démarqués de la prochaine mobilisation prévue par la "commission orientation et stratégie" du M23.
Me Assane Dioma Ndiaye : "Cette situation entraîne le désamour entre le peuple et ses dirigeants"
"Pour l'intérêt de la démocratie, on doit avoir une opposition et un pouvoir, car le débat public est l'expression des libertés", souligne Me Assane Dioma Ndiaye, joint par EnQuête. Le président de la ligue sénégalaise des droits humains regrette le fait que chaque régime impose l'hégémonie des vainqueurs et une négation de tous les droits de l'opposition.
"Cette situation a toujours perduré et installe le désamour entre le peuple et les dirigeants des institutions", fustige-t-il. Pour Assane Dioma Ndiaye, l'Assemblée fait face à une absence de débat. "On aurait dû trouver un accord et non poser des décisions radicales qui aboutissent à des situations malheureuses. Cette radicalisation est dangereuse pour notre pays, car ceux qui se sentent bafoués sont capables de tout. Il faut que la sérénité revienne."
Pour Me Ndiaye, l'opposition est dans son droit, car les groupes parlementaires se forment par affinités et non par partis. Selon lui, notre pays fait face à d'autres urgences telles que la commercialisation de l'arachide, la pauvreté et le chômage des jeunes diplômés. Il estime par ailleurs que l'image de l'Assemblée nationale est contradictoire au rôle de médiateur que joue notre pays dans l'espace sous régional.
AÏDA MBODJI & DECROIX PERDUS PAR LEURS DISCOURS
Appel au rassemblement permanent à la place Soweto
Après la bataille rangée intervenue lundi dernier à l'intérieur de l'Assemblée nationale, les leaders du Cadre de concertation de l'opposition ont rué dans les brancards pour nier tout appel au rassemblement des citoyens sénégalais à la place Soweto émis au cours de leur meeting du jeudi 29 octobre à la permanence du Parti démocratique sénégalais (Pds). La bande à Mamadou Diop Decroix est allée même jusqu'à accuser la presse, notamment le journal EnQuête, de diffamation et d'acharnement contre l'opposition. C'est pour s'inscrire en faux contre de telles accusations du reste gratuites, que EnQuête reprend quelques extraits des discours de Mamadou Diop Decroix et d'Aïda Mbodji. Ces deux parlementaires ont bel et bien appelé les Sénégalais à un rassemblement permanent à la place Soweto. Morceaux choisis.
Aïda Mbodji
"Si nous allons à l'Assemblée nationale lundi (2 novembre Ndlr), nous allons porter le combat à l'intérieur de l'hémicycle, vous, restez au dehors et attendez-nous !" (extrait d'un discours prononcé en Wolof).
Mamadou Diop Decroix
"Faites en sorte que dans vos quartiers, tous les jeunes soient mobilisés pour venir répondre à l'appel du Cadre de l'opposition à la place Soweto. Si vous venez à la place Soweto, ne vous faites pas déguerpir par les forces de l'ordre." (Discours prononcé en Wolof).
"Le combat que nous menons aujourd'hui est un combat majeur que tout démocrate, que tout républicain, que tout citoyen épris de justice et d'équité doit endosser et partager. Pour l'occupation de la place Soweto, nous appelons tous les Sénégalaises et les Sénégalais qui ne se retrouvent pas dans les politiques, les choix et les orientations de ce régime. Nous appelons les marchands ambulants, nous appelons les ferrailleurs, nous appelons les enseignants de toutes catégories et de tous les ordres d'enseignement. Nous y appelons tous ceux qui, garçons et filles, bardés de diplômes ou munis d'un métier, cherchent encore désespérément du travail. Militantes et militants, de retour dans vos quartiers, organisez-vous ! Tous sans exception, venez à la place Soweto lorsque vos responsables vous indiqueront la date et l'heure. Venez-y et préparez-vous à y demeurer jusqu'à la satisfaction totale des justes revendications démocratiques du peuple". (Discours prononcé en français).
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) range son fouet pour trouver une solution dynamique aux injures, publicités à outrance et autres manquements des sketches de ndogou. En conclave avec les acteurs qui gravitent autour de ces sketches, l’autorité de régulation de l’audiovisuel cherche un cadre normatif pour protéger les populations.
Publicité à outrance, jeux d’acteurs qui laissent à désirer, scénarii dictés par les sponsors, tels sont les principaux maux des sketches diffusés au moment de rompre le jeûne. Et cela peut être dangereux pour la population et surtout pour les enfants. Pour stopper l’hémorragie et limiter la casse, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra) a convié acteurs, réalisateurs, metteurs en scène et diffuseurs à un atelier de partage afin de trouver une solution.
Ainsi depuis hier, les acteurs sont en conclave pour réfléchir sur le thème : «Les séries télévisées : le cas particulier des sketches ndogou – le défi de la qualité face à la tentation de la quantité.»
Pour Babacar Touré, président du Cnra, la récente sortie de certains imams s’indignant de ces pratiques est suffisante pour faire une table ronde sur ce problème. «Nous regardons la télévision avec, à la fois des yeux de parents et de régulateurs. Ibrahima Mbaye Sopé nous avait fait une analyse des sketches, juste après le Ramadan. Et nous avons identifié les personnes concernées ou intéressées pour régler le problème de manière dynamique. C’est ce qui nous a amenés à organiser cet atelier», explique le président Touré.
Et dans ce contexte, la solution se trouve à la formation, d’après Cheikh Ngaïdo Ba, cinéaste, qui qualifie ces sketches de «fanfaronnade». Car dit-il : «Je ne vois pas de scénario, et dans pareils cas la professionnalisation est fondamentale. Nous avons un problème sérieux de scénario, de réalisation et de production.»
Et M. Ba de continuer son diagnostic : «Les chaînes de télé devraient être plus regardantes sur les contenus qu’elles diffusent. Mais malheureusement, elles ne regardent que l’argent. Même la chaîne nationale ne pense qu’à l’argent et, pourtant elle est subventionnée.» D’où la proposition de Cheikh Ngaïdo Ba de mettre en place dans les télés, des comités de lecture et de visionnage pour décider de ce que l’on met à l’antenne.
Comme pour répondre à Cheikh Ngadiou Ba, Joséphine Mboup, responsable de la production à Tfm, pense que les sketches sont à l’image du pays. Elle souligne que «dans tous les secteurs, le travail ne se fait pas comme il se doit».
Pour elle, la télé est une entreprise qui fonctionne avec des publicités et, pour régler le problème des sketches, il faut commencer par réguler le milieu de la production. «Qui est réalisateur ? Qui est acteur, et qui est scénariste ? C’est pourquoi le travail est bâclé», explique Mme Mboup.
Mais pour le producteur Alioune Ndiaye, ces manquements sont le fruit d’une absence de politique dans le secteur. Il soutient que «le Cnra devrait maintenant, vu qu’il dispose des taux d’audience, les publier et distinguer les bonnes séries des mauvaises. Et tout le monde suivra.»
Sur le petit écran, les séries sénégalaises commencent à détrôner les telenovelas aux heures de forte audience. Si cela est applaudi par les comédiens locaux, les sketches ndogou viennent quelque peu freiner cet élan. Mais les résultats de cet atelier devraient proposer un cadre normatif pour le plus grand bénéfice des populations.
LAMINE DIACK FACE À DES CHEFS D'ACCUSATION DE FEU
Blanchiment, recel, corruption, association de malfaiteurs
Nous savons de façon certaine pour quelles raisons Lamine Diack, ancien président de la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), est poursuivi. Les chefs d'inculpation retenus contre lui par le juge sont la corruption, l'association de malfaiteurs, recel et blanchiment.
Quatre chefs d'inculpation qui peuvent facilement le mener en prison. Pour asseoir cela, le juge a fouillé un rapport colossal confectionné par des enquêteurs ainsi qu'un documentaire d'une chaîne de télévision allemande, selon des sources policières établies en France.
L'affaire porte sur des affaires de dopage qu'il aurait étouffées, moyennant de l'argent. Les mêmes sources révèlent que c'est à l'hôtel, alors qu'il venait d'arriver à Paris, que la Police de Nanterre est allé cueillir Diack pour le présenter au juge Vanrurbeike qui a la réputation d'être sans pitié.
C'est ce magistrat qui a mené l'instruction de plusieurs affaires politico-financières en France, comme l'affaire Urba, l'affaire des frégates de Taïwan et, initialement, l'affaire Clearstream 2. Lorsque Lamine Diack lui a été présenté après une période de garde-à-vue de 48 heures, discrètement gérée grâce à l'intervention, nous souffle-t-on, de l'État du Sénégal, Vanrurbeike lui a signifié les raisons pour lesquelles il était poursuivi et lui a demandé de rester à la disposition de la justice.
C'est dire qu'il y aura une suite. Ce, d'autant plus qu'avec le chef d'inculpation d'association de malfaiteurs, d'autres poursuites sont attendues.
Pour l'instant, l'État veille à la bonne réputation de Lamine Diack, en envoyant à la fois l'ambassadeur du Sénégal à Paris Bassirou Sène et le consul général lui rendre visite, alors même qu'il était en garde-àvue. Un geste qui a été bien apprécié par la famille et proches de l'ancien président de la Fédération internationale d'athlétisme.