Dakar, 29 nov 2014 (AFP) - Le président français François Hollande a martelé samedi son avertissement aux dirigeants qui voudraient s'accrocher au pouvoir à tout prix, devant les chefs d'Etat et de gouvernement majoritairement africains réunis au XVe sommet de la Francophonie à Dakar.
Ce sommet de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) rassemble une trentaine de dirigeants qui devront désigner le successeur d'Abdou Diouf, ex-président sénégalais. La situation s'est compliquée depuis la chute, fin octobre, du président burkinabè Blaise Compaoré, que Paris et M. Diouf souhaitaient voir hériter du poste.
Les rencontres se tiennent sous la menace d'Ebola en Afrique de l'Ouest, qui a tué près de 7.000 personnes en un an, et du groupe islamiste armé Boko Haram, soupçonné d'être responsable d'un attentat ayant fait au moins 120 morts vendredi dans une mosquée au Nigeria anglophone, entouré de pays francophones.
M. Hollande a appelé dans son discours les dirigeants africains à "s'unir contre la barbarie" après cette tuerie, et à tout faire "pour qu'il n'y ait plus d'Ebola".
"La Francophonie est soucieuse des règles en démocratie, de la liberté du vote, du respect des lois constitutionnelles et de l'aspiration des peuples, de tous les peuples à des élections libres", a assuré M. Hollande, citant en exemples la "leçon" de la transition tunisienne et "la belle démonstration" du peuple burkinabè.
"Cette transition doit servir de leçon là où les règles constitutionnelles sont malmenées et où l'alternance est empêchée", a répété le président français sous les applaudissements, sans citer de pays.
Des élections sont prévues l'an prochain en Guinée, en Côte d'Ivoire, en République démocratique du Congo (RDC) et au Congo, les présidents de ces deux derniers pays étant accusés par leurs oppositions de vouloir garder le pouvoir par tous les moyens.
Avant son départ pour Dakar, M. Hollande avait déjà mis en garde les dirigeants voulant se maintenir contre vents et marées, comme Blaise Compaoré, qui espérait briguer un nouveau mandat après 27 ans au pouvoir.
'Pas de candidat de la France'
Ce contre-exemple pourrait obérer les chances de deux des cinq candidats à l'OIF, dont quatre Africains: l'ex-président burundais Pierre Buyoya, au passé de putschiste, et l'écrivain congolais Henri Lopes, dont l'âge (77 ans) et le statut d'ambassadeur de son pays à Paris pourraient s'avérer rédhibitoires.
Restent l'ex-gouverneure générale du Canada Michaelle Jean, d'origine haïtienne, dont la France a loué la candidature - peu au goût en revanche des pays africains, au nom d'une règle non écrite voulant que le poste revienne à un pays du Sud -, ainsi que l'ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l'Estrac et l'Equato-Guinéen Agustin Nze Nfumu, peu connu.
"La France n'a pas de candidat", a déclaré François Hollande, se félicitant que ce ne soit pas elle "qui désigne le secrétaire général de la Francophonie".
C'est le président sénégalais Macky Sall, hôte du sommet, qui conduit les discussions, afin notamment de conduire un ou plusieurs candidats africains à se désister, ont indiqué ded sources diplomatiques françaises.
Le vainqueur doit être annoncé dimanche après des discussions à huis clos, pendant lesquelles une candidature de dernière minute est possible.
Dirigée pendant 12 ans par Abdou Diouf, l'OIF, jusqu'alors connue pour ses missions de coopération dans le développement et de soutien à la langue française, a gagné en poids politique grâce à la diplomatie d'influence dans les crises africaines pratiquée par M. Diouf.
Macky Sall a inauguré ce sommet consacré aux jeunes et aux femmes en appelant à la solidarité contre Ebola, annonçant que le site construit pour l'occasion, pour un coût de 57,875 milliards de francs CFA (plus de 88 millions d'euros), porterait désormais le nom de "Centre international de conférences Abdou Diouf" (Cicad).
Symbole des inquiétudes régionales, les participants étaient priés de prendre leur température pour vérifier l'absence de fièvre, premier symptôme d'Ebola, qui affecte sévèrement la Sierra Leone, la Guinée et le Liberia.
Avant une réunion à huis clos des 57 pays membres de plein droit de l'OIF sur la situation politique et économique mondiale, Abdou Diouf a affirmé dans le dernier discours de sa vie publique, à 79 ans, que la plus grande menace n'est "pas seulement le terrorisme ou le changement climatique", mais "c'est de persister dans l'idée d'une communauté internationale qui ne soit pas une véritable communauté démocratique de nations".
HOLLANDE RÉPOND À SARKOZY
XVE SOMMET DE FRANCOPHONIE : SEPT ANS APRÈS LE CONTROVERSÉ "DISCOURS DE DAKAR"
Dakar, 29 nov 2014 (AFP) - Le président français François Hollande a récusé samedi à Dakar le discours controversé de son prédécesseur Nicolas Sarkozy sur le rôle de l'Afrique dans l'Histoire, assurant que le continent était "non seulement dans l'Histoire", mais aussi "une partie de l'avenir" de l'humanité.
"L'Afrique est non seulement dans l'Histoire, mais l'Afrique est, si je puis dire, aussi une partie de notre avenir", a déclaré M. Hollande s'inscrivant en faux contre les propos de M. Sarkozy, qui avait déclaré en 2007 à Dakar que "l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire".
En visite à Dakar pour le sommet de la Francophonie, François Hollande répondait à une question sur la place dans l'Histoire de Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal et un des fondateurs de la Francophonie, décédé en 2001, à la sortie du cimetière où il repose.
"C'est un Africain qui a montré qu'il avait le sens de l'Histoire", a affirmé le président français, rappelant que l'Afrique était le "berceau de l'humanité".
"Ensuite, c'est l'Afrique qui montre qu'elle va être le grand continent de l'avenir. Parce c'est ici en Afrique que vont se produire les plus grandes évolutions: démographiques, qu'il va falloir maîtriser, économiques, parce c'est un continent plein de richesses et donc de potentialités de croissance.
Et en enjeu pour l'expression du français", a-t-il ajouté.
Lors d'une précédente visite en 2012 à Dakar, avant le précédent sommet de la Francophonie, à Kinshasa, M. Hollande avait déjà pris implicitement le contrepied du discours de Nicolas Sarkozy.
Cette nouvelle déclaration intervient au moment où Nicolas Sarkozy, récemment sorti de sa retraite politique, s'apprêtait samedi à reconquérir sa formation, l'UMP, première étape vers l'élection présidentielle de 2017.
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DIOUF "FOUDROYÉ" PAR MACKY
XVE SOMMET DE LA FRANCOPHONIE : Le secrétaire général de l'Oif se dit surpris que le chef de l'État ait donné son nom au centre de conférences de Diamniadio
Dakar, 29 nov (APS) – Abdou Diouf, le secrétaire général sortant de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), s'est montré surpris du baptême du "Centre international de conférences de Diamniadio" à son nom.
"M. le président de la République (Macky Sall), vous m’avez littéralement foudroyé. (…) Jamais au grand jamais, dans mes rêves les plus fous, je n’ai espéré qu’à l’occasion de ce sommet, le président Macky Sall prendrait cette décision de donner le nom Abdou Diouf à ce magnifique centre, à ce bijou", a déclaré M. Diouf, samedi, lors de la cérémonie d’ouverture du XV-ème sommet de la Francophonie.
En prenant la parole avant lui, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall a annoncé que le "Centre international de conférences de Diamniadio", où s'est déroulée la cérémonie d'ouverture du sommet, portait désormais le nom d'Abdou Diouf, l'un de ses prédécesseurs à la présidence du Sénégal, par ailleurs secrétaire général sortant de l'OIF.
Le baptême de ce centre au nom d’Abdou Diouf est une façon de rendre "un grand hommage" à son parrain, selon M. Sall.
"Il faut maintenant dire le Centre international de conférences Abdou Diouf", CICAD, en abrégé, a-t-il affirmé.
Le parrain de l'ouvrage a remercié Macky Sall de cette décision. "Je ne peux pas trouver des mots plus forts. Le président Senghor aurait pu trouver des mots encore plus forts [que les miens]. Mais j’utilise le mot le plus fort de la langue française, pour vous dire, du fonds du cœur : Merci, M. le président de la République", a affirmé M. Diouf, fortement ovationné par le public.
Le CICAD est le fruit d’un concours financier d’une cinquantaine de milliards de francs CFA fournis par l’Etat du Sénégal et la Turquie. Il a été construit pour abriter les travaux du 15e sommet de la Francophonie, durant lequel sera élu le successeur d’Abdou Diouf à la tête de l’OIF.
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L'APPEL DE DIOUF
XVE SOMMET DE L"OIF : Le secrétaire général de la Francophonie invite le monde à plus de solidarité, à faire prévaloir l'intérêt général sur les intérêts particuliers
Face aux fléaux qui menacent le monde, Ébola pour l’Afrique, le terrorisme et les changements climatiques pour le monde, notamment, Abdou Diouf prône la solidarité entre les États.
Dans son allocution à l’ouverture du XVe sommet de la Francophonie, le secrétaire général sortant de la Francophonie invite la communauté internationale, les membres de l’Oif en particulier, à constituer "un gouvernement d’union internationale".
SenePlus vous propose l’intégralité de la vidéo du discours de Diouf, qui quittera la tête de la Francophonie au terme du sommet qui se tient dans le centre portant désormais son nom.
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LA FRANCOPHONIE SELON HOLLANDE
XVE SOMMET DE L'OIF : Santé, paix, démocratie, développement et environnement, thèmes du discours du président français - L'intégralité de l’allocution
Dans une allocution de moins d'une trentaine de minutes, François Hollande s'est adressé à la communauté francophone réuni à Dakar pour le XVe sommet de l'Oif. Après avoir salué son hôte, Macky Sall, et rendu hommage à Abdou Diouf, secrétaire général sortant de la Francophonie, le président français a abordé les défis qui interpellent les pays ayant la langue française en partage.
Dans un contexte marqué les ravages sur le continent de l'épidémie Ébola et des islamistes, Hollande a parlé de paix et de santé. Ensuite, toujours eu égard à la conjoncture, il a évoqué la nécessité pour les membres de l'Oif de rester à cheval sur des valeurs comme la démocratie et l'État de droit. En dernier lieu, il insisté sur les thèmes du progrès économique et du développement durable, impossible sans respect de l'environnement.
SenePlus vous propose la version audio de l'intégralité du discours de François Hollande, qui constitue une synthèse de sa vision de la Francophonie.
OUVERTURE OFFICIELLE DU XV-EME SOMMET DE LA FRANCOPHONIE
Diamniadio, 29 nov (APS) - Le XV-ème sommet de la Francophonie s’est ouvert officiellement samedi au Centre international de conférences de Dakar (CICD) devant une trentaine de chefs d’Etats et de gouvernement et de personnalités marquantes dont le secrétaire général sortant de l’OIF, Abdou Diouf, a constaté l’APS.
La cérémonie d'ouverture a été précédée d'une photo de famille qui a réuni les chefs de délégations des différents pays prenant part à la rencontre.
''Femmes et jeunes en Francophonie : vecteurs de paix, acteurs de développement'' est le thème du 15e Sommet de l'OIF, à l'issue duquel un nouveau secrétaire général sera désigné en remplacement de l'ancien président sénégalais Abdou Diouf, qui n'a pas souhaité rempiler pour un troisième mandat.
A Dakar, les chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie se réunissent aussi pour ''définir les prochaines orientations de la Francophonie'' et ''statuer sur l’admission de nouveaux pays membres''.
«LA FRANÇAFRIQUE N’A RIEN A VOIR AVEC LA FRANCOPHONIE, IL FAUT QUE CE SOIT CLAIR»
PAPE MASSENE SENE, DELEGUE GENERAL ADJOINT A LA FRANCOPHONIE
Le Sénégal va abriter sous peu le 15è Sommet de la Francophonie, deuxième du genre en terre sénégalaise, après celui de 1989. Beaucoup d’argent a été injecté pour les besoins des préparatifs de ce Sommet et toutes les infrastructures à réaliser dans le cadre de cette rencontre sont en cours. Seulement, les Sénégalais ignorent l’impact que ce Sommet pourra avoir sur notre pays. Pape Massène Sène, délégué adjoint à la Francophonie, chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), est revenu largement, sans langue de bois, sur l’importance de ce Sommet, sur les idées qui y seront développées par les chefs d’Etat et de gouvernement, mais aussi sur les retombées du Sommet.
Pourriez-vous nous faire l’état des lieux des préparatifs du Sommet de la Francophonie ?
Je vais vous dire tout de suite - peut-être ça va vous éviter de poser un certain nombre de questions - si je dis que je suis délégué général adjoint cela veut dire clairement qu’il y a un délégué général qui est administrativement autorisé à parler des questions de l’organisation du Sommet qui n’est pas ma mission. Ma mission à l’intérieur de cette délégation touche beaucoup plus aux contenus, c’est-à-dire que nous avons en tant que pays hôte, à recevoir une rencontre internationale qui concerne 77 pays. Ces 77 pays sont regroupés dans une association qu’on appelle Organisation internationale de la Francophonie (Oif). Donc, il y a une structure qui porte la Francophonie. Les pays sont des pays membres. Et le pays qui reçoit en l’occurrence ce 15è Sommet, c'est-à-dire nous, on a juste à préparer l’accueil de ces hôtes. Mais ce n’est pas un Sommet qui appartient au Sénégal. Cela veut dire que c’est une réunion. Maintenant, qui participe ? De quoi parle-t-on ? Et Où ? Le «Où» c’est réglé, c’est le Sénégal. Le Sénégal choisit l’endroit précis, le lieu précis où il reçoit ses hôtes. Les documents, c'est-à-dire le contenu de la réunion, là aussi le pays hôte c'est-à-dire le Sénégal prépare les documents à partir desquels tous les autres pays concernés se prononcent pour un consensus et ce sont ces documents qui seront examinés. Qui participe ? C’est ça qui donne tout le poids à la Francophonie. Nous avons un sommet au plus haut niveau. Ce sont les chefs d’Etat et les chefs de gouvernement des pays membres qui sont habilités à prendre des décisions. Donc, on est au niveau le plus élevé de la hiérarchie administrative de l’exécutif d’un pays. Voilà pourquoi ça prend aussi de l’importance. Plus les participants sont importants plus les enjeux sont importants. Parce qu’ils ont la capacité de décider de ce que la Francophonie va faire pendant les prochaines années.
Ce sur quoi personnellement je travaille en ma qualité de délégué général adjoint, c’est sur les contenus à côté et à l’intérieur du comité scientifique qui est présidé par El Hadji Kassé. Les documents de base qui vont être à la table du sommet, c’est autour de ces questions que nous travaillons.
En parlant de contenus, il y a une thématique qui sera abordée lors de ce Sommet qui est : «Femmes et jeunes en Francophonie :_vecteurs de paix et acteurs de développement». Pourquoi le choix de ce thème ?
D’abord le Sommet - on a définit un peu les contours - il a un objet. Les chefs d’Etat auraient pu se réunir pour simplement échanger autour des questions de l’heure, ç'aurait été une réunion importante puisque tout de même quand 77 pays se réunissent pour échanger, essayer d’harmoniser leur point de vue. Mais le chef de l’Etat - justement en sa qualité de président - qui reçoit ses pairs a estimé qu’au-delà de toutes les questions annexes qui peuvent être discutées, il fallait peut-être avoir un thème central autour duquel des décisions importantes devaient être prises. Et à partir de ces orientations et décisions que l’Oif, qui est la structure opérationnelle de la Francophonie, transformera en programme d’actions. Mais c’est déjà très important de savoir qu’au-delà du thème, on va aboutir à un programme qui va se décliner sous la forme d’une stratégie, d’intervention de la Francophonie.
Et que peuvent attendre ces deux segments de la société, les femmes et les jeunes, de ce Sommet ?
Ce qui va se passer, c’est que les discussions que nous avons engagées avec les pays devront aboutir à la mise en oeuvre d’un programme d’intervention. Qu’est-ce qui va être fait sur le plan de la forme ? Parce que c’est ça qui détermine l’employabilité. C’est bien de vouloir travailler, mais pour faire quoi et comment. Il faut avoir les outils, c'est-à-dire la formation requise. Si demain matin les uns et les autres ont des projets pour essayer d’asseoir une petite entreprise dans le domaine de l’artisanat, de la culture, qu’est-ce que la Francophonie est en mesure de faire. Je ne peux pas répondre à leur place, puisque c’est pour cela qu’ils se réunissent. Mais, nous, en amont, nous posons sur la table les préoccupations de ces jeunes et de ces femmes. Lorsque vous avez des jeunes et des femmes qui sont déjà en activité, comment faire pour qu’ils ne fassent pas l’objet de discrimination. Là aussi, ce sont des mesures d’accompagnement qui doivent être mises en place. Lorsque le problème se pose en termes de droit à l’intérieur de la société, ces déséquilibres sociaux et conjoncturels comment y faire face ? Ce sont des questions que nous posons et que nous mettons à la table des décideurs. Nous, ce que nous avons à faire, c’est d’identifier les problèmes et d’identifier les propositions de solutions. Ce sont les décideurs qui, après avoir tranché, au final, vont déterminer ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas. Nous, notre travail d’experts, c’est de mettre en évidence ces différentes préoccupations. Certains sont allés jusqu’à poser le problème de la mobilité au sein de la Francophonie. Qu’est-ce que nous sommes en mesure de faire ensemble avec nos amis de la Côte d’Ivoire, avec qui nous partageons des problèmes et des préoccupations communes ? Mais de ce côté-là aussi, il y a un déficit énorme. Aujourd’hui, l’intérêt de la Francophonie, c’est de dire si à l’intérieur de notre espace, des communautés de pays ont une préoccupation majeure qu’ils ne peuvent pas régler tout seul, quels mécanismes de solidarité pouvons-nous mettre en place ?
Peut-on parler donc de rupture d’avec la Francophonie d’avant ?
La rupture, je vais vous dire en quoi elle consiste. La Francophonie, au départ, elle était juste culturelle. Mais au sens large du terme, comme le concevait Senghor, c’était des échanges généraux pour mieux se connaître. Si vous ne connaissez pas quelqu’un, vous ne pouvez pas lui faire confiance. C’est seulement quelqu’un qui vous fait confiance qui va investir son argent dans un pays. Que les gens ne se trompent pas. La Francophonie était une démarche intelligente d’abord, parce que nous étions colonisés, l’Afrique a été balkanisée, c'est-à-dire morcelée sans tenir compte de nos réalités culturelles, mais sans tenir compte aussi de nos réalités économiques. Cela veut dire que lorsque pris isolement, vous n’êtes pas en mesure de faire face à ces besoins auprès de qui vous allez vous tourner. Cette lutte contre la balkanisation depuis Senghor a consisté à dire qu’il y a un fait historique qui ne dépend pas de nous, mais tout de même, ce qui dépend de nous aujourd’hui, c’est de prendre notre destin à main. Même si nous sortons du système colonial, même si les Colons parlaient d’Afrique occidentale française et d’Afrique équatoriale française, rien ne nous empêche de nous regrouper entre nous et d’avoir de nouvelles missions. C’est énorme comme démarche et ça change beaucoup de choses. A partir de ce moment, le besoin de se rassembler ne peut pas être remis en cause. Et c’est à l’intérieur de ce rassemblement qu’on définit ses préoccupations et ses priorités. Le trait d’union qui facilite ce rassemblement, c’est la langue française. Il se trouve que nous avions quelque chose en partage qui s’appelle la langue. Il n’y a pas à avoir des états d’âme inutilement. Ça c’était la phase 1, la culture. La phase 2, la Francophonie est devenue politique. Qu’est-ce qui fait le poids politique ? C’est l’importance de peser dans les décisions de l’autre. Plus les pays ont adhéré, plus les voix ont porté. Aujourd’hui, on est à 77 pays. Il faut que les gens comprennent aussi le poids géopolitique de la Francophonie. Je ne suis pas idéaliste, je ne suis pas naïf, je ne dis pas qu’il est toujours possible que ces pays s’entendent pour déclencher ce processus dont je vous parle, mais c’est une potentialité qui est là. Ce que beaucoup de personnes ne savent pas, c’est que vous avez dans l’Oif des pays qui n’ont rien à voir avec la langue française ni de près ni de loin. Ils n’ont pas besoin d’un centime ni de la France ni du Canada. Parce qu’ils sont encore plus riches que ces pays-là. Je vous donne deux exemples : Le Qatar et les Emirats arabes unis. Vous avez un pays comme le Ghana, anglophone, il a adhéré à la Francophonie. Il y a la Guinée-Bissau et le Cameroun qui ont aussi adhéré. Quand les gens continuent à critiquer et à parler de la langue française et de la domination du français, je souris et je passe parce que je pardonne. Quand on ne sait pas évidemment, on ne sait pas. Mais en ce moment, quand on est lucide et sage, on se tait. «Ku Khamul da ngay noppi». La dimension géopolitique de la Francophonie aujourd’hui fait que d’autres pays qui n’avaient rien à voir a priori sont en train de taper à la porte parce qu’ils y trouvent leur compte. Ce qu’on appelle le tournoi de Dakar, c’est en partie ce dont je vous parlais. Et il faut que les gens sachent qu’entre le moment où Abdou Diouf est arrivé à la Francophonie en 2002 et 2014, c'est-à-dire en 12 ans, il y a eu plus de pays membres que quand on créait la Francophonie elle-même.
Qu’est-ce qui explique cela ?
La dimension géopolitique dont je vous parlais. Parce que ça pèse, aujourd’hui, dans les décisions mondiales. On est dans un contexte de mondialisation. Quand vous n’êtes pas fort, vous faites des alliances et des partenariats pour pouvoir peser sur les décisions du monde, c’est aussi bête que ça. Il n’y a pas d’autres mystères.
Ça, les Sénégalais ne l’ont pas compris. Est-ce que ce n’est pas pour cela qu’ils n’ont pas fait siens ce Sommet ?
Ça, les gens ne l’ont pas compris parce qu’ils ne savent pas et c’est vrai que là aussi, ça demandait une communication importante. Le tournoi, le vrai, c’est par rapport à la cible, c'est-à-dire toucher une partie réelle de la population. Mais c’est aussi, par voie de conséquence, introduire la dimension économique. Le président de la République a décidé que pendant ce Sommet, il faut aussi que la dimension économique de la Francophonie puisse apparaître et se déployer.
Et comment ?
Dans l’espace francophone, nous avons en même temps des politiques, des jeunes, des femmes, c’est ce rapport économique qui pèse lourd. Comment faire pour que ces gens-là aussi, dans le cadre de ce que l’on appelle dans nos politiques nationales le partenariat public-privé, qu’on puisse arriver à un partenariat public-privé au niveau international au sein de la Francophonie. Et que lorsque les Etats auront décidé leur priorité, que dans chacun de ces pays l’on dise à ses opérateurs économiques «Oui», mais si vous voulez intervenir dans notre espace, il faut aussi et principalement que vous vous intéressez à ça. Après, on verra évidement le reste.
Donc, il y a la solidarité qui est de mise dans la Francophonie…
Vous avez tellement raison que je vais vous dire que vous ne savez pas à quel point vous avez raison. La base de la création de la Francophonie, la devise c’était Egalité (parce que c’est un pays une voix), Complémentarité (ce qui vous manque je vous l’amène et ce qui me manque vous me l’amenez), Solidarité (une fois que quelqu’un à des problèmes quelle que soit la nature de ces problèmes, nous mettons en synergie nos forces pour lui trouver des solutions). Le but maintenant, c’est d’arriver à cette mobilisation interne des forces, y compris des forces économiques, pour faire face à des besoins réels de la majorité de la population. Voilà ce sur quoi nous travaillons. Je sais que, effectivement, tout ça n’est pas bien compris. Y en a même qui sont restés au stade de la Francophonie, illustration de la langue française, alors que c’est dépassé. Y en a qui disent oui, mais on est en politique. Souvent les gens confondent les réunions France-Afrique et la Francophonie.
C’est quoi la différence ?
Les réunions France-Afrique, ce sont des initiatives qu’on appelle au niveau diplomatique bilatérales. De la même manière, récemment, il y a eu la rencontre Etats Unis-Afrique. Quelque temps avant, il y a eu la rencontre Japon-Afrique. C'est-à-dire un pays décide que, par rapport à sa politique économique, ses partenaires, ciblés dans tel ou tel continent, devraient pouvoir faire une concertation approfondie pour aboutir à un modèle de coopération. Ça, c’est au niveau bilatéral. La Françafrique n’a strictement rien à voir avec la Francophonie, il faut que les choses soient claires. Pour avoir travaillé au sein de la Francophonie, je suis en mesure de vous dire une chose très simple : quand la France a besoin de quelque chose en Francophonie au même titre que tous les petits pays, il faut qu’elle arrive à convaincre cette Francophonie. Si elle ne convainc pas, ses idées ne sont pas retenues. C’est aussi simple que ça.
Ce Sommet se tient quand même au moment où le niveau du français est au plus bas au Sénégal…
Vous avez raison. Et vous me donnez l’occasion de régler deux ou trois petites questions sur lesquelles on ne réfléchit pas suffisamment dans ce pays. C’est très important ce que vous dites là, mais posons le problème autrement. Nous avons besoin de communiquer et pour cela, nous utilisons effectivement une langue. Sur les cinq continents, les seules deux langues qui sont parlées, c’est l’anglais premièrement et le français deuxièmement. Sous prétexte que le français c’est un héritage de la colonisation française - ce qui est une réalité - vous décidez idéologiquement de l’abandonner, on fait quoi ? On ne parle plus au monde ? C’est une question que je me pose. C’est la première observation. Ma deuxième observation est que nous sommes dans des pays économiquement faibles, nous avons besoin de communiquer avec le monde, cet outil là nous permet de le faire et nous en avons besoin pour parler aussi aux autres pays africains. Ceux qui défendent le panafricanisme, et je le défends avec eux et intelligemment. Même lorsque Cheikh Anta Diop parle de panafricanisme, ceux qui sont contre le Sommet de la Francophonie, je souris toujours parce que c’est en français qu’ils font passer leur message. Il faut qu’on arrête de jouer, qu’on relativise les choses et qu’on ait des attitudes responsables. Si c’était un élément matériel, c’est vrai que plus que vous le partagez, moins vous en avez. Mais il faut être ignorant pour oublier que dans le domaine immatériel, c'est-à-dire la langue et le savoir, ce n’est pas parce qu’on donne qu’on perd. Parce que le fait d’avoir le français ne nous enlève rien, ni de notre culture ni de nos langues. Ça vient juste s’ajouter. Donc, moi, je n’ai pas d’états d’âme. Si on me disait si vous parlez français, vous allez perdre le sérère. Est-ce que ça vaut la peine ? Non ! Je parle aussi bien le sérère que le français. Entre temps, j’ai aussi appris à parler le wolof qui m’était complètement étrangère comme langue. Demain matin, si vous voulez que je parle une autre langue africaine, mais c’est une autre langue que je vais apprendre. Ma troisième observation, c’est la plus drôle. On vous parle tout le temps du français, c’est oublier la notion simplement de processus historique. Est-ce que ces personnes savent que le français n’était pas la langue de la France ? Le français c’était la langue de l’île de France qui est la région parisienne. C’est au 17è siècle qu’il y a eu une ordonnance qui s’appelle l’ordonnance de Villers-Cotterêts. L’Etat ne pouvait obliger personne à parler français, mais ils ont dit que pour tous les actes administratifs, quand vous voulez déclarer une naissance, un décès, une propriété… quand vous allez au tribunal, le jugement va se faire en français et les gens se sont mis à parler français.
C’est juste pour vous dire qu’on n’a pas besoin de copier. C’est pour vous dire comment l’espoir est un processus dynamique, ce n’est pas une juxtaposition de filiations. C’est un processus et à un moment donné, qu’on le veuille ou non, la langue française est entrée dans notre histoire et dans notre patrimoine. Il nous appartient d’en faire juste un instrument à l’intérieur duquel, comme disait Césaire, les armes miraculeuses donneront le contenu que nous voulons. Bourguiba rappelait que c’est aussi avec cette langue française qu’il a pu combattre la colonisation française et avoir son indépendance. Il ne faut pas être complexé. Quelle que soit la langue que vous allez utiliser, si vous ne défendez pas vos intérêts, si vous ne vous positionnez pas dans le monde, mais vous serez en positon de démuni. Par contre, parce que je ne voudrai pas que demain qu’on me le reproche, j’ai toujours dit et je continue à le dire, que la meilleure manière d’accélérer l’apprentissage, l’accès aux connaissances, c’est de les faire passer par les langues maternelles. Dans l’enseignement, effectivement, nous avons tout intérêt à promouvoir les langues nationales et à faire passer les connaissances. Et, au-delà des langues nationales, à promouvoir le savoir faire et nos cultures locales.
Pour revenir un peu à ce 15èSommet de la Francophonie, les Sénégalais craignent que ce soit une Anoci bis avec des projections non réalisables et des chantiers qui n’en finissent pas.
Moi, ce que je peux vous dire c’est très simple. Je ne sais pas ce que l’Anoci a pris ou non comme engagement, ce que je sais c’est comment la Francophonie a évolué jusqu’ici. C’est vrai qu’on a vraiment besoin de communiquer. Moi, j’ai été directeur de Cabinet à la Francophonie, je sais concrètement que les dictionnaires sur nos langues nationales, c’est la Francophonie qui a financé les experts qui les ont réalisés. Sur les énergies alternatives, la Francophonie a financé des études et des recherches que peut-être les pays pris isolément n’auraient pas pu faire. Parce que ce ne sont pas les pays qui nous vendent le pétrole qui vont venir quand même faire des études pour faire prospérer, faire l’énergie solaire. C’est à ça que peut servir une structure de cette nature et à énormément de choses qui ont été faites. C’est pour vous dire tout simplement que c’est un outil qui est entre nos mains et cet outil ne pourra faire rien d’autre que ce qu’on lui demande de faire. C’est aussi simple que ça. La Francophonie n’a pas vocation à se substituer à nous. La Francophonie, c’est nous c'est-à-dire c’est notre instrument. Elle est au service des Etats. Si les Etats l’investissent d’une mission, c’est cette mission qu’elle va accomplir. Si quelqu’un n’est pas content de la Francophonie, mais nom de Dieu, on n’est pas en esclavage, vous en partez, ce n’est qu’une association. Donc, j’ai conscience, parce que j’ai vu des actes réalisés, financés, aboutis, qu’il n’y a aucune raison pour que ce qui va être issu de ce Sommet là ne soit pas réalisé.
Le Secrétaire général sortant de la Francophonie, M Abdou Diouf, qui se retire de la scène internationale, a eu droit à une sortie honorable. Un vibrant hommage lui a été rendu, hier, au village de la Francophonie, où il présidait la cérémonie de remise du prix des cinq continents.
La présence de l’ancien chef de l’Etat sénégalais, Abdou Diouf, au village de la Francophonie, a charrié, hier, de fortes émotions. Des jeunes, femmes et hommes, béats, ont exprimé leur admiration pour l’ancien chef d’Etat sénégalais. "Ki bokul ak gaayi", "do moromu gayi", "borom téranga, téranga rek lay am". Toutes les couches sociales et toutes les races ont tenu hier à réserver un accueil chaleureux à Abdou Diouf qui a conquis des cœurs grâce à son attachement à la morale et à l’honneur.
L’homme, qui a occupé les hautes sphères de la République, suscite un ravissement des cœurs. Griots et artistes ont tenu à chanter, comme dans le passé, ses louanges." Abdou Coumba Dème" était à l’honneur au village de la Francophonie. L’ancien chef d’Etat a eu du mal à visiter tous les stands au programme à cause des bousculades. Même pour escalader les marches qui mènent à l’intérieur du Grand Théâtre, les forces de sécurité ont été contraintes de jouer des coudes avec les admirateurs de Diouf. "Il faut que je lui serre la main."J’adore ce président". "C’est le meilleur chef d’Etat africain".
Les réactions ont été spontanées. Le ministre de la Culture et de la Francophonie de la Côte d’ivoire, M Bandaman Kouako, que nous avons accroché, d’être élogieux envers Diouf. "Il mérite ces hommages qui lui sont rendus, il a beaucoup apporté au Sénégal, à la Francophonie et à l’humanité de manière générale. C’est un homme multidimensionnel à qui la Francophonie et la Côte d’ivoire, pour ne citer que mon pays, sont très reconnaissants. J’ai tenu à assister à ce sommet avec une très forte délégation. Diouf a rehaussé l’image du Sénégal et de l’Afrique."
Les moments étaient forts, empreints d’une forte intensité. L’étonnement était visible sur certains visages. "Abdou Diouf ne pouvait pas avoir moins que cela. Je peux en témoigner pour avoir travaillé avec lui pendant 9 ans", lâche une de ses proches collaboratrices à l’OIF, qui doit avoisiner la soixantaine.
Dans la grande salle, l’assistance est toute acquise à la cause de Diouf, qui finit par ravir la vedette, au journaliste algérien Kamel Daoud qui recevait le prix des 5 continents de la Francophonie. Suffisant pour que l’administrateur de la Francophonie, Clément Duhaime, en prenant la parole lors de la cérémonie, donne un sens à cette affection particulière. "Vous avez notre affection. Le Sénégal ne vous pas oublié, la Francophonie, aussi, ne vous oubliera jamais. Je suis votre serviteur, depuis 9 ans. J’ai essayé de maintenir le cap avec vous, mais je peux vous dire avec plaisir : mission accomplie". L’administrateur de se féliciter du fait que "le Sénégal s’est mis en toute beauté pour accueillir la Francophonie."
Tour à tour, musiciens et comédiens s’inscrivent dans cette même dynamique. Le groupe théâtral "Soleil levant" de Thiès arrache un sourire à Diouf qui ploie sous le coup de l’émotion. Le célèbre "Sanekh" réussit à incarner le personnage de l’ancien chef d’Etat sénégalais, dans une prestation. Le lead-vocal du Raam Daan, Thione Seck, lui rend cet hommage : "l’histoire retiendra... beaucoup de cet homme qui a su gérer avec tact les dossiers de la Casamance, de la Mauritanie, d’un homme qui a tous les honneurs de la nation"
"Il a été gouverneur à 25 ans, chef de gouvernement à 35 ans, président de la République à 45 ans...... Diouf est un grand homme dans tous les sens du terme dont l’héritage nous inspire la tolérance, l’enrichissement dans la différence. C’est un vrai bâtisseur", dit de lui la maitresse de cérémonie. L’ancien député socialiste, Christian Valentin, interpelé à la fin de la cérémonie, de préciser que "c’est normal que Diouf ait été accueilli avec tous les égards. Il a imprimé sa marque partout où il est passé. Il se retire aujourd’hui. On ne sait s’il va s’établir à Dakar ou à Saint Louis. Qu’il en profite bien."
Du côté des jeunes volontaires de la Francophonie qui viennent de différents pays, les témoignages sont unanimes. "Diouf a insufflé un nouveau souffle à la Francophonie, en ce sens qu’il nous a permis d’approfondir des questions liées à la thématique de l’éducation, à la participation citoyenne, mais aussi d’élargir nos horizons par le biais de multiples échanges et rencontres."
ABDOU DIOUF SEDUIT PAR THIONE SECK ET SANEEX
A LA CEREMONIE DE REMISE DU PRIX DES CINQ CONTINENTS
Un vibrant hommage a été rendu hier au secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf par des artistes chanteurs, humoristes et comédiens ainsi que des écoliers de Dakar. L’ancien président Abdou Diouf, replongé dans les années 1990 par la chanson intitulée «N° 10», n’a pas pu se retenir. Il bougeait les jambes au rythme de la chanson de Thione Seck. C’était au grand Théâtre, lors de la cérémonie de remise du prix des cinq continents remporté par l’Algérien Kamel Daoud.
Le secrétaire général de la Francophonie, Abdou Diouf a reçu hier l’hommag de la communauté artistique du Sénégal au Grand Théâtre. C’était à l’occasion de la cérémonie de remise du prix des cinq continents. Dans une ambiance carnavalesque, des élèves, artistes chanteurs, comédiens et humoristes, ont chacun à travers son art, loué le travail d’Abdou Diouf aussi bien à la tête de l’Etat du Sénégal que de l’Organisation internationale de la Francophonie. Dans un amphithéâtre plein d’élèves et de curieux, des lycéens de Dakar ont égayé l’assistance en montrant les différentes facettes de la culture Sénégalais à travers la danse. Au rythme de la musique de Baaba Maal, ces écoliers qui laissent apparaître à travers leur habillement les différentes ethnies du Sénégal, ont fait montre de leur talent de danseurs. Ils ont ainsi séduit le public qui applaudissait sans cesse.
Les écoliers ont cédé le podium à un grand admirateur du président Abdou Diouf. Il s’agit de l’artiste Thione Seck qui a rejoué le morceau qu’il avait dédié à Abdou Diouf en 1994, intitulé N° 10. Le père de Waly Ballago Seck, habillé en costume, était accompagné dans sa prestation par de jeunes danseurs rompus à la tâche. De temps à autre, le public applaudit, sautille et danse. Le Président Abdou Diouf n’a pas été indifférent à la chanson qui l’a sûrement replongé dans ses souvenirs. Assis au milieu de la salle aux côtés des ministres Mbagnick Ndiaye et Diène Farba Sarr, il faisait bouger sa jambe droite au rythme de la musique. Tantôt il croise les paumes de ses mains, le regard fixé sur Thione Seck, les deux indexes pointés vers le menton, remuant carrément le pied, tantôt il pointe l’index sur la joue, la tête penchée d’un côté.
THIONE SECK A REVEILLE AINSI SES SOUVENIRS.
L’autre temps fort de la cérémonie de remise du prix des cinq continents a été la montée sur scène de la troupe «Soleil Levant» de Thiès. Il fallait voir l’artiste Saneex. Il était un véritable sosie d’Abdou Diouf. En effet, en costume tiré à quatre épingles, Saneex en compagnie de son «jumeau» Aladji Gora et cheikh Ndiaye a improvisé le discours d’adieux du secrétaire général de la Francophonie. Abdou Diouf regardait avec attention Saneex qui avait son allure. Devant le pupitre, l’artiste prononce un discours en français (francophonie oblige) en hommage à Léopold Sédar Senghor. «Sénégalaises, Sénégalais ! Je remercie le président Senghor qui m’a tout donné et fait beaucoup de choses pour moi. Donc, rendez à César ce qui appartient à Senghor. Adieu ! adieu !», s’exclame l’artiste qui fait éclater de rire l’assistance.
L’ALGERIEN KAMEL DAOUD LAUREAT DU PRIX DE LA FRANCOPHONIE DES CINQ CONTINENTS
C’est par la suite que l’administrateur de l’Organisation internationale de la Francophonie, Clément Duhaime, annonce le nom du gagnant du prix des cinq continents. Il s’agit de l’Algérien Kamel Daoud. Dans son livre qui lui a valu le prix de la francophonie, dira M. Duhaime, «on retrouve l’Etranger d’Albert Camus sous une autre forme». Le lauréat du prix de la francophonie est titulaire d’un baccalauréat scientifique, mais il a suivi un cursus littéraire à l’université pour devenir journaliste. Kamel Daoud est l’auteur de plusieurs ouvrages.
L’administrateur de l’Oif a par ailleurs rappelé que le 15e sommet de la francophonie est une fête des cultures et des langues. Il dira à l’endroit du président Abdou Diouf : «la francophonie et le Sénégal ne vous oublieront jamais». L’avenir de la francophonie se trouve en Afrique, d’après les enquêtes de l’observatoire de l’Organisation. «Le sort de la langue française dépend des jeunes africains», indique-t-il.
Sud Quotidien vous avait déjà raconté son histoire il y a deux ans : avoir le bac à 62 ans, et l’avoir dès la première tentative…Elle ne s’est pas arrêtée en si bon chemin. Aujourd’hui, Mariam Cissé Traoré poursuit ses études supérieures et dit qu’elle se retrouve tout à fait dans le thème de ce 15e Sommet de la Francophonie. Une femme comme elle assume tout à fait son statut d’ « acteur »de développement. Son discours s’adresse aussi aux jeunes : il n’y a pas de raison que les esprits encore verts n’y parviennent pas, alors même qu’avec quelques trous de mémoire, elle n’a pas l’intention de s’arrêter.
Ecoutez, son histoire vous dira sans doute quelque chose. Elle était hôtesse de l’air depuis plus de 30 ans, un époux, des enfants, une vie rangée et presque calibrée…Et puis un jour, Mariam Cissé Dougoumalé Traoré est devenue bachelière…à 62 ans tenez-vous bien, elle qui avait abandonné les études un peu sur un coup de tête comme elle dit. Retourner à l’école, pourquoi pas ? C’est vrai qu’elle y pensait, mais plus comme un vieux dossier que l’on range dans un casier et que l’on finit par oublier.
Mais en 2011, en pleines vacances, on discute à la maison : la benjamine de la famille doit passer le bac, et voilà qui donne des idées à maman. C’est décidé : elle aussi ! Son époux l’encourage aussitôt. Elle se retrouve alors à devoir partager la salle de classe avec des jeunes du Collège Sacré-Cœur, une cohabitation qui se passe plutôt bien, puisque ses «camarades » comme on dit trouvent en elle un modèle, un exemple : pour tout dire, son courage à elle fauche toutes leurs hésitations. « On respectait (son) parcours, (sa) démarche et (son) âge ».
Elle qui est plutôt douée pour les langues-une pure littéraire comme elle dit-obtient la note de 15 en français, et 15,5 en anglais. Pour les maths et la philo, c’est un peu plus compliqué, mais ça ne la décourage pas. Elle trouve un professeur pour chacune des deux matières. Bachelière du premier coup, à plus de 60 ans, il faut le faire. Elle ne se souvient pas vraiment de ce qu’elle a ressenti à ce moment-là : tout était tellement confus. « Je n’étais même pas sûre que c’était moi que l’on appelait » raconte-t-elle. Ce dont elle est sûre en revanche, c’est que son fils et sa fille qui l’accompagnaient lorsqu’elle est allée prendre ses résultats, étaient très fiers d’elle.
Le succès, c’est bien connu, ça donne faim. Mariam Cissé Dougoumalé Traoré veut aller plus loin et poursuivre des études supérieures. Elle tape à plusieurs portes, on ne lui ouvre pas toujours. Jusqu’à ce qu’elle franchisse le seuil de l’Institut africain de management (IAM) où le directeur Moustapha Guirassy dit oui tout de suite. Et c’est comme cela qu’elle se retrouve à suivre un cursus de trois ans en marketing et communication. Elle y passera deux ans finalement, compte tenu de son expérience. Elle qui avait déjà monté son entreprise-elle est organisatrice de mariage ou wedding planner en anglais- dit que ce que lui apporte cette formation, c’est qu’elle comprend davantage ce qu’elle fait, elle met des mots là-dessus, et cela donne de la valeur à son activité. En ce moment, Madame Traoré peaufine son mémoire de fin d’études, un travail de recherche qui porte sur l’événementiel et qu’il ne lui reste plus qu’à déposer pour relecture et autres corrections.
Quand on lui demande ce qu’elle fait de son temps libre, elle cherche…Elle n’en a pas vraiment en fait. Toujours occupée : ou les mariages, ou le tissage où elle s’est lancée quand elle a dû arrêter de travailler comme hôtesse de l’air pour des ennuis de santé. Elle ne s’est jamais arrêtée.
Au-delà de sa personne « qui compte très peu finalement » comme elle dit, il y a l’exemple. Mariam Cissé Dougoumalé Traoré pense qu’elle aurait pu bien rester dans son coin, parce que dans un pays comme le nôtre, « ce n’est jamais bien vu de parler de soi ». Heureusement que d’autres personnes avant ont raconté son histoire, dit-elle. Pour montrer aux jeunes que « si c’est possible à un certain âge, et malgré quelques trous de mémoire », il n’y a pas de raison de douter « quand on a encore la mémoire fraîche ». Elle songe parfois à écrire son histoire, mais finit par se dire que « ce serait très inconfortable que le récit de (son) succès puisse passer pour de la propagande»