Après deux jours de garde-à- vue, le chanteur Idrissa Diop a été déféré au parquet hier pour escroquerie au visa. Toutefois, l’artiste a fait l’objet d’un retour de parquet. Parce que tout simplement une solution à l’amiable est en train d’être trouvée.
A en croire nos sources, les parties ont consenti à procéder à une médiation pénale. Idrissa Diop devra rembourser un peu plus de 400 000 francs à l’une des victimes, s’il veut recouvrer la liberté aujourd’hui. Si l’on en croit nos sources, l’auteur de la chanson “Nobel” s’est retrouvé dans les filets de la justice à la place du véritable escroc.
Car, de l’avis de ses proches, Idrissa Diop a servi d’intermédiaire entre des jeunes désireux d’émigrer et un démarcheur. Seulement, après avoir empoché l’argent, celui-ci s’est fondu dans la nature. C’est sur ces entrefaites que les candidats malheureux au voyage s’en sont pris à Idrissa Diop, samedi dernier, à l’aéroport Léopold Sédar Senghor.
Et c’est en voyant l’attroupement et la dispute que les gendarmes se sont approchés pour s’enquérir de la situation. C’est ainsi que le chanteur a fait savoir aux pandores qu’il avait servi d’intermédiaire aux jeunes.
Et pour y voir clair, les gendarmes l’ont conduit à leur poste avant de le placer en garde-à-vue.
''LA BONNE PRÉPARATION EXPLIQUE LA RÉUSSITE DE L’ÉVÈNEMENT''
OUSMANE PAYE, PRESIDENT DU COMITE DE PILOTAGE SUR LE XVEME SOMMET DE L’OIF
Président du Comité de pilotage, notre compatriote Ousmane Paye, ancien ministre, est venu plus de six fois à Dakar pour conduire l’équipe de l’Oif. Il tire ici le bilan du XVème Sommet de Dakar. Selon lui, la qualité de la préparation a été bonne d’où la réussite de l’événement.
En votre qualité de président du Comité de pilotage de la Francophonie, vous avez effectué plus de six voyages au Sénégal, dans la préparation du XVème Sommet de l’Oif. Quel sentiment vous anime après les travaux des 29 et 30 novembre?
« Il faut dire que c’est un sentiment de satisfaction qui m’habite. Les Sommets se suivent et se ressemblent, et nous en étions à la XVème édition. Tous les deux ans, les chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie se retrouvent pour échanger sur la politique internationale, l’économie mondiale et la coopération multilatérale.
A chacune de ces occasions, l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) fait face au pays hôte. C’est cela l’explication des réunions bilatérales que nous avons tenues pendant deux ans, entre le Comité de pilotage que je préside et le Conseil d’orientation du Sénégal en charge de la préparation du XVème Sommet.
Vous m’avez entendu souvent au terme de ces réunions exprimer ma satisfaction, assortie de recommandations. C’est ma nature, car je suis un optimiste de la volonté ! Il faut dire que notre pays, le Sénégal, faisait face à trois défis : un défi infrastructurel, un défi technique avec les prérequis et le cahier de charges et enfin un défi intellectuel et politique.
Le défi infrastructurel, c’est la réalisation du nouveau Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) réalisé en 11 mois. Tous les participants au XVème Sommet ont été éblouis par cette belle infrastructure d’une rare beauté.
Ce XVème Sommet a été marqué par de nouvelles adhésions et une participation record, quel commentaire en faites-vous ?
L’Oif est passée, à Dakar, de 77 à 80 Etats et gouvernements membres. Ce XVème Sommet a aussi permis d’adopter un nouveau cadre décennal après celui de Ouagadougou en 2004.
Il y a eu aussi une séance inaugurale sans précédent avec un record d’orateurs et un spectacle d’une beauté exceptionnelle.
Il a été constaté des manifestations d’environnement notamment le Village au Grand Théâtre et diverses manifestations dans la capitale. S’agit-il d’innovations ou d’une touche sénégalaise ?
La singularité du Sommet réside dans son agencement protocolaire. Tout commence par l’accueil à l’aéroport où la tradition sénégalaise a été encore respectée avec la présence du président de la République et du Premier ministre pour recevoir les hôtes. Cela s’est poursuivi avec l’accueil au Centre de Diamniadio vécu en direct sur la télévision nationale (Rts).
C’était un moment important du XVème Sommet. Il y a eu aussi les manifestations d’environne- ment dont le dernier est le forum économique les 1er et 2 décembre. Des manifestations précédées par différents colloques, foras et autres conférences techniques à côté du village de la Francophonie, au Grand Théâtre.
Quelles ont été les particularités du dernier Sommet marqué par le départ définitif du Secrétaire général?
Assurément, la qualité de la préparation a été bonne. Le Sommet de la Francophonie est en général classique. Ce XVème Sommet de Dakar était très particulier en raison de l’élection d’un nouveau Secrétaire général.
Il était aussi exceptionnel en raison de la fin du mandat du président Abdou Diouf, un fils du Sénégal à qui le président Macky Sall voulait rendre un hommage exceptionnel pour les résultats de son action à la tête de l’Oif.
Il faut reconnaître que le chef de l’Etat hôte s’est impliqué pour la réussite du Sommet en installant un Comité d’organisation composé d’un Délégué général, de sept commissions techniques et toutes les entités confondues dirigées par des hommes et des femmes de très grandes qualités. Je tiens à leur rendre un hommage appuyé.
C’est le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, second dans l’architecture, le Délégué général à la Francophonie, la représentante personnelle du chef de l’Etat, le président du Comité scientifique, l’orfèvre qu’a été le directeur du protocole d’Etat, le ministre Bruno Diatta. Il ne faut pas oublier les différents présidents des commissions telles que la logistique, la sécurité, la santé, etc.
Il faut dire que c’est surtout l’implication du chef de l’Etat qui a fait la différence. Il a lui- même présidé les Conseils présidentiels, assuré les visites de terrain et suivi, de manière permanente, les travaux du bilatéral entre le Comité de pilotage de l’Oif et le Comité d’organisation.
Certaines personnes contestent les sommes investies par l’Etat du Sénégal pour réaliser le Centre de conférences, est-ce utile au moment où nous sommes ?
Ce n’est rien de nouveau dans les pays de libre expression dont le nôtre. Cela se passe ainsi sous d’autres latitudes, en Suisse, aux Etats-Unis ou en France. Pour le cas de la France, la réalisation de la Tour Eiffel était contestée et aujourd’hui, des millions de touristes y affluent quotidiennement.
Au début, c’était l’opportunité de la tenue de la Conférence des chefs d’Etat à Dakar en référence à la prise en charge par l’Etat pendant deux jours de quelques 200 délégués. Quelques 2000 autres étaient présents pour remplir nos hôtels, louer nos voitures, envahir nos restaurants et dépenser leur argent dans le commerce. C’était ensuite le centre international de conférences.
Constatez la qualité de l’outil de dernière génération que nous avons, sans doute la meilleure infrastructure sur toute la côte atlantique de l’Afrique, de Casablanca au Cap, pour un coût modeste et une aide énorme d’un partenaire, la Turquie qui a soutenu les 2/3 du financement.
En tant que Sénégalais, quel sentiment vous anime après la réussite du XVème Sommet de Dakar ?
C’est un sentiment de fierté que le Sénégal ait réalisé le meilleur de tous les Sommets. La présentation d’un meilleur logo et d’un thème général plébiscité en décembre 2013, auguraient d’une telle issue.
''LES VRAIS RAISONS DE MA DÉMISSION''
BABACAR MBAYE DIOP EX-SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA BIENNALE DE DAKAR
Gilles Arsène Tchedji et Babacar Gueye Diop |
Publication 09/12/2014
Après 21 mois passé au secrétariat de la Biennale de Dakar, Babacar Mbaye Diop rumine sa colère vis- à-vis de l’Etat sur le manque de reconnaissance dont il a fait l’objet. Sur sa non-rétribution pour services rendus, les difficultés de la Biennale, les problèmes avec la tutelle, ce professeur d’université, qui se définit comme un «amoureux de la culture», de «l’art», pointe du doigt la racine du mal dans le milieu culturel sénégalais et flingue les lobbys présents au niveau de la tutelle. Sans détours, Babacar Mbaye Diop dit tout et sans langue de bois.
Après votre passation de services, doit-on continuer à dire Sg ou ex-secrétaire général de la Biennale de Dakar?
(Sourire) Je pense qu’il faut dire ex-secrétaire général de la Biennale parce que comme vous l’avez vu, ce matin on a fait la passation. Donc mon successeur a pris le relais de secrétaire général.
Permettez-moi, de remercier tous les agents de la Biennale. Ils ont fait un excellent travail. Je voudrais aussi remercier tous les membres du Comité d'Orientation avec une mention spéciale à Mme Thérèse Turpin Diatta.
Vous avez passé 21 mois seulement à la Biennale. C’est quand même une exception depuis que ce poste existe.
Oui, j’ai fait 21 mois exactement. Je suis arrivé vers février-mars 2013 et j’ai rendu ma lettre de démission le 7 novembre dernier. J’ai reçu la réponse du ministre le 19 novembre avec un arrêté fixant mon remplacement.
Beaucoup de rumeurs ont accompagné votre démission sans que votre version ne soit entendue. Quelles sont les véritables raisons qui ont conduit au fait que vous rendiez le tablier.
Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles j’ai voulu vraiment quitter. Déjà en cours d’édition de la dernière Biennale, il y avait des rumeurs. Mais je vous informe que dans chaque rumeur, il y a une part de vérité. D’abord à un mois de la Biennale, l’ancien ministre de la Culture, Abdoul Aziz Mbaye, a changé mon équipe de Com’.
Il y avait Cheikh et Seydou Nourou Sall, deux hommes en qui j’avais confiance. Ces derniers ont tout fait : les spots, les banderoles, les affiches, la pub... Bref ce sont eux qui ont fait tous les supports de communication.
A un moment donné des préparatifs de la Biennale, le ministre les renvoie et amène sa propre équipe de com’. Je me suis dit toute suite que ce qui l’intéresse ce n’est pas la Biennale, mais sa propre communication. Voilà la première raison de ma démission.
La deuxième chose est qu’à la Biennale, et ça je dois vrai- ment le dire pour tous les artistes et tous les gens qui vont nous lire, j’ai voulu vraiment quitter parce que je n’ai jamais été payé. J’ai toujours fait du bénévolat à la Biennale.
Comment du bénévolat ?
J’ai rencontré plusieurs fois le ministre pour lui faire part de ma situation. Mais on me dit souvent : «Babacar, vous êtes à l’université, vous avez une indemnité (il est professeur au département de Philosophie à l’Ucad, Ndlr), vous êtes un fonctionnaire par conséquent vous ne pouvez pas avoir un plein salaire.» Ce qui est normal. Moi ce que je voulais, c’est avoir au moins une bonne indemnité. Je n’ai jamais été payé pendant les 21 mois.
Au mois de mai dernier, je commençais à en avoir ras-le-bol. Cela a été la deuxième raison pour laquelle, j’ai voulu démissionner. La troisième, c’est qu’à un mois de la Biennale, j’ai alerté la tutelle sur le gap important de dette qu’on avait. On avait une dette de 150 millions à 200 millions. Et à un mois de la Biennale, rien n’a été fait.
A une semaine, j’ai alerté de nouveau, rien n’a été fait. Ce qui fait que nous avons organisé la Biennale avec des dettes. Voilà les raisons pour lesquelles j’ai voulu quitter au mois de mai. Mais finalement je me suis dit, avec tous les invités qui sont là, de même que les artistes, par respect pour eux, je ne quitterai pas. Je vais finir cette Biennale, bien que je ne sois pas payé.
Vous n’avez même pas eu d’indemnité ?
Depuis 21 mois, je ne reçois que 60 mille francs Cfa. Cette somme est l’indemnité de tout directeur de service. Je ne sais pas si c’est un manque de respect mais le pire est que chaque fois que je réclamais un salaire ou une bonne indemnité, on me disait : «Tu as un budget, alors sers-toi.» C’est en gros ça.
C’est-à-dire tu as des lignes qui te permettent de te payer toi-même. Mais je n’ai jamais voulu me servir de la sorte. Je ne sais pas si les autres le font. Mais j’ai comme l’impression que c’est un peu partout comme cela.
Moi je n’ai jamais voulu me servir de mon budget. Je voulais que le ministre Abdoul Aziz Mbaye, lui-même, prenne ses responsabilités en me disant : «Babacar vous avez un budget, je vous donne tant comme indemnité.»
Ce qu’il n’a pas voulu faire. J’ai rencontré l’actuel ministre (Mbagnick Ndiaye), je lui ai dit que je faisais du bénévolat depuis mars 2013 et que ma situation reste inchangée. Je l’ai rencontré deux fois. Rien n’a été fait. J’ai attendu la fin de la Biennale. J’ai rendu le rapport. Le comité s’est réuni pour finaliser le rapport Dak’art 2014.
J’ai rendu ce rapport le 7 novembre avec ma lettre de démission pour dire au ministre qu’une fois que j’aurai payé les dettes, je partirai de la Biennale... Le ministre a ensuite anticipé mon départ. Mais moi je voulais d’abord payer les dettes parce qu’on est très endetté. Et l’un des plus grands créanciers est Bolloré à qui nous devons beaucoup d’argent.
A peu près combien vous devez à Bolloré ?
La Biennale des arts doit à Bolloré 150 millions. C’est Bolloré qui a pris en charge les transports aller et retour des œuvres des artistes qui sont venus des quatre coins du monde. Mais je m’attendais à cette situation. A un mois de l’évènement, j’avais alerté mais rien n’a été fait. Donc à la fin de la Biennale, j’ai rendu le rapport avec ma lettre de démission.
Dans la lettre, je précise bien que j’aimerais partir ou démissionner de mes fonctions quand j’aurai payé toutes les dettes de la Biennale. Peut-être que ma lettre n’a pas plu au ministre. Car contre toute attente, j’ai reçu un arrêté me remplaçant le 19 novembre dernier. Voilà en gros les principales raisons pour lesquelles j’ai voulu vraiment quitter.
La principale est que je ne pouvais plus continuer à faire du bénévolat. Je ne peux pas accepter de travailler pendant 21 mois et ne toucher que 60 mille francs d’indemnité alors que je peux juste, en tant que universitaire, faire des conférences où en 10 minutes je vais gagner 350 ou 400 euros. Je ne pouvais plus accepter de faire du bénévolat pendant presque 2 ans.
Des copains qui sont mes collègues m’ont dit : «Tu es fou ! Comment peux-tu accepter de faire ça ?» Au début, je le faisais par amour pour l’art et la culture mais surtout pour la Biennale qui est aujourd’hui la plus grande rencontre artistique en Afrique, une fierté en tous cas pour nous.
Est-ce que vous vous êtes renseigné par rapport à ce qui se faisait avec vos prédécesseurs en termes de salaire ?
Avec mes prédécesseurs, il y a une différence parce que tous les trois premiers étaient des fonctionnaires du ministère de la Culture. Donc, ils sont payés directement par la Fonction publique. Mais moi, en ce qui me concerne, je ne fais pas partie de ce ministère mais celui de l’Enseignement supérieur.
On m’a appelé pour juste diriger la Biennale. J’ai commencé mon travail par un arrêté du ministre. Par conséquent, on n’a pas discuté de contrat : c’est peut-être de ma faute, mais dès le début, j’ai proposé un contrat à l’ancien ministre pour lui dire de me faire un contrat de prestation. Ce qu’il n’a pas voulu signer du tout.
Vous fustigiez tout à l’heure le fait que le ministre ait anticipé votre départ. Quelle lecture vous en faites ?
Je ne sais pas si le ministre a souhaité que je continue ou pas. Parce qu’il ne m’a pas rencontré. L’ancien ministre Abdoul Aziz Mbaye, lui, m’a rencontré plusieurs fois. D’ailleurs, ce dernier m’a nommé sans me connaître. Cela a été vraiment une surprise pour moi, parce qu’il m’a juste appelé un jour pour me nommer à la Biennale alors qu’il ne me connaissait même pas. Lui, quand il a entendu les rumeurs de démission, il m’a appelé dans son bureau.
On n’a parlé longuement. Le jour où on a annoncé ma démission en pleine édition de la Biennale, j’étais avec lui à Popenguine : c’était le 16 mai dernier. Le lendemain, je crois, j’étais dans son bureau vers 22 heures, et je suis revenu sur ma décision. Une chose que j’ai faite par respect pour tous les gens qui étaient là.
Mais au fond de moi, je me disais qu’est-ce que je fais encore là. Je ne pouvais plus continuer à faire du bénévolat. En revanche, l’actuel ministre ne m’a pas rencontré. Du moins, après ma lettre de démission. Il ne m’a ni appelé ni donné rendez-vous. Il a juste envoyé un arrêté de mon remplacement.
Dans une interview que vous avez accordée à Rewmi quotidien, vous avez pourtant déclaré que tout était rentré dans l’ordre...Que s’est-il passé après ?
Ce qui s’est passé, c’est que quand j’ai rencontré le ministre Abdoul Aziz Mbaye dans son bureau, il y a eu des promesses. J’ai donc dit dans la presse que les choses étaient rétablies, parce que simplement il y avait des promesses.
Quelles étaient ces promesses ?
Il m’avait promis par exemple que je serai véhiculé. Encore une fois, je suis resté pendant plus d’un an sans voiture. La voiture est venue après la première semaine de la Biennale. Encore que ce véhicule je l’ai acheté en puisant sur le budget de la Biennale. Ce budget tourne autour de 339 millions.
En tout cas, pour 2014. Ensuite, le ministre m’a promis un rétablissement de ma situation. Jusque-là, elle ne l’est pas encore. Donc je suis véhiculé certes, mais jusqu’au 30 novembre dernier je n’ai jamais été payé.
Au regard de la situation, avez-vous le sentiment que les autorités n’ont aucune considération pour la Biennale des arts ?
Absolument ! Je crois que les autorités ne se rendent pas compte de l’importance de la Biennale. Tous les professionnels d’art et de culture connaissent la Biennale de Dakar de même que son importance. Au-delà des enjeux artistiques, il y a aussi des enjeux socio-économiques, parce que nous recevons beaucoup de touristes, des gens qui sont logés à l’hôtel, qui mangent dans nos restaurants, qui prennent nos taxis. Il y a une activité économique importante.
Au- delà de ça, il y a aussi des enjeux sur le plan social. La Biennale, c’est au moins 200 emplois directs. Donc il y a une activité économique qui n’est pas négligeable. Mais je pense que les autorités en général ne se rendent pas compte de l’importance de cette manifestation-là. Les autorités ne donnent pas beaucoup d’importance à la Biennale de Dakar.
Comment la Biennale compte aujourd’hui payer les dettes de Bolloré ?
Avant de partir, j’ai rencontré le nouveau Pdg de Bolloré avec le ministre de la Culture. On n’a parlé longuement dans son bureau. Il a accepté de faire partir les œuvres parce qu’elles étaient coincées à Dakar. De juin à fin octobre, les œuvres étaient toujours à Dakar.
C’est en début novembre que le retour a commencé parce que le Pdg de Boloré a accepté avec comme condition, une lettre de reconnaissance de dette que j’ai faite. Il a accepté de transporter les œuvres pour le retour et d’être payé en 2015.
Cela veut dire qu’avant la prochaine Biennale, il faudra impérativement éponger ces dettes ?
Mais ça c’est récurrent. Quand je suis venu à la Biennale en mars 2013, j’ai payé les dettes de la Biennale de 2012. Comment créer dans ces conditions, une bonne biennale, si chaque fois on est endetté ? C’est impossible !
Il se dit que vous durant votre magistère, vous n’étiez pas très aimé des secrétaires généraux qui sont passés avant vous. Cela est-il vrai ?
Non ! Je ne le pense pas. J’ai eu de très bons rapports avec Amadou Lamine Sall, avec Ousseynou de même que Rémy. Donc je n’ai pas eu de problèmes particuliers avec eux. Personne d’entre eux ne m’a montré en face qu’il ne m’aimait pas.
Le fait que vous ne soyez pas un produit du ministère de la Culture n’a pas été en votre faveur selon certains, et beaucoup de critiques se portaient sur vous ?
Je pense que ça, c’est un faux débat. Quand on regarde le ministère de la Culture, on remarque que des responsabilités sont données à des retraités alors que les jeunes sont là. Il y a des jeunes qui sont bons. Ils ont fait de bonnes formations avec des Masters 2 à l’Iseg, au Cesag, à Alexandrie, à Saint-Louis.
Ces jeunes-là, on pouvait les donner des postes de responsabilités. C’est faux de dire que les universitaires envahissent le ministère de la Culture. C’est vrai qu’il y en a quelques-uns.
D’ailleurs, on voyait qu’on gênait un peu. Mais nous apportons seulement notre expérience. Et pis, la Culture n’appartient pas seulement à ceux qui travaillent au ministère de la Culture. Il faut que les gens le sachent. Je ne suis pas un produit du ministère. Mais je crois que j’ai fait un bon bilan.
Quel est ce «bon bilan» ?
En moins de 2 ans, j’ai organisé un symposium sur les métiers des arts visuels, c’est-à-dire une formation qui a été destinée aux acteurs culturels mais aussi aux artistes. Pendant deux semaines, on formait des jeunes. J’ai également fait un Salon sur la sculpture africaine contemporaine.
Et ça, ce sont des activités qui sont faites hors de la Biennale. Cela faisait d’ailleurs longtemps que la Biennale n’organisait pas des activités de la sorte. J’ai fait aussi la Biennale de 2014 qui a été une réussite malgré les dettes et les problèmes que nous avons rencontrés.
Tous s’accordent pour dire que cela a été une réussite. Je voulais numériser tous les dossiers des artistes de 1990 à 2014, les mettre dans une base de données ainsi que les ouvrages, les catalogues et les documents audiovisuels. On l’a commencé et je pense que mon successeur va le continuer. L’autre chose, est que j’ai réalisé en moins de deux ans, un documentaire sur l’histoire de la Biennale.
J’ai réalisé aussi un clip qui a été une première pour la Biennale. Ce clip, aujourd’hui sur Youtube, est à plus de 4 000 mille vues. On a aussi une page Facebook qui a aujourd’hui 4 000 amis. Tout cela est disponible dans le rapport qui est public. Je pense avoir fait un bilan positif malgré tous les problèmes que nous avons rencontrés.
Vous avez également signé un partenariat avec la Royal Air Maroc. Ce pacte sera-t-il toujours en vigueur après votre départ ?
Cela aussi, c’est l’un des points forts de mon bilan. Pour la première fois dans l’histoire de la Biennale, j’ai signé des contrats mais importants. La Ram (Royal Air Maroc) nous a octroyé 60 billets d’avion.
Donc tous les artistes et invités ont pratiquement voyagé gratuitement. Et ce contrat-là, va continuer heureusement pour trois éditions, c’est-à- dire 2014, 2016 et 2018. Mon successeur va continuer ce contrat avec eux.
Quels sont les grands acquis que vous léguez à votre successeur ?
Les grands acquis, ce sont les activités inter biennales. Je pense que rester deux ans sans rien faire, ce n’est quand même pas bien. On a tellement de choses à faire. C’est la numérisation de tous les documents, tous les dossiers de la Biennale, tous les livres, les ouvrages et revues de la Biennale de 1990 à maintenant...
Ce sont aussi les partenaires que j’ai pu avoir. Cette Biennale a été aussi une réussite diplomatique parce que j’ai invité le Maroc et l’Algérie, deux pays qui, sur le plan diplomatique, connaissent des difficultés. Mais heureusement que la culture permet de réunir les peuples. Les deux pavillons des deux pays étaient face-à-face et il n’y a pas eu de problèmes...
Avant vous, il y a eu des démissions : Massamba Guèye à Sorano, Pape Massène Sène au Secrétariat du ministère de la Culture, Mariama Ndoye Mbengue de la direction du Livre. Finalement, est-il difficile de collaborer avec la tutelle ?
C’est très difficile ! Ça je vous le confirme. Le problème n’est pas Mbagnick Ndiaye ou Abdoul Aziz Mbaye. Ce sont des lobbys qui existent dans ce ministère. Je vous l’ai dit tout à l’heure, il y a des retraités qui sont là et je me demande qu’est-ce qu’ils font et pourquoi on ne donne pas la responsabilité aux jeunes ?
Le problème ce sont ceux qui sont autour du ministre. Je me rappelle très bien d’une phrase de Youssou Ndour qui disait qu’il peut être un bon président de la République parce qu’il va recruter de bons conseillers. Si le ministre est bon et que ses conseillers sont mauvais, ça ne marchera pas. Je ne citerai pas de noms, mais ses plus proches collaborateurs, ce sont eux le problème et non le ministre.
Il y a un lobbying qui est là formé par les collaborateurs du ministre. Là où il y a un problème avec le ministre, c’est que parfois il confond la culture et le folklore. Je n’ai rien contre le ministre Mbagnick Ndiaye mais on ne peut pas réduire la culture au NdefLeng. C’est beaucoup plus vaste que cela. Il faudrait qu’on sache que la Culture est très complexe. Elle est différente du folklore.
A vous entendre, on dirait que vous partez de la Biennale avec un goût amer ?
Un goût amer ? En tout cas, j’ai eu de très bons contacts. Je ne le regrette pas. J’ai eu un très bon carnet d’adresses. J’ai voyagé partout et rencontré beaucoup d’experts de l’art. On a reproché beaucoup de choses aux jeunes de mon équipe. Mais ils sont compétents...
Ce sont des jeunes dévoués compétents et qui savent ce qu’ils font et qui sont là depuis 10 ans, 20 ans. J’ai même envie de dire qu’ils bossent mieux que moi. J’ai eu des contacts qui ont fait que je n’ai pas regretté de diriger la Biennale.
Parce que j’ai rencontré des gens vraiment sympas. Par conséquent, je ne peux pas dire que je pars avec un goût amer. Je fais juste un constat : tant que les problèmes ne seront pas résolus, la Biennale sera toujours confrontée à des difficultés.
Quels ont été vos plus grands regrets durant votre magistère ?
Mon plus grand regret, c’est de ne pas accompagner les réformes de la Biennale. D’ailleurs, j’ai été nommé pour cela. Il m’avait dit qu’il veut que je porte les réformes de la Biennale. On les a entamées et je voudrais souligner une chose sur les rumeurs et tout ce qui a été dit. Le projet de réforme de la Biennale, c’est une question qui est là depuis longtemps.
Ça ne vient pas de l’Union européenne, même si elle a participé récemment en nous envoyant un expert. Là aussi, il y a problème. Cette année, l’Ue n’a rien fait pour la Biennale. En même temps, elle nous envoie un expert pour la réforme de la Biennale. Je ne comprends pas ce deux poids, deux mesures. S’ils ne veulent pas financer la Biennale, qu’ils nous laissent tranquilles.
J’avais établi un chronogramme qui fait que d’ici à 2016, la Biennale allait devenir une fondation. C’est vraiment mon plus grand regret. Quoi qu’on puisse dire, la Biennale ne doit plus continuer à être rattachée au ministère de la Culture.
Est-ce que vous vous attendiez à tout ce que vous avez vécu là-bas ?
Non. Je ne m’y attendais pas. Mais cela a été une bonne expérience. Vu de l’extérieur, tout le monde pense que la Biennale draine beaucoup d’argent, n’a pas de problèmes. Nous on fait tout pour leur montrer un visage reluisant de la Biennale. Mais elle se tient avec des problèmes. Le principal problème est pécuniaire.
Comment voulez-vous qu’une structure comme la Lonase, qui donne des millions dans les autres manifestations, n’octroie qu’un million à la Biennale ; le Port autonome de Dakar qui gère des milliards ne nous donne que 3 millions, la fondation Sonatel qui pouvait faire plus, n’a donné que 6 millions. D’ailleurs, on n’a même pas encore reçu ces 6 millions. Donc nos partenaires locaux ne font presque rien. Ils ne participent pas au développement de la culture.
C’est tout le contraire des partenaires étrangers comme Eiffage. Même si elle n’est visible que dans le Off. L’Etat est le premier grand financier. La moitié du budget est prise en charge par l’Etat. Ce dernier a financé la Biennale de 2014 pour 339 millions.
Au-delà des difficultés que vous évoquez, est-ce que la Biennale n’est-elle pas menacée ?
J’espère que mon successeur est conscient de tous ces problèmes et qu’il va tout faire pour y remédier. Je suis convaincu d’une chose, si on passait à la fondation, la Biennale pourrait être pérenne parce qu’il y a beaucoup de sociétés qui refusent de financer la Biennale parce qu’elles se disent qu’en la finançant, elles en font de même pour l’Etat sénégalais.
Mais il ne faut pas confondre autonomie et indépendance. Dans tous les cas, la Biennale aura besoin de l’Etat sénégalais de soutien financier et matériel. Si on a une fondation, le secrétaire général sera nommé par les conseillers de la structure...
Quels sont aujourd’hui vos projets ?
J’ai beaucoup de projets au courant de l’année 2015. J’avais une agence d’art que j’ai créée depuis 2010, que j’avais arrêtée parce que les activités de la Biennale ne me permettaient pas d’être actif. Donc je vais la reprendre. Il y a aussi des projets d’expositions en cours de l’année 2015, des sites de conférences par rapport à mes cours de Masters 2 dans les galeries, les instituts.
Donc je vais sortir un peu du campus avec les étudiants. En mars 2015, je dois animer des cycles de conférences à l’école nationale de Bourges en France. En gros, ce sont là mes projets
LES ARTISTES RECLAMENT LEUR ARGENT A L’ETAT ET A LA FRANCOPHONIE
Le XVe Sommet de la Francophonie est terminé, mais ça râle toujours pour dénoncer des manquements. Surtout chez les artistes, dont les oeuvres ont été sélectionnées pour décorer pour le Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio, qui réclament leur argent. «La Francophonie a pris les oeuvres des artistes bien avant le sommet. Et jusqu’ici, les artistes ne sont pas encore payés. Comme on a vu un exemple, celui du Fesman, avec des artistes et d’autres prestataires qui courent toujours derrière leur argent –Dieu seul sait s’ils seront payés - nous ne voulons pas être dans ce même lot. Aujourd’hui, les artistes courent derrière l’Etat pour se faire payer», révèlent l’artistepeintre Zulu Mbaye.
Selon l’ancien président de l’Association des artistes sénégalais, «dans la législation des auteurs des oeuvres, c’est un délit». «On ne peut pas prendre l’oeuvre de quelqu’un sans son consentement, la mettre quelque part, sans demander son avis, sans le payer. Parce qu’ils en ont joui dans l’organisation de la Francophonie. On veut leur dire que ça suffit, payez-nous notre argent», argumente-t-il.
Et de poursuivre : «On pensait être payés avant l’ouverture du Sommet, mais ce n’est pas le cas. On ne sait pas où est-ce qu’on en est. Je ne parle pas au nom d’une structure, mais en tant qu’artiste sélectionné parmi ceux qui ne sont pas encore payés».
En tout cas, le peintre dénonce l’attitude des autorités. «C’était une sélection de tableaux qui devaient servir à la décoration du Centre Abdou Diouf. Ce qui a été fait, les œuvres sont aujourd’hui accrochées. Ils ont fini leur fête, mais nous sommes toujours en attente de savoir si on va nous payer», interpelle-til, notamment la Délégation à la Francophonie, principale organisatrice du Sommet.
Selon M. Mbaye,ce sont 59 artistes qui ont été sélectionnés, mais le nombre d'œuvres retenues dépasse la centaine et personne n’a reçu ni avance ni rien. Pourtant, renseigne l’artiste: «Nos factures ont été déjà déposées et on est balloté d’un responsable à un autre.Pour nous, notre interlocuteur c’est le directeur des Arts, qui est le plus proche des artistes. Et à ce niveau, d’après les informations que nous avons eues, il a fini le travail qu’il devrait faire». A défaut d’entrer en possession de leur dû, les artistes exigent «la restitution des oeuvres. Parce qu'ils (ont) signé des papiers en bonne et due forme».
LE DESERT CULTUREL AU CŒUR DE LA CITE
FAUTE DE SALLES DE SPECTACLE, D’ŒUVRES D’ART, DE THEATRE A L’HEURE DU NUMERIQUE
Une conférence d’un soir sur la mémoire et l’identité des villes africaines, le professeur Magaye Kassé a trouvé le mot juste en faisant le constat qu’une seule soirée ne saurait suffire pour traiter du sujet. Devant un Vieux Savané, un des premiers conférenciers du jour, nostalgique du Dakar colonial organisé et planifié autour de son centre et de la zone du Grand Dakar et un Baba Diop, surpris et heurté par le fait que dans la ville, ne reste plus une seule salle de cinéma, la centaine de participants à cette conférence sur «Patrimoines et identités culturelles» avait l’embarras du choix pour aborder un des nombreux thèmes et sous-thèmes évoqués ou non par la conférence. Vaste sujet susceptible d’être l’objet d’une thèse d’universités.
Du patrimoine bâti et matériel au patrimoine immatériel, il semble que la société africaine et ses villes ont fait le pari de l’oubli à tout ce qui touche aux archives. Lors de cette XV ème conférence de la Francophonie à Dakar, il a été beaucoup questions de Thiaroye, de son camp et de ses tirailleurs. Question de mémoire, mais aussi d’identité. Car Thiaroye est aussi une partie de l’histoire coloniale de la France ; mais également du Sénégal quoi qu’on veuille l’effacer.
Alors, les interrogations ont été nombreuses sur cette volonté et cette capacité à vouloir biffer de la mémoire, les traits de caractère de l’histoire sénégalaise. La place Kermel et les nombreuses menaces qui pèsent sur sa conservation ont sans nul doute été un sujet de choix évoqué par les deux conférenciers : Baba Diop et Vieux Savané. Avec le regard de l’homme de cinéma pour le premier, mais également du professeur et éditorialiste pour l’autre, ils ont été complémentaires et sous le signe de la finesse des mots et de la caractérisation de l’espace dit ville.
Sabotage, simple mépris de l’histoire urbanistique et architecturale de la cité, la question est posée par le Professeur Magaye Kassé, homme de culture et féru de cinéma. «Qui a créé véritablement la ville chez nous. Nos cités sont-elles pas pour l’essentiel, d’essence coloniale», se demande le professeur qui s’inquiète de l’anarchie qui semble être le trait de caractère quand vous allez vers ce qu’on appelle la banlieue vers Pikine, Guédiawaye.
La mémoire perdue, ce n’est pas seulement la ville qui est en question, mais nos pratiques même se désole Mademba Ndiaye, Journaliste et observateur de la cité. Le jeune saint louisien de l’époque n’a pas oublié que l’identité de son terroir à lui, était aussi dans la belle cuisine que préparait sa mère. Le patatou teugue a été une grosse question posée à l’assistance qui ne savait visiblement pas de quoi il s’agissait. Le partage de ce plat traditionnel dans le vieux Saint-Louis était un moment de bonheur, raconte Mademba Ndiaye, dont le regret a-t-il avoué est d’avoir constaté que dans sa propre famille, l’on ne savait plus faire une telle nourriture. Souvenirs d’une belle enfance, la cuisine des terroirs est aussi dans cet effort de retrouver nos identités.
Autre question, la disparition du Crédit Foncier, un vieil édifice du centre de Dakar qu’on aurait gagné à restaurer. S’ajoute à cette mémoire vivante de la vie urbaine sénégalaise, l’état des gares, au moment où le président Macky Sall veut aussi laisser ses tours nouvelles à la postérité. A Dakar, Kaolack, Thiès, Diourbel, Kaffrine et Tambacounda, ces gares sont presque à l’abandon. Pas de restauration ni de nettoyage à la peinture. D’ailleurs, combien sont-elles les gardes en service aujourd’hui au Sénégal ?
A coté des lignes de chemin de fer, toutes les villes souffrent d’un manque criant de salles de cinéma, de conférence, de théâtre. Dans les régions, plus de salles. Et Dakar n’est pas mieux lotie. Car de Magic en passant par Vog, Plaza, jusqu’au dernier vestige détruit « Le Paris», tout a été rasé. Au mépris de la mémoire.
LE TROU DE MEMOIRE
GESTION URBAINE, PATRIMOINES ET IDENTITES CULTURELLES
Que serait Rome sans le Colysée et tous ces petits monuments et vestiges du moyen âge et de la renaissance européenne ? New York plus loin de l’autre côté de l’Atlantique sans l’Empire state building, serait-ce toujours New York ? Et Paris alors, sans sa Tour la plus connue ? Les questions liées au patrimoine et à l’identité culturelle de nos espaces et sociétés, surgissent partout dans le monde, mais au Sénégal, malgré l’érection de ces deux notions en Direction nationale, il semble que bientôt, Kermel, Sandaga, les vieilles mosquées omariennes, les vieilles églises et marchés des villes de l’intérieur, ne seront plus qu’un mauvais souvenir dans notre mémoire et celle des enfants d’aujourd’hui.
Un monde qui change dans le mauvais sens : les villes et les campagnes. Souvent méconnu ou simplement bafoué, le patrimoine et l’identité culturelle sont un concept presque devenu creux dans les sociétés africaines, tellement, tout semble devenu banal face aux crises en tout genre et la mal gouvernance. Sine Ngayène et ses mégalithes ne seraient pas des vestiges du passé qu’on fait visiter aux touristes s’ils n’existaient pas encore dans le Saloum. Tout comme les amacoquillers du delta dans la même région du coté de Toubacouta, Missira, dans le Diomboss qui conservent les traces de la préhistoire sénégalaise…
Comprendre les enjeux de notre monde et accompagner les différentes mutations qui les accompagnent ou les provoquent sont devenus une nécessité pour la presse et les médias en général. Quand le tout politique et ses scandales finissent, de quoi parle-t-on en général ? De tout et de rien, et pourtant que de sujets importants à explorer pour le public. Parmi eux, cette question liée au patrimoine et aux différentes menaces qui pèsent sur nos identités culturelles.
Que reste-t-il de ce qui a fait il y a un siècle ou avant des espaces urbains et les grands villages sénégalais ? Du patrimoine matériel, on peut en dire un peu ; du patrimoine immatériel bien moins, en dehors de quelque symboles comme les croyances populaires, les ordres et les organisations nées des premiers traits de civilisation. Le reste est à l’histoire qu’il faudrait secouer encore et davantage pour poser les bonnes questions sur la signification du patrimoine.
Le mérite du collège d’architecture de Dakar, maître d’œuvre de cette belle initiative, est d’avoir mis le doigt sur une question majeure de notre temps : celle d’une nouvelle appropriation de notre propre histoire dans le temps et dans l’espace. Pour un établissement de ce type, ceux qui ne connaissent pas grand-chose aux métiers des architectes, se demandent encore pourquoi cette question de l’identité et du patrimoine à l’intérieur de ce monde où les mots essentiels sont la conception, la construction, le design extérieur et intérieur, le choix des matériaux, etc. Mais, en ayant choisi le quartier Mbot dans le centre de Dakar pour son histoire, l’école a fait comprendre que le regard sur la ville devrait changer en devenant plus précis, plus adapté et plus orienté vers l’avenir.
Le fief du Ndèyedjirew est un coin vivant du Cap vert et de la collectivité léboue et l’accueil coloré que les femmes du quartier ont réservé à la délégation venue d’Afrique invité par l’école de Dakar montrent la vivacité de cette histoire laissée par les sociétés indigènes depuis la création de la médina. Preuve que la mémoire ici est restée intacte. A voir cet homme à l’accoutrement d’un autre âge, rouge dans sa toge avec les excroissances volontaires donnés à son ventre proéminent, on est déjà dans cette histoire.
Le grand fromager presque bicentenaire, au centre de cette maison a sans nul doute été le témoin de la vie de cette société d’hier qui voulait marquer son appartenance à un pays d’Afrique fier de ses us et coutumes ; les maisons en baraques, les rues étroites, le caractère sommaire de l’habitat sont aussi les signes de certains traits de caractère de cette civilisation.
A l’annonce de son départ de la 2STV, l’année dernière, nombreux étaient ceux qui la suppléaient de rester pour l’immense plaisir immense, dont elle seule avait le secret. Awa Traoré de son vrai nom devenue Éva Tra Diagne a su convaincre en image et en verbe un audimat très critique et suiveur. Son absence de l’écran pour un "moment" aura été bien remarquée sur la 2STV, la chaîne qui l’aura fait découvrir aux sénégalais. En effet, c’est le grand retour pour la "grande royale" qui compte apporter du sang vraiment chaud et très neuf à l’écran. Des concepts d’émission, Éva en à la pelle et compte les mettre au plaisir de ses admirateurs et admiratrices. Entre deux murs, elle s’est livrée au tutoiement de GRAND-PLACE. Echanges agréables.
GRAND-PLACE : Éva, qu’es-tu devenue, après ton départ de la télé ?
ÉVA TRA : Je suis restée moi même dans le style, dans l’esprit et le comportement. Le tout fait ÉVATRA. Cette Éva Tra, cette jeune dame qui vit sa vie, tranquille, entre la mode et la télé ; qui est née à Dakar, a grandi entre Fass, Gueule-Tapée et la Médina. Cette jeune fille qui a étudié entre Baudelaire pour sa préscolaire, Maurice Delafosse et Lamine Guèye, pour un cursus très simple. J’ai dû arrêter mes études en première pour faire une formation en stylisme chez "Maman" Collé Ardo Sow.
T’as eu une base solide apparemment et t’as choisi d’arrêter tes études ? Pourquoi ? T’as dû faire face à tes parents. Non ?
J’ai dû arrêter mes études parce que j’étais très passionnée par la mode, la coiffure, les tissus, les épingles et les chiffons. D’ailleurs, une anecdote. Mon père m’a dit au final : "j’aurais préféré avoir une fille juriste, écrivaine, mais puisque ton choix est porté sur le chiffon, bon vent" (Rire). Grande fut sa surprise quand il a vu ma première création, il n’en revenait pas et m’a tout de suite accordé sa bénédiction. Du tout alors… entre un père enseignant, littéraire, "senghorien" bon teint, une mère traditionnelle, mais très ouverte, qui tenait à l’avenir de ses enfants, ce n’était pas facile.
Ton départ de la télévision a surpris plus d’un. Comment tu as vécu cette situation et qu’en ont pensé tes proches, ton mari, ta famille ?
C’était juste une simple suspension d’activité le temps de favoriser, de consolider d’autres projets qui étaient déjà en cours. Et présentement j’ose dire que cela s’est avéré salutaire. Alhamdoulilah… Quant à ma famille, il faut dire que les avis étaient partagés. Mais tout est bien qui fini bien. Ce break, j’en avais besoin.
Aujourd’hui, on parle de ton probable retour à la télé. Est-ce vrai? Et si tu reprends service, ce sera toujours pour la 2STV ou pour une nouvelle chaîne ?
J’irai là où le vent m’emportera ; le vent…(rires). J’irais à la télé qui voudra de mes prestations. Là où je serai tranquille, là ou j’aimerais être. Comme le dit l’adage, la direction du vent pas celui qui ne sait pas où il va. Par contre, par rapport à moi, à ma nature, je saurai dans mon choix intégrer les critères favorisant mon évolution dans la boîte que j’aurai á choisir.
Quels sont les mets que tu nous prépare pour ta reprise ?
Aaah ! Affaire à suivre "lepnako bamu feegn" (je garde le secret).
Il est dit que les célébrités femmes ne restent pas longtemps dans leur ménage. Que dis-tu de cela? Et quels conseils donnerais-tu pour résister à cette tendance ?
Grand, tu sais, il ne faut pas oublier que ces célébrités, hommes comme femmes sont tout d’abord des personnes capables d’avoir des "chichis", des "bobos", des ennuis et qui mènent la vie comme tous, assujettis aux facettes tantôt "nekh" agréable), tantôt "nakhari" (désagréable) et qui sont inhérentes à notre quotidien. Quand on est convaincu de son choix, on l’assume et assumer son choix, c’est tout faire pour le rendre agréable, vivant, etc. Et tout faire pour l’éloigner de toute connotation matérielle parce que d’aucuns pensent déjà que célébrité rime avec narcissisme, chiffre, calcul et folie. C’est tout faux. Quant à cette tendance, je préfère noter constat à la place : comme nous sommes éducateurs, pour nous, tendance s’inscrit dans le parfait.
Éva Tra, est-ce une marque ?
Les 2 mots collés constituent la marque. Ce qui nous conduit à parler de Bamanan Style qui est ma maison de création. Bamanan, c’est un mot bambara qui signifie bambara (quelqu’un qui refuse). Le style Bamanan existe, on a même des masques qui portent ce nom, avec des antiquaires qui te le diront. Raison pour laquelle, il m’arrive de travailler avec les signes Bamanan, très différents des écritures chinoises qu’on a tendance à mettre sur nos habits, ne connaissant pas la signification. Les signes Bamanan (les Dogons) existent et parlent. Pour ceux qui sont curieux, ils peuvent faire des recherches sur la culture des Dogons.
Ta création semble s’ouvrir à l’extérieur ?
Ma création est ouverte à toutes les cultures africaines, car moi je crois au panafricanisme et au respect de toutes les cultures. Je suis à chÉval entre trois cultures : un père guinéen, une mère malienne, moi sénégalaise, enfin africaine. Tu vois un peu l’Afrique que je symbolise. À travers l’habillement qui est un langage à lui tout seul, qui démontre son appartenance ethnique ou religieuse et parfois, transmet un message. L’Afrique étant toujours à la mode – c’est ma conviction – c’est ma façon à moi d’assumer mon africanité.
Quels ont été les moments les plus forts de tes débuts dans le stylisme ?
Mon défilé avec Promo Import. Mais, aussi, quand une amie m’a invité à présenter une collection au Méridien, pour son agence de voyage. C’était la première fois. C’était inoubliable et c’est à partir de ce moment que j’ai compris que seul le travail paye. Et j’y crois. Instruit ou non instruit, riche ou pauvre, il faut travailler. Et chaque jour est important dans notre vie. Alors, les temps forts, finalement, c’est chaque jour que Dieu nous donne. Al hamdulillah.
Éva, tu es à mi-chemin entre ton boulot de styliste et la télévision. Comment lies-tu les deux ?
Très difficile. Mais, quand on aime ce que l’on fait, avec un peu de courage et d’abnégation, on y arrive : je crois profondément au travail. Je te le répète, il faut toujours bosser. Figure-toi, il m’arrive de quitter les ateliers à minuit ou à des heures plus tardives, parce que simplement, tout le monde sait et les femmes ne me démentiront pas, le marché est saturé. Donc, il faut beaucoup créer, avoir un style différent, original, être compétitif, avoir sa propre griffe, pour mieux maintenir sa place. C’est après mon travail que je fonce à la maison, pour m’occuper de ma famille.
Tu sembles bien organisée. C’est une nature chez toi, la méthode ?
Je suis sûre que sans organisation et méthode, on ne s’en sortira jamais ; mais, il faut dire que je suis bien entourée par ma famille, mon mari qui me soutient à merveil ; mes amis qui me soutiennent sans limite et qui n’hésitent pas à même venir me prendre mes outils de travail pour me demander de rentrer (elle rigole).
Tu disais qu’elles étaient toutes belles, les femmes. Qu’est-ce qui fait la beauté d’une femme, selon toi ?
C’est un tout. Ce sont, d’abord, les valeurs et vertus, parce qu’on ne peut pas parler de beauté sans parler d’éducation. Une femme doit être naturelle, bien éduquée, rester elle-même, assumer sa féminité de A à Z. C’est cela le comportement de tous les instants avant la beauté physique. Sans cela, on ne peut pas parler de beauté. La beauté d’une femme, c’est un ensemble.
Éva, est-ce que les Sénégalais s’habillent bien ?
Oui ! Les Sénégalais ont beaucoup de goût. Ils sont raffinés.
Comment doit-on s’habiller selon toi ?
Il faut s’habiller selon sa stature, son physique et ses goûts. Cependant, il est important de tenir en compte la sensibilité des valeurs et des codes sociaux des gens autour de nous. C’est important. Se faire rejeter à cause d’un style vestimentaire, c’est moche. Il faut souvent penser aux autres, car même si l’habit ne fait pas le moine, on reconnaît toujours le moine par son habit.
Éva, on taquine nos autorités. Est-ce qu’ils sont à la mode ?
Tout d’abord, elles n’ont pas à suivre la mode ; car la mode peut ne pas être de leur temps. Je précise déjà que je n’ai pas de leçon à leur donner. Mais, je sais simplement qu’une autorité n’est pas une star… qui est censée faire rêver ; alors que l’autorité doit être en phase avec l’image de son pays. Cela ne voudrait pas dire casser son style, parce que le style est aussi important.
Les costumes portés par nos ministres et autres célébrités... Tu trouves qu’ils sont "in" ?
"In" ou "out" (rires aux éclats !), l’essentiel, c’est d’avoir un style. Je les regarde rarement. Mais, ils doivent rester sobres, sans être fantaisistes ; surtout pas d’extravagance.
Éva, c’est qui ta clientèle ?
Ma clientèle, ce sont les gens de culture, les femmes classiques et sobres.
Un mot sur la télé… qui t’a montré au monde entier, la 2STV ?
La 2Stv m’a beaucoup apporté… Chaque week-end, par le biais de l’émission "Elle sont toutes belles", j’avais une nouvelle amie, des gens m’aiment, me côtoient, les belles dames, les grands-mères, les jeunes, les grands-pères, tout le monde me témoigne sa sympathie. Je leur dois beaucoup.
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LE PRIX SPÉCIAL DU JURY À LA SÉNÉGALAISE DYANA GAYE
Tunis, 7 déc (APS) - Le Palestinien Hany Abu Assad a remporté samedi soir à Tunis le Tanit d’or du meilleur long-métrage de fiction de la 25-ème session des Journées cinématographiques de Carthage (JCC), pour son film ‘’Omar’’, a constaté l’Agence de Presse sénégalaise.
La Sénégalaise Dyana Gaye, quant à elle, a remporté le Prix spécial du jury pour son film ‘’Des étoiles’’, la premier long-métrage de sa filmographie. Le jury présidé par l’acteur africain-américain Dany Glover a salué ‘’l’universalité des drames humains’’ et relevé ‘’les messages de solidarité, d’espoir et d’amour’’ que le film de Gaye aborde.
Dans ‘’Omar’’, Hany Abu Assad aborde avec une belle écriture et une maîtrise de la technique cinématographique l’histoire de trois amis d’enfance dans une Palestine occupée. Mais ils se déchirent dans leur combat pour la liberté.
Voici le palmarès complet de la 25-ème session des Journées cinématographiques de Carthage :
CATEGORIE DES LONGS METRAGES
- Tanit d’Or : ‘’Omar’’ de Hany Abu Assad (Palestine)
- Tanit d’Argent : ‘’C’est eux les chiens’’ de Hicham Lasri (Maroc)
- Tanit de Bronze : ‘’Before Snowfall’’ de Hicham Zaman (Irak)
- Prix spécial du jury : Des étoiles’’ de Dyana Gaye (Sénégal)
- Prix de la meilleure actrice : Suzan Ilir dans ‘’Before Sowfall’’ de Hicham Zaman
- Prix du meilleur acteur : Khaled Benaïssa dans ‘’L’Oranais’’ de Lyes Salem
CATEGORIE DES COURTS METRAGES
- Tanit d’Or : ‘’Peau de Colle’’ de Kaouther Ben Henia (Tunisie)
- Tanit d’Argent : ‘’Madama Esther’’ de Luck Razanajaona (Madagacar)
- Tanit Bronze : ‘’Les jours d’avant’’ de Karim Moussaoui (Algérie)
CATEGORIE DES DOCUMENTAIRES
- Tanit d’Or : ‘’The Wanted 18’’ d’Amer Shomali et Paul Cowan (Palestine)
- Tanit d'Argent : ‘’Examen d’État’’ de Dieudo Hamadi (RDC)
- Tanit de Bronze : ‘’El Gort’’ de Hamza Ouni (Tunisie)
- Mention Spéciale : Nelson Mandela : The Myth and Me de Khalo Matabane (Afrique du Sud)
COMPETITION NATIONALE :
- Premier prix : ‘’Pousses de printemps’’ d’Intissar Belaid
- Deuxième prix : ‘’Abderrahman’’ d’Elias Sfaxi
- Prix TV5 Monde : ‘’Boubarnous’’ de Badi Chouka
Sous les feux de l’actualité grâce à la sortie d’un double album, Sidy Samb s’est entretenu avec EnQuête pour présenter son projet. Une production qui nous fait découvrir l’artiste sous un nouveau jour. En vrai panafricain, tel qu’il se réclame, le fils de Daro Mbaye fait voyager les mélomanes du Congo au Mali, en passant par le Sénégal et la Guinée.
Vous venez de sortir un nouvel album et vous vous apprêtez à en sortir un autre au courant de ce mois. Pouvez-vous nous parler de ces deux productions ?
Ce sont deux productions inédites. La première, je l’ai appelée "sunu". C’est un voyage à travers l’Afrique que j’y effectue musicalement. Je suis retourné aux sources même du continent noir. Je propose des sonorités du Congo, du Mali, de la Guinée, du Sénégal à travers des rythmes du sud et du nord. Revisiter quelques musiques africaines est la base de cet album mis actuellement en vente. L’autre qui doit sortir, c’est du mbalax pur et dur et il est intitulé "adaa yi". C’est un retour à ma tradition griotte sénégalaise. Les gens vont me découvrir avec cet opus dans un nouveau registre.
Qu’est ce qui explique tous ces changements dans vos compositions musicales ?
Cela s’explique par le fait que ma carrière est fondée sur des concepts. Chacun de mes albums est un projet musical. C’est ainsi que je travaille depuis le début de ma carrière. Ce projet là me tient à cœur. Je suis un Panafricain et je pense que tout ce que je fais doit avoir une touche africaine. C’est ce que je revendique d’ailleurs partout où j’ai pu me rendre. Je suis un Noir et un Sénégalais, c’est un drapeau que je porte et que je compte représenter dignement. Pour le deuxième album, je suis né dans une famille griotte. Chez nous, soit on est danseur, soit batteur de tam-tam, soit chanteur. La tradition griotte est dans mon sang. La revendiquer est mon droit.
Est-ce la rupture d’avec le flamenco ?
Vous savez, même quand mes albums étaient colorés flamenco, c’était quand même très varié. C’était parfois du flamenco celte, parfois fusion, etc. Alors changer les couleurs aujourd’hui ne signifie par une rupture avec ce genre musical. Ce que je fais là représente une étape de ma carrière. Un artiste se doit de diversifier son répertoire. On ne doit pas se cantonner à un seul genre. Je ne suis pas de ceux qui disent que tel est un mbalaxman, tel autre un rappeur, etc. Quand on se dit artiste on doit faire des recherches et explorer des horizons nouveaux pour enrichir sa musique. Comme je le dis souvent, je ne me considère pas comme un musicien sénégalais mais comme un Sénégalais qui fait de la musique. Cette philosophie me permet d’être plus ouvert. Je ne me fixe pas de limites. Je fais de la musique, c’est ce que je me dis.
Une partie du public sénégalais n’est pas très ouvert aux musiques africaines, est ce pour leur faire plaisir que vous avez, en partie, penser sortir un produit purement mbalax ?
Qui connait Sidy Samb sait qu’il est partagé entre deux mondes. J’ai un public au niveau international. Alors ce n’est pas parce que j’ai décidé de m’installer au Sénégal que je vais l’abandonner. Aussi, ces deux albums peuvent se vendre partout. C’est vrai qu’il est difficile de vendre la musique mbalax à l’étranger, mais il existe quand même un petit circuit exploitable. Et pour l’album "sunu", les premiers retours sont rassurants. On retrouve beaucoup de sonorités dans cet album, et celles mandingues y sont dominantes. On a mélangé des instruments modernes comme la guitare basse, la batterie, la guitare électrique à des instruments traditionnels tels que le "ngoni", le xalam, etc. Des instrumentistes étrangers ont été mis à contribution. Parce que pour la justesse de certaines notes, il me fallait cela. Et il y a de grands instrumentistes comme Mao Otayeck, l’Ivoirien Djibril Diabaté ou encore Numukunda Cissokho, qui ont participé à la conception de cet album.
Faire cet album a requis combien de temps et avez-vous vraiment été dans ces pays dont vous avez emprunté la musique ?
J’ai pris cinq années pour réaliser cet album. J’avoue que je n’y ai pas travaillé tous les jours pendant toute cette période. Mais je peux quand même dire que c’est le temps que cela m’a pris. Je suis aussi allé dans différents pays à la recherche de nouvelles sonorités. Et cela a été très enrichissant pour moi.
Vous sortez un double album à un moment où l’on dit que le marché du disque est en crise. Pensez-vous recouvrer ce que vous avez dépensé ?
En ce moment, la musique n’est pas un investissement gagnant ici au Sénégal. La musique est morte maintenant. Comme je le dis tout le temps, la musique est commerciale. Il n’y a plus de producteurs. Il n’y a plus de distributeurs. C’est l’artiste lui-même qui finance sa propre production, va vers le public pour la vendre et le convaincre d’acheter. C’est dommage que cela se passe ainsi.
Mais d’où tirez-vous alors les ressources pour la production, le montage d’un studio etc ?
Cet argent vient de la musique. Je suis un artiste international. Je me bats et j’y crois. Ce sont mes ventes à l’étranger qui me permettent de m’en sortir. Je me suis battu pour m’imposer et les gens me connaissent. C’est cela ma chance. J’ai aujourd’hui un studio je le dois à la musique. Tout ce que j’ai, c’est grâce à la musique. On a plus d’opportunités en Europe quand on est musicien. Les cachets sont plus élevés. Mais, après 20 ans passés là bas, je me suis dit qu’il fallait rentrer et faire partie de ceux qui bâtissent ce pays. Donc, j’aurais du être soutenu rien que pour ça. On est Sénégalais et fier de l’être. Quand on rentre pour investir dans son pays, on doit être soutenu.
Revenir au Sénégal n’a pas été bénéfique pour vous ?
Je suis aujourd’hui auprès de ma maman, ma famille, mes amis et rien ne vaut cela. Sur le plan professionnel, musicalement ce n’est pas bénéfique pour moi. En Europe, on a la possibilité d’échanger et d’enrichir sa musique. Je peux dire juste que m’installer au Sénégal m’a permis de conquérir un public sénégalais.
Où en êtes-vous avec l’organisation du festival afro-flamenco ?
C’est un projet qu’on avait initié avec plaisir et enthousiasme. On l’a arrêté actuellement. Cependant, on compte le relancer avec d’autres projets. Il est vrai que cela fait bientôt cinq ans que je m’étais un tout petit retiré de la scène musicale nationale pour me consacrer sur l’international. L’évolution du show-business ne me rassurait pas. Là j’ai envie de relancer les projets. Je pense à pas mal de choses qui pourraient faire revivre la musique. Au moment opportun j’en parlerai. Je veux d’abord rencontrer les autorités avant d’en faire étalage.
Votre mère, Adja Daro Mbaye a beaucoup participé au rayonnement de la culture au Sénégal. Pensez-vous qu’aujourd’hui l’Etat lui a rendu la monnaie de sa pièce ?
Que cela soit ma mère ou les autres cantatrices de Sorano, elles sont des bibliothèques. On ne doit pas attendre leur mort pour leur rendre hommage. Chaque année au moins on doit leur rendre hommage. Elles sont les gardiennes de la culture sénégalaise. Et pourtant, personne ne parle d’elles. Avec la Francophonie, on les a regroupées pour faire une chanson. Mais ce n’est pas cela qu’il faut faire. Il ne faut pas attendre qu’il y ait des rencontres de cette envergure pour se souvenir d’elles.
Quels sont vos projets immédiats mise à part la sortie de l’album "aada yi" ?
On prépare des concerts. La présentation de l’album se fera à Louga, ma ville natale. Il y a d’ailleurs un titre en hommage à cette région et intitulée "ndiambour". Il est prévu également une caravane pour présenter l’album. "Aada yi" va sortir avant le magal de Touba ou après. On est en train de voir. Mais le projet qui me tient le plus à cœur est un projet humanitaire. L’artiste doit œuvrer dans le social et aider son prochain. On doit user de notre carnet d’adresses pour aider. J’ai toujours fait cela en douce, mais là on veut ratisser large et chercher des partenaires pour mieux soutenir nos compatriotes en difficulté.
QUAND LA RELIGION TRADITIONNELLE DEVIENT UN FACTEUR DE PRÉSERVATION DE LA NATURE
OUSSOUYE : SON ROYAUME, SA FOI ET SES ''BOIS SACRES''
Une des particularités de la commune d’Oussouye, c’est qu’elle reste encore une ville verte qui renferme, en son sein, plusieurs « Bois sacrés ». Dans cette contrée où l’animisme garde toute sa vigueur, l’homme vit en parfaite harmonie avec la nature. C’est d’ailleurs dans cette partie sud de la Casamance que le « Bois sacré » garde, de nos jours, toute son essence et son pouvoir. Rien ne se fait sans le « Bois sacré », et le roi qui en est le gardien joue le rôle de catalyseur de la vie sociale dans un environnement fortement marqué par les croyances ancestrales.
Avant les indépendances, Oussouye n’était qu’un simple village, un cadre paysager à caractère fondamentale- ment rural. Cette image, la capitale du « Kassa » devenue entre-temps une commune de plein exercice, aux lendemains des indépendances, plus exactement le 1er février 1960, la garde encore jalousement.
Oussouye donne encore l’image typique d’un terroir diola fortement ancré dans ses us et coutumes. Ici, la religion traditionnelle, (l’animisme), garde toute sa vigueur dans un environnement où les surfaces boisées sacrées occupent environ 55 ha sur les 155 ha que polarise l’espace communal.
L’entité fait une population d’environ 8.000 âmes ré- parties entre 4 quartiers que sont Kalobone, Sinki, Ethia et Bouhentène.
Au début, le Woulouf
Oussouye est une ville carrefour du département éponyme. Située à l’extrême sud de la région de Casamance, elle est entourée par l’ancienne communauté rurale d’Oukout du nord au sud. Quand on remonte le cours de l’histoire, la commune d’Oussouye fait partie d’une entité géospatiale issue du plateau qu’on appelait le « Woulouf ».
Elle était composait de 6 villages parmi lesquels : Edioungou, Djivent, Kahinda, Singalène, Kalabone et Oussouye. Oussouye, de par sa position géographique, polarisera ainsi toute la vie socio-culturelle dans cette entité érigée en royaume depuis la nuit des temps. Le royaume d’Oussouye est un vaste territoire appelé en diola « Bubadioum Ayi », en d’autres termes «la propriété du roi», et regroupe 17 villages traditionnels.
Il est subdivisé en 3 grands ensembles. Le Woulouf comme susmentionné et qui regroupe les villages de Kalabone, Kahinda, Edioungou, Djivent, Senghalène et Oussouye, puis Eyoune qui est composé de Karounate, Siganar et Niambalang, ensuite le Séleck constitué d’Oukout, d’Emaye, de Boukitingho et de Diakène et enfin, les villages de Nialobodji, de Diakène Wolof et d’Essaout qui font partie également du royaume.
Les Diolas, la communauté majoritaire, et d’autres ethnies comme les Sérères, Mancagnes, Manjacks, Mandingues et Peuls, y vivent en parfaite harmonie. Ce legs qui est qualifié par bon nombre d’observateurs comme une richesse, tire son fondement de l’histoire et de la culture, nous renseigne le vieux François Diédhiou plus connu sous le nom de « Pompidou ».
A Oussouye, la fonction des quartiers est empruntée à leur évolution historique. En effet, les quartiers issus des premiers peuplements continuent de conserver un aspect qui leur attribue un rôle décisif dans le domaine du sacré et des pratiques ancestrales.
Sur ce plan, des quartiers comme Ethia, Kalobone et Essinkine abritent encore, en leur sein, des fétiches et constituent, de nos jours, de véritables attractions pour le visiteur. D’une localité à une autre, le « Bois sacré » change de fonction.
Outre le rôle de temple du savoir, le « Bois sacré » constitue un trait d’union entre les hommes et Dieu. Le Tout-Puissant est appelé ici en langue vernaculaire, « Atémit ».
A l’image des autres communautés humaines, le Diola du « Kassa » est un fervent croyant. Il est foncièrement dominé par l’animisme et croit dur comme fer que «Atémit» est au début et à la fin. En toute chose, il est consulté.
Trait d’union entre les hommes et « Atémit »
Dans le « Kassa », rien ne se fait sans le « Bois sacré ». Les adeptes de la religion traditionnelle à Oussouye croient qu’ils vivent avec des êtres invisibles envoyés par « Atémit » sur terre et que ces derniers incarnent les fétiches logés très souvent dans le bois. Pourtant, comme l’a souligné « Pompidou », la religion traditionnelle telle qu’appliquée par les populations du « Kassa » est bel et bien une religion monothéiste.
« On refuse le paganisme », dit-il non sans préciser que « Atémit » reste le maître des cieux et de l’univers. Ils sont obligés de passer par les esprits pour que ces derniers puissent intercéder en leur faveur auprès du Tout-Puissant à travers des sacrifices dans le fétiche. « Ce sont ces êtres que nous appelons « Bachine » (Fétiche en langue diola) », renseigne « Pompidou ».
Ils sont invisibles mais vivent avec nous sur terre. Pour les invoquer, on fait des offrandes. Et le produit le plus prisé pour les offrandes reste le vin de palme. Les « Bachine » sont installés dans le bois. C’est la raison pour laquelle, ces endroits sont à la fois craints et protégés par la communauté, a dit François Diédhiou « Pompidou ».
Et le Roi qui joue le rôle de catalyseur social, entre autres prérogatives dans la communauté, en est le gardien du temple. C’est d’ailleurs dans cette partie de la Casamance que le « Bois sacré » garde encore sa véritable essence et son véritable pouvoir. Ici, les populations restent encore très attachées à cette pratique qui place le « Bois sacré » au cœur de toutes les activités.
Avant de faire quoi que ce soit, il faut se rendre dans ce temple pour des consultations. Une règle à laquelle on ne doit jamais déroger, même à la mort de quelqu’un. D’ailleurs, dans le « Kassa », toute mort à une explication.
C’est pourquoi, très souvent, les services du fétiche sont demandés pour avoir une idée claire des causes réelles d’une mort. Une tradition qui donne droit à des rites qui renvoient plus ou moins au paganisme. A Oussouye, les fétiches sont gardés soit par des hommes comme les rois, soit par des prêtresses.
La puissance du bois fait qu’il est la direction la plus indiquée des hommes et des femmes pris par le doute. A première vue, pour le profane, le bois n’est qu’un cocktail d’objets divers qui n’impressionne que par sa composition et la disposent des éléments qui le caractérisent.
Souvent, le décor est fait d’ossement, de bois ou de bâtons et autres piquets méticuleusement plantés autour d’un tronc d’arbre situé au cœur de forêt boisée.
Seulement, derrière cette apparence, se cache toute une force surnaturelle voire un mythe qui fait que malgré la percée des religions révélées dans la zone, le « Bois sacré » demeure encore dans le vécu quotidien des populations du « Kassa » une réalité incontournable.
Les Diédhiou actuels dépositaires du « Bois royal »
Lieu de prières et d’invocation, chaque bois a sa spécificité et ses fonctions. En effet, pour ce qui est des « Bois royaux », ils servent en même temps de demeures pour les Rois. C’est le cas de ceux de Kalobone et d’Oussouye sis à l’entrée et à l’Est de la commune. Le « Bois royal » est le plus important dans la hiérarchie des fétiches.
Le Roi y préside les offices les plus importants. Ce bois dispose d’une annexe au quartier Saré Demba. Au milieu de la vallée, en pleine rizière, se trouve aussi un autre bois aussi important que le « Bois royal ». Il polarise tous les villages du royaume. Il arrive très souvent que les femmes s’y retirent pour implorer Dieu à ouvrir les vannes pour que la pluie tombe.
Quand on va un peu plus loin au Nord, vers la sortie du territoire communal, on tombe aussi sur un autre bois. Celui-là sert plus ou moins de cimetière royal, selon les explications du vieux « Pompidou ».
On dénombre aussi des d’autres bois, appelés en diola « djihalètes », autrement dit les fétiches de la guerre. On les retrouve dans chaque quartier et en cas d’attaque ou de guerre, ils servent de lieux de rassemblement aux hommes, a dit « Pompidou ». Il y a aussi le grand fétiche des femmes dénommé « Ehounia ».
Dans le « Kassa », la royauté n’est pas une question d’hérédité. Elle est pratiquée de façon tournante. A Oussouye, elle échoit aux familles. Il s’agit des familles, Diabone et Diédhiou, mais aussi les Diatta et les Sambou à Kahinda. A en croire « Pompidou », cela se justifie par le souci d’éviter de verser dans la monarchisation du pouvoir entre les mains d’une seule famille.
D’ailleurs, dans ce royaume, le Roi est choisi mais pas élu. A Oussouye, les Diédhiou, en la personne de sa majesté Sibiloumbaye, sont les actuels dépositaires du trône.
Les fétiches, un rempart contre la déforestation
A Oussouye, il est interdit de mettre du feu dans la forêt et de couper le bois vert. « Cela fait partie des principes qui régissent la société », soutient, avec fierté, un des conseillers du roi. Il estime que c’est pour sauvegarder cette règle que les ancêtres ont préféré loger les « Bachines » (fétiches) au cœur des bois. C’est à Oussouye qu’on retrouve encore les forêts les plus denses du pays.
Si ce phénomène peut être une des résultantes de la forte pluviométrie qu’elle reçoit, force est d’admettre que la réalité locale tissée dans le subconscient des populations, de ne jamais provoquer les fétiches en détruisant la forêt, a été un facteur déterminant dans la préservation de l’environnement. Ici, les fromagers géants côtoient lianes, manguiers et palmiers à huile.
Ce décor continue de donner à la ville son charme. Oussouye est une ville verte. « Nos parents ont compris, très tôt, qu’il faut protéger la nature et ce n’est pas pour rien que dans la tradition ancestrale, les gens ont toujours pensé que les esprits ont besoin également de cette nature qui leur sert de lieu de refuge », explique Filidié Diédhiou, censeur du Lycée Aline Sitoé Diatta.
Il estime qu’il faut toujours militer à ce qu’Oussouye reste toujours une ville verte. «C’est ce qui fait la particularité de la contrée», a dit M. Diédhiou. Ils sont nombreux, comme lui, à réfuter l’argument selon lequel les espaces boisés qui ceinturent le périmètre communal constituent un obstacle au développement de la ville.
Oussouye éprouve encore des difficultés à étendre ses limites hors du champ communal issu du plan cadastral post-indépendance. Les populations autochtones pensent qu’il faut aujourd’hui tendre vers l’intégration de ces « Bois sacrés » dans tous les projets liés au développement urbain de la commune à l’image de certaines villes vertes qu’on retrouve ailleurs dans le monde.
« Les gens peuvent habiter autour du bois sans remettre en cause les réalités locales », a fait remarquer Filidié Diédhiou. Il estime qu’une ville comme Oussouye mérite aujourd’hui une attention particulière de l’Etat et des partenaires au développement soucieux de la sauvegarde de l’environnement et de la préservation des valeurs ancestrales.