Marrakech, 13 déc (APS) - Les djihadistes avaient pris l’humanité "en otage" durant leur règne de quelques mois à Tombouctou (Mali), entre 2012 et début 2013, ce qui est suffisant pour que leurs actions comptent parmi les "grands sujets" sur lesquels cinéastes et créateurs doivent prendre position, a déclaré le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako.
"Le rôle de l’artiste, c’est parler et dénoncer les choses. Et quand on a un artiste qui a la possibilité de faire cela, un cinéaste" par exemple, "c’est important de s’attaquer aux grands sujets", a-t-il soutenu dans un entretien avec des journalistes, dont l'envoyé spécial de l'Agence de presse sénégalaise (APS) au Festival international du film de Marrakech (FIFM) 2014.
"Timbuktu", le film de Sissako, avait été projeté jeudi soir, au FIFM 2014 (5-13 décembre). Ce long métrage (1h37mn) dénonce le règne de quelques mois d'une coalition de groupes salafistes (AQMI, Ansar Din, etc.) à Tombouctou, entre 2012 et début 2013.
Ces forces islamistes y avaient au préalable supplanté le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ce groupe insurrectionnel touareg s’était à l'époque emparé de Tombouctou, ville surnommée la "Perle du désert".
Les nouveaux arrivants y avaient instauré la loi islamique, lapidant des personnes qu'ils accusaient d'adultère, interdisant la musique et le football, avant d’en être chassés par les armées de la France, du Mali et d'autres pays africains, en janvier 2013.
"Une petite histoire d’amour dans un appartement, ça ne m’intéresse pas", par contre, "comme artiste venant d’un continent où le cinéma n’existe pas beaucoup, c’est important de s’attaquer à des sujets importants", a dit Sissako.
"Ce sujet de Timbuktu est un sujet important pour moi (…) parce que je viens du Sahel, de cette région où depuis quelques années, il se passe cette forme d’occupation [avec] de gens qui sont obscurantistes, des gens qui ont fait le choix de la violence pour s’exprimer et s’imposer, en allant contre toute valeur humaniste et religieuse", a-t-il déclaré.
Selon le cinéaste, la situation qui prévalait à Tombouctou signifiait que les djihadistes avaient "pris une religion en otage" pour parler au nom d’elle. Or, une religion, c’est la transmission de valeurs, fait-il valoir en parlant de la tolérance caractérisant, selon lui, son éducation musulmane.
Si l’on se trouve "choqué par cela, il faut se positionner aussi [et] dire les choses comme elles sont", a indiqué le cinéaste ayant grandi au Mali, affirmant ne pas se retrouver dans les valeurs prônées par les djihadistes.
"Quand Tombouctou a été occupée par les djihadistes, pour moi, c’est un symbole qu’ils ont occupé, parce que Tombouctou est une ville millénaire, où il y avait beaucoup d’universités, jusqu’à 20 mille étudiants. Donc, c’est une ville du savoir, et donc une ville de l’échange", a-t-il souligné.
"Non seulement il y a des valeurs spirituelles, mais au-delà de ces valeurs, il y a une valeur architecturale, avec tous ces manuscrits qui étaient en danger", a noté Abderrahmane Sissako.
Les djihadistes, en prenant "cette ville en otage un matin, au-delà même de l’islam, ce sont des valeurs humanistes qui sont prises en otage, c’est l’humanité qui est prise en otage, d’une certaine façon", a-t-il estimé.
"Pour moi, a relevé Sissako, les manuscrits avaient la même symbolique que le Bouddha géant d’Afghanistan, que les taliban avaient explosé, un Bouddha millénaire, qui représentait beaucoup de choses."
Ainsi donc, en agissant de cette manière, "encore une fois en s’érigeant comme porte-parole d’une religion", ces groupes devaient amener toute personne et tout musulman en particulier à "se positionner, non seulement dans son travail, mais il faut se positionner aussi si la rue le permet, dans la rue aussi", a-t-il soutenu.
"Je ne suis pas le seul à me positionner, il y a des gens qui se battent peut-être un peu mieux que moi, il y a des gens qui chantent aussi contre cela", a souligné le cinéaste.
«THIONE SECK PORTE DANS SON COEUR YOUSSOU NDOUR ET VICE-VERSA»
ISMAEL LO, ARTISTE CHANTEUR
Adama Aïdara KANTE & Tening THIARE |
Publication 13/12/2014
Surnommé le Bob Dylan africain, Ismaël Lo, artiste, chanteur, interprète et acteur de cinéma, est moins présent sur la scène musicale sénégalaise depuis un certain temps. Revenu fraîchement du Maroc, où il a reçu une distinction pour son parcours artistique, le parrain de l’événement «Dakar-Dakar», s’est confié à nous, en marge de ce rendezvous, le 25 novembre dernier. Il est notamment revenu sur le différend qui oppose Youssou Ndour à Thione Seck. «So ubbe xolu Thione Youssou nga ci fekk et vice versa (Thione et You se portent mutuellement dans leur coeur)», indique-t-il.
Ismaël Lo, pourquoi ce long silence ?
Je suis là, je me porte très bien. Je fais le tour du monde, j’ai fait deux fois le Maroc où je devais honorer des contrats de concerts, à Tanger et à El-Jadida. Mais je suis revenu au Sénégal il y a quelques jours, après un séjour à Rabat à un festival, qui a abrité la première édition de «Visa for music» et qui s’est tenu du 12 au 15 novembre, c’est un marché des musiques d’Afrique et du Moyen Orient. Et là, je reviens honoré avec une distinction. Car l’initiateur de cette manifestation, Brahim El Mazned, m’a récompensé pour mon parcours artistique qui valorise les cultures africaines. Et c’était en présence du ministre de la Culture du Royaume du Maroc et d'autres autorités locales. Nous étions quatre à recevoir cette distinction : la chanteuse Malouma de la Mauritanie, surnommée la «Princesse du désert», le groupe musical légendaire du Maroc Nassriwane et le chanteur algérien Idir. C’est un prix que je dédié à l’ensemble des Sénégalais, car c’est notre pays qui a été honoré.
Vous êtes de moins en moins présent sur la scène musicale. Cela est dû à quoi ?
Le Sénégal est toute ma fierté. Car si on me connaît partout à travers le monde, jusqu'à pouvoir amasser des prix, c’est grâce au soutien du peuple sénégalais. Pour cela, je rends grâce au Bon Dieu, ainsi qu’à tous les Sénégalais, sans exception. Mes fans, ma famille, la presse, tout. Je tiens à les rassurer que je suis bien là ; Mieux, je suis en train de concocter quelque chose pour eux. Mais comme je suis un cuisinier qui prend tout son temps pour avoir un bon produit, accepté presque par tous, parce qu’en matière de musique il faut prendre tout le temps nécessaire, ma musique, c’est comme une cuisson, je la cuisine très bien, laissons la mijoter, laissez moi terminer. C’est ma nature, je ne précipite rien. Autre chose, j’ai fait un parcours dans la musique, aujourd’hui j’ai vu mes petits-fils, j’en remercie Dieu. Lorsque que je commençais à faire de la musique, je n’avais pas de femme, ni d’enfant. Du coup, avant de faire quoique ce soit, il est bon de mieux réfléchir, prendre l’avis des uns et des autres, pour avoir un produit de qualité pour son public et les mélomanes. C’est ce qui explique cette absence, qui n’est, en réalité, pas une absence. Car il n’y a pas meilleur pays que le Sénégal. Le meilleur reste à venir.
Est-ce qu’on peut savoir ce que vous mijotez pour les mélomanes ?
C’est juste un album. Mais je préfère en rester là. Parce que, à chaque fois que je dis je vais faire ceci ou cela, ça n’aboutit pas. Moi, je suis peintre, je fais des tableaux, depuis que j’ai promis de faire une exposition au Sénégal, cela n’a jamais eu lieu. Non ! Je ne sais pas. Je suis superstitieux et ce n’est pas que je ne crois non plus au Bon Dieu. Mais je ne veux pas dire que je vais faire telle ou telle chose, qui n’aboutit pas après.
Mais peut-on au moins avoir une idée sur la nature de l’album ou la date de sortie ?
(Il pouffe…). Vous avez, à beau côtoyer les journalistes, on devient journaliste. Vous avez vos trucs et astuces pour pousser la personne à dire ce qu’elle ne voulait pas dire (rires…). En tous les cas, je prépare un produit, je m’en arrête là.
Bon nombre de vos fans pensent que vous communiquez peu, de quoi avez-vous peur ?
(Rires…). Non ! Je n’ai peur de rien. C’est vrai que je ne suis pas trop devant les medias. Comme je l’ai dit, j’ai duré dans la musique, j’ai vu mes enfants grandir, mes petits-fils… Quoi demander de plus à part rendre grâce au Bon Dieu. Je ne suis dans ça, j’ai un parcours qui date de plus de 25 ans. Et quand on a plus de 50 ans, on n’est plus un jeune qui doit se vanter en disant : j’ai fait ceci, ou cela. Pourquoi être trop présent alors que la relève est en train d’être assurée par la jeune génération qui fait un travail remarquable ? Les Titi, les Adjouza, Aïda Samb, Waly Seck, entre autres, sont là. Ce sont eux les relèves. Il fut des temps où nous étions à leurs places, donc il n’est pas normal, ni décent de se bousculer avec cette jeune génération montante qui est dans leur monde et leur temps. Ne les étouffons pas, laissons leur eux aussi le temps d’éclore leurs talents.
Justement, la jeune génération à laquelle vous faites allusion, certains occupent tout le temps les medias avec des frasques. Ce qui n’était pas le cas pour votre génération. Comment avez-vous su gérer votre carrière ?
C’est parce que nous avions la tête sur les épaules. Mais attention, je ne dis pas qu’ils n’ont pas la tête sur les épaules. Ce n’est pas pareil, ils sont des jeunes qui sont dans leur monde. Car le monde va vite, c’est un village planétaire, grâce aux Tics. Ce qui se passe à Tokyo, 5 minutes après l’information fait le tour du monde. Vous vous souvenez de l’affaire Wall Trade Center, c’était en direct sur beaucoup de chaînes de télévisions, et pourtant c’était aux Usa. Avant ce n’était pas ça, tout était limité, il n'y avait pas les sites internets, la prolifération des radios et des journaux. Les jeunes veulent s’affirmer davantage. A leur âge, je me battais pour aller dans les radios pour qu’on m’invite ou faire écouter mes chansons. Il m’arrivait de dire tel journaliste ou tel animateur favorise tel chanteur ou tel chanteur. Mais dans la vie il faut toujours rendre grâce à Dieu.
Est-ce qu’il y a un de vos enfants qui titille la musique ?
Il y a certains qui veulent faire de la musique, mais je leur ai demandé d'attendre. Parce que je leur dis souvent avant de faire de la musique, il faut la maîtriser d’abord, apprendre des instruments, des accords... Ce n’est pas parce qu’on est le fils d’un chanteur qu’on doit forcément faire de la musique. Mais il arrive, de temps en temps, en studio, que les choeurs de mes chansons soient assurés par mes enfants. Dans la chanson «Baykaat», ce sont mes enfants qui ont assuré les choeurs. Parce que, aujourd’hui, les machines sont tellement performantes que, parfois, c’est du copier-coller. Or, auparavant pour un choriste, on était obligé de payer cher, pour dire que les jeunes sont dans leur temps. Par exemple, dans une de mes chansons, si je voulais dire «Wouy, Alé Lo Serigne …», c’est un morceau qui dure 5 minutes et à chaque choeur, tu reprends la reprise jusqu’à la fin du morceau. Mais maintenant, avec les machines, quand ont doit dire «Wouy Alé Lo Serigne…», c’est une seule fois, le reste on peut faire du copier-coller avec la machine. C’est un peu à l’image des journalistes de presse écrite.
Deux grands ténors de la musique sénégalaise, Thione Seck et Youssou Ndour, vos compagnons de route, se lancent des piques par presse interposée. Qu’est-ce que cela vous fait ?
Personne n’a souhaité ce qui s’est passé entre Thione et Youssou. Mais ce qui se passe entre eux, est l’oeuvre de Satan. Sauf que Satan n’a pas sa place entre ses deux grands hommes. J’ai fait une chanson qui parle de cela : «Seytane dafa bari doole, te du ken, du nit ak ay nopam». Je pense que c’est une erreur et on demande au Bon Dieu que cette mésentente soit vite dissipée. Car, «So ubbe xolu Thione, Youssou nga ci fekk et vice versa». S’il y a eu tout ce bruit, c’est parce que l’information a été relayée par tous les médias. Mais je pense que cela va se résoudre, s’il plaît à Dieu. Car ce sont deux icônes de la musique et chacun d’eux est dans le coeur de l’autre.
NEE SOUS UNE BONNE ETOILE
PORTRAIT- MARIEME DEMBA LY TROPHEE FRANCOPHONE DE L’INTERPRETATION FEMININE (2014)
On ne lui connaissait pas de rôle au cinéma. Et puis un jour Dyana Gaye lui fait interpréter le rôle principal de Sophie dans son long-métrage «Des Etoiles». Et voilà Marième Demba Ly qui décroche le Trophée francophone de l’Interprétation féminine (au mois de novembre dernier). Elle qui, dès le début de l’aventure, n’était vraiment tentée que par le jeu, celui de se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre… Comme son personnage, elle «s’exilait» pour la première fois. Tout comme Sophie, Marième est optimiste : «elle est belle la vie !»
Lorsqu’elle était un peu plus jeune, Marième Demba Ly avait une sorte de fascination pour les personnages de contes de fée, ces jolies histoires où tout se termine toujours plutôt bien. Dans une sorte de «happy end» à l’américaine où le gentil du récit finit par triompher d’un méchant personnage qui se fait souvent taper sur les doigts. Et la jeune femme a eu raison d’y croire. Elle n’avait joué dans aucun film, on ne lui connaissait pas le moindre rôle dans quelque production cinématographique que ce soit. Mais le Trophée francophone de l’interprétation féminine, c’est pourtant elle qui l’a décroché, elle la «Sophie» du film «Des Etoiles» de Dyana Gaye.
Elle raconte comment tout a commencé. Elle connaissait un peu la réalisatrice, parce qu’il lui arrivait de passer les fêtes de fin d’année ici, au Sénégal. Et quand Dyana Gaye est de passage, c’est une habituée de l’Institut français de Dakar et aussi de son restaurant, où Marième Demba Ly travaille comme serveuse. La réalisatrice est «en repérage», elle cherche les acteurs qui incarneront les personnages de son prochain film. C’est à sa demande que la jeune femme encore inexpérimentée se joint au groupe, mais «vraiment sans pression» comme elle dit, avec une certaine décontraction et sans doute un naturel désarmant. Elle explique qu’elle n’avait surtout rien à prouver, elle qui n’était vraiment venue que pour «le jeu», se projeter, être quelqu’un d’autre, dans un univers parallèle. «C’est venu tout seul».
A-t-on aimé cette fraîcheur, son côté-spontané et tellement vrai? Toujours est-il que c’est elle qui obtient le rôle, ce qui surprend beaucoup dans son entourage, alors que papa et maman, qui lui donnent leur bénédiction, lui disent seulement qu’elle doit «aller jusqu’au bout».
Et Marième devint Sophie
Et voilà qu’elle devient Sophie, timide jeune femme désarmée qui d’un jour à l’autre, se retrouve à mille lieues de chez elle, sur les pas d’un époux dont elle est sans nouvelles. Marième Demba Ly ressemble un peu à son personnage. Car pour elle aussi, partir au loin, le froid, la neige, tout était nouveau pour elle. Le jeu d’acteur aussi, même si la «présence rassurante et réconfortante de Dyana Gaye», ainsi que son côté passionné, lui ont toujours donné l’envie de se surpasser et d’aller encore plus loin. Mais Sophie, comme elle dit, n’est pas sa sœur jumelle, encore moins son double. Et même si leurs parcours ne sont pas identiques, la jeune actrice s’est dite subjuguée par la force du personnage : timide et pleine d’hésitations dès les premières images du film, Sophie finit par «assumer et ses choix, et la femme forte qu’elle est devenue entre-temps».
Marième Demba Ly, elle, ne voudrait pas que son «côté actrice» finisse par étouffer tout ce qu’elle est profondément, intimement. Et quand bien même elle serait célèbre, la plus belle des récompenses ce serait pour elle de pouvoir encore rester la «personne simple» qu’elle est, rester elle-même, ne pas perdre les amis qu’elle a toujours eus. L’héroïne de «Des Etoiles» avoue qu’ «on ne (la) reconnaît pas encore dans la rue», mais que ce n’est pas cela qu’elle recherche. Elle qui a été plébiscitée par des gens qui ne savaient pas grand-chose d’elle : «ce n’étaient ni des amis, ni des connaissances», juste des personnes qui ont su apprécier ce qu’elle avait fait.
Aujourd’hui, celle qui a incarné Sophie à l’écran, travaille toujours à l’Institut français de Dakar, et «sous les ordres» gentillets d’une certaine Seynabou Guèye, qui lui a toujours dit «oui» où qu’elle aille, et surtout lorsqu’elle est allée chercher son trophée en pleurant d’émotion. Marième Demba Ly, qui n’a pas encore reçu d’autres propositions, rêverait «de jouer dans une belle comédie musicale». L’actrice, qui est aussi mélomane, aime des chanteurs comme l’américain John Legend, qui est aussi pianiste, et la britannique Leona Lewis (RnB, Blues, Pop). Et si voulez connaître le secret de sa fine silhouette, de la salade, encore de la salade…du fromage aussi !
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AÏT-BEN-HADDOU, SOURCE HISTORIQUE DE LA RENOMMÉE DE OUARZAZATE
Ouarzazate, 12 déc (APS) - Ouarzazate doit sa renommée de site privilégié de tournage de films à son paysage autant qu’à Aït-Ben-Haddou, un petit village proche des environs qui a accueilli en 1962 le tournage de ‘’Lawrence d'Arabie’’.
Depuis, Aït-Ben-Haddou a été classé sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1987, les grandes productions étrangères ont continué à affluer toujours en plus grand nombre, au point que le site vient d’être placé dans le Top 10 des lieux de tournage les plus célèbres à travers le monde.
De loin, ce petit village fait penser à des cités soudanaises telles que Djenné ou Tombouctou, dont il réplique avec réalisme l’architecture typique en terre crue. Logé au flanc de la montagne, le village se maintient dans la force de ses défenses et fortifications, sur le modèle des ‘’Tata’’ de l’Afrique de l’Ouest précoloniale.
Une référence pas du tout gratuite, si l’on sait que le village tient sans doute ces symboles de son statut d’ancien poste de contrôle du commerce transsaharien, qui a cimenté les relations entre les parties nord et sud de l’Afrique, favorisant la propagation de l’islam sur le continent noir et l’interpénétration des peuples et des cultures.
Selon le directeur de la commission film de Ouarzazate, Abderrazzak Zitouny, Aït-Ben-Haddou a conservé les techniques berbères de construction préislamiques, ce qui ajoute à la spécificité d’un site qui sert d’âme aux atouts touristiques de Ouarzazate.
Autour de Aït-Ben-Haddou, semble s’agréger de plus en plus hôtels et échoppes de souvenir, caractéristique d’un effet d’entraînement qui fait la force de l’industrie du tourisme.
Aujourd’hui, 8 à 10 familles continuent de vivre dans ce village qui dispose d’une place publique, d’une mosquée, d’un espace commerçant et de deux cimetières : un musulman et un juif, selon Abderrazzak Zitouny, directeur de la commission film de Ouarzazate.
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LE FIFM CLOT SA SAISON DES HOMMAGES, EN ATTENDANT LE PALMARÈS
Marrakech, 12 déc (APS) - La série d’hommages rendus à des personnalités emblématiques du monde du cinéma, à la 13e édition du Festival international du film de Marrakech (FIFM, 5-13 décembre), a pris fin jeudi soir, avec la séance solennelle dédiée à Khadija Alami et Zakaria Alaoui, deux producteurs marocains.
Ces "tributes" – l’expression consacrée en anglais - débutaient lors de la cérémonie officielle d'ouverture, avec l’hommage au comédien égyptien Adel Imam, "un comédien aussi grand qu’une pyramide".
Imam est l'un des symboles de l’influence du cinéma égyptien dans le monde arabe, avec les films "Birds of Darkness", "The Yacoubian Building" et "Alzheimer’s". Il est "l’imam du cinéma arabe", a dit de lui l’actrice et ancienne ministre marocaine de la Culture, Touria Jebrane. "C’est quelqu’un qui a fois en la liberté, l’optimisme, la lutte et l’espoir", a-t-elle ajouté dans son discours de présentation.
Hommage a été ensuite rendu à Jeremy Irons, qui incarne la grande tradition des comédiens britanniques, dont le talent se joue des frontières, à l’image de son compatriote Anthony Hopkins, naturalisé américain.
Les personnages incarnés par Irons sont la plupart du temps ambigus. L’acteur captive le spectateur par ses interprétations sombres et troublantes, la marque de son art. La liste des films dans lesquels il a joué - "The French Lieutenant’s Woman", "Dead Ringers" et "Reverseal of Fortune" - sont autant de marques de son grand talent. Cerise sur le gâteau, Irons est un acteur engagé, notamment pour la cause de l’environnement.
L’enseignement principal à tirer du cinéma, a-t-il déclaré en recevant son hommage, c’est que les films renseignent sur le fait que l’homme est capable du meilleur. Selon Irons, le septième art doit donc s’efforcer de "rendre le monde" dans une époque troublée, en cultivant la tolérance et la compréhension mutuelle.
Après Irons, c’était au tour du comédien et réalisateur américain Viggo Mortensen d’être célébré. De mère américaine aux racines anglaises et écossaises, et de père danois, Mortensen est né à New York, mais il a grandi entre Buenos Aires et la campagne du nord de l’Argentine, de trois à 11 ans. Après le divorce de ses parents, il est parti vivre avec sa mère aux Etats-Unis d'Amérique, près de la frontière québécoise, où il a appris le français qu’il maîtrise.
Ce baroudeur est décrit comme un comédien humble et attachant, loin d'un certain vedettariat, un background qui l’a amené à déclarer, en arabe, sur la scène du Palais des Congrès de Marrakech : "Quand je suis là, je me sens chez moi."
Parmi les nombreux films dans lesquels Vigo Mortensen a joué, on peut citer "The story of violence", "Appaloosa" et "Jauja". Loin des hommes, son dernier film sorti cette année traite de la rébellion algérienne contre la colonisation.
Le cinéma japonais était à l’honneur au FIFM 2014, qui a rendu un hommage appuyé aux "Maîtres et disciples du pays du Soleil levant". Il est aujourd’hui établi que le cinéma japonais fait partie des plus grands et des plus riches cinématographies du monde, le pays s’étant très tôt doté d'une industrie cinématographique, avec la première major Nikkatsu, fondée en 1912.
Il compte des auteurs de renommée mondiale - dont Kenzi Mizoguchi, Akira Kurosawa et Yasujiro Ozu -, à l’origine du développement d’un genre propre à la culture japonaise, entre 1920 et 1960. Le cinéma japonais se trouve aujourd’hui davantage tourné vers l’animation.
Il a en réalité développé deux visages, l’un tourné vers son passé et le monde des samouraïs, figure de l’héroïsme japonais et de valeurs, l’autre attaché à la description du monde contemporain et à l’évolution des mœurs au sein de la société japonaise et de la famille.
Une caractéristique supplémentaire du cinéma japonais, l’art de concilier les extrêmes : une nature domestique d’une part, temple de la sérénité du bouddhisme zen, une nature sauvage et sacrée d’autre part. De fait, les maîtres japonais ont eu une influence considérable sur bien de cinéastes actuels, a relevé la présidente du Jury, Isabelle Huppert.
"De même que Mozart n’est pas un musicien mais la musique, le Japon n’est pas un pays de cinéma mais le cinéma", a-t-elle ajouté lors de la cérémonie d’hommage au septième art du pays du Soleil levant, en présence d’une délégation d'acteurs et de professionnels japonais, forte d’une vingtaine de personnes.
La dernière séance d’hommage concerne des professionnels locaux, Khadija Alami et Zakaria Alaoui, deux producteurs marocains parmi les plus en vue. Ils ont tous les deux salué l’appui apporté au développement du cinéma marocain par la famille royale, à travers notamment le Festival international du film de Marrakech (FIFM). La Fondation du Festival international du film de Marrakech a comme président le prince Moulay Rachid.
Mme Alami a déclaré que l’hommage qui lui est rendu est l’aboutissement de son histoire d’amour avec le cinéma, depuis "Cinéma Paradiso" et l’obscur salle que son père tenait dans les environs de la ville de Fès. Il a d’ailleurs rendu hommage à son père qui a, selon elle, "toujours voulu" que la femme soit indépendante et libre.
Khadija Alami a créé la société K Films en 1998 pour fournir des prestations de service et d’équipes techniques aux grandes productions cinématographiques internationales qui se tournent au Maroc. Elle collabore ainsi à plus de 40 productions internationales et son apport se chiffre actuellement à des millions de dollars.
Zakaria Alaoui a répété que le cinéma était devenu "une véritable vitrine" pour le Maroc, soulignant l'importance des retombées économiques des tournages de films, en termes d’emplois et de développement pour les régions du pays.
Selon lui, cela a induit des compétences nouvelles et nombreuses, au point que le Maroc s’est mis maintenant à exporter des opérateurs de films, qu'il était obligé de faire venir de l'étranger, il y a quelques années.
Alaoui est un ancien du Centre cinématographique marocain (CCM) qu’il a rejoint après ses études, avant de le quitter en 1986, avec l’ambition de se construire une place de choix dans la production cinématographique, travaillant durant de nombreuses années dans la production exécutive de films étrangers tournés au Maroc.
Il a débuté sa carrière par le film "Ishtar" d’Elaine May, avec Warren Beatty, Dustin Hoffman et Isabelle Adjani. Il prend part ensuite à plus de 80 productions étrangères au Maroc, en tant qu’assistant à la production, puis directeur de production. Il crée sa société Zak Productions en 1995 et s’investit aussi dans la production nationale, par le biais de la coproduction notamment.
Pour la première fois, un privé cède son patrimoine foncier et artistique à l’Etat du Sénégal. Monsieur Boubacar Koné, propriétaire du Musée d’art contemporain Boribana, situé à Ngor, a décidé de faire don au Sénégal d’un musée R+1 dont l’architecture en forme de piano à queue fait sa particularité.
D’un titre foncier de 1000 m2, le Musée a accueilli des expositions de grands peintres sénégalais et étrangers. Le même espace comporte un bâtiment R+1 et abrite des appartements pour des résidences d’artistes. C’est tout ce joyau qui tombe dans l’escarcelle de l’Etat, en plus d’une collection riche de plus de 400 œuvres d’art.
La cérémonie de la signature de la convention de cession de ce patrimoine entre le ministre de la Culture et de la Communication, Mbagnick Ndiaye et le propriétaire, Boubacar Koné, aura lieu le vendredi 12 décembre à 16 heures dans les locaux du Musée.
En plus de la Galerie nationale d’art, du Musée Senghor, le ministère en charge de la Culture dispose d’un nouvel espace d’expositions d’art.
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GUINÉE/ÉBOLA: LES MESSAGES PASSENT AUSSI À TRAVERS L'ART
Un an après le début de l'épidémie, Ébola est à l'origine de créations artistiques. Au Musée national une exposition appuyée par l'ambassade d'Espagne réunie caricatures, photos, poèmes et chansons.
240 MILLIARDS DE BÉNÉFICES
L’IMPACT DU MAGAL SUR L’ÉCONOMIE NATIONALE, SELON LE PORTE-PAROLE DU KHALIFE DES MOURIDES
Touba, 11 déc (APS) - Le magal de Touba, évènement commémorant le départ en exil (1895-1902) au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, l’une des plus grandes confréries musulmanes au Sénégal, génère 240 milliards de francs CFA en terme de contribution à l'économie nationale, a révélé mercredi soir le porte-parole du Khalife général des mourides.
S’exprimant en wolof lors d’une réception en l'honneur des journalistes accrédités au magal, Serigne Bassirou Abdou Khadre Mbacke a expliqué la manière dont est déterminée la contribution de cette manifestation religieuse à l’économie.
Selon lui, des estimations ont été faites en 2012 avec des experts, à travers le recensement de l’ensemble des familles de la ville de Touba pour déterminer la contribution financière de chaque carré durant le Magal.
‘’Nous avons pris le coût des dépenses des familles les plus démunies et nous l’avons calculé avec le nombre de familles. Ensuite, nous avons essayé de savoir l’impact économique généré par les taxes. D’après toutes ces estimations, le magal participe à hauteur de 240 milliards de francs au Trésor public’’, a expliqué le porte-parole du khalife des mourides.
À travers ce montant, a-t-il souligné, le magal de Touba contribue à la relance de l’économie nationale.
Serigne Bassirou Abdou Khadre Mbacké a par ailleurs indiqué que des estimations ont aussi montré qu’environ quatre millions de personnes assistent au Magal. Un événement qui, selon lui, constitue une "source de stabilité et de concorde nationale", aussi bien par sa dimension internationale que par le brassage confrérique.
‘’Le magal ne doit plus être vu uniquement sous l’angle religieux. Il est devenu une très grande source de stabilité pour le pays et de concorde nationale, a notamment dit M. Mbacké, par ailleurs président du Comité d’organisation du grand magal de Touba. Le Sénégal doit s’honorer d’abriter un tel évènement. Non seulement c’est bénéfique pour le pays, mais cela renforce sa stabilité.’’
Il est aussi revenu sur le rôle fédérateur du magal. ‘’Serigne Touba a toujours incarné un esprit de rassembleur envers ses concitoyens. Toute sa vie durant, il a donné des wirds de ‘Khadrya’ et de ‘Tijania’ à des disciples. Cet esprit de rassembleur et d’ouverture vers les autres confréries, s’est ressentie durant le magal auquel participent toutes les familles religieuses du Sénégal et de la sous-région’’, a fait remarquer Serigne Bassirou Abdoul Khadre.
‘’Combien d’amitiés naissent à partir du Maga ? Combien d’autorités religieuses se rencontrent et tissent des liens de fraternité ici ?’’, s’est interrogé le porte-parole de Cheikh Sidy Moukhtar Mbacké, Khalife général des mourides.
La communauté mouride célèbre ce jeudi la 120ème édition du magal de Touba, qui commémore le départ en exil (1895-1902) au Gabon de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur du mouridisme, l’une des plus grandes confréries musulmanes au Sénégal.
UNE PLATEFORME D'ARTISTES SE FÉLICITE DE L'APPLICATION DE LA LOI DE 1%
Dakar, 10 déc (APS) – La Plateforme des arts visuels au Sénégal (PAVS) s’est félicitée de la décision de l’Etat d’appliquer la loi dite de 1%, dans le cadre de la décoration du Centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio (CICAD) et encourage les autorités à élargir cette mesure à tout bâtiment public ou recevant du public.
‘’En décidant d’appliquer la loi de 1% dans le cadre du centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio (CICAD), l’Etat a appliqué une des lois les plus importantes dans le renforcement de la position de notre pays dans le domaine des arts et de la culture’’, indique un communiqué du bureau de la structure, transmis mercredi à l’APS.
‘’La Plateforme des Arts Visuels s’en félicite et encourage les autorités à l’élargir à tout bâtiment public ou recevant du public comme stipulé dans la dite loi (de 1968)’’, qui stipule que si le bâtiment a coûté plus de 20 millions de francs CFA, 1% de ce montant doit être consacré à la décoration avec des œuvres d’artistes locaux.
Le bureau de la PAVS signale qu’à travers ‘’une concertation large et inclusive, plusieurs dizaines d’artistes ont profité de cette situation, malgré des manquements observés à corriger dans le futur comme l’absence de décharge à la récupération des œuvres et certaines questions soulevées par le jury qui découlent de la récurrence’’.
‘’L’aéroport international Blaise Diagne de Ndiass (en construction) et autres édifices doivent bénéficier’’ de cet ‘’acte salutaire’’ et ‘’positif’’, qui ‘’concourt à la conservation du patrimoine artistique contemporain au profit du citoyen qui doit fortement en profiter grâce l’adoption d’une stratégie appropriée’’, ajoute le communiqué.
Le bureau de la Plateforme des arts visuels indique que la communauté artistique est prête à accompagner l’Etat dans cette direction, se réjouissant du fait que des efforts similaires sont entrepris par des privés. ‘’Il y va assurément de la qualité de la vie et l’éducation esthétique publique’’, souligne le texte.
PAR MOUBARACK LÔ
SPIRITUEL, SOCIAL ET... ÉCONOMIQUE
Au-delà de l’aspect religieux, illustré par les prières, les offrandes et autres largesses, le Magal de Touba a un aspect qualitatif et quantitatif en ce sens qu’il participe à l’émergence du pays
Le grand magal de Touba marque le départ, en 1895, du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, en exil au Gabon, où il resta sept ans. L’ampleur du magal reste une preuve tangible qui illustre la grâce que Dieu a accordée à Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké.
Aujourd’hui, il apparaît, de manière formelle, qu’au-delà de l’aspect religieux, illustré par les prières, les offrandes et autres largesses, le magal a un aspect qualitatif et quantitatif en ce sens qu’il participe à l’émergence socio-économique du Sénégal.
De fait, le magal de Touba possède un caractère multidimensionnel qui permet de mettre en évidence ce que la communauté mouride est prête à faire, voire à sacrifier, pour un bon déroulement de l’évènement.
1. La dimension spirituelle
Dans la compréhension des pèlerins, le magal de Touba accroît les valeurs spirituelles des mourides. Les résultats issus des enquêtes sur les ménages à Touba et les dahira, menées par le Cabinet émergence consulting, en 2011, montrent clairement que pour 81% des individus enquêtés, l’un des déterminants fondamentaux de la célébration du magal, c’est d’abord et avant tout, la confirmation de l’appartenance à la communauté mouride qui possède un sens très élevé du "ndiguel".
En effet, le magal est une recommandation du Fondateur du mouridisme exprimée en ces termes : "Quant aux bienfaits que Dieu m’a accordés, ma seule et souveraine gratitude ne les couvre plus; par conséquent, j’invite toute personne, que mon bonheur personnel réjouirait, à s’unir à moi dans la reconnaissance à Dieu, dans la mesure de ses possibilités en sacrifiant des espèces allant de la poule au chameau, chaque fois que l’anniversaire de mon départ en exil le trouvera sur terre".
L’avènement du magal inspire beaucoup de valeurs islamiques et de comportements: l’amour entre les différentes confréries, le partage, la paix, la solidarité, l’entraide, le respect mutuel, le pardon, la bonté, la propreté, la piété, la persévérance, la récitation du coran, des Khassaïdes, les causeries sur le Prophète, sur les hommes pieux, la dévotion envers Dieu, la sunna du prophète, l’union des musulmans, le rappel du droit chemin, la confiance en soi...
Le magal rappelle également des évènements partagés par toute la communauté musulmane dont le plus important est le pèlerinage à la Mecque. En effet, à Touba tout comme à la Mecque, les pèlerins sont au même pied d’égalité, ils s’efforcent d’être purs et plus proches de leur Seigneur à travers les prières et la lecture du Coran. Le magal rappelle aussi les évènements victorieux de la religion qui exaltent la Gloire divine telles que la Tabaski, la naissance du prophète, le retour du prophète à la Mecque, l’arrivée du prophète à Médine, l’entrée de Seydina Oumar dans la religion musulmane et la guerre de Badr.
A l’arrivée, il y a un sentiment de satisfaction, d’élévation et de purification spirituelle : "je me sens comme quelqu’un qui est à la Mecque, qui a une satisfaction intérieure et qui a reçu des bénédictions de la part d’Allah et du Cheikh". Et la transformation est manifeste : "Je ne peux même pas l’expliquer, dès mon entrée à Touba, je deviens comme une personne qui est sous l’emprise d’une force innée". Cela peut aussi expliquer le sentiment d’ouverture spirituelle ressenti par certaines personnes lors du magal. Pour les mystiques, le trajet vers la ville sainte constitue véritablement un voyage vers l’unité divine, la voie soufie elle-même. Pour la plupart des ménages et des dahira enquêtés, le magal doit aussi être un jour d’introspection spirituelle pour chaque mouride. Faire le point sur sa qualité de talibé, s’interroger sur ce qui doit être le comportement d’un bon mouride, sur son engagement dans les recommandations du Cheikh, sur ses actions en faveur de l’islam, etc...
2. La dimension festive ("berndèèl") et sociale
Le magal, c’est aussi la dimension festive avec le "Berndèèl". La qualité et la quantité des aliments et collations doivent permettre à chacun de sentir que le magal, c’est la meilleure fête qui puisse exister. Donner à manger est un acte fortement recommandé par l’Islam. Et sur ce plan, il faut reconnaître que les ménages à Touba et les Dahira ont toujours fourni des efforts immenses pour la réussite de cette journée. Dans presque toutes les familles ainsi qu’au sein des Dahira, des moutons, des bœufs et même des chameaux sont immolés pour l’occasion. Une quantité astronomique de boissons, de gâteaux et de toutes sortes de mets est offerte aux pèlerins à Touba durant le magal. Certains talibés reviennent même de Touba chargés de produits alimentaires qu’ils offrent aux gens qui n’ont pas pu se rendre au magal.
Le jour du magal, tout y passe pour une participation satisfaisante comme le dit ce jeune homme lors des entretiens : "Je cuisine avec les femmes, je participe à tous les travaux domestiques à côté de mes frères, sœurs amis et enfants, et cela avec énormément de fierté et de plaisir...".
3. La dimension économique
Le comptage des véhicules entrés à Touba, par nos équipes, lors du magal de 2011 (dont le nombre total, y compris les rotations, est estimé à 110.000 véhicules), a permis d’approximer le total de participants au magal à 3 millions 90 mille personnes, y compris les habitants de Touba et Mbacke. L’âge moyen des participants adolescents et adultes (plus de 15 ans) se situe autour de 32 ans. Ces pèlerins, venus de tout le Sénégal et du monde entier, viennent ainsi répondre à l’appel du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba. Cela justifie amplement que le Parlement doive accélérer le vote d’une loi faisant du magal une fête nationale chômée et payée ; un décret étant de moindre portée.
A court terme, le magal génère une augmentation du volume d’activité de plusieurs secteurs économiques nationaux et un apport de richesses dans le tissu économique local. En effet, les résultats des enquêtes menées à Touba montrent que le magal entraîne des changements importants dans les dépenses des participants à l’événement. En moyenne, le ménage type enquêté consomme, pour chacun des trois jours de l’événement, l’équivalent de 45.000 F Cfa par jour, soit quinze fois plus que la dépense journalière, en temps normal, d’un ménage moyen sénégalais.
Le pèlerin-type (adulte) enquêté mobilise 76.000 F Cfa pour le magal, qu’il utilise comme suit : 26.000 F Cfa en contribution à la famille d’accueil ou à la Dahira ; b) 10.600 F Cfa en Hadiya ; c) 35.000 F Cfa en dépenses pour soi-même répartis comme suit : (i) 25.000 F Cfa pour les dépenses personnelles telles que : habillement, coiffure, achat de chaussures, etc.; (ii) 5.000 F Cfa pour les frais de transport; (iii) 2.437 F Cfa en téléphone ; (iv) 2.500 F Cfa en ouvrages et articles religieux.
Touba la Sainte, pendant la période du magal, c’est également le point culminant du business au Sénégal. En l’espace de quelques jours, la ville devient un carrefour commercial pour troquer, acheter, vendre. Avec le magal, l’activité économique de Dakar prend un répit en faveur de la ville religieuse qui accueille les marchands ambulants, surtout aux alentours du quartier Touba mosquée, rendez-vous de milliers de pèlerins qui font des emplettes après avoir visité le mausolée du fondateur du mouridisme. Devant son étal au marché Ocass de Touba, un commerçant déclare : "Ce qui est fabuleux, c’est que c’est un gros business qui est fait avec un grand respect du religieux" (Cheikh Guèye et Abdou Salam Fall diraient : "Deureum ak Ngeureum").
Pour la plupart des entreprises, il est également nécessaire, à l’approche de l’événement, de mettre en place un dispositif spécial pour faire face à l’accroissement des commandes. Les entreprises de téléphonie, de transfert d’argent, d’agro-alimentaire, des banques sont obligées de poursuivre la démarche de fidélisation destinée à leur clientèle, en essayant de les accompagner et de continuer à leur offrir un service de qualité.
4. La dimension infrastructurelle
A long terme, le magal favorise le développement et la modernisation de la ville de Touba.
Dans un souci d’anticiper les besoins futurs des pèlerins dans leur diversité, plusieurs travaux ont été réalisés, ou sont en cours de réalisation à Touba au cours de ces dernières décennies: constructions de routes, électrification, construction de la seconde résidence Khadîmou Rassoul, rénovation de la Grande mosquée, réhabilitation des forages, construction de centres de santé, renforcement de la disponibilité en eau, etc,.
Au-delà de l’effort de l’Etat dans le processus de modernisation de la ville de Touba, les talibés mourides se distinguent également à travers leur capacité de mobilisation des fonds afin d’améliorer d’années en années les conditions d’accueil et d’hébergement des pèlerins. Tout ceci accélère le développement des infrastructures à Touba et en fait progressivement une ville dotée des commodités nécessaires au bon déroulement du magal.
5. La dimension socioculturelle
Autre dimension fondamentale du magal de Touba, l’aspect socioculturel. Beaucoup de personnes profitent du magal pour organiser leur rencontre annuelle de famille. L’événement est donc un important facteur de renforcement de liens familiaux pour des gens de plus en plus dispersés au Sénégal et dans le monde.
De surcroît, le magal est un moment de retrouvailles et de renforcement des valeurs culturelles telles que le partage, la revivification des liens de parenté, d’amitié, la communion, l’humilité, le sens du pardon, le don de soi et la fidélité à l’image des "baye fall", le respect des anciens, l’union face à Dieu, la mise en pratique sans exclusion de la Téranga, la mise en exergue de la culture mouride, à travers l’habillement, la littérature et la poésie (les Wolofals).
Pour la plupart des ménages et dahira enquêtés, c’est le lieu de magnifier le rôle important que le magal joue dans le brassage ethnique entre les Sénégalais, en regroupant des millions de personnes d’ethnies, de races, de conditions sociales différentes pour un même but : rendre grâce à Dieu et célébrer l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba.
Il en est de même pour ce qui est du renforcement de la paix et de l’harmonie entre les confréries islamiques du pays. Beaucoup de mourides aiment en effet inviter leurs amis et collègues des autres confréries (Tidianes, Khadres, Layénes, etc...) à se joindre à eux dans la célébration du magal. En outre, le magal peut servir de plateforme pour prôner la paix, l’unité et la tolérance dans le pays à travers les prêches et les recommandations du Cheikh et de son khalife général. En effet, Touba, lors du magal devient un point de convergence des différents partis politiques que comptent le Sénégal.
C’est alors l’occasion de défendre l’intérêt national par la promotion du dialogue, de l’entraide et l’union des cœurs à travers les enseignements du Cheikh : "Si chacun regardait son prochain à travers l’image du Cheikh, alors tout le monde s’aimerait et se respecterait" dit un membre de dahira. Sous cet angle, on peut dire que le magal est "un facteur de régulation sociale" qui renforce la solidarité et la paix entre différentes couches de la société. D’un point de vue ésotérique, "les prières que l’on y effectue, la lecture du Saint coran durant la journée et toute la nuit, participent à rendre le pays plus stable et assurent le bien être à tous : Aujourd’hui malgré les difficultés de la vie, il y a quelque chose qui n’existe qu’au Sénégal c’est la paix et cela nous le devons à l’œuvre de Cheikh Ahmadou. C’est grâce à lui que la paix règne dans ce pays".
6. La dimension éducative
Le magal possède aussi une dimension éducative. Le Comité d’organisation et les Dahira organisent en effet de grandes animations culturelles avant, pendant et après le magal, avec des conférences, des débats, des séminaires, des expositions, des chants religieux, à Touba, à Dakar, dans les autres régions du pays et dans le monde, dans les médias, sur Internet, et dans les universités. Tout ceci contribue à l’éducation des talibés et leur permet de mieux s’imprégner des enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba.
7. La dimension internationale et diplomatique
Il faut aussi noter le caractère international et diplomatique du magal, par la présence à Touba de nombreuses délégations de pays étrangers, représentées en général par leurs ambassadeurs. Certains pays frontaliers du Sénégal comme la Gambie et la Mauritanie sont représentés à la fois par des officiels, par des Oulémas et par plusieurs milliers de pèlerins. Nul doute que le magal constitue un évènement qui contribue au succès de la politique diplomatique du Sénégal. Autre facteur très important de l’événement, des occidentaux, de plus en plus nombreux, se retrouvent à Touba lors du magal. Si certains ne viennent que par curiosité, d’autres par contre sont là par conviction religieuse et attachement aux enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba.
La Presse nationale et internationale couvre également le magal, plus que tout autre évènement. 830 journalistes sont ainsi accrédités pour couvrir le magal de cette année, plus que le dernier Sommet de la Francophonie. Et, c’est à travers l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba que le magal a cette dimension mondiale. En effet, "son courage et son pacifisme" ont ému tous les musulmans et même ceux qui ne le sont pas. Il s’est sacrifié pour le triomphe de la vérité. Injustement harcelé, il a su rester un homme fidèle à ses convictions, en recommandant : "le travail de la terre, l’apprentissage du saint coran et des "khassaïdes", le refus de l’aliénation et le respect du "ndiguel"". Cet homme exceptionnel, cet ami de Dieu et de son Prophète, mérite manifestement d’être célébré.
Moubarack Lo
Président Emergence Consulting,
Coordonnateur d’une enquête sur l’impact économique du Magal de Touba