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2 mai 2025
Développement
PAR Abdou Karim GUEYE
MÉRITOCRATIE, MÉDIOCRATIE OU LES RISQUES DU LEADERSHIP SOLITAIRE
Quand un leader explore les trajectoires inversées de ce que qui aurait dû être ou fait et que certains applaudissent, le problème, ce n’est pas seulement ce leader en tant que tel, mais malheureusement aussi ceux-là qui applaudissent
L’histoire du nouveau management public, riche en réformes et en expérimentations, aurait pu convaincre que certaines trajectoires sont aux antipodes des exigences de l’excellence et de la transformation durables ; que les transformations ne sont pas le fait d’un Léviathan : le leadership en est un des leviers essentiels. « Seul, vous n’y arriverez pas ; un est un petit nombre pour atteindre la grandeur » ; ces adages sont exprimés de multiples façons par plusieurs sagesses des traditions humaines, notamment wolof. Mais quand les gens qui vous entourent vous font croire le contraire, peut-être, comme le corbeau, finirez-vous par céder aux chants des renards. On est au cœur de l’humilité qui ne semble pas être la chose la mieux partagée. Ce que j’appelle « Trajectoires inversées », à l’instar des poèmes de mon recueil « Comme un amas de pyramides inversées», recouvre plusieurs avatars dont deux au moins méritent une attention :
Quand on ne récompense pas le mérite, on récompense la « médiocratie ;
Votre compétence est égale à la moyenne des compétences des gens qui vous entourent.
Qui ne récompense pas le mérite récompense la médiocratie
L’histoire est riche d’enseignements. Invoquons ici une histoire dramatique, celle du président des Etats-Unis James A. Garfield assassiné aux termes d’élections par un « prétendu » militant déçu de ne pas être récompensé par ce que les français traduisent ironiquement par le « système de dépouille »... Ce choc poussera à réformer avec la loi dite Pendleton ACT de janvier 1883 qui va, entre autres, consacrer trois dispositions :
les postes du gouvernement doivent être octroyés sur la base du mérite, en l’occurrence par voie de concours, en lieu et place de l’affiliation politique ;
l’illégalité du licenciement ou de la rétrogradation d’agents publics pour des raisons tenant à leur affiliation politique ;
l’interdiction d'obliger les employés publics à fournir un service politique ou des contributions en appui à des partis dans l’exercice de leurs fonctions.
Voilà de bonnes dispositions qu’un leader éthique, dans ce contexte de patronage à l’excès, peut inscrire dans de nouvelles lois, ses principes généraux dans une nouvelle constitution. A quoi servent les constitutions et les lois si, entre autres, elles ne peuvent pas éduquer, transformer les cœurs, les esprits, consolider la nation, les espérances, l’ambition d’être plus que ce que l’on est ?
Par ailleurs, contrairement à ce que l’on entend parfois, il existe bien une fonction publique fédérale assujettie à des règles strictes de sélection par voie de concours. C’est vrai, le système est plus complexe au vu de la variété des régimes (F.B.I, C.I.A, Département d’Etat, postes dits sensibles ou dits politiques, etc.). Mais l’histoire ne s’arrête pas là !
Il y a également un Office du mérite , le Merit System Protection Board[1], organisme quasi-judiciaire et indépendant, qualifié de gardien du mérite à l’échelon fédéral. La vision même de cet organisme, en somme sa déclaration de vision, est intéressante à étudier : « Un effectif fédéral diversifié et hautement qualifié, géré de manière équitable et efficace, fournissant un excellent service au peuple américain ». Brièvement, ses pouvoirs sont les suivants (en résumé)[2] :
mener des études spéciales sur la fonction publique et les systèmes de mérite et faire rapport au Président et au Congrès sur le respect de l'intérêt public au sein de fonction publique;
protéger les systèmes de mérite fédéraux contre les pratiques politiques partisanes et celles interdites en statuant sur les appels des employés… ;
enquêter, entendre ou statuer sur les questions relevant de sa compétence … ou sur les dispositions des lois, règlements applicables et prendre une décision définitive à ce sujet;
ordonner à un organisme fédéral ou à un employé de se conformer à une ordonnance ou à une décision rendue par la Commission et faire respecter cette ordonnance…
En outre, ce bureau a dégagé les principes suivants :
un recrutement qui permet le choix de personnes qualifiées de sorte à permettre la représentation de tous les segments de la société ;
la sélection et l'avancement en fonction des capacités, des connaissances et compétences au terme d’un concours libre et ouvert garantissant l'égalité des chances pour tous[3] ;
un traitement juste et équitable de tous les employés et des candidats à un emploi à tous les niveaux de la gestion du personnel non discriminatoire[4] en tenant dûment compte de leur vie privée et de leurs droits constitutionnels ;
« A travail égal, salaire égal » en prenant en en compte des taux nationaux et locaux payés par les employeurs du secteur privé[5] ;
octroyer des incitations et une reconnaissance appropriées pour récompenser l'excellence des résultats ;
maintenir des normes élevées d'intégrité, de conduite et de souci de l'intérêt public pour tous les employés ;
utiliser de façon efficace et efficiente les agents et les maintenir en vertu de leurs performances, corriger les performances inadéquates et rompre les contrats en fonction des incapacités à améliorer leurs performances par rapport aux normes retenues ;
former et éduquer les employés à améliorer leurs performances organisationnelles et individuelles ;
protéger les employés contre les actions arbitraires, le favoritisme ou les contraintes à des fins politiques partisanes ;
interdire aux agents publics d'utiliser leur autorité officielle ou leur influence pour interférer avec le résultat d'une élection ou pour une nomination à une élection ;
protéger contre les représailles à la suite de la divulgation licite de renseignements qu'ils croient pouvoir raisonnablement prouver[6] en cas une violation d'une loi, d'une règle ou d'un règlement, ou de mauvaise gestion, de gaspillage de fonds, d’abus de pouvoir ou de danger substantiel et spécifique pour la santé ou la sécurité publiques.
Voilà un grand projet, quelques pistes de réformes possibles pour un vrai leader transformationnel courageux soucieux de la vraie transformation, pour ceux-là qui croient que « les vrais leaders créent d’autres leaders capables de les remplacer ».
Au total, une réflexion mérite d’être effectuée. Faut-il renoncer totalement à une histoire de la fonction publique initiée par le président Senghor et appliquée jusque dans les années 2000 ? Je me rappelle d’ailleurs qu’en ces premières années de l’alternance, un ancien élève de l’ENAM, parmi les plus brillants des promotions que j’y ai rencontrées en ma qualité de directeur général, vint me voir et en substance me dit ceci :
DG, comme ces anciens m’appellent encore, la situation me semble nouvelle, nous assistons à une nouvelle forme d’administration publique ; les postes que nous occupions jusqu’ici sont maintenant largement octroyés à d’autres ! Que faut-il faire ?
Je réfléchissais un instant. Rien ne me surprenait là-dessus, car en tant que sénégalais, je vivais ce qui se passait. En ces temps, Inspecteur général d’Etat en fonction, comme la plupart de mes collègues, je m’interdisais d’émettre certaines opinions eu égard au statut de ce corps si exigeant. J’étais coincé. Je réfléchissais un moment, suivit mon cœur et ce que je considérais la vérité. Je finis par répondre :
« Si ce processus s’affirme, je ne vois pas d’autres solutions pour vous que de faire de la politique… Evidemment, je ne parle pas de la politique politicienne. A défaut, vous serez relégué au second plan. »
En fait, c’était un revirement pour moi et certainement pour tant d’autres. Une certaine génération croyait que le concours est la voie la plus juste de l’équité sociale et de la méritocratie. Senghor avait impulsé la création d’une série d’écoles nationales en amont de la formation initiale reçue après le brevet, le baccalauréat, les études universitaires (ENAES, ENEA, ENAM, écoles militaires, Polytechnique, Ecole du Tourisme, Ecole Nationale d’Agriculture, etc.). L’idée était d’adapter les recrutements et de préparer à la connaissance de l’administration publique et sa culture organisationnelle. Certes, tout n’était pas parfait : certains furent affectés à des fonctions de managers qui n’étaient adaptées à leur cursus, d’autres accaparèrent tant de postes au détriment de la sélection objective, les intérêts de corps dévoyèrent le système, etc. Mais cela signifiait-il pour autant que ce système était mauvais dans sa globalité ? Ou plus simplement qu’un leadership plus éthique aurait dû pratiquer la méritocratie, contrôler l’adéquation compétences-positions, diversifier les critères pour tenir compte des talents, des capacités de leadership, exiger la preuve de performances et de réalisations antérieures, etc. ?
Il y a aussi cette deuxième leçon que nous lègue les grands coaches et les grands leaders transformationnels : la loi du cercle rapproché…
Votre compétence est égale à la moyenne des compétences des gens qui vous entourent
La deuxième histoire, c’est celle du recrutement dont les processus, les paradigmes s’affinent et de jour en jour : les procédés d’entretien, les centres d’excellence, « le Top Grading », etc. Par ailleurs, peut-être que certains d’entre vous ont déjà vécu ce calvaire : n’avoir pas autour d’eux les gens qu’il faut, être obligé d’être au four et au moulin, de faire le travail des autres, devenant des gestionnaires du quotidien et des urgences, un manager et non un leader, incapable de lever la tête et de regarder autour de soi, comme doit le faire un bon ou un grand leader. En fait, il y a bien une différence entre les termes gestionnaires (managers), leaders, entrepreneurs, techniciens, technocrates ! Il y a des lois qui doivent guider le grand leader et à cet égard :
La loi du cercle rapproché : quand bien même seriez-vous excellents, votre compétence est équivalente à la moyenne de celles des gens qui vous entourent. Alors une erreur de recrutement coûte cher et la meilleure d’éviter ce coût, c’est d’éviter de se tromper dans le recrutement. Evidemment, il faudra alors l’expertise, des processus pertinents, de bons conseillers et le flair nécessaire.
« Le meilleur dirigeant est celui qui a le bon sens de choisir des hommes de valeur pour réaliser ce qu'il veut voir être réalisé et qui a suffisamment de retenue pour éviter de s'ingérer dans ce qu'ils font pendant qu'ils le font. » Theodore Roosevelt, un président de la république en l’occurrence…
Mais c’est là souvent la difficulté. Le leader qui a peur et qui manque de confiance ne délègue pas et préféra s’entourer de présumés protecteurs; il n’aura pas de retenue pour s’immiscer dans ce qu’ils font, avec le risque du « ponce-pilatisme » dont parlait Senghor dans ce fameux texte étudié par plusieurs générations d’énarques en rappelant qu’au vu d’un tel état de fait, il avait décidé de réinstaurer le poste de Premier ministre[7].
Le programme de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT) a choisi cette voie des innovations et contient plusieurs mesures de ce genre finalisées par ses cadres très au fait de la science politique et administrative et du nouveau management public. Ceci leur a permis de « benchmarquer » et de réinventer des mesures précises, prêtes à l’emploi, sous forme de futurs lois, décrets, circulaires, manuels, directives, de plans de formation, de coachings, etc.
« Qui ne pratique pas la méritocratie récompense la « médiocratie », disais-je il y a plusieurs années dans un discours de remise des diplômes des sortants de l’ENAM en ma qualité de directeur général devant le président Abdou Diouf. Cette assertion est encore d’actualité. Les enjeux de réforme, de nouvelles cultures de leadership, de restructuration, de transformation s’accommodent mal de ce qui n’est pas organisation, méthodes[8], expertise, leadership transformationnel, éthique, transparence et équité, etc. Mais il faut aussi un vrai leader, courageux et soucieux de vraies transformations et de ruptures. C’est du reste là quelques-unes des nombreuses réformes mises en œuvre dans certains pays et intégrées dans le programme de l’ACT à la suite d’un benchmarking et d’innovations adaptés aux contingences locales.
Retenons que quand un leader explore les trajectoires inversées de ce que qui aurait dû être ou fait et que certains applaudissent, le problème, ce n’est pas seulement ce leader en tant que tel, mais malheureusement aussi ceux-là qui applaudissent et veulent justifier coûte que coûte.
[1] On retrouve ce système sans d’autres pays comme l’Australie, etc. un benchmarking permettrait d’aller plus loin que ce qui est écrit ici.
[2] Voir les détails dans mon récent ouvrage « Nouveau Management Public et Nouvelle Gouvernance publique : Des paradigmes aux transformations ». Nous ne rentrons pas dans le détail de la réforme de l’administration car, à cet égard, c’est un processus global qu’il faut normalement prendre en compte
[3] Ce qui est au demeurant un principe constitutionnel, à notre avis.
[4] Sans distinction de nationalité, de race, de couleur, de religion, d’origine nationale, de sexe, de situation matrimoniale, d’âge ou de handicap…
[5] Le cas de Taïwan est intéressant : une fonction publique légère, grassement payée, mieux que le secteur privé parfois, avec pendant longtemps Zéro corruption et au premier rang du classement mondial des pays par niveau de corruption. Mais ceci suppose de profondes restructurations de la taille de l’Etat, du benchmarking, du réingineering, etc.
[6] Voir des législations particulières comme le Whistleblower Act, les hotlines, le Qui Tam et la protection et les incitations des « dénonciateurs, la Loi sur la performance gouvernementale et les résultats, les bonnes pratiques comme la planification stratégique, le management des risques et l’audit basé sur les risques », etc.
[7] Voir notamment les ouvrages suivants : Histoire politique du Sénégal : institutions, droit et société. Gert Hesselin. Khartala. Mémoires d'un juge africain. Itinéraire d'un homme libre. Ousmane Camara. Le Sénégal sous Abdou Diouf. Momar Coumba Diop, Mamadou Diouf. Khartala.
[8] A cet égard, sur la méthode, les processus, l’organisation et al rigueur, nous recommandons l’ouvrage « SERVIR » du Premier Ministre et Président de l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail, Abdou Mbaye sur ces points : un bréviaire en la matière…
Abdou Karim Gueye est ancien Directeur général de l’Enam, Inspecteur général d’Etat à la retraite, Conseiller en Gouvernance du Président de l’ACT.
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LETTRE C DU LEXIQUE DES SÉNÉGALAISERIES
Cheikhamarer : gagner des marchés à la surprise générale et surtout celle des spécialistes de la question et déstructurer le secteur - Conseilconstitutionnaliser : ramener son seuil de compétence à sa plus simple expression
Cheikhamarer : gagner des marchés à la surprise générale et surtout celle des spécialistes de la question et déstructurer le secteur. Etymologie : de Cheikh Amar, groupeur expatrié devenu fournisseur de matériel agricole, particulièrement les tracteurs, avant de plonger dans le BTP, après avoir bifurqué dans le phosphate et tâté au zircon, bivouaqué dans les médias, entre autres activités déclarées. Il est passé sans sourciller des couloirs du Père Wade à l’arrière-cour de Sa Rondeur Macky après avoir été cité par la CREI. Chapeau, l’artiste ! Se fait surtout remarquer tous les ans dans les travaux champêtres à Khelcom, grand rendez-vous à ne pas manquer si l’on veut passer pour un talibé irréprochable et bénéficier de l’immunité maraboutique. Dans sa cour, éclatent des bagarres aussi saugrenues que leurs protagonistes… On y retrouve du Paco Jackson, du Mame Gôr Diazaka, du machin-chose Gadiaga. Rien que de la haute voltige.
Ex : le jour où quelqu’un cheikhamarera le secteur du pétrole, c’est la compagnie Total qui fermera ses stations au Sénégal.
Substantif : cheikhamarage. Hold-up sans bavure.
Cissélôter : postillonner, éructer. Etymologie : de Moustapha Cissé Lô, créature politique inclassable, dont les tribulations incendiaires ont animé l’actualité pendant quelque temps. Sous Macky Sall, il s’est retrouvé on ne sait trop comment vice-président de l’Assemblée nationale du Sénégal et accessoirement, président du parlement de la CEDEAO. Preuve vivante que le sous-développement n’a pas de limite.
Ex : votre compagnie serait agréable parce que vous avez de la conversation. Ah, si vous ne cissélôtiez pas…
Substantif : cissélôture. Crachat à la figure.
Conseilconstitutionnaliser : ramener son seuil de compétence à sa plus simple expression. Etymologie : de Conseil Constitutionnel, la plus haute instance juridique de la République du Sénégal. Dont la prudence et la sagesse des décisions en a ébouriffés plus d’un. Selon l’académie de Boune, ce serait une forme de « beuré-consigne »…
Ex : quand ses deux épouses se chamaillent, surtout si c’est la préférée qui est dans son tort, il est préférable que le mari, par sagesse, conseilconstitutionnalisât.
Substantif : conseilconstitutionnelattitude. Neutralité prudemment sujette à caution.
NB : c’est le mot le plus long de ce premier lexique de la langue sénégalaisière.
Coumbagawloser : chercher un mari désespérément. Etymologie : de Coumba Gawlo Seck, célèbre artiste chanteuse, dont le célibat est en passe de figurer au rang des urgences nationales.
Ex : c’est vers la cinquantaine que l’on coumbagawlose vraiment.
Substantif : coumbagawlite
Par Elhadji Ibrahima THIAM
CIMENT, PÉNURIE PROVOQUÉE ?
Depuis quelques jours, le ciment est devenu une denrée rare, dans un contexte où, il y a quelques semaines, les trois cimentiers de la place avaient voulu augmenter de manière unilatérale le prix du sac de ciment avant que le ministère du Commerce ne s’y
Depuis quelques jours, le ciment est devenu une denrée rare au Sénégal. Pour expliquer cette pénurie, on parle de « panne » d’une machine de la Sococim. Toujours est-il que ce dysfonctionnement technique tombe dans un contexte où, il y a quelques semaines, les trois cimentiers de la place avaient voulu augmenter de manière unilatérale le prix du sac de ciment avant que le ministère du Commerce ne s’y oppose. Alors, simple coïncidence ou pénurie provoquée ? Pour un pays qui est en surproduction au point d’exporter dans la sous-région, cette situation suscite bien des interrogations.
D’ailleurs, certaines associations consuméristes, Ascosen notamment, n’ont pas manqué de marquer leur étonnement. « Cette pénurie arrive juste quelques semaines après que l’Etat a opposé son véto contre toute augmentation du prix du ciment. On nous explique que c’est dû à la panne d’une machine à Sococim. Mais, ce qui est surprenant, c’est qu’on nous a toujours fait croire que le Sénégal était en surproduction de ciment », a déclaré son président sur les ondes d’une radio. Sans le dire, Momar Ndao, puisque c’est de lui qu’il s’agit, soupçonne une pénurie provoquée par les cimentiers. Cette suspicion s’explique par le contexte et l’ambiance dans laquelle baigne le secteur du ciment depuis quelques semaines.
Flash-back. Le 13 mars dernier, Sococim a procédé, sans crier gare, à une augmentation de 3.500 FCfa sur le prix de la tonne de ciment. Dans la foulée, ses deux concurrents, Dangoté et Ciments du Sahel, s’y mettent. Une sorte d’entente illicite, certes indirecte, mais qui ne dit pas son nom. Mais, la réaction des autorités ne s’est pas fait attendre. En effet, dès le lendemain, le ministère du Commerce rend public un arrêté qui rappelle que les prix plafond du ciment sont « fixés aux prix antérieurs pratiqués au 1er janvier et que tout prix supérieur à ces prix plafond serait considéré comme « illicite ». Autrement dit, le gouvernement dit niet à toute augmentation du prix du ciment décidée unilatéralement par les trois cimentiers. C’est depuis lors, curieusement, que le marché du ciment est entré dans un cycle d’instabilité. Avec la panne de la machine de la Sococim, la production journalière qui est de 25.000 tonnes, toutes cimenteries confondues, a chuté de 30 à 40 %, indique-t-on du côté de la direction du Commerce. Si tel est le cas, pourquoi ne pas alors surseoir aux exportations afin de satisfaire la demande nationale ? Question de bon sens. Car, faut-il le rappeler, le marché du ciment au Sénégal est en surcapacité. On produit du ciment plus que le marché local en a besoin. C’est peut-être l’un des rares secteurs où le Sénégal peut se targuer d’être autosuffisant. Cette situation s’explique par la présence de trois cimenteries.
En effet, jusqu’au début des années 2000, le Sénégal ne comptait qu’une seule cimenterie en la Sococim. Mais, l’arrivée des Ciments du Sahel puis de Dangoté Cement a redistribué les cartes sur un marché local où l’offre est largement supérieure à la demande. En 2018, la production était estimée à 8 millions de tonnes par an, pour un marché national qui n’en absorbe que 3,5 millions de tonnes. La suroffre est expédiée principalement au Mali. La perte du monopole qu’exerçait Sococim depuis 1948 dans le secteur a donc entraîné la baisse des prix de ce produit, au grand bonheur des consommateurs sénégalais. Face aux velléités de hausse des cimentiers et cette pénurie, ce « bonheur » va-t-il durer ? Les prochains jours nous édifieront.
DES EXPERTS PROPOSENT DES RÉFORMES DU MODÈLE INSTITUTIONNEL DE GOUVERNANCE
Il faut trouver un consensus sur des sujets cruciaux et éviter autant que possible des solutions unilatérales - Il faut éviter la multiplication des cadres de concertation sans mission concrète
(SenePlus.com, Dakar) - Deux mois après l’élection présidentielle du 24 février qui a consacré la réélection du président Macky Sall au premier tour, des organisations de la société civile, des représentants des partis politiques, des experts et juristes spécialistes des questions électorales, en ont fait une évaluation et proposé des recommandations allant dans le sens d’un processus électoral plus transparent et plus inclusif dans la perspective des prochaines échéances. C’était à la faveur de la 3ième édition du forum des partis politiques à l’initiative du Groupe de Recherches et d’Appui-conseil pour la Démocratie Participative et la Bonne Gouvernance (GRADEC), tenu mardi 30 avril 2019.
Le premier panel présenté par Raoul Niang Ndiaye, ancien chef de la division formation du ministère de l'Intérieur et Expert-consultant a porté sur le thème : « Quel modèle institutionnel de gouvernance des élections au Sénégal : rôle et place des OGE dans le contrôle et la supervision du processus électoral ».
En présentant l’évolution de l’organisation des scrutins au Sénégal, M. Ndiaye a relevé que la contestation d’élections est survenue à maintes reprises et des fois avec violences, aussi bien pendant la période coloniale que dès les premières années de l’indépendance. Depuis, a-t-il constaté, c’est seulement l’intensité et les modes de revendications qui changent. Ainsi de 1968 à 1990, les lendemains des élections organisées au Sénégal ont toujours été troubles malgré le retour du multipartisme limité en 1976, puis intégral en 1981 ayant favorisé l’arrivée de l’opposition au parlement. Toutes ces élections avaient été organisées par un ministre de l’Intérieur qui était en même temps membre du parti au pouvoir. Une situation dénoncée à l’époque par l’opposition, sans une remise en cause totale du système. Selon Raoul Niang, les lignes ont commencé à bouger après d’âpres et longues négociations entre les partis politiques dans la commission dirigée par feu Kéba Mbaye. A l’issue des discussions, 35 propositions qui seront la base du code consensuel du 20 novembre 1990 ont été adoptées.
De l’avis de ancien chef de la division formation du ministère de l'Intérieur, le souci majeur de l’opposition a été l’élaboration de nouvelles dispositions qui limiteraient les possibilités de fraudes éventuelles du parti au pouvoir. Mais pour l’expert, l’opposition ne se rendait peut-être pas compte qu’en érigeant en normes ces propositions, elle ne créait pas seulement des gênes pour le parti au pouvoir mais surtout pour elle-même, notamment en termes de ressources humaines et financières propres.
Des améliorations ont été notées, particulièrement depuis 1986, période durant laquelle l’administration impliquée dans l’organisation des élections s’est davantage ouverte aux partis politiques, à la société civile et aux médias privés. Des performances acquises de haute lutte mais qui se sont avérées par la suite bien maigres dans la perspective d’une démocratie performante. C’est ainsi qu’a été retenu le principe de confier le ministère de l’intérieur à une personnalité impartiale, de créer une direction général des élections confiée à des hommes neufs sans passé électoral connu et l’Observatoire Nationale des Elections (ONEL). La mise en œuvre de tout cela n’a pas été des plus faciles. M. Ndiaye évoque à ce propos des conflits de leadership, de prérogatives mais aussi les faiblesses de la loi concernant notamment l’ONEL.
Des évaluations conjointes et propositions des différents acteurs ont abouti à la création de la CENA en 2005 tandis que plus tard en 2011, un ministère des élections fût créé pour écarter du jeu un ministre de l’intérieur récusé par l’opposition. Malgré ces évolutions significatives, les récriminations n’ont pas cessées et la CENA est depuis 2017 accusée de complicité avec l’administration à des moments cruciaux du processus électoral ou de ce qui pouvait l’influencer. Le dialogue qui était le mode de prévention et de règlement des conflits électoraux est devenu lui-même un problème. Pour M. Ndiaye, on ne s’accorde plus sur ses modalités d’organisation, ses termes de référence, les participants et leurs statuts. Compte tenue des vives contestations soulevées lors de l’élection présidentielle de 2019, l’expert-consultant en conclut qu’il reste encore des chantiers pour les organisateurs des élections, les partis politiques et les citoyens parce que tous les points de désaccord enregistrés n’ont pas été vidés. Il constate par exemple que le débat, encore informel, revient sur la personnalité ou la structure devant être en charge des élections.
Faisant référence aux expériences en Afrique, Raoul Niang Ndiaye remarque que toutes les organisations en charge des élections ont affronté presque partout les mêmes problèmes que ça soit le modèle hybride dans lequel les principales fonctions du processus électoral sont réalisées par la gouvernement mais sous la surveillance d’un organe indépendant (Sénégal, Cap-Vert), le modèle politique dans lequel la gestion des élections relève d’une institution indépendante du gouvernement mais essentiellement ou entièrement composée de représentants de partis politiques (Bénin) ou le modèle avec des experts, dans lequel la gestion des élections relève d’un organe indépendant dont les membres sont (au moins en théorie) choisis pour leurs qualités personnelles, leur expérience professionnelle ou leur intégrité (Ghana, Nigéria, Sierra Leone).
En conclusion, M. Ndiaye estime sur la base de retour d’expérience ou de leçons apprise, que les organisations de gestion des élections montées sous le modèle hybride ou d’experts sont le plus performantes. Mais à son avis, il est patent que charger la CENI/CENA de toutes les opérations électorales n’est pas tenable même dans le moyen terme et crée plus de problèmes qu’il n’en résout. Selon lui, les tensions pourraient baisser si tout le monde accepte que les élections sont plus une affaire des citoyens que de gouvernement ou de partis politiques qui ont surtout un rôle de facilitateur ou de contributeur. De plus, ajoute-t-il, les règles du jeu doivent être acceptées et appliquées en toute transparence par tous. Et à cet égard, l’expert insiste pour une presse libre et professionnelle, un organe de régulation non partisan et une justice jalouse de son indépendance. Des acteurs importants et gage d’un réconfort pour les citoyens.
Tous les participants au forum estiment que le système démocratique sénégalais doit être consolidé. Et pour cela, il faut des réformes pour un processus électoral transparent et consensuel. Cela a d’ailleurs été le sujet du deuxième thème présenté par le professeur Alioune Sall, agrégé en droit public et ancien juge de la CEDEAO. Il a axé son exposé sur deux réalités qui révèlent le processus électoral : l’accord (ou l’idée de concertation qui en est le présupposé) et le désaccord.
Sur l’accord, Alioune Sall regrette la superposition de cadres formels de solutions des problèmes et le flou de leurs missions. Ce qui donne l’impression d’une gestion de circonstance, d’un pilotage à vue et d’une approche au coup par coup, dépourvue de logique d’ensemble et de planification. Il cite à titre d’illustration, le Cadre de Concertation sur le Processus Electoral (CCPE), la Commission Technique de Revue du Code Electoral (CTRCE) ou encore le Cadre ad hoc sur la mise en œuvre de la loi sur le parrainage. S’y ajoute la mise en place de multiples sous-commissions qui accrédite à son avis, l’impression que dès qu’une difficulté se fait jour, il faut mettre en place une « commission ». Le professeur Sall s’est par ailleurs étonné de voir qu’un organe aussi important que celui qui fait office de lieu de dialogue et de concertation dans un pays marqué par le caractère endémique des controverses électorales, ne soit pas « acté » dans la loi, voire dans la loi fondamentale.
L’ancien juge de la CEDEAO estime toutefois nécessaire de trouver un consensus sur certains sujets cruciaux et d’éviter autant que possible des solutions unilatérales, donnant les exemples de la carte électorale, la caution et le bulletin unique.
Sur le désaccord, le professeur Sall a fait trois affirmations : on n’est pas obligé d’être d’accord sur tout, tous les désaccords ne se valent pas et enfin les désaccords insurmontables, tout au moins dans le contexte tendu dont le Sénégal est coutumier à la veille d’élections, avec une impression d’un éternel retour du caractère cyclique des difficultés du processus électoral.
Quid du conseil constitutionnel, un autre acteur du processus électoral. Son apport à la pacification électorale pourrait être majoré de l’avis de Alioune Sall qui suggère d’une part que le juge constitutionnel initie un travail de sensibilisation, d’information et de concertation avec les acteurs politiques autour de la question du traitement technique des parrainages. D’autre part, le juriste pense qu’il faut une évolution de la jurisprudence du même conseil. Par exemple, par une interprétation assouplie de l’article L122 du code électoral qui a été au cœur du débat contentieux, ainsi que la notion de réclamation qui lui est associé.
L'HISTOIRE DU SÉNÉGAL ÉCRITE PAR DES SÉNÉGALAIS
Les cinq premiers volumes de « l'Histoire générale du Sénégal » ont été publiés la semaine passée - Une somme commandée par le gouvernement et rédigée par des historiens sénégalais - Comment les chercheurs ont-ils travaillé ?
Les cinq premiers volumes de « l'Histoire générale du Sénégal » ont été publiés la semaine passée. Une somme commandée par le gouvernement et rédigée par des historiens sénégalais. Comment les chercheurs ont-ils travaillé ? Quelques éléments de réponse dans l'émission "Appels sur l'actualité" de RFI.
MACKY À L'INAUGURATION DE LA GRANDE MOSQUÉE D'ISTANBUL
La participation du chef de l'Etat à cet événement s’inscrit dans le cadre des excellentes relations d’amitié sénégalo-turques et dans l’esprit de promotion de la fraternité entre pays membres de la Oumma islamique - COMMUNIQUÉ DE LA PRÉSIDENCE
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué de la présidence de la République, daté du 1er mai 2019, à propos de la participation du chef de l’Etat à la cérémonie officielle d’inauguration de la Grande mosquée Çamlica d’Istanbul vendredi prochain.
« A l’invitation de SEM Recep Tayyip Erdogan, président de la République de Turquie, SEM le président Macky Sall quitte Dakar dans la soirée du 1er au 2 mai 2019 pour prendre part à la cérémonie officielle d’inauguration de la Grande mosquée Çamlica d’Istanbul le vendredi 3 mai.
La participation du président Sall à cet important événement s’inscrit dans le cadre des excellentes relations d’amitié sénégalo-turques et dans l’esprit de promotion de la fraternité entre pays membres de la Oumma islamique.
Le chef de l’Etat sera de retour à Dakar le 3 mai. »
LES CADRES DE L'APR VEULENT RESSERRER LES RANGS
Une Assemblée Générale est prévue prochainement pour se remobiliser derrière Macky et participer efficacement à une nouvelle conscience citoyenne - COMMUNIQUÉ DU COLLÈGE EXÉCUTIF NATIONAL
SenePlus publie ci-dessous, le communiqué du Collège Exécutif National (CEN) de la Convergence des Cadres Républicains reçu le 1er Mai 2019, relatif à sa réunion de la veille sur la situation sociopolitique nationale.
"Le Collège Exécutif National (CEN) de la Convergence des Cadres Républicains s’est réuni le mardi 30 avril 2019 à 18 heures à la permanence de l’APR sise à Ouakam, sous la présidence de son Coordonnateur le camarade Abdoulaye Diouf Sarr.
Analysant la situation politique nationale, le CEN renouvelle sa confiance et son soutien à son leader le président Macky Sall dans sa forte détermination à répondre avec beaucoup d’efficacité et de célérité aux pressantes attentes des populations.
Le CEN salue la bonne décision du président Macky Sall de saisir l’Assemblée Nationale pour une révision constitutionnelle visant entre autres la suppression du poste de Premier ministre. Le sens et l’opportunité d’une telle révision qui obéit à une logique de meilleure opérationnalité des prises de décisions semblent ne pas agréer l’opposition. Cette dernière, longtemps plongée dans une torpeur après sa défaite et incapable d’offrir aux sénégalais un projet de société prometteur, a catégoriquement refusé de répondre à l’appel au dialogue lancé par le président Macky Sall à l’ensemble des forces vives du Sénégal. Par la main tendue à tous, le chef de l’Etat qui a fini de convaincre tout le monde par son leadership incontestable, a voulu dans une démarche inclusive associer les sénégalais de tout bord à répondre efficacement aux questions de portée nationale.
Sur le même registre, le CEN constate avec regret et désolation, le manque de sérieux et de lucidité qui a conduit à la production et à la publication du supposé livre blanc de la coalition Idy 2019 qu’aucun sénégalais ne saurait accorder le plus petit crédit.
Enfin, les cadres de l’APR invitent les partis d’opposition, la société civile et toutes les forces vives du Sénégal, à répondre sans condition à l’appel au dialogue lancé par le chef de l’Etat, pour l’intérêt supérieur de la Nation.
Par ailleurs, le CEN s’est longuement appesanti sur sa feuille de route qui permettra à la CCR pour mieux assurer ses missions et son leadership sur l’échiquier politique nationale. C’est dans cet ordre d’idées, que la Convergence des Cadres Républicains compte organiser une Assemblée Générale et un forum thématique sous peu pour remobiliser tous les cadres derrière leur leader pour participer efficacement à une nouvelle conscience citoyenne et à l’émergence « d’un Sénégal de tous et un Sénégal pour tous » si cher au président de la République. "
MACKY INTRAITABLE FACE AUX SYNDICATS
L’Etat n’a pas les moyens d’augmenter les salaires dans la fonction publique, a déclaré mercredi le président de la République, ors de la cérémonie de remise de cahiers de doléances des syndicats à la présidence
L’Etat n’a pas les moyens d’augmenter les salaires dans la fonction publique, a déclaré mercredi le président de la République Macky Sall, lors de la cérémonie de remise de cahiers de doléances des syndicats au Palais de la république.
‘’Nous n’avons pas les moyens d’augmenter les salaires aujourd’hui. Nous ne le ferons pas, il faut que ça soit clair. Ce n’est pas possible. Nous pouvons discuter des aménagements ’’, a-t-il notamment dit en wolof, soulignant que l’Etat a des limites qu’il ne peut pas dépasser.
Répondant aux doléances des secrétaires généraux des cinq grandes centrales syndicales et du SYNPICS, le président Sall a indiqué que le gouvernement peut discuter.
‘’Nous avons la volonté sociale, mais on ne peut pas envisager l’augmentation des salaires maintenant. Ce n’est pas possible’’, a lancé le président de la République aux représentants des travailleurs.
Le président Macky Sall a indiqué que si l’Etat continue de satisfaire les revendications, en augmentant les salaires, il n’aura pas le temps de trouver du travail aux jeunes.
‘’Nous avons chaque année 150 mille jeunes qui tapent à la porte de l’emploi, sans qualification’’, a-t-il rappelé, soulignant que son gouvernement travaille pour l’émergence.
‘’L’émergence, c’est la responsabilité aussi, c’est faire ce qu’on l’on peut faire. C’est parce qu’on a peur de la grève qu’on va s’engager sur des choses qui vont totalement dérègler le cadre qui nous permet d’avoir aujourd’hui notre autonomie et notre souveraineté budgétaire ‘’, a ajouté Macky Sall.
Il a averti que le ‘’ jour, où l’on dérape, l’Etat va aligner les prix sur la réalité et annuler les filets sociaux’’.
‘’Ce n’est pas ma politique. Il y a une limite à ne pas dépasser. C’est une question de responsabilité’’, a dit le président de la République.
TALON, UN MODERNISTE QUI S'EST ENDURCI AU POUVOIR
Arrivé au pouvoir avec une image de businessman ambitieux fonceur, le président béninois est désormais accusé d’avoir engagé son pays dans un tournant autoritaire après des législatives sans la participation de l’opposition
Les deux seuls partis en lice proches du pouvoir sont assurés de gagner le scrutin. Mais pour le chef de l’Etat, qui rêvait d’être "porté en triomphe" à l’issue de son mandat, cette victoire pourrait être la plus grande défaite politique de son mandat.
Le Bénin a boudé les urnes dimanche à plus de 75%, selon des résultats préliminaires, à l'appel de l'opposition qui protestait contre son éviction du scrutin.
Au-delà de l'élection des députés, ce vote était davantage "un référendum (contre le président) qui ne dit pas son nom", commente le politologue Expédit Ologou.
Ses détracteurs reprochent au chef de l'Etat un autoritarisme tardif qui ne passe pas inaperçu dans ce petit pays de 12 millions d'habitants longtemps cité en modèle de démocratie en Afrique.
Chez ses opposants comme au sein de la société civile on l'accuse d'être derrière l'exclusion des grands partis d'opposition - officiellement évincés pour n'avoir pas respecté le nouveau code électoral.
"Arrestations arbitraires"
Des ONG béninoises ou internationales comme Amnesty dénoncent des "arrestations arbitraires", "des manifestations réprimées" avant le scrutin, la coupure d'internet le jour du vote.
Tout avait pourtant bien commencé.
Homme d'affaires, classé 15e plus grande richesse en Afrique sub-saharienne avec un patrimoine estimé à plus de 400 millions de dollars en 2015 selon Forbes, Talon est entré tard en politique.
Il s'est construit sans fief, sans réseau et en opposition au président Yayi, ex-allié devenu son ennemi à la suite de coups politiques pénalisant ses affaires: ce dernier symbolise tout ce que le businessman déteste, une vieille garde gangrénée par "les affaires", l'immobilisme, et pire que tout le laissez-aller.
A 61 ans, chemise blanche éclatante, veste de costume ouverte et lunettes aux verres fumés, le président béninois veut représenter une nouvelle génération de leaders: ceux qui sont persuadés que le continent rattrapera son retard lorsque les Africains eux-mêmes seront convaincus qu'ils peuvent y arriver.
"Il veut changer les mentalités", explique à l'AFP son conseiller en communication, Wilfried Houngbedji.
"Obsédé par les résultats", comme il l'a confié dans une interview, il est également obsédé par le modernisme.
Dans la cour du palais présidentiel de Cotonou, les ouvriers grattent encore "les carreaux de salle de bain" vieillots qui recouvrent les murs de l'enceinte.
"C'est un perfectionniste", confie l'un de ses proches collaborateurs. "Il peut arriver dans votre bureau, puis d'un coup repérer le moindre détail qui ne va pas sur les murs et vous le signaler".
Des dizaines de fonctionnaires ont été renvoyés à la moindre faute ou s'ils tentaient de faire ce qu'ils avaient toujours fait: récupérer quelques bakchichs pour arrondir les fins de mois.
Visionnaire
Sur le plan économique, le Bénin affiche une belle croissance de 6,8% en 2018, grâce à une formalisation à marche forcée de l'économie informelle, qui représente la quasi-totalité des sources de revenus de la petite classe moyenne ou pauvre.
Son cercle restreint est composé d'une poignée de conseillers et de son épouse qui joue un grand rôle.
Ceux qui travaillent à ses côtés, souvent extérieur à la sphère politique ou issus de la diaspora, se sont ralliés, séduits par son ambition pour le Bénin.
Mais trois ans après son arrivée au pouvoir, si l'élite continue de voir en lui un visionnaire, il est détesté par la classe populaire qui lui reproche son arrogance.
Désormais, chez les intellectuels et même dans le secteur privé, on s'interroge, les inculpations constantes des opposants, les mesures d'intimidation contre des voix de la société civile dérangent. Avait-il besoin de créer une cour spéciale pour éliminer son plus grand adversaire politique, aujourd'hui en exil, Sebastien Ajavon?
"Ils ne comprennent plus jusqu'où il va aller. C'est son orgueil mal placé et son esprit de vengeance malsain qui l'animent, c'est dangereux", estime un de ses anciens proches.
L'homme s'est endurci durant ses années d'exil sous la présidence Yayi, qui l'a mis à l'écart pour une sombre affaire d'empoisonnement qui ressemblait plus à un coup monté.
Selon des politologues et observateurs du pays, Talon n'aurait également pas supporté de voir son projet de réforme constitutionnelle retoqué deux fois par le Parlement.
Il voulait être le premier président africain à instaurer un mandat présidentiel unique de sept ans. Pour l'opposition, un moyen de rester au pouvoir.Aujourd'hui, tout le monde attend que les 83 députés issus de la majorité votent le texte.
Pour l'un de ses anciens collaborateurs, la direction donnée à sa présidence a été fortement marquée par sa rencontre avec le président rwandais Paul Kagame trois mois après son arrivée au pouvoir.
"Il voulait axer son mandat sur un modèle politique charismatique, il l'a trouvé en Kagame", explique cette source.
La comparaison est constante avec Paul Kagame, au pouvoir depuis 2000 et réélu en 2017 avec 99% des voix, qui a engagé son pays dans un développement accéléré, devenu un leader autant respecté que craint chez lui, davantage qualifié de despote éclairé à l'extérieur.
Mais pour l'instant, l'entourage de Patrice Talon hésite à entretenir cette comparaison aussi flatteuse qu'elle est embarrassante.
"NOUS VIVONS DES MOMENTS EXTRÊMENT DIFFICILES ET DANGEREUX"
Le Conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide, Adama Dieng a appelé mercredi à plus de fermeté pour combattre l’intolérance, faisant référence aux récentes attaques contre des lieux de culte dans le monde
Le Conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide, Adama Dieng, a mis en garde mercredi contre les « moments extrêmement difficiles et dangereux » dans lesquels nous vivons actuellement.
Il a appelé à plus de fermeté pour combattre l’intolérance, faisant référence aux récentes attaques contre des lieux de culte, notamment le massacre dans une mosquée de Christchurch en Nouvelle-Zélande, le carnage dans des églises au Sri Lanka et la récente attaque contre une synagogue aux États-Unis.
« Ce qui s’est passé récemment a d’ailleurs conduit le Secrétaire général de l’ONU à rappeler l’importance de combattre le discours de haine », a ajouté M. Dieng dans un entretien accordé à ONU Info.
Les réfugiés, les migrants sont aujourd'hui parmi les personnes ciblées, simplement du fait de leur identité. « Nous devons réfléchir sur les causes de ce nouveau phénomène, qui malheureusement nous rappelle les années 1930 lorsqu’en Europe, les Juifs étaient considérés comme des animaux ou lorsqu’ils étaient accusés de toute sorte de malheurs, y compris des performances économiques des plus faibles », a-t-il dénoncé.
Le monde se trouve à un moment crucial dans la lutte contre la haine et l’extrémisme
Adama Dieng s’insurge contre « ce type de discours que nous entendons aujourd’hui dans de nombreuses capitales européennes ». « Cela est dangereux », a-t-il dénoncé.
Selon le Conseiller du Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, cette libération de la parole et de la rhétorique xénophobe montre que le monde se trouve à un moment crucial dans la lutte contre la haine et l’extrémisme. Ceci est d’autant plus vrai qu'on assiste aujourd’hui à la résurgence de groupes néonazis et néofascistes.
« Nous avons aujourd’hui des leaders ultranationalistes qui veulent faire croire à leur électorat que leur religion est la meilleure, que leur culture est la meilleure », a-t-il fait valoir.
C’est dans ce contexte que s’est tenue la Conférence de Genève sur la religion, la paix et la sécurité. Une rencontre qui a mis l’accent sur le traitement des réfugiés, des migrants. « Parce qu’aujourd’hui, cette catégorie de populations est menacée », a mis en garde le Conseiller spécial pour la prévention du génocide.
Adama Dieng rappelle que tout discours qui incite à la haine raciale et religieuse est à combattre. « Et comme l'a rappelé le Secrétaire général, António Guterres, nous devons faire en sorte que les réseaux sociaux ne soient pas des abris pour proférer ce genre de discours ».