SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
5 mai 2025
Diaspora
LE RÉCIT DES ARTISANS DU CHANGEMENT
Dans un livre-témoignage, les membres du collectif Dooleel PIT-Sénégal racontent comment ils ont participé à ce mouvement citoyen qui a finalement renversé le régime de Macky Sall, accusé de dérives autoritaires
(SenePlus) - Un nouvel ouvrage intitulé « Genèse d'une révolution démocratique (2021-2024) : trois ans de luttes et d'espoirs » vient d'être publié par le collectif Dooleel PIT-Sénégal. Ce recueil retrace l'engagement d'un groupe de militants du Parti de l'indépendance et du travail (PIT-Sénégal) face à la crise politique, sociale et économique qui a secoué le pays de 2012 à 2024.
Selon la présentation de l'ouvrage, le Sénégal traversait alors "une période sombre marquée par une crise d'une rare intensité" et était "plongé dans une mal-gouvernance crasse et des dérives autoritaires intolérables", comme le confirmeraient les audits et procédures judiciaires initiés par le nouveau régime.
C'est dans ce contexte qu'un groupe de militants du PIT-Sénégal, dont Abdou Karim Ndiaye, Bamba Ndiaye, Félix Atchadé et plusieurs autres, a décidé de créer la plateforme Dooleel PIT-Sénégal en décembre 2020, avec l'ambition de "refonder" leur parti politique.
L'ouvrage couvre la période allant de la publication du mémorandum fondateur jusqu'au 1er avril 2025, une semaine après l'élection présidentielle remportée par la coalition "Diomaye Président". Il est structuré en cinq parties chronologiques, documentant notamment la position du collectif face à la "cabale judiciaire" contre Ousmane Sonko, les élections de 2022, et la montée des tensions politiques jusqu'à la victoire de Bassirou Diomaye Faye.
Les auteurs soulignent que malgré les défaites électorales de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY) en 2022, le gouvernement de Macky Sall avait poursuivi une "ligne de conduite agressive" contre l'opposition, notamment le parti Pastef. Face à cette situation, le collectif Dooleel préconisait "le dialogue à travers une concertation nationale délibérative".
L'ouvrage se termine sur les défis qui attendent les nouvelles autorités et appelle à "parachever l'indépendance nationale, rompre avec la mal-gouvernance endémique" et réformer les institutions pour "mettre fin à l'hyper-présidentialisme".
LA FAMILLE DE MARTIN LUTHER KING INDIGNÉE PAR MARINE LE PEN
Dans la tourmente après sa condamnation pour détournement de fonds publics, Marine Le Pen a cru bon de se comparer à Martin Luther King. Une analogie qui a fait bondir la famille du pasteur américain, dénonçant "une distorsion inappropriée de l'histoire"
(SenePlus) - La famille de Martin Luther King a vivement réagi aux déclarations de Marine Le Pen qui avait comparé son combat judiciaire à la lutte pour les droits civiques menée par le célèbre militant américain.
Selon le quotidien Libération, le fils et l'épouse du militant afroaméricain ont exprimé leur mécontentement après que la cheffe de file des députés du Rassemblement National a invoqué l'héritage du pasteur lors d'une intervention en visioconférence au congrès de la Ligue, parti d'extrême droite italien, le 6 avril dernier.
"Cela constitue une distorsion inappropriée de l'histoire et porte atteinte aux sacrifices consentis par ceux qui se sont opposés à la haine et se sont battus pour la justice", ont déclaré les proches de Martin Luther King dans un entretien accordé à BFMTV, comme le rapporte Libération.
L'analogie faite par Marine Le Pen survient dans un contexte particulier. La cheffe politique du RN venait d'être condamnée pour détournement de plus de 4 millions d'euros au Parlement européen lorsqu'elle a déclaré : "Notre combat sera un combat pacifique, un combat démocratique. Nous prendrons exemple sur Martin Luther King qui a défendu les droits civiques. Ce sont les droits civiques des Français aujourd'hui qui sont mis en cause."
Ces propos ont été tenus deux jours seulement après le 57e anniversaire de l'assassinat de Martin Luther King par un ségrégationniste blanc, souligne le journal.
Libération met également en lumière ce qui apparaît comme une contradiction idéologique : "En appeler à la plus grande figure de la lutte contre la ségrégation raciale quand son propre parti prône depuis des décennies la discrimination d'État via la 'préférence' puis la 'priorité nationale'."
La famille King a tenu à rappeler que les efforts du pasteur "ont ouvert la voie à la création de sa vision d'une 'communauté bien-aimée', une société fondée sur l'unité plutôt que sur la division", une vision qui semble aux antipodes de celle défendue par le Rassemblement National selon les critiques.
LE SÉNÉGAL EN MARGE DES FINANCEMENTS DU FMI
Pendant que le Sénégal traine, les voisins accélèrent. Entre mars et avril, les missions du Fonds monétaire international (FMI) ont fait le tour de plusieurs pays africains pour faire le point sur la mise en œuvre de divers programmes
Alors que le Sénégal peine à trouver un nouveau décaissement du FMI, après la suspension de son programme pour "misreporting", ses voisins de l'UEMOA, eux, continuent de dérouler ou de signer de nouveaux programmes.
Pendant que le Sénégal traine, les voisins accélèrent. Entre mars et avril, les missions du Fonds monétaire international (FMI) ont fait le tour de plusieurs pays africains pour faire le point sur la mise en œuvre de divers programmes. Plusieurs communiqués ont été publiés par l'institution de Bretton Woods pour rendre compte de la teneur des différentes missions. L'une des dernières en date, pour ce qui concerne les pays de l'UEMOA, c'est celle effectuée en Côte d'Ivoire pour passer en revue “l'état d'avancement du programme économique et financier des autorités appuyé par le Mécanisme élargi de crédit (MEDC) et la Facilité élargie de crédit (FEC) ainsi que du programme de réformes climatiques appuyé par la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD)”.
À l'issue de la mission, l'institution de Bretton Woods informe : “Les services du FMI et les autorités ivoiriennes sont parvenus à un accord portant sur la quatrième revue du programme de réformes économiques de la Côte d'Ivoire appuyé par les accords MEDC et FEC, et sur la troisième revue de leur programme de réformes pour la résilience climatique appuyé par l'accord au titre de la FRD.” Les autorités ivoiriennes, poursuit le communiqué, “continuent de faire de grands progrès vers la réalisation de leurs objectifs fondamentaux, dans le cadre du MEDC et de la FEC, réduire les déséquilibres macroéconomiques, contribuer à reconstituer les réserves régionales et approfondir la transformation économique en vue d'atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et de renforcer encore plus la résilience climatique grâce à des réformes d'adaptation et d'atténuation.”
Selon le communiqué, l'approbation finale des revues MEDC/FFEC et FRD par le Conseil d'administration du FMI entraînera deux décaissements pour un total d'environ 740 millions de dollars. À noter que “l'accord MEDC/FEC pour un montant de 2,6 milliards de DTS (environ 3,5 milliards de dollars) et l'accord au titre de la FRD pour un montant de 975,6 millions de DTS (environ 1,3 milliard de dollars) ont été approuvés par le Conseil d'administration du FMI, respectivement le 24 mai 2023 et le 15 mars 2024”, et continue d'être exécuté sans discontinuité, au moment où le Sénégal a vu ses accords suspendus.
La même dynamique est aussi notée au Bénin, avec la conclusion d'un accord sur la sixième revue du programme appuyé par le MEDC et la FEC, et sur la troisième revue de l'accord au titre de la facilité pour la résilience et la durabilité (FRD). “Les autorités béninoises et les services du FMI sont parvenus à un accord sur la sixième revue du programme appuyé par le MEDC et la FEC, et sur la troisième revue de l'accord au titre de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD)”, lit-on dans le communiqué de fin de mission qui se réjouit également de la “transformation économique du Bénin” qui se poursuit, “avec l'essor des exportations de biens à valeur ajoutée et le dynamisme des technologies de l'information”.
Chef de la délégation de Cotonou, Frédéric Lambert a fait savoir que “les résultats du programme ont été solides” et que “tous les objectifs quantitatifs pour fin décembre 2024 ont été atteints”. Dans le même sillage, il s'est réjoui “d'une consolidation budgétaire”, avec un déficit qui converge vers la norme UEMOA, c'est-à-dire 3 %. “Cette consolidation budgétaire a été soutenue par un solide recouvrement des recettes fiscales et une exécution budgétaire prudente”, mais aussi par une croissance économique estimée à 7,5 % en 2024, dépassant même les projections initiales.
En ce qui concerne le Togo, un accord a été déjà approuvé en mars 2024, au titre de la FEC. Selon le communiqué, grâce à cet accord, les autorités togolaises ont été en mesure d'atténuer l'impact des chocs sur l'économie et la population togolaises. Cela s’est cependant accompagné d’une augmentation des déficits budgétaires et de la dette.
Cette visite s'inscrivait dans le cadre de la deuxième revue de l'accord au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC) que le Conseil d’administration du FMI a approuvé en mars 2024, précisait la mission.
Le Mali décroche 129 millions de dollars
Les missions chez les pays sous contrôle des juntes militaires se sont également déroulées dans de bonnes conditions et des accords ou projets d'accords ont également été trouvés sans grandes difficultés.
D'ailleurs, pour le Mali, le Conseil d'administration du FMI a approuvé, hier, un décaissement de 129 millions de dollars au titre du guichet choc exogène de la Facilité de crédit rapide (FCR). “Ce qui ouvre ainsi la voie à un décaissement immédiat de 129 millions de dollars (93,3 millions de DTS)”, informe l'institution dans un communiqué, qui ajoute : “Le financement d'urgence du FMI aidera à répondre aux besoins urgents de financement de la balance des paiements engendrés par les inondations, tandis que le programme de référence de 11 mois vise à renforcer la stabilité macroéconomique, à renforcer la résilience, à protéger les personnes vulnérables et à améliorer la gouvernance, en servant de point d'ancrage pour les priorités macroéconomiques du gouvernement.”
Il y a quelques jours, dans le cadre des missions dépêchées dans les pays, le FMI informait avoir trouvé un accord sur la troisième revue de la Facilité élargie de crédit avec le Burkina Faso. “Le FMI et les autorités burkinabé ont conclu un accord pour la troisième revue du programme économique du Burkina Faso soutenu par la Facilité élargie de crédit (FEC). Une fois la revue approuvée par le Conseil d'administration du FMI, le Burkina Faso recevra un décaissement d’environ 32 millions de dollars américains (24,1 millions de DTS) de financement”, indiquait le communiqué.
“Nous n'avons pas de leçons à recevoir du FMI”
Recalé depuis l'année dernière par le Fonds monétaire international qui exige la mise en œuvre de mesures correctrices, le Sénégal travaille, pour sa part, à trouver des mécanismes alternatifs, basés surtout sur la mobilisation des ressources domestiques. Par rapport à la stratégie d'endettement, le pays semble de plus en plus se tourner vers le marché intérieur et sous-régional. Face aux députés le 14 avril dernier, le Premier ministre disait : “Nous donnons trop d'importance au FMI qui est un partenaire comme tous les autres. Nous ne quémandons rien du tout ; nous empruntons juste et nous sommes tenus de tout rembourser. Il faut donc d'abord compter sur nous-mêmes, mais cela passera par le fait de situer les responsabilités. D'ailleurs, je dois dire que le FMI même a sa part de responsabilité, parce que nous l'avions alerté en 2018, par rapport au dépassement sur les ressources extérieures. Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir de personne.”
Cela dit, les ministres chargés de l'Économie et des Finances sont attendus à Washington, dans le cadre des réunions du printemps du FMI et de la Banque mondiale.
PAPE DJIBRIL FALL, LE FICHIER PDF RELANCÉ
Redevenu député suite à la démission de Déthié Fall, il reste un électron libre dans le paysage politique, revendiquant une troisième voie qui le place dans une position ambiguë : pas assez coopératif pour l'opposition, trop critique pour la majorité
PDF. Trois lettres, une signature, un style. Pape Djibril Fall, longtemps silencieux dans le tumulte politico-médiatique sénégalais, a choisi de réapparaître à sa manière : clair, offensif, documenté. Comme un fichier resté en veille, il s’est ‘’reconnecté au système’’ par un point de presse bien calibré, renouant avec son verbe tranchant et sa posture de veilleur civique. Une sortie que ses partisans attendaient et que ses adversaires ont forcément notée.
Installé à la tête du mouvement Les serviteurs, hier, Pape Djibril Fall a tenu sa conférence dans un climat de tension politique marqué par des secousses à la fois sociales et institutionnelles. En ligne de mire : les licenciements au Port autonome de Dakar (PAD). L’ancien journaliste devenu député a brandi ce qu’il appelle des preuves irréfutables, des documents confidentiels qui viendraient contredire la version officielle défendue à l’Assemblée nationale par le Premier ministre Ousmane Sonko et le ministre des Mines Birame Souleye Diop.
Selon lui, ce sont bien 700 travailleurs qui ont été remerciés, dans des conditions opaques orchestrées par Waly Diouf Bodian, le directeur général du PAD. ‘’Certains ont été convoqués pour négocier leur départ. Ce n’est pas une décision collective, c’est un fait prémédité’’, a-t-il martelé.
En face, le pouvoir dément, minimise, temporise. Eux parlent d’optimisation des ressources humaines. Lui dénonce une manœuvre brutale, un coup porté au tissu social. Et pour appuyer ses dires, PDF agite les dossiers, les chiffres, les noms, à sa manière, presque clinique dans l’exposé, mais vibrante dans la charge émotionnelle.
Car au-delà du fond, la forme est restée intacte. Dans son éternel costume-cravate, oscillant entre wolof et français, Pape Djibril Fall alterne citations religieuses, métaphores bibliques et formules politiques, dans une rhétorique qui mêle pédagogie et ironie. Il n’a rien perdu de cette technique oratoire qui l’avait propulsé de chroniqueur télé à la figure montante de l'Assemblée nationale.
Ce point de presse, le premier depuis longtemps, a aussi été l’occasion pour lui de solder des comptes restés en suspens. D’abord, sur le traitement de la jeunesse où il a appelé à une politique du ‘’maintien au pays’’ plutôt qu'à l’exportation des cerveaux par l’immigration choisie. Ensuite, sur la presse, prenant la défense du journaliste Pierre Simon Faye, placé sous contrôle judiciaire. ‘’C’est une dérive grave. On ne peut pas criminaliser l’information’’, a-t-il soutenu, défendant la liberté d’informer comme socle de toute démocratie crédible.
Puis, dans un registre plus institutionnel, il a tiré à boulets rouges sur le Premier ministre. ‘’Il a préféré s’acharner sur l’opposition. Quand il dit que tout est aérien, c’est parce qu’il est lui-même déconnecté des réalités urgentes’’, a-t-il lancé. Un tacle assumé, alors que les relations entre l’ex-chroniqueur et le chef du gouvernement n’ont jamais été au beau fixe.
PDF a aussi interpellé de manière frontale l’Union des magistrats sénégalais (UMS), lui reprochant son silence face à ce qu’il qualifie de persécution du ministre de la Justice. Une sortie qui peut surprendre, mais qui s’inscrit dans son discours plus large : sans justice, pas de paix, répète-t-il. À ses yeux, la justice sénégalaise doit être libérée — non pas par le peuple, comme l’avait suggéré le président Diomaye Faye, mais du pouvoir Exécutif lui-même. ‘’Le peuple doit faire pression sur le président, pas sur la justice’’, insiste-t-il.
Cette conférence de presse, plus qu’un simple retour, est un acte de réappropriation politique. Depuis son élection à l’Assemblée nationale en décembre 2024, Pape Djibril Fall s’était montré discret, effacé, presque absent. On l’avait brièvement vu, écourté dans sa prise de parole au Parlement par le président El Malick Ndiaye, puis sèchement recadré par Ousmane Sonko sans droit de réplique. Ce mutisme apparent avait nourri les rumeurs : retrait stratégique ? Isolement ? Lassitude ? Lui répond aujourd’hui : hibernation volontaire, mais pas abdication.
Avec ce retour, il rebranche son canal direct avec les citoyens, contourne l’arène parlementaire pour réinvestir le terrain médiatique. Il renoue avec ce qui avait fait sa force : sa voix singulière, entre impertinence maîtrisée et gravité assumée. Il est de nouveau ce média à lui seul, comme lorsqu’il électrisait le plateau de ‘’Jakaarlo’’ sur la TFM.
Mais cette sortie soulève une question : quel est son cap politique ? Veut-il redevenir un simple éclaireur ou cherche-t-il à structurer une opposition hors système ? Ce flou est entretenu, peut-être volontairement.
Pour l’heure, il multiplie les symboles, recolle les fragments, aligne les priorités — jeunesse, justice, souveraineté — et construit un récit de vigilance, à défaut d’alternative.
PDF est de retour. Pas dans un format compressé. Mais dans un mode décryptage, prêt à relancer sa version.
PDF, le solitaire obstiné de l’hémicycle
À observer Pape Djibril Fall aujourd’hui, on pourrait croire à un retour stratégique. Mais à bien y regarder, il s’agit peut-être plus d’un rebond instinctif. Devenu député par défaut, à la suite de la démission de Déthié Fall, investi sur la même liste Samm sa Kaddu, PDF a intégré l’Assemblée nationale sans l’élan d’une campagne personnelle victorieuse. Déthié Fall, rallié en pleine campagne électorale à Pastef, avait clairement annoncé qu’il ne siégerait pas s’il était élu. Ce qui ouvrit la porte au journaliste devenu homme politique. Une entrée par la petite porte, mais que Pape Djibril s’est empressé de verrouiller pour ne pas en ressortir.
S’il bénéficiait de l’aura d’ancien chroniqueur et d’un capital de sympathie auprès d’un public jeune et urbain, son positionnement politique a toujours été ambigu. Porté un temps par une coalition électorale disparate, regroupant des figures comme Barthélemy Dias, Boucane Guèye Dany, Anta Babacar Ngom ou Cheikh Ahmed Tidiane Goum, il était le cadet du groupe, le plus médiatique sans être nécessairement le plus politique. Dès les premiers mois suivant les élections législatives de novembre 2024, cette alliance de circonstance s’est disloquée, révélant des fractures idéologiques et personnelles profondes. Et l’une des plus visibles fut celle qui l’opposa, en sourdine d’abord, puis frontalement à Bougane Guèye Dany. Leur passé commun dans le monde des médias avait déjà laissé des traces. Dans une émission restée célèbre en 2017, PDF avait pointé du doigt l’attitude jugée autoritaire de Bougane, accusé d’avoir freiné la création d’un syndicat de jeunes journalistes au sein d’un groupe de presse. Une affaire encore non résolue, mais dont l’ombre plane sur leurs relations.
Dès lors, difficile d’imaginer une cohésion durable entre eux dans un cadre politique, même sous la bannière de Samm sa Kaddu.
Anta Babacar Ngom, quant à elle, semblait initialement proche de PDF. On les a vus côte à côte sur les podiums, unis dans le combat contre l’arrestation de Bougane à Tambacounda. Mais la convergence fut éphémère. À peine quelques mois après l’élection, elle rejoint le camp des boycotteurs, refusant de siéger lors de la question orale d’Ousmane Sonko, au nom d’un acte de résistance symbolique. PDF, lui, choisit de rester. Il brave la marée des 130 députés ‘’pastefiens’, assis parmi les siens, minoritaires, sans ciller. Une posture courageuse ou isolée ? La réponse dépend du point de vue, mais elle révèle à minima un hiatus dans sa propre coalition, qui n’était peut-être qu’un attelage électoral sans projet commun.
Pape Djibril Fall a toujours revendiqué sa troisième voie, celle d’un homme libre, sans mentor, sans parrain, sans assujettissement. Une posture louable dans une démocratie balisée par les fidélités et les trahisons, mais aussi un positionnement risqué et souvent illisible. Car à trop vouloir échapper aux étiquettes, on finit par brouiller son propre message. Pendant que certains le classent dans l’opposition radicale, d’autres l’accusent de modération, voire tactique. Lui dit refuser le jeu binaire entre pro et anti-Pastef, mais semble aussi incapable de fédérer autour de lui un camp crédible. Pas assez coopératif pour l’opposition, trop critique pour la majorité.
Dans l’arène parlementaire, il n’a pas non plus su imprimer sa marque. Lors de sa prise de parole à l’hémicycle ce lundi 14 avril, il est interrompu par le président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye, sur fond de priorisation de l’ordre du jour. Le Premier ministre lui rétorque avec une froideur désarmante, ne laissant aucun espace à la réplique. La scène est révélatrice du peu d’influence qu’il pèse dans le jeu institutionnel. Sa capacité d’agacement est réelle, son pouvoir de nuisance limité.
Cette faible capacité d’alliances est l’une de ses failles les plus manifestes. Même Cheikh Ahmed Tidiane Youm, son ancien compagnon de liste, a pris le soin de se rapprocher du régime après les tensions entre le Pur et le pouvoir. PDF, lui, reste en solitaire, comme à ses débuts. Il semble avoir fait du rejet des chapelles politiques sa boussole.
Mais à l’ère des coalitions dynamiques, cette posture d’indépendance devient parfois une impasse. Elle alimente l’idée qu’il n’est qu’un acteur de témoignage, capable de coups d’éclat, mais incapable de peser sur la balance.
Et pourtant, malgré un score insignifiant aux dernières présidentielles, où il ne dépassait guère les 1 %, malgré l’absence de base territoriale solide et en dépit de ses errements stratégiques, Pape Djibril Fall s’accroche. Mieux, il continue d’exister médiatiquement, à travers ses sorties bien calibrées, ses conférences de presse et ses déclarations ciblées. Il sait choisir ses moments, ses mots, ses combats. La presse, la jeunesse, la justice : autant de thèmes consensuels qui lui permettent de se positionner sans trop de risques. Il ne mord pas, mais griffe à intervalles réguliers.
Mais combien de temps cette présence sans pouvoir tiendra-t-elle ? À trop s’appuyer sur la médiatisation pour compenser l’absence de relais politiques, on s’expose à une forme d’essoufflement. L’effet de nouveauté s’estompe. Le regard du public devient plus exigeant. Et PDF, qui n’a jamais réussi à traduire sa popularité médiatique en implantation électorale solide, pourrait se retrouver à jouer les figurants dans un théâtre où il rêvait d’être acteur principal.
En somme, le fils de Thiadiaye est un électron libre, à la fois courageux dans l’arène et isolé dans les rapports de force, brillant orateur, mais stratège fragile, symbole d’une jeunesse consciente, mais parfois victime de ses propres contradictions. Son parcours interpelle sur le sort de ces figures hybrides, nées du journalisme et aspirant à la politique, mais prisonnières d’un entre-deux : trop engagées pour rester analystes, trop seules pour devenir leaders.
VIDEO
LA MÉTAMORPHOSE DE BABACAR DIOP
L'ancien leader étudiant, aujourd'hui à la tête d'une ville de 800 000 habitants à Thiès, conjugue réalisations concrètes et travail mémoriel dans une vision politique nourrie par les grandes figures de l'histoire
Dans un entretien exclusif accordé à l'émission "Belles Lignes", le Dr Babacar Diop, maire de Thiès, a présenté sa vision politique et ses réalisations à la tête de la municipalité. L'ancien leader étudiant, devenu édile de la capitale du rail, a abordé plusieurs sujets allant de sa gestion municipale à sa conception de l'histoire nationale.
"J'aspire à devenir un homme d'État", a déclaré Dr Diop, expliquant sa transformation d'activiste bouillant en maire privilégiant l'action concrète plutôt que les discours. "Un homme d'État n'est pas un activiste. Ce sont mes actions qui doivent parler à ma place aujourd'hui", a-t-il souligné.
Sous sa direction, la mairie de Thiès affiche un bilan considérable. Le budget municipal a été triplé en trois ans et plusieurs espaces publics privatisés ont été récupérés, notamment la mythique Place de France, inaugurée en 1952. "Quand je suis arrivé, j'ai trouvé que le patrimoine de Thiès avait été bradé, espolié, privatisé", a-t-il révélé.
L'éducation constitue un axe prioritaire de sa politique municipale. Le budget alloué aux bourses est passé de 7 millions à 238 millions FCFA, permettant de financer environ 1500 étudiants dans 36 établissements. "Je connais la souffrance au niveau des quartiers populaires, je connais le manque de perspective des jeunes", a expliqué ce produit de l'école publique.
Dr Diop mène également un important travail mémoriel. L'érection d'une statue de Lat Dior et le projet de construction d'une Place des Martyrs pour honorer les cheminots exécutés le 27 septembre 1938 témoignent de sa volonté de réhabiliter des figures historiques négligées. "Nous devons déterrer ces martyrs, nous devons réveiller ces martyrs, sinon l'histoire ne nous le pardonnera jamais", a-t-il affirmé.
Intellectuel nourri par la littérature et l'histoire, le maire de Thiès puise son inspiration chez des figures comme Caton d'Utique, Abraham Lincoln et Mamadou Dia. Sur ce dernier, il estime qu'"il est difficile de lutter contre un martyr" et que "dans le temps de l'histoire, Mamadou Dia va l'emporter devant Senghor".
Pour Dr Babacar Diop, la fonction de maire est empreinte de grandeur et exige "beaucoup de sincérité". "Cette ville, je l'aime d'un amour très profond", a-t-il conclu avec émotion.
LE QUAI BRANLY RÉEXAMINE L'HÉRITAGE CONTROVERSÉ DE LA MISSION DAKAR-DJIBOUTI
Intimidation, menaces, tromperies : le butin de la mission révèle enfin ses obscures origines. Le musée parisien a confié aux chercheurs des pays concernés le soin d'enquêter sur les méthodes d'acquisition de ces milliers d'objets prélevés en Afrique
(SenePlus) - Le Musée du quai Branly-Jacques-Chirac présente depuis le 15 avril une exposition inédite consacrée à la mission Dakar-Djibouti, cette expédition scientifique française menée entre 1931 et 1933 qui a permis de rapporter quelque 3 200 objets africains dans les collections nationales.
L'originalité de cette démarche ? Le musée parisien a choisi d'inverser les perspectives en confiant l'étude de ces collections à des chercheurs originaires des pays concernés, dans ce que l'institution appelle une "contre-enquête", selon Le Monde.
La mission Dakar-Djibouti, dirigée par l'ethnologue Marcel Griaule et dont l'écrivain Michel Leiris était membre, avait pour objectif officiel de "sauvegarder les traces de cultures qui disparaissent au contact des colons et du monde moderne". Mais comme l'a révélé Leiris lui-même dans son journal "L'Afrique fantôme" (1934), les méthodes d'acquisition étaient souvent peu scrupuleuses.
"Partout où elle passe, la mission se comporte en terrain conquis", résume Didier Houénoudé, universitaire béninois ayant participé au projet. L'exposition confirme que les objets ont souvent été obtenus par intimidation ou tromperie, certains étant même des objets personnels que "les familles n'auraient en aucun cas cédés volontairement".
Pour mener cette "contre-enquête", le Quai Branly a invité six chercheurs africains à examiner les archives de l'expédition. Daouda Keita, directeur du Musée national du Mali, a ainsi pu étudier pendant deux mois les 1 650 objets provenant de son pays.
"On a voulu inverser les points de vue", explique Gaëlle Beaujean, responsable des collections Afrique au Quai Branly, rappelant que des centaines d'Africains impliqués dans les travaux de la mission ont été les grands oubliés de cette histoire, dans le quotidien français.
La démarche a également permis des enquêtes de terrain dans 30 localités sur les 340 traversées par l'expédition. Au Mali, Daouda Keita a pu rencontrer les descendants des gardiens de sanctuaire qui ont confirmé que "Marcel Griaule les a menacés. Il y a eu intimidation, et ces objets ont été pris par la force".
Cette collaboration a déjà des conséquences concrètes. Le Mali a pu formuler une demande de restitution précise grâce à l'accès aux archives. "Les objets proposés à la restitution au Mali dans le rapport Sarr-Savoy ne nous convenaient pas. Nous savions qu'il y en avait beaucoup d'autres, plus importants. Mais nous n'avions pas les informations ni les preuves", précise Daouda Keita.
Le conservateur malien espère que cette coopération "franche et ouverte" avec le Quai Branly servira de modèle pour d'autres musées occidentaux.
L'exposition "Mission Dakar-Djibouti (1931-1933) : contre-enquêtes" est visible au Musée du quai Branly jusqu'au 14 septembre 2025.
par Ibrahima Silla
SOLEILS INVINCIBLES, UN ROMAN DE JOUVENCE
La lecture de cette œuvre envoûtante de Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye nous entraîne dans une expédition qui, à peine entreprise, devient une sorte de centre de rétention dont il est impossible de s’échapper
Parler d’un roman, c’est d’une certaine manière le réécrire. Y rajouter ses propres mots sans en trahir le sens en s’obstinant à vouloir faire coïncider l’inspiration de l’auteur avec l’imagination du lecteur. Voilà ce que la lecture de ce beau et captivant roman de Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye, Soleils invincibles, m’a inspiré comme réflexions traduites ici en périphrases.
Toute lecture est une réécriture. Lire et laisser libre cours à l’imagination sans pervertir l’histoire au moment de la recension. Lire sans trahir. Le lecteur peut dès lors prendre une voie secondaire pour mieux suivre la trame de l’histoire narrée par l’auteur. Nul besoin donc de partir de la même inspiration pour arriver aux mêmes émotions, surtout quand on a affaire à une grande et savoureuse œuvre romanesque, telle celle produite par Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye.
La réussite d’un roman se mesure par l’intensité des sentiments éprouvés. Un roman, pourrait-on dire, est réussi quand l’auteur arrive à nous faire ressentir des degrés de sentiments diffus, sans qu’on ait besoin de les vivre ou d’en faire personnellement l’expérience.
On ne sort jamais indemne de la lecture d’un roman. Celui-ci fait partie de ce que je qualifierai de « roman de jouvence ». Il a été ma cure ces dernières semaines.
Sous l’éblouissement des rayons du soleil illuminant nos imaginaires, ligne après ligne, mot après mot, émotion après émotion, la lecture de cette œuvre envoûtante de Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye nous entraîne dans une expédition qui, à peine entreprise, devient une sorte de centre de rétention dont il est impossible de s’échapper. La lecture de ce roman nous propulse dans des imaginaires de contrées proches et lointaines, partie intégrante de nos quotidiens culturels et existentiels.
Soleils invincibles est un roman à charge pour diverses raisons que le lecteur découvrira au fil des pages. Ce roman est aussi un voyage. Une escapade touristique, devrais-je dire, qui nous invite à lire entre les lignes et entre les signes. On y découvre comment la nouvelle ruée vers « l’eldorado occidental » piège chacun dans l’étau de l’autre, agrippé à ses préjugés.
Lire Soleils invincibles m’a permis de découvrir ce que la claustrophobie identitaire doit à l’intolérance de la présence de l’autre, source de toutes les formes d’extrémismes. On y découvre notamment ce que l’on détruit en voulant construire ; ce que l’on perd en partant et ce que l’on gagne en revenant de ces contrées lointaines, fontaines d’imaginaires dégoulinant notamment dans l’esprit de nombreux jeunes migrants ou étudiants aimantés par l’Occident. Le risque derrière la volonté. L’horreur dans l’espoir. Le rêve d’un monde nouveau qui se heurte à la résurrection des vestiges d’un monde ancien, avec ses immondices de désillusions et déceptions que la magie des voyages et de la proximité n’a pas fait disparaître. À vouloir un « autre ici », l’on s’expose à sombrer dans un « même ailleurs », avec, à la clé, une vie en dents de scie faite de blessures à panser et à repenser à perpétuité.
J’y découvre en substance, à quel point la phobie de l’autre conduit toujours à la claustrophobie identitaire difficile à refouler. Ce qui suffit amplement à entraîner l’esprit dans un corps-à-corps entre le révoltant et le réconfortant. Sans le moindre préavis devant l’horreur, il cherche à faire vivre l’horreur aux récalcitrants asphyxiés par la déportation de l’espoir vers des terres promises encore et toujours compromises par leur désir de vivre dans une bulle.
Pour de nombreux jeunes d’ici, réussir consiste à voyager pour ne pas finir sur le pavé des origines qui maintiennent les rêves d’ailleurs en résidence surveillée. Être présent dans des lieux propices à l’éclosion des ambitions. Perdre le contact avec les siens. Nouer de nouveaux liens à partir des géométries de l’imaginaire cherchant à se juxtaposer à la géographie des nouveaux eldorados, où l’ambition vient déposer ses valises et bien souvent ses illusions. Abandonner par lâcheté ou par nécessité parents, pays, travail, convictions, repères, etc. pour aller vivre ailleurs, loin des siens et de tous ces « trop de riens » caractéristiques de son monde fui, malgré ses beautés endormies et ses richesses ensevelies qui ne permettent pas de mettre la main sur le bonheur toujours fuyant et furtif.
Véritable machine à broyer des destins rêvés, planifiés, caressés, le voyage devient une morsure envoûteuse et venimeuse qui laisse des traces inhospitalières sur les présences corporelles, culturelles ou autres. Sortir du néant pour trouver une place au soleil délocalisé. Soleils invincibles en dépit des récurrentes attaques historiques, culturelles et existentielles. Soleils résilients face à la brutalité des errances et remontrances venant et partant d’ici, tels les braquages affectifs tendus au nom du brassage parental ou de la géopolitique des tracasseries, conventions et convenances familiales, oscillant entre finesse diplomatique et réalisme sentimental. Éloges et blâmes. Tensions et réconciliations. Pertes et gains. Gré et regrets. Fantaisies et caprices.
Lire Soleils invincibles permet de voir et de savoir, en regardant ces terres promises et compromises qu’il ne suffit pas de les chérir pour espérer les conquérir. L’ambition devient transgression. L’impression une conviction. L’expression une forme d’agression, l’identité une réputation qui n’inspire ni le respect, ni la compassion ou l’empathie. Ces « gens-là » semblaient venir d’une autre galaxie, même si on les voyait partout ; qu’on applaudissait leurs semblables quand ils battaient des records sportifs ou se faisaient distinguer dans des performances sportives ou musicales. La présence acceptée suffit largement comme présent à apprécier. Le flux des plus belles rencontres peut à tout instant virer aux plus moches séparations.
Eldorado. De rocades en bivouacs et de bastonnades en couacs administratifs, à partir d’une conception de la vie, moins en termes de carrière ou de projet, que d’opportunités offertes par un nomadisme souvent fait, au besoin, d’improvisations, mais toujours guetté par l’imprévisible qui frappe à l’improviste. L’arbitraire punit au hasard, frappant sans discrimination pour mieux discriminer en toute discrétion, avec la complicité d’une force censée émaner du droit et de la justice pour faire régner l’ordre, mais qui ne s’encombre pas des bonnes mœurs, pourtant plus importantes que toutes les lois.
Loin de soi. Loin de la loi. On finit par se rendre compte que la présence non autorisée est la première défiance à la loi. Ne point s’interdire de faire des choses que la loi interdit tout comme celui qui se sait, en dépit de toutes les considérations éthiques, qu’il est le premier à violer la loi en devenant un clandestin. Je devrais dire « présence à caractère clandestin ». La nuance est de taille.
Parti en quête de sécurité, se retrouver dans un « dilemme de sécurité » face à la « gangstérisation de l’identité ». Se retrouver en danger devant des fauves et des êtres d’armes en uniformes, sans état d’âme ni pitié de l’être devant les identités qu’ils ne considèrent pas comme partie intégrante de l’humanité pour mériter liberté, égalité et fraternité. Inaptes à s’ajuster à la cosmopolite contemporaine. Prêts à vous intoxiquer l’existence pour vous inciter à renoncer à nourrir une quelconque ambition de recommencer votre vie en dehors de votre lieu de naissance et d’assignation à résidence ; de ne tenter aucune pirouette en prenant la direction corrompue du bon vent indiquée par la girouette de l’imaginaire occidental, terre d’abondance, de style de vie idéal, de prospérité inépuisable ou d’hospitalité pour les réfugiés aux motivations diverses et variées, mais toujours légitimes parce que justifiées, même étant illégales.
Le juste n’est pas toujours légal. Le légal n’est pas toujours juste. L’équilibre se perd. Les équilibristes s’y retrouvent et en abusent, tel le lecteur qui ne se contente pas juste de lire ; mais qui réécrit au risque de trahir. Que l’imagination nous en garde.
Ibrahima Silla est enseignant-chercheur en science politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis.
LE FMI PREND SON TEMPS
Le Fonds, qui a gelé son programme d'aide de 1,8 milliard de dollars, aurait annoncé jeudi que sa décision concernant une possible dispense ne serait pas prise avant mai, plongeant Dakar dans une période d'incertitude prolongée
(SenePlus) - La décision du Fonds monétaire international (FMI) concernant un possible remboursement des fonds déjà versés au Sénégal dans le cadre d'un programme désormais gelé ne sera pas prise avant mai, a annoncé l'institution jeudi. Cette annonce vient compromettre l'objectif du pays ouest-africain de mettre en place un nouveau programme d'aide d'ici juin, selon des informations exclusives rapportées par Reuters.
D'après trois participants à une conférence téléphonique avec les investisseurs, Edward Gemayel, chef de mission du FMI pour le Sénégal, a indiqué que les discussions concernant un nouveau programme de sauvetage financier - qui suivraient une décision sur la dispense de remboursement - ne devraient débuter qu'en juin ou juillet.
Le FMI a gelé son programme d'aide de 1,8 milliard de dollars après que le nouveau gouvernement sénégalais, élu l'année dernière, a révélé que l'administration précédente avait communiqué des données économiques erronées et que la dette du pays était en réalité plus élevée que ce qui avait été précédemment annoncé.
"Les autorités font tout leur possible pour obtenir la dispense", a déclaré un porte-parole du FMI à Reuters jeudi, précisant que "la date la plus proche à laquelle le conseil d'administration du FMI pourrait l'examiner serait mai".
La décision du conseil d'administration dépendra de l'obtention des données définitives sur la dette et d'un accord sur les mesures correctives, a ajouté le porte-parole. "Ce n'est qu'après ces étapes que les discussions sur un nouveau programme commenceront", a-t-il souligné.
Ce report du calendrier signifie que le Sénégal devra attendre plus longtemps avant d'obtenir des financements essentiels et de prendre des décisions critiques et politiquement sensibles en matière de dépenses.
La Cour des comptes avait révélé dans un rapport publié en février qu'à la fin de 2023, la dette totale du pays représentait 99,67% du produit intérieur brut, contre un chiffre précédemment enregistré de 74,41%. Une différence considérable qui a alerté les bailleurs internationaux.
Selon deux participants à l'appel, Gemayel a informé les investisseurs jeudi qu'un audit dirigé par le FMI avait confirmé les chiffres de la dette intérieure figurant dans le rapport de la Cour des comptes, mais avait constaté que la dette extérieure semblait être plus importante que ce qu'indiquait le rapport.
Malgré ces découvertes préoccupantes, les trois personnes qui ont participé à l'appel avec Gemayel jeudi, ainsi que deux personnes familières avec les activités du FMI au Sénégal, ont confié à Reuters que le Fonds devrait accorder la dispense au Sénégal.
Les discussions ultérieures sur un nouveau programme pour le Sénégal se heurteront à plusieurs défis, car le pays devra faire face à des pressions pour réduire les dépenses nécessaires afin de ramener la dette à des niveaux que le FMI considère comme durables.
En février, le gouvernement a déclaré qu'il plafonnerait les subventions aux carburants à 2% du PIB, mais il n'a pas précisé s'il était disposé à augmenter les tarifs pour y parvenir. Gemayel a déclaré à Reuters lors d'une interview en mars que "la réduction des subventions énergétiques constituerait une partie essentielle des réformes économiques".
Le Sénégal sera également poussé à limiter les exemptions fiscales - une autre mesure politiquement impopulaire pour les dirigeants du pays qui ont été portés au pouvoir il y a un an avec la promesse de soulager les difficultés économiques des citoyens.
Dakar fait face à d'importantes échéances de remboursement cette année, d'environ 3,85 billions de francs CFA, soit environ 6,7 milliards de dollars, selon son budget.
Face à cette situation critique, "les autorités ont exploité toutes les sources possibles de liquidités pour rembourser la dette, y compris en se tournant vers les marchés locaux", rapporte Reuters. Le gouvernement a ainsi annoncé la semaine dernière avoir levé 405 milliards de francs CFA lors d'une vente d'obligations de détail régionale.
Gemayel a également indiqué en mars que le Sénégal avait commencé à restructurer sa dette intérieure avec les banques et tentait de comprimer certaines dépenses.
Dans ce contexte d'incertitude, un porte-parole du ministère des Finances a qualifié la situation de "dynamique et en constante évolution". "Nous sommes actuellement vraiment concentrés sur la préparation des réunions de printemps du FMI, auxquelles nous participerons, et aussi sur la mise en œuvre des réformes comme nous l'avons indiqué", a-t-elle précisé, faisant référence aux réunions qui débuteront la semaine prochaine à Washington.
Alors que le pays attend avec anxiété la décision du FMI, la capacité du nouveau gouvernement à naviguer entre les exigences des institutions financières internationales et les attentes de sa population constitue un défi majeur pour l'avenir économique du Sénégal.
Par Serigne Saliou DIAGNE
ŒUVRE SÉNÉGALAISE DE RÉDUCTION DES LIBERTÉS D’EXPRESSION
Alioune Tine a bien raison de dire aux micros de la 2STv que le Premier ministre Ousmane Sonko est atteint par toute la levée de boucliers sur les actes qu’il pose pour conduire le Sénégal, notamment à travers les réseaux sociaux qui furent jadis son nid
Je disais dans ces colonnes, la semaine dernière, que l’exercice des «Questions au gouvernement» ne se résumerait qu’à une foire de soliloques, avec «invectives, menaces plates, outrages et enfumages» qui y auront la part du lion. Je n’aurais pas été plus devin car le maître de cérémonie, en l’occurrence le Premier ministre Ousmane Sonko, n’aura pas ennuyé son monde. Il aura eu sa tribune toute dressée pour dézinguer tout ce qui bouge et surtout donner le tempo d’une deuxième année d’une gouvernance de rupture qui se cherche encore entre slogans creux, retard à l’allumage et volonté de bander des muscles devant tout le monde. Reprochant à une partie de l’opposition son absence, les coups de mortier n’ont pas manqué. Et sur tous les sujets, notre tout-puissant Pm ne sera pas passé par mille chemins pour annoncer la couleur.
Le Premier ministre s’insurge de l’absence des députés de l’opposition à la séance des «Questions au gouvernement». Ces derniers sont bien dans leur droit de ne pas être présents quand invectives et attaques personnelles leur sont servies à foison, en leur présence ou absence. Ce n’est pas ainsi qu’il pourra promouvoir un dialogue parlementaire serein.
Au titre du débat public, il se sera lâché comme nul autre, en se posant comme gendarme des consciences et censeur attitré de l’espace public. Il érigera le délit de diffusion de fausses nouvelles, ce fourre-tout liberticide dont seul le Sénégal a le secret, pour en faire son sabre dans une croisade contre tous les impertinents, zélés de la parole et contradicteurs. Quand un Premier ministre se permet de nous dire qu’il mettra sa main dans certaines affaires et qu’il a eu à prendre en main certains dossiers en instance devant nos juridictions, il y a de quoi être désespéré pour les lendemains à venir. Si quelqu’un a bénéficié de tous les avantages et excès de la parole libérée, en tant qu’acteur politique, c’est bien lui. Que ça peut être gauche de servir des condamnations pénales à toute personne qui ne voudrait pas restreindre son vocabulaire, afin de ne pas froisser un gouvernement et son parti-Etat !
Au titre du fonctionnement de la Justice, le Premier ministre feindra de ne pas exercer de pression sur les magistrats et le ministère de la Justice. Au rythme où vont les affaires en ce moment dans le temple de Thémis, on peut bien douter de ça. Une Justice à plein régime prend ses aises, et tout ce qu’il y aura pour secouer des cocotiers et baobabs sera mis sur la table. Oui pour une reddition des comptes, mais cela dans les règles de l’art, dans le respect de la présomption d’innocence et une préservation de la dignité des personnes qui ont à se justifier devant les cours et tribunaux. La soif de vengeance et la méchanceté aveugle auront poussé certains commentateurs, pour ne pas dire journalistes, à demander que les gens soient envoyés en prison, même si des cautions sont versées, avant de tirer au clair les forfaits commis. Tout devient ridicule si l’exigence de transparence et l’impératif de reddition des comptes sont troqués contre un agenda de vendetta. Le Sénégal ne finira pas encore de panser les plaies.
Epictète disait ce qui suit dans son manuel de liberté de penser et de savoir-vivre, De l’attitude à prendre envers les tyrans : «Si un homme possède une supériorité quelconque, ou s’imagine du moins la posséder, alors qu’il n’en est rien, cet homme, s’il manque d’éducation philosophique, en sera inévitablement tout bouffi d’orgueil.» Il pousse son argumentaire plus loin dans la logique que les autocrates ont de ne pas se sentir, en lâchant la sentence qu’un tyran peut dire, sans gêne aucune, qu’il est «le plus puissant du monde». Le discours du Premier ministre au pupitre de l’Assemblée, nous affirmant son «indestructibilité politique», a de quoi embrasser les contours des affirmations des chefs de meute pour se conforter dans leur toute-puissance, et surtout nier de façade à toute force contraire ou antagoniste, la capacité de les toucher. Je suis du genre à croire crânement que tout ce qui sort par la parole dans le sens de menacer, d’intimider ou de se la jouer dur, n’est que reflux d’un subconscient rongé par le doute ou ne cessant de se remettre en cause continuellement. Quand un chef fait ce genre d’affirmation, sa carapace s’est déjà affaissée et toute logique d’exhiber une puissance ou une maîtrise du cours des choses n’est que chute sans fin dans des abîmes. Le droit-de-l’hommiste Alioune Tine a bien raison de dire aux micros de la 2STv que le Premier ministre Ousmane Sonko est atteint par toute la levée de boucliers sur les actes qu’il pose pour conduire le Sénégal, notamment à travers les réseaux sociaux qui furent jadis son nid d’ange, pour dire devant la Représentation nationale qu’il est «politiquement indestructible». Tywin Lannister, personnage de la fiction à succès Game of Thrones, disait bien que tout homme qui sent le besoin de dire qu’il est roi, n’en serait pas un. A chacun de se faire sa religion !
Il y a tout juste cinq semaines, en réponse à Abasse Fall qui disait tout haut que son leader «Ousmane Sonko ne sera plus jamais la cible des insulteurs», je démontrais le procédé par lequel la machine Pastef avançait pas à pas dans une logique de canonisation de son chef pour qu’à terme, évoquer son nom suffirait d’être un péché et un crime majeur. La série de convocations de journalistes, de chroniqueurs et d’activistes en dit beaucoup sur un régime qui est allergique aux armes qu’il aura utilisées sans concession pour se faire une légitimité jusqu’à prendre le pouvoir. Une connaissance, avec un cœur militant pour Pastef, se permettra de m’appeler pour me souligner une hostilité envers sa formation politique et chercher à déconstruire ou peindre négativement tout ce qui venait de leur chef. J’aurai rappelé à cette connaissance ses propres publications, incitant à tort et travers à des casses, ses publications Facebook remplies de haine injustifiée avec leurs lots d’insultes, son statut WhatsApp jubilatoire quand une tentative d’attaque avait été faite contre mon domicile familial. Il y a des réponses qui prennent un temps fou à être servies, mais il est bien, face à l’hypocrisie et une fausse morale consciente, de mettre à nu les gens dans leur couardise et leur sensibilité à géométrie variable. Les muses procurent l’oubli des maux et la fin des douleurs, disait Hésiode. Dans le Sénégal actuel, on pourrait se dire que le débat public et l’espace politique est un triste ballet entre Calliope, muse de l’éloquence, et Thalie, muse de la comédie. Autour de la fontaine d’Hippocrène, à défaut d’inspiration poétique, tout est mis en œuvre pour détruire des adversaires politiques, salir des réputations et mettre au pas des populations. La muse de la parole étant «la plus puissante de toutes», pour taire les esprits, il faut s’attaquer aux discours et faire taire les voix. Ce cirque tragique a de quoi taquiner les muses et tout esprit lucide. Au moment du bilan, on se rendra compte qu’en peu de temps, un modèle de démocratie aura été détruit et des progrès réalisés au gré de longues luttes, anéantis. Tout cela pour plaire à un seul homme. Que la décadence d’une Nation, lorsqu’elle se vit aux premières loges et jour après jour, peut être hideuse !
VIDEO
LES 13 VISAGES OUBLIÉS DE L'AFRIQUE LIBRE
Du Congo au Zimbabwe, du Mali à l'Afrique du Sud, les architectes des indépendances africaines tombent peu à peu dans l'oubli. Pierre Haski s'alarme de cette amnésie collective et propose un voyage édifiant à travers leurs parcours exceptionnels
Pierre Haski vient de publier "Décolonisations africaines", un ouvrage adapté de son podcast pour France Inter. Dans ce livre préfacé par l'historien Pap Ndiaye, l'auteur retrace le parcours de treize figures emblématiques qui ont façonné l'histoire des indépendances africaines.
De Patrice Lumumba à Nelson Mandela, en passant par Modibo Keita et Félix Houphouët-Boigny, le journaliste propose un voyage à travers les destins extraordinaires de ces "pères de la nation". Le projet est né d'un constat alarmant : les jeunes générations, y compris issues de la diaspora, méconnaissent souvent cette histoire fondatrice qui continue pourtant d'influencer l'Afrique contemporaine.
L'auteur, ancien correspondant de l'AFP en Afrique du Sud pendant l'apartheid, évoque avec émotion sa rencontre avec Nelson Mandela, qu'il considère comme la figure la plus exemplaire pour son courage et sa sagesse politique. Il met également en lumière des personnalités sous-estimées comme Sylvanus Olympio, premier président du Togo, économiste brillant assassiné pour sa rigueur gestionnaire.
Pierre Haski souligne le paradoxe troublant de certains parcours : des idéalistes de la libération transformés en dirigeants autoritaires face aux défis concrets du pouvoir, à l'image de Robert Mugabe au Zimbabwe.
Pour l'auteur, comprendre cette période historique est essentiel pour construire aujourd'hui des relations internationales plus équilibrées et égalitaires entre les continents.
"Décolonisations africaines" est disponible aux éditions Stock.