Le viol est un crime. Un crime violent, dévastateur, qui ne laisse aucune victime indemne. Il détruit le corps, bouleverse l’esprit, érode l’estime de soi, fracture les liens familiaux et sociaux. Il peut engendrer des troubles post-traumatiques, des dépressions chroniques, de l’isolement, voire des pensées suicidaires. Et pourtant, malgré cette gravité, le viol est aujourd’hui traité comme un sujet de débat banalisé. Un fait dont chacun peut se saisir sans en comprendre ni la portée ni la douleur.
La sensibilité du sujet n’impose plus, hélas, une quelconque retenue ou maîtrise avant de s’exprimer. Dès qu’un cas de viol émerge, c’est une course à l’opinion. Comme des vautours, beaucoup se précipitent sur l’affaire, non pas pour comprendre ou compatir, mais pour juger, spéculer, et surtout jeter l’opprobre sur celle qui a osé parler. Le réflexe est trop souvent de protéger l’agresseur présumé et de culpabiliser la victime, comme si son malheur était suspect, comme si sa souffrance devait être justifiée.
La loi n°2020-05 du 10 janvier 2020, qui a renforcé la législation existante en criminalisant explicitement les actes de pédophilie et de viol, a été adoptée dans un contexte d’urgence sociale. Cette avancée législative, bien que salutaire, ne résulte ni d’un éveil soudain des institutions ni d’un simple élan humanitaire. Elle est le fruit de longues luttes menées par les organisations féminines et féministes, mais aussi -et surtout- d’une série de faits divers dramatiques, notamment des cas de viols suivis de meurtres, qui ont profondément choqué l’opinion publique. Le meurtre de Bineta Camara en 2019, tout comme d’autres affaires similaires à Thiès ou Kaolack, a mis à nu l’inaction chronique de l’Etat face à ces violences sexuelles, forçant ainsi l’Exécutif à réagir sous la pression populaire.
Nous étions tous d’accord : le viol et la pédophilie sont des réalités au Sénégal. Cette loi, bien que tardive, était devenue inévitable face à l’horreur répétée de faits divers qui mettaient en lumière notre incapacité à protéger les femmes. Mais si l’on ne prête pas attention au discours qui émerge aujourd’- hui, nous risquons de perdre ces acquis fragiles. Une partie de la population sénégalaise semble frappée d’amnésie collective : on oublie si vite la situation dramatique qui a précédé cette loi, les cris des familles brisées, l’indignation populaire et les mobilisations sans relâche des militantes. Aujourd’hui, ce que nous constatons, c’est une banalisation inquiétante du viol dans les discours publics. La manière dont les gens s’expriment sur ces sujets témoigne soit d’une ignorance totale, soit d’un mépris qui ne dit pas son nom. Cela révèle à quel point une clarification est nécessaire.
Le viol, selon la loi sénégalaise, est défini à l’article 320 du Code pénal comme «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur une personne par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise». Cependant, un flou persiste autour de cette notion, alimenté par des ambiguïtés juridiques, des résistances sociales et un traitement inadéquat des victimes.
Si l’on se base sur cette définition, il devient évident que la question de la virginité de la victime n’a aucune pertinence. Pourtant, dans les discussions publiques et même parfois dans les procédures, cette question revient comme un critère d’authenticité ou de gravité du viol, ce qui constitue une forme grave de stigmatisation. Cette logique perversement morale continue d’alimenter la stigmatisation des survivantes et empêche une prise en charge objective et juste des cas de violences sexuelles.
De plus, les gens semblent largement ignorer le rôle crucial du certificat médical dans la procédure. Ce document ne sert pas à juger de la moralité ou de l’historique sexuel de la victime, mais à établir des preuves médicales de violences subies : lésions, traumatismes, traces d’Adn, etc. Il est un outil juridique permettant d’appuyer la plainte et de protéger les droits de la victime.
La banalisation actuelle du viol dans l’espace public est aussi le fruit d’une histoire récente qui a profondément marqué le pays. En effet, le viol s’est invité au cœur du débat politique et médiatique national, exposé à travers une affaire très médiatisée impliquant une figure politique influente. Pendant des mois, cette affaire a polarisé l’opinion, éclipsant les enjeux de fond et réduisant les violences sexuelles à un terrain de querelles partisanes. Cette politisation du viol a contribué à brouiller les repères et à affaiblir la gravité perçue de ce crime. En lieu et place d’un débat sur la protection des femmes, nous avons assisté à une lutte d’influence où les paroles des victimes ont été minimisées. Cette séquence a laissé des séquelles durables : aujourd’hui, évoquer un cas de viol dans l’espace public suscite davantage de suspicion que de solidarité.
La culture patriarcale profondément ancrée dans la société sénégalaise joue un rôle-clé dans la persistance de ce flou. Les stéréotypes de genre, le manque de sensibilisation et le tabou entourant les violences sexuelles participent à la banalisation du viol. Souvent, la victime est perçue comme responsable, qu’elle ait provoqué l’agression par son comportement, sa tenue vestimentaire ou sa manière d’interagir. C’est une culture du silence qui protège l’agresseur et culpabilise la victime.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est cette étrange tendance de la société à accorder plus d’empathie aux bourreaux qu’aux victimes. On observe de plus en plus fréquemment des familles d’auteurs présumés de viol se présenter devant la presse, non pas pour exprimer leur compassion envers la victime, mais pour dénoncer des complots, accuser d’autres femmes ou chercher à discréditer la parole de celle qui accuse.
Il n’est pas rare de voir émerger des élans de solidarité en faveur de l’accusé : des campagnes de soutien, des collectes de fonds, des hashtags de réhabilitation. Cette inversion morale inquiète. Car, en réalité, il est extrêmement difficile d’inculper une personne de viol si elle n’a rien à se reprocher. Le système judiciaire, déjà lent et lourd, exige des preuves tangibles. Si la procédure aboutit, c’est que des éléments solides ont été retenus.
Par ailleurs, l’un des arguments les plus fréquemment brandis pour discréditer les victimes est celui des fausses accusations. Il faut pourtant rappeler que les fausses accusations de viol représentent une minorité infime des cas. Les études internationales sérieuses, notamment celles de l’Onu ou d’Amnesty International, estiment qu’elles représentent entre 2 et 8% des plaintes. En d’autres termes, plus de 90% des accusations sont fondés.
Les femmes victimes de viol, déjà souvent isolées par la violence qu’elles ont subie, doivent aussi faire face à la stigmatisation sociale. La peur du jugement, de la non-reconnaissance de leur souffrance et le manque de soutien font que de nombreuses victimes choisissent de ne pas porter plainte. Elles se retrouvent dans une situation de vulnérabilité encore plus grande, ce qui perpétue la culture de l’impunité et de la souffrance silencieuse.
Le flou persistant autour de la notion de viol au Sénégal appelle non seulement à une réforme juridique plus rigoureuse, mais surtout à un changement profond des mentalités. Il est urgent d’éduquer sur le consentement, de déconstruire les stéréotypes qui culpabilisent les victimes et de créer des espaces de parole et de protection.
La société tout entière doit se sentir concernée. Cela commence par écouter, croire, accompagner, mais surtout par refuser de banaliser.
Nous devons refuser collectivement ce glissement vers l’indifférence. Il est temps d’agir, chacun à son niveau, pour bâtir une société qui protège les corps, respecte les voix et rend justice aux silences trop longtemps ignorés. Le viol n’est pas une simple question de définition juridique : il est le reflet de résistances sociales, d’un manque de conscience collective et d’une justice souvent inadaptée aux réalités des victimes. Tant que ce flou persistera, les femmes continueront à être les premières victimes de la violence et du silence. Ce flou ne doit plus couvrir nos silences : il est temps de faire la lumière, ensemble.
AL JAZEERA BLOQUÉE EN CASAMANCE
Les autorités sénégalaises auraient intercepté dimanche une équipe de la chaîne à Ziguinchor, confisquant équipements et documents. Nicolas Haque et sa collaboratrice Magali Rochat, pourtant dûment accrédités, auraient été sommés de quitter la région
(SenePlus) - Selon un communiqué de presse de l'Association de la Presse Étrangère au Sénégal (APES) daté du 13 avril 2025 parvenu à notre rédaction, une équipe de journalistes d'Al Jazeera a été détenue par les autorités sénégalaises lors d'une mission en Casamance.
L'équipe, dirigée par Nicolas Haque, chef du bureau d'Al Jazeera au Sénégal qui couvre l'Afrique de l'Ouest, et sa camerawoman Magali Rochat, a d'abord été interpellée par la police à son arrivée à l'aéroport de Cap Skirring à Ziguinchor dimanche. Après avoir été initialement libérés, ils ont été de nouveau interpellés à leur hôtel par des éléments de la gendarmerie nationale.
Les journalistes ont été conduits dans les locaux de la brigade de gendarmerie où ils ont subi des interrogatoires séparément, chacun pendant environ une heure, concernant leur déplacement prévu en Casamance. La mission de reportage portait sur le retour des déplacés de guerre dans leurs villages d'origine.
À l'issue de leur audition, les journalistes ont été libérés, mais leur matériel de reportage et leurs passeports ont été confisqués. Les autorités les ont informés qu'ils seraient renvoyés à Dakar dès le premier vol ce lundi 14 avril 2025.
L'APES dénonce fermement ce qu'elle qualifie "d'entrave sans précédent dans l'histoire du Sénégal" à l'exercice du travail journalistique d'une équipe régulièrement accréditée. L'association exige la restitution sans condition du matériel de travail des journalistes d'Al Jazeera et appelle les autorités sénégalaises à respecter la tradition d'ouverture et de tolérance du pays envers la presse.
Le communiqué souligne que le Sénégal accueille l'un des plus grands nombres de correspondants de presse en Afrique et a historiquement entretenu de bonnes relations avec les médias étrangers.
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SEYDI GASSAMA APPELLE AU BOYCOTT D’ISRAËL
Le directeur d'Amnesty International Sénégal a exhorté dimanche, ses compatriotes à boycotter tous les produits israéliens, qualifiant Netanyahu de « criminel » et dénonçant les bombardements à Gaza
Lors d'une importante manifestation de solidarité avec le peuple palestinien qui s'est tenue dimanche à Dakar, Seydi Gassama, directeur exécutif d'Amnesty International Sénégal, a lancé un vibrant appel au boycott des produits israéliens.
Face à une foule nombreuse rassemblée dans la capitale, le responsable de l'ONG de lutte pour les droits humains a haussé le ton contre Israël, dénonçant les bombardements à Gaza qu'il qualifie d'"inacceptables". "Ce qui se passe à Gaza nous interpelle tous, c'est notre humanité à chacun de nous qui est interpellée", a-t-il déclaré avec émotion.
Dans son discours, Seydi Gassama a particulièrement insisté sur la nécessité d'un boycott économique. "Il faut boycotter Israël", a-t-il martelé, ciblant spécifiquement certains produits distribués localement. "Il faut boycotter les dattes de l'ambassadeur d'Israël à Dakar. Aucun Sénégalais ne devrait prendre les moutons de Tabaski de l'ambassadeur d'Israël", a-t-il poursuivi avec fermeté.
Le directeur d'Amnesty a qualifié ces dons d'"argent taché de sang", accusant Israël de chercher à "acheter la conscience des Sénégalais" tout en poursuivant ses opérations militaires à Gaza. "Ce sont des criminels qui confisquent la terre des Palestiniens, qui détruisent les habitations des Palestiniens", a-t-il affirmé.
Cette manifestation a rassemblé un large spectre de la société sénégalaise, avec la présence notable de nombreux députés et de diverses personnalités politiques. Seydi Gassama a également appelé le gouvernement à "continuer à être proactif" et à se joindre à l'Afrique du Sud dans ses actions juridiques internationales contre Israël.
"Netanyahu est un criminel qui doit répondre de ses crimes devant la Cour pénale internationale", a conclu le responsable d'Amnesty International, sous les applaudissements de la foule qui scandait "Boycotte Israël" et "Vive la résistance".
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SAUVER LES CARS RAPIDES
Assane Niang et son collectif luttent pour préserver les cars rapides de Dakar, véritables œuvres d'art ambulantes aux décorations riches de messages culturels. Un patrimoine sénégalais menacé de disparition
À Dakar, un symbole culturel emblématique est menacé de disparition. Les cars rapides, ces fourgonnettes Renault aux couleurs vives qui sillonnent les rues de la ville depuis une soixantaine d'années, font face à une modernisation progressive des transports urbains.
Assane Niang, un Dakarois engagé, refuse de voir s'éteindre ce qu'il appelle des "œuvres d'art volantes". Il a créé un collectif, "Car Rapide Tour", pour sensibiliser à la valeur culturelle de ces véhicules. "Souvent à partir des cars rapides, on connaît un peu la mentalité des Sénégalais", explique-t-il.
Ces minibus colorés sont bien plus que de simples moyens de transport. Leurs décorations extérieures, réalisées par des artistes locaux, véhiculent des messages de foi et des valeurs traditionnelles. Les inscriptions comme "Baril" pour évoquer la générosité maternelle ou "Ni deu" pour rappeler les vertus de discrétion et d'ouverture d'esprit sont des expressions visuelles de la culture sénégalaise.
À l'intérieur, les cars rapides offrent un espace social unique. Contrairement aux transports modernes, ils favorisent les conversations entre passagers, créant une ambiance conviviale typiquement sénégalaise. "C'est un peuple de contact et c'est le car rapide qui nous permet d'avoir cet espace", souligne Niang.
Si les autorités jugent ces véhicules trop vétustes et polluants, ils restent l'un des moyens de transport les plus abordables de Dakar et les seuls disponibles la nuit pour les travailleurs nocturnes. "C'est un moyen qui aide beaucoup de compatriotes à pouvoir survivre face au temps difficile", défend l'Observateur de France 24.
Face à cette disparition programmée, le collectif d'Aassan Niang s'efforce de valoriser ce patrimoine auprès des touristes et mobilise artistes et stylistes pour sa préservation. Son message aux autorités est clair : "C'est un patrimoine à préserver. Si il disparaît, c'est une partie de notre patrimoine que nous n'allons plus voir."
THIAT PREND LES COMMANDES DE Y EN A MARRE
L'artiste rappeur Oumar Cyrille Touré a été élu ce dimanche 13 avril 2025, nouveau coordonnateur du mouvement citoyen. Il succède à Aliou Sané, qui dirigeait l'organisation depuis 2019
L’artiste rappeur, Oumar Cyrille Touré alias ”Thiat” a été élu dimanche, nouveau coordonnateur du mouvement citoyen ”Y en a marre”, a appris samedi l’APS.
Il remplace à ce poste Aliou Sané, à la tête de ce mouvement depuis 2019.
”Au terme d’une assemblée générale de trois jours, tenue à Warang, le mouvement Y en a marre a élu, ce samedi, un nouveau bureau, avec Oumar Cyrille Touré Alias Thiat comme coordonnateur et Abdou Khafor Kandji comme vice-coordonnateur”, rapporte un communiqué dudit mouvement.
”La nouvelle équipe a la responsabilité de porter et (de) mener l’action du mouvement pour les trois prochaines années”, précise le même document.
Par ailleurs, le mouvement Y en a marre a adressé ”sa vive et profonde reconnaissance” au coordonnateur sortant Aliou Sané, qui a assuré la coordination pendant six ans.
”Son leadership courageux , sa résilience face aux tempêtes et sa fidélité inébranlable aux valeurs de Y en a Marre ont donné de l’énergie et des résultats concrets dans les grandes luttes auxquelles le mouvement a participé”, note le communiqué.
”Il a su tenir haut le flambeau du mouvement dans les moments les plus critiques, avec honneur et conviction”, ajoute-t-il.
ENTRÉE FOUDROYANTE POUR TAPHA TINE EN MMA
Le lutteur Tapha Tine a remporté son premier combat de MMA à Lomé face au champion thaïlandais Ted Benz. Malgré des hésitations en début d'affrontement, le colosse du Baol n'a eu besoin que d'un round pour mettre son adversaire KO
Le lutteur sénégalais Tapha Tine a signé, sa toute première victoire en arts martiaux mixtes (MMA), samedi soir à Lomé (Togo), en mettant KO dès le premier round le champion Thaïlandais de muay thaï, Ted Benz.
Malgré un début de combat marqué par quelques hésitations, le colosse du Baol a surpris son adversaire par un crochet puissant, qui s’est révélé décisif. Ce coup fulgurant a mis fin aux débats et permis à Tapha Tine, de réussir son entrée dans l’univers du MMA.
L’autre belle performance sénégalaise de la soirée, vient du champion de kickboxing, Mouhamed Tafsir Ba qui s’est imposé face à l’Algérien Lazreg.
Le lutteur Général Malika a lui aussi brillé en remportant son premier combat en MMA par KO contre le Camerounais Fanfan Latulippe.
De son côté, Petit Lo a également triomphé avec une victoire par KO technique face au Togolais Badaro Essorézam.
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LA REVANCHE PLUTÔT QUE LES RÉFORMES
Alfred Shango Lokoho n'y va pas par quatre chemins : "Le plus gros problème du Pastef, c'est Sonko." Le Premier ministre, accusé de s'immiscer dans toutes les prérogatives présidentielles, incarnerait une dérive inquiétante du pouvoir
Dans l'émission "Panel Hebdo" diffusée ce week-end sur Global Africa Telesud, les intervenants ont livré une analyse critique de la première année de gouvernance du Pastef, pointant du doigt les tensions au sommet de l'État et l'absence de changements concrets pour les citoyens.
Alfred Shango Lokoho, l'un des principaux invités, a été catégorique : "Le plus gros problème du Pastef aujourd'hui, c'est Sonko." Selon l'analyste, l'actuel Premier ministre serait enfermé dans "une logique de revanche" et chercherait à "tout contrôler", y compris le président Bassirou Diomaye Faye, qu'il considérerait comme un simple "plan B" devenu "plan A" par la force des circonstances.
Les experts ont unanimement constaté qu'après un an d'exercice du pouvoir, peu de changements tangibles sont perceptibles pour le citoyen sénégalais ordinaire. Le nouveau régime semble davantage préoccupé par la dénonciation de l'ancien gouvernement que par la mise en œuvre de réformes concrètes. "Ils ont combattu Macky Sall pour exister, ils l'ont diabolisé pour venir au pouvoir, et pour gouverner, ils l'accusent de tous les maux", a souligné l'un des intervenants.
Un déséquilibre institutionnel inquiétant a également été relevé. "Le Premier ministre donne l'impression que c'est lui qui a été élu au suffrage universel, c'est lui qui détermine la politique de la nation, c'est lui qui nomme à toutes les fonctions civiles et militaires, alors que c'est une prérogative du président de la République", a fait remarquer un participant, évoquant une situation où "le président de la République serait un subalterne politique de son Premier ministre".
Paradoxalement, alors que le Pastef continue de critiquer l'ancien président Macky Sall, ce dernier jouit d'une reconnaissance internationale croissante, comme en témoigne sa récente nomination au conseil d'administration de la Fondation Mo Ibrahim. Les intervenants ont souligné le contraste entre cette attitude et "l'élégance" traditionnelle des anciens présidents sénégalais qui, comme Macky Sall, s'abstiennent généralement de critiquer leurs successeurs.
L'émission a également abordé le cas de Barthélémy Dias, maire de Dakar, décrit comme "l'objet d'une bronca permanente" de la part du nouveau pouvoir, illustrant selon les intervenants la difficulté du Pastef à "passer de la posture d'opposant à celle de dirigeant" et à se montrer unificateur après la conquête du pouvoir.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
TANGANA SUR TEFES, UNE BALADE LITTÉRAIRE ENTRE NOSTALGIE ET FANTAISIE
EXCLUSIF SENEPLUS - Abdarahmane Ngaïdé marche sur un terrain pluriel, celui qui invite à un voyage poétique et à la douce matérialité de l’existence. C’est aussi un témoignage de la profondeur de la culture africaine
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Historien et écrivain prolifique, Abdarahmane Ngaïdé s’empare de tous les genres littéraires pour produire une œuvre singulière dont la stylistique navigue entre métaphysique, matérialité, historicité et poésie.
Pour ce nouvel ouvrage, Abdarahmane Ngaïdé nous convie à une promenade sénégalaise entre imaginaire, causeries et réalité. Sur les rives escarpées de la mémoire, du souvenir qui s’échappe et du présent, l’auteur prend des chemins de traverse qui se révèlent féconds et profondément évocateurs.
Cette balade littéraire commence par une cartographie de la nature qui, par sa seule puissance, est un objet de rêverie, de romanesque et de fougue. Cette balade impromptue est aussi un hommage à la réminiscence de l’enfance, ce royaume disparu, où les images, les couleurs, les odeurs sont si vivaces qu’elles nous habitent en permanence sans que nous parvenions réellement à les faire revivre. Ainsi, elles reprennent chair sous la plume de l’auteur, à l’aide de ces mots qui reconstruisent un monde géographique à la fois personnel et universel, à la fois disparu et à la fois vivant.
Car les images du promeneur philosophe qui observe sont aussi celles de notre mémoire collective. Elles appartiennent à notre histoire, elles constituent un récit familier fait de notre culture, de nos sensations aux paysages, de nos liens sociaux, de nos codes linguistiques, de notre pensée africaine, de nos valeurs fondatrices. Une nature et une culture qu’Abdarahmane Ngaïdé semble vouloir préserver malgré le temps qui passe. Car d’un monde disparu, on perçoit déjà les contours d’un monde qui renaît avec ses transformations mais inexorablement bercé par les traces anciennes et ancestrales. Ainsi le temps se transforme en une frise mouvante sans début ni fin.
Abdarahmane Ngaïdé nous propose une littérature exploratrice véritablement créative, toute en surprise, au détour des chemins et des fracas de l’océan, de la terre qui craquèle mais qui se régénère sous les pas du marcheur. C’est une promenade philosophique qui est en observation et qui pose un regard sur un monde en voie de disparition et sur les prémices du renouveau qui s’annonce.
C’est aussi un témoignage de la vie qui palpite, qui s’en va mais dont les vagues refluent sur les plages et les rochers. La corniche de Dakar est le théâtre de cette exploration vivante et vivifiante cadencée par un quotidien tendre, nostalgique et drôle.
Ainsi de cette expédition minuscule, Abdarahmane Ngaïdé en fait un voyage culturel qui ouvre les horizons de la vie dakaroise. La nature, la culture, la gastronomie, les dialogues des petits travailleurs ou encore ces déchets, objets oubliés et fracassés, qui se recyclent à l’infini dans le temps qui défile.
Ainsi Abdarahmane Ngaïdé marche sur un terrain pluriel, celui qui invite à un voyage poétique et à la douce matérialité de l’existence. C’est aussi un témoignage sensible de la profondeur de la culture africaine qui met au centre le récit de notre terre ancestrale, par des traditions transmises au fil des siècles, par la solidité de son altérité et par la continuité de ses dialogues cosmogoniques.
Ainsi le promeneur philosophe et poète Abdarahmane Ngaïdé nous entraîne savamment dans son sillage comme une promesse de renaissance sur nos terres de sagesse.
Amadou Elimane Kane est écrivain, poète.
Tangana sur Tefes, Abdarahmane Ngaïdé, littérature, éditions L’Harmattan, Dakar, 2019.
Six ans après les promesses d'Emmanuel Macron à Ouagadougou, le retour des biens culturels africains pillés pendant la colonisation reste enlisé dans les procédures. La France, à l'origine de cette dynamique, semble désormais à la traîne
(SenePlus) - Six ans après les promesses d'Emmanuel Macron lors de son discours à Ouagadougou, la restitution des biens culturels pillés en Afrique pendant l'époque coloniale reste un processus complexe et lent. Selon un article publié par Le Monde, la loi-cadre facilitant ces restitutions, promise par le président français, n'est plus à l'ordre du jour.
Le cas du "djidji ayôkwé", surnommé le "tambour parleur", illustre cette lenteur. Cet instrument de 430 kilos, confisqué en 1916 par l'armée française à la communauté des Ebriés en Côte d'Ivoire, fait l'objet d'une proposition de loi spécifique qui sera examinée au Sénat le 28 avril avant de passer à l'Assemblée nationale.
Comme le rapporte Le Monde, l'ancienne ministre de la Culture Rima Abdul Malak avait bien rédigé un projet de loi-cadre en 2023, mais celui-ci avait été retoqué par le Conseil d'État pour un vice juridique. L'actuelle ministre, Rachida Dati, "n'en a toutefois pas fait une priorité", selon le quotidien.
Cette situation provoque l'impatience des pays africains, à l'image du Mali qui réclame depuis 2022 la restitution de 81 objets. "Les recherches de provenance ont été faites, les preuves établies, mais on attend", déplore Daouda Keita, directeur du Musée national du Mali, cité par Le Monde.
Face à cette situation, certains pays africains se tournent vers d'autres nations européennes. D'après l'artiste sud-africaine Molemo Moiloa, cofondatrice d'Open Restitution Africa, "aujourd'hui, les pays les plus actifs sur ces sujets sont l'Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique."
La question de la destination finale des objets restitués fait également débat. Comme le souligne l'anthropologue camerounais François Bingono Bingono, "ce ne sont pas seulement des biens culturels qui ont été emportés. Ce sont aussi, souvent, des objets de culte, de liturgie, dont la place se trouve au sein des chefferies traditionnelles."
Dans ce contexte, la collaboration entre institutions africaines et européennes s'avère essentielle, à l'image du programme "Atlas de l'absence", mené conjointement par l'Université technique de Berlin et celle de Dschang au Cameroun.
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L'ESSAI QUI DÉBOULONNE LES IDOLES AFRICAINES
Chiffres à l'appui, Joël Té-Léssia Assoko ose l'impensable dans "Enterrer Sankara" en déconstruisant l'héritage du héros burkinabè. Tandis que l'AES et le régime sénégalais revendiquent cet héritage, le journaliste signe un plaidoyer pragmatique
(SenePlus) - Dans un essai aussi incisif qu'érudit, le journaliste économique Joël Té-Léssia Assoko s'attaque à l'héritage de Thomas Sankara et aux penseurs africains contemporains qui perpétuent, selon lui, des mythes économiques préjudiciables au développement du continent. Intitulé « Enterrer Sankara, essai sur les économies africaines », ce premier titre de la collection « Pépites jaunes » des éditions Riveneuve fait déjà polémique, rapporte Jeune Afrique.
« Ceci n'est pas un brûlot », prévient la quatrième de couverture. Pourtant, l'ancien rédacteur en chef adjoint de Jeune Afrique n'hésite pas à remettre en question l'héritage du révolutionnaire burkinabè, figure intouchable pour de nombreux Africains. Chiffres à l'appui, il déconstruit les politiques économiques mises en œuvre et les choix, parfois contradictoires, du capitaine qui n'est resté que quatre ans au pouvoir.
Selon l'auteur, Thomas Sankara représente un mythe « d'hérésies économiques », bien qu'il lui concède des idées novatrices en matière de santé et d'éducation. Ce que regrette particulièrement le journaliste franco-ivoirien, c'est que Sankara ait réussi à installer l'idée que la « révolution » soit la voie à suivre, une perspective qui mènerait à une impasse selon lui.
« Enterrer Sankara, c'est métaphorique », confie l'auteur à Jeune Afrique. « L'objectif, c'est de dépasser cet héritage. On ne peut pas résoudre les problèmes contemporains de l'Afrique avec ce référentiel des années 1980. D'autant qu'à l'époque, déjà, les politiques économiques de Sankara étaient vouées à l'échec ».
Le livre ne s'arrête pas à Sankara. Joël Té-Léssia Assoko élargit sa critique à plusieurs intellectuels africains influents comme Kako Nubukpo, Felwine Sarr, Achille Mbembe ou encore Célestin Monga. Tous sont accusés de perpétuer des idées utopistes et une tendance à « l'apitoiement sur soi ».
« Lorsque l'on met en avant de nouvelles façons de penser l'humain, de penser l'économie, c'est mentir à l'Afrique et se mentir à soi-même », écrit-il sans concession, selon Jeune Afrique. L'ouvrage s'inscrit néanmoins dans une réflexion plus large sur les modèles de développement du continent, avec une volonté affichée de pragmatisme.
La publication de cet essai intervient à un moment où la figure de Sankara connaît un regain d'influence. Comme le rappelle Jeune Afrique, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko prônent, à l'instar du capitaine burkinabè, la fin de la dépendance à l'Occident et placent le souverainisme économique au cœur de leur programme. De même, les juntes militaires au pouvoir dans plusieurs pays du Sahel revendiquent l'héritage sankariste.
Face à cette tendance, l'auteur regrette que ces régimes aient « l'émancipation politique comme seul programme » et délaissent les questions « technico-économiques » au profit d'envolées lyriques sur l'asservissement par l'aide au développement, la dette illégitime ou la prédation néocoloniale.
Pour le co-fondateur du think tank L'Afrique des idées, « la première loi de la pauvreté est l'économie ». Sa conclusion est sans appel : l'émergence du continent ne se fera qu'à condition d'une hausse significative et continue de la productivité.
À travers cet ouvrage de 151 pages, Joël Té-Léssia Assoko lance un pavé dans la mare des idées reçues sur le développement économique africain. Reste à voir comment les héritiers intellectuels de Sankara répondront à cette provocation assumée.