Dakar, 14 juil (APS) – Le chef de l’Etat, Macky Sall, a invité, mercredi, les acteurs du secteur agricole à se tourner vers l’agrobusiness pour atteindre l’autosuffisance alimentaire.
’’Pour développer le secteur agricole, il nous faut rompre avec les vieilles pratiques, ne plus considérer l’agriculture comme une activité par défaut, et tourner nos efforts vers l’agrobusiness, la seule façon d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et l’exportation de nos produits locaux’’, a-t-il déclaré.
Macky Sall s’exprimait ainsi à l’occasion de la cérémonie de remise de deux cents tracteurs et unités motorisés au profit de producteurs en provenance des quatorze régions du Sénégal.
’’Cet appui à nos producteurs s’inscrit dans le cadre de la poursuite du programme de modernisation et de mécanisation de notre filière agricole marquée notamment en 2018 par une remise de mille tracteurs cent pour cent subventionnés d’une valeur de trente-deux milliards, ainsi que vingt-deux moissonneuses aux productrices de la Valée et de l’Anambé’’, a fait savoir le chef de l’Etat.
Selon lui, d’autres ’’programmes de plus grande envergure suivront’’ afin de faire ’’de notre agriculture un véritable moteur de la croissance économique’’.
’’C’est la raison pour laquelle, depuis l’année dernière, j’ai fait passer le budget du ministère de l’Agriculture de quarante à soixante milliards de francs CFA’’, a-t-il indiqué, poursuivant que ’’cela nous a permis d’atteindre des productions records’’.
Toutefois, le président de la République est d’avis que ’’nous pouvons faire mieux’’.
Pour ce faire, ’’il nous faut mettre fin à notre dépendance aux aléas de la pluviométrie par une maitrise de l’eau à travers les différents systèmes d’irrigation’’, a t-il dit.
Il a dans le même sillage préconisé ’’une extension’’ des surfaces agricoles, notamment dans la vallée du fleuve Sénégal et dans le Bassin de l’Anambé (Kolda).
Macky Sall a en outre mis l’accent sur la nécessité de ’’faciliter davantage l’accès des producteurs aux marchés y compris les grandes surfaces pour le développement de la culture du consommer local, gage de viabilité du secteur’’.
Le chef de l’Etat a par ailleurs invité les bénéficiaires, de concert avec les autorités administratives locales, à un meilleur suivi et entretien du matériel remis.
Selon la présidente du regroupement des producteurs de maïs du Saloum (Kalolack, Fatick, Kaffrine), Nimma Diayté, ces unités motorisées, résultat d’une vieille doléance, vont considérablement améliorer les conditions de travail des producteurs, arguant qu’un tracteur peut labourer jusqu’à quatorze hectares par jour contre un hectare pour le cheval.
par Damien Glez
CLIMAT, QUAND LE SÉNÉGAL ET LE GHANA DÉCULPABILISENT LA SUISSE
Par le biais de projets de protection de l’environnement sur leur territoire, le Ghana et le Sénégal vont contribuer à compenser les émissions de CO2 de la Confédération helvétique
On connaissait la technique du « frère du Sud, je récupère quelques unes de tes matières premières à potentiel énergétique, je teste chez toi les procédures polluantes, je produis et consomme chez moi les joules et les watts et éventuellement, je te renvoie quelques déchets ». Depuis la prise de conscience, activiste et politicienne, du réchauffement climatique et du droit des peuples à ne pas inhaler la pollution des autres, le Sud peut aider le Nord, de façon inédite, à se déresponsabiliser d’une émission de gaz à effets de serre difficile à réduire drastiquement.
Même « portraitisée » sous la forme de montagnes suroxygénées censément pourvoyeuses d’air pur, la Suisse enclavée et industrialisée aura du mal à respecter son engagement de réduire de 50% ses émissions de gaz à effet de serre avant 2030, promesse faite dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat. C’est là, au milieu de cette grande foire du droit à polluer qu’entrent en jeu les pays moins industrialisés…
Accord compensatoire
Le 20 octobre dernier, la Suisse signait, avec le Pérou, un accord compensatoire présenté comme le « premier accord de ce genre au niveau mondial ». Le pollueur invétéré demande à ce que son émission de CO2 en partie incompressible soit jugée au regard de la baisse d’émissions de gaz à effet de serre qu’il aura permis dans d’autres pays. Une sorte d’autorisation à polluer obtenue chez les meilleurs élèves de la vertu énergétique.
Boulaye Dia, attaquant international sénégalais, qui évolue à Reims en Ligue 1, a signé un contrat de cinq ans en faveur de Villarreal, a annoncé mardi le club de Liga espagnole dans un communiqué.
"Le Villarreal CF a conclu un accord avec le Stade Reims pour le transfert de l'attaquant sénégalais Boulaye Dia, qui portera le maillot jaune pour les cinq prochaines saisons", a annoncé le club espagnol dans un communiqué.
Le montant du transfert n'a pas été précisé, mais selon la presse, il serait compris entre 12 et 15 millions d'euros.
Boulaye Dia, 24 ans, était arrivé à Reims en 2018.La saison dernière, il a disputé 36 matches, au cours desquels il a inscrit 16 buts.
par Frédéric Atayodi
MAGADASCAR ET LA TISANE ANTI-COVID, L’ESPOIR BRISÉ
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps - Le Covid Organics était devenu beaucoup moins une affaire de médecins-spécialistes que de politiciens. L’euphorie a été éphémère. Les autres peuples du monde peuvent-ils prendre les Africains au sérieux ?
#SilenceDuTemps - Lorsqu’en 2020, la planète tout entière était dans la tourmente, éprouvée par la Covid-19, frappée de plein fouet par cette pandémie inédite, Madagascar nous avait donné à espérer. La Grande Île a bluffé un tant soit peu le monde avant que l’affaire ne se révèle être un fiasco. La plante médicinale, artemisia annua, connu pour ses vertus thérapeutiques, notamment dans le traitement du paludisme, était la plante star à Madagascar. Elle aurait dû faire entrer cet État est-africain dans l’histoire, du point de vue sanitaire. Andry Rajolina, le président malgache, à grand renfort médiatique, nous a vendu le « Covid Oragnics » comme remède contre le Coronavirus. Il en a fait la démonstration devant les caméras du monde entier et reçu des honneurs de ses homologies du continent. Beaucoup d’Africains, le panafricanisme en bandoulière, espéraient vivement que la réponse à la pandémie vînt de la terre mère, l’Afrique. Mais l’euphorie a été éphémère et plus personne n’en parle. L’espoir a été brisé.
Les autres peuples du monde peuvent-ils prendre les Africains au sérieux ? En avril 2020, tambour battant, le président malgache Andry Rajoelina alias TGV a fait dans la précipitation en communiquant autour d’un produit dont l’efficacité n’est pas prouvée. Il espérait peut-être en récolter quelques bénéfices politiques.
La richesse de l’Afrique en matière de plantes médicinales est une évidence. Tant le potentiel est énorme. Madagascar a voulu valoriser ce patrimoine naturel alors que le monde s’agitait dans tous les sens pour trouver un remède contre le Coronavirus. C’est alors que le président nous a sorti pompeusement une tisane qui a fait la Une des journaux et qui est censée guérir le mal. Pour une maladie nouvelle, c’était trop tôt, mais les autorités d’Antananarivo semblaient un peu trop pressées d’annoncer « leur bonne nouvelle ».
Enthousiastes, des Africains n’ont pas hésité à défendre avec hargne et vigueur le Covid Organics à telle enseigne que quand des réserves étaient émises sur la recette, les pro-Covid-Organics y voyaient soit de la méchanceté, soit de la jalousie. Lorsque les critiques émanent des Africains, ce sont des ennemis du continent. Quand elles proviennent des Occidentaux, les pro-Covid Organics y voyaient de vilains impérialistes mus par leur complexe supériorité, voire par leur mégalomanie. Pourtant, la mise au point du Covid Organics n’aurait pas respecté les différentes étapes requises sur le plan scientifique.
À Madagascar, dès avril 2020, le produit avait été distribué sur l’ensemble du terroir national, et ce, contre l’avis de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et de certains médecins. En vérité, les réticences de l’OMS sont motivées par l'absence d'un essai clinique certifiant l'efficacité de l’artemisia annua (l’armoise annuelle) contre le Covid-19, aussi bien à titre préventif que curatif. Toutefois, pour ce qui est du traitement du paludisme, l’artémisia a déjà fait ses preuves.
- Jérôme Munyangui revendique la paternité de la tisane -
Dans la foulée, la paternité du Covid Organics en question fait débat et crée une polémique. En effet, le jeune chercheur congolais Jérôme Munyangui, « un insoumis de la recherche » révèle être celui qui a trouvé le protocole de traitement de la Covid-19 à base d’artemisia que vante Andry Roajolina. « Je suis à la base de la rédaction du protocole Covid-artémisia à Madagascar et partout sur le continent africain. C'est mon projet », explique-t-il dans un entretien.
Le Dr Munyangui explique qu’après avoir écrit le protocole, il l’a soumis à quelques pays africains, seul le malgache a été réactif. « Lorsque nous avions fini d’écrire les protocoles, nous sollicitions 4 millions d'euros en France. Après, nous nous sommes dit il faut qu'on le propose aux ministres de la Santé. Le premier qui a été contacté, c'est celui du Congo que je connais bien. Mais aucune réponse. Nous n’avions envoyé au Conseil scientifique, là, non plus, aucune réponse. Nous avons écrit au prix Nobel de la paix, Dr Mukwege. Il coordonne la riposte au sud Kivu. Il a approuvé le protocole, mais nous a demandé de nous rapprocher de la commission scientifique, sans résultat », a expliqué le Congolais.
De son côté, le président malgache soutient mordicus que la recette est tout droit sortie des laboratoires malgaches. Par conséquent, c’est une recette exclusivement malgache. Les médecins de la Grande Île se positionnent aussi sur le même registre que leur président. Mais dans le tiraillement entre Munyangui et les autorités d’Antananarivo, le jeune médecin a manifestement décidé de ne pas aller trop loin.
- Munyangui rentre au pays en héros -
Toujours est-il que Munyangui exilé en France depuis des années, est un spécialiste connu du traitement de paludisme sur le plan international. C’est au plus fort de cette polémique que Munynagui est rappelé en République Démocratique du Congo, son pays, par le nouveau président Étienne Tshisékédi, afin qu’il aide ses compatriotes dans la lutte contre la Covid-19.
Jérôme Munyangui a découvert le traitement du paludisme grâce à l’artemisia annua, cette plante originaire de Chine, mais de plus en plus répandue en Afrique. C’est l’efficacité de ce traitement du paludisme avec la tisane à base d’armoise annuelle qui lui a valu sa célébrité, mais surtout ses ennuis avec les autorités kinoises d’alors jusqu’à son exil en France. Manifestement, Big Pharmacie associé et l’OMS n’auraient pas apprécié la découverte de cette tisane qui porte un coup à l’industrie pharmaceutique si l’on se fie à une enquête de France 24 diffusée le 11 janvier 2019 intitulée « Malaria business : les laboratoires contre la médecine naturelle ?». Malgré les revendications de Munyangui, le TGV fonce.
- Un grand coup de comme pour rien –
Le Covid Organics était devenu beaucoup moins une affaire de médecins-spécialistes que de politiciens. Le TGV a clairement voulu soigner son image avec la tisane. De ce fait, Rajolina « imposa » un traitement inefficace à son peuple.
Tout compte fait, le temps passant, l’on s’est rendu compte que le Covid-Oragnics était un nuage de fumée parce qu’il ne guérissait pas vraiment la Covid-19. Des Malgaches succombant au Covid comme des mouches n’en pouvaient plus de cette tisane qui provoquait chez eux d’autres problèmes de santé. Alors même que Andry Rajoelina s’était déjà empressé de distribuer son produit dans certains pays africains. Il a été honoré par ses pairs avec qui il a eu des échanges sur une possible exportation du Covid Oragnics. Face à cet échec dont les Africains ne devraient pas se réjouir outre mesure, Andry Rajolina n’a pas voulu jouer franc jeu. Le gouvernement malgache a continué à cacher la vérité et à faire croire que sa recette guérissait, mais hélas !
Au vu de l’hécatombe engendrée par la pandémie, un ministre a dû alerter en catimini la communauté internationale sur le sort de Madagascar. Ce qui n’a pas plus à Andry Rajoelina, le président malgache.
Cette précipitation à rendre public un remède, qui s’est révélé être inefficace, n’est pas de nature à conférer une certaine respectabilité à la recherche en Afrique. La Grande île et son président auraient dû attendre de s’entourer de toutes les garanties avant de l’annoncer à la ville et au monde. Pour autant, les Africains ne doivent pas renoncer à la recherche sur la Covid-19. Le potentiel en termes de plantes médicinales est immense. Il revient donc à nos chercheurs de rattraper ce rendez-vous manqué de la Grande Île qui a brisé l’espoir placé en elle par les Africains, alors que les Occidentaux s’en moquaient quasiment. Quant à savoir si le Covid Organics est de Jérôme Munyangui ou des labos malgache, la question reste sans réponse. C’est parole contre parole.
Frédéric Atayodi est un journaliste diplômé du CESTI. Il a travaillé au cours des dix dernières années pour nombre d'organes de presse dont SenePlus dont il a été le rédacteur en chef pendant plusieurs années. Il a été également chargé de projet au cabinet de communication Nexus Groupe.
Par Hamidou ANNE
HAÏTI, L’AINÉE ABANDONNÉE DE L’AFRIQUE
Que le Sénégal reste silencieux sur Haïti est symptomatique d’un pays qui ignore son histoire, déprécie son rang, préférant les querelles politiciennes aux enjeux de son époque. Que s’est-il passé pour que nous oubliions une part de nous-mêmes ?
A l’Ena, j’avais défendu Toussaint Louverture comme nom de ma promotion. Haïti venait de vivre une tragédie effroyable et il fallait rappeler la trajectoire de ce pays, à l’orée d’une décennie où la quête de dignité au sein de la jeunesse africaine revenait sans cesse sur le continent et au sein de la Diaspora. Je continue à penser que le héros de l’indépendance de la «Perle des Antilles» constitue une source inépuisable pour ceux qui veulent bâtir une Afrique forte et libre.
Ma rencontre, des années après, avec des écrivains et poètes haïtiens autour de l’ami Rodney Saint-Eloi et la puissance que propulse leur plume m’ont convaincu de ce feu sacré qui habite Haïti et dont il faut s’inspirer. Il y a deux siècles, une révolution d’anciens esclaves a abouti à la proclamation de la première république noire. Toussaint Louverture, mort en captivité, dans la faim et le froid, est une boussole pour de millions d’individus qui ont pris, un siècle et demi plus tard, leur destin en main afin d’arracher la dignité que confère la liberté. Depuis la déclaration d’indépendance de Jean-Jacques Dessalines en 1804, la suite de la vie d’Haïti est une succession de tragédies. En 1825, en échange de la reconnaissance d’Haïti, Charles X a imposé à Jean-Jacques Boyer une indemnité de dédommagement de 150 millions de francs or. Cette dette illégitime, qui courra jusqu’en 1952, a une responsabilité dans la situation actuelle de l’île qui git dans la pauvreté économique. Haïti a ensuite vite sombré dans les rivalités politiques et les nombreux conflits internes.
Au 20ème siècle, la sanglante dictature des Duvalier (1957-1986), les milices appelées «Tontons macoutes», la corruption, la persistance des coups d’Etat, entre autres, compromettent la trajectoire du pays et hypothèquent son avenir. L’Etat haïtien s’effondre. Cette absence d’Etat est la principale cause de la situation du pays, actuellement aux mains de gangs qui, entre enlèvements, trafics de drogue et crimes crapuleux, imposent la terreur et prennent en otage des millions de gens. Au climat politique s’ajoutent les catastrophes naturelles comme le séisme de 2010 dont le bilan, selon l’Onu, est de 3 millions de personnes touchées, 200 000 morts, 300 000 blessées et 1,5 million de sans-abris.
L’assassinat, le 7 juillet, de Jovenel Moïse et la confusion institutionnelle qui a suivi rappellent la profondeur du drame haïtien. Mais il faut lire Haïti au-delà de ses douleurs. L’île est notre grande sœur ; elle a ouvert la voie de la dignité dans la souveraineté que nous avons ensuite empruntée. Elle a défriché le chemin de l’espérance pour les peuples réduits à l’asservissement, dans la foulée des révolutions américaine et française. Deux moments de ferveur cités souvent en omettant la révolution haïtienne, menée par ceux-là qui étaient encore réduits au statut d’esclaves. Dans le Cahier d’un retour au pays natal, Césaire parle d’Haïti comme «là où la Négritude s’est mise debout pour la première fois et dit qu’elle croyait à son humanité». Son compagnon, Senghor, après sa visite à Port-au-Prince en 1979, certifie que les Haïtiens «sont plus nègres que nous. Nous, nous avons conservé la forme ; eux, ont gardé la substance». Que s’est-il passé pour que nous oubliions une part de nous-mêmes ?
La situation en Haïti est survolée dans les capitales africaines ; elle n’inspire aucun communiqué de l’Ua. Que le Sénégal reste silencieux sur Haïti est symptomatique d’un pays qui ignore son histoire, déprécie son rang et s’enferme sur lui-même, préférant les querelles politiciennes aux enjeux majeurs de son époque. A l’aube de l’indépendance, nous avons été un lieu fortifié, un havre de paix pour les oppressés ailleurs, leur offrant la chaleur de notre Teranga. Senghor avait accordé l’asile politique au couple Lemoine, à l’issue du Fesman en 1966. En 2010, Abdoulaye Wade, qui ne prenait pas que des décisions heureuses, a accueilli 160 étudiants haïtiens au Sénégal Nous ne devons pas oublier Haïti car, comme le disait à la tribune de l’Ua en 2014, l’ancien Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, «Haïti, c’est l’Afrique dans la Caraïbe».
J’invite nos autorités à lire la tribune du jeune auteur haïtien, Jean d’Amérique, dont les mots doivent résonner chez chaque africain : «Etre haïtien, c’est attendre sa balle. C’est attendre la balle qui vous dévorera le souffle, où que vous soyez dans le pays. Etre haïtien, c’est presser le pas vers l’au-delà. Etre haïtien, c’est pleurer, c’est crier. Mais depuis le temps que ça saigne. Mais depuis le temps que ça pleure. Depuis le temps que ça crie… Il faut croire que le sang ne suffit pas.» Je les invite aussi à se replonger dans les écrits du vieux poète Frankétienne, qui pointe «la fragilité de [son] île, cœur de porcelaine, âme de faïence, corps chaotique», pour mesurer l’inextricable destin qui nous lie à Haïti. Car Haïti, c’est l’Afrique ailleurs
par l'éditorialiste de seneplus, emmanuel desfourneaux
LA BOMBE À RETARDEMENT DE LA LOI SUR LE TERRORISME
EXCLUSIF SENEPLUS - Le pari de Macky Sall, ce n’est pas d’appliquer la loi aux opposants (sauf émeutes égalables à celles de mars), mais l’intimidation. La France a donné son feu vert pour la mort lente de la démocratie sénégalaise
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 12/07/2021
La responsabilité de la France engagée sur l’article 279-1 du Code pénal
Sur la radio Sud FM, le 25 juin, j’avais interpellé l’ambassadeur français, Philippe Lalliot, sur la possible implication-ingérence-complicité de la France dans le processus normatif (diffuser son modèle juridique et appui à la rédaction) de la nouvelle et controversée loi terroriste au Sénégal. Comment en étais-je arrivé à ce soupçon ? Par l’investigation, par la méthode du faisceau d’indices et par analogie.
« Une expérience professionnelle d’au moins 8 années dans la rédaction des lois, textes réglementaires et décrets ». C’était l’annonce, sous la référence 2021/EEJSENLER/6264, publiée courant février 2021 par Expertise France, agence publique française de recrutement d’experts (majoritairement français).
Cet expert en juriste spécialiste en normes, lois et règlements était sollicité pour apporter un appui rédactionnel normatif (l’annonce insistait sur les grandes capacités rédactionnelles du postulant) dans le cadre de la Stratégie nationale de Protection sociale (SNPS,2016-2035) initiée par le gouvernement sénégalais. Il y est question d’un système de protection sociale à la française garantissant à chaque citoyen sénégalais un revenu minimum et une couverture maladie à tous. Rien moins que ça !
Cet oiseau rare, vous ne le trouverez pas partout en France. Hormis l’école bordelaise et toulousaine de droit public (en déclin) et quelques cabinets d’avocats, c’est la section internationale du Conseil d’Etat français qui se positionne généralement pour ces missions de courte durée fort de ses compétences de conseiller pour la préparation des projets de loi, et normes auprès du gouvernement et parlement. Certains membres du Conseil d’Etat sont en position de disponibilité pendant une durée limitée pour exercer des fonctions privées. Cela tombe à pic : l’annonce s’adressait à un indépendant ou entrepreneur individuel, pour une courte mission de 10 jours.
Regardons ensemble la page web dédiée aux relations internationales du Conseil d’Etat. Deux aspects en lien avec notre problématique devraient retenir notre attention : le Conseil d’Etat ambitionne de promouvoir le droit continental (droit français) et d’harmoniser les concepts juridiques pour garantir la confiance des investisseurs au-delà des frontières françaises. Dans la nouvelle loi anti-terrorisme sénégalaise, il y a de façon cachée et indirecte ces deux dimensions-là, politico-juridiques, que nous verrons plus loin dans mon argumentaire.
Les liens entre la présidence du Sénégal et le Conseil d’Etat français sont historiques. Dans les années 2000, au secrétariat général de la présidence du Sénégal, j’avais rencontré le conseiller juridique de Me Abdoualye Wade (entre 2001 et 2005), le français Henri Savoie. Niché dans un petit bureau avec une assistante, à l’écart des autres collaborateurs suspicieux et/ou jaloux, ce maître des requêtes du Conseil d’Etat, au demeurant abordable, était l’émanation d’une coutume senghorienne entre la France et le Sénégal. Malgré la disparition de cette coopération « néocoloniale », le Conseil d’Etat français entretient toujours des relations d’influence très fortes avec la présidence du Sénégal, accentuées par les réseaux élitistes (énarques et HEC) dont les membres sont nombreux dans les antichambres du Palais de Roume.
Certains intellectuels africains du système me rétorqueront que mon exemple « Expérience dans la rédaction de normes » s’inscrit dans le domaine banal de la coopération et de l’expertise française en matière de la sécurité sociale (modèle depuis 1945). Premièrement, la France est experte en tout au Sénégal (ferroviaire, énergie, téléphonie, modèle social, etc.), et donc dans une position monopolistique, laissant un champ d’action politique très limité aux sénégalais. Secondement, au XXIème siècle, le Sénégal ne compte-t-il pas assez de hauts-fonctionnaires de talent pour rédiger seuls des normes ? Tiens ! Macky Sall, récemment, soutenait, au sujet de la gouvernance financière, que l’Afrique ne devait plus être considérée comme un « bébé » ! Des mots, encore des mots ! Et enfin, tout modèle extérieur peut-il être transposable au Sénégal ?
Cette question vaut aussi pour le terrorisme. Je m’en explique. L’article 279-1 du Code pénal, contesté par les opposants, j’ajouterai à juste titre, reprend partiellement l’article 2 de la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme (9/12/1999, New-York). Ce texte était une proposition de la France, ce pays étant fer de lance dans cette lutte. Dès 2007, le Sénégal s’aligne sur la définition française du terrorisme qui va encore plus loin que celle de la convention internationale. En effet, la notion de trouble à l’ordre public, apparue pour la toute première fois en 1789 (art.10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen), y est mentionnée. En 2016, le législateur sénégalais ajoute l’adverbe « gravement » (« de troubler gravement à l’ordre public ») sur le modèle de l’article 421-1 du Code pénal français. En 2021, l’article 279-1 du Code pénal ne changera pas de mouture, à l’exception de la peine calquée sur celle de la France, comme souligné par l’ancien ministre de la Justice, Me Amadou Sall : la réclusion criminelle à perpétuité (à la française) en lieu et place des travaux forcés (condamnations et peines sénégalaises). À l’école, dans un tel cas de figure, les élèves ironiseraient sur l’attitude de leur condisciple : « Oh le vilain copieur ! »
Sur la page « France diplomatie », il y est énoncé : « La France se mobilise à tous les niveaux avec ses partenaires internationaux ; elle renforce les capacités de ses partenaires à combattre le terrorisme ». Et ce pour, entre autres, protéger les intérêts (sic) et les ressortissants français à l’étranger. Face à la menace du terrorisme et aux lourdes pertes que la France a subies tout au long de son histoire, cette action internationale et l’entraide judiciaire sont plus que souhaitables et légitimes. J’ai déjà plaidé pour la suprématie du droit à la vie sur les libertés publiques dans un édito (voir Démissionnez au nom de l’honneur et du droit à la vie). Ce que je reproche à la France, à travers ses réseaux d’influence en droit public, c’est d’avoir contribué à introduire dans la loi pénale sénégalaise sur le terrorisme la notion floue d’ordre public. Cette dernière, combinée avec les infractions de droit commun, en nombre de 14 (de 2007 à 2016, elles ont augmenté de 4), dans l’article 279-1 du Code pénal, est une bombe à retardement.
En France, le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel (voire la Cour de cassation), gardiens des libertés publiques, peuvent limiter les effets liberticides d’une loi anti-terroriste. Au Sénégal, je doute que la Cour suprême puisse en faire de même. D’ailleurs, historiquement parlant, le Sénégal a toujours fait primer la doctrine du développement sur la sauvegarde des libertés, réservées, disait-on, aux pays riches. Rappelez-vous aussi de cet épisode en mars 2021 ! Ousmane Sonko, en route vers le tribunal, avait été placé en garde à vue pour trouble à l’ordre public. Si le rapport de force politique, avec des émeutes plus poussives, avait été du côté du gouvernement, celui-ci n’aurait-il pas profiter de cette aubaine ? Avec la complicité du maître des poursuites, l’article 279-1 du Code pénal aurait été opposé à cet encombrant opposant pour s’en débarrasser sur les exemples de Karim Wade et de Khalifa Sall. On ne le saura jamais mais cette hypothèse est plausible au vu des déclarations va-t-en-guerre du ministre de l’Intérieur et de certains alliés de Macky Sall.
Le trouble à l’ordre public en matière de terrorisme, dans un Etat où la conservation du pouvoir est une profession de foi pour les dirigeants, est une arme dangereuse pour la paix et la démocratie. C’est comme si on mettait entre les mains d’un régime autocratique la bombe nucléaire ! Certes, l’article 279-1 du Code pénal date de 2007, mais Me Abdoulaye Wade a su raison garder. C’est d’autant plus vrai que cette loi anti-terroriste a été surtout pensée et préparée par Macky Sall et Nicolas Sarkozy, alors ministres de l’Intérieur tous deux et très complices. De surcroît, les émeutes de mars 2021 sont à nulles autres pareilles dans l’histoire politique du Sénégal. C’est pourquoi elles sont dans le viseur de Macky Sall.
Le deal entre Macky Sall et la France saute aux yeux. Il faut un mobile, n’est-ce pas ? La puissance dominante de la sous-région ne peut pas se payer le luxe de perdre la bataille de Dakar (La France est en difficulté : sa diplomatie et ses renseignements généraux sont à la peine). Il convient de rétablir et maintenir la sécurité publique au profit des intérêts français nombreux au Sénégal (et malmenés en mars 2021) et au regard des défis sécuritaires de la sous-région (les présidences concomitantes de l’Union Européenne par Macron et de l’Union Africaine par Macky Sall en 2022 ne doivent rien au hasard : Macron a beaucoup œuvré pour que la présidence échoit à Macky). La France, silencieuse pendant les émeutes de mars 2021, valide la possibilité que Macky Sall use et abuse (espèrent-ils préventivement) de l’article 279-1 du Code pénal, pour reconquérir le pouvoir tant que l’ordre public est préservé. Macky Sall profite donc de la convergence des intérêts entre la communauté internationale (stabilité) et lui (pouvoir).
Le pari de Macky Sall, ce n’est pas d’appliquer la loi aux opposants (sauf si émeutes égalables celles de mars), c’est plutôt l’intimidation. Car finalement, cette nouvelle mouture de la loi sur le terrorisme (l’article 279-1 du Code pénal ne connaît aucune modification substantielle), sans avoir été encore promulguée, fait déjà peur ; c’est une arme dissuasive (comme la bombe nucléaire) : aucune manifestation d’ampleur contre elle, comparable à la mobilisation du 23 juin 2011, en perspective. L’article 279-1 du Code pénal existait déjà dans le droit positif sénégalais, il faut alors en faire une piqûre de rappel aux opposants les plus radicalisés. Macky Sall n’a-t-il déjà pas réussi son tour de force ?
Avec l’ordre public à la française (adapté aux réalités historiques de la France mais pas à celles du Sénégal) et avec l’article 279-1 du Code pénal, la France a donné son feu vert pour la mort lente de la démocratie sénégalaise, pourtant meilleur rempart contre le terrorisme. Avec les nouveaux articles L29 et L30 du nouveau Code électoral, la loi sur le parrainage, les nervis, les nouveaux servants en chef des polices et l’article 279-1 du nouveau Code pénal, l’ombre de l’instabilité (ou stabilité-autocratie) plane au-dessus de la Téranga.
Les frontières terrestres entre la Guinée Conakry et certains de ses pays voisins restent toujours fermées. La décision avait été prise par le Président Alpha Condé, à la veille de l’élection présidentielle de son pays pour, disaient certains médias, contrecarrer des opérations de déstabilisation venant de l’Extérieur. Ses opposants considéraient que la manœuvre était pour empêcher à de nombreux ressortissants guinéens, de retourner dans leur pays pour voter. Le Président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Emballo, ne put accepter cet état de fait et l’a fustigé avec virulence, devant ses pairs de la Cedeao. Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux le montre d’ailleurs, lors du Sommet de la Cedeao du 19 juin 2021 à Accra. Mais le silence du Sénégal sur cette question semble renforcer la colère de Alpha Condé. Le Président Macky Sall a adopté une ligne de conduite qui voudrait que c’est la Guinée qui avait décidé unilatéralement de fermer ses frontières, et qu’elle la rouvre de son propre chef si cela lui chante. Le Sénégal n’a rien à négocier de ce point de vue et s’interdit officiellement tout commentaire public et garde systématiquement le silence devant les instances internationales, quand la question de la fermeture des frontières de la Guinée est évoquée.
Par exemple, lors du Sommet de la Cedeao, en visioconférence, du 23 janvier 2021, quand le Président Patrice Talon du Bénin avait soulevé la question de la fermeture des frontières pour protester contre une grave violation des règles de la Cedeao, (parce que le Nigeria avait fermé pendant plus de 18 mois ses frontières terrestres avec certains de ses pays voisins), le Président Macky Sall était resté de marbre d’autant que, consentit-il à lâcher, le Sénégal ignore encore les raisons de la décision de la Guinée. Alpha Condé promit d’écrire à ses pairs pour «communiquer les griefs à l’encontre du Sénégal et de la Guinée-Bissau». Jusqu’à présent, un tel document n’est encore parvenu à aucune autorité de la Cedeao. Il est à noter que la Guinée a levé la mesure de fermeture de ses frontières terrestres avec la Sierra-Leone depuis février 2021.
Les conséquences de la fermeture des frontières
Le Président Condé a toujours eu la conviction que sans la Guinée, le Sénégal allait mourir de faim. D’ailleurs, quand le Sénégal avait décidé de fermer ses frontières avec la Guinée, suite à l’épidémie d’Ebola (2014-2016), il disait à Ibrahim Boubacar Keïta, chef d’Etat du Mali, à Conakry en novembre 2014, que «la Guinée nourrit le Sénégal». Alpha Condé se gaussait du Sénégal qu’il comptait punir pour son outrecuidance. Dans une chronique en date du 10 novembre 2014, nous disions : «Hé oui ! Si tant est que la Guinée nourrit le Sénégal, que Alpha Condé nous laisse mourir de faim.» Cet épisode Ebola avait été mal digéré par les autorités guinéennes. Ainsi, quand le Sénégal avait recensé son premier cas de Covid-19 en mars 2020, la Guinée s’était empressée de faire la leçon au Sénégal, indiquant que «la Guinée ne fermera pas pour autant ses frontières avec le Sénégal». On a vu que la réalité sanitaire avait fini par rattraper tous les pays ! Il reste que la Guinée semble plus souffrir que le Sénégal de la fermeture des frontières terrestres. Les médias font état de certaines pénuries de biens et denrées de consommation courante et des activités économiques au ralenti, sinon même compromises.
C’est ainsi que dans une chronique en date du 7 avril 2021, Yoro Dia écrivait dans Le Quotidien : «Le Président Alpha Condé ferma sa frontière avec le Sénégal. A Dakar, on ne s’en rendit même pas compte. Ce fut un non-évènement. Sept mois après, il a fallu que Condé en parle à Jeune Afrique pour que le Sénégal se rappelle et se souvienne que la frontière était toujours fermée.» Le chef de l’Etat guinéen semble chercher à trouver un prétexte pour rouvrir la frontière. C’est ainsi que la Guinée a profité du dernier Sommet de la Cedeao à Accra, pour signer avec le Sénégal un accord de coopération militaire et sécuritaire. Cet accord était dans le circuit diplomatique depuis plus de deux ans. Mais, dès sa signature, la Guinée l’a présenté comme un «premier pas vers la réouverture des frontières avec le Sénégal». Mieux, l’Assemblée nationale guinéenne a fini de ratifier le texte, le dimanche 4 juillet 2021. Du côté du Sénégal, la procédure de ratification se fera selon le rythme habituel. Mais puisque Alpha Condé semble ne pouvoir rester sans parler du Sénégal, il déclara, le 18 juin 2021, qu’il va procurer de l’électricité au Sénégal, avec la hausse envisagée de la production du barrage de Kaleta. Comme si le Sénégal lui avait fait une telle demande ! Il faut dire Alpha Condé tiendrait à jouer un rôle dans la vie publique sénégalaise. Qui ne se rappelle pas que le 19 février 2019, il avait invité à Conakry, le Président Abdoulaye Wade, farouche opposant à Macky Sall, pour, disait-il, «éviter au Sénégal de brûler à cause de l’élection présidentielle» ?
Pourtant, le 28 mars 2021, en visite à Tormélin, Alpha Condé ne pouvait s’empêcher de jubiler devant les déboires du Sénégal. Evoquant les émeutes de mars 2021, il déclara : «Tous ceux qui nous insultent, tous ces cris de la «Guinée va brûler», tout se fait à Dakar. Tous ceux qui voulaient que la Guinée brûle, nous tous voyons ce qui se passe chez eux. Dieu ne dort pas.» Alpha Condé semble adorer le jeu de chercher à gêner le Président Macky Sall. Lors de la crise gambienne, suite à l’élection de Adama Barrow, Alpha Condé et son homologue mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, avaient ouvertement cherché à maintenir Yahya Jammeh au pouvoir. Dans un article en date du 24 janvier 2017, nous soulignions leur opposition déterminée aux décisions de la Cedeao d’obliger Yahya Jammeh à rendre le pouvoir.
De guerre lasse, Alpha Condé organisa l’exfiltration du tyran de Banjul, face à la détermination du Sénégal à exécuter, par la force, les mandats délivrés par la Cedeao, l’Union africaine et le Conseil de sécurité de l’Onu pour déloger Yahya Jammeh. Au demeurant, Alpha Condé finit par verser dans une certaine forme de provocation diplomatique. Le 23 août 2018, il débarqua à Dakar pour une «visite privée», sans prévenir personne. L’ambassadeur de Guinée à Dakar, qui avait commis l’imprudence (?) d’aller à l’accueil, se verra rabrouer publiquement par son «patron» qui lui lança : «Dégage, qui t’a demandé de venir !» Babacar Touré, défunt patron de Sud Communication et ami personnel de Alpha Condé, était dans tous ses états. Il ne pouvait laisser passer cette «provocation inacceptable» et refusa de le voir, non sans lui préciser que sa démarche était inconvenante et que si Macky Sall avait agi de la sorte, en débarquant incognito à Conakry, Alpha Condé en ferait un drame diplomatique. Néanmoins, Babacar Touré sauvera la situation. C’est ainsi que le Président Sall envoya son ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, pour faire une visite de courtoisie à Alpha Condé, installé dans un hôtel à Saly Portudal. Alpha Condé se plaignit de l’inconfort et le Président Sall le fera installer, pour le reste de son séjour, à la résidence présidentielle de Popenguine.
«Vous aimez le ceebu jën et les… mais vous n’aimez pas le Sénégal»
Je dois témoigner des misères de Babacar Touré devant l’attitude souvent hostile de Alpha Condé vis-à-vis du Sénégal. Leur proximité a pu nourrir quelques appréhensions d’autorités politiques sénégalaises mais BT ne reniait pas cette amitié. Il reste qu’il ne manquait jamais de dire vertement son fait à Alpha Condé. Les relations du journal Le Quotidien avec le Président Condé ont pu être difficiles. En août 2014, Alpha Condé nous menaça d’une plainte. Notre journal avait révélé la saisie, par les douanes sénégalaises, de fortes sommes en devises étrangères, à bord d’un vol spécial affrété par la Présidence guinéenne. Les sommes devaient être transbordées dans un avion de la compagnie Emirates en partance pour Dubaï. Babacar Touré avait su trouver les mots pour calmer la colère de Alpha Condé, moyennant la publication d’une précision de la Banque centrale de Guinée qui indiquait que les sommes appartenaient à l’institution monétaire. On peut également se rappeler mes chroniques citées plus haut. J’avais eu à rencontrer Alpha Condé à Dakar, en 2010. J’étais avec Mamadou Oumar Ndiaye (Le Témoin) et Abdoulaye Bamba Diallo (Nouvel Horizon). Le Président Condé souhaitait remercier les médias sénégalais qui l’avaient soutenu lors de son parcours politique. J’avais provoqué la colère de Alpha Condé en faisant un plaidoyer en faveur des médias guinéens. C’est dire que je ne manquais pas d’être sceptique dans mes relations avec Alpha Condé, quand l’Union internationale de la presse francophone (Upf) devait organiser ses 46èmes Assises à Conakry.
Babacar Touré m’ouvrit les portes de «Sékoutouréya». Alpha Condé nous reçut à déjeuner. Un plat de «ceebu jën» était au menu. L’autre surprise était que dans l’entourage de Alpha Condé, on entendait parler wolof. Aucune aspérité, l’ambiance était très cordiale. Alpha et Babacar se chambraient l’un l’autre. Cette visite se déroulait en mai 2017, dans un contexte politico-social tendu en Guinée. Un dirigeant syndical était recherché par la police, suite à de violentes manifestations. Alpha Condé fulminait parce que le dirigeant syndical se serait réfugié à l’ambassade du Sénégal à Conakry et il menaçait d’investir l’ambassade si le fugitif ne se rendait pas. Babacar Touré le toisa : «Tu sais bien que tu n’oses pas faire ça.» Le Président Condé grommela et demanda : «Où se trouve d’ailleurs l’ambassade du Sénégal ?» BT, comme piqué au vif, lui asséna : «Mais Alpha, c’est toi qui demande où se trouve l’ambassade du Sénégal, après avoir escaladé ses murs pour te sauver de Lansana Conté?» Les deux amis rirent aux éclats et Babacar lui lança : «Cher ami, tu aimes le ceebu jën et les… mais pas le Sénégal.» Alpha Condé ne relèvera pas cette pique. On évoqua les préparatifs de la manifestation de l’Upf prévue du 20 au 25 novembre 2017 et le chef de l’Etat guinéen promit un soutien des autorités guinéennes
Ma leçon publique à Condé
Je retournais à Conakry plus tard, pour peaufiner les préparatifs. J’étais accompagné de Jean Kouchner, Secrétaire général international de l’Upf. Le jour de l’audience, nous eûmes à patienter avant d’être reçus. Alpha Condé viendra lui-même à la salle d’attente pour tirer Jean Kouchner, en nous demandant, Naman Kamara, alors président de la section guinéenne de l’Upf, et moi, d’attendre. «Jean est le jeune frère de mon frère», disait Alpha Condé. J’étais sidéré par le geste et me levai pour rentrer à mon hôtel. Naman Kamara se mit en travers de mon chemin et me supplia de rester. En boudant, j’aurais mis une croix sur l’organisation de nos Assises. Quelques minutes plus tard, le protocole présidentiel vint nous chercher. Je me gardais de participer aux échanges. Je restais aussi stoïque devant les propos de Alpha Condé, qui relevait que Conakry disposait d’un hôtel Sheraton qui n’existait pas encore à Dakar ou que les déplacements des participants aux Assises seraient plus faciles car la compagnie Air Guinée devrait être lancée avant les Assises et, précision importante, «bien avant Air Sénégal».
De retour à Dakar, je racontai l’incident à Babacar Touré qui en fut tout retourné. Il me reprocha de n’avoir pas quitté l’audience. Je lui promis de relever le défi. BT m’assura qu’il ne se le fera pas raconter. Je choisis de faire de Babacar Touré l’invité d’honneur de ces Assises et il faut dire que la Guinée avait respecté tous les engagements souscrits avec l’Upf. Les travaux se déroulaient dans d’excellentes conditions. Seule ombre au tableau, un ministre guinéen, qui participait à un panel, s’était autorisé une digression malencontreuse pour s’attaquer au Sénégal sur la question des droits des journalistes. L’allusion au Sénégal était on ne peut plus inopportune et toute la salle se tourna vers moi. Je restais enfoncé dans mon fauteuil, considérant que j’aurais à répondre mais à Alpha Condé en personne, car il devait présider la cérémonie de clôture. En quelque sorte, je faisais mien l’adage selon lequel : «Quand on peut accéder au Seigneur on se passe des apôtres.» Une consœur sénégalaise, Ndeye Fatou Sy, s’empara du micro pour protester avec véhémence contre ces attaques scandaleuses contre le Sénégal. C’est ainsi que lors de la cérémonie de clôture, je m’adressai, de la manière la plus solennelle, à Alpha Condé.
L’exercice pouvait être délicat, surtout que ma posture de président international ne pouvait me permettre de répondre directement à des attaques dirigées contre mon pays. Je lavais l’affront sur le terrain des principes avec ces mots : «(…) Monsieur le Président de la République, en votre qualité de Président en exercice de l’Union africaine, l’Upf vous invite à faire un plaidoyer auprès de vos pairs, pour plus de liberté pour les médias et la mise en œuvre de politiques propices à améliorer l’environnement Ö combien difficile, dans lequel évoluent certains de nos médias. (…) Je me souviens. En novembre 2010, presque jour pour jour, je vous avais rencontré. C’était à l’occasion de votre première visite officielle au Sénégal, en votre qualité de président de la République de Guinée. Vous aviez eu un geste très symbolique. Votre conseiller en communication de l’époque, notre ami Rachid Ndiaye, aujourd’hui ministre de la Communication, avait contacté certains responsables de médias sénégalais pour leur indiquer que le Président Condé voulait les rencontrer pour remercier les médias et le Peuple sénégalais du soutien qui lui avait été apporté durant sa grande odyssée d’opposant politique à des régimes autocratiques en Guinée. Vous disiez vous-même que vous devez encore votre vie au Sénégal. Vous nous aviez chaleureusement reçus et nous aviez assuré de votre volonté de changer le cours de l’histoire dans votre pays. Je dirigeais l’organisation patronale des médias au Sénégal et j’étais aussi un des principaux responsables du Forum des éditeurs africains.
Ces deux casquettes ou qualités m’autorisaient à faire un plaidoyer en faveur des médias guinéens qui, de mon point de vue, restaient fragiles et demandaient vivement à être soutenus en termes, non seulement de formation en vue d’une plus grande professionnalisation mais aussi de moyens et surtout de cadre juridique pour son développement. Je dois dire, à la vérité, que notre discussion avait pu être un peu heurtée car le contexte était encore lourd et certains stigmates provoqués par le processus électoral de l’époque n’étaient pas encore cicatrisés. Nous nous étions quittés avec le constat de la nécessité de sauver les médias guinéens de tous les fléaux qui pouvaient constituer un handicap à leur épanouissement. Votre gouvernement a effectivement fait adopter des réformes très positives en matière de législation dans le secteur des médias. (…) Vous avez sans doute fait beaucoup d’efforts dans ce sens. Mais la situation des médias en Guinée, comme sans doute dans de nombreux autres pays de la sous-région, semble épouser le sort de Sisyphe. A chaque fois qu’on arrive à penser que le plus difficile est passé, un enchaînement de situations provoque un recul déplorable comme ici en Guinée.
L’Upf estime que cela ne devrait pas être une fatalité. Vous avez la légitimité et l’autorité morale pour changer davantage les choses. L’histoire a déjà retenu que vous êtes la personnalité politique qui a tenu tête à tous les despotes qui ont eu à marquer au fer rouge l’évolution politique de la Guinée. Vous avez été condamné à mort, vous avez été emprisonné, vous avez été violenté, vous avez été confiné à l’exil, vous avez subi toutes sortes de brimades et de tracasseries. Vous avez donné de votre personne, à l’avènement d’un système démocratique en Guinée. Les médias guinéens vous ont accompagné. Je ne suis pas dupe, d’aucuns ont pu vous avoir combattu avec férocité mais c’est aussi ça le jeu de la démocratie. Je vous exhorte donc à travailler à laisser à la postérité, l’image d’un homme politique qui aura parachevé son action par la promotion de médias pluriels et libres (…) Nous avons des amis en commun (je désignais du doigt Babacar Touré). Ce pays qui est aussi le mien car mon épouse est de Fouta Touba, A ce titre, je peux donc parler librement de la Guinée. Et je peux vous dire que nous sommes assez embarrassés que des organismes, prétendant agir au nom de la protection de la haute institution que vous êtes, arrivent à prendre des mesures à l’encontre des médias, au risque de mettre votre pays et votre gouvernance au banc des accusés de prédateurs de la liberté de presse.
L’opinion publique ne retiendra pas le nom de Monsieur X ou de Madame Y. C’est le nom du Pr Alpha Condé qui sera mis en cause.» Pour la petite histoire, je ne fis pas partie de la délégation qui sera reçue par le Président Condé pour évoquer le sort des journalistes guinéens.
EURO 2021, L'ITALIE BRISE LE RÊVE DE L'ANGLETERRE
L’Italie est devenue championne d’Europe après avoir remporté la séance des tirs au but face à l’Angleterre, devant un Wembley en fusion. Une douche froide pour les Three Lions qui sont en quête d’un titre depuis 1966
Devant un Wembley en fusion, l’Angleterre défiait l’Italie en finale de l’Euro 2021 ce dimanche soir. Un choc entre deux nations en reconstruction qui s’est éternisé jusqu’au bout de la nuit avec une séance des tirs au but comme issue. À ce jeu, les Italiens se sont montrés plus adroits et remportent le titre européen grâce à un ultime arrêt de Donnarumma, le nouveau gardien du PSG.
Leonardo Bonucci décisif
Avant ça, les Anglais avaient pourtant débuté le match tambour battant. Le but de Shaw, inscrit à la deuxième minute, avait fait basculer un stade de Wembley anormalement plein dans la folie.
ENTRÉE EN MATIÈRE EN DOUCEUR DE LA COUR SUPRÊME AMÉRICAINE
Au menu de Point USA cette semaine : la session de rentrée de la plus haute Cour du pays, le départ des États-Unis de l'Afghanistan, l'état de l'Amérique à l'aune de ses 245 ans d'indépendance
La Cour suprême a fini sa session en annonçant un certain nombre de décisions importantes pour les Américains. Avec une majorité conservatrice, certains redoutaient un virage à droite de l’institution. Leurs craintes étaient-elles justifiées ?
Afghanistan : le grand départ des forces américaines a commencé. L’importante base de Bagram a été évacuée. Des milliers d’Afghan cherchent à quitter le pays. Washington n’a-t-il pas fait un beau cadeau aux talibans ?
L’Amérique vient de célébrer le 245e anniversaire de son indépendance. Après une année de pandémie et d’insurrection, comment se porte le pays ? Bulletin de santé sur l’état de la nation à la bannière étoilée.
Rubrique variétés : Une réalisation originale, le film « Summer of Soul » qui fut en 1969, le Woodstock noir.
Nouvelle édition de Point USA, une émission hebdomadaire qui s’adresse plus particulièrement à un public francophone et francophile, avec pour objectif de discuter en français de l’actualité américaine en compagnie de René Lake, analyste politique et directeur de presse, Dennis Beaver, avocat et chroniqueur juridique à Bakersfield, en Californie, Herman Cohen, ancien secrétaire d’Etat adjoint américain et avec la légende du monde radiophonique Georges Collinet. La présentation est assurée par Claude Porsella et la réalisation et le montage par Serge Ndjemba.
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AFRIQUE-FRANCE, QUEL NEW DEAL ?
Panel organisé dans le cadre du colloque Amath Dansokho, en deux temps, le premier sur le décryptage des annonces du président Macron et l'état des lieux des relations France - Afrique, et le second sur les ruptures à opérer pour de nouvelles relations
Troisième panel organisé dans le cadre du colloque Amath Dansokho, en 2 temps, le premier sur le décryptage des annonces du président Macron et l'état des lieux des relations France - Afrique, et le second sur les ruptures à opérer pour de nouvelles relations à la hauteur des défis sociaux et environnementaux, au service des peuples et de la souveraineté démocratique.
Avec :
- Félix Atchadé, chargé des questions africaines au Parti de la gauche européenne (0:08:52 à 00:16:33 et de 1:16:25 à 1:23:26),
- Anne-Cécile Robert, journaliste, directrice des éditions et relations internationales au Monde diplomatique, professeure associée à l’université Paris 8 (0:16:45 à 0:26:18 et 1:13:30 à 1:15:59),
- Kako Nubukpo, économiste, professeur titulaire à la faculté de sciences économiques et de gestion de l’université de Lomé, directeur du rapport « Du Franc CFA à l’Eco : quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’ouest? » (mai 2021) (0:28:25 à 0:38:48 et 1:23:46 à 1:33:35),
- Ndongo Samba Sylla, économiste, auteur avec Fanny Pigeaud de L’arme invisible de la Françafrique (La Découverte, 2018) (0:38:20 à 0:52:28 et 1:33:47 à 1:47:27),
- Jibrin Ibrahim, politiste, membre du Centre pour la démocratie et le développement (CDD), Nigéria (0:53:22 à 1:10:31 et 1:48:17 à 1:53:56).
Animé par Chrystel Le Moing
En Afrique, si la catastrophe épidémique annoncée par quelques Cassandre n’a pas eu lieu, les conséquences socioéconomiques de la COVID-19 sont bien préoccupantes. Le continent a connu en 2020 sa première récession depuis 25 ans. La France qui au cours des dernières années a été conspuée, comme jamais, en Afrique francophone, tente de rétablir son image en multipliant les initiatives et les annonces. De la promesse de réforme du franc CFA au « New Deal » pour « relancer les économies africaines », elle veut montrer qu’elle se tient aux côtés de l’Afrique et des Africains. Les propositions françaises peuvent-elles répondre aux préoccupations africaines ? Quelle place pour l’annonce de changements dans la relation France — Afrique, tant critiquée par les Africains dans les initiatives d’Emmanuel Macron ? Peut-on parler de continuité avec le paradigme néolibéral en cours depuis plusieurs décennies ?
En savoir plus :
- « Etats généraux de l’Eco », vidéos du colloque, Université de Lomé, 26-28 mai 2021.
- « Les souverainetés des sociétés africaines face à la mondialisation », Rapport Alternatif Sur l’Afrique n°1, décembre 2020.
- Daniela Gabor, Ndongo Samba Sylla, « La doctrine Macron en Afrique : une bombe à retardement budgétaire », Le Grand continent, le 24 décembre 2020.
- Anne-Cécile Robert, « Au Mali, coup d’État dans un pays sans État », Le Monde diplomatique, octobre 2020.
- « Lettre ouverte des économistes africains : la réponse de l’Afrique à la pandémie appelle la reconquête de sa souveraineté économique et monétaire », Financial Afrik, le 5 septembre 2020.
- Félix Atchadé, « ECO… CFA répondit l’écho ! », Chroniques sénégalaises, le 25 mai 2020.