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3 mai 2025
International
par Tidiane Sow
CARNET DE COVID
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – On découvrit pendant la pandémie que la globalisation n’était pas seulement économique. Allons-nous continuer à être juste un marché pour tous ceux qui ont quelque chose à vendre ?
#SilenceDuTemps - Souvenez-vous de la sorte de frénésie qui s’empara de notre pays lorsque le premier cas de Covid fût déclaré au Sénégal. On l’avait guetté depuis quelques jours déjà et enfin, j’allais dire, nous le tenions. On voulait, à l’instar des autres nations déjà touchées, nous y frotter nous aussi. L’appréhension était grande certes, mais il flottait un parfum de curiosité, celle d’avoir les mêmes problèmes que les grands du monde. Puis ce qu’on redoutait le plus arriva : notre premier mort de la Covid. Il y eut de la tristesse, mais aussi une grosse peur. La Covid n’avait pas emporté n’importe qui. C’était Pape Diouf, un illustre sénégalais.
Le président nous parla fréquemment en cette période de Covid. La peur s’était installée et tout le monde l’écoutait religieusement : couvre-feux, port de masque obligatoire, limitation de nombre de personnes dans les transports, fermeture des mosquées et autres lieux publics furent édictés sans que personne n’y trouvât à redire. Nos libertés furent drastiquement restreintes et nous, souvent prompts à rechigner pour un rien, nous conformâmes aux directives énoncées. Jamais cohésion nationale ne fut aussi totale. Il fallait se serrer les coudes face à l’ennemi commun ainsi désigné. Le président nous dit nous étions en guerre. Avant lui, un autre président, Macron l’avait également dit. Nous avions donc fini par les croire, au moins pour cette fois, car la réalité funèbre était là pour nous convaincre. On mourrait de la Covid. La peur était là palpable, même si personne n’avait connu la guerre. Cette pandémie supplantait soudain nos jacasseries quotidiennes qui se firent rares. Les rues se vidèrent, les langues se turent, les partis d’opposition enterrèrent la hache de guerre et presque tous - en dehors de quelques irréductibles - se rendirent au palais de la République rencontrer le président pour fumer le calumet de la paix. L’intérêt supérieur de la nation valait bien toutes les connivences.
Cette paix des braves dura pendant toute la première vague.
Durant cette période, le débat politique s’était rétréci. Ni la coalition majoritaire ni l’opposition ne parvinrent à l’animer. Les débats publics étaient accaparés par des faits divers : un petit génie porté « disparu » et une grosse ingénue portée « disparue » elle aussi, pour des raisons différentes, occupèrent le haut du pavé des débats. Pourtant les sujets d’importance ne manquaient pas, que ça soit le manque de lits à l’hôpital, le nombre réduit de respirateurs, l’insuffisance du personnel de santé, l’autosuffisance alimentaire, la sécurité sanitaire, l’employabilité des jeunes pour ne citer que ceux-là. Toute l’actualité nationale se résuma aux stratégies déployées contre la pandémie et qui pour l’essentiel reprenaient celles françaises. Les politiques de "chien crevé qui suit le fil de l’eau"* de nos différents gouvernements nous livrèrent complètement démunis face à l’ampleur du désastre qui s’annonçait. Il y eut bien des mesures d’accompagnement sociales, mais comme toujours, la réalité rattrapa les voeux initiaux. Les attributions de marché de riz, d’huile et autres denrées furent nébuleuses, la logistique peina à suivre. Ce tohu-bohu lézarda le silence des remontrances jusqu’alors tues. Des voix discordantes se firent entendre sur les erreurs de nos choix antérieurs. Il fut établi qu’il nous faudrait faire les choses autrement et différemment. Il y avait d’autres options possibles : Des TER et des stadium c‘était bien, mais des hôpitaux, des écoles et des vaccins c’était mieux. Les « petites personnes », telles que le personnel de santé, le corps enseignant, jusqu’alors remisés au dernier rang, se révélèrent essentielles.
- L’affaire Sonko-Adji Sarr, cygne noir qui jeta le pays au bord du précipice -
La globalisation libérale a accentué inexorablement les fractures partout dans le monde et notre Sénégal n’y a pas échappé. Avant la Covid les demandes sociales les plus pressantes étaient la justice et la lutte contre l’impunité. C’est cette injustice qui a été le terreau de la violence et la haine qui s’immiscent insidieusement dans notre société. Elles sont présentes partout, dans la rue, sur les plateaux télé.
Pendant la Covid, les inégalités se sont creusées. Les élites se sont éloignées davantage du peuple, s’engonçant de plus en plus profond dans leur entre soi. Le peuple « d’en bas », las de subir les couvre-feux et autres restrictions auxquels on le soumettait, laissa monter sa colère. L’affaire Sonko-Adji Sarr fut le « cygne noir » (évènement imprévu à fort impact) qui jeta le pays au bord du précipice. Les ingrédients du cocktail explosif étaient là. L’affaire fut le catalyseur qui mit le feu aux poudres. Le pays vécut des évènements d’une rare violence : des magasins furent pillés et pire, des vies furent perdues. La rue avait pris le pouvoir. Le système religieux vint à la rescousse d’un système politique en plein délitement et le sauva du tourbillon immédiat qui menaçait de l’emporter. Il est temps de changer, de revoir ces systèmes antiques qui ne correspondent plus à la réalité que nous vivons. Il ne s’agit plus de vitupérer des menaces et de jurer qu’on ne les y reprendrait plus, que de telles manifestations n’auraient plus lieu parce que les forces de l’ordre seraient équipées pour faire face, mais, plutôt de dire que les manifestations n’auraient plus lieu parce qu’on mettrait en place des politiques publiques adéquates qui satisferaient le peuple. Les partis politiques pour nombreux qu’ils soient (plus de 300), ne représentent plus les populations. Le peuple a fini par comprendre que ces organisations participent au maintien des injustices et inégalités en cours et qu’elles reproduiront ces mêmes tares s’il leur confiait la direction du pays. Il a fini par comprendre que ces partis sollicitaient leurs voix à la veille des élections pour mieux s’en détourner une fois celles-ci passées.
Aujourd’hui, il y a un vide pour ceux qui ne sont ni militants, ni inféodés aux partis politiques. Ils sont nombreux, ceux-là qui peinent à se mobiliser, qui savent pourtant fort bien les causes qui leur importent.
On découvrit que la globalisation n’était pas seulement économique, elle était également, entre autres, sanitaire, qu’on commettait l’erreur classique de ramener un sujet complexe multidimensionnel (la globalisation), en une représentation unidimensionnelle (l’économie). On pouvait avoir une croissance économique de 6% et ne pas disposer de lits d’hospitalisation qu’on pouvait être la sixième puissance mondiale et manquait de masques. Un virus déclaré en Chine et en un rien de temps, c’est tout le monde qui en pâtit socialement.
Nous africains, avions déjà été victimes d’un partage en zones d’influence lors de la conférence de Berlin en 1884 et nous, sénégalais n’avions pas, à ce jeu hérité des meilleurs « maîtres ». L’esprit qui prévalait en 1884, stipulait qu’ouvrir l’Afrique au commerce international serait la voie pour le développement de ses populations et les ferait avancer sur le chemin de la civilisation. On sait ce qu’il en est advenu. Nous voilà à l’aube d’un nouveau partage, celui de l’après-Covid, pouvons-nous nous-mêmes, choisir notre propre destin, au lieu de nous contenter de l’illusion d’avoir choisi notre maître ?
Allons-nous continuer à être ce que nous fûmes, à savoir juste un marché pour tous ceux qui ont quelque chose à vendre ?
Les Chinois et les Turcs ont déjà rejoint les Occidentaux pour prendre pied dans notre pays et exploiter nos ressources. Si on n’y prend garde, nous serons bientôt des étrangers dans notre propre pays.
Apprendrons-nous de nos erreurs ? Pas si sûr, si l’on se réfère à N. Thaleb qui nous dit que ce ne sera pas le cas, tant que ceux qui prendront les décisions ne seront pas obligés de payer pour les conséquences de leurs actes. Ceux qui prennent les décisions doivent savoir que les peuples en subissent les conséquences et qu’il est temps qu’ils soient attentifs à leurs actes à défaut d’en être responsables. [Qu’ils jouent leur peau sur les directives qu’ils édictent dirait Thaleb]**
Il ne faut pas qu’ils restent dans leur confort de vie que le TER circule ou pas. Qu‘un hôpital voit le jour ou pas. Il ne faut pas qu’ils se contentent de répéter des arguties dont ils ignorent le sens profond comme « la patrie avant le parti » ou « la République pour tous et par tous ». Il faut qu’ils les vivent.
Il me vient à l’esprit l’étrange épître de ce haut fonctionnaire bien bavard qui nous parlait de « République pour tous et par tous » alors qu’il était allongé dans un lit d’hôpital du Nord, bénéficiant de privilèges pour s’y soigner, alors que ses compatriotes mouraient en silence dans les hôpitaux de la République où il manquait de tout.
La pauvreté a été réduite en Chine grâce à la globalisation pensée par l’establishment libéral anglo-saxon. Quand ce système a fait son chemin et que les Américains se sont sentis menacés par le retour de bâton chinois, qui leur damait le pion sur nombre de marchés, ils ont fait ce que font les pays dominants : ils ont changé les règles. Mais à terme, il est entendu que le pouvoir migrera à l’Est. Ce n’est qu’une question de temps. Que prévoyons-nous dans ce nouveau contexte à venir ?
- Nous avons besoin d’hommes de caractère qui imposent l’action et en prennent les responsabilités -
Un nouvel ordre mondial est en train de naître. C’est quand la marée descend que l’on entrevoit les épaves, la pandémie a montré nos dépendances, nos manques et les limites de cette stratégie « Queilliste » qui nous colle obstinément à la peau et qui consiste à attendre que le temps qui passe règle les problèmes.
Ce monde de demain sera à « qui risquera le plus, prendra plus fermement son risque », comme disait Bernanos ou encore comme disait St Matthieu « qui veut risquer sa vie la sauvera », nous voilà donc contraints de prendre des risques pour sauver nos vies. Le monde n’est pas altruiste et chacun y joue l’hymne embouché naguère par Trump : le fameux « Nous d’abord ». Pourtant, cet hymne est présent dans presque toutes nos cultures : Ne dit–on pas « Sama bopp moma gënël du bañ na là » en wolof ou « Yidande hoore mum wonaa anande banndum » en pulaar ?*** L’Europe garde ses vaccins pour elle-même. L’Amérique en fait de même pour les composants de ses vaccins. Chacun veut sauver sa peau. Là encore St Matthieu nous avertit : « ceux qui veulent sauver leur vie la perdront ». Notre monde se meurt par manque de solidarité.
Comme disait B. Brecht « malheureux le pays qui a besoin d‘un chef ». En ces temps troubles et d’incertitude, nous avons hélas bien besoin de chefs. Il nous faut de grands hommes pour préparer l’après-Coronavirus. On ne fait rien de grand sans de grands hommes. Industrialiser le Sénégal, se doter d’une industrie pharmaceutique digne de ce nom capable de produire des médicaments, réorienter l’enseignement pour produire des hommes capables de faire face aux défis de demain. Tels sont, quelques-uns des défis qui nous attendent. Nous avons besoin d’hommes de caractère qui imposent l’action et en prennent les responsabilités.
Après la Covid, nous voyons bien que nous devons nous investir dans des secteurs stratégiques laissés à l’abandon ou aux mains de capitaux exclusivement étrangers. La santé est un secteur prioritaire. La pandémie a mis à nu nos tares. Nous dépendons de l’étranger de tout. Nous le savions dans une certaine mesure, mais pas à ce point. Même la nourriture que nous mangeons provient de l’étranger. Il nous faut assurer pour de vrai, au plus vite l’autosuffisance alimentaire et la sécurité sanitaire. Les pays qui nous fournissaient jusqu’alors des céréales et masquaient ainsi, notre insuffisance dans notre production, ont arrêté brutalement leurs exportations pour la réserver à leur propre population. Cette fois, il ne suffira plus de parler d’autosuffisance, mais de la réaliser. L’absence d’actions ne résoudra pas le problème et les conséquences seront désastreuses (famine, déstabilisation du pouvoir, etc.). Avant les difficultés ne concernaient que le peuple. On s’en accommodait. Maintenant les difficultés touchent tout le monde, élite comprise.
Dans un monde qui se recompose en pôles, avons-nous une place à faire valoir ? Une histoire à raconter ? Pas une histoire construite par d’autres, mais par nous-mêmes. Nous devons construire cette histoire en répondant de façon opérationnelle aux questions stratégiques qui se posent à nous. Nous devons faire taire la violence verbale présente dans tous les secteurs et recréer un sentiment de destin commun qui s’est effrité au cours de ces dernières années. Faire taire la violence des idées néolibérales qui ne nous ont jamais servis. Nous n’aurons jamais profité des délocalisations industrielles nées des idées néolibérales d’il y a 40 ans. Elles prirent le chemin de la Chine et du Sud-est asiatique avant que ces derniers ne deviennent à leur tour des envahisseurs capitalistes de notre continent. Qu’importe l’envahisseur – le prédateur devrais-je dire -, nous en subissons toujours les contrecoups Nous importons presque tout, nous ne produisons presque rien. Nous, précarré français, incapables de prendre notre destin en main, rétifs à nous affranchir de sa tutelle, tenus à l’écart par une françafrique dont le but ultime est de nous maintenir sous le joug néocolonial, subissons aujourd’hui les assauts des nouveaux capitalistes chinois, turcs et autres…
- Redistribuer les priorités, relever la démocratie et restaurer l’idée d’un destin commun -
Dans le monde de demain, nous devons restaurer et afficher les grandes ambitions que nous avons pour le Sénégal. Le PSE a été flingué en grande partie en plein vol par la crise sanitaire. Il faudra, comme je le disais plus haut, redistribuer les priorités, restaurer l’idée d’un destin commun, car le Sénégal est de plus en plus miné par des relents ethnicistes qui ne présagent rien de bon. Ces divisions, attisées par des pseudos élites à courte vue, laissent des stigmates de plus en plus profonds dans notre vivre en commun, socle fondamental sans lequel le destin commun ne saurait éclore. Lincoln disait « toute maison divisée contre elle-même est condamnée à périr ». L’Afrique s’est délitée par manque de cohésion, certes orchestrée par les anciens colonisateurs, mais aujourd’hui notre pays en prend le chemin. Certains de ses propres fils, avides de buzz, désireux de sortir du néant, y organisent impunément le chaos. Nous savons combien la tâche est difficile de recoller les morceaux cassés. Si nos chefs religieux exhortent et s’emploient à raffermir cette cohésion qui va à vau-l’eau, les réseaux sociaux comme moyens de communication tendent à en favoriser les éclatements.
- Il nous faut retrouver la philosophie robuste des assises nationales -
Pour inventer le monde de demain, il nous faut des leaders capables de : prendre des décisions qui mettent en avant l’intérêt de la nation ; poser des actes qui remplacent les slogans faciles à tenir ; s’entourer de femmes et d’hommes capables de porter des projets qui ne soient pas des éléphants blancs. Il nous faut des hommes capables de faire vibrer la corde nationale, de répondre en écho aux clameurs du peuple qui souffre et demande de l’aide. Bref, il nous faut des inventeurs. Il nous faut retrouver la philosophie robuste des assises nationales dissolue depuis longtemps dans l’irénisme de la majorité politicienne.
Avec une croissance démographique qui dépasse la croissance économique, une urbanisation rapide et une gestion des terres et des ressources qui exclut de plus en plus de nationaux, les challenges futurs ne manquent pas. Les capacités de résilience de l’État seront mises à rude épreuve, l’impossibilité des partis de gagner seuls les élections leur imposera de gouverner ensemble rendant les gouvernances plus complexes. Pour juguler les vagues d’activisme et de protestations qui ne manqueront pas de poindre, il faudra consolider la démocratie en améliorant les deux points sur lesquels nous achoppons dans tous les audits : le maintien d’un processus politique juste, inclusif, équitable et la bonne gouvernance.
Pour restaurer la confiance du public largement entamée, il faudra s’attaquer à tous les sujets qui le préoccupent en même temps, sur tous les fronts pour que tous les changements répondent les uns aux autres, pour qu’il y ait une masse critique de changements qui entraînent toute la société, qui lui impriment une autre trajectoire. Tel est le challenge.
Quand un pays est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se désintègre, alors, c’est la porte ouverte aux populistes et aventuristes de tous bords qui en profitent pour prendre pied. Il faudrait que le pays puisse susciter en lui une révolution qui transcende ses problèmes. C’est en cela qu’il nous faut des inventeurs pour réussir la métamorphose.
C. Tidiane Sow est docteur en Mathématiques et coach en communication politique. Il a travaillé pour les grands groupes internationaux tels que Renault, Standard Bank et IBM. Dr Sow est membre-fondateur de Lead Consulting, firme spécialisée dans le coaching et le développement du leadership.
Notes :
*A. Tardieu : Politique de « chien crevé qui suit le fil de l’eau » : politique flottante au gré de tous les courants
**Nassim Nicholas Thaleb : « Ceux qui ne jouent pas leur peau »
*** Proverbe sénégalais : « Vouloir quelque chose pour soi, ce n’est pas ne pas le vouloir pour son prochain ». Une sorte de négation du tiers exclus.
PAR Philippe D'Almaeida
ÉCO, L'ERRANCE SANS FIN
Samedi dernier, les chefs d’Etat de la CEDEAO ont confirmé, si besoin en était encore, que la monnaie unique commune est une Arlésienne, juste bonne à nourrir les fantasmes d’une communauté embourbée dans ses contradictions
Samedi dernier, les chefs d’Etat de la CEDEAO, réunis en sommet, ont confirmé, si besoin en était encore, que la monnaie unique commune est une Arlésienne, juste bonne à nourrir les fantasmes d’une communauté embourbée dans ses différences nationales, dans ses contradictions communautaires et dans son impuissance à faire des options monétaires souveraines, depuis plusieurs décennies.
Le président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, a, en effet, annoncé à Accra la mise en place d’une nouvelle feuille de route pour accélérer le processus d'instauration de la monnaie unique, éco, au terme du 59e Sommet ordinaire tenu dans son pays.
Le pacte de convergence qui avait été officiellement suspendu, pour cause de coronavirus en 2020, va reprendre entre 2022 et 2026. Et c’est finalement en 2027 que la nouvelle monnaie va entrer en vigueur.
Autre paramètre qui a prévalu au report du lancement de la monnaie, selon le président de la Commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou : le naïra - la monnaie du Nigeria, première économie d'Afrique de l'Ouest - a un taux de change flottant, tandis que huit autres pays de la région utilisent le franc CFA arrimé à l'euro et il se trouve qu’en cette période-ci, le Nigeria a une forte inflation à deux chiffres, alors que le BCEAO se bat pour la maintenir à 3 %.
Voilà pour les informations officielles qui ne réussissent, hélas pas, à convaincre les observateurs de cet interminable processus d’intégration économique et monétaire initié par les quinze pays de la CEDEAO, au début des années 80. Multiples péripéties jusqu’en 2001 où la CEDEAO adopte le mécanisme de surveillance multilatérale des politiques économiques et financières des Etats membres. Objectif : le respect d’un ensemble de critères de convergence macroéconomiques, susceptibles de contribuer à homogénéiser les économies de la région. Première pierre d’achoppement de la marche de chacun des Etats vers la monnaie unique commune.
En effet, après trois reports successifs, en 2003, 2005 et 2009, les autorités ouest-africaines renoncent finalement, en juillet 2014, à lancer l’éco en janvier 2015 au sein de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest, tel que préalablement retenu. La raison évoquée est le niveau insuffisant de préparation et de convergence économique au sein de la ZMAO, la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest, qui compte six pays : le Ghana avec son cedi ; la Gambie avec son dalasi ; le Liberia avec son dollar libérien ; le Nigeria avec son naïra ; la Sierra Leone avec son leone ; la Guinée avec son franc guinéen.
Il faut rappeler que ces critères de convergence, dits de premier rang, avant 2020, consistent en un déficit budgétaire limité à 3 % du PIB, une inflation à 10 % maximum et une dette inférieure à 70 % du PIB.
En 2017, à l’issue du sommet d’Abuja, les gouvernements déplorent alors, dans leur communiqué final, ‘’le faible niveau du taux d’intégration économique, après plus de 40 ans d’existence de la CEDEAO’’.
On pourrait prendre l’option d’en sourire, mais la réalité est depuis longtemps criarde d’une Afrique qui peine à s’entendre autour des solutions déterminantes pour son développement économique et qui excuse ses faillites par les immixtions imaginaires dont elle se veut victime, pour justifier sa paralysie.
Fin 2019, le Togo, seul, semble tirer son épingle du jeu et respecte les fameux critères de convergence. Néanmoins, les chefs d’Etat de la CEDEAO adoptent le symbole de l’éco et le futur nom de la Banque centrale qui sera la BCAO. On sait les controverses auxquelles prêtera la simple dénomination de l’éco, monnaie à parité fixe arrimée à l’euro et garanti par la France et la volée de bois vert qu’essuiera Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, pour avoir donné l’information non-consensuelle aux côtés du français Macron. Un certain nombre de pays dont le Nigeria et le Ghana y voient tout sauf une monnaie indépendante.
La question semble alors remisée dans l’un de ces interminables tiroirs remplis des bons vœux de la conscience des dirigeants africains tout au long de l’histoire ; la crise sanitaire de l’année dernière viendra comme confirmer cette fatalité.
La monnaie unique annoncée pour 2020 est désormais conjuguée au passé et les africanistes étaient censés en faire leur deuil jusqu’à ce que, à la faveur du week-end dont nous sortons, la voix d’outre-tombe de l’éco vienne nous dire qu’elle n’est peut-être pas tout à fait morte et qu’elle intéressait à nouveau le désir de souveraineté et d’indépendance des dirigeants ouest-africains.
"Nous avons une nouvelle feuille de route et un nouveau pacte de convergence qui couvrira la période entre 2022 et 2026, et 2027 sera l'année de lancement de l'éco", a fièrement annoncé le président ghanéen le 19 juin 2021. Mais il ne réussit pas à nous dire comment il y arrivera, alors même que les taux d’inflation sont disparates, que dans la majorité des pays concernés, les taux d’intérêt sont inférieurs au taux d’inflation, ce qui devrait être le contraire et que dans un pays comme le Nigeria, ce taux d’inflation est de 10 % et risque, pendant longtemps encore, en l’absence d’une politique ferme et volontariste, de ne point changer. Arlésienne formatée, visiblement, plus dans un manque de lucidité que de bonne foi.
Mais attendons ! 2017 ce n’est pas les calendes grecques.
Par Alassane THIAM
LES SANS PAPIERS EN FRANCE, UN ALLER SANS RETOUR
Lorsqu’ ils débarquent en Europe, ils s’interdisent de rentrer au pays natal sans le titre de séjour. Ils n’évoquent même pas l’idée de repartir au Sénégal pour enterrer un proche
En 2015, Sud quotidien faisait un reportage intitulé : « IMMERSION DANS LE CALVAIRE DES EMIGRES» ; l’accent était mis sur des sénégalais en situation irrégulière en France avec une parole forte d’un clandestin : « ICI C’EST LA MERDE».
Leurs situations ne se sont toujours pas améliorées. Elles se sont littéralement aggravées. Rappelons d’abord que le terme «sans- papiers» appelé aussi «les clandestins» désigne toute personne irrégulièrement installée en France sans titre de séjour. Il faut noter l’absence d’éléments chiffrés précis sur le nombre d’étrangers.
Néanmoins, selon la Caisse d’Assurance Maladie qui comptabilise le nombre de personnes bénéficiant de l’aide médicale d’Etat (AME), il y aurait entre 300 et 350 000 personnes en situation irrégulière. Il convient de rappeler qu’en 1974, le gouvernement français avait suspendu l’immigration des travailleurs étrangers et de leurs familles. Malgré cette décision, certains poursuivaient leurs émigrations sans gaieté de cœur. Il s’agit des personnes qui partent dans l’espoir d’une vie meilleure, pour échapper à un conflit, à une catastrophe naturelle et également pour des raisons politiques et économiques. Pour ces hommes et femmes, la migration est douloureuse car elle représente un arrachement à leur pays, à leur langue, à leurs proches…
Le journaliste Stephen Smith, spécialiste de l’Afrique, écrit dans son livre : « La ruée vers l’Europe», que la pression migratoire ne pourra jamais s’infléchir malgré les barricades mises en place par l’Europe.
Les Sénégalais font partie de ces clandestins qui vivent des situations catastrophiques en France. Ils sont souvent hébergés par des amis, frères, cousins, pères, etc., dans des foyers réservés aux migrants. La grande majorité d’entre eux est en France depuis plusieurs années, en situation irrégulière (cinq, dix, quinze ans, voire plus). L’un d’entre eux se confie : « Si j’avais su, je ne serais pas venu en France, je dors mal, je mange mal et je n’ai aucun avenir ici ; on est six personnes dans une chambre prévue pour accueillir une seule. »
La question du retour n’est pas du tout d’actualité. Lorsqu’ ils débarquent en Europe, ils s’interdisent de rentrer au pays natal sans le titre de séjour. Ils n’évoquent même pas l’idée de repartir au Sénégal pour enterrer un proche : mère, père, frère, sœur, femme, ni revoir leurs enfants qui grandissent sans eux. Il est admis par tous qu’il ne faut pas repartir au Sénégal sans le sésame, à savoir un titre de résident qui autorise le retour en France. La question n’est pas taboue, elle ne s’impose pas.
Au Sénégal, malgré le désir de la famille de revoir l’enfant prodige, elle ne souhaite pas son retour et ne veut pas le revoir traîner avec ses camarades oisifs qui sont parfois méprisés par la population. L’insulte majeure dans les villages, est : « Tu ne vaux rien, regarde, tous tes amis sont partis en voyage (ont émigré) pour subvenir aux besoins de leurs familles ».
Une infime minorité utilise d’autres nationalités aux fins de régularisation au titre de réfugié politique, car le Sénégal fait partie des pays appelés «d’origine sûre», au regard des garanties de protection que les autorités de ces pays offrent contre les persécutions et les mauvais traitements, ainsi que les sanctions qu’elles prévoient en cas de violation avérée des droits individuels.» Ces règles sont fixées par le conseil d’administration de l’OFPRA, (Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides). «Les sans-papiers sénégalais en France sont prisonniers à l’insu de leur plein gré», pour reprendre la parodie des guignols de l’info.
GUILLAUME SORO CONDAMNÉ À LA PRISON À VIE
L'ancien Premier ministre ivoirien et ex-chef rebelle, a été condamné en son absence mercredi à Abidjan à la prison à perpétuité pour "atteinte à la sûreté de l'Etat", un jugement "politique" selon lui
Egalement ancien président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro était accusé avec 19 co-prévenus d'avoir fomenté une "insurrection civile et militaire" visant à renverser le régime Ouattara, lors d'un retour avorté en Côte d'Ivoire en décembre 2019, dix mois avant la présidentielle d'octobre 2020 remportée par M. Ouattara dans des conditions controversées et à laquelle il espérait se présenter.
Sous haute surveillance policière, la cour d'assises d'Abidjan a suivi les réquisitions du parquet pour M. Soro, mais aussi pour les principaux autres accusés, Souleymane Kamagaté - alias "Soul to Soul" - son ex-chef du protocole, Affoussy Bamba, son avocate et ancienne ministre, et Touré Moussa, son ancien chef de la communication, condamnés à 20 ans de prison, a constaté un journaliste de l'AFP.
Sept militaires, deux des frères de Guillaume Soro - Simon et Rigobert - et celui qui était considéré comme son ancien bras droit, Alain Lobognon, ont eux été condamnés à 17 mois de prison pour "troubles à l'ordre public".
La Cour a également ordonné la confiscation des biens de Guillaume Soro et de ses coprévenus, ainsi que la dissolution de son mouvement, Générations et peuples solidaires (GPS), accusé de se livrer à "des actes subversifs".
Elle a en outre ordonné aux condamnés de payer solidairement 1 milliard de francs CFA (150 millions d'euros) à l'Etat ivoirien.
Sur les 20 prévenus, 16 étaient présents au procès qui avait débuté le 19 mai, les autres, dont Guillaume Soro, vivant en exil à l'étranger.Le juge Charles Bini a prononcé "un mandat d'arrêt" à leur encontre.
"Pour lui ce sera la prison à perpétuité", avait déclaré en octobre le président Alassane Ouattara au sujet de Guillaume Soro, son ancien allié.
"Je rejette totalement ces verdicts iniques, prononcés en dehors de toutes les règles de droit et dictés uniquement par des considérations d’ordre politique", a réagi Guillaume Soro dans un communiqué.
"Le but ultime de ce procès est (...) de m'écarter définitivement du jeu politique en Côte d'Ivoire" et "aura démontré, une fois de plus, la compromission de l'appareil judiciaire ivoirien et sa soumission volontaire aux diktats de l'exécutif", ajoute-t-il.
- Retour de Gbagbo -
L'un des avocats de M. Soro, Me Souleymane Diallo, a dit avoir "constaté tout le long du procès la vacuité des faits, l'absence totale de preuves, la négation de tous les droits de la défense".Il a indiqué que la défense entendait "utiliser des voies de recours au plan national et international".
Guillaume Soro, 49 ans, et ses partisans étaient accusés de "complot", "tentative d'atteinte contre l'autorité de l'Etat", ainsi que de "diffusion et publication de nouvelles fausses jetant le discrédit sur les institutions et leur fonctionnement, ayant entraîné une atteinte au moral des populations".
Chef de la rébellion qui contrôlait la moitié Nord de la Côte d'Ivoire dans les années 2000, Guillaume Soro avait aidé militairement Alassane Ouattara à accéder au pouvoir lors de la violente crise post-électorale de 2010-2011 face au président sortant Laurent Gbagbo qui refusait d'admettre la victoire de M. Ouattara à la présidentielle de fin 2010.
Ce refus de M. Gbagbo, rentré jeudi à Abidjan après 10 ans d'absence à la suite de son acquittement par la justice internationale de crimes contre l'humanité commis pendant cette crise, avait provoqué la mort de 3.000 personnes dans les deux camps.
Après la victoire en 2011, M. Soro était devenu le premier chef du gouvernement de M. Ouattara, puis avait été nommé en 2012 président de l'Assemblée nationale, poste qu'il a occupé jusqu'en 2019.
Mais les deux hommes se sont peu à peu brouillés, jusqu'à la rupture consommée début 2019, en raison, selon les observateurs, des ambitions présidentielles de M. Soro.
En avril 2020, M. Soro avait déjà été condamné à 20 ans de prison pour recel de détournement de deniers publics pour avoir tenté, selon la justice, de s'approprier une résidence achetée par l'Etat pour le loger lorsqu'il était Premier ministre.
Cette condamnation avait justifié l'invalidation quelques mois plus tard de sa candidature à la présidentielle.
AFRICAN AMERICANS VIEW SENEGAL AS ANCESTRAL HOMELAND AND BUSINESS OPPORTUNITY
Unlike Ghana, Senegal has not made an explicit appeal for members of the African diaspora to return. It is a French-speaking country, which makes it less of a natural choice for African Americans
A few months after discovering from a DNA test that most of his ancestors were from west Africa, American businessman Kyle Jones got on a flight to Dakar, Senegal.
The coastal city was unfamiliar, from the language, to the dusty streets packed with motorcycles, horse carts, and hawkers, but he immediately felt at home.
“There’s sort of a spiritual connection,” said Jones, the chief operating officer of ESS Group, a professional training and development company near Atlanta.
“To come back and to instantly connect with the land, the culture, the people, was an amazing feeling. It filled a gap which I had been searching for all my life,” he told Quartz Africa in an interview.
Jones was one of about 75 people including business leaders, mayors, and entrepreneurs from the US who came to Dakar this week for “The Return,” a seven-day event spearheaded by the organization NuWorld. The goal was to encourage members of the African diaspora to return to the continent, both as a form of healing, and to build social and economic ties. NuWorld is an umbrella platform encompassing various programs and initiatives led by American entrepreneur Andre Amos.
It was inspired by similar initiatives in Ghana, whose president Nana Akufo-Addo declared 2019 the “Year of Return” to commemorate 400 years since the first arrival of enslaved Africans in the US. Ghana staged a marketing campaign throughout the year and saw tourist figures rise by 45% compared to the previous year, though it’s difficult to ascertain exactly how many visitors came directly as a result of the campaign. As part of the initiative it granted citizenship to more than 100 African Americans and Afro-Caribbeans.
“It was very successful in Ghana and we wanted to do the same here in Senegal,” said the NuWorld coordinator of the event, Shantel Gilbert, to Quartz Africa.
Une transformation du pays vers le modèle mauritanien (modéré) semble improbable actuellement car il n’apporterait aucune solution à l’insurrection djihadiste actuelle, tout en ne répondant pas à la demande majoritaire des élites politiques
La Croix Afrique |
Nicolas Normand |
Publication 23/06/2021
Va-t-on vers l’instauration d’une république islamique au Mali ? Si cela se produisait, il existe a priori une variété importante de modèles possibles, du plus modéré - comparable à la république islamique de Mauritanie, efficace contre les dérives radicales - au plus extrémiste et foyer de terrorisme - comme Daech, naguère en Irak et Syrie. Entre les deux, les « nuances de vert » produisent des modèles inspirés soit des Frères musulmans, comme dans la Turquie actuelle, soit de type wahhabite, comme en Arabie saoudite, ainsi que le souhaiterait l’influent imam Dicko au Mali. Une autre possibilité, poussée actuellement par l’une des tendances maliennes djihadistes serait un modèle plus radical, inspiré des Talibans d’Afghanistan et d’Al-Qaida.
Plusieurs facteurs pourraient conduire le Mali, ainsi que le Niger, à changer assez fondamentalement leur type actuel d’État laïc, hérité de la décolonisation, vers l’un ou l’autre de ces modèles.
Il y a d’abord un décalage croissant entre le modèle laïc et de démocratie inspirée par les pays occidentaux, défendu essentiellement par les élites politiques éduquées qui sont quelque peu coupées de la base, et la population, en majorité rurale et peu marquée par les idées occidentales. En milieu rural, les valeurs religieuses musulmanes ont largement remplacé les cultures anciennes et autochtones. Les écoles coraniques sont désormais plus fréquentées par les enfants que les écoles publiques, souvent encore qualifiées d’écoles « françaises » et réputées diffuser de « mauvaises valeurs ».
Une vague de « réislamisation » a été encouragée depuis des décennies par la diplomatie religieuse des États du Golfe arabo-persique, qui finance les écoles coraniques, l’enseignement de la langue arabe, les universités islamiques, des ONG islamiques, des bourses d’études etc. Sous cette impulsion, la réforme salafiste ou wahhabite a gagné du terrain, ses prédicateurs défendant la thèse d’une dérive religieuse locale du fait de la mauvaise connaissance de l’arabe ou encore de l’interprétation par les confréries soufies qualifiée de déviante.
Négocier ?
Enfin, sous la pression militaire des groupes djihadistes que les armées locales, même aidées par Barkhane ou d’autres forces étrangères, s’avèrent incapables de vaincre, l’idée de « négocier » avec eux progresse fortement, d’autant plus que prévaut la croyance traditionnelle que tout s’arrange par la palabre entre « frères » maliens. C’est déjà le cas localement, par des négociations à la base qui ont de facto cédé des territoires aux djihadistes imposant leur modèle en échange de la paix. Au Mali, l’imam wahhabite Dicko, très actif dans le champ politique, revendique la possibilité d’un accord national avec les djihadistes sur un modèle de république islamique qu’il ne détaille toutefois pas.
Tombé en disgrâce et inculpé en mars, l'ancien chef de l'État de Mauritanie a été placé en détention mardi. Cette mesure intervient quelques jours après le refus de l’ancien dirigeant de continuer à se présenter à la police
Tombé en disgrâce et inculpé en mars, l'ancien chef de l'État de Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, a été placé en détention mardi, ont fait savoir le parquet et son parti. Cette mesure intervient quelques jours après le refus de l’ancien dirigeant de continuer à se présenter à la police.
L’ancien président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a été écroué, mardi 22 juin au soir, sur décision du juge chargé d’une enquête pour corruption présumée dans laquelle il a été inculpé en mars, rapporte à l'AFP un magistrat du parquet s’exprimant sous couvert d'anonymat et le porte-parole de son parti, l’ancien ministre Djibril Ould Bilal.
Ils ont confirmé son placement sous mandat de dépôt, sans en préciser la cause. Mais cette mesure intervient quelques jours après le refus de l’ancien dirigeant de continuer à se présenter à la police, comme le lui imposaient les conditions de son placement en résidence surveillée.
Un "règlement de comptes"
Après plus de dix ans à la tête de ce vaste pays sahélien d’Afrique de l’Ouest entre 2008 et 2019, l’ancien président poursuit sa descente aux enfers sous son successeur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, son ancien chef de cabinet et ministre, dont il avait pourtant préparé l’accession à la présidence.
M. Ould Abdel Aziz avait été inculpé en mars, en même temps qu’une dizaine de hautes personnalités, pour des faits présumés de corruption, blanchiment d’argent, enrichissement illicite ou encore dilapidation de biens publics commis pendant les années où il dirigeait le pays.
M. Ould Abdel Aziz crie au "règlement de comptes" quand son successeur invoque l’indépendance de la justice.
par Mohamed Lamine Ly
DÉCONFINER NOTRE HORIZON COMMUN
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – Le Covid était un événement prévisible. Il est possible de changer le cours des choses en mettant fin à la dictature des marchés et en luttant contre la marchandisation de la planète
#SilenceDuTemps - 32 ans après l’effondrement du camp socialiste est-européen, il devient impératif de rompre avec les lois d’airain de la globalisation néolibérale, que sont l’ouverture incontrôlée des marchés et le recul démesuré de l’État. En effet, la pandémie de Covid-19 met le doigt sur la nécessité de réinventer notre monde grâce à des transformations sociales profondes. Et ce, d’autant que plusieurs acquis décisifs en matière de progrès social et de libération humaine, obtenus, dans l’après-guerre, au prix de confrontations épiques entre deux camps se réclamant, l’un du libéralisme et l’autre du socialisme, ont été remis en cause ou sont en voie de l’être.
- Un changement de contexte –
Même si en fin de compte, la compétition entre blocs politiques rivaux et la course effrénée aux armements n’ont pas conduit à l’irréparable, c’est à dire l’apocalypse nucléaire, l’effondrement du camp dit socialiste va rendre le monde unipolaire, sous la houlette d’un capitalisme triomphant, ce qui va contribuer à libérer les démons qui sommeillaient sur la scène internationale.
Partout dans le monde, le refus de l’impérialisme de renoncer à ses politiques d’exploitation des travailleurs et de spoliation des pays anciennement dominés va conduire à une démultiplication des foyers de tension.
Les conséquences de cette situation vont être désastreuses, allant de la fragmentation de grands ensembles politiques (URSS, Yougoslavie...), à l’émergence et au renforcement de forces politiques, se réclamant de la religion et/ou du conservatisme social ou de l’extrémisme radical (populisme, terrorisme ...), dans un contexte d’affaiblissement des forces de progrès.
En ce début de vingt et unième siècle, alors même que les risques d’une guerre nucléaire globale, mais aussi d’utilisation d’armes chimiques et bactériologiques, sont loin de s’être totalement estompés, d’autres menaces environnementales et sanitaires occupent le devant de la scène.
Cela découle, en premier lieu, du fait que notre monde est devenu de plus en plus global avec une circulation accrue de personnes, mais aussi d’aliments et d’animaux, autant de facteurs propices à la transmission accrue de nouvelles maladies. De fait, dès les années 1990/2000, des prédictions sérieuses avaient commencé à foisonner, portant sur l’émergence de contagions planétaires par des virus inconnus.
C’est dire donc que la pandémie de Covid-19, loin d’être un coup de tonnerre dans un ciel serein, une sorte de cygne noir, selon l’acception de l’essayiste Nassim Nicholas Taleb, était un événement bel et bien prévisible.
- Des menaces d’un genre nouveau -
Parallèlement aux enjeux sécuritaires, qui agitent la planète, l’humanité assiste, impuissante, à la destruction de l’environnement physique par des politiques publiques à courte vue (industrialisation, agriculture intensive), centrées sur la maximisation du profit des puissances d’argent. La surexploitation des ressources de la planète est responsable de la réduction de la biodiversité témoignant de la surcharge de nos écosystèmes. La déforestation de même qu’une démographie galopante dans certaines parties du globe ont pour conséquence de favoriser une promiscuité croissante entre faune sauvage et populations humaines.
Cela va se traduire, sur le plan sanitaire, par l’apparition de maladies infectieuses émergentes trouvant leur origine dans le monde animal (SRAS, grippe aviaire à A/H5N1, maladie à virus Zika, grippe A/H1N1, MERS-CoV, grippe aviaire A/H7N9).
Les stratégies de prévention et de lutte contre ces maladies émergentes, qui constituent un important pilier de l’agenda sanitaire mondial, avaient jusqu’à présent réussi à contenir ces maladies. Avec la Covid-19, le monde d’après-guerre fait face à sa première menace globale.
- Un monde plus vulnérable -
La pandémie de Covid-19 est survenue dans un monde devenu très vulnérable aux plans économique, social et politique. En effet, depuis la crise financière de 2008, la plupart des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont connu un ralentissement de leur croissance économique, une diminution de leur produit intérieur brut (PIB) et une augmentation fulgurante de leurs taux de chômage.
De plus, plusieurs pays ont dû s’endetter à cause de déficits budgétaires persistants sur plusieurs années, qu’on a tenté de réduire par des mesures de "consolidation fiscale", en augmentant les taxes et/ ou en réduisant les dépenses dans les secteurs sociaux, notamment celui de la santé.
Le sous-financement des systèmes sanitaires, qui en a résulté, a accentué les inégalités sanitaires, que les autorités sanitaires ont tendance à occulter. Cela résulte du fait d’une approche centralisée, biomédicale doublée d’une insuffisante prise en compte des enjeux sociaux, à l’origine d’un déficit notoire d’équité des politiques socio-sanitaires.
À titre d’exemple, aux États-Unis, l’incidence de la Covid-19 était trois fois plus élevée dans les comtés dont la population est à prédominance noire. En France, les études sur la répartition sociale de l’épidémie de Covid-19 ont révélé que la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de métropole, était particulièrement touchée par la pandémie.
Ces données ont attesté de l’importance des inégalités territoriales en termes d’urbanisation, de politique de logement, de caractéristiques démographiques et sociales des ménages, d’état sanitaire des populations et aussi d’exposition professionnelle.
On sait, depuis au moins 1929, que les crises financières favorisent la croissance des partis d’extrême-droite, qui engrangent, dans ces périodes troubles, des gains électoraux massifs. Ainsi, le parti nazi (NSDAP) est passé, de 2,6 % à 43,9% des voix, entre 1928 et 1933, année de son accession au pouvoir.
De la même manière, la pandémie de Covid-19 est survenue dans une période d’essor des idéologies populiste et/ou autoritaire accentué par l’onde de choc de la crise de 2008.
- L’échec des schémas populiste et autoritaire -
Les populistes sous le leadership mondial de l’ex-président Trump ont, dès le départ, cherché à imputer la responsabilité de la pandémie au gouvernement chinois, attisant les sentiments xénophobes, en parlant de "virus chinois" et en préconisant des mesures contre l’immigration.
On a également observé des attitudes suicidaires et irresponsables de déni de l’existence de la Covid-19 et/ou de stratégies d’abstention thérapeutique, dans le but d’atteindre l’immunité collective, fut-ce, au prix de millions de morts.
Ils s’en sont également pris, comme d’habitude, à la mondialisation, responsable, selon eux, de tous les maux, et fait montre d’une grande réticence envers les initiatives non pharmaceutiques ou mesures barrières, n’hésitant pas à manifester contre elles ou à les railler.
Au début, on a pu également noter les tergiversations de plusieurs gouvernements européens, à initier des mesures préventives, surtout le confinement, qui, selon leur entendement, pourraient nuire au processus de production. C’est ainsi que plusieurs pays ouest-européens (Italie, Angleterre, France) de même que les États-Unis et le Brésil ont payé un très lourd tribut à la pandémie, en termes de morbidité et de mortalité.
Ailleurs, c’est la démarche autoritaire, qui a été privilégiée, avec l’illusion de pouvoir vaincre l’épidémie en mobilisant toutes les ressources du pays.
Ces velléités tyranniques ont été facilitées par un contexte de psychose sécuritaire, découlant d’une prétendue lutte contre le terrorisme, nouvelle incarnation de l’ennemi (Feindbild), depuis l’affaissement du bloc soviétique. Comme après le 11 septembre 2001, un recul des libertés individuelles a été noté.
- Gare à la dictature digitale ! -
Aux yeux des pays impérialistes, le terrorisme sert, avant tout, à créer de nouveaux marchés pour leurs industries d’armements. Il est également utilisé pour justifier la restriction des libertés et légitimer des mesures iniques de surveillance et de répression du mouvement populaire.
L’occasion faisant le larron, les vies privées des citoyens ont pu faire les frais de la lutte anti-Covid-19, d’autant plus que leurs données personnelles courent un risque permanent de tomber entre les mains du gouvernement et/ou de sociétés privées.
Un rapport de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (Idea), a révélé que jusqu’à 43% des pays satisfaisant aux normes standard de la démocratie représentative bourgeoise, ont procédé, sous couvert parfois de rhétorique martiale, à des restrictions injustifiées de libertés depuis le début de la pandémie. Dans des pays comme les nôtres, considérés comme des "régimes hybrides", les atteintes aux droits de l'homme se sont aussi multipliées, provoquant même des émeutes, dont les dernières remontent à mars 2021, au Sénégal.
Certaines firmes capitalistes cherchent à profiter de la panique due à la pandémie pour raffermir le capitalisme de surveillance, qui procède à une marchandisation de nos données dans un but de marketing commercial, sur lequel sont venus se greffer des enjeux sociopolitiques ou simplement électoralistes. Nous citerons, à titre d’exemple, le scandale de Cambridge Analytica devenu la parfaite illustration d’une démocratie sous influence des Big Data et qui explique, pour beaucoup, les victoires électorales de Trump et du Brexit.
Enfin, pour faire face à l’effondrement des systèmes sanitaires et à la paralysie des systèmes productifs, la tentation est grande d’invoquer le cas de force majeure pour imposer des solutions technologiques à des problématiques sociales très complexes. Mais cela risque d’être interprété comme une sorte de blanc-seing à une politique de surveillance totale qui pourrait perdurer et saper de façon durable nos droits fondamentaux.
- Quid de la mondialisation et du rôle de l’État ? -
La Soixante-Quatorzième Assemblée mondiale de la Santé a mis l’accent sur l’urgence qu’il y a à mettre fin à la pandémie actuelle et à prévenir la suivante en construisant un monde en meilleure santé, plus sûr et plus juste. Pour y arriver, des réformes profondes de la mondialisation néolibérale sont nécessaires.
Il urge, en premier lieu, de bannir cette volonté des champions mondiaux du libéralisme, de réduire l’État à sa plus simple expression, car il a été constaté, lors de cette crise sanitaire comme dans celle d’avant (2008), que les dirigeants du monde occidental n’hésitent pas à actionner les leviers étatiques, soit pour sauver leurs banques ou pour être en mesure d’assumer certaines fonctions régaliennes.
L’analyse des indicateurs de la Covid-19 a confirmé le fait que la morbidité et la mortalité étaient plus élevées dans des pays, qui ont laissé leurs concitoyens affronter seuls le marché́ (USA, Brésil) que dans ceux à forte protection sociale. Cela montre la nécessité de restaurer l’État dans sa capacité́ stratégique à anticiper et à préparer la société́ à affronter des défis gigantesques et/ou inédits.
La mondialisation a conduit également à des politiques inconsidérées de délocalisations tous azimuts et de suppression des barrières douanières, qui ont montré leurs effets pervers au cours de cette pandémie. Elle a, en effet, montré la forte dépendance de nos pays et même des puissances occidentales vis-à-vis de la Chine pour l’achat de certains produits stratégiques (médicaments), mais aussi de matériels aussi indispensables que les gants, les équipements de protection, etc.
Il est possible de changer le cours des choses, en mettant fin à la dictature des marchés et en luttant contre la marchandisation de la planète. Les États modernes se sont mis au service des multinationales, leur laissant une totale liberté d’action, en vue de créer des structures sociales compatibles avec des économies capitalistes compétitives. Cela a pour effet de déstructurer l’ordre social, de détruire les rapports sociaux, en réduisant les individus à être de simples consommateurs et des salariés corvéables et taillables, à la merci du patronat.
- En Afrique, une crise sanitaire aggravée par la domination impérialiste -
En Afrique, le fardeau de la pandémie est aggravé par la domination impérialiste, d’autant plus que c’est dans les puissances occidentales, porte-drapeaux de l’ordre capitaliste mondial que les conséquences de la crise sanitaire se sont fait le plus sentir, jusqu’à présent.
Le caractère embryonnaire des mécanismes de protection sociale et la précarité économique font des masses populaires africaines, surtout celles actives dans le secteur informel, des cibles de prédilection de la Covid-19. Heureusement que la pandémie a revêtu, sous nos contrées, un profil épidémiologique particulier lié à la pyramide des âges (jeunesse de la population) et au faible niveau d’urbanisation, responsable jusque-là, d’une morbidité et mortalité moins élevée que dans d’autres parties du monde.
Même si l’intelligentsia africaine s’est davantage offusquée de la condescendance de certains officiels de l’OMS et de l’ONU accusés d’être des oiseaux de mauvais augure, on ne peut dédouaner, pour autant, les pouvoirs publics de nos pays, qui doivent faire plus d’efforts dans la gestion de la pandémie. En effet, le sous-financement chronique des systèmes de santé africains s’est, encore une fois, manifesté par une pénurie en équipements de soins, de protection (masques, gants, blouses, protection oculaire), en matériel de dépistage, etc.
Alors que le nombre de cas du Covid-19 en Afrique est en augmentation constante et qu’une troisième vague se profile à l’horizon, près de 90 % des pays africains ne devraient pas être en mesure d’atteindre l’objectif qui consiste à vacciner 10 % de leur population d’ici septembre, à moins que l’Afrique ne reçoive 225 millions de doses supplémentaires.
En octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud demandaient à l’OMC une levée temporaire des brevets sur les vaccins afin de sortir le monde de la crise sanitaire, idée à laquelle, même l’administration Biden se déclare maintenant favorable.
Étant donné que les laboratoires pharmaceutiques ayant fabriqué les vaccins ont bénéficié de l’argent public, il semble logique de leur demander de libérer les brevets et à faire des vaccins un bien public mondial.
La vaccination universelle est d’autant plus impérative, que les épidémiologistes estiment à un an, tout au plus, la période nécessaire pour vacciner l’ensemble de la planète et atteindre une immunité collective mondiale. Sans une vaccination massive, les mutations du virus, en rendant les vaccins inefficaces, pourraient favoriser la perpétuation de la crise sanitaire, dans un contexte d’endémisation de la Covid-19.
Nous devons donc surmonter nos égoïsmes, faire preuve de solidarité, pour déconfiner notre horizon commun.
Dr Mohamed Lamine Ly est Spécialiste en santé publique, Ancien secrétaire chargé de la politique de santé du SUTSAS (1998 à 2007) et actuel secrétaire général de la Coalition pour la Santé et l’Action sociale (COSAS).
LAURENT GBAGBO DEMANDE LE DIVORCE AVEC SIMONE
L’ancien président ivoirien a saisi un juge aux affaires matrimoniales ce lundi 21 juin 2021. Conséquence selon lui « du refus réitéré depuis des années de Dame Simone Ehivet de consentir à une séparation à l'amiable »
Laurent Gbagbo demande le divorce. Selon un communiqué signé de l’un de ses avocats, l’ancien président ivoirien a saisi un juge aux affaires matrimoniales ce lundi 21 juin 2021. Conséquence selon lui « du refus réitéré depuis des années de Dame Simone Ehivet de consentir à une séparation à l'amiable ». Laurent et Simone Gbagbo se sont mariés en 1989. Elle a participé à la fondation du FPI.
Laurent Gbagbo demande officiellement le divorce. Dans un communiqué lapidaire, l’un de ses avocats annonce que l’ancien président a saisi un juge après le refus de son épouse Simone Ehivet Gbagbo d’une séparation à l’amiable.
Claude Menneton l’un des avocats de Laurent Gbagbo, indique dans ce communiqué de deux phrases, saisir un juge aux affaires matrimoniales d’une demande de divorce. En cause selon le texte « le refus réitéré de Dame Simone Ehivet de consentir à une séparation amiable, au demeurant voie de règlement appropriée à leurs statuts personnel et politique réciproque ».
Ce communiqué vient confirmer ce qui se murmure depuis des mois et que des images captées par des téléphones portables à la sortie de l’avion de Laurent Gbagbo jeudi 17 juin ont dévoilé au grand jour. On y voit l’ancien président congédier son épouse d’un geste peu amène de la main.
Laurent Gbagbo épouse Simone Ehivet en 1989. Sept ans auparavant, cette militante de la première heure fait partie, dans la clandestinité, des fondateurs du Front populaire ivoirien. À partir de 2000, lorsque Laurent Gbagbo accède à la magistrature suprême, Simone Gbagbo est une première dame très politique, une femme de pouvoir et d’influence, ce qui lui vaut le surnom de « dame de fer ».
Quand une femme publie un livre, est-elle auteure ou autrice ? Ecrivain, écrivaine, femme de lettres ? Ou simplement romancière, essayiste ? La question révèle les difficultés de l'indispensable féminisation de la littérature française
Femmes de lettres, 101 auteures essentielles", proclame le magazine Lire à la une d'un hors-série paru vendredi.
Mais dans ce même numéro, le journaliste qui s'est entretenu avec Elfriede Jelinek prend le contre-pied: "Oui, je suis une autrice comique", dit l'Autrichienne, prix Nobel de littérature 2004.
Extrêmement rare avant 1990, préconisé d'abord au Canada, "auteure" a été adopté en 1999 par le "Guide d'aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions" du CNRS. Puis reconnu par l'Académie française 20 ans plus tard.
Il subit aujourd'hui la concurrence de plus en plus forte d'"autrice" (comme actrice, rédactrice, etc.), qui revient à notre époque après un long sommeil.
"Nous sommes encore dans une période de transition. L'Académie l'observe", déclarait en 2019 l'académicienne Dominique Bona, interrogée par Libération. L'institution, dans un rapport sur la féminisation signé de quatre membres, trouvait même du mérite à "auteur" pour une femme, en le rapprochant du cas de "médecin".
- "Elle dit écrivaine!" -
La question n'est pas nouvelle. Jules Renard, dans son journal le 6 mars 1905, note (avant des piques misogynes dont il est coutumier): "Les femmes cherchent un féminin à auteur".
Dans ce même numéro de Lire, qui rend hommage à Virginia Woolf, Madeleine de Scudéry ou Toni Morrison, on lit que "37% des écrivains sont des écrivaines". Un mot qui fait bondir certaines femmes.
Christine Angot, par exemple, tient à celui d'écrivain. "Moi je suis écrivain, je suis pas écrivaine. Pourquoi? (...) Parce que quand je dis que je suis écrivain, voyez, dans la tête des gens, il y a quoi? Il y a quelqu'un en train d'écrire. Et quand je dis que je suis écrivaine, on dit: tiens, elle dit écrivaine!", lançait-elle à la télévision en 2017, agacée que l'universitaire et femme politique Sandrine Rousseau écrive "auteure".
Si elle s'est accélérée à notre siècle, l'évolution a été extrêmement lente au XXe. Françoise Sagan, Marguerite Yourcenar ou Simone de Beauvoir n'ont probablement jamais eu l'occasion d'entendre qu'elles étaient autrice ou écrivaine, des termes dénoncés de leur vivant comme des barbarismes.
- Plafond de verre -
"L'insécurité linguistique en France est très forte, avec cette peur de ne pas parler comme il faut. Et les Français pensent que la langue doit être régentée d'en haut, alors qu'en réalité elle évolue depuis le bas", explique à l'AFP Véronique Perry, linguiste de l'université de Toulouse Paul-Sabatier.
Elle préfère à titre personnel auteure, mais insiste pour "que chacun, chacune soit libre de se désigner selon sa préférence. Ecrivain ou écrivaine: on n'a pas à reprendre les gens quand ils parlent d'eux-mêmes!"
Eliane Viennot, historienne de la langue française, défend autrice avec ferveur. "C'est le mot qui est en train de gagner, et je parie que dans cinq ans très peu de gens écriront encore auteure", affirme-t-elle à l'AFP.
Ce retour en grâce suit des siècles de répression des féminins par l'Académie française. "Il y a des domaines marqués comme masculins: l'écriture, la parole publique, la philosophie... L'idée qui a été vendue aux femmes, et à laquelle elles ont dû se plier, c'était que là, comme en politique, il valait mieux penser au masculin", dit celle qui signe "professeuse émérite". "Longtemps on leur a refusé le nom qu'il faut. Et même si elles écrivaient autant que les hommes, c'était face à la désapprobation publique".
Le plafond de verre, dans un secteur de l'édition très féminin (74% des emplois en 2016, selon le dernier rapport social de branche), existe toujours. Depuis 2000, les hommes ont raflé 18 prix Goncourt et 14 prix Nobel de littérature sur 21.