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3 mai 2025
International
par abdoulaye Sakho
LECONS POUR L’AFRIQUE D’UN EURO DE FOOT NON ENCORE ACHEVÉ
Distribution des places pour la coupe du monde. Afrique : 54 nations, 5 places. Europe : 55 nations, 13 places… Je regarde quelques matches de l’Euro de foot et je me pose une question : pourquoi l’Afrique n’a que 5 places pour la coupe du monde ?
En général les bilans se tirent à la fin d’une activité. Mais aujourd‘hui, permettez que je tire pour le football africain des leçons (prématurées ?) de cette compétition européenne en cours. Distribution des places pour la coupe du monde de foot. Afrique: 54 nations 5 places. Europe : 55 nations 13 places… Je regarde quelques matches de l’Euro de foot, Je lis ce dispatching et je me pose une question, une seule : pourquoi l’Afrique n’a que 5 places pour la coupe du monde ?
En effet, on n’a vraiment pas besoin d’être un grand technicien pour se rendre compte qu’il y a aujourd’hui, un nivellement extraordinaire de valeurs entre les équipes nationales de foot. J’en suis même à espérer le retour de la «glorieuse incertitude du sport». Mais il me semble que ce constat n’est valable que pour le foot des équipes nationales.
Concernant les compétitions des clubs, il s’agit d’une toute autre logique créée et entretenue par les organisations internationales qui favorisent une «caste de privilégiés» de clubs. Mon analyse n’est donc valable que pour les compétitions entre pays. A ce propos, il est symptomatique de voir que la championne du monde (France), celle de l’Europe (Portugal), de même que celle vice-championne du monde (Croatie) sont passées à la trappe emportant dans leur sillage la formidable machine à gagner qu’est la « Mannschaft » allemande.
Pour dire vrai, la mondialisation dans le football a permis de créer des équipes nationales de niveau mondial pour les pays africains dont les joueurs officient dans les mêmes clubs et, pour les mêmes compétitions que ceux de pays européens.
A regarder le déroulement de ces matchs, je me demande si les équipes nationales africaines n’ont pas aujourd’hui atteint le niveau de ces équipes nationales européennes. Je crois qu’une réponse positive s’impose ! Très franchement, quelle différence de valeurs entre les joueurs de l’équipe nationale du Sénégal, ceux de l’Algérie, de la Tunisie, du Maroc, de la Cote d’ivoire et du Cameroun avec les équipes européennes qui sont dans l’Euro en cours ?
A mon avis, il n’y en a pas. Ce sont les mêmes joueurs qui sont dans les mêmes équipes, dans les mêmes championnats et les mêmes compétitions européennes de clubs. Avec une telle légitimité au plan technique qui devient un argument de taille, comment expliquer que les pays africains (CAF ?) ne soient pas plus fermes dans leurs revendications pour augmenter les places africaines à la coupe du monde de football. On donne l’impression d’attendre que le Président de la FIFA « himself », vienne mettre la question à l’ordre du jour. Si le football des clubs en Afrique est encore faible, celui des équipes nationales n’a plus rien à envier aux autres nations. Ce n’est d’ailleurs pas une simple question de résultats sportifs.
Il s’agit aussi d’essayer de capter une part plus importante et plus conséquente dans les richesses produites par ce spectacle mondialisé qu’est la coupe du monde. N’est-il pas temps d’arrêter enfin de compter sur les programmes spéciaux de la FIFA pour développer le football sur le continent ? En 2021, cet état de fait ne se justifie plus du tout !
par Jean Pierre Corréa
REVANCHE PAR PROCURATION
La clameur qui a traversé Dakar lundi au soir au moment où Mbappé vendangeait son pénalty, est significative du ressentiment des Sénégalais à l‘égard de la France
La clameur qui a traversé Dakar hier au soir au moment où Mbappé vendangeait son pénalty, est significative du ressentiment des Sénégalais à l‘égard de la France.
Nous avons fait fi de l’exceptionnelle qualité de ce match de football, pour juste nous réjouir de la défaite de l’équipe de France, sans même savoir pour beaucoup où se trouvait la Suisse sur la carte de l’Europe, Suisse pourtant plus destinée à incarner nos haines rances et nos passions tristes, puisque ses coffres-forts abritent toutes les fortunes détournées par nos dirigeants. J’aurais tellement préféré rêver à nos jubilations futures qui accompagneraient la victoire du Sénégal à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations.
Nous avons choisi de laisser nos instincts rancuniers s’exprimer au lieu d’apprécier ce qui fait l’incomparable beauté du sport, à savoir sa glorieuse incertitude. Mais on ne peut pas décemment jouir de l’infortune des Français et transformer nos trottoirs en poubelles enviées des rebuts consuméristes d’une France rassasiée…
C’est mesquin… de se choisir des helvètes comme héros et porteurs par procuration de nos combats perdus. On a les victoires qu’on mérite.
GBAGBO AFFIRME QU'EN L'ENVOYANT À LA HAYE, ON A VOULU ÉCARTER UN HOMME GÊNANT
Pour la première fois depuis son retour en Côte d'Ivoire, l'ancien président a parlé lundi de son jugement et de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI)
Pour la première fois depuis son retour en Côte d'Ivoire, l'ancien président Laurent Gbagbo a parlé lundi de son jugement et de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI), affirmant qu'il avait été envoyé à La Haye car "il fallait écarter un homme gênant".
"La CPI, ce n'était pas sérieux, il fallait écarter un homme gênant, un concurrent gênant, alors on m'a mis là-bas", a déclaré M. Gbagbo à son domicile de Mama, son village natal dans le centre-ouest de la Côte d'Ivoire.
Mais, a-t-il ajouté devant des chefs traditionnels, des cadres de son parti et la presse, "je ne regrette pas, parce que si j'étais revenu avec un titre de criminel, c'est vous tous ici qui alliez avoir honte".
Laurent Gbagbo a été définitivement acquitté fin mars par la CPI, où il était notamment accusé de crimes contre l'humanité, ce qui a permis son retour en Côte d'Ivoire.
"Même les blancs qui ne nous connaissent pas, qui suivent nos petites querelles ici, ont su que je (n'étais) pas un criminel.Moi je fais tout, hein, mais je ne suis pas un criminel", a affirmé Laurent Gbagbo sous les rires de l'assistance.
Il s'exprimait à l'issue d'une rencontre avec des chefs traditionnels majestueusement drapés dans des pagnes colorés venus de toutes les contrées de son fief du centre-ouest, qui lui ont confié une mission de "réconciliation".
"C'est sa présence qu'on attendait pour la réconciliation.Il faut qu'il s'appuie sur sa popularité pour appeler le peuple ivoirien à la réconciliation totale", a déclaré à l'AFP Joseph Goli Obou, le "chef des terres" de Mama, une autorité locale, entouré de notables.
Ces chefs traditionnels devraient également participer à une cérémonie destinée à le "purifier", comme le veut la tradition de son ethnie bété pour quelqu'un qui a été emprisonné et libéré.
- "Rendre la paix" -
"Demain (mardi) quand je vais le purifier, je vais lui demander d'être au service de la réconciliation, que ses premiers mots à la nation aillent dans le sens la réconciliation", a affirmé le "chef des terres", affirmant être mandaté par ses pairs pour cette cérémonie.
"En pays bété, lorsqu'un membre de la famille sort d'une situation difficile, on lui fait une purification.Celle-ci consiste à le laver au seuil de sa porte très tôt le matin, avant le lever du soleil, avec une mixture à base de rameaux et de feuilles traditionnelles Kpobrai et Titai", explique le chef septuagénaire.
Sur la place publique sur la place publique de Mama, des habitants du village ont attendu en vain, en dansant et en chantant, que l'ex-président vienne leur parler.
"Gbagbo est venu pour rendre la paix dans la nation", s'exclame Brigitte Koudou, venue du village mitoyen de Zébizékou."Je suis en joie, cette journée est particulière.Le président Gbagbo est libre.On veut l'entendre, qu'il dise seulement un seul mot", déclare de son côté Béatrice Djédjé, venue de Kpakpékou, un rameau en "signe de paix et de réconciliation" à la main.
Plusieurs milliers de personnes lui ont réservé dimanche un accueil triomphal à Mama, dix jours après son retour à Abidjan.
Un retour à Mama qui n'a donné lieu à aucun incident, contrairement à son arrivée le 17 juin à Abidjan, marquée par de nombreux accrochages entre les forces de l'ordre et ses partisans qui voulaient l'accueillir près de l'aéroport.
Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à Abidjan, puis transféré sept mois plus tard à la CPI afin d'y être jugé pour les violences commises à la suite de la présidentielle de fin 2010.Son refus de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara avait provoqué une crise post-électorale sanglante ayant fait 3.000 morts.
Réélu en octobre 2020 pour un troisième mandat controversé, M. Ouattara a donné son feu vert au retour de Laurent Gbagbo quelques jours après son acquittement.
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LE JUNETEENTH, AU-DELÀ DU SYMBOLE
Point USA évoque : la date du 19 juin inscrite désormais au calendrier des Américains pour commémorer la fin de l'esclavage ; le bras de fer entre démocrates et républicains pour le droit de vote des minorités ; le plan de Biden contre la violence armée
Une nouvelle journée vient s’ajouter au calendrier des fêtes américaines, Juneteenth, le 19 juin. Elle célèbre la fin de l’esclavage au Texas, dernier Etat du Sud à avoir libéré les noirs, deux ans et demi après la proclamation d’émancipation. Marilyn Sephocles, professseur à l’université noire Howard, nous dira pourquoi cette fête est importante pour les afro-américains.
Les démocrates toutefois déplorent que ce ne soit qu’un geste symbolique, qui reste vide après que les républicains ont bloqué une loi qui aurait facilité le vote des minorités. Un revers pour l’administration américaine qui s’engage à continuer le combat.
Le nombre de fusillade de masse se multipliant à travers tous les Etats-Unis, le président Joe Biden annonce un plan pour réduire la violence armée, mais a-t-il plus de chance de réussir que ses prédécesseurs.
Cinéma : l’adaptation de la comédie musicale de Lin-Manuel Miranda, « In the Heights », soulève la controverse : explication de notre nouveau chroniqueur culturel, une légende du monde radiophonique George Collinet, animateur de longue date de l’émission AfroPop et ancienne vedette internationale de la Voix de l’Amérique (VOA).
Nouvelle édition de Point USA, une émission hebdomadaire qui s’adresse plus particulièrement à un public francophone et francophile, avec pour objectif de discuter en français de l’actualité américaine en compagnie de René Lake, analyste politique et directeur de presse, Dennis Beaver, avocat et chroniqueur juridique à Bakersfield, en Californie, et Herman Cohen, ancien secrétaire d’Etat adjoint américain. La présentation est assurée par Claude Porsella et la réalisation et le montage par Serge Ndjemba.
INDIGNATION CONTRE LA PROPOSITION DE PLUSIEURS MARIS DE L’AFRIQUE DU SUD
Une proposition du gouvernement sud-africain de légaliser la polyandrie - lorsqu’une femme a plus d’un mari en même temps - a suscité des protestations de la part des conservateurs.
Une proposition du gouvernement sud-africain de légaliser la polyandrie - lorsqu’une femme a plus d’un mari en même temps - a suscité des protestations de la part des conservateurs.
Cela ne surprend pas le professeur Collis Macoko, un universitaire renommé sur le sujet. Les objections concernent “le contrôle”, a-t-il déclaré à la BBC. « Les sociétés africaines ne sont pas prêtes pour une véritable égalité. Nous ne savons pas quoi faire des femmes que nous ne pouvons contrôler. L’Afrique du Sud possède l’une des constitutions les plus libérales au monde, en faveur des mariages homosexuels pour tous et de la polygamie pour les hommes. L’homme d’affaires et personnalité de la télévision Musa Mseleku - qui a quatre femmes - fait partie de ceux qui s’opposent à la polyandrie. “Cela va détruire la culture africaine. Qu’en est-il des enfants de ces personnes ? Comment connaîtront-ils leur identité ?” demande M. Mseleku, qui joue dans une émission de télé-réalité sud-africaine sur sa famille polygame. « La femme ne peut plus assumer le rôle de l’homme. C’est du jamais vu. La femme paiera-t-elle désormais la lobola [prix de la mariée] pour l’homme. L’homme devra-t-il prendre son nom ? »
UNIONS SECRETES
Le professeur Machoko a fait des recherches sur la polyandrie dans son pays de naissance, le Zimbabwe voisin. Il s’est entretenu avec 20 femmes et 45 co-maris qui le pratiquaient, même si de tels mariages sont socialement tabous et non légalement reconnus. “La polyandrie, parce qu’elle est rejetée par certaines parties de la société, a été forcée à la clandestinité. Le secret est similaire à celui trouvé chez les francs-maçons”, a-t-il déclaré. « Lorsqu’ils sont confrontés à quelqu’un en qui ils n’ont pas confiance ou qu’ils ne connaissent pas, ils nient même l’existence d’un tel mariage. Tout cela est dû à la crainte de représailles et de persécution. Les participants à l’étude du professeur Macoko vivaient tous séparément mais étaient attachés à l’union polyandre et en étaient ouverts entre eux. “Une femme a nourri l’idée de vouloir être une femme polyandre lorsqu’elle était en sixième année [âgée d’environ 12 ans] après avoir appris comment la reine des abeilles dans une ruche héberge de nombreux co-maris”, a déclaré le professeur. Quand elle était adulte, elle a commencé à avoir des relations sexuelles avec plusieurs partenaires qui se connaissaient tous. “Quatre de ses neuf co-maris actuels faisaient partie de ce premier groupe de petits amis.” Dans la polyandrie, la femme initie souvent les relations, et invite les maris à rejoindre son union. Certains paient la dot, d’autres choisissent de contribuer à sa subsistance. Elle a le pouvoir de retirer un co-mari si elle pense qu’il déstabilise ses autres relations. Le professeur Macoko a déclaré que l’amour était la principale raison pour laquelle les hommes qu’il a interrogés ont déclaré qu’ils avaient accepté d’être co-maris. Ils ne voulaient pas risquer de perdre leur femme. Certains hommes ont également évoqué le fait qu’ils ne satisfaisaient pas leur femme sexuellement, acceptant la suggestion d’un co-mari pour éviter le divorce ou les aventures. Une autre raison était l’infertilité - certains hommes ont consenti à ce que la femme prenne un autre mari afin qu’elle puisse avoir des enfants. De cette façon, les hommes « sauvaient la face » en public et évitaient d’être stigmatisés comme « émasculés ».
LES CLERCS CONTRARIÉS
Le professeur Macoko a déclaré qu’il n’était pas au courant des mariages polyandres en Afrique du Sud. Néanmoins, les militants des droits des femmes ont demandé au gouvernement de légaliser ces unions dans l’intérêt de l’égalité et du choix, car la loi permet actuellement à un homme de prendre plus d’une femme. Leur proposition a été incluse dans un document – officiellement connu sous le nom de Livre vert – que le gouvernement a publié pour commentaires publics alors qu’il se lance dans la plus grande refonte des lois sur le mariage depuis la fin du régime de la minorité blanche en 1994. « Il est important de se rappeler que ce livre vert vise à défendre les droits humains et nous ne pouvons pas perdre cela de vue », a déclaré Charlene May, avocate au Women’s Legal Centre, un cabinet d’avocats qui lutte pour les droits des femmes. “Nous ne pouvons pas rejeter la réforme du droit parce qu’elle remet en cause certaines vues patriarcales dans notre société.” Le document propose également de reconnaître juridiquement les mariages musulmans, hindous, juifs et rastafariens. Alors que cela a été largement salué par les communautés concernées, la proposition de légaliser la polyandrie a été condamnée par les religieux qui siègent au parlement. Le chef de l’opposition, le Parti chrétien-démocrate africain (ACDP), le révérend Kenneth Meshoe, a déclaré que cela “détruirait la société”. “Il viendra un moment où l’un des hommes dira : ‘Tu passes la plupart du temps avec cet homme et pas avec moi’ - et il y aura un conflit entre les deux hommes”, a-t-il ajouté. Pour sa part, le chef du parti islamique Al-Jamah, Ganief Hendricks, a déclaré : “Vous pouvez imaginer qu’à la naissance d’un enfant, il faudra davantage de tests ADN pour découvrir qui est le père”.
ACCUEIL TRIOMPHAL POUR LAURENT GBAGBO DANS SON VILLAGE NATAL
Sous les hurlements de joie, les "Hourrah!" et les mains levées faisant le V de la victoire, l'ancien président ivoirien est arrivé à Mama à la tombée de la nuit en provenance d'Abidjan
Plusieurs milliers de personnes ont réservé dimanche un accueil triomphal à l'ex-président Laurent Gbagbo dans son village natal de Mama (centre-ouest de la Côte d'Ivoire), dix jours après son retour à Abidjan à la suite de son acquittement par la justice internationale.
Sous les hurlements de joie, les "Hourrah!" et les mains levées faisant le V de la victoire, Laurent Gbagbo est arrivé à Mama à la tombée de la nuit en provenance d'Abidjan
Sous les hurlements de joie, les "Hourrah!" et les mains levées faisant le V de la victoire, Laurent Gbagbo est arrivé à Mama à la tombée de la nuit en provenance d'Abidjan qu'il avait quitté par la route à la mi-journée.
Dès sa descente de voiture, l'ex-président, vêtu d'une chemise blanche et souriant, a pris un bain de foule.Il a remercié les gens "d'être venus si nombreux"."Dix ans (d'absence) c'est beaucoup, demain (lundi) je vais vous donner des nouvelles", a-t-il ajouté.
"Je l'ai vu ça suffit pour moi !", crie un jeune en transe.
Malgré le coucher du soleil, l'annonce de son arrivée a continué à attirer vers Mama des centaines de personnes venues des villages environnants, a constaté un journaliste de l'AFP.
Pour se rendre dans la région du centre-ouest de Gagnoa où se trouve le village, Laurent Gbagbo est passé par la capitale Yamoussoukro.Avant d'arriver à Mama, il est allé à Blouzon, localité proche, se recueillir sur la tombe de sa mère Marguerite Gadô, décédée en 2014 alors qu'il était incarcéré à la prison de la Cour pénale internationale (CPI).
Entre Yamoussoukro et Mama, son cortège a été ralenti à plusieurs reprises par une foule enthousiaste venue l'acclamer, ce qui explique son arrivée tardive dans son village.
- "Retour de l'enfant prodige" -
Dès l'aube, l'artère principale de Mama a été le théâtre d'un ballet incessant de cars, de motos et de voitures particulières remplis de partisans de l'ancien président venus assister à son retour dans son village.
"Je ne pouvais rater un tel événement, le retour de l'enfant prodige", lance un vieil homme portant une tenue en pagne, descendant d'un autocar.
"Ca fait dix ans qu'il n'a plus mis pied dans son village" et "personne ne veut rater ça", s'exclame Eric Légré Gbagbo, un jeune homme affirmant porter le même nom que l'ex-président.
Les forces de l'ordre étaient présentes, mais se faisaient discrètes.
Entre la ville de Gagnoa et Mama, distants de cinq kilomètres, le service d'ordre était assuré par la jeunesse du village qui fouillait véhicules et passagers à des barrages.
Avant son arrivée au village, l'annonce de la demande de divorce de l'ex-président d'avec son épouse Simone, avec laquelle il a formé un redoutable tandem au pouvoir pendant dix ans jusqu'à leur arrestation en 2011, était au coeur de toutes les discussions.
- Projet de divorce très commenté -
A peine rentré à Abidjan, Laurent Gbagbo a demandé le divorce "en raison du refus réitéré depuis des années de dame Simone Ehivet de consentir à une séparation amiable". Ils sont mariés depuis 1989 et ont eu deux filles ensemble.
"Nous ne sommes pas d'accord avec sa décision, Simone est notre maman", explique Ouraga Djédjé, jeune habitant de Mama, en compagnie de son épouse enceinte.
Avec une dizaine de ses camarades installés dans une gargote, Ouraga commentait cette actualité qui a passionné tout le pays, juste après le retour de Gbagbo le 17 juin à Abidjan.
Ce retour avait été marqué par de nombreux incidents entre ses partisans qui voulaient l'accueillir près de l'aéroport et les forces de l'ordre.
Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à Abidjan, puis transféré sept mois plus tard à la CPI de La Haye, où il était accusé notamment de crimes contre l'humanité, pour les violences commises à la suite de la présidentielle de fin 2010.
Le refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara avait provoqué une crise post-électorale sanglante ayant fait 3.000 morts.
Réélu en octobre 2020 pour un troisième mandat controversé, M. Ouattara a donné son feu vert au retour de Laurent Gbagbo quelques jours après son acquittement par la CPI.
par Théophile Kouamouo
GBAGBO, LE DRPOLE DE RETOUR AU PAYS NATAL
L’ancien numéro un ivoirien semble faire sien le narratif franco-ouattariste de 2010-2011, selon lequel s’il s’est “entêté” à faire front jusqu’au 11 avril de sinistre mémoire, c’est parce qu’il a été induit en erreur par “Simone et ses évangéliques”
Jeudi prochain, cela fera une semaine que l’ancien président ivoirien aura foulé le sol de son pays pour la première fois après dix années terribles : la prison, la réprobation internationale puis l’exil.
Que peut-on, avec un peu - mais très peu - de recul, tirer comme leçons de ce retour au pays natal ? Premièrement, que la ferveur populaire visible à Abidjan traduit une réalité : l’échec de la stratégie de la « page tournée » et de la construction d’un nouvel ordre politique purgé du « gbagbo-isme » et de tout ce qui y ressemble. La « démocratie des bombes » n’a pas triomphé de la conscience historique de nombre d’Ivoiriens et d’Africains qui, dans le chaos de l’actualité, savent reconnaître la trame d’une revendication têtue : celle de l’affranchissement d’un ordre impérial qui n’en finit pas de se renouveler.
Double discours
Gbagbo est rentré. Il a été acclamé. Mais la scénographie du pouvoir d’Abidjan a témoigné d’un double discours qui n’est franchement pas de bon augure.
D’un côté, Alassane Ouattara dit que Gbagbo est naturellement bienvenu chez lui - ne faisant en réalité que se conformer à la Constitution qui stipule qu’aucun Ivoirien ne peut être contraint à l’exil. De l’autre, non seulement il n’efface pas une condamnation fantaisiste à 20 ans de prison pour le prétendu « casse » de la BCEAO, mais en plus il fait traîner le processus jusqu’à ce que son rival annonce unilatéralement la date du 17 juin.
D’un côté, il affirme les droits de son prédécesseur à une confortable rente viagère. De l’autre, il ne débloque pas son unique compte en banque.
D’un côté, le gouvernement « prend acte » du retour de « l’enfant du pays » et de la manière dont il sera organisé. De l’autre, la police brutalise, arrose de gaz lacrymogène, bastonne, blesse et arrête ses partisans afin de briser l’ampleur - et l’effet médiatique - de leur liesse.
LE MEUTRIER DE GEORGE FLOYD CONDAMNÉ À 22 ANS DE PRISON
Derek Chauvin, un ancien policier de Minneapolis, a été condamné vendredi à 22 ans et six mois de prison pour le meurtre de George Floyd dont il a été reconnu coupable le 20 avril dernier. Le président Joe Biden a réagi en évoquant un verdict "juste"
"Le tribunal vous condamne à la détention pour une période de 270 mois, soit dix ans de plus que la peine" prévue par le barème du Minnesota, a déclaré le juge Peter Cahill, 13 mois jour pour jour après la mort du quadragénaire noir à Minneapolis.
"Ma décision n'est pas basée sur l'émotion ou la sympathie", "ni sur l'opinion publique", a-t-il ajouté. "Je ne cherche pas à envoyer un message."
Le barème des peines dans le Minnesota recommande 12 ans et demi de prison pour un meurtre. Mais le juge Cahill avait retenu, avant l'audience, plusieurs facteurs aggravants. En étouffant George Floyd avec son genou, le 25 mai 2020, Derek Chauvin "a abusé de sa position de confiance et d'autorité" et a agi "avec une grande cruauté", avait-il notamment écrit.
Après la fin de l'audience, le président Joe Biden est sorti de sa réserve et a estimé que ce verdict était "juste".
L'avocat de la famille de George Floyd a également salué l'issue du procès. "Cette condamnation historique fait franchir à la famille Floyd et à notre nation un pas de plus vers la réconciliation en leur permettant de tourner la page et en désignant des responsables", a assuré Ben Crump sur Twitter.
"Qu'aviez-vous en tête ?"
Pour la première fois depuis le drame, le policier de 45 ans, devenu l'incarnation des abus policiers aux États-Unis, a pris publiquement la parole vendredi.
"À cause de questions légales en suspens, je ne suis pas en mesure de faire une déclaration formelle à ce stade mais, brièvement, je tiens à présenter mes condoléances à la famille Floyd", a-t-il dit, sans exprimer ni excuses ni regrets.
Les proches du quadragénaire noir lui avaient pourtant demandé des explications. "Qu'aviez-vous en tête quand vous vous êtes agenouillé sur le cou de mon frère alors que vous saviez qu'il ne représentait aucune menace ?", lui a notamment lancé Terrence Floyd, réclamant une "peine maximale".
À l'inverse, la mère de Derek Chauvin qui, elle aussi parlait pour la première fois, avait demandé la clémence pour son fils. Contrairement à son image publique, il a "bon coeur", a assuré Carolyn Pawlenty.
Le 25 mai 2020 à Minneapolis, Derek Chauvin avait voulu arrêter George Floyd, soupçonné d'avoir utilisé un faux billet de 20 dollars pour acheter des cigarettes. Avec trois collègues, il l'avait plaqué au sol, menotté, avant de s'agenouiller sur son cou.
Le policier avait maintenu sa pression pendant près de dix minutes, indifférent aux râles de George Floyd mais aussi aux supplications de passants affolés, et ce même une fois le pouls du quadragénaire devenu indétectable.
Organisé dès mars, le procès de Derek Chauvin avait été suivi par des millions d'Américains. Pendant des semaines, ils ont revécu la scène sous tous ses angles, entendu les témoins du drame raconter leur traumatisme et assisté à un défilé inédit de policiers, venus dénoncer l'attitude de leur ancien collègue.
De son côté, l'avocat de l'accusé, Eric Nelson, a martelé qu'il s'était contenté de suivre les procédures en vigueur dans la police et que la mort de George Floyd était due à des problèmes de santé combinés à l'ingestion de drogues.
Les jurés n'ont pas été convaincus et ont mis moins de dix heures à le reconnaître coupable.
Leur décision, le 20 avril, a été accueillie par un grand soupir de soulagement dans le pays, qui craignait de s'embraser à nouveau si Derek Chauvin ressortait libre des audiences.
Suites judiciaires
Me Nelson n'a pas changé de ligne de défense. En amont du prononcé de la peine, il a plaidé que son client avait commis "une erreur de bonne foi" et demandé une peine réduite à la durée déjà purgée.
Il a mis en avant le risque que son client, qui a été incarcéré dès l'annonce du verdict dans un établissement de haute sécurité, soit tué en prison.
En parallèle, il a demandé l'annulation du procès, notamment en raison de doutes sur l'impartialité de certains jurés. Vendredi matin, le juge Cahill a rejeté sa requête, estimant qu'il avait "échoué à prouver" ses allégations.
Le dossier judiciaire ne s'arrêtera pas là : les trois collègues de Derek Chauvin seront jugés en mars 2022 pour "complicité de meurtre" par la justice du Minnesota.
En parallèle, les quatre hommes devront aussi affronter un procès devant la justice fédérale qui les a inculpés pour "violation des droits constitutionnels" de George Floyd.
par Tidiane Sow
CARNET DE COVID
EXCLUSIF SENEPLUS #SilenceDuTemps – On découvrit pendant la pandémie que la globalisation n’était pas seulement économique. Allons-nous continuer à être juste un marché pour tous ceux qui ont quelque chose à vendre ?
#SilenceDuTemps - Souvenez-vous de la sorte de frénésie qui s’empara de notre pays lorsque le premier cas de Covid fût déclaré au Sénégal. On l’avait guetté depuis quelques jours déjà et enfin, j’allais dire, nous le tenions. On voulait, à l’instar des autres nations déjà touchées, nous y frotter nous aussi. L’appréhension était grande certes, mais il flottait un parfum de curiosité, celle d’avoir les mêmes problèmes que les grands du monde. Puis ce qu’on redoutait le plus arriva : notre premier mort de la Covid. Il y eut de la tristesse, mais aussi une grosse peur. La Covid n’avait pas emporté n’importe qui. C’était Pape Diouf, un illustre sénégalais.
Le président nous parla fréquemment en cette période de Covid. La peur s’était installée et tout le monde l’écoutait religieusement : couvre-feux, port de masque obligatoire, limitation de nombre de personnes dans les transports, fermeture des mosquées et autres lieux publics furent édictés sans que personne n’y trouvât à redire. Nos libertés furent drastiquement restreintes et nous, souvent prompts à rechigner pour un rien, nous conformâmes aux directives énoncées. Jamais cohésion nationale ne fut aussi totale. Il fallait se serrer les coudes face à l’ennemi commun ainsi désigné. Le président nous dit nous étions en guerre. Avant lui, un autre président, Macron l’avait également dit. Nous avions donc fini par les croire, au moins pour cette fois, car la réalité funèbre était là pour nous convaincre. On mourrait de la Covid. La peur était là palpable, même si personne n’avait connu la guerre. Cette pandémie supplantait soudain nos jacasseries quotidiennes qui se firent rares. Les rues se vidèrent, les langues se turent, les partis d’opposition enterrèrent la hache de guerre et presque tous - en dehors de quelques irréductibles - se rendirent au palais de la République rencontrer le président pour fumer le calumet de la paix. L’intérêt supérieur de la nation valait bien toutes les connivences.
Cette paix des braves dura pendant toute la première vague.
Durant cette période, le débat politique s’était rétréci. Ni la coalition majoritaire ni l’opposition ne parvinrent à l’animer. Les débats publics étaient accaparés par des faits divers : un petit génie porté « disparu » et une grosse ingénue portée « disparue » elle aussi, pour des raisons différentes, occupèrent le haut du pavé des débats. Pourtant les sujets d’importance ne manquaient pas, que ça soit le manque de lits à l’hôpital, le nombre réduit de respirateurs, l’insuffisance du personnel de santé, l’autosuffisance alimentaire, la sécurité sanitaire, l’employabilité des jeunes pour ne citer que ceux-là. Toute l’actualité nationale se résuma aux stratégies déployées contre la pandémie et qui pour l’essentiel reprenaient celles françaises. Les politiques de "chien crevé qui suit le fil de l’eau"* de nos différents gouvernements nous livrèrent complètement démunis face à l’ampleur du désastre qui s’annonçait. Il y eut bien des mesures d’accompagnement sociales, mais comme toujours, la réalité rattrapa les voeux initiaux. Les attributions de marché de riz, d’huile et autres denrées furent nébuleuses, la logistique peina à suivre. Ce tohu-bohu lézarda le silence des remontrances jusqu’alors tues. Des voix discordantes se firent entendre sur les erreurs de nos choix antérieurs. Il fut établi qu’il nous faudrait faire les choses autrement et différemment. Il y avait d’autres options possibles : Des TER et des stadium c‘était bien, mais des hôpitaux, des écoles et des vaccins c’était mieux. Les « petites personnes », telles que le personnel de santé, le corps enseignant, jusqu’alors remisés au dernier rang, se révélèrent essentielles.
- L’affaire Sonko-Adji Sarr, cygne noir qui jeta le pays au bord du précipice -
La globalisation libérale a accentué inexorablement les fractures partout dans le monde et notre Sénégal n’y a pas échappé. Avant la Covid les demandes sociales les plus pressantes étaient la justice et la lutte contre l’impunité. C’est cette injustice qui a été le terreau de la violence et la haine qui s’immiscent insidieusement dans notre société. Elles sont présentes partout, dans la rue, sur les plateaux télé.
Pendant la Covid, les inégalités se sont creusées. Les élites se sont éloignées davantage du peuple, s’engonçant de plus en plus profond dans leur entre soi. Le peuple « d’en bas », las de subir les couvre-feux et autres restrictions auxquels on le soumettait, laissa monter sa colère. L’affaire Sonko-Adji Sarr fut le « cygne noir » (évènement imprévu à fort impact) qui jeta le pays au bord du précipice. Les ingrédients du cocktail explosif étaient là. L’affaire fut le catalyseur qui mit le feu aux poudres. Le pays vécut des évènements d’une rare violence : des magasins furent pillés et pire, des vies furent perdues. La rue avait pris le pouvoir. Le système religieux vint à la rescousse d’un système politique en plein délitement et le sauva du tourbillon immédiat qui menaçait de l’emporter. Il est temps de changer, de revoir ces systèmes antiques qui ne correspondent plus à la réalité que nous vivons. Il ne s’agit plus de vitupérer des menaces et de jurer qu’on ne les y reprendrait plus, que de telles manifestations n’auraient plus lieu parce que les forces de l’ordre seraient équipées pour faire face, mais, plutôt de dire que les manifestations n’auraient plus lieu parce qu’on mettrait en place des politiques publiques adéquates qui satisferaient le peuple. Les partis politiques pour nombreux qu’ils soient (plus de 300), ne représentent plus les populations. Le peuple a fini par comprendre que ces organisations participent au maintien des injustices et inégalités en cours et qu’elles reproduiront ces mêmes tares s’il leur confiait la direction du pays. Il a fini par comprendre que ces partis sollicitaient leurs voix à la veille des élections pour mieux s’en détourner une fois celles-ci passées.
Aujourd’hui, il y a un vide pour ceux qui ne sont ni militants, ni inféodés aux partis politiques. Ils sont nombreux, ceux-là qui peinent à se mobiliser, qui savent pourtant fort bien les causes qui leur importent.
On découvrit que la globalisation n’était pas seulement économique, elle était également, entre autres, sanitaire, qu’on commettait l’erreur classique de ramener un sujet complexe multidimensionnel (la globalisation), en une représentation unidimensionnelle (l’économie). On pouvait avoir une croissance économique de 6% et ne pas disposer de lits d’hospitalisation qu’on pouvait être la sixième puissance mondiale et manquait de masques. Un virus déclaré en Chine et en un rien de temps, c’est tout le monde qui en pâtit socialement.
Nous africains, avions déjà été victimes d’un partage en zones d’influence lors de la conférence de Berlin en 1884 et nous, sénégalais n’avions pas, à ce jeu hérité des meilleurs « maîtres ». L’esprit qui prévalait en 1884, stipulait qu’ouvrir l’Afrique au commerce international serait la voie pour le développement de ses populations et les ferait avancer sur le chemin de la civilisation. On sait ce qu’il en est advenu. Nous voilà à l’aube d’un nouveau partage, celui de l’après-Covid, pouvons-nous nous-mêmes, choisir notre propre destin, au lieu de nous contenter de l’illusion d’avoir choisi notre maître ?
Allons-nous continuer à être ce que nous fûmes, à savoir juste un marché pour tous ceux qui ont quelque chose à vendre ?
Les Chinois et les Turcs ont déjà rejoint les Occidentaux pour prendre pied dans notre pays et exploiter nos ressources. Si on n’y prend garde, nous serons bientôt des étrangers dans notre propre pays.
Apprendrons-nous de nos erreurs ? Pas si sûr, si l’on se réfère à N. Thaleb qui nous dit que ce ne sera pas le cas, tant que ceux qui prendront les décisions ne seront pas obligés de payer pour les conséquences de leurs actes. Ceux qui prennent les décisions doivent savoir que les peuples en subissent les conséquences et qu’il est temps qu’ils soient attentifs à leurs actes à défaut d’en être responsables. [Qu’ils jouent leur peau sur les directives qu’ils édictent dirait Thaleb]**
Il ne faut pas qu’ils restent dans leur confort de vie que le TER circule ou pas. Qu‘un hôpital voit le jour ou pas. Il ne faut pas qu’ils se contentent de répéter des arguties dont ils ignorent le sens profond comme « la patrie avant le parti » ou « la République pour tous et par tous ». Il faut qu’ils les vivent.
Il me vient à l’esprit l’étrange épître de ce haut fonctionnaire bien bavard qui nous parlait de « République pour tous et par tous » alors qu’il était allongé dans un lit d’hôpital du Nord, bénéficiant de privilèges pour s’y soigner, alors que ses compatriotes mouraient en silence dans les hôpitaux de la République où il manquait de tout.
La pauvreté a été réduite en Chine grâce à la globalisation pensée par l’establishment libéral anglo-saxon. Quand ce système a fait son chemin et que les Américains se sont sentis menacés par le retour de bâton chinois, qui leur damait le pion sur nombre de marchés, ils ont fait ce que font les pays dominants : ils ont changé les règles. Mais à terme, il est entendu que le pouvoir migrera à l’Est. Ce n’est qu’une question de temps. Que prévoyons-nous dans ce nouveau contexte à venir ?
- Nous avons besoin d’hommes de caractère qui imposent l’action et en prennent les responsabilités -
Un nouvel ordre mondial est en train de naître. C’est quand la marée descend que l’on entrevoit les épaves, la pandémie a montré nos dépendances, nos manques et les limites de cette stratégie « Queilliste » qui nous colle obstinément à la peau et qui consiste à attendre que le temps qui passe règle les problèmes.
Ce monde de demain sera à « qui risquera le plus, prendra plus fermement son risque », comme disait Bernanos ou encore comme disait St Matthieu « qui veut risquer sa vie la sauvera », nous voilà donc contraints de prendre des risques pour sauver nos vies. Le monde n’est pas altruiste et chacun y joue l’hymne embouché naguère par Trump : le fameux « Nous d’abord ». Pourtant, cet hymne est présent dans presque toutes nos cultures : Ne dit–on pas « Sama bopp moma gënël du bañ na là » en wolof ou « Yidande hoore mum wonaa anande banndum » en pulaar ?*** L’Europe garde ses vaccins pour elle-même. L’Amérique en fait de même pour les composants de ses vaccins. Chacun veut sauver sa peau. Là encore St Matthieu nous avertit : « ceux qui veulent sauver leur vie la perdront ». Notre monde se meurt par manque de solidarité.
Comme disait B. Brecht « malheureux le pays qui a besoin d‘un chef ». En ces temps troubles et d’incertitude, nous avons hélas bien besoin de chefs. Il nous faut de grands hommes pour préparer l’après-Coronavirus. On ne fait rien de grand sans de grands hommes. Industrialiser le Sénégal, se doter d’une industrie pharmaceutique digne de ce nom capable de produire des médicaments, réorienter l’enseignement pour produire des hommes capables de faire face aux défis de demain. Tels sont, quelques-uns des défis qui nous attendent. Nous avons besoin d’hommes de caractère qui imposent l’action et en prennent les responsabilités.
Après la Covid, nous voyons bien que nous devons nous investir dans des secteurs stratégiques laissés à l’abandon ou aux mains de capitaux exclusivement étrangers. La santé est un secteur prioritaire. La pandémie a mis à nu nos tares. Nous dépendons de l’étranger de tout. Nous le savions dans une certaine mesure, mais pas à ce point. Même la nourriture que nous mangeons provient de l’étranger. Il nous faut assurer pour de vrai, au plus vite l’autosuffisance alimentaire et la sécurité sanitaire. Les pays qui nous fournissaient jusqu’alors des céréales et masquaient ainsi, notre insuffisance dans notre production, ont arrêté brutalement leurs exportations pour la réserver à leur propre population. Cette fois, il ne suffira plus de parler d’autosuffisance, mais de la réaliser. L’absence d’actions ne résoudra pas le problème et les conséquences seront désastreuses (famine, déstabilisation du pouvoir, etc.). Avant les difficultés ne concernaient que le peuple. On s’en accommodait. Maintenant les difficultés touchent tout le monde, élite comprise.
Dans un monde qui se recompose en pôles, avons-nous une place à faire valoir ? Une histoire à raconter ? Pas une histoire construite par d’autres, mais par nous-mêmes. Nous devons construire cette histoire en répondant de façon opérationnelle aux questions stratégiques qui se posent à nous. Nous devons faire taire la violence verbale présente dans tous les secteurs et recréer un sentiment de destin commun qui s’est effrité au cours de ces dernières années. Faire taire la violence des idées néolibérales qui ne nous ont jamais servis. Nous n’aurons jamais profité des délocalisations industrielles nées des idées néolibérales d’il y a 40 ans. Elles prirent le chemin de la Chine et du Sud-est asiatique avant que ces derniers ne deviennent à leur tour des envahisseurs capitalistes de notre continent. Qu’importe l’envahisseur – le prédateur devrais-je dire -, nous en subissons toujours les contrecoups Nous importons presque tout, nous ne produisons presque rien. Nous, précarré français, incapables de prendre notre destin en main, rétifs à nous affranchir de sa tutelle, tenus à l’écart par une françafrique dont le but ultime est de nous maintenir sous le joug néocolonial, subissons aujourd’hui les assauts des nouveaux capitalistes chinois, turcs et autres…
- Redistribuer les priorités, relever la démocratie et restaurer l’idée d’un destin commun -
Dans le monde de demain, nous devons restaurer et afficher les grandes ambitions que nous avons pour le Sénégal. Le PSE a été flingué en grande partie en plein vol par la crise sanitaire. Il faudra, comme je le disais plus haut, redistribuer les priorités, restaurer l’idée d’un destin commun, car le Sénégal est de plus en plus miné par des relents ethnicistes qui ne présagent rien de bon. Ces divisions, attisées par des pseudos élites à courte vue, laissent des stigmates de plus en plus profonds dans notre vivre en commun, socle fondamental sans lequel le destin commun ne saurait éclore. Lincoln disait « toute maison divisée contre elle-même est condamnée à périr ». L’Afrique s’est délitée par manque de cohésion, certes orchestrée par les anciens colonisateurs, mais aujourd’hui notre pays en prend le chemin. Certains de ses propres fils, avides de buzz, désireux de sortir du néant, y organisent impunément le chaos. Nous savons combien la tâche est difficile de recoller les morceaux cassés. Si nos chefs religieux exhortent et s’emploient à raffermir cette cohésion qui va à vau-l’eau, les réseaux sociaux comme moyens de communication tendent à en favoriser les éclatements.
- Il nous faut retrouver la philosophie robuste des assises nationales -
Pour inventer le monde de demain, il nous faut des leaders capables de : prendre des décisions qui mettent en avant l’intérêt de la nation ; poser des actes qui remplacent les slogans faciles à tenir ; s’entourer de femmes et d’hommes capables de porter des projets qui ne soient pas des éléphants blancs. Il nous faut des hommes capables de faire vibrer la corde nationale, de répondre en écho aux clameurs du peuple qui souffre et demande de l’aide. Bref, il nous faut des inventeurs. Il nous faut retrouver la philosophie robuste des assises nationales dissolue depuis longtemps dans l’irénisme de la majorité politicienne.
Avec une croissance démographique qui dépasse la croissance économique, une urbanisation rapide et une gestion des terres et des ressources qui exclut de plus en plus de nationaux, les challenges futurs ne manquent pas. Les capacités de résilience de l’État seront mises à rude épreuve, l’impossibilité des partis de gagner seuls les élections leur imposera de gouverner ensemble rendant les gouvernances plus complexes. Pour juguler les vagues d’activisme et de protestations qui ne manqueront pas de poindre, il faudra consolider la démocratie en améliorant les deux points sur lesquels nous achoppons dans tous les audits : le maintien d’un processus politique juste, inclusif, équitable et la bonne gouvernance.
Pour restaurer la confiance du public largement entamée, il faudra s’attaquer à tous les sujets qui le préoccupent en même temps, sur tous les fronts pour que tous les changements répondent les uns aux autres, pour qu’il y ait une masse critique de changements qui entraînent toute la société, qui lui impriment une autre trajectoire. Tel est le challenge.
Quand un pays est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se désintègre, alors, c’est la porte ouverte aux populistes et aventuristes de tous bords qui en profitent pour prendre pied. Il faudrait que le pays puisse susciter en lui une révolution qui transcende ses problèmes. C’est en cela qu’il nous faut des inventeurs pour réussir la métamorphose.
C. Tidiane Sow est docteur en Mathématiques et coach en communication politique. Il a travaillé pour les grands groupes internationaux tels que Renault, Standard Bank et IBM. Dr Sow est membre-fondateur de Lead Consulting, firme spécialisée dans le coaching et le développement du leadership.
Notes :
*A. Tardieu : Politique de « chien crevé qui suit le fil de l’eau » : politique flottante au gré de tous les courants
**Nassim Nicholas Thaleb : « Ceux qui ne jouent pas leur peau »
*** Proverbe sénégalais : « Vouloir quelque chose pour soi, ce n’est pas ne pas le vouloir pour son prochain ». Une sorte de négation du tiers exclus.
PAR Philippe D'Almaeida
ÉCO, L'ERRANCE SANS FIN
Samedi dernier, les chefs d’Etat de la CEDEAO ont confirmé, si besoin en était encore, que la monnaie unique commune est une Arlésienne, juste bonne à nourrir les fantasmes d’une communauté embourbée dans ses contradictions
Samedi dernier, les chefs d’Etat de la CEDEAO, réunis en sommet, ont confirmé, si besoin en était encore, que la monnaie unique commune est une Arlésienne, juste bonne à nourrir les fantasmes d’une communauté embourbée dans ses différences nationales, dans ses contradictions communautaires et dans son impuissance à faire des options monétaires souveraines, depuis plusieurs décennies.
Le président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, a, en effet, annoncé à Accra la mise en place d’une nouvelle feuille de route pour accélérer le processus d'instauration de la monnaie unique, éco, au terme du 59e Sommet ordinaire tenu dans son pays.
Le pacte de convergence qui avait été officiellement suspendu, pour cause de coronavirus en 2020, va reprendre entre 2022 et 2026. Et c’est finalement en 2027 que la nouvelle monnaie va entrer en vigueur.
Autre paramètre qui a prévalu au report du lancement de la monnaie, selon le président de la Commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou : le naïra - la monnaie du Nigeria, première économie d'Afrique de l'Ouest - a un taux de change flottant, tandis que huit autres pays de la région utilisent le franc CFA arrimé à l'euro et il se trouve qu’en cette période-ci, le Nigeria a une forte inflation à deux chiffres, alors que le BCEAO se bat pour la maintenir à 3 %.
Voilà pour les informations officielles qui ne réussissent, hélas pas, à convaincre les observateurs de cet interminable processus d’intégration économique et monétaire initié par les quinze pays de la CEDEAO, au début des années 80. Multiples péripéties jusqu’en 2001 où la CEDEAO adopte le mécanisme de surveillance multilatérale des politiques économiques et financières des Etats membres. Objectif : le respect d’un ensemble de critères de convergence macroéconomiques, susceptibles de contribuer à homogénéiser les économies de la région. Première pierre d’achoppement de la marche de chacun des Etats vers la monnaie unique commune.
En effet, après trois reports successifs, en 2003, 2005 et 2009, les autorités ouest-africaines renoncent finalement, en juillet 2014, à lancer l’éco en janvier 2015 au sein de la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest, tel que préalablement retenu. La raison évoquée est le niveau insuffisant de préparation et de convergence économique au sein de la ZMAO, la Zone monétaire d’Afrique de l’Ouest, qui compte six pays : le Ghana avec son cedi ; la Gambie avec son dalasi ; le Liberia avec son dollar libérien ; le Nigeria avec son naïra ; la Sierra Leone avec son leone ; la Guinée avec son franc guinéen.
Il faut rappeler que ces critères de convergence, dits de premier rang, avant 2020, consistent en un déficit budgétaire limité à 3 % du PIB, une inflation à 10 % maximum et une dette inférieure à 70 % du PIB.
En 2017, à l’issue du sommet d’Abuja, les gouvernements déplorent alors, dans leur communiqué final, ‘’le faible niveau du taux d’intégration économique, après plus de 40 ans d’existence de la CEDEAO’’.
On pourrait prendre l’option d’en sourire, mais la réalité est depuis longtemps criarde d’une Afrique qui peine à s’entendre autour des solutions déterminantes pour son développement économique et qui excuse ses faillites par les immixtions imaginaires dont elle se veut victime, pour justifier sa paralysie.
Fin 2019, le Togo, seul, semble tirer son épingle du jeu et respecte les fameux critères de convergence. Néanmoins, les chefs d’Etat de la CEDEAO adoptent le symbole de l’éco et le futur nom de la Banque centrale qui sera la BCAO. On sait les controverses auxquelles prêtera la simple dénomination de l’éco, monnaie à parité fixe arrimée à l’euro et garanti par la France et la volée de bois vert qu’essuiera Alassane Ouattara de la Côte d’Ivoire, pour avoir donné l’information non-consensuelle aux côtés du français Macron. Un certain nombre de pays dont le Nigeria et le Ghana y voient tout sauf une monnaie indépendante.
La question semble alors remisée dans l’un de ces interminables tiroirs remplis des bons vœux de la conscience des dirigeants africains tout au long de l’histoire ; la crise sanitaire de l’année dernière viendra comme confirmer cette fatalité.
La monnaie unique annoncée pour 2020 est désormais conjuguée au passé et les africanistes étaient censés en faire leur deuil jusqu’à ce que, à la faveur du week-end dont nous sortons, la voix d’outre-tombe de l’éco vienne nous dire qu’elle n’est peut-être pas tout à fait morte et qu’elle intéressait à nouveau le désir de souveraineté et d’indépendance des dirigeants ouest-africains.
"Nous avons une nouvelle feuille de route et un nouveau pacte de convergence qui couvrira la période entre 2022 et 2026, et 2027 sera l'année de lancement de l'éco", a fièrement annoncé le président ghanéen le 19 juin 2021. Mais il ne réussit pas à nous dire comment il y arrivera, alors même que les taux d’inflation sont disparates, que dans la majorité des pays concernés, les taux d’intérêt sont inférieurs au taux d’inflation, ce qui devrait être le contraire et que dans un pays comme le Nigeria, ce taux d’inflation est de 10 % et risque, pendant longtemps encore, en l’absence d’une politique ferme et volontariste, de ne point changer. Arlésienne formatée, visiblement, plus dans un manque de lucidité que de bonne foi.
Mais attendons ! 2017 ce n’est pas les calendes grecques.