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3 mai 2025
International
LA FRANCE RISQUE-T-ELLE DE PERDRE LE MALI?
Boubacar Haidara, professeur à l’université de Ségou et chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM), décrypte pour Apa news les conséquences éventuelles de la suspension par la France de sa coopération militaire avec le Mali
Boubacar Haidara, professeur à l’université de Ségou (Centre du Mali) et chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM) à l'université Bordeaux-Montaigne, décrypte pour Apa news les conséquences éventuelles de la suspension, annoncée jeudi, par la France de sa coopération militaire avec le Mali.
La décision française, annoncée jeudi 3 juin par un communiqué du ministère des Affaires étrangères, de suspendre sa coopération militaire avec le Mali est-elle une surprise?
On savait que la France n’avait pas apprécié ce que le président Emmanuel Macron a qualifié dans un entretien publié dans la dernière édition du Journal du Dimanche de « coup d’état dans le coup d’état ». Il faisait allusion au renversement le 24 mai du président de la transition Bah Ndaw et son premier ministre Moctar Ouane qui étaient censés conduire le Mali vers des élections générales destinées à normaliser la vie politique après le renversement en août dernier, par le même groupe d'officiers, du président Ibrahim Boubacar Keïta dit IBK. Dans le même entretien, le chef de l’Etat français a certes menacé de retirer ses troupes, si jamais les putschistes ne respectent leur promesse d'organiser une transition démocratique conformément au calendrier déjà fixé, ou s’ils étaient tentés par un glissement vers "l’islamisme radical", selon ses propres mots. Cependant, depuis les décisions prises par la Communauté des Etats Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine (UA) de suspendre le Mali de toute activité au sein de leurs instances, les autorités françaises avaient affirmé qu’elles se rangeaient derrière les positions de ces deux organisations africaines. L’annonce faite jeudi, 3 juin, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères français de la suspension de la coopération entre les armées des deux pays, qui combattent les groupes jihadistes dans le nord du Mali depuis 2013, n’était donc pas attendue, malgré les propos musclés tenus par le président français le weekend dernier. A Bamako, ces propos avaient été perçus davantage comme un coup de pression supplémentaire sur les putschistes pour remettre le pouvoir aux civils au plus vite que comme une idée sérieusement envisagée par les autorités françaises. Cette décision est, donc, une vraie surprise.
Quelles seraient les conséquences éventuelles d’une telle décision sur le terrain.?
Même si la France se garde pour l’instant d’annoncer un retrait prochain de ses 5100 soldats engagés contre les jihadistes au Mali et dans le reste du Sahel, elle coupe toute coopération sur le terrain avec l’armée malienne. Cette décision qui signifie que l'opération Barkhane agira désormais en solitaire sur le terrain, est accompagnée par l’arrêt immédiat de toute aide aux forces armées et de sécurité maliennes, y compris dans le cadre de Takuba, la «task force» composée de forces spéciales dédiées à l'accompagnement au combat les unités maliennes Qui est aussi suspendue. Une décision qui risque d’avoir un impact lourd sur les militaires maliens sur le terrain. Ils se retrouvent désormais démunis face à des combattants jihadistes de plus en plus nombreux et violents. Autant dire que cette décision française est pleine de risque pour le Mali et le Sahel. Elle risque d’ouvrir un grand boulevard pour les jihadistes qui n’ont toujours pas renoncé à leur projet initial de prendre le contrôle de tout le pays.
Que peuvent faire les militaires maliens après une telle suspension de la coopération française?
Leurs choix sont limités. Un des scénarios extrêmes mais pas impossible est que les putschistes, qui ont toujours affirmé être disposés à discuter avec les jihadistes, s'engagent dans la voie d’un rapprochement avec ces derniers. A défaut d’un accord de paix en bonne et due forme, ils pourraient envisager de faire des concessions majeures pour obtenir au moins un cessez-lefeu. Des contacts existent entre les deux parties. Des membres du Haut Conseil islamique, qui est un organe étatique, sont en relations avec des leaders maliens du Groupe pour le soutien de l’Islam et des Musulman, plus connu par son acronyme en langue arabe Jnim. Les putschistes pourraient aussi vouloir remplacer l’armée française par celle d’une autre puissance comme la Russie ou la Turquie, dont les ambitions en Afrique sont de plus en plus affichées. Ces deux scénarios ne s’excluent pas mutuellement. S’ils venaient à être traduits dans les faits, ce serait non seulement dangereux pour le Mali et la sous-région sahélienne. Cela signifierait aussi l’échec pur et simple de l’intervention militaire française au Mali.
LA DÉCISION FRANÇAISE AFFECTE DUREMENT LE MALI
Les soldats maliens, notoirement mal formés et mal équipés, dépendent largement des partenaires du Mali pour tenir des camps isolés dans un vaste pays
La décision française de suspendre les opérations conjointes avec l'armée malienne impacte sévèrement les déjà faibles capacités d'un partenaire crucial dans la lutte antijihadiste, avec l'objectif d'obtenir des engagements solides de leurs dirigeants, disent les analystes.
Dans les brousses du Nord et du centre du Mali, les soldats français de l'opération Barkhane, qui a pris en 2014 la relève de Serval déployée l'année précédente, opéraient jusqu'alors dans une large mesure main dans la main avec les soldats maliens.
C'était le cas en particulier lors d'opérations de plusieurs semaines engageant des milliers d'hommes, de Barkhane, de l'armée malienne ou de l'armée nationale selon le théâtre, et de la force régionale du G5 Sahel, contre les groupes armés affiliés à Al-Qaïda ou à l'organisation Etat islamique.
Ces opérations ne se traduisaient pas forcément par de lourdes pertes dans les rangs jihadistes.Mais elles permettaient de "mettre un coup de pied dans la fourmilière et de désorganiser l'ennemi qui doit bouger et prête alors le flanc" à des actions ciblées, explique une source militaire malienne.
La coopération allait bien au-delà, avec le soutien aérien à une armée malienne cruellement dépourvue, l'échange de renseignement et l'entraînement et le conseil, avec l'objectif constamment rappelé par Paris de faire monter en puissance l'armée malienne pour qu'elle puisse assumer seule la sécurité du pays.
Depuis jeudi soir, de grande lignes de cette coopération sont remises en cause, pour la première fois de manière aussi nette en huit années de collaboration.
- large dépendance -
Dix jours après un deuxième putsch en neuf mois, qui a fait du colonel Assimi Goïta le chef de cet Etat crucial pour la stabilité au Sahel, Paris a annoncé jeudi soir suspendre les opérations conjointes avec les forces maliennes.
Concrètement, les soldats de Barkhane "ne sortent plus de leurs bases" dans le Nord du Mali, dit un diplomate français à Bamako.
Les activités de la Task Force Takuba, composée d'unités de forces spéciales européennes et censée aider l'armée malienne à s'aguerrir, sont suspendues, a indiqué à l'AFP l'état-major français.Idem pour la coopération avec les éléments maliens de la force du G5 Sahel, et les actions de formation des soldats maliens, au tir ou à la lutte contre les mines artisanales.
Les soldats maliens, notoirement mal formés et mal équipés, dépendent largement des partenaires du Mali pour tenir des camps isolés dans un vaste pays.Des centaines d'entre eux ont été tués dans les offensives éclairs des jihadistes.
Au quotidien, le soutien français se traduit, dans les domaines logistique, par l'escorte aux relèves ou l'approvisionnement en eau, et militaire, par l'appui lors d'attaques et l'évacuation des blessés.
Sans la France, les opérations maliennes seront vraisemblablement "extrêmement réduites: protection de base, patrouilles en périphérie immédiate des camps, convoi logistique", dit Raphaël Bernard, ancien officier de Barkhane, "ils savent que c'est compliqué de manœuvrer contre les GAT (groupes armés terroristes) loin de leurs bases sans Barkhane ou Takuba".
- groupes insurrectionnels renforcés?-
En décembre, les soldats du camp isolé de Boulkessi avaient sollicité l'appui terrestre et aérien de Barkhane afin d'être relevés.
Dorénavant, ce soutien ne sera plus automatique et le soutien français dans des circonstances particulières sera examiné au cas par cas, dit un responsable français sous le couvert de l'anonymat.
Les mesures sont "temporaires" dans l'attente de "garanties" de la part des colonels maliens qu'ils rendront le pouvoir aux civils après des élections prévues en février 2022, a dit le ministère français des Armées.
Le chercheur malien Boubacar Ba envisage que, dans le camp des jihadistes, l'espace ouvert "donne des ailes aux groupes insurrectionnels qui se sentiraient renforcés par les différentes crises répétitives à Bamako et un éventuel abandon temporaire ou définitif de l'appui des forces Barkhane et Takuba".
L'hypothèse d'un retrait définitif de la France paraît pour l'heure "improbable", estime un ancien haut fonctionnaire retraité malien pour qui "l'annonce française est un message clair et direct" à l'adresse des militaires maliens pour obtenir des garanties.
Celles-ci, avance un chercheur sous couvert d'anonymat, pourraient porter autant sur la nomination d'un Premier ministre civil, qui semble acquise, que sur les décisions politiques bamakoises.
Les Français chercheraient à faire "pression pour que soit mis un terme à tout processus de négociation avec les jihadistes" et pour que la nomination pressentie de Choguel Kokalla Maïga au poste de Premier ministre "ne signifie pas le retour de (l'imam) Dicko", dit-il.
Mahmoud Dicko, imam au coeur de la lutte contre l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, n'a jamais caché sa volonté d'engager un dialogue avec les jihadistes pour le retour de la stabilité au Mali. MM.Maïga et Dicko sont réputés proches.
"L'annonce française pourrait permettre de clarifier les choses", d'un côté comme de l'autre sur "les réelles volontés de chacun", dit le haut fonctionnaire retraité.
par l'éditorialiste de seneplus, demba ndiaye
MALI, L’INSUPPORTABLE CHANTAGE FRANÇAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Les récentes sorties de Macron sur le Mali apparaissent pour ce qu’elles sont : les rapports modernes du maître et de l’esclave. Une preuve des chimères de la souveraineté des États africains
Les sorties du président français, Emmanuel Macron, notamment la dernière contre le Mali, apparaissent pour ce qu’elles sont : les rapports modernes du maître et de l’esclave. Une preuve irréfutable des chimères de la « souveraineté » des États africains. De l’absence de souveraineté malgré les hoquets ridicules de nos gouvernants à l’occasion.
« Des exigences et des lignes rouges ont été posées », murmure la CEDEAO vite reprise par le gouvernement français qui, on le subodore du reste, est derrière toutes les décisions et résolutions des « machins » africains que sont la CEDEAO et l’UA dans des situations pareilles. Le président français a donc la caution africaine (nègre), pour brandir le glaive, le sabre, de la soumission, de la dépendance. « Il revient aux autorités maliennes d’y répondre » sous peine de voir la France « suspendre, à titre conservatoire et temporaire, les opérations militaires conjointes avec les forces maliennes ainsi que les missions nationales de conseil à leur profit ».
Le locataire de l’Élysée se souvenant occasionnellement que son pays fut il y a une éternité, le pays de la Déclaration des droits de l’homme, «veut clairement exiger une transition inclusive qui doit s’achever dans neuf mois » et reste intransigeant quant au « caractère républicain de l’État malien ».
Évidemment, dans cette politique d’asservissement, les autorités françaises savent pouvoir compter sur leurs bras armés idéologiques : RFI et France 24. Surtout RFI qui de plus en plus se comporte comme l’infecte « radio des mille collines » rwandaise. À la différence qu’ici, au lieu d’appeler au meurtre, on appelle les peuples africains à se soumettre aux choix de Paris pour nos dirigeants, au nombre de mandats à faire, aux coups d’État acceptables et imposés, à ceux inacceptables aux yeux de la France. Pour ce faire, on lance sur les dirigeants l’artillerie lourde médiatique à longueur « d’éditions spéciales », d’« invités » et autres « Appels aux auditeurs ».
Mais en fait, la France et Macron ne sont aucunement responsables de la soumission et de l’asservissement volontaires de nos dirigeants. Il ne faut pas se tromper de cible encore moins d’adversaire : l’ennemi des peuples africains est intérieur d’abord, et seulement après, soutenu, entretenu, garrotté, par « Paris ». Parce que tout de même, ce sont les dirigeants africains qui sous-traitent la sécurité et l’intégrité de leur pays à l’ex-(toujours) puissance coloniale. Parce qu’à y regarder de près, on se rend compte que nos armées ont été formées principalement pour des guerres intérieures, contre leurs peuples. Au service des d’intrigues politiques : les coups d’État !
Oui, malgré la sainte colère qu’on peut nourrir contre les injonctions humiliantes des autorités françaises en direction de nos dirigeants, il est clair que ces derniers sont les principaux responsables. Il ne faut donc pas se tromper de cible.
Il me semble que les vrais panafricanistes, les vrais « souverainistes » sont ceux qui veulent que l’Afrique défende l’Afrique, qu’elle ne sous-traite plus sa sécurité ; qu’elle professionnalise ses armées pour faire face à toutes les menaces, que les ressources africaines servent d’abord aux peuples africains ; qu’il n’y ait plus de « précarrés » et autres « dépendances privilégiées » ; que les dettes ne soient plus des chaînes d’esclaves, que ceux qui les détournent paient pénalement et pécuniairement.
Oui, c’est insupportable de voir nos chefs d’État continuer à demeurer les "toutous" de Paris ; que le continent reste soixante ans après, le énième département de la France ; que nos régimes politiques, nos futurs dirigeants, soient le fait du choix de la France. Que ses médias, notamment « sa voix », RFI soit le média préféré de nos dirigeants.
Bref, y’en a marre de cette soumission volontaire de nos dirigeants, voire de la grande majorité de nos élites politiques et/ou intellectuelles.Mais répétons-le pour les gens de mauvaise foi et autres répondeurs automatiques : Il ne s’agit pas de la France comme pays et des Français comme peuple, mais bien de l’impérialisme français ; de la mainmise du capital français sur nos économies ; du chantage de la présence (ou non) militaire française au Mali ou ailleurs. Parce qu’on n’a quand même pas oublié la responsabilité de l’État français dans le dynamitage de l’État libyen et l’assassinat de Kadhafi. De l’implosion de l’Irak suite aux mensonges éhontés des Américains sur l’existence d’armes chimiques dans ce pays.
Oui, vous avez dynamité toutes les digues qui retenaient les illuminés de la terre. Vous avez permis que se répandent les mouvements obscurantistes, haineux et violents dans les pays fragiles. Et par ricochets, dans vos capitales. Voilà pourquoi vous êtes au Mali et au Sahel. Vous n’avez rien à cirer de la démocratie en Afrique. Vos intérêts et votre sécurité intérieure d’abord. Et surtout.
Expert indépendant de l’Organisation des Nations Unies (ONU) sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine a révélé mercredi que de nombreux dirigeants maliens sont privés de liberté à la faveur du dernier coup de force perpétré par le colonel Assimi Goita et Cie. A l’en croire, l’ancien Président de transition et son Premier ministre sont toujours maintenus en résidence surveillée. Il exige ainsi leur libération.
Le nouvel homme fort du Mali, Assimi Goita prépare activement sa prestation de serment pour le lundi 7 juin prochain. Pendant ce temps, l’ancien Président Bah N’Daw et l’ancien Premier ministre Moctar Ouane sont toujours en résidence surveillée après avoir été transférés d’un camp militaire la semaine dernière. Une situation déplorée par l’expert des droits de l’homme des Nations Unies, Alioune Tine, qui estime que les nouvelles autorités militaires du Mali devraient les libérer ainsi que tous les dirigeants privés actuellement de liberté. «J’appelle les autorités maliennes de la transition à mettre immédiatement fin à l’assignation à résidence de ces deux hommes et à libérer trois hauts responsables militaires détenus arbitrairement», a déclaré Alioune Tine.
Il souligne que contrairement à ce qui avait été rapporté à l’époque, N’Daw et Ouane n’ont pas été libérés le 27 mai, mais ont seulement été transférés à leur domicile. Il précise que lors du deuxième coup d’État au Mali en moins d’un an, le Président et son Premier ministre évincés ont été arrêtés le lundi 24 mai et détenus au camp militaire de Kati, près de la capitale, Bamako, avec cinq autres hauts responsables civils et militaires. Il informe qu’un responsable civil a été libéré le 25 mai et que plus tard le 29 mai, un gradé militaire a été également libéré. Pour autant, confie-t-il, trois hauts responsables sont toujours détenus dans le camp. «Je demande à toutes les autorités maliennes de transition de respecter scrupuleusement les droits de l’homme et les libertés fondamentales, et de rétablir l’État de droit», martèle M. Tine. Il indique dans a foulée qu’en vertu du droit international, nul ne peut être soumis à une quelconque forme de privation de liberté si ce n’est conformément à la loi. «Toute personne arrêtée doit être informée, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre elle», ajoute-t-il. Poursuivant, le fondateur du think tank Afrikajom Center soutient que les autorités maliennes doivent lever l’assignation à résidence de Bah Ndaw et Moctar Ouane et permettre aux autres détenus de communiquer avec leurs familles et leurs avocats et de recevoir des visites.
ALIOUNE TINE FAVORABLE A L’ORGANISATION D’ELECTION PRESIDENTIELLE EN FEVRIER 2022
L’ancien secrétaire générale de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) a affirmé en outre que le Mali doit permettre aux fonctionnaires des droits de l’homme de la Mission de Maintien de la Paix des Nations Unies (Minusma), ainsi qu’aux représentants des institutions et organisations nationales des droits de l’homme, comme la Commission nationale des droits de l’homme du Mali, de leur rendre visite. Il soutient aussi l’appel lancé dimanche par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) en faveur de l’organisation de nouvelles élections présidentielles en février 2022, conformément au calendrier convenu précédemment. De ce fait, Alioune Tine a déclaré que le Mali devait former un gouvernement inclusif afin de ramener le pays, désormais suspendu des institutions de la Cedeao, à l’ordre constitutionnel et à l’état de droit.
Après deux coups d’État au Mali en l’espace de dix mois, M. Tine a appelé les acteurs nationaux et internationaux à renforcer les institutions de l’État et l’Etat de droit afin d’éviter des crises répétées et de garantir le respect de tous les droits de l’homme. « J’appelle les responsables politiques, militaires et de la société civile à faire preuve de retenue et à s’engager dans un dialogue profond afin de rétablir une paix durable, la stabilité et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales au Mali», a indiqué le directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
IBRAHIMA FALL NOMMÉ HAUT REPRÉSENTANT DE L'UNION AFRICAINE POUR LA TRANSITION AU TCHAD
L'ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères (1984-1990) "interagira avec tous les acteurs politiques et sociaux tchadiens ainsi que les partenaires internationaux
L'Union africaine a annoncé mercredi la nomination du Sénégalais Ibrahima Fall comme "haut représentant pour accompagner la transition" au Tchad, où une junte militaire a pris le pouvoir le 20 avril après la mort du président Idriss Déby Itno.
Ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères (1984-1990), Ibrahima Fall "interagira avec tous les acteurs politiques et sociaux tchadiens ainsi que les partenaires internationaux en vue de mobiliser toute les ressources possibles pour le succès de la transition démocratique, consensuelle et pacifique du Tchad", détaille l'Union africaine (UA) dans un communiqué.
Un Conseil militaire de transition (CMT) composé de 15 généraux et présidé par Mahamat Idriss Déby, un des fils du président Idriss Déby Itno, a pris le pouvoir le 20 avril au Tchad en annonçant la mort du chef de l'Etat, qui aurait été tué au front contre des rebelles. Le CMT a immédiatement dissous le gouvernement et le Parlement et abrogé la Constitution tout en promettant des élections "libres et démocratiques" au terme d'une "transition" de 18 mois, renouvelable une fois.
Le 20 mai, l'UA a exigé que cette junte achève "en 18 mois" un processus de "transition démocratique" débouchant sur des élections "libres, justes et crédibles". "Aucune forme d'extension de la période de transition prolongeant la restauration de l'ordre constitutionnel ne saurait être acceptable pour l'UA", avait-elle ajouté.
Outre son poste ministériel au Sénégal, Ibrahima Fall a occupé plusieurs charges de représentant des Nations unies en Afrique (sous-secrétaire général aux affaires politiques chargé de l'Afrique, représentant spécial pour la région des Grands lacs), ainsi que dans plusieurs pays pour l'Union africaine (Guinée, Grands Lacs, Burundi).
par Yoro Dia
ZEMMOUR N'EST PAS ZOLA
La provocation permanente est le moteur du succès médiatique de ce Coluche intellectuel, avec l’humour en moins. En disant que «tous les trafiquants de crack sont sénégalais», il fait dans l’excès pour exister
Il n’y a qu’un seul point commun entre le Grand Emile Zola, l’auteur de «Germinal» et de l’historique «J’accuse» dans l’affaire Dreyfus et Eric Zemmour : ils sont tous des intellectuels, des intellectuels tapageurs. C’est le seul point commun. Heureusement. Zola ouvre le registre de l’intellectuel tapageur dans l’affaire Dreyfus pour défendre de grands principes. Zemmour pirate le registre de l’intellectuel tapageur pour faire de la provocation permanente, afin d’exister médiatiquement, étancher une soif de reconnaissance et, de façon freudienne, régler des comptes et cicatriser des blessures qui jalonnent son histoire personnelle et familiale. «Sans doute sa vision de l’islam est-elle biaisée par son histoire personnelle. Se définissant comme un Français d’origine berbère, il descend comme beaucoup de juifs d’Afrique Nord, d’ancêtres qui habitaient l’Algérie bien avant la conquête du Maghreb par les Arabes au VIIe siècle, et qui ont été chassés de leurs terres originelles au nom de la décolonisation, dans la bonne conscience générale. Ça laisse des traces.» Tout est dit dans cet édito de Franz-Olivier Giesbert dans Le Point du 18 février 2021.
Cette grande histoire a laissé des traces qui le prédisposent à être anti-musulman, et le fait aussi d’être originaire de Montreuil, «la plus grande ville malienne après Bamako», renforce des prédispositions déjà ancrées dans une histoire personnelle. La provocation permanente est le moteur du succès médiatique de ce Coluche intellectuel, avec l’humour en moins. En disant que «tous les trafiquants de crack sont sénégalais», il fait dans la provocation et l’excès pour faire le buzz médiatique qui lui permet d’exister. L’Etat du Sénégal a réagi et semble vouloir mettre la pression sur Bolloré pour le censurer. C’est ce que cherche Zemmour, pour internationaliser sa victimisation intellectuelle et politique. Au-delà du courrier et de la stratégie pour le faire taire, le Sénégal devrait porter plainte et faire condamner ce délinquant intellectuel multirécidiviste, pour avoir été condamné en 2011 pour discrimination raciale pour «avoir déclaré que la plupart des trafiquants sont des noirs et des arabes» et en 2018, pour provocation à la haine contre les musulmans, pour avoir déclaré que «tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas, considèrent que les jihadistes sont de bons musulmans». Le Sénégal, pays de Senghor, auteur de la civilisation de l’Universel, devrait s’honorer d’être le premier pays étranger à faire condamner ce partisan de «déportation des musulmans» de France.
Il faut le faire condamner, car le censurer ne sert à rien, car il a été viré de plusieurs rédactions de journaux, de radios et de télés, mais il est toujours recyclé à cause de la course à l’audience. Que Zemmour, qui utilise la haine religieuse, raciale, comme une rente, puisse avoir autant d’audience est un bon indicateur du suicide français pour reprendre le titre de son livre. Ce suicide français est à la fois intellectuel et politique.
Comment intellectuellement, Zemmour peut se réclamer de Napoléon et De Gaulle, en voulant fermer la France, c’est-à-dire abdiquer de la volonté universaliste née de la révolution de 1789 et de la révolution des lumières ? Le suicide intellectuel est aussi caractérisé par ce grand débat et cette peur artificiels sur le «Grand remplacement» des Français par des musulmans. Au pays de la Raison cartésienne, la fiction a remplacé la réalité. On est passé de «je pense donc je suis» à «j’affabule donc je suis» de Zemmour, et de Renaud Camus, auteur du Grand remplacement.
UN NOUVEAU DIRECTEUR-PAYS POUR BP AU SÉNÉGAL
British Petroleum annonce la nomination du Sénégalais Massaer Cissé à la tête de sa filiale sénégalaise en tant que vice-président et directeur-pays
British Petroleum annonce la nomination du Sénégalais Massaer Cissé à la tête de sa filiale sénégalaise en tant que vice-président et directeur-pays.
M. Cissé "rejoint BP le 1er juin 2021, et prendra fonction lors du départ de Géraud Moussarie le 1er juillet 2021", peut-on lire dans un communiqué de la compagnie britannique.
Le nouveau responsable-pays de BP pour le Sénégal est crédité d’une "vaste expérience dans le secteur de l’énergie".
Il occupait le poste de directeur général de Lekela Power, une société de production d’énergie renouvelable, avant de rejoindre BP.
Massaer Cissé avait auparavant occupé plusieurs postes commerciaux et opérationnels chez Deloitte, dont celui de directeur au Sénégal, ainsi que plusieurs postes de direction aux États-Unis.
"Nous sommes convaincus que le leadership solide et l’expérience certaine de Massaer dans le secteur de l’énergie nous aideront à continuer" sur la lancée des "progrès" accomplis par BP dans la réalisation de son projet d’exploitation du champ gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), au large des côtes sénégalo-mauritaniennes, a déclaré son vice-président pour le Sénégal et la Mauritanie, Emil Ismayilov.
M. Cissé devrait également aider "à poursuivre les opportunités futures de croissance du gaz et des énergies à faible carbone au Sénégal et dans la région", a-t-il ajouté dans des propos rapportés par le communiqué.
Selon son vice-président pour le Sénégal et la Mauritanie, BP s’engage de même "à demeurer un partenaire fiable et responsable au Sénégal et à créer un héritage durable à travers le contenu local".
Il a souhaité la bienvenue à Massaer Cissé au sein de l’équipe qui aidera BP à réaliser cette vision.
Le nouveau responsable-pays de BP au Sénégal est titulaire d’une licence de l’Université du Havre (France) et d’une maîtrise de l’Université d’État de New York (Etats-Unis).
BP est arrivé en Mauritanie et au Sénégal par le biais d’un accord avec Kosmos Energy, annoncé en décembre 2016.
Kosmos Energy avait découvert le champ de Grand-Tortue Ahmeyim en 2015.
BP détient depuis une participation dans les blocs de "Saint-Louis Profond" et "Cayar Profond", au large du Sénégal, à hauteur de 60 %, avec Kosmos Energy détenant (30 %), Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) détenant 10 %.
Le champ gazier de la Tortue est situé sur la frontière maritime de la Mauritanie et du Sénégal et est développé dans le cadre du projet Grand-Tortue Ahmeyim, une plateforme flottante de gaz naturel liquéfié offshore innovante.
Il est annoncé comme "le premier projet à établir le bassin en tant que source de gaz de classe mondiale, générant des revenus pour les pays, et source d’énergie abordable et produite nationalement".
Plusieurs contrats clés d’ingénierie d’avant-projet détaillé (FEED) ont été obtenus en 2018 pour la première phase du développement du projet Grand-Tortue Ahmeyim, dont un navire flottant de production, de stockage et de déchargement (FPSO) ainsi que des Terminaux marins civils.
ME DJIBRIL WAR ACCUSÉ DE VIOLENCE SEXISTE PAR UNE DÉPUTÉE SUD AFRICAINE
Pemmy Majodina, a déclaré lundi qu'elle allait ouvrir une procédure pénale après avoir été prétendument frappée par le député sénégalais
Me Djibril Wade, le député sénégalais, a été accusé de violence sexiste par un député de l’Anc, hier au parlement africain.
Les choses se sont produites lors de Assemblée générale du Parlement panafricain, qui se tenait hier à Johannesburg. Celui-ci a finalement a sombré dans le chaos lorsqu'un différend a éclaté au sujet de l'élection d'un nouveau président du Parlement parmi les députés, rapporte Les Echos.
Dans cette situation de confusion, marquée par des scènes de violence, une haute dirigeante du Congrès national africain (Anc, parti au pouvoir en Afrique du Sud) a été victime d’agression. Pemmy Majodina, a déclaré lundi qu'elle allait ouvrir une procédure pénale après avoir été prétendument frappée par le député sénégalais Djibril War, qui est également membre du Parlement. La députée sud-africaine a déclaré à la presse qu'elle avait été agressée alors qu'elle tentait d'intervenir dans un combat entre Djibril War et un parlementaire zimbabwéen du nom de Pupurai Togarepi. «J'y suis allée pour faire la paix ; j'essayais de les séparer. C’est à ce stade que j'ai été attaquée par l'honorable Djibril War qui est le président du Règlement», a-t-elle déclaré.
Me Djibril War a donné sa version des faits. «La vérité est que nous vivons l'enfer ici. Ces gens sont des xénophobes qui croient être meilleurs que tous les autres Africains», dit-il. «C'est alors que je ripostais à une attaque d'un député Zimbabween que le coup l'a touchée. Après cela, en bon Sénégalais, je lui ai présenté mes excuses lui indiquant qu'il n'est pas sénégalais de frapper des femmes. Mais décidément, ils ont monté la presse contre nous pour faire un mauvais procès», ajoute le député.
Me Djibril War assure qu'il n'a aucune crainte en ce qui concerne la plainte annoncée par la dame Majodina. «J'ai l'immunité diplomatique, je représente un pays et je n'ai rien fait», assure- t-il. Selon le député, tout est parti de la volonté des Sud- Africains d'empêcher la candidate des pays d'Afrique de l'Ouest de prendre part à l'élection, au prétexte qu'elle est Malienne et que son pays est sous le coup de sanctions, notamment au niveau de la Cedeao qui a décidé de suspendre Bamako de toutes ses instances.
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
FRANCAFRIQUE, SUITE ET PAS FIN
EXCLUSIF SENEPLUS - La participation d’intellectuels africains aux côtés de Macron au sommet Afrique-France, relève d’une manœuvre de mondialisation de la vieille méthode gaullienne de domination du continent
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 31/05/2021
« Ceux qui se demandent comment en finir avec la Françafrique ont un train de retard. Cette relation se dissout progressivement dans un mouvement de démultiplication des partenariats », nous dit M. Souleymane Bachir Diagne.
« Depuis 2017, le président Emmanuel Macron a constamment affiché sa volonté de redéfinir ce qu’il appelle "les fondamentaux de la relation" entre l’Afrique et la France. Il a posé un certain nombre d’actes dont chacun est libre d’apprécier la teneur… Mais c’est aussi à nous de faire en sorte que ces gestes ne soient ni anodins ni sans conséquences. Pour cela, il ne faut pas se croiser les bras et attendre que la manne tombe du ciel. Maintenant, il veut mettre à profit le nouveau sommet Afrique-France, qui se tiendra à Montpellier les 9 et 10 juillet prochain… », avance pour sa part Achille Mbembé
Nos deux intellectuels considèrent donc que la Françafrique, dont Georges Pompidou, alors Premier ministre, disait en 1964 qu’elle est : « la suite de la politique d'expansion de l'Europe au XIXe siècle », est maintenant révolue ou en voie de l’être.
Que la Françafrique soit encore « une réalité formelle » pour parler comme les philosophes, l’actualité se charge de nous fournir des exemples tous les jours ! Voyez la précipitation avec laquelle le président de la République française s’est rendu à N’Djaména le 23 avril dernier aux funérailles d’Idriss Déby ! Comment expliquer que le président Emmanuel Macron fut placé là, au-devant même de la famille biologique et du gouvernement tchadien, seul chef d’État non africain à cette cérémonie ? Comment expliquer son message d’adoubement de la nouvelle junte au pouvoir, message qui partout ailleurs eut été une « ingérence inacceptable dans les affaires intérieures d’un État souverain » ? "Nous ne laisserons personne mettre en cause ou menacer aujourd'hui ou demain la stabilité et l'intégrité territoriale du Tchad", disait-il, mettant en garde l’opposition tchadienne contre tout soulèvement contre la junte qui venait de s’installer au pouvoir en violation des dispositions constitutionnelles pertinentes.
Au Tchad, en Afrique, en France et à travers le monde, on a aisément compris la posture et le discours du président français : ils s’inscrivent dans le cadre « des accords de coopération technique et militaire », établis dès 1976 entre les deux pays et renouvelés en 2019. Ces accords concèdent deux bases militaires permanentes à la France dans le pays : la base aérienne 172 Sergent-chef Adji Kosseï à N'Djamena le camp capitaine Michel Croci à Abéché, dans l'Est du pays.
C’est grâce au dispositif militaire et d’espionnage mis en place sur la base de ces « accords » que la France a favorisé la prise du pouvoir de Hussein Habré en 1981 puis celle d’Idriss Déby en 1990. De même, l’armée française est intervenue à plusieurs reprises en 2006, 2008, 2019 et encore récemment en 2020 pour protéger le régime de N’Djaména contre l’opposition armée tchadienne.
Quand on sait par ailleurs que le Tchad est toujours partie de la convention de coopération monétaire entre les pays membres de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) et la République française du 23 novembre 1972 qui fait du FCFA la monnaie ayant cours dans le pays, peut-on dire que la Françafrique s’y est « dissoute » ?
Considérons maintenant « la volonté » de « redéfinir les fondamentaux de la relation entre la France et l’Afrique » que M. Achille Mbembé prête au président de la République Française, et les « actes » et « gestes » qu’il aurait posés. Ne dissertons pas sur la « volonté » de M. Emmanuel Macron : M. Mbembé, philosophe de formation connait l’ambiguïté du concept qui renvoie aussi bien à l’obligation morale et au devoir éthique que se donne le sujet qu’à "sa volonté de puissance, c’est-à-dire l’appétit insatiable de manifester la puissance”.
Prenons le concept dans le sens courant que la psychologie lui prête : celui de projet, de décision. Donc l’actuel président de la République Française aurait le projet d’en finir avec la Françafrique, il aurait d’ailleurs posé « des actes » et des « gestes » dans ce sens ! M. Mbembé énumère ces « actes » et « gestes » : le rapport sur la restitution des objets d’arts africains, l’exposition culturelle et artistique Saison Africa2020 confiée à une Sénégalaise, « l’ouverture de la digue du FCFA » et le rapport commandité sur le Rwanda. Il pourrait ajouter à cette liste « les déclarations » de M. Macron et notamment « le discours du 27 novembre 2017 à l’Université de Ouagadougou ».
Quand on considère que la « restitution des biens culturels » n’en est qu’à la phase initiale préconisée par le rapport Felwine Sarr/ Bénédicte Savoy de novembre 2018, on se doit de relativiser la portée du « geste » du président Emmanuel Macron.
Le bouleversement historique comparable à « la chute du Mur de Berlin ou la réunification des deux Corées » dont rêvait « le jeune ministre du Tourisme, de la Culture et des Sports au Bénin » n’a décidemment pas eu lieu[1].
Du reste, on peut mettre au compte de la realpolitik, une initiative qui vient bien après l’appel « pour le retour à ceux qui l’ont créé d’un patrimoine culturel irremplaçable » lancé le 7 juin 1978 déjà par l’UNESCO sous la présidence d’Amadou-Mahtar M’Bow. Initiative que le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) et d’autres associations africaines et d’afro descendants ont réactivé depuis au moins 2013 ainsi que le rappelle le rapport Felewine Sarr/ Bénédicte Savoy.
Quant à « l’entrouverture de la digue du FCFA », M. Mbembé en reconnait lui-même la véritable portée : « c’est au prix du sabotage de l’éco », le projet de monnaie porté par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (C.E.D.E.A.O) !
Pour ce qui est du « discours du 27 novembre 2017 à l’Université de Ouagadougou », il n’est pas un discours nouveau de la part d’un président français en direction de l’Afrique ni dans la forme ni dans le fond. Nicolas Sarkozy déjà s’est adressé à la jeunesse africaine, quasiment dans les mêmes termes : « Je crois indispensable de faire évoluer, au-delà des mots, notre relation. L’immense majorité des Africains n’ont pas connu la période coloniale. 50 % des Africains ont moins de 17 ans. Comment peut-on imaginer continuer avec les mêmes réflexes ? », disait-il ainsi dans un discours prononcé à Cotonou en 2006. Nicolas Sarkozy avait aussi appelé dans ce discours à une « nouvelle relation entre la France et l’Afrique », « débarrassée des réseaux d’un autre temps. Notre relation doit être décomplexée, sans sentiment de supériorité ni d’infériorité, sans sentiment de culpabilité d’un côté, ni soupçon d’en jouer de l’autre, sans tentation de rendre l’autre responsable de ses erreurs ».
On connait la suite : le « discours de Dakar » du 26 juillet 2007, qui a l’a révélé tel qu’en lui-même : raciste et suprématiste, puis l’agression armée contre la Libye et l’assassinat de Mouammar Kadhafi.
De fait, de George Pompidou à Emmanuel Macron, tous les présidents de la République française, s’en sont tenus à la doctrine instaurée avant même « les indépendances africaines » par le Général De Gaulle et Jacques Foccart. Chacun des successeurs du Général De Gaulle a pourtant déclaré, à un moment ou à un autre, vouloir s’en défaire.
Tous auront ensuite recours tour à tour aux « coups tordus » d’agents secrets, aux interventions militaires, et à la corruption à grande échelle, en Afrique comme en France, comme « l’affaire Elf » l’a révélé.
C’est que la Françafrique a de profondes racines : elle vient de la « vision stratégique gaullienne » de procéder à la décolonisation, sans pour autant que rien ne change quant à l’essentiel, en « accordant l’indépendance à ceux qui la réclamaient le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d'intransigeance » selon le mot de Premier ministre sous George Pompidou, ancien Haut-commissaire français au Cameroun, Pierre Messmer.
Ceci non seulement pour assurer le contrôle des « matières premières stratégiques » que sont pour la France le pétrole et l’uranium mais aussi pour assurer sa « puissance », son « rayonnement » dans le monde, sa « grandeur » et renforcer son influence au sein des instances de l’ONU.
Or cette « vision gaullienne » de la France qui, aura permis au pays de devenir une puissance pétrolière et nucléaire en même temps qu’un acteur majeur de la communauté internationale, est partagée par toute la classe politique française, droite et gauche confondue et participe de « l’identité nationale » au moins pour les élites françaises.
François Mitterrand, ministre de la France d’Outre-Mer en 1948 déjà, acteur majeur de la France coloniale, était déjà arrivé à cette même vision. « Sans l'Afrique, il n'y aura pas d'histoire de France au XXIe siècle », écrivait-il déjà en 1957, dans Présence française et abandon. « Dans le pré carré, je distingue en premier notre langue, notre industrie et notre sécurité qui sont autant de fronts où garder nos défenses sans les quitter des yeux. Que l’une cède et la citadelle tombera », précisera-t-il plus tard.[2].
Ainsi, les héritiers du Général De Gaulle sont d’accord avec ceux de François Mitterrand sur ce fait : le contrôle de l’Afrique est indispensable à la prospérité et au « rayonnement » de la France, aujourd’hui comme hier.
C’est pourquoi cette « nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies » que François Xavier Verschave a appelé la Françafrique opère encore et continue d’assurer le maintien du contrôle des pays africains par la France.
On pourrait penser qu’Emmanuel Macron qui n’est l’héritier ni de De Gaulle ni de François Mitterrand et n’est tenu par aucune allégeance idéologique pourrait opérer la rupture avec la Françafrique. Ne doutons pas que dans ce cas, ce héraut assumé du néolibéralisme, procéderait ainsi pour faciliter la « marchandisation » plus poussée de l’Afrique, c’est-à-dire son exploitation plus accrue par le capitalisme international.
Dès lors, le système qui tel « un genou posé sur le cou de l’Afrique », l’asphyxie méthodiquement, qu’on l’appelle françafrique ou par un autre terme, restera en vigueur.
C’est pourquoi la participation d’intellectuels africains aux côtés du président de la République française et à son invitation au prochain sommet Afrique–France participe d’une manœuvre pour travestir et « mondialiser » la vieille méthode gaullienne de domination et de contrôle de l’Afrique.
[1] Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle, Felwine Sarr et Benedicte Savoy, page 17.
[2] Réflexions sur la politique extérieure de la France (1981-1985), Paris, Fayard, 1986, p. 14
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SOUSTRAIRE L'AFRIQUE DE LA PENSÉE COLONIALE
Le continent a été "inventé" par les grands textes européens : ceux des explorateurs, des anthropologues, des missionnaires... Cette construction ayant abouti à une "librairie coloniale" dans laquelle même les Africains sont encore enfermés
Mamadou Diouf est enseignant à l’Université de Columbia à New York. Il dirige également la collection "Histoire, Politique et Société" des éditions Présence africaine. C'est dans cette collection que paraît un livre dont il a écrit la préface : "L’Invention de l’Afrique. Gnose, philosophie et ordre de la connaissance", traduction française - écrite par Laurent Vannini - de "The Invention of Africa. Gnosis, Philosophy and the Order of Knowledge."
Mamadou Diouf revient sur le contexte de parution de ce livre phare écrit par le philosophe et écrivain congolais Valentin-Yves Mudimbe. Paru aux Etats-Unis en 1988, il n'avait pas encore connu de traduction française, alors même que l'ouvrage est fondateur pour les études postcoloniales sur l’Afrique. Il aurait ainsi opéré une rupture comparable à celle provoquée par Edward Saïd (1935-2003) avec son livre "L’Orientalisme" (1978).
En outre, il montre que l'image d’une Afrique primitive, en dehors de l'Histoire et représentant l’altérité par excellence, est une construction intellectuelle. L'Afrique a ainsi été "inventée" par les grands textes européens : ceux des explorateurs, des anthropologues, des missionnaires... Cette construction ayant abouti à une "librairie coloniale" dans laquelle même les Africains sont encore enfermés.