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2 mai 2025
International
par Yoro Dia
HEUREUX, LES JIHADISTES AU MALI
À Bamako où l’on va de transition en transition et de coup d’Etat en coup d’Etat, on ne semble pas avoir compris que le temps joue contre l’intégrité du pays. À ce rythme, le Mali va tomber tout seul
Le Sénégal est tellement proche du Mali qu’on a été un même pays dans le cadre de la Fédération du Mali. Quand le Mali tousse, le Sénégal éternue. C’est pourquoi je consacre souvent ces lignes au Mali, qui n’a jamais été aussi mal en point. Le Mali est en train de perdre la guerre contre les jihadistes en ignorant une donnée fondamentale dont les jihadistes ont fait leur plus grand allié : le temps. Le temps, cet allié si puissant qui a permis au Talibans, grâce à l’usure, de venir à bout de la force expéditionnaire américaine. Le temps qui a permis au Viet Minh de venir à bout des Français lors de la première guerre du Viet Nam (une guerre de décolonisation) et de la deuxième guerre du Viet Nam (guerre froide) contre les Américains.
Les Maliens se sont appropriés leur passé glorieux avec Soundiata, Kankan Moussa, d’où leur si grand orgueil. Mais il est temps qu’ils s’approprient aussi le grand enseignement de Saint Augustin, l’évêque d’Hippone (devenue Annaba en Algérie) qui nous apprend que «le temps ne chôme pas». Et à Bamako, où l’on va de transition en transition et de coup d’Etat en coup d’Etat, on ne semble pas avoir compris que le temps joue contre l’intégrité du Mali, et même contre la survie du Mali.
Les jihadistes qui ont compris «qu’il ne faut jamais interrompre un adversaire qui se trompe», comme dit Napoléon, se contentent d’observer les combats fratricides à Bamako, qui leur facilitent la tâche, car à ce rythme, le Mali va tomber tout seul. Heureux comme les jihadistes au Mali, qui sirotent tranquillement leur thé dans le désert, en attendant que par lassitude, l’Onu plie bagage, ou, par alternance politique ou par une exigence de l’opinion, que la France se retire, alors que Bamako aura fini de s’épuiser dans des luttes politico militaires.
Le Mali est en train de perdre la guerre en négligeant la donnée la plus fondamentale du conflit : le temps. Bamako aurait dû, dès le début, profiter de la présence du parapluie international pour reconstruire son armée, et se préparer à faire face après le départ de la force expéditionnaire. Contre tout bon sens politique ou militaire, le Mali a fait l’inverse. Ce qui fait que depuis près de dix ans, le pays n’a jamais été aussi instable politiquement, et son armée très politisée, n’a jamais été aussi faible car les militaires, au lieu de veiller sur l’intégrité du territoire, veillent sur celle de leurs prébendes à Bamako.
Autant le coup contre Ibrahim Boubacar Keïta pourrait être qualifié de coup d’Etat militaire, autant celui contre Bah Ndaw est un coup politicien, qui montre que le Mali vient de rejoindre le club des pays comme l’Algérie et la Guinée Bissau, où «l’armée a son Etat», alors que dans un pays normal c’est l’Etat qui a son armée.
Le Mali vit une situation dramatique qui résulte de l’écart abyssal entre la gravité de la situation du pays et l’insouciance des élites politiques et militaires maliennes. Comme Néron, qui jouait de la musique pendant que Rome brûlait, Bamako fait du grand Soumou politique alors que le Mali se meurt à petit feu.
LE MALI REPLONGE DANS L'INCERTITUDE
Le pays s'est réveillé mardi avec la désolation du déjà-vu après l'arrestation la veille par les militaires du président et du Premier ministre de transition, un coup de force mené neuf mois après un putsch et vivement condamné à l'étranger
Le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane ont passé la nuit aux mains des militaires qui, lundi, les ont fait conduire de force au camp de Kati, haut lieu de l'appareil de Défense à quelques kilomètres de Bamako, a-t-on appris de source proche des militaires.
Aucune autre précision n'a été fournie par cette source qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat compte tenu de la volatilité de la situation.Les militaires ont jusqu'à présent gardé le silence et leurs intentions demeurent inconnues, malgré les spéculations sur une démission forcée des dirigeants de transition, comme cela était advenu en 2012 ou 2020.
Le Mali, plongé dans une crise inextricable et multiforme depuis des années, allait au-devant d'une journée d'incertitudes, de rumeurs et d'activités diplomatiques et politiques, avec l'arrivée prévue du médiateur des Etats ouest-africains Goodluck Jonathan.
Tandis que les hashtags contre un nouveau putsch au Mali prospéraient sur les réseaux sociaux, la mission de l'ONU dans le pays (Minusma) démentait des tweets usurpant sa charte visuelle pour affirmer qu'un nouveau Premier ministre avait été nommé.
Le président et le Premier ministre ont été arrêtés lundi quelques heures à peine après avoir formé un nouveau gouvernement à la suite de la démission du précédent, confronté à une contestation grandissante.
Les Maliens n'ont aucun doute que ce sont les colonels auteurs du putsch du 18 août 2020 qui sont à la manoeuvre, les mêmes qui avaient alors emmené sous la contrainte le président élu Ibrahima Boubacar Keïta pour le forcer à démissionner après des mois de mobilisation populaire, les mêmes aussi qui ont installé le président et la Premier ministre à leur poste.
Sous la conduite discrète du colonel Assimi Goïta, nommé vice-président de transition, ils ont conservé la mainmise sur le pouvoir.Ils se sont engagés, sous la pression de la communauté internationale, à rendre ce pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois, et non trois ans comme ils l'estimaient nécessaire.
- Le M5 à Kati -
La composition du gouvernement communiquée lundi a semble-t-il mécontenté les colonels.Certes elle conserve à des militaires les postes clés mais elle écarte deux figures de l'ancienne junte des portefeuilles primordiaux de la Défense et de la Sécurité.
La mission des Nations unies au Mali, la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao), l'Union africaine, la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni l'Allemagne et l'Union européenne ont condamné "fermement la tentative de coup de force".Dans un communiqué commun, ils exigent "la libération immédiate et inconditionnelle" des dirigeants de transition auxquels ils apportent "leur ferme soutien".Il rejettent par avance tout fait accompli, y compris une éventuelle démission forcée des dirigeants arrêtés.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé lundi dans un tweet "au calme" au Mali et à la "libération inconditionnelle" de MM.Ndaw et Ouane.
Selon des diplomates, le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait tenir une réunion d'urgence dans les prochains jours.
Une délégation du Mouvement du 5-Juin, le collectif qui avait mené en 2020 la contestation contre le président aujourd'hui déchu Ibrahim Boubacar Keïta et qui avait été marginalisée par les colonels, s'est rendue dans la nuit à Kati.
Mi-avril, les autorités de transition ont annoncé l'organisation le 31 octobre d'un référendum sur une révision constitutionnelle promise de longue date et ont fixé à février-mars 2022 les élections présidentielle et législatives à l'issue desquelles elles remettraient le pouvoir à des dirigeants civils.
Le doute persiste toutefois quant à leur capacité à tenir leur programme, a fortiori dans un contexte de crise politique renouvelée où les violences jihadistes et autres continuent sans relâche et où s'accumulent les signes de grogne sociale.La principale organisation syndicale vient d'annoncer une nouvelle grève pour cette semaine.
Le Mali, pays de 19 millions d'habitants, et ses voisins nigérien et burkinabè sont pris dans un tourbillon de violences jihadistes, intercommunautaires ou autres qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
NOUVELLE CRISE AU MALI
Les militaires mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition ont emmené de force le président et le Premier ministre lundi au camp militaire de Kati, dans un coup de force secouant le pays
Les militaires maliens mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition ont emmené de force le président et le Premier ministre lundi au camp militaire de Kati, à quelques kilomètres de Bamako, dans un coup de force secouant le pays plongé dans une crise profonde.
"Le président et le Premier ministre sont ici à Kati pour des affaires les concernant", a dit un haut responsable militaire à l'AFP.Un responsable du gouvernement, s'exprimant aussi sous le couvert de l'anonymat étant donné le caractère sensible de ces informations, a confirmé que les chefs de l'exécutif de transition, le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane, avaient été conduits à Kati, haut lieu de l'appareil militaire malien.
C'est là que le président élu Ibrahim Boubacar Keïta avait été conduit de force le 18 août 2020 par des colonels putschistes pour annoncer sa démission. Ce sont semble-t-il les mêmes colonels qui sont à la manoeuvre neuf mois plus tard.
Leurs intentions ne sont pas connues.En 2012, le Premier ministre Modibo Diarra, arrêté par des putschistes, avait été forcé à la démission.
Peu auparavant, le Premier ministre de transition avait indiqué avoir été emmené lundi sous la contrainte par des soldats chez le président Ban Ndaw.
"Je confirme: des hommes de Goïta sont venus me chercher pour me conduire chez le président qui habite non loin de ma résidence", a dit Moctar Ouane dans un bref échange téléphonique avec l'AFP, en faisant référence à l'homme fort malien, le colonel Assimi Goïta, actuel vice-président de la transition.
La conversation s'est ensuite interrompue.
Bamako bruissait de rumeurs difficilement confirmables et des missions internationales ont diffusé des messages de prudence.La capitale, qui avec le Mali a connu en août 2020 son quatrième coup d'Etat depuis l'indépendance, présentait cependant un air de relative normalité lundi soir.
Ces évènements sont survenus quelques heures seulement après l'annonce d'un nouveau gouvernement, que dominent toujours les militaires, mais dont ont été écartés des officiers proches de la junte qui avait pris le pouvoir après le coup d'Etat d'août 2020 et dont Assimi Goïta était le chef.
Les colonels avaient installé au bout de quelques semaines des autorités de transition, dont un président, Ban Ndaw - militaire retraité -, et un gouvernement dirigé par Moctar Ouane, un civil.Ils s'étaient engagés, de mauvais gré et sous la pression de la communauté internationale, à rendre le pouvoir à des civils élus au bout de 18 mois, et non pas trois ans comme ils l'estimaient nécessaire.
Confronté à une contestation politique et sociale grandissante, le Premier ministre a présenté il y a dix jours la démission de son gouvernement et a été reconduit immédiatement dans ses fonctions par le président de transition Ndaw, avec la mission de former une équipe d'ouverture.
La grande inconnue était la place qui serait faite aux militaires, en particulier aux proches de l'ancienne junte, et l'inquiétude est allée grandissant ces derniers jours que les colonels ne se satisfassent pas des choix de Moctar Ouane.
Dans le gouvernement annoncé par la présidence de transition, des militaires détiennent toujours les ministères de la Défense, de la Sécurité, de l'Administration territoriale et de la Réconciliation nationale.
Mais, parmi les changements annoncés dans un communiqué lu à la radio-télévision publique, deux membres de l'ancienne junte, les colonels Sadio Camara et Modibo Kone, quittent leurs portefeuilles respectifs de la Défense et de la Sécurité.
Ils ont été remplacés respectivement par le général Souleymane Doucoure et par le général Mamadou Lamine Ballo.
Le nouveau gouvernement accueille également - à l'Education et aux Affaires foncières - deux ministres membres de l'Union pour la République et la Démocratie (URD), principale force politique du Mouvement du 5-Juin (M5), le collectif qui avait animé la contestation ayant débouché sur le renversement du président Keïta.
- "message ferme" -
"Par ce remaniement, le président de transition et son Premier ministre ont voulu lancer un message ferme: le respect du délai de la transition reste la priorité", avait expliqué à l'AFP une source proche de la présidence ayant requis l'anonymat.
Selon cette source, "un réajustement était nécessaire aux postes de là Défense et de la Sécurité", dont les nouveaux titulaires "ne sont pas des figures emblématiques de la junte".
Mi-avril, les autorités de transition ont annoncé l'organisation le 31 octobre d'un référendum sur une révision constitutionnelle promise de longue date et ont fixé à février-mars 2022 les élections présidentielle et législatives à l'issue desquelles elles rendraient le pouvoir à des dirigeants civils.
Le doute persiste toutefois quant à leur capacité à tenir leur programme, a fortiori dans un contexte où les violences jihadistes et autres continuent sans relâche, où la contestation politique se fait à nouveau jour et où s'accumulent les signes de grogne sociale.
Le Mali, pays de 19 millions d'habitants, et ses voisins nigérien et burkinabè sont pris dans un tourbillon de violences jihadistes, intercommunautaires ou autres qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
SITUATION CONFUSE AU MALI
Le Premier ministre de transition Moctar Ouane a indiqué avoir été emmené lundi sous la contrainte par des soldats chez le président, après la nomination d'un nouveau gouvernement qui semble avoir mécontenté les colonels auteurs du coup d'Etat de 2020
AFP avec RFI |
Serge Daniel |
Publication 24/05/2021
Au Mali, peu après l’annonce du remaniement ministériel ce lundi 24 mai, la situation s'est tendue à Bamako. Des hommes armés se sont rendus au domicile officiel du Premier ministre Moctar Ouane. Dans la soirée, un proche du Premier ministre affirmé que le président et le Premier ministre ont été conduits à Kati, fief de l’ex-junte.
Peu après l’annonce du remaniement ministériel, des hommes armés se sont rendus au domicile du Premier ministre Moctar Ouane. Il a eu le temps de déclarer, au téléphone, la présence de militaires chez lui : « Des militaires actuellement chez moi. Ils sont en train de me conduire chez le président de la Transition », Bah N'Daw, avec lequel il partage un mur mitoyen.
Un autre témoin de la scène ajoute : « Ce sont les hommes de l’ex-junte qui ont contraint le Premier ministre à se rendre chez le président. Ils étaient armés ».
D’après un autre proche du Premier ministre, le Premier ministre et le président ont été conduits à Kati, fief de l’ex-junte. Pourquoi ont-ils été conduits là-bas ? Combien de temps vont-ils rester dans cette ville garnison située à 15 km de Bamako, on ne le sait pas encore.
NOUS, AFRICAINS, DEVONS AUSSI ASSUMER NOTRE RESPONSABILITÉ DANS L'ESCLAVAGE
Avec « Expression(s) décoloniale(s) », le château des ducs de Bretagne invite l’artiste béninois Romuald Hazoumé et l’historien ivoirien Gildas Bi Kakou à poser un nouveau regard sur ses collections et la traite transatlantique
Jeune Afrique |
Léo Pajon |
Publication 24/05/2021
La démarche est assez neuve en France, et prête le flanc à la polémique. Mais elle est totalement assumée. « Longtemps, nous avons abordé la traite et l’esclavage avec les outils des historiens, dans leur dimension politique, économique, sociale… Mais il manquait la dimension humaine, pose Krystel Gualdé, directrice scientifique du Musée d’histoire de Nantes.
Le Rijksmuseum, à Amsterdam, a eu de l’avance en proposant un travail de décolonisation des collections, en mettant l’émotion, l’empathie, au cœur du musée grâce à l’intervention d’artistes contemporains. Quand on avait ligoté les esclaves, ensuite, on les faisait taire. On les a empêchés de raconter l’horreur. Comme au Rijksmuseum, ici, un artiste comme Romuald Hazoumé est une passerelle entre ce passé douloureux et notre présent. »
Une vingtaine de pièces de l’artiste, parfois démesurées, sont disséminées dans le château des ducs de Bretagne : depuis sa vaste cour jusque dans les salles du musée d’Histoire. Mais l’évocation se fait parfois par petites touches.
Dans une pièce consacrée à la traite atlantique, l’artiste béninois diffuse par exemple une simple bande son. Ce sont les voix d’hommes et de femmes, des chants, des gémissements, qui disent la peur et la maladie sur le bateau qui les arrache à l’Afrique.
Elles s’ajoutent au coffrage en bois de la salle, évoquant l’entrepont d’un navire négrier. À une gravure présentant le bateau nantais la Marie-Séraphique, et la manière dont on y entassait plus de 300 esclaves. Aux menottes qui les entravaient, aux matraques utilisées pour les réduire au silence. Ou aux armes offertes par les négociants à leurs intermédiaires africains.
Réalité longtemps tue
Il faut tous ces éléments, ces textes, ces objets, ces maquettes, ces voix humaines pour faire resurgir une réalité longtemps tue. Nantes fut le premier port négrier de France, assurant plus de 42 % des départs d’expéditions de traite entre 1707 et 1793. L’abolition de l’esclavage, en 1848, marque définitivement la fin du trafic d’êtres humains.
Comme l’explique Krystel Gualdé, « la ville n’a pas été dans le déni face à son histoire coloniale, mais a longtemps tenté de l’occulter, en mettant par exemple en avant son passé de résistante pendant la seconde guerre mondiale. » Au-delà de la cité portuaire, c’est tout le pays, selon elle, qui a encore du mal à affronter la période coloniale, l’histoire de la colonisation étant encore insuffisamment enseignée ou connue. Bertrand Guillet, directeur du musée, ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme vouloir sortir « du carcan du roman national. »
La petite enclave espagnole se dit incapable d’apporter seule l’aide nécessaire aux centaines d’enfants qui débarquent sur son territoire. Un jeune migrant a ainsi tenté vendredi de se pendre avec un câble métallique. Il a été ranimé de justesse
Quelques jours après l’arrivée massive d’au moins 8000 migrants en provenance du Maroc voisin, la petite enclave espagnole de Ceuta se dit incapable d’apporter seule l’aide dont ont besoin des centaines d’enfants et d’adolescents encore présents, dont beaucoup errent dans les rues.
L’une des membres du gouvernement de cette ville autonome, María Isabel Deu, a déclaré, vendredi à la presse, que le nombre de migrants arrivés depuis lundi matin était compris «entre 8000 et 10 000». «Il semble que 6600 sont repartis pour le Maroc», ajoutait-elle. Des responsables gouvernementaux avaient estimé que parmi les migrants arrivés, environ 1500 avaient moins de 18 ans, mais Mme Deu a assuré que la municipalité ne pouvait confirmer ce chiffre.
A cela s’ajoute la difficulté, dans ce genre de situation, de déterminer l’âge exact des jeunes migrants.
Vendredi, 438 enfants et adolescents étaient enregistrés dans deux centres municipaux, où ils étaient hébergés et nourris après avoir été testés pour la Covid-19, et un troisième centre était en voie d’aménagement, a indiqué Mme Deu. Mais beaucoup d’autres, sans doute des centaines, déambulaient dans les rues, dormant à la belle étoile dans des parcs ou sur des bancs. La quasi-totalité n’ont pas d’argent et ne parlent pas un mot d’espagnol.
Certains sont venus seuls, alors que d’autres ont franchi la frontière avec des amis ou des frères plus âgés. La plupart sont des garçons, des adolescents ou des jeunes gens ayant une vingtaine d’années. Parfois, le désespoir l’emporte. Un jeune migrant, dont l’âge n’est pas connu, a ainsi tenté vendredi de se pendre avec un câble métallique sur la promenade de Ceuta. Il a été ranimé d’extrême justesse par la police, alertée par un passant.
«On n’y arrive pas»
Les autorités de cette petite ville de 84 000 habitants ont admis qu’elles étaient dépassées par la situation et appelé les 17 régions du pays à faire preuve de solidarité. «On n’y arrive pas, il y a trop d’enfants», avait lancé dans la semaine un autre membre du gouvernement local, Carlos Rontomé Romero. «Nous sommes la frontière, nous sommes la digue, mais nos capacités sont limitées. Nous sommes une petite ville de 19 km», c’est très difficile «d’absorber toutes ces personnes», déclarait-il dans une interview à la radio nationale espagnole. Depuis, 200 mineurs non accompagnés, qui se trouvaient déjà hébergés à Ceuta, ont été répartis dans diverses régions d’Espagne afin de faire de la place pour les nouveaux arrivants. Les ONG disent être elles aussi dépassées par l’étendue des besoins à Ceuta.
«Aucune ONG, ni l’Etat espagnol, ni aucun Etat européen ne pourrait faire face à cette quantité de personnes», affirme Abdessalam Mohammed Hussein, responsable de l’ONG locale Alas Protectoral (Ailes protectrices). Beaucoup de ces jeunes disent que leurs parents ne savent pas où ils sont. «Ma mère doit être très inquiète maintenant, parce que j’étais le seul qui ramenait de l’argent pour permettre à la famille de manger», confie, à l’AFP, Omar Luriaghri, qui dit être âgé de 16 ans. Il ne peut même pas l’appeler, car elle n’a pas de téléphone. Son rêve, dit-il, est «de travailler ici comme balayeur».
Retrouver les parents
La priorité de la ville est de retrouver les parents. Elle a donc ouvert jeudi une «hotline», qui a reçu «plus de 4400 appels» en 24 heures, a précisé Mme Deu. «Nos équipes travaillent sans relâche pour trouver les familles et assurer le retour immédiat de l’enfant, parce que c’est ce que les parents et les enfants veulent», a-t-elle déclaré.
«Beaucoup pleurent et veulent rentrer chez eux depuis leur arrivée.» Mais les choses ne sont pas si simples, car la loi interdit qu’un mineur soit renvoyé dans le pays d’où il vient sans que sa situation soit évaluée avec soin. «Renvoyer des enfants n’est pas légal et ne peut pas être toléré», avertit Ricardo Ibarra, responsable d’une association qui regroupe des ONG dans le domaine de la défense des droits des enfants. Il dit craindre que certains jeunes soient refoulés sans bénéficier des protections prévues par la loi. Car le cas de chaque mineur doit être examiné individuellement pour déterminer «s’il est préférable de le renvoyer ou qu’il reste en Espagne», a précisé, à l’AFP, l’avocat Albert Pares Casanova.
C’est le gouvernement espagnol «qui décide en dernier ressort s’ils doivent partir ou peuvent rester», a-t-il ajouté. Un porte-parole du ministère espagnol de l’Intérieur a assuré à l’AFP que tous les retours de migrants se faisaient dans le respect des procédures prévues par la loi. Mais il a aussi indiqué ne pas avoir de détails sur les âges des personnes renvoyées au Maroc.
PAR Tierno Monénembo
LES RÉPUBLIQUES HÉRÉDITAIRES
À Brazzaville, si tout se passe bien un Sassou Nguesso en remplacera un autre. Au Cameroun, la candidature de Franck Biya n'est plus un tabou. En Guinée équatoriale, on ne voit personne d'autre pour succéder à Teodoro Obiang Nguema que son fils
En Afrique, parler de tribalisme est un abus de langage. Ç'aurait été merveilleux si nos dirigeants pratiquaient un véritable tribalisme : ils auraient au moins réglé les problèmes d'une partie de la population. En vérité, la politique chez nous n'est pas une affaire de tribu, c'est une affaire de famille. La mort du maréchal Idriss Déby, et son remplacement quasi automatique par son fils, en est un indéniable révélateur. Idriss Déby n'est pas un cas isolé, même si on a appris avec stupeur que son clan détenait à lui seul tous les leviers économiques et politiques du pays.
Les méfaits de la parentèle
À une ou deux exceptions près, tous nos dirigeants sont vulnérables aux terribles méfaits de la parenté. La famille est une chose forte, une chose irrationnelle devant laquelle nous sommes tous impuissants. Surtout en Afrique où, nombreuse et impérative, elle se mêle de tout, décide de tout. Houphouët-Boigny savait ce qu'il faisait quand, dès le début de l'indépendance de la Côte d'Ivoire, il a chassé ses enfants du terrain de jeu politique. À l'inverse, ce sont les méfaits du clan familial qui ont eu raison de Sékou Touré. Ce sont ses frères et ses sœurs, ses cousins et ses neveux qui l'ont réduit au rang vil de dictateur sanguinaire, lui qui fut la figure charismatique du « Non » à de Gaulle.
De plus en plus contesté aussi bien au sein du peuple qu'au sein de son propre parti, il crut bien faire, à partir de 1967 de remplacer et son parti et son gouvernement par sa famille avec les désastreuses conséquences que l'on sait.
CES TURBULENTES PIONNIÈRES AFRICAINES OUBLIÉES DE L'HISTOIRE
Dès les années 1930, des Africaines en avance sur leur temps se sont imposées dans des bastions farouchement masculins. Géraldine Faladé Touadé ranime le souvenir de ces pionnières injustement méconnues dans un essai remarquable
Jeune Afrique |
Clarisse Juompan-Yakam |
Publication 23/05/2021
Madeleine Ly, Marie Madoé Sivomey, Jeanne Martin Cissé, Sita Bella… Ces noms de femmes n’évoquent rien pour certains d’entre vous ? Ils devraient pourtant. Médecin, maire, institutrice ou journaliste, elles ont été des pionnières dans leur domaine dès les années 1930, dans des bastions jusque-là réservés aux hommes. L’ancienne journaliste Géraldine Faladé Touadé leur rend hommage dans un essai paru en septembre dernier aux éditions Présence africaine : Turbulentes ! Des Africaines en avance sur leur temps.
À 86 ans, celle qui se présente comme une « passeuse de mémoire » dresse le portrait de dix-sept « combattantes » déterminées, anticonformistes, qui ont fait bouger les lignes malgré les obstacles et parfois au péril de leur vie. À défaut d’en faire leurs modèles, Géraldine Faladé aimerait que les jeunes générations découvrent ces femmes injustement méconnues, et sachent ce qu’elles ont enduré pour leur ouvrir la voie.
Précurseuse du mouvement nappy
Première de ces guerrières placées sous les projecteurs, une « simple esthéticienne » : Josepha Jouffret, dite Josepha. « Dans les années 1960, les Parisiennes noires qui ne défrisent pas leurs cheveux dissimulent leurs tresses sous un foulard. Inconsciemment – ou peut-être pas –, elles s’ingénient à renier leur africanité. Josepha leur a appris à l’aimer et à l’assumer. Elle nous a donné envie d’être nous-mêmes », explique Géraldine Faladé Touadé.
Elle déroule ensuite la success story de cette femme née à la Martinique, mais qui se présentait toujours comme Guinéo-Sénégalaise : l’ouverture, audacieuse, au cœur du Quartier latin, du premier espace de beauté entièrement consacré à la femme noire ; la ruée du tout-Paris de la mode vers la rue Gay-Lussac, contribuant à la notoriété d’une adresse qui devient vite mythique ; la concurrence des géants de la cosmétique qui fleurent le bon filon…
À la puissance financière de ces derniers, Josepha oppose sa culture, son assurance et sa créativité. Sur les bâtons à lèvres, elle convoque le bleu et l’ambre en lieu et place du rouge écarlate, qui devient criard sur les peaux mates et alourdit les traits. Aux fonds de teint, elle attribue des noms évocateurs de peuples d’Afrique : bambara, peul… « Elle nous apportait glamour et style et nous cessions d’être des Africaines en peine. » Pour Géraldine Faladé Toundé, Josepha a ouvert la voie à la reconnaissance de la grâce particulière des femmes noires, et son mode de pensée est précurseur de mouvements d’aujourd’hui, tel le nappy.
Une des premières sage-femme d’Afrique francophone
Autre portrait marquant, celui d’Aoua Kéita, femme aux talents multiples et au caractère de feu. Son carburant ? D’abord son père, qui l’a toujours soutenue. Puis son mari, qui l’éveille à la politique avant leur séparation – la pression familiale aura raison de leur couple sans enfants. Et sans doute aussi, les déboires qu’elle rencontre sur son chemin. Née dans le Bamako colonial de 1912, Aoua Kéita est destinée à être mère au foyer. Son père l’inscrit en secret à l’école, contre l’avis de son épouse, qui tente de freiner l’enthousiasme de la gamine.
Quand depuis l'Espagne ils aperçoivent enfin Cerbère, village fouetté par les vents marins, le "rêve français" semble si proche. Mais pour beaucoup de ces hommes et femmes venus d'Afrique au péril de leur vie, le désenchantement opère rapidement
Perpignan - Quand depuis l'Espagne ils aperçoivent enfin Cerbère, paisible petit village fouetté par les vents marins, le "rêve français" semble si proche. Mais pour beaucoup de ces hommes et femmes venus d'Afrique au péril de leur vie, le désenchantement opère rapidement.
Apied ou en train, parfois cachés dans des camions, le passage le plus emprunté par les migrants à la frontière franco-espagnole a longtemps été du côté du Pays Basque.
Mais depuis 2020, ils sont toujours plus nombreux à tenter la traversée plus à l'est, par les Pyrénées-Orientales, selon la Police aux frontières (PAF). Sollicitée à plusieurs reprises, la préfecture n'a donné aucun chiffre.
La mine grise et le regard las, Nasser*, un trentenaire algérien arrivé en France il y a quatre mois, accepte de raconter son histoire à l'AFP depuis un squat de fortune où il survit à Perpignan.
Avec le départ au printemps 2019 de Bouteflika, président de l'Algérie durant 20 ans, "on a cru que nos vies s'amélioreraient", confie-t-il. Un espoir vite douché.
Pour cet ancien maçon ayant participé aux marches hebdomadaires du mouvement antirégime Hirak, la route de l'exil est ainsi devenue une évidence: "Pour offrir un avenir meilleur à ma fille", restée en Algérie.
"J'ai déboursé l'équivalent de 3.000 euros pour faire la traversée en zodiac jusqu'à Almeria en Espagne. On a failli y passer plusieurs fois. Depuis, j'ai l'impression d'être un peu mort", détaille-t-il péniblement, les yeux rivés sur une barquette de couscous froid.
"Je ne suis pas venu en France mendier. Je rêvais uniquement de pouvoir travailler honnêtement. Mais il n'y a rien pour nous ici, rien", constate amèrement Nasser.
Dans la cité catalane, le trentenaire erre de squat en squat, après avoir dormi à la rue. A la nuit tombée, il rejoint une dizaine d'autres "harragas" (migrants clandestins, ndlr) près d'un terrain vague à la sortie de Perpignan, où ils partagent cigarettes, bons plans et souvent des silences lourds.
- "Nouvelle route" -
Comme lui, ils sont 40.106 migrants, d'Afrique du Nord et subsaharienne principalement, à avoir atteint par la mer les côtes espagnoles en 2020, contre 26.168 l'année précédente, soit un bond de plus de 53%, selon l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Dans son village frontalier de 1.300 âmes, le maire de Cerbère Christian Grau a lui aussi ressenti en 2020 une "importante augmentation du flux migratoire".
"Des groupes de 20, 30, parfois jusqu'à 50 migrants arrivaient jour et nuit" au village, dit-il à l'AFP.
Un an plus tard, et avec le renfort de policiers et gendarmes aux points de passages promis en novembre par le président Emmanuel Macron, la traversée se fait désormais plutôt en solo.
T-shirt rouge et sac noir en bandoulière comme seul bagage, un homme d'une vingtaine d'années a réussi à éviter les contrôles et presse le pas sur une route fendant les collines de Cerbère.
Il demande un peu d'eau à un touriste en camping-car, puis le chemin de la gare, constate un photographe de l'AFP lors d'une journée ensoleillée de mai.
L'extrémité sud de la côte Vermeille "est une nouvelle route pour les migrants, c'est sûr", affirme M. Grau.
Et à Perpignan, plus grande ville de France dirigée par le parti d'extrême droite Rassemblement national (RN), le maire Louis Aliot évoque "plusieurs dizaines d'étrangers clandestins qui pénètrent chaque jour sur notre sol" depuis l'Espagne, dans une lettre adressée en novembre à M. Macron.
Les associations aidant les migrants disent, elles, se sentir "dépassées" depuis un an.
"On n'arrive plus à aider tout le monde. Avant on distribuait 40 repas par jour, aujourd'hui on en est à plus de 200", témoigne Fatouma M. H., vice-présidente de l'association Au coeur de l'humanité 66.
Infatigable, la jeune femme transporte tous les soirs sur son tricycle des dizaines de repas aux personnes sans-abris de Perpignan, "harragas fraîchement débarqués ou SDF avec des problèmes d'addiction".
- "Certaine candeur" -
A la Cimade, association défendant le droit des réfugiés et migrants, Jacques Ollion explique "l'importante hausse du nombre d'arrivées" ces derniers mois, notamment d'Algérie, par "l'inaction du gouvernement (local) qui a douché les espoirs d'une jeunesse désespérée".
Depuis quelques mois, grèves, augmentation du chômage et paupérisation s'ajoutent dans ce pays d'Afrique du nord à une profonde crise économique née de la chute de la rente pétrolière et aggravée par la pandémie de coronavirus. Le salaire minimum stagne à un peu plus de 125 euros.
Le responsable local de la Cimade pointe néanmoins une "certaine candeur" des nouveaux arrivants, "sans véritable projet construit".
Yassine*, un menuisier algérien de 28 ans, à Perpignan depuis neuf mois, se sent "pris au piège".
"On nous traite de voleurs, alors que la seule chose dont on rêve est d'avoir un emploi. Chez moi, j'étais au chômage et on m'avait dit qu'il y aurait du travail ici. Où ? Quel travail ? Je ne trouve rien", murmure le jeune homme.
Yassine comme "bien d'autres +harragas+" à la rue réfléchit sérieusement à un moyen de faire le voyage en sens inverse.
"Ils se rendent compte qu'ils sont condamnés à une vie de clandestinité. Ce constat d'échec est un moment très difficile, vis-à-vis d'eux-mêmes, de leur famille, mais aussi des autorités puisqu'un migrant illégal qui revient en Algérie peut être condamné à une peine d'emprisonnement", souligne M. Ollion.
Pour retourner "au bled", il leur semble donc inenvisageable d'emprunter les routes "légales", même si Alger vient d'annoncer l'ouverture partielle de ses frontières en juin, fermées depuis plus d'un an à cause de la crise sanitaire.
Il leur faudra donc, une nouvelle fois, recourir à des passeurs, et une nouvelle fois, risquer leur vie.
* Les prénoms ont été changés
AUX ORIGINES SÉNÉGALAISES DE YOUSSOUPHA, CIBLE DE L'EXTRÊME DROITE FRANÇAISE
Auteur de l’hymne de l’équipe de France de football pour l’Euro 2020, le rappeur est attaqué par l’extrême droite française qui lui reproche d’anciens textes contre Marine Le Pen et Eric Zemmour
Auteur de l’hymne de l’équipe de France de football pour l’Euro 2020 (11 juin au 11 juillet 2021), le rappeur Youssoupha est attaqué par l’extrême droite française qui lui reproche d’anciens textes contre Marine Le Pen et Eric Zemmour. Installé aujourd’hui en Côte d’Ivoire, l’artiste français s’est toujours réclamé et déclame sa culture sénégalaise héritée de sa grand-mère, une saint-louisienne qui l’a éduqué d’une main de poigne. Retour aux origines bercées par le fleuve Sénégal.
De sa grande maison d’Abidjan où il a désormais choisi de vivre, le rappeur français Youssoupha s’attendait peut-être à la tentative de levée de bois vert qui a accompagné la mise en ligne, mercredi, par la Fédération Française de Football du clip de « Écris mon nom en bleu », un titre qu’il a composé et interprété pour accompagner la France à l’Euro 2020. L’extrême droite française est vent debout contre lui pour avoir chanté en 2007 : « J’mélange mes fantasmes et mes peines. Comme dans c’rêve où ma semence de nègre fout en cloque cette chienne de Marine Le Pen« , entre autres
Né à Kinshasa à l’époque où ce pays d’Afrique centrale s’appelait encore le Zaïre et était considéré, pour ses immenses richesses minières, comme « un scandale géologique ». Mais rien ne paraît scandaleux ni dangereux dans l’apparat encore moins dans la mine joviale de Youssoupha.
La dégaine nonchalante, d’énormes lunettes de marque barrent son visage dont seul le sourire immaculé de blanc apparaît. La casquette est bien vissée sur la tête pour tenir en respect des dread-locks en pétards. Mais l’homme est beaucoup plus profond et complexe que ce tableau. Jeune quadra (41 ans), il se définit à la fois comme Français d’adoption, Congolais de naissance et Sénégalais de culture grâce à sa maman et mais surtout à sa grand-mère. Tout cela à la fois sans pour autant qu’il ait prééminence d’une culture sur l’autre, « enfin, ça dépend des jours ! » précise-t-il malicieusement.
Sénégalais par transmission
Mais de son enfance, il garde des souvenirs impérissables qui se résument à un nom Siby Ndiaye. « Ma grand-mère, la matriarche est une sénégalaise qui venait de la ville de Saint-Louis. En se mariant, elle est venue vivre à Kinshasa ». Une grand-mère très attachée à ses racines et à sa culture sénégalaise qui « nous a élevé autant ma maman que moi-même, par la suite, avec les références de cette culture. A tel point qu’on nous appelait les Ndingari (c’est le nom qui est donné aux populations ouest-africaines dans l’ex-Zaire, ndlr).
Une éducation qui a pour conséquences de percevoir le Sénégal à travers le prisme idéaliste de Siby Ndiaye pour ses origines. Mais comme dans tout fantasme, la réalité est parfois différente. « Quand je suis allé au Sénégal pour y tourné le clip « Ma destinée », qui est dans le deuxième album, j’y ai retrouvé une partie des références de ma grand-mère. C’est peut-être parce que j’étais à Dakar, mais la tradition, le respect et la pudeur érigés en valeurs cardinales était un fantasme dans l’esprit de ma grand-mère. J’ai découvert Dakar très extraverti, très exagéré. En gros tout ce que ma grand-mère n’aimait pas chez les congolais, le côté m’as-tu vu, le bling-bling et autres, je l’ai retrouvé à Dakar ».
Pour les besoins du tournage d’un documentaire, il a fait le voyage Paris-Dakar en voiture. « Ce fut l’occasion de découvrir Saint-Louis, j’étais marqué par l’architecture de la ville, les souvenirs de l’époque coloniale ce qui n’enlève pas une identité purement africaine à la ville ». A 13 ans, il quitte Kinshasa et le cocon familial pour rejoindre une tante en France afin d’avoir une meilleure scolarité.
Arrivée au rap sur un quiproquo
Après de brillantes études scolaires couronnées par la « meilleure note à l’oral de français de l’académie de Versailles. C’était plus qu’une fierté parce que certains de mes profs pensaient que je n’étais pas fait pour les études littéraires. Ils me dirigeaient plutôt vers des voies de garages. Je suis passionné d’écritures et de lettres depuis que je suis tout petit ».
Alors qu’il était en train de terminer son cursus universitaire avec diplômé en communication, il s’est lancé comme un défi de laisser une trace en sortant quelques chansons de rap. « Contre toute attente, ce projet a très bien marchait alors que ma recherche de travail marchait très mal ».
Aujourd’hui Youssoupha est une valeur sûre du rap français et il tire de sa formation littéraire et en communication un plus pour son art. C’est le cas avec l’utilisation reconnue des punshlines (les lignes percutantes, ndlr): une phrase choc composée de rimes et qui a pour but, une fois entendue, de rester dans la tête. C’est également le cas lors d’une plainte du journaliste et polémiste français Eric Zemmour pour « menace de mort » pour se poser désormais en défenseur contemporain de la négritude. « L’homme noir lève toi, regarde autour de toi et pense à prendre ta place dans ton cadre, ton univers » reprend t-il le refrain en bantu de Staff Benda Bilili dans le morceau éponyme de Noir D, son album sorti en 2012.
« On m’a stigmatisé et distingué à cause de ma couleur de peau, constate Youssoupha. Pour me réhabiliter je fais la démarche inverse. C’est ce que je veux montrer avec cet enfant noir qui porte des ailes noirs, un côté angélique pour la photo de la pochette de son album ». Un album qui n’avait, comme les suivants, pas besoin d’ailes pour s’envoler en tête du classement des meilleures ventes en France. Depuis 15 ans, il culmine sur le rap français et cette polémique orchestrée par l’extrême droite française semble ne l’avoir pas ébranlé. Il n’a pas, pour l’instant, pris la parole. Certainement dans sa tête, l’une des maximes de sa grand-mère Siby Ndiaye doit résonner : « il faut faire pleurer ton fils avant qu’il ne te fasse pleurer ».