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1 mai 2025
International
AIR AFRIQUE, UN RÊVE PANAFRICAIN
Mutualiser les moyens pour assurer aux jeunes nations africaines des liaisons aériennes entre elles et à l’international. Le 28 mars 1961, à Yaoundé, onze pays posent les jalons de leur compagnie commune
Jeune Afrique |
Nelly Fualdes |
Publication 13/05/2021
28 mars 1961. Cela fait moins d’un an que la plupart des anciennes colonies françaises sont indépendantes. La Conférence internationale des États indépendants d’Afrique n’a pas encore posé les jalons de ce qui deviendra l’Union africaine – il faudra attendre la réunion d’Addis-Abeba, en 1962.
Mais de Léopold Sédar Senghor à Patrice Lumumba, nombre de dirigeants portent à bras-le-corps l’idée que l’union fera la force. D’autant qu’à l’Est comme à l’Ouest les puissances empêtrées dans la guerre froide cherchent à s’assurer le contrôle – ou du moins le soutien – des nouvelles nations.
C’est dans ce contexte qu’est signé, à Yaoundé, le Traité relatif aux transports aériens en Afrique, qui donnera naissance à la compagnie Air Afrique et qu’Afrique Action (devenu depuis Jeune Afrique) qualifie, dans sa livraison du 17 avril 1961, de « deuxième tentative africaine importante après celle du Mali » – après l’éphémère Fédération du Mali (rassemblant le Sénégal et le Mali), qui n’aura tenu que quelques mois.
Créer et maintenir l’amitié et la compréhension entre les États
« Le développement de l’aviation civile et en particulier du transport aérien peut contribuer puissamment à créer et à maintenir l’amitié et la compréhension entre les États contractants », assure le texte qui donnera naissance à Air Afrique.
Parmi les leaders des Indépendances qui signent le texte, on retrouve : Ahmadou Ahidjo (Cameroun), David Dacko (Centrafrique), l’abbé Fulbert Youlou (République du Congo), Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), Hubert Maga (Dahomey), Léon M’ba (Gabon), Maurice Yameogo (Haute-Volta), François Tombalbaye (Tchad), Moktar Ould Daddah (Mauritanie), Hamani Diori (Niger), et Mamadou Dia (Sénégal).
« En raison du poids économique de la Côte d’Ivoire en Afrique francophone, le président Félix Houphouët-Boigny, entouré d’une équipe très efficace, s’était fait, en quelque sorte, le commis voyageur de ce projet », relate Gervais Koffi Djondo dans ses mémoires, baptisées l’Afrique d’abord (2019, Présence africaine).
C’est un jeune diplômé, titulaire d’un MBA et d’un doctorat honoris causa, que « JA » a suivi entre Paris et Lyon. En quête de légitimité, l’ancien footballeur entend jouer un rôle dans l’avenir du sport continental. Et peut-être même en politique.
Aéroport du Bourget, le 19 mars. J’étais à l’heure, mais lui en avance et attendait dans un salon au luxe douillet. « Croissant ? Jus d’orange ? » s’enquit-il avec sourire. D’emblée, Samuel Eto’o me tutoie. La glace a fondu depuis notre première rencontre au siège de Jeune Afrique. C’était en novembre 2019.
À l’époque, méfiant, l’ancienne star du football avait affecté la distance. Il avait peu parlé, mais nous avait malgré tout livré quelques confidences, avec son débit lent et son accent difficile à localiser, lui qui est né et a grandi au Cameroun puis en France, qui a joué en Espagne, en Italie, en Angleterre, en Russie, en Turquie et au Qatar, et profite maintenant d’une confortable retraite entre ses résidences de Paris, Abidjan (la Côte d’Ivoire est le pays de son épouse, Georgette), Douala et Milan, sa ville de cœur, où vit une partie de sa famille. De Samuel Eto’o, son compatriote, l’historien et théoricien du post-colonialisme Achille Mbembe dirait volontiers qu’il est l’archétype de l’Afropolitain.
PDG et stars du PSG
À travers une large baie vitrée surplombant le tarmac, nous regardons un avion privé d’une dizaine de places se mettre en position de départ. Casquette noire, t-shirt, pantalon d’hiver en flanelle gris et sneakers, le jeune retraité de 40 ans a l’air d’en avoir dix de moins. On discerne encore chez lui et dans cette décontraction qu’il affiche les traits du gamin qui a grandi dans le quartier mal famé de New Bell, à Douala.
Aujourd’hui, il se meut sans complexe dans le plus grand aéroport d’affaires d’Europe, habituellement fréquenté par toutes sortes de dirigeants, de possédants et de prescripteurs. Ici, le voyageur arrive et repart quand il le veut, les tarifs varient entre 2 000 et 10 000 euros l’heure de vol, et les grands patrons partagent les salons du Bourget avec les athlètes à hauts revenus, tels Michael Jordan, Tiger Woods, Floyd Mayweather, Roger Federer ou les footballeurs du Paris Saint-Germain, convoyés par un luxueux Boeing 737 Executive mis à disposition par l’émir du Qatar.
On se souvient qu’entre 2011 et 2013, au moment d’amorcer le déclin de sa carrière, Samuel Eto’o jouait pour le club russe de l’Anji Makhatchkala, qui lui offrait un salaire annuel de 20,5 millions d’euros, ce qui faisait de lui à cette époque le joueur de football le mieux payé du monde.
« Devenir dirigeant du football »
9 heures. L’heure du départ venue, notre hôte s’emmitoufle dans un manteau couleur crème trop grand pour lui. Le Cessna décolle et met le cap sur le sud-est, direction Lyon. L’ex-footballeur doit y recevoir son diplôme, un MBA en management obtenu à l’issue d’une formation diplômante à l’École de Commerce de Lyon (ECLyon), qu’il a finalement préférée à la prestigieuse université américaine d’Harvard, dont il nous avait parlé en 2019. Flairant le bon coup de com’, la direction de l’établissement, qui envisage de lancer une formation spécialisée en management du sport, en a profité pour lui octroyer un doctorat honoris causa, en sus du MBA.
Sitôt l’aéronef dans les airs pour 55 minutes d’un vol sans turbulences, Eto’o s’endort. « Je suis arrivé d’Abidjan tôt ce matin », s’excusera-t-il plus tard. La veille, le gratin de la politique ivoirienne et du show biz africain s’était retrouvé aux obsèques de Hamed Bakayoko – que notre hôte décrit comme « un ami et un frère » – , mort foudroyé le 10 mars dernier par un cancer dans un hôpital de Fribourg-en-Brisgau, en Allemagne.
LE SILENCE PESANT DE LA CLASSE POLITIQUE SUR LA SITUATION À JERUSALEM
Depuis le début de cette escalade de violences, le chef de l’Etat n’a pas réagi officiellement à ce sujet. A l’opposé de bon nombre de pays de la Umma Islamique comme la Mauritanie, le Maroc, le Sénégal a adopté la stratégie du silence
Depuis le 07 mai dernier, jour coïncidant avec la Journée mondiale d’Al qods célébrée annuellement par le monde musulman, durant le dernier vendredi du mois béni de ramadan, il y a eu un regain de violences à Jérusalem. Au Sénégal, la classe politique, du chef de l’Etat à l’opposition, reste aphone
Doit-on s’interroger sur le prix du silence de la classe politique sénégalaise sur le regain de violences notés à Jérusalem où une vingtaine de Palestiniens ont été tués ? En tout cas, depuis le début de cette escalade de violences, le chef de l’Etat n’a pas réagi officiellement à ce sujet. A l’opposé de bon nombre de pays de la Umma Islamique comme la Mauritanie, le Maroc qui a récemment normalisé ses relations avec Israël, le Sénégal a adopté la stratégie du silence. D’ailleurs, une attitude qui n’a pas l’heur de plaire aux dirigeants palestiniens.
C’est pourquoi l’Ambassadeur de la Palestine au Sénégal, Safwat Ibraghith, a demandé, dans une interview avec L’Observateur, à la diplomatie sénégalaise de «marquer clairement sa position» sur les heurts entre Palestiniens et forces de l’ordre israéliennes. Force est de constater que depuis le début de cette escalade de violences, le Ministère sénégalais des affaires étrangères n’a pas communiqué sur cette affaire qui préoccupe en ce moment vivement le monde musulman. Il faut dire que le pouvoir n’est pas le seul à adopter cette posture. En effet l’opposition, très encline parfois à prendre certaines positions d’ordre international, semble se ranger derrière la position du pouvoir.
Pour le moment, les services de communication des partis politiques semblent préoccupés à rédiger des messages de souhaits pour la fête de l’Aïd el Fitr qui va être célébrée dans les prochaines 24 heures. En attendant que la classe politique sorte de son silence, des organisations de la société civile et des guides religieux se sont manifestés, notamment sur les réseaux sociaux à travers le hashtag Free-Palestine, pour exprimer tous leurs soutiens au peuple palestinien. Toutefois, il faut signaler que Dakar, une des rares diplomaties du monde musulman à abriter sur son sol un consulat israélien, coopère avec l’Etat hébreux sur plusieurs sujets essentiels, notamment dans le domaine sécuritaire et les nouvelles technologies. Mais le pays de la Teranga a toujours opté dans ce vieux conflit qui oppose l’Israël et la Palestine une position équilibriste.
D’ailleurs en 2016, le Sénégal avait parrainé puis voté la résolution 2334 de l’ONU sur l’arrêt des implantations israéliennes en Cisjordanie. Une position du Sénégal qui avait refroidi les relations diplomatiques entre les deux pays avec le rappel de l’Ambassadeur de l’Etat hébreux par Benyamin Netanyahou pour consultations. Mais il faut rappeler les images de l’ancien ministre sénégalais des affaires étrangères, Sidiki Kaba qui s’était rendu en 2018 devant le Mur des Lamentations avec une kippa sur sa tête. Une image qui avait beaucoup fait jaser tant du côté du Sénégal que dans le monde musulman.
par Cheikh Tidiane Gadio
CHEIKH ANTA DIOP MÉRITAIT PLUS ET MIEUX
Dans l’édition du Devoir de mars 1986, le sociologue, journaliste et plus tard ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, rendait hommage à Cheikh Anta Diop qui venait de nous quitter
Le Devoir |
Cheikh Tidiane Gadio |
Publication 11/05/2021
Dans l’édition du Devoir de mars 1986, le sociologue et journaliste Cheikh Tidiane Gadio rendait hommage à Cheikh Anta Diop qui venait de nous quitter.
Nous reproduisons cette capacité divinatoire de celui qui a été le ministre des Affaires étrangères de Me Wade et combattant pour la paix en Afrique.
Loin de la querelle d’héritiers présumés, le Dr Cheikh Tidiane Gadio apprécié de partout aujourd’hui a produit il y a près de quarante ans un très bel article d’un journaliste engagé comme il en existait à l’époque. Nous avons redécouvert avec un plaisir inégalé le vocabulaire, la syntaxe et les tournures de ce texte d’hommage à un très grand homme.
C’est un cadeau mémoriel inestimable du Devoir qui rend hommage aujourd’hui à cette capacité de vision sur le futur d’en enfant du siècle.
Cheikh est parti. L’heure est surtout au recueillement car, comme le dit une métaphore négro-africaine, « ses os n’ont pas encore refroidi sous terre ». Aussi, seule la dignité est de mise. Mais il reste que l’amertume des Sénégalais (des Africains) est visiblement une amertume coléreuse.
L’Occident impérialiste, angoissé et destructeur nous avait dénié jusqu’à la simple appartenance au genre humain en nous différenciant à peine du singe. Ce constat rend encore plus amer le gâchis énorme qui a résulté de l’isolement et de la banalisation de l’immense « technicien du savoir pratique » que fut Cheikh Anta Diop.
De simples ouvriers m’ont confié 24 heures après sa mort : « On n’a pas voulu utiliser ses connaissances de son vivant, maintenant on va le magnifier en son absence. Ah les Africains !». Cheikh Anta, ami des simples gens, a dû les approuver sans réserve là où désormais il se trouve.
Vigilants se doivent d’être tous les progressistes africains. Après le torrent unanimiste de larmes qui a charrié douleur, révolte et peut-être regrets sincères, il faut maintenant froidement et sereinement méditer et s’approprier les leçons de courage et de constance de Cheikh Anta Diop afin que de tels gâchis ne soient plus possibles dans une Afrique encore reine des souffrances et des humiliations.
Première leçon de courage. Relever la tête et faire face aux grands défis, c’est fatalement dans notre Afrique écartelée et pressurée- opter résolument pour un destin tragique. Cabral, Lumumba, NKrumah, Fanon, Cheikh Anta et même David Diop et Mandela sont de cette race prestigieuse d’intellectuels organiques dont la sincérité, l’engagement et la passion pour les masses n’ont d’égal que les brimades, vexations (et parfois assassinats) qui ont jalonné leur vie de combat. « On n’est rien sur terre si on n’est pas l’esclave d’une cause : celle de la justice, celle de la liberté et celle des peuples » disait Fanon, disaient-ils tous. Ce même Fanon a pu aussi dire « (…) En tant qu’intellectuel (…), je m’engage à affronter le risque de l’anéantissement pour que deux ou trois vérités jettent sur le monde leur essentiel de clarté ». Merveilleuse épitaphe pour la pierre tombale de l’enfant de Thieytou. Car Cheikh aussi a affronté le risque de l’anéantissement et ses deux ou trois vérités hantent et hanteront pour toujours l’histoire falsifiée de l’humanité.
Dévoués aux masses de notre continent, ces intellectuels ont toujours été. Inconnus d’elles, ils ont aussi souvent ou parfois été style élitaire de leur part, ou bien obstruction et écran de fumée entre eux et les masses ! En tout cas, le mythe a bien souvent supplanté la réalité scientifique et féconde de leur œuvre.
Enfant, j’avais entendu et propagé avec la certitude innocente de l’adolescence qu’il existait au Sénégal un homme qui demandait peu de moyens pour éclairer le Sénégal tout entier à partir de Tambacounda avec… une seule lampe. D’autres mythes témoignent encore de l’éblouissement provoqué par le génie de Cheikh Anta.
CONSENSUS
L’impérissable Mao Tsé Toung et Jean Paul Sartre, l’autre symbole attachant, ont bénéficié de plus de clémence que les autres. L’usure implacable du temps leur a quand même laissé le temps de goûter aux fruits si doux de l’arbre universel généré par leur œuvre novatrice. Les autres géants de ce siècle de tragédie, de confusion et de lumière tout à la fois, ont, pour l’essentiel, été incompris, mal aimés, isolés, n’ayant comme compagnon fidèle que le froid mordant de la solitude.
Heureusement qu’en Afrique-deuxième leçon-la mort des grands hommes réunit sur l’essentiel. La symbolique qui entoure les grandes pertes provoque chez nous un moment consensuel exceptionnel. J’ai été ému de voir d’authentiques adversaires politico-idéologiques de Cheikh visiblement bouleversés, assister, les yeux rougis et les dents serrées, à l’oraison funèbre prononcée de façon somptueuse et majestueuse par des amis ou par des officiels à la demeure du défunt. Le moment n’était pas à la démesure et aux rancœurs car Cheikh réalisait, là encore, une œuvre pharaonique (c’est-à-dire grandiose) ultime réunir – en dépit de l’adversité normale – les Africains sur l’essentiel sans contrepartie de reniement ou de renonciation.
Le discours admirable de Iba Der Thiam dont le cœur a parlé plus que le mandat de la raison d’Etat n’a pu néanmoins combler l’absence remarquée de Abdou Diouf lui-même. C’est là un grand rendez-vous avec le peuple, attentif en de telles circonstances, qu’a manqué un homme dont l’arrivée au pouvoir a pu favoriser des ambiguïtés dans la facette homme politique de Cheikh Anta. C’est là me semble-t-il une fissure dans le consensus autour de Cheikh Anta symptomatique du contenu que l’homme du consensus national met dans le consensus qu’il préconise au demeurant.
L’autre fissure, mais celle-là à peine surprenante, vu le manque de finesse réputé du « ministre-rédacteur en chef suprême », est la lenteur de réaction impardonnable de l’ORTS. Et c’est la troisième leçon. Il n’est pas difficile de deviner le faux dilemme qui d’ailleurs n’en est un que pour le journalisme aux ordres. L’équation à résoudre aurait fait sourire le professeur Cheikh Anta. Bien voilà un deuil national frappe notre pays le jour où dans l’entendement de certains «la nation entière attend frémissante Abdou Diouf de retour d’un périple triomphal ».
Alors la solution à l’équation, elle est tristement invariable quoi qu’il advienne dans la vie de la nation, d’abord et toujours le président.
Il est déplorable que notre ORTS soit englué dans un culte de la personnalité tyrannique qui horrifie le simple bon sens. Le Vendredi 7 février 1986, Cheikh Anta, tragiquement, malgré lui, avec son immense charisme, a occupé sans conteste les devants de l’Actualité nationale.
INDELICATESSE ET INDECENCE
Pour des Sénégalais-et c’est mon cas- qui ont appris la mort de Cheikh Anta vers 20h25, il est légitime de se précipiter sur le petit écran. 20H30 : le journal. Trois titres : Retour de Abdou Diouf, Philippines, Haiti ; Point de Cheikh Anta
Le journaliste de service, avec un look visiblement atterré, diffuse stoïquement les 15 à 20 minutes sur l’arrivée du président. Pis : un autre journaliste inspiré par une indécence renversante, trouve le moyen de faire éclater de rire le président à propos de la « douce dame de fer ». Terrible révélation pour les Sénégalais : la TV est un médium redoutable qui, par un effet boomerang, peut se retourner contre ses utilisateurs. Car je me garderai de rapporter ici les propos et réaction des gens religieusement plantés devant leur téléviseur espérant des images de Cheikh Anta plus qu’autre chose…
En fait d’images de Cheikh Anta, à la 20ème minute du J.T, on aura droit à une pâle image fixe pendant deux petites minutes. C’est peu. C’est insuffisant. C’est injuste. C’est Cheikh A…
Pendant ce temps, au Gabon, à « Africa no 1 », des heures d’émission étaient consacrées à Cheikh Anta avec l’instantanéité qui sied aux exigences d’une station qui se respecte.
Pendant ce temps, au Congo, un deuil national était décrété pour magnifier l’illustre africain Cheikh Anta Diop. Pendant ce temps, des Sénégalais furieux s’interrogeaient : Cheikh Anta aura-t-il un deuil national comme de Gaulle l’a eu au pays de la négritude et de l’enracinement ? Certes, l’ORTS s’est largement rattrapé par la suite. Côté radio surtout. Pour les images de Cheikh Anta, on attend…. Et on attendra longtemps car l’irréparable a été consommé. Le monde entier va découvrir qu’au Sénégal, terre de démocratie, de pluralisme et d’ouverture, des « géants du savoir » de la trempe de Cheikh depuis douze ans qu’existe la T.V., n’ont pas les honneurs du passage à l’antenne.
Alors veut-on rectifier ? Oui ? Alors faisons vite. Car sur d’autres registres, des Sénégalais tels les Mamadou Dia, Majmouth, Abdoulaye Ly, Abdoulaye Wade, Abdoulaye Bara Diop, Amady Ali Dieng et autres témoins et acteurs majeurs de la vie politique et intellectuelle nationale n’ont plus la fougue de leurs trente années, même si c’est un souhait des dizaines d’années peuvent les séparer du rendez-vous fatal…
Rien que l’atmosphère survoltée et teintée de colère, lors de l’hommage rendu à Cheikh Anta par l’Université, peut prouver aux autorités que sans être forcément bellicistes, les masses ont une mémoire vigilante face aux grandes injustices. Amar Samb de l’Université a été bouleversant de spontanéité (désordonnée certes), mais admirable d’émotions vraies et de révélations poignantes. Cheikh Anta, opposant politique au régime sénégalais, fut cependant une force intarissable et inlassable de propositions généreuses et salvatrices. Cheikh, contre ceux qui arguent de la faiblesse de nos infrastructures, avec son petit laboratoire de l’IFAN, a fait sinon mieux du moins autant que les laboratoires suréquipés d’Occident. Cheikh non-poreux aux honneurs factices n’a pas jubilé lors de son accession au grade de chevalier de l’Ordre National du Lion. C’est ici que son image pure et sublime se superpose à celle de Sartre refusant, à la stupeur générale, le Nobel et autres distinctions, pour leur préférer l’amitié touchante, fidèle, et admirable des simples gens. Amar Samb a bousculé et dérangé. Le Sénégal entier… n’eut été la censure des média d’Etat- aurait dû lire, voir et entendre son précieux témoignage sur le côté être de chair, de sang, de sentiments, de principes de Cheikh Anta.
L’autre homme de courage de cette séance mémorable fut le doyen Aloise R. Ndiaye de la Faculté des Lettres qui n’a pas résisté à l’envie d’être l’interprète de la clameur populaire (des enseignants et des étudiants). Clameur qui a déjà, de fait, baptisé l’Université de Dakar, université Cheikh Anta Diop. Le gouvernement a-t-il senti naître se développer et exploser ce sentiment fort répandu en proposant dans une précipitation suspecte d’associer le nom de Cheikh Anta à l’IFAN ? C’est peu. C’est insuffisant. Cheikh mérite plus… D’ailleurs où est le problème ? L’Université de Dakar est vierge de tout baptême ; alors vivement que les autorités se conforment au commun vouloir des Sénégalais.
Du reste, quand on est bien intentionné, il n’est jamais trop tard pour bien faire. Aussi, nos propositions sont les suivantes :
Que le gouvernement décrète le «7 février journée culturelle et scientifique Cheikh Anta Diop fêtée sur toute l’étendue du territoire national, le deuil national manqué sera vite oublié !
Que l’Université de Dakar porte le nom de l’illustre professeur, l’Ecole nouvelle n’en sera que plus rédemptrice et mieux lancée… !
Que l’œuvre de Cheikh Anta soit méthodiquement, patiemment expliquée aux larges masses qui ignorent parfois jusqu’à l’existence de l’Egypte antique, afin que ces masses (seules créatrices de l’histoire universelle) en fassent avec l’apport d’autres idéologies progressistes une force matérielle capable de briser les reins à l’Apartheid (désir ardent de Cheikh Anta), vaincre famine, sécheresse, humiliation impérialiste (préoccupation constante de Cheikh)-mettre fin à l’oppression pluri-séculaire de la toujours souffrante race nègre dont le pénible sanglot retentit toujours des Caraïbes aux Amériques, de l’Afrique à l’Europe (souci majeur de Cheikh) édifier les Etats Unis démocratiques et progressistes d’Afrique (volonté permanente de Cheikh).
Nous attendons. Nous agissons. Nous espérons. Quant à toi Cheikh Anta Diop, excuse cette pelletée de terre tardive, mais sache qu’elle n’a pas le poids de ce que la jeunesse africaine te doit.
VIDEO
MONTRÉAL, LA VILLE DES ÉTUDIANTS AFRICAINS
Contrairement aux premiers noirs qui y arrivaient avec le statut d’esclave, ils se sont faits un petit coin de soleil dans ce monde où il faut entre moins 15 et moins 30 degrés pendant plusieurs mois dans l’année
Ils ont bravé la distance et le froid pour s’installer à Montréal. Ils ont créé là-bas leur bout d’Afrique. Et contrairement aux 1er noirs qui y arrivaient avec le statut d’esclave, ils se sont faits un petit coin de soleil dans ce monde où il faut entre -15 et -30 degrés pendant plusieurs mois dans l’année. Qui sont ils ?
LAMINE DIACK, DE L'OMNISPORTS À L'OMNIPRÉSENCE
Après les avoir conquis un par un, l’ancien président de l’IAAF a perdu ses différents postes. Pour sa carrière, l'homme avait tout sacrifié y compris sa jeunesse
Après cinq ans de résidence surveillée en France, Lamine Diack, 87 ans, a signé son retour lundi soir au Sénégal. Footballeur, athlète, entraîneur, dirigeant sportif, homme politique, les casquettes de Lamine Diack ont été nombreuses ses 60 dernières années avec comme fil commun : une ascension fulgurante. En démissionnant du CIO, son dernier mandat international, il met fin à un parcours qui a failli s’interrompre brutalement en 1980. Alors maire de Dakar, il avait dû démissionner après des accusations de mauvaises gestions.
« Courtois mais avec un franc parler que l’athlète français Michel Jazy résume à « celui qui dittout ce qu’il pense au point de choquer » ». C’est ainsi que Mamadou Koumé, journaliste et enseignant formateur au Cesti, la principale Ecole de journaliste en Afrique de l’ouest, dessine les contours de Lamine Diack, qu’il dit connaître « depuis 1979 ».
Influence familiale
Né en 1933 dans le très populaire quartier de Rebeuss où la maison familiale des Diack est mitoyenne de la célèbre prison qui porte le nom du quartier de Dakar, Lamine Diack a toujours été un passionné de sport. « C’était un touche à tout », renseigne Mbaye Jacques Diop, un proche de celui qu’il appelle toujours « le président Diack ». Le jeune Lamine pratique du football, de l’athlétisme, du volley ball et du basket. Dans une famille où la réussite scolaire est érigée en valeur cardinale, le jeune Lamine Diack inquiète. Quand l’un de ses frères conditionne l’obtention de bonnes notes à la poursuite de sa pratique du sport, « il décroche une moyenne de 14 », sourit Mbaye Jacques Diop. Alliant sport et études après le bac, Lamine Diack est champion de France de saut en longueur en 1958 avant un diplôme à l’école nationale des impôts de Paris en plus d’une licence en droit public. Une fois de retour au Sénégal, le jeune diplômé devient inspecteur des impôts et domaines dans l’administration. Ce n’est pas pour autant qu’il tourne le dos à sa passion pour le sport avec le soutien désormais de sa famille. En mettant en exergue la présence trop encombrante de sa famille à ses côtés à la fédération internationale d’athlétisme (IAAF) à travers ses deux fils (Pape Massata et Khalil), l’actualité récente montre une constance chez Lamine Diack : « il a toujours été très famille », pour Mbaye Jacques Diop au point de développer une forme de mimétisme. Quand l’un de ses frères est devenu le premier président de la Fédération sénégalaise de Football en 1960, l’autre s’activait pour la mise en place de la nouvelle fédération sénégalaise d’athlétisme. « Je pense que cela a joué dans sa trajectoire », poursuit ce proche de la famille Diack.
Diack, le réformateur
Pour se faire, Lamine Diack a d’abord embrassé une carrière d’entraineur de football au foyer France-Sénégal en 1963, l’ancien grand club sénégalais devenu par la suite le Diaraf de Dakar. De 1964 à 1968, il est nommé Directeur technique national du football sénégalais. C’est ainsi qu’en 1968, il fait partie du trio avec Joe Diop et Mawade Wade qui a dirigé l’équipe du Sénégal à la Coupe d’Afrique des Nations en Ethiopie. « Le Sénégal fut éliminé de justesse après une victoire, un nul et une défaite mais la compétition fut marquée par la mise en place, révolutionnaire à l’époque, de la défense en ligne », se souvient Mamadou Koumé. Lamine Diack, un réformateur ? L’histoire du football sénégalais le retient comme tel à travers « la réforme Diack ». « En 1969, comme ministre des Sports du président Senghor, il fait adopter la loi instituant le regroupement de petits clubs pour en faire de fortes équipes capables de rivaliser sur le plan continental », explique Mamadou Koumé. Toujours à cheval entre les deux disciplines, Lamine Diack va revenir à l’Athlétisme comme président de la fédération sénégalaise et cofondateur de la Confédération africaine d’athlétisme en 1973 à Lagos.
Scandale à la mairie de Dakar
Avec le sport comme rampe de lancement, Lamine Diack poursuit son ascension politique en étant élu maire de Dakar de 1978 à 1980 malgré l’opposition de certains cadres de la direction du Parti Socialiste du président Senghor. « Il était devenu potentiellement présidentiable en concurrence avec Abdou Diouf avec sa forte popularité en tant que responsable de la première coordination de Dakar. Certaines pontes du régime socialiste craignaient son ascension et avait créé une coordination dissidente financée par les familles libano syriennes installées à Dakar comme les Bourgi », renseigne un membre influent du PS de l’époque sous le sceau de l’anonymat. Coïncidence ou pas, après deux ans à la mairie de Dakar, Lamine Diack est débarqué après des accusations de mauvaise gestion financière. « J’étais jeune journaliste, une source m’avait indiqué que Lamine Diack allait être relevé de son poste de maire parce qu’il y avait eu un problème de gestion. ». En clair, il était accusé de détournement de deniers publics. « C’est une accusation qui ne tenait pas, plaide Mbaye Jacque Diop. C’était purement politique. » Quand Lamine Diack est élu maire en 1978, il fallait une autorisation du préfet pour exécuter le budget. « En tant que président du conseil municipal et maire, Lamine Diack était sous l’autorité du préfet. Toutes les décisions devaient être approuvées par le préfet avant exécution », précise anonymement le responsable socialiste.
Recours de l’opposition sénégalaise
Toujours est-il que l’affaire n’a pas arrêté l’ascension politique de Lamine Diack. Il a été réélu député et a fini même par « devenir le vice-président de l’Assemblée nationale sénégalaise jusqu’en 1993 », rappelle Mamadou Koumé. Parallèlement à cette omniprésence dans les postes de décision au Sénégal, Lamine Diack construisait une carrière internationale. Après la présidence de la confédération africaine d’Athlétisme à partir de 1973, il intègre le Comité olympique national en 1974, avant de le présider de 1985 à 2002. En 1987, il devient vice-président de l’IAAF et en 1991 il en est le premier vice-président, fonction qui le propulse à la présidence de l’instance internationale à la mort de Primo Nebiolo, en 1999. La stature internationale que lui a conféré ce poste en avait fait un sérieux recours pour l’opposition sénégalaise en 2011. En effet, son nom a circulé comme probable candidat à la présidentielle sénégalaise de 2012 quand l’opposition sénégalaise avait du mal à s’unir contre l’ambition donnée à l’ancien président Abdoulaye Wade de faire de son fils Karim son successeur à la tête du pays. « Le Sénégal n’est pas le Togo (en référence aux successions dynastiques dans ce pays, ndlr)», avait-il stigmatisé le projet présumé des Wade. « Je lui avais conseillé de ne pas y aller », confie Mbaye Jacque Diop. Lamine Diack avait finalement rétropédalé en déclinant l’offre d’une partie de l’opposition et de la société civile sénégalaise pour se concentrer sur l’IAAF.
Bilan mitigé pour l’Afrique
Sous sa présidence, la fédération internationale d’athlétisme « a lutté contre le dopage avec des résultats probants », note Mbaye Jacques Diop. Ce dernier prend en exemple « les médailles retirées à Marion Johns, les suspensions de l’américain Tyson Gay et du Jamaïcain Asafa Powell » dans la discipline reine qu’est le 100m. « Les accusations de corruption pour cacher le dopage de certains athlètes me semblent être du menu fretin », pour Mamadou Koumé qui n’épargne cependant pas son entourage dans les dérives indexées. Reconnaissant le rapport publié par l’Agence mondiale antidopage comme « accablant », Mbaye Jacques Diop jure pourtant qu’il croirait « à l’honnêteté et à l’étique du président Diack jusqu’à l’extinction du soleil » (sic). Dans ce concert de louages, une voix dissonante résonne comme une fausse note pour évoquer la « gravité » des accusations. « Au Sénégal, on le présentait comme Dieu. Le réveil est dur car les révélations des derniers jours montrent qu’il a des failles », juge anonymement un journaliste sportif sénégalais. Décrit comme « un défenseur acharné de l’Afrique », Lamine Diack n’a pourtant pas réussi durant les 15 ans de sa présidence à l’IAAF, à organiser les Mondiaux d’athlétisme dans son continent d’origine contrairement à l’Asie qui en a accueilli trois (Osaka, Japon en 2007 ; Daegu, Corée du Sud en 2011 et Pékin, Chine en 2015).
Résumant le Maroc et l’Afrique du Sud comme principales candidatures crédibles en Afrique pour accueillir de pareilles compétitions, Mamadou Koumé rappelle que le pays de Mandela a « organisé la coupe du monde de l’athlétisme ». Ce n’est pas l’une des seules réalisations de Lamine Diack qui dès 1973 s’est toujours « prononcé contre l’intégration du régime de l’apartheid de l’Afrique du sud dans les instances internationales d’athlétisme ».
Condamnation
Après sa mise en examen par la justice française suivie de sa suspension provisoire, le 10 novembre, par le Comité International olympique, Lamine Diack a démissionné ce mercredi de son poste de membre honoraire du CIO. Après les avoir conquis un par un, l’ancien président de l’IAAF a perdu ses différents postes. Pour sa carrière, Lamine Diack avait tout sacrifié y compris sa jeunesse qu’il considérait ne pas avoir si jeunesse était synonyme de virées nocturnes et de fêtes.
Il a été condamné en septembre 2020 par la justice française à quatre ans de prison dont deux ferme pour son implication dans un réseau de corruption destiné à cacher des cas de dopage en Russie, en plus d’une amende de 500 000 euros, soit 327 millions FCfa.
Mais son retour au bercail était imminent depuis que l’Asc Jaraaf, club médinois qu’il a eu à diriger, a payé une caution de 327 000 000 FCFA afin que la mesure d’interdiction de quitter le territoire français à son encontre soit levée. Son arrivée au Sénégal annoncée depuis plusieurs jours a fait l’objet de plusieurs reports, pour cause de formalités et de procédures administratives.
Lamine Diack n’a pas donné suite à nos sollicitations dans le cadre de ce portrait.
BABA SY, UN GÉNIE DES JEUX DE L’ESPRIT
Si les Sénégalais se souviennent très bien des épopées des Lions du basket ou du foot, ils ne retracent que très peu les parties folles de jeu de dames remportées par cet homme contre les plus grands champions de son époque
Lorsque l’on évoque les exploits des Sénégalais dans le monde, on oublie souvent de retracer ceux de Baba Sy, Grand Maître International, Champion du monde de jeux de dames à qui la Russie a tenté de refuser ce titre en annulant la partie qui devait l’opposer au champion russe Iser Kuperman. Si nos compatriotes se souviennent très bien des épopées des Lions du basket ou du foot, ils ne retracent que très peu les parties folles de jeu de dames remportées par Baba Sy contre les plus grands champions de son époque, en majorité Russes, Hollandais, Belges…
Baba Sy, né en 1935 dans un village reculé de notre pays, était l’un des champions de jeux de l’esprit les plus brillants de l’Histoire. Et, pourtant, paradoxalement, ce génie n’a jamais été à l’école française. Certes, il a fréquenté l’école coranique et ses maîtres ont reconnu qu’il avait une mémoire fabuleuse qui lui permettait de retenir des chiffres compliqués ou de créer des combinaisons improbables. Mais c’est seulement vers ses quinze ans qu’il a commencé à apprendre et à lire en français. Et c’est en 1959, à l’âge de 23 ans, que son talent a été découvert par un Français, un certain Émile Biscons, fonctionnaire colonial affecté à Dakar et qui pratiquait le jeu de dames en dilettante.
A l’époque, la ville de Dakar comptait beaucoup de «grand’places » et c’est là, alors qu’il faisait une promenade en regardant jouer les amateurs, que le Français découvre un jeune homme qui enchaînait victoire sur victoire contre des joueurs qui étaient pourtant talentueux. Biscons veut le tester et le fait inscrire au championnat de France de jeux de dames. En 1959 le Sénégal n’était pas encore indépendant et, dès sa première participation à cette compétition qui se déroulait en métropole, Baba Sy gagne tout, élimine tous ses adversaires et devient… champion de France ! C’était la première fois que les Européens rencontraient un damiste originaire d’Afrique et qui leur donnait la piquette à chaque fois. Il faut dire que Baba Sy a connu les jeux de dames alors qu’il n’avait encore que huit ans. Il suivait les parties que jouaient ses oncles et les amis de son père et rangeait les pions lorsque ces derniers avaient fini de jouer.
Et, un beau jour, alors qu’il était en train de ranger les pions, un de ses «oncles» lui propose de jouer une partie. Il lui répond qu’il ne savait pas jouer même s’il a regardé quelques parties. Son interlocuteur lui propose alors de lui apprendre. Surprise, dès la première partie, le jeune Baba Sy, huit ans, bat cet oncle ! Ils jouent plusieurs fois et le jeune garçon sort toujours victorieux. Aussi le monsieur croit que Baba Sy lui ment car il était certainement un champion caché qui ne voulait pas se dévoiler.
Pourtant, c’était vrai, Baba Sy venait de jouer sa première partie de jeu de dames. Après donc avoir participé au championnat français et battu tous ses adversaires, il est invité dans des tournois internationaux où il fait exploser son talent. Et il devient vice-champion du monde dès 1960 en terminant juste derrière le Soviétique Viatcheslav Chtchogoliev qui remportait à cette occasion son premier titre.
« Le Coup de Rafaël »…
Le titre de champion du monde de dames se joue alors (entre le milieu des années 1950 et le milieu des années 1970) sur le rythme de tournois auxquels prennent part de nombreux joueurs et le vainqueur du tournoi devient (ou reste) champion du monde. Le tournoi est intercalé de deux championnats du monde sous forme de match entre deux joueurs, le champion en titre et son challenger. Le championnat du monde 1960 était donc une compétition sous forme de tournoi. En 1961, lors d’un match, Viatcheslav Chtchogoliev perd son titre face à son compatriote Iser Kuperman. Après ce match, Baba Sy remporte le Challenge mondial à Liège et doit alors, comme challenger, affronter le champion du monde Iser Kuperman lors d’un match que doit organiser la fédération soviétique en 1963. Ce match sera annulé. Puis en 1964, il ne termine que troisième (derrière Chtchogoliev, vainqueur, et Kuperman) du championnat du monde suivant. Mais il avait des problèmes de santé car il était souvent sujet à des hausses de tension qui le contraignaient quelques fois à abandonner une partie. Cependant son génie était si reconnu, surtout en parties simultanées, qu’il était encore toujours invité pour des galas de jeux de dames auxquels participaient même certains de ses rivaux aux championnats du monde. Lors d’une partie simultanée, Baba Sy a battu 150 adversaires alignés sur des tables qu’il parcourait quasiment seconde après seconde ! Une performance au cours de laquelle il réalise l’un des coups les plus fabuleux en jeu de dames, le « Coup de Rafaël ». Ce fameux coup a même fait l’objet d’un livre produit par un ancien grand maître, spécialiste des jeux de dames qui était particulièrement impressionné par le jeu très inspiré de Baba Sy. Baba Sy est mort accidentellement le 20 août 1978 vers Mbour alors qu’il se rendait à Kaolack, sa ville d’adoption. C’est d’ailleurs dans cette ville qu’au Sénégal, il rencontrait ses adversaires les plus redoutables en jeu de dames comme le vieux Eumeuth Sow, exchef d’arrondissement, qu’il n’a pas réussi à battre toute une journée durant. Et c’est aussi à Kaolack qu’il a livré une partie difficile avec un certain Ndiaye Diouf qui n’était autre que le père de… l’ancien président de la République Abdou Diouf. Lorsqu’il jouait en public, Baba Sy attirait une foule immense et, à chacun de ses coups de maître, la foule l’acclamait comme les amateurs du football sautent de joie quand leur équipe marque un but. Comment peut-on oublier un tel champion parce qu’il n’est ni footballeur ni basketteur ? Les jeux de l’esprit, c’est aussi du sport ! Un sport cérébral, qui plus est, n’en déplaise aux adeptes des gros biceps.
Par Hamidou ANNE
CE QUE LA GAUCHE DOIT À PABLO IGLESIAS
Par l’exemple de Podemos, il est possible de mettre en tension nos espaces politiques nationaux, de puiser dans sa trajectoire une inspiration semblable à l’influence du bolivarisme sud-américain, et permettre à une nouvelle gauche africaine d’émerger
Un scrutin a priori sans intérêt pour le reste du monde se déroulait en Espagne le 4 mai dernier. Il s’agissait des élections régionales de Madrid, sanctionnées par la victoire d’une femme de droite conservatrice, surnommée la «Trump espagnole». Mais la défaite et le retrait de la vie politique de Pablo Iglesias, leader de Podemos et vice-président du gouvernement, donnent à ce scrutin une résonance internationale. Iglesias est aussi important pour la science politique moderne que Barack Obama ou Emmanuel Macron. A mon avis, il est l’auteur de l’une des plus grandes révolutions politiques de la dernière décennie.
Selon le quotidien El Mundo, Iglesias est «le plus grand agitateur de la vie politique espagnole depuis la transition démocratique, le visage de cette nouvelle politique née de la crise de 2008 et du mouvement des Indignés en 2011». Né en 1978, Dr en sciences politiques et ancien militant des jeunesses communistes, Iglesias a cofondé le parti Podemos en 2014, comme prolongement du mouvement des Indignés qui a secoué l’Espagne en 2011. Ce moment se situant dans le sillage de ce que les sociologues Geoffrey Pleyers et Marlies Glasius ont appelé «les mouvements des places» dans le monde, citant tour à tour les manifestants de Tahrir, de Maïïdan, de la Puerta del Sol ou encore d’Occupy Wall Street.
Iglesias a couvert, en tant que chercheur et journaliste, les revendications des manifestants du 15-M (nom donné à l’insurrection citoyenne espagnole). Il en a tiré une conclusion : l’indignation n’est que le premier pas de l’engagement.Il fallait, par une force politique innovante, mettre en tension le système politique espagnol et européen et proposer un nouvel horizon. Lecteur de Gramsci, il a compris que le moment économico-corporatif des Indignés de Madrid était un socle pour bâtir une contre-hégémonie populiste à vocation citoyenne, progressiste, écologiste et féministe. Podemos, fondé en 2014, a tout de suite obtenu des résultats électoraux éloquents avec plus de 1 million 200 mille voix et cinq élus aux Européennes. Lors des Législatives espagnoles de 2015 et 2016, le parti a obtenu respectivement 5 millions 212 mille 711 voix et 69 élus, et 5 millions 087 mille 538 et 71 sièges au Congrès.
Aux Municipales de 2015, Podemos remporte de nombreuses villes dont les emblématiques Barcelone et Madrid. Comme tout mouvement politique qui se mue en parti de gouvernement, Podemos perd de son insouciante fraîcheur, affronte des divergences de ligne, joue avec les alliances et se heurte à l’usure du pouvoir qui lui enlève une forme de pureté idéologique. Il s’y ajoute le départ de Iñigo Errejon, ancien numéro 2, idéologue du parti, concepteur de sa stratégie populiste et artisan de sa transversalité. Pablo Iglesias quitte la politique sur une défaite, avec seulement 7,2% des suffrages recueillis, mais il aura transformé la vie politique internationale d’une manière radicale. En se saisissant du socle intellectuel issu des travaux de Gramsci, Mouffe, Laclau ou Stuart Hall, qui structurent un positionnement populiste de gauche, pour l’expérimenter dans un espace politique jusque-là fermé, Iglesias a offert une grille de lecture nouvelle et un outil aux millions de militants qui partout rêvent de renverser l’ordre inégal actuel.
A la méthode de la gauche classique centrée sur l’opposition à la droite, il a apporté une critique de la caste corrompue et immorale qu’il oppose au peuple. Il a aussi critiqué le bipartisme dont les alternances n’offrent pas de changement de politique. Avec Podemos, Iglesias a voulu construire un Peuple comme catégorie politique entre le «nous» des gens et le «eux» de l’oligarchie. L’homme a aussi révolutionné la pratique politique par un style iconoclaste, en substituant au costume-cravate le jean, le pull ou la chemise à carreaux, que vient couronner une déroutante queue de cheval. Pablo Iglesias a contribué à bâtir un peuple par l’usage de références de la pop-culture et des réseaux sociaux. Auteur prolifique, il a co-écrit et coordonné un excellent livre intitulé Les leçons politiques de Game of Thrones (Post Editions, 2015) et n’a cessé de partager ses lectures, ses coups de cœur en musique et au cinéma faisant ainsi preuve d’une impressionnante érudition et d’une culture générale hors du commun. Avec Podemos, il a redonné à des millions de militants et de penseurs progressistes dans le monde un espoir pour construire un peuple et rendre les utopies possibles par la pensée et l’action radicales.
Par l’exemple de Podemos, il est possible de mettre en tension nos espaces politiques nationaux, de puiser dans sa trajectoire une inspiration semblable à l’influence du bolivarisme sud-américain sur le jeune parti espagnol, et permettre à une nouvelle gauche africaine d’émerger. L’héritage politique de Pablo Iglesias est vaste, mais il me semble crucial de garder un aspect déterminant : c’est dans les institutions qu’il faut concrétiser la contestation politique.
OUSMANE TOUNKARA ÉDIFIÉ SUR SON SORT CE MARDI
L’activiste Ousmane Tounkara face à son destin. Il fera face au juge de l’immigration, ce mardi, 11 mai. Il risque d’être extradé des États-Unis vers le Sénégal pour situation irrégulière
L’activiste Ousmane Tounkara face à son destin. Il fera face au juge de l’immigration, ce mardi, 11 mai. Il risque d’être extradé des États-Unis vers le Sénégal pour situation irrégulière.
Pour rappel, le Sénégalais, célèbre pour ses diatribes sur les réseaux sociaux, a été arrêté le 15 mars dernier, par la police américaine, après une plainte de l’État du Sénégal pour terrorisme et menace de mort, dans le cadre de l’affaire Ousmane Sonko.
15 jours après son arrestation, le juge américain de l’ICE (Immigration and customs enforcement), chargé de l’immigration et des douanes, avait décidé d’expulser l’activiste sénégalais, mais la défense avait fait appel avant son expulsion, selon des informations obtenues par Emedia. Le Sénégalais revoit le juge le 11 mai pour une notification définitive.
Aux dernières nouvelles, l’État du Sénégal ne s’est finalement pas constitué partie civile.
Ousmane Tounkara avait été dans le viseur de l’Etat du Sénégal après ses appels sur les réseaux sociaux, à brûler les maisons d’autorités, lors des dernières manifestations. Il avait déjà été arrêté en 2015 pour des faits de vol de voiture de luxe.
Avant lui, Assane Diouf, dans des conditions similaires, avait été rapatrié au Sénégal où il a enchainé les déboires avec la justice.
ESCLAVAGE, LA QUESTION DES RÉPARATIONS TOUJOURS D'ACTUALITÉ
Saviez-vous qu'en 1848 au moment de l'abolition, ce ne sont pas les esclaves qui ont été dédommagés mais les propriétaires, et ce, afin de compenser les pertes économiques engendrées par la fin de l'esclavage ?
Le Point Afrique |
Viviane Forson |
Publication 10/05/2021
Les conditions dans lesquelles s’est faite l’abolition de l’esclavage font persister un sentiment de non-respect que d’aucuns voudraient éteindre.
Faut-il accorder des réparations pour l'esclavage ? Alors que ce lundi 10 mai, la France marque le vingtième anniversaire de la promulgation de la loi reconnaissant la traite et l'esclavage comme crimes contre l'humanité, la réparation « politique et mémorielle » a gagné du terrain, prenant le pas sur le volet financier qui reste, lui, difficile à appréhender encore aujourd'hui. Pour comprendre, il faut bien souvent remonter le cours de l'histoire, et le cas de la France est loin d'être isolé.
Saviez-vous qu'en 1848 au moment de l'abolition, ce ne sont pas les esclaves qui ont été dédommagés mais les propriétaires, et ce, afin de compenser les pertes économiques engendrées par la fin de l'esclavage. Pas moins de 250 000 personnes ont été libérées dans les colonies d'Amérique, de Saint-Louis du Sénégal, de Madagascar et de La Réunion. Au XIXe siècle, le fait de posséder des esclaves dans le cadre légal de cette époque obligeait l'État à vous indemniser au cas où ces derniers seraient émancipés. Malgré les débats houleux qui ont agité cette période, il était difficile de remettre en cause ce système par lequel beaucoup réinvestissaient par l'achat de biens dans l'économie du pays. Comment demander des comptes à ceux-là ? Dès le départ, donc, il ne s'est pas agi d'une abolition juste.
La question de la réparation relancée
Une des questions relancées ces dernières années par plusieurs associations est celle des réparations, et notamment de l'indemnisation des descendants d'esclaves. Parmi les revendications : au-delà de l'aspect financier ou monétaire, des pistes de solutions ont été avancées comme la mise en place d'une meilleure politique de codéveloppement avec les pays africains victimes de la traite, d'autres sur la nécessité de débloquer des bourses et bien d'autres.
De l'autre côté de l'Atlantique, le débat a été plus vif, aux États-Unis, où la question des réparations a été débattue au Congrès dès 1865. Lors de la guerre de Sécession, les États confédérés avaient promis à chaque esclave noir libéré « 40 acres et une mule ». Soit 16 hectares de terre à cultiver et une mule pour traîner une charrue. Une promesse restée lettre morte. Et loin d'avoir obtenu une liberté totale des Noirs américains, l'abolition de l'esclavage a été immédiatement suivie par la mise en place des lois Jim Crow et ses dérives racistes jusqu'au milieu des années 1960.
Plus récemment, le mouvement Black Lives Matter a réveillé le débat. La législation, dont une première version avait été rédigée il y a près de trente ans, est redevenue centrale depuis la mort de plusieurs Afro-Américains lors d'interventions policières. Il a poussé les États-Unis à se pencher davantage sur leur passé esclavagiste et sur les multiples discriminations subies par la minorité noire, laquelle constitue près de 13 % de la population. La question des compensations avait été évoquée par plusieurs candidats à la primaire démocrate de 2020 dans le débat plus large sur les inégalités raciales et les différences de revenus.
Un projet de loi adopté aux États-Unis
Et aujourd'hui, de nombreux observateurs se réjouissent de voir une commission du Congrès américain adopter la semaine dernière, plus précisément jeudi 6 mai un projet de loi portant le principe d'une compensation financière pour réparer les méfaits de l'esclavage aux États-Unis. Un premier vote historique dans un pays encore marqué par les discriminations raciales. Concrètement, ce projet de loi prévoit la création d'une commission d'experts qui serait chargée de faire des propositions sur l'indemnisation par le gouvernement des descendants des quelque 4 millions d'Africains amenés de force aux États-Unis entre 1619 et 1865, date de l'abolition de l'esclavage.