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1 mai 2025
International
par l'éditorialiste de seneplus, alymana bathily
L'URGENCE D'UN RENOUVEAU DE L’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Sait-on que les USA envisagent la partition de la RDC ? N'est-il pas opportun de s'allier pour un sursaut décisif à penser et construire le continent du 21e siècle ?
Alymana Bathily de SenePlus |
Publication 28/04/2021
En ces temps troubles et dangereux pour l’Afrique, il est certainement rassurant d’entendre l’appel de centaine d’hommes et de femmes, de différentes nationalités, à travers le continent : intellectuelles (ls), scientifiques, écrivaines (ns) et politistes, à repenser le destin de nos pays, face aux nombreux défis qu’ils affrontent.
Il faut saluer l’initiative du Collectif pour le Renouveau Africain (CORA) qui a organisé 6 tables rondes en ligne du 12 au 17 avril 2021 pour « replacer les intellectuels africains collectivement au centre des débats qui agitent le continent et le monde ».
Il s’agissait de réfléchir sur « le rôle et la responsabilité des intellectuels africains », la situation de « l'Afrique dans le (dés) ordre mondial », « l’actualité du panafricanisme », « le développement économique de l'Afrique à travers et au-delà du Covid-19 », « le rôle des langues africaines dans la transformation sociale » et/ou « le potentiel de la science, de la technologie et des savoirs endogènes ».
Difficile pourtant d’en dire sur ces sujets qui n’ait été déjà dit et bien dit !
D’autant que nous disposons en outre des travaux indépassables sur cette question et sur d’autres de Cheikh Anta Diop, notamment dans « Nations Nègres et Culture » et des contributions de Wole Soyinka et de ce que j’appellerais « l’école critique nigériane des années 1970 ».
Pour ce qui est de « la situation de l'Afrique dans le (dés) ordre mondial », les recherches de think tanks et de chercheurs africains ne manquent pas sur la question. Je pense notamment à la contribution de WATHI datée du 20 juillet 2020, signée Hippolyte Eric Djoungiep et intitulée : « Le monde post Covid-19 : quelle géopolitique ? »
Je signale également la tribune signée par M. Régis Hounkpé de Interglobe Conseils et M. Amadou Sadjo Barry intitulée : « L’Afrique doit rompre avec la dépendance », publiée le 23 juillet 2020.
Il y a aussi cet article du juriste-politologue sénégalais Ndiaga Loum, intitulé « Covid-19 et relations internationales : 6 leçons provisoires ».
Quant à « l’actualité du panafricanisme », qu’en dire d’autre que son urgence ?
C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le Professeur Théophile Obenga comme il le fait depuis toujours, en s’inscrivant dans la perspective qu’avait dessinée Kwame Nkrumah et Cheikh Anta Diop depuis bien longtemps.
Quant au « rôle des langues africaines dans la transformation sociale », qu’en dire encore, plus de 70 ans après l’article de Cheikh Anta Diop publié en 1948 et intitulé « Quand pourra-t-on parler d’une renaissance africaine ? » dans lequel il indiquait « la nécessité d’une culture fondée sur les langues nationales » ?
Que dire de la somme de recherches élaborées sur la question en Tanzanie qui a adopté le Kiswahili comme principale langue de formation dans les écoles primaires et secondaires aussitôt après l’indépendance du pays en 1964 ? Ou encore au Nigeria et au Kenya notamment.
Cependant la démarche du CORA est novatrice en ce qu‘elle s’organise autour d’un mouvement panafricaniste de réflexion « multidisciplinaire et transdisciplinaire » avec l’objectif de « repenser un État africain au service du bien-être de sa population, rompre avec un modèle de développement basé sur le cercle vicieux de l'endettement, rompre avec la vision orthodoxe de la croissance pour la croissance et du profit pour le profit ».
Ceci était énoncé déjà dans la lettre ouverte signée par 100 intellectuels africains publiée le 13 mars 2020, intitulée « Aux dirigeants du continent africain : face au Covid-19, il est temps d’agir », dont le retentissement considérable justifie la tenue des présentes tables rondes en ligne.
L’initiative du CORA prend aussi en compte l’urgence qui pointe, « notamment pour la jeunesse de notre continent ».
Urgence effectivement de faire face aux menaces que sont, outre le Covid-19, la persistance et le renforcement des tyrannies, la prolifération de l’intégrisme islamique armé allié au grand banditisme, qui par métastase s’est répandu du Nord à l’Est, puis à l’Ouest et au Centre et atteint désormais la partie australe du continent, qui risquent de provoquer la dérive irréversible de l’Afrique toute entière.
D’autant plus qu’il y a aussi les menaces géopolitiques posées par les grandes puissances plus que jamais déterminées à augmenter leur part d’Afrique, dont les richesses minières et agricoles ainsi que le marché intérieur qui représente déjà 1.2 milliard de travailleurs et de consommateurs sont plus que jamais des enjeux stratégiques en ce 21ème siècle.
L’objectif américain est d’assurer un approvisionnement régulier en coltan, cuivre, cobalt et autres minerais indispensables à leurs industries, notamment aux secteurs informatiques et de l’aérospatiale.
Quand on sait qu’en 2011, on n’a pas hésité à détruire la Libye et à assassiner son leader Mouammar Kadhafi et qu’on a procédé effectivement à la partition du Soudan, on ne peut que prendre au sérieux la menace.
Dès lors n’est-il pas opportun, pour les organisations politiques et les organisations des sociétés civiles africaines de répondre à l’appel du CORA, à s’allier en « vue d’apporter notre pierre à l’imposant édifice de la lutte de libération, à une rupture, un sursaut collectif décisif, à penser et construire l’Afrique du 21e siècle » ?
Ne doivent-elles pas engager une réflexion stratégique et se poser tout d’abord la question politique fondamentale : Que faire ?
Mettre en place à l’instar de CORA un Réseau Continental d’Action politique pour le Renouveau Africain ?
Un Manifeste pour le Renouveau Africain ?
Un Parti pour le Renouveau Africain à l’image du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) ?
Après tout, le texte fondateur du RDA n’a été conçu que par une dizaine d’intellectuels africains[2] !
[2] Félix Houphouet Boigny, Lamine Gueye, Jean Félix Tchikaya, Sourou Mighan Apithy, Fily Dabo Sissoko, Yacine Diallo et Gabriel d’Arboussier réunis le 22 juillet 1946, à Paris (Référence : Fréderic Grah Mel : Félix Houphouet Biographie. Ed du Cerap Maisonneuve et Larose. Tome 1, page 382.
C'EST DOMMAGE QU'ON NE PARLE DU TCHAD QUE SOUS LE PRISME DE LA SÉCURITÉ EXTÉRIEURE
La journaliste Marie-Roger Biloa analyse la situation en cours à N'Djaména et ses répercussions sur le Sahel
La journaliste Marie-Roger Biloa analyse la situation en cours à N'Djaména et ses répercussions sur le Sahel.
par Rama Yade
ON NE RÈGLERA PAS LE DÉFI CLIMATIQUE SANS L'AFRIQUE
La clé du changement pourrait bien se trouver du côté des nations africaines dont les solutions – ancestrales et innovantes – pourraient être une source d’inspiration pour le reste du monde
Jeune Afrique |
Rama Yade |
Publication 28/04/2021
Alors que le sommet pour le climat de Joe Biden vient de se clore, les pays riches doivent respecter leurs engagements financiers s’ils veulent agir pour le climat, sans laisser de côté l’Afrique, dont les traditions et les ressources pourraient inspirer le reste du monde.
Lorsque le président congolais Félix Tshisekedi s’est exprimé lors du sommet pour le climat de Joe Biden, il avait derrière lui la force d’un continent, en tant que président en exercice de l’Union africaine. Il a déclaré que les nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par les pays riches n’étaient pas suffisants. « Il est important que ce sommet accélère la mobilisation de ressources financières additionnelles et conséquentes », a déclaré Felix Tshisekedi, l’un des cinq chefs d’État africains à participer au sommet aux côtés du Gabonais Ali Bongo, du Kényan Uhuru Kenyatta, du Nigérian Muhammadu Buhari et du Sud-Africain Cyril Ramaphosa.
« Cela exige aussi de simplifier les procédures d’accès aux financements climatiques pour les pays les moins avancés dont la majorité se trouve en Afrique, a ajouté le président congolais. À cet égard, je voudrais rappeler l’importance de l’engagement des pays développés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 et à le rehausser à l’horizon 2025. »
En pointant les promesses trahies des pays riches, les pays africains ont mis en évidence l’enjeu de ce sommet, à savoir l’insuffisance des fonds de financement climatique. Le président américain Joe Biden s’est, certes, engagé à augmenter la contribution de son pays de 5,7 milliards de dollars par an d’ici à 2024.
Il est vrai qu’alors même qu’il est le plus faible contributeur au réchauffement climatique, le continent africain est celui qui en paie le prix le plus élevé, lui qui aurait à apprendre au monde sur la façon de faire face à la crise climatique. À condition toutefois que le monde veuille bien l’écouter…. Alors qu’elle abrite 15 % de la population mondiale, l’Afrique n’est responsable que de 4 % des émissions mondiales de carbone.
Sollicité par le président Macron pour préparer son échange avec la société civile africaine au sommet Afrique-France de Montpellier, Achille Mbembe explique
Le Point Afrique |
Malick Diawara |
Publication 28/04/2021
La dernière actualité est l'illustration parfaite que la relation entre la France et l'Afrique est véritablement en zone de turbulences. Au-delà de la défiance d'une certaine frange de l'opinion publique africaine dans des théâtres d'opérations où l'Hexagone est engagé, notamment dans le Sahel, il y a une forte incompréhension à voir la France soutenir par exemple le Conseil militaire de transition (CMT) tchadien à la suite de la mort d'Idriss Déby. Beaucoup estiment en effet que ce CMT a simplement fait un coup d'État puisqu'il a suspendu la Constitution et créé une situation d'exception qu'il a qualifiée lui-même de « transition ». L'explication de la nécessité de maintenir une certaine « stabilité » du Tchad pour mieux assurer la sécurité dans la région ne semble pas avoir fait l'unanimité chez nombre d'observateurs. Ceux-ci, ont vu là une nouvelle illustration de la connivence qu'ils dénoncent régulièrement entre certains pouvoirs africains, fussent-ils dictatoriaux, et la France. Au nom de la realpolitik liée à la situation dans le Sahel, la démocratie et la voix des populations sont sacrifiées, se disent beaucoup d'Africains qui poussent leur raisonnement jusqu'à émettre des doutes sur les objectifs de l'opération Barkhane.
Pourtant, au vu des dernières déclarations d'Emmanuel Macron, le soutien est surtout pour « une transition pacifique et inclusive ». Et ce n'est là qu'un exemple des points de vue divergents qui nourrissent soupçons, méfiance et crise de confiance entre la France et certains Africains. Dans un tel contexte, l'analyse du Camerounais Achille Mbembe ne peut être que la bienvenue, et ce d'autant que le philosophe, politologue, historien, professeur à l'université du Witwatersrand de Johannesburg sera aux premières loges de l'échange que le président Macron entend avoir avec la société civile africaine lors du prochain sommet Afrique-France de Montpellier. Entretien.
Le Point Afrique : Qu'est-ce qui peut expliquer que le président Emmanuel Macron fasse appel à vous pour préparer l'échange qu'il entend avoir avec la société civile lors du prochain sommet Afrique-France ?
Achille Mbembe : Pour accompagner ce processus, j'imagine que le président voulait quelqu'un de crédible. Ni complaisant, ni obséquieux, ni cynique. Quelqu'un qui serait capable de dresser des constats nouveaux parce qu'il en faut, mais aussi de passer de la critique à des propositions, car c'est de cela que nous avons le plus besoin en ce moment. Il ne faut pas oublier, par ailleurs, que je n'y vais pas tout seul. J'ai mis en place un collège composé de femmes et d'hommes honnêtes et impeccables, dont l'intégrité et l'indépendance intellectuelle ne souffrent d'aucun doute. Ensemble, nous sommes là pour témoigner d'une urgence. Changer les rapports entre l'Afrique et la France est une cause politique éminente pour les jeunes générations d'Africains. Mais c'est aussi dans l'intérêt de la France elle-même, faute de quoi sa présence en Afrique deviendra l'une des causes décisives de son affaiblissement sur la scène du monde.
Après sa rencontre avec les étudiants de l'université de Ouagadougou en novembre 2017, le président Macron va aller au-devant de la société civile africaine en cette année 2021. Qu'est-ce qui peut justifier cette urgence à échanger avec la société civile africaine maintenant ?
Nous sommes au bout d'un cycle historique qui aura duré près de 60 ans. Le pacte supposé régir les relations entre la France et ses anciennes colonies au lendemain des indépendances menace désormais la France elle-même d'affaiblissement et l'empêche d'affronter les nouveaux dangers ou de saisir les nouvelles opportunités à partir d'une position de force.
Par ailleurs, aussi bien ces nouveaux dangers que ce pacte conduisent droit au mur les pays africains qui y ont souscrit. Ils encouragent l'émergence et la cristallisation de pouvoirs foncièrement prédateurs responsables de la fragmentation sociale, de la destruction des capacités et de pratiques de cruauté incompatibles avec l'État de droit. D'un côté comme de l'autre, les choses ne peuvent plus continuer comme avant. Il est urgent que l'on change radicalement d'objectifs, d'approche, de grilles de lecture, de formes de présence et de méthodes d'action.
Qu'est-ce qui vous pousse à dresser ce constat ?
J'ai passé les deux derniers mois à écouter toutes sortes de gens. Des vieux, des jeunes, des experts et des non-experts, toutes professions confondues. Une chose revient sans cesse dans la bouche des uns et des autres. Le continent est en proie à une crise systémique. Celle-ci n'est pas la conséquence d'un grand accident. Elle est fomentée et entretenue par des systèmes politiques et économiques qui fonctionnent à la violence, à l'excès et à la brutalité. À la faveur du néolibéralisme, un nouveau cycle de la destruction a été engagé dès les années 1990. La destruction de l'environnement, l'extraction intensive des ressources naturelles, l'accaparement et le gaspillage de colossales richesses, une dette aussi fictive qu'insolvable en sont les manifestations. Tout cela entraîne des pertes continues en vies humaines, que l'on aurait pourtant pu éviter.
Ce n'est pas tout. Je suis surpris par le nombre de gens honnêtes et raisonnables qui accusent la France d'être complice de cette logique infernale. La majorité d'entre eux, ce sont des jeunes qui n'ont pas connu la colonisation. La plupart n'ont plus qu'une chose en tête, partir, quel que soit le prix à payer. Ils rêvent d'une vie autre, ailleurs, peu importe où, sauf chez eux. Ils disent que les terres, les forêts, les eaux, les ressources du sol, du sous-sol et celles qui sont enfouies dans les océans ont été gagées. Certains sont convaincus que ce sont leurs vies qui ont été gagées aux fins de paiement d'insolvables dettes fictives qui ne profiteront jamais à l'Afrique elle-même. Le procès fait contre la France ne l'est pas tant pour la colonisation que pour ce qu'elle continue de faire au lendemain de celle-ci. Évidemment, ce procès est le plus virulent dans les pays dits francophones où un véritable basculement culturel est en cours et où, grâce à l'activisme d'une lumpen-intelligentsia locale arc-boutée sur les réseaux sociaux, être par principe contre la France est en train de revêtir les traits d'un devoir moral.
Au Vietnam, en Afghanistan et dans le Sahel, la force expéditionnaire échoue face aux insurgés, parce que cette force qui vient en renfort ne trouve pas d’armée à la hauteur sur le terrain et est donc obligée de se substituer à elle pour faire la guerre
Vous voulez savoir l’avenir de l’opération Barkhane ou celui de la Minusma ? La réponse est simple. C’est le présent de l’opération «Liberté immuable», nom de l’intervention américaine en Afghanistan. L’opération «Liberté immuable» qui a été lancée en 2001 après les attentats du 11 septembre pour traquer Ben Laden et Al Qaeda prendra fin cette année avec le retrait des troupes américaines, après 20 ans de guerre.
La plus longue guerre des Etats-Unis se termine sur un bilan plus que mitigé, après des milliers de morts et des milliards de dollars engloutis. La seule victoire dont les Américains peuvent se prévaloir est la liquidation de Ben Laden et l’affaiblissement d’Al Qaeda, mais sur le terrain, les Talibans sont toujours aussi forts et vont sûrement reprendre le pouvoir dès le départ des Américains.
On en reviendrait ainsi à la situation d’avant l’intervention. Dans cette guerre, face à l’armada américaine, les Talibans ont eu un allié de taille : le temps, car ils ont vite compris que la force expéditionnaire ne resterait pas éternellement et qu’une victoire militaire est impossible. C’était presque le même schéma et le même épilogue au Vietnam. Aujourd’hui, toute chose étant égale par ailleurs, nous avons le même schéma au Mali. Le Chef d’état-major de l’Armée française a déjà dit dans une interview au Monde qu’une victoire militaire était impossible au Mali et force est de constater que les jihadistes au Sahel, comme les Talibans, ont le temps comme plus grand allié, car à Bamako on n’a pas encore compris que le «temps ne chôme pas», comme dit Saint Augustin.
Au Vietnam, en Afghanistan et dans le Sahel, la force expéditionnaire échoue face aux insurgés, parce que cette force qui vient en renfort ne trouve pas d’Armée à la hauteur sur le terrain et est donc obligée de se substituer à elle pour faire la guerre. C’est pourquoi au Vietnam, dès qu’on a vietnamisé le conflit avec le retrait américain, le sud est rapidement tombé. En Afghanistan, dès que les Américains partiront, les Talibans marcheront sur Kaboul pour ouvrir un nouveau cycle de guerres interminables qui ont toujours déchiré le pays, dont l’implication des Etats-Unis n’aura été qu’un épisode.
Comme au Vietnam, les Américains dans leur optimisme instinctif ont été naïfs en croyant apporter liberté et démocratie dans ce pays où les archaïsmes se sont sédimentés depuis des siècles. Au Mali aussi, la force expéditionnaire a été souvent obligée de se substituer à l’Armée pour faire la guerre aux jihadistes, avec Bamako qui fait le jeu de yoyo entre instabilité démocratique et transitions militaires.
Les interventions américaines au Vietnam et en Afghanistan, et celle française au Mali, ont un dénominateur commun qui est aussi un grand enseignement. Les forces expéditionnaires passent rapidement de «libérateurs» à «force d’occupation» aux yeux de la même opinion. Au Mali, on est rapidement passé à la célébration nationale du martyr de Damien Boiteux (le nom de son bébé au premier mort français de l’intervention au Mali), aux manifestations anti françaises. Plus que les forces ou les acteurs autochtones, le temps est l’adversaire le plus redoutable des forces expéditionnaires, en plus de l’évolution de la situation politique des pays qui envoient des soldats, comme on le voit au Tchad ou aux Etats-Unis, avec des alternances qui entraînent des changements de politiques.
Donc se préparer à la confrontation avec les jihadistes, c’est surtout se préparer à une guerre de longue durée, dont la première bataille est surtout psychologique et dissuasive. Nous y sommes déjà. Une bataille de l’ombre. Une guerre du renseignement d’une part, et d’autre part faire étalage de puissance par les manœuvres ou médiatiser sa force de frappe pour montrer que le pays est prêt à faire face. Nous sommes en plein dans cette «drôle de guerre» avec les jihadistes, tout en profitant du sursis stratégique que nous offre la présence de la force expéditionnaire pour être prêts à toutes les hypothèses
par Koulsy Lamko
LA FRANCE CONFIRME LE TCHAD DANS SON STATUT DE CAMP MILITAIRE DE L’HEXAGONE
EXCLUSIF SENEPLUS - La légion nègre est indispensable pour l'armée française afin de crédibiliser le théâtre qui se joue dans cette région où le statut quo préfigure peu ou prou la réorganisation des territoires coloniaux
Triste tableau que celui d’Emmanuel Macron assis au beau milieu de sa Légion d’honneur nègre, la nouvelle Colonne du Tchad constituée de généraux d’opérette et autres galonnés, en apparat de circonstance autour de la dépouille encore chaude d’Idris Deby. Et le président français de reconnaître sans ambages, la transition militaire imposée par un Conseil National de Transition auquel il apporte son soutien indéfectible prenant de court la classe politique tchadienne, les forces rebelles auxquelles l’on attribue, semble-t-il à tort, l’assassinat de Deby, les instances régionales africaines dont fait partie le Tchad, l’Union Africaine. Lamentable image d’Épinal, cependant révélatrice de ce qu’il est convenu de désigner sous le vocable d’exceptionnalité du Tchaddans le dispositif sécuritaire et qui cristallise en un instantané, la vérité de l’histoire. Car pour peu que l’on observe les stratégies politiques que la Métropoli déploie depuis presque un siècle sur ce territoire dont la vastitude n’a d’égale que la profondeur de la désolation des peuples qui y vivent, le Tchad est un immense camp militaire français consacré.. Secret de polichinelle ? Oui ! Depuis presque un siècle, ce pays remplit à merveille les fonctions de réservoir de légionnaires nègres, recrutés et formés pour assouvir les desseins impérialistes de la France. Déjà en 1941, c’est de ce territoire que sont parties les premières colonnes de la résistance française pendant la seconde guerre mondiale sous le commandement du Colonel Leclerc, pour marquer la première victoire signifiante avec la prise de Koufra dans le Sud-est libyen. Le Régiment de Marche du Tchad était constitué, entre autres, de braves jeunes gens arrachés à leurs familles et à leurs champs et embarqués dans une guerre qui n’était pas la leur. Les recrues étaient pour la majorité, issues des zones centrales et méridionales du territoire. L’infanterie coloniale après des victoires mémorables au Fezzan se retrouvera associée à la Deuxième Division blindée et c’est ce Régiment de Marche du Tchad qui le premier livrera la bataille de Normandie avant d’entrer dans Paris qu’il libérera. Il en sera bien sûr payé en monnaie de singe. Ces jeunes gens ont été traînés par la suite sur tous les champs de répression des luttes de libération des peuples soumis aux conquêtes coloniales de la France, en Indochine, en Algérie, à Madagascar, au Cameroun où ils ont participé activement aux massacres des partisans de l’UPC… Depuis plus de quarante années maintenant, ce sont les régions septentrionales qui fournissent la chair à canon à leur tour… majoritairement. Au gré des mouvements de migration, de transhumance et d’alliances de groupes de rebelles, qui passent d’une faction à l’autre, des multitudes de groupes politico-militaires tous issus de la même famille générique du FROLINAT. Inépuisable vivier de desperados dont le seul apprentissage de la vie se résume au métier des armes. Et la rhétorique martiale d’encenser et de célébrer la bellicosité romantique des irréductibles guerriers du désert, invincibles spécialistes de rezzous ! Et les prouesses des chefs guerriers montées aux nues ! L’arbre qui cache la forêt : une jeunesse sacrifiée, mercénarisée à souhait qui joue au proxy et écume les champs de bataille du Sahel, au Mali, au Nigeria, au Niger, en Centrafrique, au Cameroun… et parfois jusqu’au Congo ! Une continuité historique sans conteste.
Que cherche la France au Tchad ? Tous les analystes de l’histoire de cet immense camp militaire français placé sous le regard permanent du ministère français de la Défense et de la DGSE, vous répondront que jamais il n’y eut de gouvernement au Tchad qui n’ait bénéficié pour s’installer, se perpétrer au pouvoir, ou en être éjecté, d’un coup de main de l’armée française ou celle des mercenaires français, services secrets ou de manipulateurs de constitution ou d’élection… Les noms sont connus. Évidemment, à ce jeu tout aussi bien notoire, jus d’orange pressé, peau d’orange jetée. L’installé adoubé et célébré à son arrivée est dégommé dès qu’il commence à tousser hors du masque et refuse d’obéir. Idriss Deby lui-même l’a encore redit quelques jours avant de succomber à l’ultime trahison. Et dans le sillage de ces mouvements de pièce de recharge ou de jeux de chaise, ce sont non seulement de centaines de jeunes qui crèvent, mais également un arrière-pays figé, pris en otage, statufié dans une misère moyenâgeuse. Et l’on agite le spectre de l’instabilité, l’épouvantail du chaos que l’on provoque soi-même ! Et dans la balance s’accumulent tous les arguments du chantage !
Que veut la France au Tchad ?
Le bon sens impose tout de même quelques questions pêle-mêle, devant tant de paradoxes. En effet pourquoi l’armée française a-t-elle stationné ses bases militaires dans les capitales d’une bonne partie de ses néo colonies ? On me répondra comme un leitmotiv : les accords de défense et monétaires qui cèdent à la France le monopole énergétique et celui de l’exploitation des ressources minières. Mais ces accords ont-ils été signés pour une vigueur et une validité ad vitam aeternam ? D’autre part, pourquoi donc l’armée tchadienne dont on dit qu’elle est extraordinairement performante, bien équipée au point d’assurer la défense des autres pays, n’est-elle pas capable de veiller à l’intégrité de son propre territoire ? Qui donc arme-t-il les djihadistes ? Qui donc a-t-il armé Boko Haram ? Le Nigeria, première puissance économique de l’Afrique et avec une population de 220 millions d’habitants (quinze fois celle du Tchad, avant-dernier pays dans le classement de l’indice de développement humain) aurait-il le bras trop court pour se délivrer d’une bande d’illuminés sanguinaires ? Qui donc l’en empêcherait-il ? Ont-ils tort ceux qui, constatant l’époustouflante qualité des armes et des costumes d’apparat de l’armée tchadienne, affirment que l’argent du pétrole est englouti par le négoce juteux de l’industrie d’armement française, belge, européenne ? Et Glencore dans tout ça ? A-t-on nécessairement besoin d’un intermédiaire qui par la ruse et l’instinct de prédation s’arroge une bonne partie des dividendes des ressources pétrolières ?
À la vérité, l’armée française invitée pour lutter contre les djihadistes au Sahel, si tel est son objectif en s’y éternisant, n’a pas besoin de militaires tchadiens pour mettre fin à la prétendue expansion terroriste. Nul secret pour personne que les forces d’intervention militaires, qu’elles soient celles de l’ONU ou celle des armées qui viennent à la rescousse des pays dont elles ont aidé à provoquer l’éclatement, n’interviennent que pour des intérêts économiques et/ou géostratégiques. Pyromanes et pompiers à la fois ! Que l’on ne prenne pas les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages ! Les djihadistes, la France les a armés par l’effet domino de la destruction de la Libye qu’elle a orchestré. La dissémination de l’arsenal de Kadhafi était prévisible et même annoncée si l’on se réfère aux analyses des think tanks tels que Crisis Group qui prévoyaient la déflagration de la Jamahiriya. (Ces mêmes analystes annonçaient déjà en janvier 2021, les fissures dans l’armée de Deby.) Les djihadistes, la France connaît très bien leur agenda. À preuve, le « Patron de la DGSE » qui semblait, il y a quelques mois, divulguer l’ordre du jour d’une réunion secrète de leurs chefs, réunion qui prévoyait leur avancée jusqu’au golfe de Guinée ! A priori, avec toute l’armada technologique de surveillance territoriale, la force de frappe aérienne, nourrie d’avions de chasse et de drones qui pullulent, l’armée française n’aurait pas vraiment besoin de ses légionnaires nègres tchadiens pour déloger et anéantir les forces du présupposé terrorisme. Cependant, la légion nègre est plutôt indispensable pour crédibiliser le théâtre d’ombres qui se joue dans cette région où le maintien du statu quo, avec les complicités tantôt balisées par les accords brinquebalants, préfigure peu ou prou la réorganisation des territoires coloniaux. Ce serait un euphémisme que d’évoquer juste la mise en branle d’accords bilatéraux de défense. Il s’agit d’occupation militaire programmée à partir d’analyses prospectives pour sécuriser les terres riches du continent. L’aliénation culturelle ne suffit plus pour contenir le pré carré des néo colonies dans le statut de la confortable vassalité francophone… non plus pour s’assurer le monopole des ressources ad vitam aeternam. Devant l’appétit vorace de la Chine dont on n’attendait pas de sitôt qu’elle devienne la première puissance économique du monde, devant la Russie pugnace que l’on croyait difficilement renaître de ses centres après le démantèlement de l’URSS, devant la Turquie qui se prend à jouer dans la cour des grands et enfin les USA qui révisent leur position d’antan relative au plan Marshall, il s’agit d’occupation militaire, de reconquête et redécoupage des territoires : le continuum de la Conférence de Berlin… Les multiples bases militaires françaises dans les capitales françafricaines sont soudain devenues trop étroites, sans doute. Pour les puissances, la stratégie du chaos est peut-être l’étape transitoire nécessaire à la reconfiguration.
Apprendre à sortir du cercle vicieux
Quant au peuple tchadien dont la porosité, sinon l’impuissance de l’État-nation est démontrée, assumée, tant les guerres civiles sempiternelles certifient à l’encan que les histoires de familles ne se sont pas encore faites… c’est aujourd’hui ou jamais l’heure de vérité. Ne nous voilons pas le visage : les communautés géographiques, ethniques ou confessionnelles, du fait d’une histoire violente faussement contée et manipulée dans tous les sens, se regarderaient-elles en chien de faïence, promptes à la moindre manipulation pour verser dans le chaos prédit ? Le malaise est là, qu’il faudra nommer, insidieux, profond, traînant dans les mots que l’on se jette au visage, les cœurs meurtris, les consciences, les attitudes, les actes. Mais, c’est sans doute aussi le moment de déjouer le jeu politicien du diviser pour régner en allant vers des retrouvailles d’Africains, de véritables kemit conscients des valeurs de solidarité, de fraternité, de dignité et de liberté. La nation n’est pas encore née, les manguiers et les dattiers sont en fleurs ; il s’agira de l’inventer.
Ou l’on devra remettre tout à plat et que la vérité soit dite… Même pour ce qui est d’interroger froidement la pertinence ou non de l’État néocolonial jacobin centralisé dont les pratiques autoritaristes hégémoniques sont constitutives, consubstantielles… Même, pour scruter plus attentivement ce poncif de « démocratie » que l’on agite à tout vent d’harmattan. Revenir aux fondamentaux ! L’eurocentrisme qui rattache la naissance de la démocratie à Athènes cache assez souvent que c’était une société esclavagiste où très peu d’hommes dits « libres » avaient le loisir de prendre la parole dans l’agora. La « prétendue démocratie » que nous impose l’Europe n’est qu’un détournement subtil qu’opère un certain type d’oligarchie qui s’érige entre le roi et le peuple avec la prétention de représenter le peuple électeur et dont il s’arroge les droits… C’est déjà dit, le système de démocratie libérale qui se targue d’équilibre entre les trois pieds du pouvoir en prétendant établir une séparation entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire, n’est qu’un leurre. Au-dessus de tout, aujourd’hui, trône le roi Finance. L’un des pouvoirs fabrique les lois à son bénéfice, le second les exécute, le troisième contrôle la machine pour que les lois soient bien mises en œuvre : une complémentarité complice… qui dure le temps qu’elle ne nuise aux intérêts du pouvoir dominant… à moins que l’on sorte du système… d’où les révolutions. Peut-être faudra-t-il alors creuser, fouiller, bêcher pour confectionner un système d’organisation politique qui permette aux collectivités, toute la force et la liberté de leur expression, de leur décision et la mise en œuvre de leurs projets de vie sans se vautrer une fois de plus dans l’imitation servile et la reproduction de l’État colonial dont on expérimente actuellement les limites ?
Ou l’on se complaira, hélas, dans l’arrogance, la peur et le mutisme complice qui ont permis que s’établisse pendant des décennies une oligarchie clanique adoubée soutenue et construite par des courtisans impénitents, et qui a jeté dans un violent dénuement les peuples dans leur ensemble qu’ils soient du sud, du nord, de l’est, de l’ouest ou du centre. La survie de tous en dépend. Il faudra en avoir du cran puisqu’il s’agira de couvrir dans un dépassement inédit, transcendant, les cris d’orfraie des moult repris de justice qui brandissent leurs crimes comme de fait d’armes les légitimant, ceux-là qui ont mis à sac les entreprises et trésors publics, pour se bâtir fortune, se tisser des réseaux de clientèles d’obligés, d’influence tous azimuts et qui sont tantôt conseillers ou fous du roi selon les dérapages des prestations minables, égotiques et frileuses qu’on leur entend dès lors que l’on s’approche trop de leurs prébendes.
Les Tchadiens ont-ils envie de vivre ensemble, ce sera à eux de devoir se retrouver pour en manifester le désir et en prendre l’engagement par des institutions qu’ils devront inventer conformément à leur vision et leurs nécessités diverses. Et ce ne sera pas drôle que cela se fasse avec la gâchette d’un bidasse galonné sur la tempe, sous le fallacieux prétexte d’une instabilité contre laquelle se prémunir. Ce n’est pas non plus à la France de le leur imposer. Il y en a qui ont pris les armes, mus par le désir de justice et d’équité, qu’ils les déposent et que l’on ne reproduise pas le vice du cercle itératif… comme si le colonisateur ne nous avait laissé de liberté que celle du vice. Et ce n’est pas nourrir un sentiment anti peuple français que d’exiger que chaque peuple, chaque pays ait le choix d’organiser son territoire comme il le souhaite et, qu’enfin cesse l’occupation militaire permanente gage d’exploitation de ressources des néo colonies et par ricochet, celui de la paupérisation extrême des peuples.
Une chose est sûre et certaine, au risque de se répéter et de l’ânonner, les ruptures avec la Françafrique, c’est aux peuples africains d’en prendre l’initiative ; coûte que cela coûte.
Koulsy Lamko est écrivain-Dramaturge et Enseignant, directeur de Hankili So África.
par Hamidou Anne
LE TCHAD, LABORATOIRE DES IMPASSES AFRICAINES
Le pays a connu ses dictateurs sanguinaires, ses enjeux frontaliers. Dans ce drame à ciel ouvert, qui n’offre en soixante ans aucun répit à des citoyens qui souffrent de pauvreté, risque de se rajouter la dynastie Déby Itno
Idriss Déby Itno est mort comme il a vécu : en faisant la guerre. Courageux soldat dans un pays rongé par la guerre civile depuis l’indépendance, Déby avait peu réussi en matière de prospérité économique et de renforcement démocratique. C’est à l’aube d’un sixième mandat obtenu après un simulacre d’élection qu’il a «donné son dernier souffle», selon les mots du général Azem Bermandoa Agouna, porte-parole de l’Armée tchadienne. Le défunt maréchal laisse un pays exsangue, en proie à des défis politiques, économiques et sécuritaires colossaux. Le Tchad est un condensé des impasses africaines, soixante ans après la vague des indépendances. Le pays a connu ses dictateurs sanguinaires, ses rebellions soutenues par des puissances étrangères, ses enjeux frontaliers, ses alliances et mésalliances qui reconfigurent un champ politique marqué par une violence constante dont les dernières manifestations ont eu raison du soldat Déby.
Dans ce drame à ciel ouvert, qui n’offre en soixante ans aucun répit à des citoyens qui souffrent de pauvreté et d’insécurité, risque de se rajouter la dynastie Déby Itno. En effet, la mort de Idriss Déby semble ne pas coïncider avec la fin de la souffrance des Tchadiens qui voient, deux jours après sa disparition, un coup d’Etat s’opérer pour installer le fils Mahamat Idriss Déby. Rien de surprenant, à vrai dire. Sauf que le putsch est avalisé par le principal opposant de Déby père.
Le putsch survenu sur les cendres de Déby est curieux et insupportable. Curieux, car autant l’Union africaine, les puissances régionales que la France, amie et alliée historique du Tchad, ne semblent s’émouvoir d’une rupture de l’ordre constitutionnel. Un hommage est rendu à Idriss Déby, et pour le reste, personne ne semble avoir vu les manœuvres inconstitutionnelles qui ont prévalu pour imposer Mahamat Déby.
Ce putsch est insupportable, car il bénéficie de l’aval d’une partie de l’opposition qui, il y a encore quelques semaines, critiquait de façon véhémente le pouvoir de Déby. En juin 2017, j’écrivais pour le journal Le Monde sur les oppositions africaines. Je dénonçais leur médiocrité, leur inconstance, leur inconsistance et leur vénalité. De rares projets alternatifs sérieux émergent des partis d’opposition africains qui n’usent que de la rhétorique guerrière et de la ruse pour appliquer le vieux principe du «ôte-toi que je m’y mette».
Actuellement, au Tchad, Albert Pahimi Padacké, ancien Premier ministre de Idriss Déby, passé depuis dans l’opposition, a été nommé chef du gouvernement de transition par le leader de la junte, Mahamat Déby.
L’homme s’était opposé au boycott d’une partie des opposants pour participer à la dernière Présidentielle et, disait-il, «battre Déby». Le 6 avril dernier, dans une interview à Jeune Afrique, il qualifiait le pouvoir de Déby d’«autoritarisme» et de «dictature». Moins d’un mois plus tard, il est Premier ministre d’un gouvernement putschiste dirigé par le fils et imposé aux Tchadiens par les généraux du pays, la Garde prétorienne du régime, l’Ua, les pays du G5 Sahel et la France, au nom de la sécurité et de la stabilité de la région. Comme si les Peuples n’avaient aucun droit ; le plus élémentaire soit-il en matière de respect des principes démocratiques, même de façade. M. Padacké, réagissant sur Radio France internationale, justifie son choix par la nécessité d’une «union sacrée» pour relever les défis communs relatifs à la «paix et la stabilité».
Cela m’a rappelé – avec certes moins de tragédie – le prétexte du Covid-19 au Sénégal pour le retour du parti Rewmi au sein de la majorité, moins de deux ans après la Présidentielle.
Les hommes et femmes politiques savent renier leurs engagements d’hier pour s’ajuster et ajuster leur doctrine dans le sens des intérêts du moment.
Loin de moi l’idée d’un rejet complet de changement de dynamique qui épouse une configuration politique nouvelle, mais la politique exige une certaine décence, une rigueur et un minimum de cohérence. Prétexter dans un système présidentialiste avoir un apport majeur en matière d’orientation politique relève soit d’une naïveté soit d’une cynique entreprise de manipulation.
C’est dans les manœuvres malsaines que se meurt la politique comme action au service des opprimés et des faibles, et comme volonté de servir l’intérêt général. Et ainsi, les citoyens se détournent de la politique qu’ils jugent comme activité de manipulation et de dissimulation d’une partie de l’élite. Difficile de les contredire.
DES DIZAINES DE SOLDATS TUÉS PAR DES JIHADISTES DANS LE NORD-EST
Des jihadistes liés à l'organisation État islamique ont tendu une embuscade et tué au moins 31 militaires, dimanche 25 avril, sur une route du nord-est du Nigeria
Au moins 31 militaires en convoi ont été tués dimanche dans une embuscade par des jihadistes sur une route du nord-est du Nigeria.
Des jihadistes liés à l'organisation État islamique ont tendu une embuscade et tué au moins 31 militaires, dimanche 25 avril, sur une route du nord-est du Nigeria, a-t-on appris lundi matin de deux responsables de l'armée. "Dans l'embuscade des terroristes, nous avons perdu 31 soldats, dont leur commandant, qui était un lieutenant-colonel", a déclaré un officier militaire sous couvert de l'anonymat.
Une vingtaine de véhicules de combattants du groupe État islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap) ont attaqué dimanche vers midi (11 h GMT) un convoi militaire dans la localité de Mainok, située dans la périphérie de Maiduguri, la capitale de l'État du Borno, épicentre de l'insurrection jihadiste dans le nord-est qui dure depuis plus de dix ans.
Pluie de roquettes
Le convoi acheminait des armes vers Maiduguri lorsqu'il a été attaqué, a déclaré une deuxième source militaire qui a donné un bilan similaire. "Les terroristes sont arrivés dans plusieurs camions, dont quatre véhicules blindés et ont engagé le convoi dans une bataille féroce", a déclaré le second officier.
Les jihadistes ont fait "pleuvoir" des roquettes sur le convoi et ont submergé les soldats, entraînant des "pertes colossales" de soldats, a-t-il affirmé : "Nous avons perdu beaucoup d'hommes de manière horrible."
Les jihadistes ont saisi des armes et deux blindés lors de l'attaque avant d'envahir une base militaire située à l'extérieur de Mainok, ont précisé les deux sources. Ils l'ont partiellement brûlée ainsi que plusieurs véhicules militaires.
Par le passé, Mainok a été plusieurs fois prise pour cible par les jihadistes, qui avaient notamment déjà envahi sa base militaire.
L'Iswap installe fréquemment de faux postes de contrôle le long de la route reliant Maiduguri à Damaturu, dans l'État voisin de Yobe, sur laquelle se trouve Mainok, tuant et enlevant des voyageurs.
Depuis le début de la rébellion du groupe islamiste radical Boko Haram en 2009 dans le nord-est du Nigeria, le conflit a fait près de 36 000 morts et deux millions de déplacés. En 2016, le groupe s'est scindé, avec d'un côté la faction historique et de l'autre l'Iswap, reconnu par l'organisation État islamique.
Une autre ville attaquée
Dans l'État voisin de Yobe, environ 2 000 personnes ont fui ce week-end la ville de Geidam, attaquée vendredi soir par d'autres combattants de l'Iswap.
Dans les combats qui ont opposé l'armée à ces jihadistes vendredi, au moins 11 civils ont été tués, ont affirmé à l'AFP des habitants.
Les habitants ont commencé à fuir après l'assassinat, selon eux, de deux chrétiens et de deux professeurs musulmans. "Tout le monde est en train de fuir car les insurgés ont commencé à tuer ceux qui sont chrétiens et ceux qui ont une éducation occidentale", a affirmé à l'AFP Babagana Kyari. "Ils sont arrivés chez eux et les ont égorgés", a également affirmé à l'AFP un autre habitant, Ari Sanda.
Dans un communiqué publié samedi, l'armée avait affirmé avoir repoussé les jihadistes de Geidam, mais les habitants et des responsables locaux affirment qu'ils sont toujours sur place lundi.
LA PATRIE D'UN CHERCHEUR, C'EST L'ESPRIT ET PAS LA NATION
À l’Université de Duke (Etats-Unis), où il est professeur depuis juillet dernier, Felwine Sarr développe une approche transdisciplinaire qui nourrit ses recherches mais aussi les prochains Ateliers de la pensée de Dakar, prévus en mars 2022
À l’Université de Duke (Etats-Unis), où il est professeur depuis juillet dernier, Felwine Sarr développe une approche transdisciplinaire qui nourrit ses recherches mais aussi les prochains Ateliers de la pensée de Dakar, prévus en mars 2022. Dans l’intervalle, après son récent recueil La saveur des derniers mètres, place au théâtre à Avignon, puis Bruxelles…
Il y a eu un débat assez vif sur le fait que le professeur Sarr quitte l’Afrique, surtout après avoir écrit un livre comme Afrotopia. « Ça faisait 14 ans que j’enseignais à l’Université Gaston-Berger au Sénégal, 20 doctorants ont soutenu leur thèse avec moi. On a créé une Fac des civilisations des arts et de la culture. À un moment donné, j’avais envie de continuer à apprendre, d’élargir ma géographie intellectuelle et mentale, de sortir de mon champ disciplinaire et d’aller ailleurs », explique Felwine Sarr.
Garder l’esprit en mouvement
« C’est important pour un chercheur de continuer à grandir. Et puis, la patrie d’un chercheur, c’est l’esprit et pas la nation. Ce qui est fondamental, c’est de continuer à contribuer aux humanités africaines et d’aller dans des lieux où je reprends le chantier épistémologique. Si non, tu es comme assigné à résidence : tu parles toujours des mêmes thèmes, on te pose toujours les mêmes questions. On te demande toujours de faire des conférences et des lectures sur l’économie et les œuvres d’art. À un moment donné, il faut aller dans d’autres lieux. Le voyage est intéressant pour cela : il t’ouvre des imaginaires, il te permet de te confronter à d’autres manières de faire, il te donne de la distance critique. Car tu regardes le lieu dont tu viens d’une façon différente. Pour voir, l’œil a besoin de se détacher. C’est important pour se renouveler et ne pas se scléroser, pour rester dans le mouvement de l’esprit. »
Felwine Sarr voulait regarder sa réalité sous un autre angle.
« L’université de Duke m’avait écrit il y a deux trois ans en me disant qu’ils allaient ouvrir une nouvelle chaire dans les Humanités et qu’ils cherchaient un profil pluridisciplinaire. À l’époque, j’étais à Cassis (en résidence d’écriture et de recherche, NdlR), je réfléchissais déjà à cette question. J’avais envie de sortir de la boîte étroite de l’économie et je cherchais un département interdisciplinaire. La proposition est arrivée à point nommé. J’ai déposé ma candidature, on était une cinquantaine à postuler, la sélection s’est faite en plusieurs étapes et j’ai été retenu. Surtout, ils m’offraient des conditions extraordinaires : je peux créer des recherches nouvelles, employer des doctorants et des post-doc. J’ai le loisir d’inventer des cours, d’ouvrir mon cours à des personnes venant de divers départements (African studies, history, etc.) et d’explorer des champs nouveaux. »
Le voyage de Macron au Tchad confirme bien que la brutalité française des années 50-60 est toujours à l’ordre du jour. La démocratie dans le pré-carrée va devoir attendre et le modèle Macronien des successions qui vont s’enchainer est désormais clair
Depuis que Emmanuel Macron a clairement apporté son soutien à la succession filiale par coup d’Etat au Tchad, les panafricanistes sont désormais convaincus que les luttes de libération nationales des peuples Africains des années 50 et 60 sont encore à l’ordre du jour en 2021. Si dans les années 50 et 60 les armes faisaient parties intégrantes du projet de liberation, nous constatons qu’en 2021 l’option de la lutte armée qu’a défendu Nelson Mandela jusqu’au bout a été complètement abandonnée par les intellectuels africains et la majorité des oppositions Africaines. Peut-on le leur reprocher ? Les nouvelles valeurs chrétiennes et musulmanes des africains leur interdisent désormais d’envisager cette option brutale. Pourtant pour le colonisateur de l’époque l’option militaire reste une option, et c’est d’ailleurs pourquoi l’Ex-president Tchadien était “l’ami”.
Aujourd’hui le marxisme a disparu comme théorie de lutte de libération du continent, comment on lutte alors? Contre l’ennemi de l’intérieur qui est la dictature “militarisée” africaine et le donneur d’ordre qu’est la France? Certains pensent comme le journaliste camerounais Venant Mboua que la lutte doit se faire contre l’ennemi de l’intérieur. D’autres comme l’activiste Kemi Seba pensent que c’est contre le commanditaire de la dictature et de l’exploitation qu’il faudrait lutter. Quelque soit ce qu’on pense, les appels à la lutte se font de plus en plus entendre et les récentes protestations des jeunes Sénégalais visant à la fois Macky Sall et la France démontrent bien ce qui se joue en ce moment. Sauf que les luttes démocratiques sur le continent s’essouflent à cause de leur inefficacité et l’option de la lutte armée commence à séduire comme c’est le cas au Cameroun avec les Ambaboys anglophones dont les revendications ont été ignorées depuis des décennies.
Pour beaucoup d’observateurs le voyage de Macron au Tchad est une forme de déclaration de guerre qui confirme bien que la brutalité française des années 50-60 est toujours à l’ordre du jour. La démocratie dans le pré-carrée va devoir attendre et le modele Macronien des successions qui vont s’enchainer est désormais clair. La question qui se pose est que depuis cet affront les appels à poursuivre la lutte contre la France vont-ils encore se contenter d’être de l’ordre de la démocratie avec des élections bridées ou de l’ordre de la parole savante des intellectuels invités dans les plus grandes universités du monde? J’en doute fort. La lutte va indéniablement prendre une nouvelle tournure, laquelle je ne saurais prédire mais il y a déjà beaucoup de haine dans l’air.
Voila pourquoi je propose une solution de la dernière chance. La lutte afin de rester démocratique doit sortir les préoccupations des peuples Africains du cadre privé de la France-Afrique et que ces questions se rediscutent désormais dans un cadre politique avec les peuples Francais… le cadre démocratique Africain a perdu tout crédit et ne saurait plus être le lieu. Le cadre politique et démocratique Francais et Européen devrait etre l'espace de la lutte. Un parti politique Africain doit donc naitre en France. Une espèce d’ internationale Africaine qui fera de la question Africaine une question planétaire.