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1 mai 2025
International
par Abdoulaye Bathily
JOB BEN SALOMON, MARABOUT NÉGRIER ET ESCLAVE AFFRANCHI (4/6)
EXCLUSIF SENEPLUS - En plus des esclaves et de la gomme, l'or occupait une place de choix dans les rivalités des puissances maritimes en Sénégambie. Les missions confiées à Yuba Jallo entraient aussi dans le cadre des convoitises anglaises pour l'or
On comprend dès lors l'acharnement des Anglais à vouloir contrôler les sources de la gomme. Or l'hégémonie française en Sénégambie mettait en péril leurs efforts. Grâce à ses comptoirs d'Arguin, de Portendicke et aux escales du fleuve Sénégal, zone exclusive de traite de la gomme, la Compagnie du Sénégal été devenue le principal fournisseur de gomme en Europe. Elle détenait un monopole de fait sur la distribution de ce produit. Vers 1720, la bourgeoisie française, effrayée par les progrès du grand commerce maritime et des manufactures anglaises, lançait une vaste opération de sabotage de l'économie anglaise. Les négociants de Rouen, Bordeaux, Nantes et la Rochelle qui formaient le groupe le plus actif dans le commerce colonial qui avait fait la fortune de leurs villes, imposèrent un embargo sur les fournitures de gomme à l'Angleterre et à la Hollande. En 1718 la Compagnie du Sénégal, avec l'appui du gouvernement royal, fit racheter par ses agents tous les stocks de gomme existant en Europe. Elle les bloqua ensuite pour provoquer artificiellement une pénurie de ce produit devenu indispensable. L'accaparement des stocks par la compagnie du Sénégal permit à cette dernière de rehausser considérablement le prix de la gomme. Jusque vers 1760 les manufactures anglaises souffrirent d'une crise provoquée par les « disettes de gomme » du Sénégal.
Les importations de la Royal Africain Company baissaient graduellement. Cette baisse provoqua même l'effondrement de la compagnie anglaise en 1755.
Les Anglais réagirent très vivement contre l'embargo français. D'une part la Royal Africain Company encourageait dès les années 1730 des tribus Maures à exploiter les forêts d'acacia qui se trouvaient entre le Bundu et le royaume du Jolof dans la zone semi-désertique du Ferlo. La compagnie anglaise espérait ainsi contrôler le nouveau débouché, d'autant que cette zone était plus facile d'accès à partir des comptoirs de la Gambie que ceux du Sénégal. C'est là une autre raison qui explique l'intérêt des Anglais pour les entreprises de Yuba Jallo. Mais la gomme du Ferlo était de qualité médiocre et, de plus, la production de cette zone était largement en dessous des besoins anglais. Les manufacturiers anglais multipliaient leur pression sur la chambre des communes pour qu'elle prît toutes mesures utiles pour préserver les fournitures normales des gommes du Sénégal. Après le traité de Paris, en 1763, qui mettait fin à la guerre coloniale dite de Sept ans (1756-1763), les manufacturiers anglais obtinrent satisfaction avec la cession du Sénégal à Angleterre.26
En plus des esclaves et de la gomme, l'or occupait une place de choix dans les rivalités des puissances maritimes en Sénégambie. Depuis l'antiquité classique jusqu'à la « découverte » de l'Amérique, l'or du Soudan (Afrique au Sud du Sahara) a joué un rôle majeur dans l'histoire monétaire des civilisations du bassin méditerranéen. Il a contribué de façon décisive à la prospérité de ces civilisations.27 C'est le contrôle des sources du métal jaune qui fut l'un des principaux objectifs des « Grandes découvertes » et qui amena les européens à s'établir sur les côtes d'Afrique.
La découverte des mines d'or et d'argent d'Amérique avait depuis le XVIe siècle entraîné un afflux considérable de métaux précieux en Europe au point de reléguer l'exportation africaine au second rang. Mais cette évolution coïncidait avec un essor sans précédent du commerce international et n'aboutit pas, par conséquent, à étancher la soif de métal précieux qui constituait un handicap à l'expansion de l'économie mercantile de plusieurs pays d'Europe occidentale. Au début du XVIIIe siècle le papier monnaie venait tout juste de faire son apparition. Mais il rencontrait encore la méfiance et l'hostilité aussi bien de certains secteurs du capitalisme commercial que des populations. Ainsi, en France, l'expérience de spéculation financière sur la base du papier monnaie lancée par Law échouait-elle lamentablement en 1723.
En ces temps où l'or exerçait un rôle prépondérant dans les échanges, la Sénégambie, en tant qu'une des sources de ce métal, entrait nécessairement dans les préoccupations stratégiques des grandes puissances coloniales. En Sénégambie les placers aurifères étaient situés dans le triangle formé par le cours supérieur des fleuves Sénégal et Niger et la rivière Falémé. L'or était extrait des alluvions des cours d'eau ou des mines (Bambuk, Buuré). Le Bundu, patrie de Yuba Suleyman Jallo, était précisément situé aux portes de ces placers. Bien qu'au XVIIIe siècle la production d'or de cette zone semble avoir été beaucoup moins importante que celle d'autres régions (Ashanti -Ghana actuel- par exemple), elle n'en constituait pas moins un objet de rivalité entre l'Angleterre et la France. La Compagnie du Sénégal et la Royal africain Company étaient convaincues qu'en prenant en main la direction de l'exploitation des mines elles arriveraient à augmenter sensiblement leur rendement, ou en tous cas à dépasser la production locale qu'elles jugeaient insuffisante. C'est là une autre raison qui avait incité la Compagnie du Sénégal à fonder des comptoirs permanents dans le royaume de Galam (Gajaaga). Quant aux Anglais, dès le début du XVIIe siècle, ils avaient lancé plusieurs tentatives de pénétration dans la zone des mines d'or. La plus importante de ces tentatives fut celle de Richard Jobson en 1620. Ce dernier ne réussit pas à aller au-delà des chutes de Barakunda en Gambie.28 C'est seulement en 1689 qu'une mission anglaise, la mission de Cornelius Hodge, arrivait dans le Haut Sénégal, mais elle revint sans avoir abouti à des résultats concrets.29 Les missions confiées à Yuba Jallo entraient aussi dans le cadre des convoitises anglaises pour l'or de la Sénégambie.
La question de la traite dans l'histoire de la Sénégambie
L'analyse des problèmes liés à la biographie de Yuba Jallo vient de nous révéler l'importance de la traite européenne dans l'histoire de la Sénégambie dans la première moitié du XVIIIe siècle. Les historiens sont unanimes à reconnaître que la traite a été le phénomène qui a le plus influé sur l'évolution du continent noir. S'appuyant sur des principes moraux, ils condamnent tous l'esclavage. Toutefois dans leurs travaux scientifiques, ils formulent des jugements différents, voire opposés, quant aux conséquences de la traite sur les sociétés africaines. A quelques nuances près, les jugements des auteurs contemporains peuvent être rangés en deux grandes catégories. La première école qui regroupe la majorité voit dans la traite le facteur principal du déclin de l'Afrique et de son retard sur les autres continents. Les historiens de cette école30 avancent très souvent la thèse d'une dépopulation massive de l'Afrique à la suite de l'esclavage atlantique pour étayer leur jugement. Mais leur argumentation repose sur des données quantitatives la plupart du temps incertaines.
La deuxième école, toute récente, est formée par des historiens anglo-saxons dont le plus en vue est P. D. Curtin. Celui-ci, au terme d'une enquête très minutieuse dans les archives en Europe, en Afrique et en Amérique sur le nombre d'esclaves « exportés » par le continent noir durant la traite atlantique, aboutit à la conclusion que les chiffres traditionnellement avancés sont exagérés. Selon lui, l’Afrique n’aurait pas exporté plus de 9,5 millions d'individus pour toute la période, jusqu'à l'abolition de l'esclavage (XVIe – XIXe siècles) : les conditions de la navigation atlantique à cette époque n'auraient pas permis aux européens d'en importer plus vers les Amériques. Par ailleurs, en objection à la thèse de la dépopulation massive du continent, il suggère que l'introduction de plantes nouvelles comme le manioc, le maïs, la banane, etc., en Afrique grâce aux liaisons entre ce continent et l'Amérique à partir des relations de traite, a dû contribuer au bien-être des populations africaines et par conséquent agir dans le sens d'une croissance démographique.31 Enfin, il affirme que l'impact de l'esclavage fut très limité dans le temps sur les sociétés africaines, puisque, dès l'abolition de l'esclavage, les sociétés ont fait preuve d'une adaptation rapide aux nouvelles conditions économiques.
La plupart des thèses de P.D. Curtin sont reprises et élaborées par J. D. Fage. Ce dernier se fonde sur deux arguments principaux pour réfuter les thèses de la première école.32 Après avoir montré que les régions les plus touchées par l'esclavage (Golfe du Bénin, côte Congo- Angola) sont paradoxalement parmi les régions les plus peuplées de l'Afrique d'aujourd'hui, il conclut que l'esclavage n'a pas eu les effets démographiques négatifs que l'on prétend – se basant sur l'essor consécutif à la traite d'une part et, d'autre part, des Etats puissants comme les royaumes d'Oyo (Nigeria actuel) et du Dahomey dont l’ascension est liée au commerce atlantique, il estime que la traite a exercé dans l'ensemble une influence historiquement positive sur le destin de l'Afrique.33
A suivre le 24 novembre prochain...
Texte préalablement paru en 1978 dans la collection "Les Africains" de Jeune Afrique qui a autorisé SenePlus à le republier.
26. sur cette guerre de la gomme entre Français et Anglais, voir A Delcourt. La France et les établissements français au Sénégal 1713-1763, Mémoire IFAN N°171952, pp. 179-185.
27. Cf. F. Braudel. La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. Ed. 1966. Vol I. 422-32.
28. Richard Jobson, The Golden trade or a discovery of the river Gambia, and the golden trade of the Aethiopians, Londres, 1963.
29. Th. G. Stone « The journey of Cornelius Hodge in Senegambia 1689–1690 ». English Historical Review, 1924. pp. 89-95.
30. Parmi ceux-ci on peut citer J. Suret-Canale, Afrique Noire : Géographie, civilisations, histoire, vol. 1, 1961 ; W. Rodney, A History of the Upper Guinea Coast 1545-1800, Oxford, 1970 ; J. Ki- Zerbo, Histoire de l’Afrique noire, Paris 1972, pp. 208–225 ; B. Barry, Le royaume du Waalo, Paris 1972.
31. P. D. Curtin, The Atlantic Slave Trade. A census, The University of Wisconsin Press, 1969, p. 268.
32. Ibid., p 270.
33. J.D. Fage, A History of West Africa, Cambridge, 1969, chap. VI
par Saër Seck Jacques-Henri Eyraud
AUCUN RÊVE NE DEVRAIT TERMINER AU FOND DE LA MÉDITERRANÉE
Doudou rejoignait l’Italie car on lui avait promis que son talent de jeune footballeur allait lui ouvrir des portes. Et s’il avait pu rejoindre l'Europe, les promesses auraient certainement laissé place à une réalité plus brutale
Le Monde Afrique |
Saër Seck Jacques-Henri Eyraud |
Publication 17/11/2020
Nous avons en commun la passion du football. Baignées toutes les deux par le soleil, nos villes ont l’eau comme horizon. L’Atlantique pour Dakar, la Méditerranée pour Marseille. Et ce sont dans les eaux de la Méditerranée qu’un jeune Sénégalais de 14 ans, Doudou Faye, est mort la semaine dernière.
Quatorze ans n’est pas un âge pour mourir sur un bateau aux mains de passeurs sans scrupule. Doudou rejoignait l’Italie car on lui avait promis que son talent de jeune footballeur allait lui ouvrir des portes. Mais voilà, il n’aura pas eu l’occasion de le démontrer. Et s’il avait pu rejoindre les côtes italiennes, les promesses auraient certainement laissé la place à une réalité plus brutale.
Une enquête est en cours et nous ne nous concentrerons pas ici sur les responsables de ce drame et le fait qu’un père ait pu un jour mettre son enfant seul dans un bateau pour l’Espagne puis l’Italie. Mais parce que nous sommes fondamentalement des éducateurs effondrés par cette tragédie, nous pensons aujourd’hui aux copains de Doudou et à tous les enfants, de la banlieue de Dakar aux cités de Marseille, que le football fascine. Et à tous ceux que la misère pousse à suivre les traces de Sadio Mané ou Boubacar Kamara, notre responsabilité est de leur dire ceci :
1) N’écoutez pas les voix malhonnêtes et intéressées qui vous expliquent à quel point votre talent est hors normes. A 14 ans, vous avez encore tout à prouver et rien n’est écrit à cet âge dans le football. Regardez les joueurs qui remportent les compétitions réservées aux moins de 17 ans et analysez ceux d’entre eux qui jouent encore les premiers rôles sur un terrain de football cinq ans plus tard. Vous verrez qu’ils sont peu nombreux.
Tenir le rythme du terrain et de l’école
2) L’Europe du football et ses chimères, l’image du footballeur millionnaire qui voyage en avion privé et roule en voiture de course, masquent une réalité beaucoup plus terre à terre. Quelle que soit la latitude sous laquelle vos rêves vous mènent, devenir un joueur de football professionnel concernera 1 % d’entre vous. Et encore. Rien ne sera facile. Il n’y a pas de filière, de voie tracée, de recette universelle.
Au Burkina Faso, des milliers d'habitants ont fui les attaques terroristes qui sévissent dans certaines régions du pays. Ces déplacés internes risquent d'être privés de leur droit de vote lors des élections du 22 novembre, durant lesquelles la sécurité nationale sera un enjeu majeur.
Aujourd'hui, le pays compte plus d'un million de déplacés internes. Alors que les élections présidentielle et législatives se tiendront dimanche 22 novembre, cette frange de la population risque de ne pas pouvoir voter.
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LA SECURITE, ENJEU CRUCIAL DE LA CAMPAGNE PRESIDENTIELLE BURKINABE
Treize candidats sont en lice pour la course présidentielle du 22 novembre prochain, dont une femme
Treize candidats sont en lice pour la course présidentielle du 22 novembre prochain au Burkina Faso, dont une femme. Parmi les prétendants, le président sortant Roch Marc Christian Kaboré et Zéphirin Diabré, le chef de file de l’opposition. Économie, santé, sécurité, les défis ne manquent pas pour le prochain chef de l’État.
NDIORO NDIAYE À LA TÊTE DE LA MISSION D’OBSERVATION ÉLECTORALE AU BURKINA
L’ancienne ministre conduira la mission d’observation électorale de la communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD) à l’occasion du scrutin présidentiel et législatif du 22 novembre
L’ancienne ministre sénégalaise, Pr Ndioro Ndiaye, conduira la mission d’observation électorale de la communauté des Etats Sahélo-sahariens (CEN-SAD) au Burkina Faso à l’occasion du scrutin présidentiel et législatif du 22 novembre , a appris l’APS.
’’Cette mission d’observation conduite par le Pr Ndioro Ndiaye, ancienne ministre de la République du Sénégal et ancienne Directrice générale adjointe de l’OIM et composée des représentants des différents pays membres, répond à l’un des objectifs principaux de la CENSAD’’, indique un communiqué reçu de l’organisation.
Les objectifs de la Mission sont de ’’fournir un compte rendu, une évaluation précise et impartiale de la qualité des élections au Burkina Faso, évaluer la concordance entre les acquis démocratiques et les normes idoines aux plans régional et international’’.
Il s’agira aussi de ’’déterminer leur conformité aux normes régionales, continentales et internationales en matière d’élections démocratiques ; formuler des recommandations pour l’amélioration des futures élections ; apporter le soutien et l’expertise nécessaires au bon déroulement d’élections libres, transparentes et démocratiques et ce, pour l’instauration d’une paix durable’’.
La Mission fera également de recommandations ’’nécessaires à l’amélioration des performances comme de la pertinence du système électoral burkinabé’’.
Le communiqué rappelle que la CEN-SAD est une organisation internationale regroupant 25 États africains ayant pour but de faciliter les liens économiques, sociaux et culturels entre les États-membres.
Elle a aussi pour but de ’’consacrer le principe de non-agression et de non-ingérence dans les affaires intérieures de ses États membres’’.
En plus de sa mission de consolidation des acquis démocratiques au sein des états membres, la CEN-SAD qui a le statut de communauté économique régionale et d’observateur à l’Assemblée générale de l’ONU, ’’déploie une mission d’observation composée des d’observateurs des pays membres’’.
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BALA DIEYE, ATHLETE ENGAGE POUR LA PAIX
Comment promouvoir la paix grâce au sport? On en parle avec l'un des champions de l'organisation "Peace and Sport": l'athlète multi-médaillé de Taekwondo, Balla Dièye
Comment promouvoir la paix grâce au sport? On en parle avec l'un des champions de l'organisation "Peace and Sport": l'athlète multi-médaillé de Taekwondo, Balla Dièye. Celui qui est aussi président de la Fédération de Taekwondo du Sénégal, partage sa vision de l'évolution de sa discipline sportive sur le continent.
COMBIEN DE MÉDECINS PAR HABITANTS AU SÉNÉGAL ?
Le média américain USA Today a déclaré que le pays a environ 7 médecins pour 100 000 habitants. Les données du ministère de la Santé les plus récentes indiquent pourant le contraire
Africa Check |
Azil Momar Lo |
Publication 15/11/2020
Le 30 septembre 2020, le président sénégalais a évoqué les performances de son pays dans sa gestion de la pandémie de la Covid-19, dans une vidéo diffusée sur Facebook et Twitter.
Macky Sall y mentionne que « le Sénégal a été cité pour occuper la deuxième place au monde (…) sur la manière dont nous avons géré la pandémie ».
Les efforts consentis par le Sénégal dans la gestion de la crise sanitaire ont valu au pays la deuxième place dans une récente analyse, publiée par le site d’informations américain USA Today, qui porte sur la manière dont 36 pays ont géré la pandémie.
En comparaison avec d’autres pays plus développés comme les Etats-Unis, le Sénégal a fait beaucoup mieux selon ladite analyse publiée le 6 septembre 2020.
« Il s’agit du Sénégal, un pays d’Afrique Occidentale (…) qui compte environ sept médecins pour 100 000 habitants », lit-on notamment (traduit de l’anglais).
La même affirmation a été également relayée dans un article de BBC News Afrique .
Quelle est la source de cette donnée ?
Africa Check a interrogé Deirdre Shesgreen, reporter à USA Today pour les affaires étrangères et auteure de l’analyse susmentionnée. Elle dit s’être basée sur ces données de la Banque Mondiale.
Il s’agit du ratio de médecins pour 1 000 habitants s’étalant sur la période 1960-2017. Et pour 2017, le Sénégal avait 0,069 médecins pour 1 000 habitants.
Les chiffres s’appuient sur des statistiques de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur les personnels de santé, des données de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), complétées par des données nationales, comme le souligne le document.
Ce que disent les données de l’OMS
Africa Check a contacté la Banque Mondiale pour davantage d’explications sur les données qu’elle a utilisées. Aby Touré, chargée des relations extérieures pour la Banque Mondiale nous a envoyé ce lien du site de l’OMS à travers lequel nous avons trouvé ces données portant sur le ratio nombre de médecins pour 10 000 habitants de différents pays.
Les données concernant le Sénégal portent uniquement sur les années 2004, 2008, 2013, 2015, 2016 et 2017. Et pour cette dernière, le nombre de médecins pour 10 000 personnes au Sénégal est de 0,691 (0,69), soit un nombre total de 1 066 médecins répertoriés.
C’est donc le même ratio que l’on trouve dans les statistiques de la Banque Mondiale susmentionnées concernant l’année 2017, étant donné que 0,069 médecins pour 1 000 habitants équivalent à 0,69 médecins pour 10 000 habitants, d’après le statisticien de l’association des assureurs du Sénégal El Hadji Diop contacté par Africa Check. Cela équivaut également à 6,9 médecins pour 100 000 habitants. Ce qui n’est pas loin des 7 médecins pour 100 000 habitants évoqués par USA Today.
Nous avons demandé des explications à l’OMS et avons également cherché à savoir si l’organisation dispose de données plus récentes et plus exhaustives. Collins Boakye-Agyemang, conseiller en communication à l’OMS, Bureau régional pour l’Afrique, nous a suggéré de nous rapprocher du ministère sénégalais de la Santé.
Le chargé de communication senior à la Banque Mondiale, Mademba Ndiaye, nous a également fait la même recommandation.
« La Banque mondiale ne fait pas une enquête indépendante sur les statistiques de la santé au Sénégal, nous nous fions aux enquêtes du ministère de la Santé et des agences officielles comme l’ANSD », nous explique-t-il, soulignant tout de même que la Banque Mondiale « analyse les méthodes utilisées pour s’assurer de la crédibilité des résultats ».
Seuls les médecins du public sont répertoriés par le ministère de la Santé
Au Sénégal, le ministère de la Santé et de l’Action sociale ne recense que les médecins du public. Nous le soulignions déjà dans cet article de juillet 2020 portant sur une déclaration du président sénégalais sur le nombre de médecins au Sénégal; la Division de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (Dgpec) dudit ministère nous indiquait qu’on compte 1 651 médecins dans le public.
Le président de l’Ordre National des Médecins du Sénégal, Dr Boly Diop, a également confirmé que le ministère de la Santé ne recense que les médecins exerçant dans le public.
« Actuellement au Sénégal on tourne autour de 3 000 médecins », ceux du public et du privé « confondus », souligne Dr Boly Diop, qui ajoute que les chiffres de l’Ordre des médecins sont « plus complets » que ceux du ministère de la Santé, car « nous répertorions tous les médecins, ceux du public comme ceux du privé ».
Il a également souligné qu’à ce jour « il y a 2 706 médecins inscrits régulièrement à l’Ordre des médecins du Sénégal ».
Des problèmes pour recenser les médecins du privé
« La collecte des données du privé est un véritable problème à résoudre », explique le chef de la Division de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du ministère de la Santé et de l’Action sociale, Moussa Diamanka.
« Les seules données disponibles ont été collectées en 2017 et validées en 2018. Les chiffres disponibles du privé, selon lui, posent un vrai problème de crédibilité d’où la non prise en compte de ces données ».
En plus de cela, pèse « le soupçon de doublons (qui) fait que nous évitons de prendre en compte ces données », indique Moussa Diamanka.
10 médecins pour 100 000 habitants en 2018, selon le ministère de la Santé
Moussa Diamanka nous a envoyé ce tableau extrait de l’annuaire statistique des Ressources Humaines 2018.
Le tableau indique que sur une population de 15 726 037 habitants, il y a 1 médecin pour 10 000 habitants, avec un total de 1 618 médecins répertoriés au Sénégal. Selon le statisticien El Hadji Diop, 1 médecin pour 10 000 habitants correspond à 10 médecins pour 100 000 habitants.
Interrogé sur la différence entre le chiffre contenu dans le tableau (1 618) et celui qu’il avait communiqué à Africa Check en juillet 2020 (1 651), M. Diamanka explique que cela peut être dû à des départs à la retraite, à des démissions, des mises en disponibilité (surtout vers les ONG et autres partenaires) ainsi que la migration vers des pays plus attrayants en rémunération. « L’irrégularité des recrutements aidant, les recrues sont souvent des régularisations de contractuels ou vacataires ».
INDÉPENDANCES AFRICAINES, OÙ EN EST LA DÉCOLONISATION DES ESPRITS ?
L'historienne Françoise Vergès et le journaliste Antoine Glaser, évoquent les heurs et malheurs de l'Afrique postcoloniale ainsi que le bilan du processus de décolonisation qui reste un « work in progress » (« travail évolutif »). Entretiens croisés
Françoise Vergès (1) est historienne, chercheuse, titulaire de la chaire « Global South » à la Fondation Maison des sciences de l’homme, à Paris. Antoine Glaser (2) est politologue, journaliste spécialiste de l’Afrique. Ils sont auteurs de plusieurs ouvrages consacrés à des thèmes qui vont de la politique en Afrique aux questions liées à l’esclavage et la colonisation, en passant par les relations France-Afrique. Interrogé à l'occasion du 60e anniversaire des indépendances africaines, le duo évoque au micro de RFI les heurs et malheurs de l'Afrique postcoloniale ainsi que le bilan du processus de décolonisation qui reste un « work in progress » (« travail évolutif »). Entretiens croisés.
RFI : Les indépendances furent un moment de joie et de fête pour les populations africaines. Que sait-on de leurs attentes et de leurs espérances?
Antoine Glaser : Seuls les historiens qui ont travaillé sur cette période peuvent répondre à cette question. Et encore ! Peu de choses ont été écrites. Cela dit, il faut se resituer dans la démographie de l’époque, avec 3,5 millions d’habitants en Côte d’Ivoire (plus de 30 millions aujourd’hui, NDLR), 3,2 millions au Sénégal, 5,1 millions au Cameroun, pas plus de 500 000 habitants au Gabon… Dans tous ces pays avec une très faible urbanisation, la proclamation d’indépendance n’a souvent concerné que les cercles de l’administration, à l’exception des pays où des mouvements d’indépendance anticolonialistes étaient déjà structurés. Il semble toutefois qu’il y ait eu plus d’enthousiasme à cette indépendance dans les anciennes colonies britanniques et portugaises que dans les anciennes colonies françaises. Il suffit de lire les proclamations des chefs d’État du « pré carré » français en 1960 pour s’en convaincre. La plupart remercie la République française de sa générosité. Le plus caricatural est le président gabonais Léon Mba, qui exprime sa gratitude profonde au général de Gaulle, « champion de l’Homme noir et de la Communauté franco-africaine », dit-il. Une déclaration qui tranche avec celle du Congolais Patrice Lumumba, qui relève qu’il ne faudra jamais oublier que l’indépendance du Congo a été conquise par la lutte. Cette différence dans les réactions s’explique en grande partie par l’approche assimilationniste de la colonisation française qui avait fait miroiter l’idée d’une communauté de destins entre l’Afrique et la France. Cette idée avait été confortée par l’intégration de leaders africains dans la structure de pouvoir en France, avec notamment Senghor et Houphouët-Boigny siégeant dans le gouvernement français.
Françoise Vergès : Pour les populations africaines, l’indépendance marque la fin d’un système qui les réduisait à des êtres sous-humains, des sous-citoyens. Cette souveraineté durement acquise leur permet de se retrouver pleinement dans leur existence. On assiste, avec ces indépendances, à un renversement de la perspective selon laquelle il y aurait, d’une part, une humanité qui compte et, d’autre part, une humanité composée de sous-hommes qui ne compte pas, qu’on peut trafiquer, qu’on peut vendre, qu’on peut acheter. « Et maintenant, nous sommes là », proclamait Patrice Lumumba dans son discours lors de la cérémonie de l’accession du Congo à l’indépendance, le 30 juin 1960. C’est sans doute cette présence réaffirmée de l’Afrique qu’on avait si longtemps reniée et qu’on ne peut plus désormais effacer malgré le sang qui va couler et les turbulences postcoloniales qui donne sens au combat historique pour l’indépendance dans les pays colonisés.
La crise du Congo, qui a éclaté en 1960 dans la foulée de l'accession à l’indépendance de cette ancienne colonie belge, n’a-t-elle pas d’emblée démontré que cette décolonisation était tout sauf une libération ?
F.V. : Je distinguerais l’indépendance de la décolonisation, qui est un processus dont les débuts remontent aux premières luttes anticoloniales et à la prise de conscience qu’il faut en finir avec le colonialisme et le statut colonial. La décolonisation est un très long processus historique, culturel, qui touche la politique, mais aussi les domaines de l’économie, l’art, les langues... En Afrique, ce processus de la décolonisation est passé par des phases successives, notamment les conférences nationales, l’émergence des mouvements de la jeunesse et de la société civile. Le processus se poursuit aujourd’hui avec les revendications pour la décolonisation des esprits, des enseignements, des institutions et la demande d’une indépendance réelle.
A.G. : Chaque indépendance a eu sa particularité. Avec ses ressources minières exceptionnelles, l’ancien Congo belge a tout de suite été l’un des enjeux majeurs de la rivalité entre les États-Unis et l’Union soviétique. Sans vrais moyens, la Belgique a très vite été hors-jeu, en particulier après la sécession de la riche province du Katanga par Moïse Tshombe et l’assassinat de Patrice Lumumba le 17 janvier 1961. Après l’arrivée au pouvoir de Joseph-Désiré Mobutu, c’est la CIA américaine qui est à la manœuvre. L’opération franco-marocaine de Kolwezi en mai 1978 contre les « Katangais » soutenue par les Cubains était déjà une opération de « guerre froide » pour empêcher les soviétiques d’avoir accès au cobalt congolais. Ceci dit, le maréchal Mobutu avait une certaine marge de manœuvre pour gérer le pays à sa guise. À la fin des années 1970, il a même laissé croire aux Zaïrois qu’ils étaient désormais totalement « décolonisés » en lançant une opération de « zaïrianisation » : le franc congolais est remplacé par le « zaïre », Léopoldville devient Kinshasa, suppression des noms chrétiens, l’abacost (« à bas le costume ») remplace le costume occidental, certaines mines sont nationalisées au profit du premier cercle du « maréchal ». Au début des années 1980, Mobutu Sese Seko (Mobutu le guerrier) est l’un des hommes les plus riches de la planète.
Quels sont les principaux acquis des indépendances africaines ?
A.G. : Le premier acquis des indépendances africaines des années 1960 a été l’accès pour un certain nombre de pays à la gestion de leurs États. Mais c’est une indépendance limitée car, à peine sortie de la colonisation, l’Afrique est devenue un enjeu géostratégique entre les deux blocs : l’Est et l’Ouest. Les indépendances africaines ont été en grande partie octroyées sous la pression des deux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale : les États-Unis et l’Union soviétique. Au sortir de la guerre, les Américains et les Soviétiques ont fait pression sur les colonisateurs afin de pouvoir remplacer l’ordre colonial et installer rapidement un nouvel ordre mondial. Les Africains ont donc dû rapidement choisir leur camp entre puissances coloniales et poursuite d’une politique postcoloniale comme dans le « pré carré » français ou soutien soviétique à des mouvements de libération en contrepartie d’une zone d’influence. Dans un deuxième temps, l’acquis des indépendances africaines a été la solidarité entre mouvements de libération, comme entre l’Algérie et l’Afrique du Sud.
F.V. : Les indépendances ont quand même transformé la carte du monde. Tout d’un coup, on a vu les pays africains prendre leur place à l’Assemblée générale de l’ONU. Ils ont fait entendre la voix de l’Afrique à la tribune du monde. Rétrospectivement, cela peut paraître un développement mineur, mais il ne l’est pas totalement, même si les voix des pays africains sont souvent instrumentalisées par les grandes puissances. Il n’en reste pas moins que la présence des États africains à l’ONU leur a donné une marge de manœuvre qu’ils n’avaient pas auparavant. Par ailleurs, sans les indépendances, il n’y aurait eu ni l’Organisation de l’Union africaine, devenue l’Union africaine depuis 2002, ni les organisations régionales qui, de l’aveu même des pays membres, jouent un rôle majeur dans l’évolution démocratique de l’Afrique. Et bien sûr, tout le travail autour de l’unité du continent, de l’abolition des frontières héritées du colonialisme, les solidarités Sud-Sud, n'aurait pas été possible sans la fin de la mainmise politique de l'Europe sur le continent.
LE MASSACRE DE THIAROYE S'INVITE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE FRANÇAISE, MAIS...
Faut-il qu'il y ait une chaîne humaine autour des fosses communes à l'endroit du massacre pour que cessent enfin ces arrangements avec l'Histoire d'un massacre d'Africains venus se battre en France contre l'ennemi et qui ont réclamé leur solde ?
Le Blog de Mediapart |
Armelle Mabon |
Publication 15/11/2020
L'Assemblée nationale a évoqué le massacre de Thiaroye. Mais nos espoirs ont été déçus par la lecture du rapport. Un premier pas a été fait mais il faut bien regarder l'histoire et comprendre cette révélation sur les fosses communes.
Lorsque j'ai découvert le discours à l'assemblée nationale devant la ministre des armées du député Philippe Michel-Kleisbauer remplacé, pour cause de covid-19 par un collègue, j'ai senti une profonde satisfaction avec une lueur d'espoir tout en étant gênée par la présentation d'hommes démobilisés avant le massacre.
Trois historiens ont été auditionnés sur ce fait historique dans le cadre de l'avis fait au nom de la commission Défense nationale et des forces armées sur le projet de loi de Finances pour 2021 pour les crédits « Anciens combattants, Mémoire et Liens avec la Nation » : Pascal Blanchard, Martin Mourre et moi-même. Choisir d'évoquer Thiaroye 44 démontre un certain courage politique et je remercie Philippe Michel-Kleisbauer d'avoir osé mettre en lumière ce massacre de tirailleurs sénégalais ex-prisonniers de guerre commis par l'Armée française le 1er décembre 1944.
Martin Mourre a publié un livre entièrement consacré à Thiaroye : Thiaroye 1944 Histoire et mémoire d'un massacre colonial, PUR, 2017. Pascal Blanchard, dans son ouvrage co-dirigé avec Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire Décolonisations françaises La fin d'un Empire, éditions de La Martinière, 2020, deux pages illustrées sont consacrées au massacre de Thiaroye. Pour ma part, j'ai transmis au député le chapitre entièrement revu et renommé « Thiaroye : un mensonge d'Etat » de mon livre Prisonniers de guerre « indigènes » Visages oubliés de la France occupée, La Découverte, réédité en 2019.
Une écoute sélective et dangereuse pour l'Histoire
A la lecture du rapport, j'ai compris, une fois encore, que les politiques écoutaient un historien médiatique mais qui ne fait aucune recherche, ni fouille d'archives et non les historiens qui ont passé des heures et des heures et même des années à éplucher tant et tant d'archives, à retrouver les témoins et les familles et à questionner les sources permettant de s'approcher d'une vérité sur ce massacre prémédité présenté comme une rébellion armée dans les archives consultables.
Une fois de plus, après le discours de François Hollande le 30 novembre 2014, le pouvoir politique a escamoté un rendez-vous avec l'Histoire en reproduisant dans ce rapport, les grossières erreurs commises par Pascal Blanchard. Il est facile de constater le privilège accordé à cet historien grandement cité alors que le travail de Martin Mourre n'est pas évoqué et que, pour ma part, le député cite mes propos de 2012 évidemment obsolètes puisque j'ai repris la recherche sur Thiaroye en 2012.
Je suis donc amenée à signaler toutes les erreurs alors que ce rapport ne peut être corrigé et est donc diffusé en l'état sans que nous ayons pu en faire une lecture préalable.
Concernant le récit, il n'y avait que des originaires de l'Afrique occidentale française (AOF) et donc pas de Centrafricains, pas de Tchadiens, pas de Gabonais et pas de Togolais. Par contre les Guinéens ont été oubliés alors qu'ils étaient très nombreux.
Pour une raison que j'ignore, Pascal Blanchard se méprend complètement sur le « blanchiment » malheureusement suivi par le député :
Après leur libération, il est décidé de les démobiliser, notamment pour une opération de « blanchiment » des troupes françaises .
Il n'a jamais été décidé de les démobiliser comme le prouve un courrier du 2 octobre 1944 du directeur des Troupes coloniales, le général Ingold, au ministre des Prisonniers de Guerre : « Les militaires indigènes coloniaux ne doivent être en aucun cas démobilisés même à titre provisoire avant d'être arrivés dans leur colonie d'origine ». Il n'y a donc pas eu d'avance sur prime de 1500 francs versée en octobre 1944. Le traitement était tout autre pour les ex-prisonniers de guerre nord-africains.
Dans un rapport officiel de l'Assemblée nationale, les martyrs de Thiaroye sont désormais présentés comme étant démobilisés avant le massacre ce qui induit qu'ils n'étaient plus militaires mais des civils. Dans ce cas, le massacre de Thiaroye est un crime contre l'humanité et le ministère des armées doit clarifier ce point.
Quant à l'opération de « blanchiment », en aucun cas les ex-prisonniers de guerre n'étaient concernés puisqu'ils ne combattaient pas dans l'Est de la France après le débarquement de Provence. Je joins un extrait de la lettre du général de Gaulle au général Eisenhower qui montre que ceux qui ont été victimes du « blanchiment » ont été dirigés vers le midi et non à Morlaix.
Dans son documentaire « Décolonisations, du sang et des larmes », diffusé le 6 octobre sur France 2, Pascal Blanchard a été encore plus loin dans la désinformation et la tromperie du grand public puisqu'il présente les hommes de Thiaroye comme ayant fait le débarquement de Provence.
Je constate que le député reprend ce que j'ai écrit dans mon ouvrage notamment les 315 tirailleurs sur 1950 qui ont refusé d'embarquer à Morlaix pour n'avoir pas perçu le quart de leur solde de captivité conformément à la règlementation en vigueur. Pour les 400 qui auraient refusé d'embarquer à l'escale de Casablanca, j'ai apporté la preuve que cette information était mensongère et je regrette que Philippe Michel-Kleisbauer la passe sous silence. Les autorités ont diminué le nombre de rapatriés au départ (1280 à la place de plus de 1600) pour camoufler le nombre de victimes. C'est un mensonge d'Etat car les ordres sont venus du gouvernement provisoire pour falsifier les faits et non de quelques hommes nostalgiques du Maréchal Pétain et du régime de Vichy. Un de ces officiers a été puni mais pour quelles raisons le ministère des armées refuse obstinément de donner le libellé du fait matériel pour lequel il a été puni alors que rien ne l'interdit pas même l'amnistie ?
À présent qu’il n’est plus, l’on peut oser affirmer que Jerry John Rawlings incarnait véritablement un type de leadership et de patriotisme plutôt rares, dont auraient tant besoin bien des peuples, aujourd’hui, en Afrique
Il avait tout pour être un homme heureux. Mais le Chairman, éternel insatisfait, rêvait de toujours mieux pour son peuple. Désormais, son destin appartient à l'Histoire.
Jerry John Rawlings est décédé, ce jeudi 12 novembre 2020. Son pays, le Ghana, le pleure. Nombre d’Africains aussi. Car, dites-vous, c’est l’Afrique toute entière qui est en deuil. Ici même, vous l’avez souvent cité en exemple. Qu’incarnait-il de si particulier pour que sa disparition soit vécue comme une perte pour tout le continent?
À présent qu’il n’est plus, l’on peut oser affirmer que Jerry John Rawlings incarnait véritablement un type de leadership et de patriotisme plutôt rares, dont auraient tant besoin bien des peuples, aujourd’hui, en Afrique. Peu de dirigeants, sur ce continent, ont eu le privilège de voir leur pays rayonner, en ayant conscience que cela n’aurait simplement pas été possible, sans eux. Certes, l’économie du Ghana peut toujours subir des intempéries de conjoncture. La démocratie ghanéenne peut même, à l’occasion, être ébranlée par quelques secousses telluriques. Mais l’édifice ne risque pas de s’effondrer de sitôt. Car, les fondations ont été bâties pour résister au temps. C’est ce que prédisait Jerry John Rawlings, en répondant à la journaliste américaine Diane Sawyer, dans l’émission « 60 minutes », affirmant que si, d’aventure, il venait à se retrouver au pouvoir au Ghana, le diable en personne ne pourrait se permettre ce qu’il veut, mais devra se plier à ce qu’attend de lui le peuple de ce pays. Davantage que la détermination farouche qu’on lui connaissait, il fallait au Chairman un leadership visionnaire, pour annoncer, avec une telle certitude, en 1992, que le Ghana, définitivement, allait s’imposer comme une démocratie exemplaire, et une économie aux bases plutôt saines.
C’est donc, en somme, une affaire d’institutions…
Oui. D’institutions, mais c’est dans les mentalités qu’a été bâtie cette œuvre. Et, depuis vingt ans, l’alternance, pour les Ghanéens, n’est plus un simple mot. Avec leur bulletin de vote, ils savent même pouvoir congédier les dirigeants dont la gestion économique ne leur convient pas, ou les déçoit. Le pays, actuellement, s’achemine vers une élection présidentielle, et pas une manifestation violente au tableau, pas un mort. Mieux, s’il venait à être réélu, le 7 décembre prochain, Nana Akufo-Addo jamais n’oserait toucher à la Constitution pour, dans quatre ans, s’offrir un éventuel troisième mandat.