La réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop est la première réalisatrice noire à avoir été sélectionnée puis primée en compétition au Festival de Cannes. "Atlantique", son premier long métrage couronné du Grand Prix du Jury, sort en salles demain en France. Un film politique, une chronique sociale, un conte surnaturel habité par les djinns.
LES AMIS AFRICAINS DE CHIRAC ? "IL Y AVAIT D'ABORD DIOUF ET BONGO"
Quatorze ans avec Chirac, ça ne s'oublie pas... Michel Roussin, l'ancien ministre français de la Coopération, revient sur les relations africaines de l'ancien chef de l'État
RFI : Si vous avez un souvenir particulier de Jacques Chirac, racontez-nous…
Michel Roussin : Des anecdotes, j’en ai beaucoup. Les plus savoureuses, c’est lorsque je l’ai accompagné dans plusieurs campagnes électorales. Je me souviens à Paris où nous enchaînions les tours dans les arrondissements de l’Est. Je ne savais pas comment on allait s’y prendre. Alors on prenait l’ascenseur pour monter : « Et Michel, on descendra à pied et on s’arrêtera à chaque palier. Et on sonnera ». Cet homme qui avait été Premier ministre disait :
« Bonjour, madame, je suis Jacques»,
«Mais je vous connais, monsieur Chirac».
«Je viens parce que ce sont les élections. Est-ce que vous avez des problèmes?»
«Oui, mon fils Tom ne peut pas aller à l’école…»
Et c’était, à chaque moment, une disponibilité, une directive qu’il me donnait pour qu’ensuite, de retour à l’hôtel de ville de Paris, on puisse répondre à la requête de la bonne dame. Et puis des moments très drôles. Un jour, je fête mon anniversaire avec des amis et il est en voiture avec le chef de cabinet, Jean-Eudes Rabut. Et Jean-Eudes Rabut lui dit : « Je vous accompagne parce que c’est l’anniversaire de Michel ? » Il dit : « Mais je ne suis pas invité ! » Et il débarque au milieu de mon équipe de copains et de copines pour me souhaiter un bon anniversaire. Ça, ça ne s’invente pas. Et donc, j’ai vécu avec un chef très au courant de tous les sujets, un travailleur extraordinaire parce qu’on le présente toujours comme ça joyeux, caracolant. Mais pas du tout ! Les ordres étaient précis, les dossiers fouillés. Il signait toutes les correspondances. Et il me disait : «Michel, je signe tout parce que, lorsqu’on reçoit la lettre, les gens mouillent leur doigt et regardent si c’est une machine à traitement de texte qui a signé ou si c’est bien moi ». Ça aussi, ça ne s’invente pas.
Comme chef de cabinet, puis directeur de cabinet du maire de Paris, vous avez été poursuivi en justice dans l’affaire des emplois fictifs à l’hôtel de ville de Paris. Est-ce que Jacques Chirac n’avait pas un rapport un petit peu léger avec les questions d’argent ?
Je ne peux pas me prononcer sur ça. Il y a eu cette histoire d’emplois fictifs. Des décisions de justice ont été prises qui me concernaient, mais peu importe. Quand vous servez un chef et que vous avez une mission, si vous devenez un dommage collatéral, c’est la règle.
Mais vous êtes comme Alain Juppé, vous êtes un fidèle qui vous êtes sacrifié pour le chef ?
Non, je ne me suis pas sacrifié. « Sacrifié», c’est grandiloquent ! Cela a été dur sur le moment, mais quand je fais le bilan, cela fait partie d’un parcours. Et ce parcours, je ne le regrette pas parce que 14 ans avec Chirac, dans la vie d’un bonhomme, je peux vous dire que ça compte.
Vous qui avez été ministre de la Coopération et qui avez beaucoup voyagé en Afrique… Quelles étaient à votre avis les deux ou trois personnes qui comptaient le plus pour Jacques Chirac sur le continent africain ?
Je pense qu’il avait une amitié profonde et une considération manifeste pour le président Abdou Diouf [ex-président du Sénégal]. Je l’ai accompagné plusieurs fois et il y avait une communion d’idées avec le président Abdou Diouf. Cela est certain. Il avait aussi une relation très originale avec le président Omar Bongo [du Gabon]. Une anecdote par exemple : un texte de la France doit passer à l’ONU. Il faut voter. J’ai entendu Jacques Chirac solliciter Omar Bongo. Omar Bongo lui dit : « Mais tu n’as pas vu, Jacques, qu’il y a un décalage horaire? Tu m’appelles maintenant, mais pourquoi ? » Jacques Chirac dit : « Ce serait intéressant que le Gabon puisse voter pour la motion française ». L’autre éclate de rire et lui dit : « Mais tu m’as téléphoné pour ça ! Mais bien sûr, on votera la motion française ». Et ça, c’est dû à une relation ancienne, affectueuse avec ce chef de l’État qui a été un médiateur en Afrique extraordinaire et toujours très proche de l’exécutif français.
Mais franchement, est-ce qu’il n’est pas allé trop loin dans ses déclarations d’amitié à des chefs d’État fâchés avec la démocratie, comme le Tunisien Zine el-Abidine Ben Ali ou le Togolais Gnassingbé Eyadema ?
Oui. Mais Chirac n’est pas là en tant que supporter de ces gens-là. Jamais. Il a toujours conservé son quant-à-soi et une distance.
Quand vous avez lu cette interview au Journal du Dimanche en septembre 2011 de Robert Bourgi, avocat révélant ces valises de billets circulant entre l’Afrique et le bureau de Dominique de Villepin à l’Élysée. Comment avez-vous réagi ?
Je me suis dit qu’il fallait être très costaud pour transporter toutes ces valises ! Et Bourgi, je lui laisse, moi, la responsabilité de ce qu’il a pu dire.
Et à la mort d’Omar Bongo en juin 2009, quand Valérie Giscard d’Estaing a raconté cette anecdote selon laquelle il avait morigéné le jeune Omar Bongo qui soutenait la campagne du candidat Chirac en 1981 ?
Je ne savais pas qu’il y avait eu cette déclaration du président Giscard. En tant que témoin et en tant que collaborateur, je n’ai jamais assisté à un trafic de ce genre ou été associé. Moi, ancien collaborateur proche de lui sur les affaires africaines, je peux vous assurer que, pour ce qui me concerne, je n’ai jamais été le témoin de quoi que ce soit.
Vous serez à Saint-Sulpice ce lundi aux obsèques de Jacques Chirac ?
Je ferai tout pour être à Saint-Sulpice parce que je pense y rejoindre une équipe qui reste très soudée et qui formait l’équipe de Chirac, Premier ministre à Matignon. C’était une équipe jeune à l’époque. Nous sommes restés très liés. Voilà.
Vous êtes ému ?
Je dois dire que c’est 15 ans de ma vie. Je dois beaucoup à Jacques Chirac. Et pour moi, c’est une espèce de grand vide. Bang ! C’est un coup de tonnerre, une grande émotion dans le même temps.
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NDONGO SAMBA SYLLA AT MMT CONFERENCE
The Programme & Research Officer at Rosa Luxembourg Foundation Office for West Africa, discusses about money, imperialisme and development
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L'INCROYABLE SAGA DU CLAN QUI A TENU L'ANGOLA PENDANT 38 ANS
José Eduardo, Isabel, José Filomeno... Dans « La dos Santos company. Mainmise sur l'Angola », qui sortira le 2 octobre, Estelle Maussion raconte l'histoire d'une famille devenue intouchable, jusqu'à l'élection de João Lourenço
Jeune Afrique |
Estelle Maussion |
Publication 30/09/2019
Un père autoritaire, une fille milliardaire et un fils emprisonné. Dans La dos Santos Company. Mainmise sur l’Angola, Estelle Maussion – journaliste en Angola de 2012 à 2015 – plonge le lecteur dans l’incroyable histoire du clan dos Santos, entre rebondissements, coups tordus et manipulations.
Arrivé au pouvoir en 1979, le père José Eduardo dos Santos décide de tout, tout seul, et distribue les ressources à ses proches, tandis que la majorité de la population vit avec moins de deux dollars par jour. Un règne familial qui s’annonce éternel jusqu’à ce que le nouvel homme fort, João Lourenço décide de faire le ménage après avoir remporté la présidentielle de septembre 2017.
Ce livre est le fruit d’une longue enquête qui décrypte une saga familiale, celle des dos Santos, tout en mettant en perspective les défis actuels de l’Angola.
« Quand nous sommes réunis, nous ne parlons pas de nos activités professionnelles. Nous échangeons des nouvelles, surtout à propos des enfants. Nous évoquons souvent le bon vieux temps, l’époque où nous étions petits. » Trentenaire souriant et élégant, José Filomeno, le premier fils du président angolais, fait cette confidence un après-midi d’octobre 2012 à Luanda, après deux heures d’entretien.
À 34 ans, il vient d’intégrer, grâce à un décret signé par son père, le trio d’administrateurs dirigeant le fonds souverain de l’Angola. Moins d’un an plus tard, il prendra, toujours grâce à son père, la tête de ce même fonds d’investissement étatique doté de quelque cinq milliards de dollars.
Une famille comme les autres ?
Les dos Santos sont une famille comme les autres, laisse pourtant entendre le jeune homme à la voix posée. Ils déjeunent chez la grand-mère Marta le dimanche. À table, comme dans beaucoup de foyers, interdiction de parler travail.
On évite aussi les sujets qui fâchent. Qu’est-ce que Zénu – le surnom de José Filomeno – compte faire du pactole reçu de papa ? Est-ce que l’aînée Isabel, déjà à la tête d’un empire, ne peut pas laisser un peu de place à ses demi-frères et sœurs plus jeunes ? Doit-on vraiment payer aussi cher l’allégeance des amis du clan, dont le vice-président Manuel Vicente et le général Kopelipa ?
Dans le joyeux vacarme provoqué par les petits-enfants, tous guettent la réaction du patriarche, José Eduardo, l’incarnation d’une main de fer dans un gant de velours. Jamais d’éclat de voix, jamais de scène en public mais une autorité incontestée et incontestable. Chef de tribu impénétrable, c’est lui qui décide, départage, promeut et punit. Il n’est pas seulement leur frère, père, grand-père, chef ou président. Il est le maître de leur existence, le « parrain » d’un clan qui règne sans partage et sans scrupule sur l’Angola.
Le quartier présidentiel, un bunker
Sa toute-puissance ne se ressent nulle part ailleurs mieux que dans la Cidade Alta, le quartier qui abrite le palais présidentiel. Luanda est une ville chaotique, bruyante, aux trottoirs défoncés ou inexistants et à la circulation automobile anarchique. Située sur les hauteurs de la ville, la cidade alta est un havre de verdure, de silence et d’ordre.
Belles allées de palmiers, rues parfaitement asphaltées, trottoirs pavés quotidiennement balayés, bâtiments roses et blancs datant de l’époque coloniale ornés de colonnades. On y entend les oiseaux chanter.
Ce cadre idyllique ferait presque oublier qu’il s’agit d’un bunker. En voiture, vous pouvez y passer mais interdiction de vous garer ou de vous arrêter. Il faut utiliser un parking en contrebas puis finir le trajet à pied. Sur le chemin, des militaires en treillis armés de mitraillettes sont postés à chaque porte, soit tous les cent mètres. Toute personne extérieure est immédiatement repérée et doit montrer patte blanche.
Passée une première guérite, il faut marcher encore un peu avant d’apercevoir l’entrée du palais présidentiel et son portique de sécurité où des agents en costume-cravate retiennent les téléphones portables, interdits dans l’enceinte. Une fois à l’intérieur, les visiteurs subissent une ultime épreuve, une attente à durée indéterminée, cantonnés dans des salles en marbre mais sans fenêtre. Chef de la police, ministre, ambassadeur, tout le monde reçoit le même traitement.
Une aile du palais est réservée aux réceptions de personnalités étrangères, dont la date et l’heure ne sont confirmées qu’à la dernière minute. Accueillis avec les hommages militaires, les chefs d’État et de gouvernement sont ensuite escortés dans un petit salon feutré. Chaque geste est scruté par les hommes du protocole. Les journalistes sont relégués dans les jardins pour des déclarations à la presse, toujours brèves, très encadrées et rarement suivies de questions. Voilà l’atmosphère dans laquelle règne José Eduardo dos Santos.
Le président décide de tout, tout seul
Sur le papier, l’Angola est une démocratie. Il y a une Constitution, des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire séparés, des élections organisées régulièrement. Dans les faits, le président angolais décide de tout, tout seul. Et cela, depuis des années du haut de sa tour d’ivoire qu’est le palais présidentiel.
Les conseils des ministres se déroulent à l’étage dans une immense salle rectangulaire. Quelques bouquets de fleurs tentent d’apporter un peu de chaleur à la pièce. En vain. La configuration des lieux suffit pour comprendre qui est le chef. José Eduardo dos Santos préside derrière un imposant bureau juché sur une estrade. En contrebas, les ministres se rangent, disciplinés, autour d’une table ovale.
Lorsque le président fait son entrée, l’ambiance se tend. Les visages se ferment. On retient son souffle. Puis, impassible, il écoute pendant des heures les rapports de ses subordonnés avant de finalement annoncer ses décisions. « Rares sont les téméraires à prendre la parole spontanément, la plupart des ministres attendent que cela se passe en priant pour ne pas être sollicités, raconte un ancien habitué de ces réunions. Quand le président ne peut pas imposer ses vues aussi directement alors il ruse ! » Par exemple lorsqu’il doit consulter le conseil de la République, organe qui rassemble les forces vives du pays (magistrats, partis politiques, responsables religieux et associatifs), avant de prendre une décision importante comme la date des élections.
La séance commence comme n’importe quelle autre. Il laisse parler longuement les différents protagonistes sans jamais prendre la parole ni montrer aucune réaction. On dirait un sphinx. Chacun est agréablement surpris et a l’impression d’être entendu. Jusqu’au moment où, en fin de session, José Eduardo dos Santos annonce la date de son choix, pour reprendre l’exemple des élections, soulignant qu’elle a été choisie d’un commun accord…
L’État angolais, une entreprise familiale
Si le président angolais se comporte de cette façon, c’est parce qu’il « considère le pays comme sa propriété privée », résume, après s’être assurée de l’absence d’oreilles indiscrètes, une consœur journaliste angolaise. Et pour cause, José Eduardo dos Santos n’administre pas un État, il régit une entreprise familiale.
Depuis son arrivée à la tête de l’Angola en 1979 – je n’étais pas née, comme les trois quarts des Angolais –, le parrain a pris soin de distribuer richesses nationales et postes à responsabilités à ses proches. Si son deuxième enfant et premier fils, José Filomeno, a été bien servi avec le fonds souverain, c’est son aînée, Isabel, qui a reçu la plus grosse part du gâteau avec des positions dans l’industrie du diamant, les banques, les télécoms, l’immobilier et le commerce.
Les deux héritiers suivants, la députée Welwitschia dite Tchizé et l’artiste José Paulino de son nom de scène Coréon Dú, ne sont pas à plaindre. Ils sont omniprésents dans le domaine culturel et l’audiovisuel public. Une ex-compagne du président a pendant longtemps dirigé l’agence supervisant les investissements étrangers dans le pays.
Quant à l’actuelle Première dame, Ana Paula, une ancienne hôtesse de l’air, elle fait des affaires dans le secteur aérien et celui de la mode. Avec les trois enfants issus de son mariage avec José Eduardo, des jeunes d’une vingtaine d’années, ils sont les heureux propriétaires d’un luxueux institut de beauté à Luanda (le Deana Day Spa).
La fondation José Eduardo dos Santos et celle de la Première dame centralisent les actions de bienfaisance. De son côté, Isabel brille en tant que dirigeante de la Croix-Rouge en faisant venir à Luanda, le temps d’un gala de charité, la diva américaine Mariah Carey.
Isabel, la « princesse »
Isabel, c’est l’étoile de la famille et son visage séduisant à l’étranger. Si on la surnomme la princesse, c’est parce que sa vie a tout du conte de fées. Elle est riche (fortune estimée à trois milliards de dollars), intelligente (ingénieure polyglotte) et belle (en tailleur-pantalon comme en robe de soirée).
Métisse née de l’union entre José Eduardo dos Santos et une Russe, elle est mariée à un prince charmant, le Congolais Sindika Dokolo, collectionneur d’art et fils d’un banquier ayant fait fortune dans le Zaïre de Mobutu. Cosmopolite et globe-trotter, Isabel sait recevoir, comme lors d’une somptueuse fête d’anniversaire organisée dans un palace de Marrakech, mais aussi s’amuser au sein de la jet-set mondiale pendant le festival de Cannes.
N’allez pourtant pas croire qu’elle reste à la maison s’occuper des enfants. La fille aînée de José Eduardo dos Santos est une redoutable femme d’affaires, devenue la première Africaine milliardaire en 2013. Un jour, elle croise le fer avec le groupe espagnol CaixaBank pour prendre le contrôle de la banque BPI à Lisbonne. Le lendemain, elle intègre une délégation de deux-cents chefs d’entreprises angolais en visite officielle en Chine.
Le jour suivant, elle assiste à un forum des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Johannesburg. Vous comprenez pourquoi mes efforts pour la croiser ont mis du temps à porter leurs fruits. Par chance, je suis de passage en Afrique du Sud en même temps qu’elle en août 2013. C’est dans ce cadre que je la vois pour la première fois, soit un an et demi après mon arrivée à Luanda. En tant que patronne d’Unitel, le premier opérateur de téléphonie en Angola, elle participe à une table ronde avec d’autres pointures africaines, dont Johann Rupert, l’homme le plus riche d’Afrique du Sud, et Mo Ibrahim, milliardaire anglo-soudanais chantre de la bonne gouvernance.
Son intervention, dans un anglais parfait, dure à peine trois minutes. Souriante, elle se prête ensuite aux questions de la salle, sans jamais conserver la parole très longtemps. Comment encourager l’investissement dans les télécoms ? Quels sont les moteurs de la croissance africaine ? Quel est le rôle des femmes dans le développement ?
Facile, ce sont ses thèmes de prédilection. Elle est comme un poisson dans l’eau. « Isabel n’est pas qu’un exemple pour les femmes du continent mais bien pour tous les Africains », s’enthousiasme le modérateur du débat, Donald Kaberuka, le président de la Banque africaine de développement de l’époque. La salle est conquise. Les applaudissements fusent. Le tout sous les yeux de son mari, assis au premier rang dans le public. Isabel a le succès modeste, elle remercie l’assemblée sobrement. Comment est-elle devenue milliardaire avant 40 ans ? Je vous expliquerai cela un peu plus tard.
DES BOLIDES DE L'EQUATO-GUINÉEN THEODORIN OBIANG AUX ENCHÈRES EN SUISSE
Vingt-cinq bolides, saisis dans une enquête pour blanchiment visant Teodorin Obiang, fils du président de Guinée équatoriale, sont aux enchères dimanche en Suisse. Le produit de la vente doit revenir à un programme d'aide au pays ouest-africain.
Vingt-cinq bolides, saisis dans une enquête pour blanchiment visant Teodorin Obiang, fils du président de Guinée équatoriale, sont aux enchères dimanche en Suisse. Le produit de la vente doit revenir à un programme d'aide au pays ouest-africain.
La vente devrait rapporter gros.Vingt-cinq voitures de luxe de Teodorin Obiang, fils du président de Guinée équatoriale, que la justice genevoise a saisies dans une enquête pour blanchiment d'argent, sont aux mises enchères dimanche 29 septembre en Suisse, et devraient rapporter gros.
L'estimation globale est d'au moins 18,5 millions de francs suisses (plus de 17 millions d'euros).
"C'est une vente exceptionnelle. C'est une collection privée de supercars, avec des kilométrages extrêmement limités, parfois de livraison", a déclaré à l'AFP Philip Kantor, directeur du département Automobiles Europe de la maison britannique Bonhams, qui organise les enchères.
Sept Ferrari, trois Lamborghini, cinq Bentley, une Maserati et une McLaren sont parmi les véhicules proposés à la vente, qui se déroule dans un club de golf proche de Genève.
Les lots les plus chers sont deux hypercars qui furent dévoilées au salon de l'automobile de Genève en 2013 : une Lamborghini Veneno Roadster blanc cassé, évaluée entre 4,8 et 5,7 millions d'euros, et une Ferrari jaune (hybride), estimée entre 2,4 et 2,6 millions d'euros.
Tous ces bolides ont en commun d'avoir appartenu à Teodorin Obiang, vice-président de la Guinée équatoriale. Or dans ce petit pays pétrolier, où sévit l'une des plus graves corruptions au monde selon Transparency International, une grande partie de la population vit encore dans la pauvreté.
Procédure classée
Ces voitures ont également en commun d'avoir été confisquées par la justice genevoise après l'ouverture en 2016 d'une procédure pénale à l'encontre de Teodorin Obiang, et de deux autres personnes, pour "blanchiment d'argent et gestion déloyale des intérêts publics".
La procédure a finalement été classé en février, la justice genevoise et les autorités équato-guinéennes s'étant mis d'accord pour que les voitures soient vendues et que le produit de la vente soit affecté à un programme à caractère social en Guinée équatoriale.
Le pays a aussi accepté de verser à Genève 1,3 million de francs suisses (1,4 million d'euros) pour couvrir notamment les frais de procédure.
Cet État d'Afrique centrale est dirigé depuis quarante ans par le président Teodoro Obiang Nguema, 77 ans.
Il a été condamné en 2017 à Paris à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d'euros d'amende pour s'être frauduleusement bâti en France un patrimoine considérable (hôtel particulier parisien, voitures de course et de luxe, costumes de marque par dizaines, jets privés...) dans l'affaire dite des "biens mal acquis", jugement dont il a fait appel.
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ADIEUX JACQUES CHIRAC
Hommage solennel, messe à Saint-Sulpice et inhumation dans la stricte intimité : la France fait ses adieux officiels, lundi 30 septembre, à l'ancien président Jacques Chirac. Suivez en direct le déroulé de la journée de deuil national.
Hommage solennel, messe à Saint-Sulpice et inhumation dans la stricte intimité : la France fait ses adieux officiels, lundi 30 septembre, à l'ancien président Jacques Chirac. Suivez en direct le déroulé de la journée de deuil national.
Au lendemain de l'hommage populaire rendu aux Invalides à Jacques Chirac, l'ancien président de la République qui s'est éteint le 26 septembre, l'hommage solennel et officiel rassemblera, lundi 30 septembre, le gotha républicain au côté de 80 personnalités étrangères, chefs d'État et de gouvernement, anciens dirigeants et membres de famille royales. Suivez en direct notre édition spéciale et notre liveblog.
par Julie Owono
GARE À LA COLONISATION NUMÉRIQUE !
Avec l’assistance de sociétés étrangères, les programmes de surveillance se développent, sans que personne ne se demande où finissent les données personnelles des Africains ni ne s’inquiète de l’utilisation qui pourrait en être faite
Jeune Afrique |
Julie Owono |
Publication 29/09/2019
Les soupçons qui pèsent sur le chinois Huawei, accusé d'aider de nombreux États africains à surveiller les opposants et à réprimer les voix dissidentes, prouve l'urgence d'ouvrir un débat démocratique pour contrecarrer les risques que font peser la colonisation numérique en cours, bien plus sournoise que la précédente vague d’invasion.
Au cœur de la guerre commerciale que les États-Unis livrent à la Chine, la saga Huawei n’en finit pas d’apporter son lot de révélations. Selon la dernière en date, l’entreprise chinoise aiderait de nombreux États d’Afrique à surveiller et à réprimer les voix dissidentes. En Ouganda, des caméras de vidéosurveillance équipées de logiciels de reconnaissance faciale et d’outils d’espionnage de smartphones, fournis par Huawei avec service après-vente, auraient permis aux autorités de déjouer des manifestations et de démanteler des réseaux mobilisés contre le régime trentenaire de Yoweri Museveni.
Ces révélations ne surprennent pas les activistes qui dénoncent depuis longtemps la guerre que mènent certains États africains contre les activités numériques de leurs opposants, avec l’aide de firmes chinoises, allemandes ou israéliennes. Les esprits avisés entrevoient déjà que les outils qui paraissent aujourd’hui si pratiques aux États se retourneront contre eux et leurs populations dans un futur pas si lointain.
L’histoire a montré que tout système pensé en réaction à des menaces circonstancielles est porteur de danger. La précipitation et l’opacité qui entourent l’adoption des outils de surveillance de l’espace physique et numérique africain ne permettent pas de réflexion sur les dérives éventuelles.
Données personnelles
On estime que plus de la moitié des États du continent font état de lois sur les données personnelles insuffisamment protectrices, lorsqu’ils en sont pourvus. La question des biais sexistes et racistes dans les outils de reconnaissance faciale assistés par intelligence artificielle (IA) fait l’objet de nombreux débats dans le monde. Sauf semble-t-il en Afrique, où seuls les bienfaits de l’IA sont présentés.
Avec l’assistance de sociétés étrangères, les programmes de surveillance se développent à une vitesse fulgurante, sans que personne ne se demande où finissent les données personnelles des Africains ni ne s’inquiète de l’utilisation qui pourrait en être faite par les puissances entre les mains desquelles elles tombent. Personne ne se préoccupe de la nouvelle colonisation technologique et numérique, bien plus sournoise que la précédente vague d’invasion.
Les dirigeants africains devraient voir au-delà des bénéfices immédiats procurés par ces technologies. De vrais débats démocratiques doivent avoir lieu pour que chaque État décide des outils qui répondront aux enjeux de sécurité et de développement, tout en préservant les libertés des citoyens.
Julie Owono est avocate camerounaise, directrice exécutive d'Internet sans frontières
LE SIGNALEMENT EXPLOSIF DU LANCEUR D'ALERTE QUI ACCUSE TRUMP
Mediapart a traduit le signalement du lanceur d’alerte qui accuse Donald Trump d’avoir sollicité l’ingérence de l’Ukraine dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, alors que son entourage a tenté d’imposer le silence sur cette affaire
Mediapart a traduit le signalement du lanceur d’alerte qui accuse Donald Trump d’avoir sollicité l’ingérence de l’Ukraine dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, alors que son entourage a tenté d’imposer le silence sur cette affaire.
Étant donné le caractère explosif du rapport du lanceur d’alerte qui met actuellement le feu à la Maison Blanche, Mediapart a décidé de le traduire en français. Rendu public par la Chambre des représentants, ce document (lire ici l’original) accuse le président américain d’avoir sollicité l’ingérence de l’Ukraine dans la campagne pour l’élection présidentielle de 2020, alors que son entourage a tenté d’imposer le silence sur cette affaire. Nous l’avons traduit quasi intégralement, hormis des parties techniques sur les classifications et les notes de bas de page.
Et voici quelques repères chronologiques pour saisir l’ampleur de cette affaire :
– Le 12 août dernier, un lanceur d’alerte au sein des services de renseignement envoie le document traduit ci-après à l’inspecteur général de la communauté du renseignement (ICIG), Michael Atkinson. Il se dit inquiet des tentatives de Donald Trump de persuader son homologue ukrainien de s’ingérer dans la campagne présidentielle de 2020 en enquêtant sur un rival démocrate éventuel, l’ancien vice- président Joe Biden. Un mois plus tard, le Washington Post en révèle l’existence, mais sans donner le nom du dirigeant étranger ni le pays en question.
– Le 26 août, après avoir jugé cet informateur « crédible », Michael Atkinson transmet le signalement au directeur par intérim du renseignement national (DNI), Joseph Maguire, afin qu’il en informe le Congrès. Mais ce dernier, tout juste arrivé à son poste, laisse expirer
le délai de sept jours prévu par la loi qui protège les lanceurs d’alerte, sans le notifier aux parlementaires.
– Le 9 septembre,Michael Atkinson envoie une lettre aux commissions du renseignement de la Chambre des représentants et du Sénat pour les informer de cette plainte du lanceur d’alerte, sans révéler son contenu. Le même jour, une enquête est lancée par plusieurs commissions.
– Le 22 septembre, Donald Trump reconnaît avoir évoqué les accusations de corruption contre Joe Biden lors d’une conversation téléphonique avec le président ukrainien Volodymyr Zelenski.
– Le 24 septembre,Nancy Pelosi, la puissante « Speaker » de la Chambre des représentants, à majorité démocrate, lance la procédure d’« impeachment » contre le président.
– Le 26 septembre, le New York Times affirme que le lanceur d’alerte est un membre de la CIA affecté un temps à la Maison Blanche. « Je veux savoir qui est la personne qui a informé le lanceur d’alerte, a tonné Donald Trump. Parce que c’est quelqu’un qui est pratiquement un espion, a-t-il poursuivi. Vous savez ce que nous faisions au bon vieux temps quand nous étions intelligents, n’est-ce pas ? Les espions et la trahison, nous avions l’habitude de gérer ça un peu différemment de ce que nous faisons maintenant », a-t-il ajouté.
*** NON CLASSIFIÉ 12 août 2019
L’honorable Richard Burr Président Commission du renseignement Sénat des États-Unis
L’honorable Adam Schiff Président Commission du renseignement Chambre des représentants des États-Unis
Messieurs les présidents Burr et Schiff,
Je vous fais part d'une « préoccupation urgente » en accord avec les procédures prévues dans le 50 USC § 3033 (k) (5) (G) [Article de la loi sur les lanceurs d’alerte du renseignement – ndlr]. [...]
Dans l’exercice de mes fonctions, j’ai reçu des informations de plusieurs représentants du gouvernement des États- Unis selon lesquelles le président des États-Unis a fait usage de son pouvoir pour solliciter l’ingérence d'un pays étranger dans le cours des élections de 2020 aux États-Unis. Cette ingérence consiste notamment à faire pression sur un pays étranger pour qu’il enquête sur l’un des principaux rivaux politiques du président. L’avocat personnel du président, M. Rudolph Giuliani, est une figure centrale de cette initiative. Le procureur général Barr semble également impliqué.
Au cours des quatre derniers mois, plus d’une demi-douzaine de responsables américains m’ont informé de divers faits liés à cette initiative. Les informations fournies dans le présent document m’ont été transmises dans le cadre d’activités officielles entre différentes institutions. Il est courant pour les responsables américains responsables d’un secteur particulier, qu’il soit régional ou thématique, d’échanger de telles informations afin de nourrir l’élaboration des politique et les analyses.
Je n’ai pas été témoin direct de la plupart des événements décrits. Cependant, j’ai trouvé que les récits de mes collègues sur ces événements étaient crédibles, car, dans la plupart des cas, de nombreux responsables ont fait part de faisceaux de faits cohérents entre eux. En outre, toute une série d’informations conformes à ces récits privés ont été rapportées publiquement.
Je suis très préoccupé par le fait que les actions décrites ci-dessous constituent “un problème grave ou flagrant, un abus ou une violation de la loi ou d’un décret” qui “n’inclut pas de divergences d’opinions concernant des questions d'intérêt public”, conformément à la définition de “préoccupation urgente” incluse dans le 50 USC § 3033 (k) (5)
(G) Je m’acquitte donc de mon devoir de communiquer ces informations aux autorités compétentes par les voies légales.
Je suis également préoccupé par le fait que ces actions constituent un risque pour la sécurité nationale des États-Unis et sapent les efforts du gouvernement américain pour dissuader et contrer les ingérences étrangères dans les élections américaines.
[...]
I. L’appel présidentiel du 25 juillet
Tôt dans la matinée du 25 juillet, le président s’est entretenu par téléphone avec le président ukrainien Volodymyr Zelenski. Je ne sais pas qui a initié l’appel. Il s’agissait du premier appel reconnu publiquement entre les deux dirigeants depuis un bref appel de félicitations à la suite de la victoire de M. Zelenski à la
présidentielle le 21 avril.
Plusieurs responsables de la Maison Blanche, qui ont eu connaissance directe de l’appel, m’ont informé que, après un premier échange de plaisanteries, le président avait passé le reste du temps à défendre ses intérêts personnels. C’est- à-dire qu’il a cherché à faire pression sur le dirigeant ukrainien pour que ce dernier agisse afin de l’aider dans sa tentative de réélection en 2020. Selon les responsables de la Maison Blanche qui
étaient au courant de l’appel, le président a fait pression sur M. Zelenski pour qu’il, entre autres :
– lance ou poursuive l’enquête sur les activités de l’ancien vice-président Joseph Biden et de son fils, Hunter Biden ;
– l’aide à prétendument dévoiler que les accusations sur l’ingérence russe dans les élections américaines de 2016 ont leur origine en Ukraine, avec une demande spécifique que le dirigeant ukrainien localise et remette les serveurs utilisés par le Comité national démocrate et examinés par l’entreprise de cybersécurité CrowdStrike, qui avait initialement indiqué que des pirates informatiques russes avaient pénétré dans les réseaux de la DNC en 2016 ;
– rencontre ou parle avec deux personnes que le président a nommées explicitement comme ses émissaires sur ces sujets, M. Giuliani et le procureur général Barr, auxquels le président a fait référence à plusieurs reprises.
Le président a également fait l’éloge du procureur général ukrainien, M. Iouri Loutsenko, et a suggéré que M. Zelenski puisse le maintenir à son poste. (Note : à partir de mars 2019, M. Loutsenko a fait une série de déclarations publiques – sur nombre d’entre elles il s’est rétracté par la suite – au sujet des activités de la famille Biden en Ukraine, la prétendue implication de responsables ukrainiens dans l’élection américaine de 2016 et les activités de l’ambassade américaine à Kiev. Voir la partie IV pour plus de précisions.)
Les responsables de la Maison Blanche qui m’ont fait part de cette information ont été profondément troublés par ce que laissait deviner l’appel téléphonique. Ils m’ont dit qu’il y avait une « discussion en cours » avec des avocats de la Maison Blanche sur la manière de traiter l’appel, car il était probable qu’ils aient été témoins de l’abus commis par le président pour son bénéfice personnel.
La partie ukrainienne a été la première à reconnaître publiquement l’appel téléphonique. Dans la soirée du 25 juillet,
un communiqué a été publié sur le site du président ukrainien contenant la phrase suivante (traduction à partir de l’original en russe) :
– “Donald Trump a exprimé sa conviction que le nouveau gouvernement ukrainien sera capable d’améliorer rapidement l’image de l’Ukraine et d’achever l’enquête sur des cas de corruption qui ont entravé la coopération entre l’Ukraine et les États-Unis.”
À part les “cas” mentionnés ci-dessus qui concerneraient prétendument la famille Biden et les élections américaines de 2016, des responsables de la Maison Blanche m’ont informé qu’aucun autre “cas” n’avait été discuté.
D’après ce que j’ai compris, environ une douzaine de fonctionnaires de la Maison Blanche ont écouté l’appel – un mélange de responsables et d’officiers en service se trouvant dans la “salle de crise” de la Maison Blanche, comme c’est l’usage. Les responsables à qui j’ai parlé m’ont dit que la présence à ce coup de téléphone n’avait pas été restreinte à l’avance, car tout le monde s’attendait à ce que ce soit un appel “de routine” avec un dirigeant étranger. Je ne sais pas si quelqu’un était physiquement présent avec le président pendant l’appel.
– En plus du personnel de la Maison Blanche, on m’a dit qu’un responsable du département d’État, M. Ulrich Brechbuhl, a également écouté l’appel.
– Je n’étais pas le seul responsable hors Maison Blanche à avoir reçu un compte-rendu de l’appel. D’après ce que j’ai compris, plusieurs fonctionnaires du département d’État et de la communauté du renseignement ont également été informés du contenu de l’appel comme décrit précédemment.
« Verrouiller » tous les enregistrements de l’appel téléphonique
II. Tentatives visant à restreindre l’accès aux enregistrements liés à l’appel
Dans les jours qui ont suivi l’appel téléphonique, de nombreux hauts responsables américains m’ont appris que de hauts responsables expérimentés de la Maison Blanche étaient intervenus pour « verrouiller » tous les enregistrements de l’appel téléphonique, en particulier la transcription officielle mot à mot de l’appel qui avait été faite – comme il est de coutume – par la “salle de crise” de la Maison Blanche. Ces agissements m’ont fait comprendre que les hauts responsables de la Maison Blanche avaient compris la gravité de ce qu’il s’était passé au cours de l’appel.
Les hauts responsables de la Maison Blanche m’ont dit qu’ils avaient “reçu l’ordre” de la part des avocats de la Maison Blanche de retirer la transcription numérique du système informatique dans lequel ces transcriptions étaient généralement stockées à fin de coordination, finalisation et distribution parmi les membres du cabinet.
Au lieu de cela, la transcription a été mise sur un système informatique distinct, qui est par ailleurs utilisé pour stocker et traiter des informations classifiées de nature particulièrement sensible. Un haut responsable de la Maison Blanche a estimé que cet acte constituait une utilisation abusive de ce système informatique, car l’appel ne contenait aucun élément sensible du point de vue de la sécurité nationale.
Je ne sais pas si des mesures similaires ont été prises pour restreindre l’accès à d’autres comptes-rendus de l’appel, tels que les notes manuscrites prises au même moment par ceux qui écoutaient.
III. Préoccupations actuelles
Le 26 juillet, au lendemain de l’appel, le représentant spécial américain pour les négociations sur l’Ukraine, Kurt Volker, s’est rendu à Kiev et a rencontré le président Zelenski et diverses personnalités politiques ukrainiennes. L’ambassadeur Volker était accompagné lors de ces réunions par l’ambassadeur des États-Unis auprès de l’Union européenne, Gordon Sondland.
Selon plusieurs comptes-rendus de ces réunions rapportés par divers responsables américains, les ambassadeurs Volker et Sondland auraient conseillé les dirigeants ukrainiens sur la manière de s’y “retrouver” parmi les demandes adressées par le président à M. Zelenski.
J’ai également appris par l’entremise de plusieurs responsables américains que, vers le 2 août, M. Giuliani se serait rendu à Madrid pour rencontrer un des conseillers du président Zelensky, Andrei Yermak. Les responsables américains ont qualifié cette réunion, qui n’avait pas été rendue publique à l’époque, de “prolongement direct” de la conversation téléphonique entre le président et M. Zelenski concernant les “affaires” qu’ils avaient évoquées.
Par ailleurs, de nombreux responsables américains m’ont dit que M. Giuliani aurait établi des contacts privés avec différents conseillers de Zelenski, notamment le chef d’état-major Andrei Bohdan et le président par intérim des services de sécurité ukrainien Ivan Bakanov.
Je ne sais pas si ces responsables ont rencontré ou ont parlé à M. Giuliani, mais plusieurs responsables américains m’ont dit que M. Yermak et M. Bakanov avaient l’intention de se rendre à Washington à la mi-août.
Le 9 août, le président a déclaré aux journalistes : “Je pense que le président Zelenski va conclure un accord avec le président Poutine. Il sera invité à la Maison Blanche. Nous sommes impatients de le voir. Il a déjà été invité à la Maison Blanche et il veut venir. Et je pense qu’il le fera. C’est un homme très raisonnable. Il veut voir la paix en Ukraine et je pense qu’il va venir très bientôt en fait.”
IV. Circonstances précédant l’appel téléphonique présidentiel du 25 juillet
À partir de la fin mars 2019, une série d’articles a été publiée dans le journal en ligne The Hill. Dans ces articles, plusieurs hauts responsables ukrainiens – notamment le procureur général Youri Loutsenko – ont formulé
une série d’accusations contre d’autres responsables ukrainiens et d’actuels et anciens responsables américains. M. Loutsenko et ses collègues ont notamment déclaré :
– qu’ils possédaient des preuves que de hauts responsables ukrainiens – à savoir le chef du Bureau national de lutte contre la corruption en Ukraine, Artem Sytnyk, et le député Serhiy Leshchenko – s’étaient “ingérés” dans l'élection présidentielle américaine de 2016, apparemment en collaboration avec le Comité national démocrate et l’ambassade américaine à Kiev.
– que l’ambassade des États-Unis à Kiev – en particulier l’ambassadrice des États-Unis Marie Yovanovitch, qui avait critiqué M. Loutsenko pour son bilan médiocre en matière de lutte contre la corruption – avait fait entrave à la la justice ukrainienne dans certaines affaires de corruption, notamment en fournissant une liste d’individus à “ne pas poursuivre en justice”, et avait empêché les procureurs ukrainiens de se rendre aux États-Unis afin de présenter leurs “éléments de preuve” concernant les élections américaines de 2016.
– que l’ancien vice-président Biden avait exercé des pressions sur l’ex- président ukrainien Petro Porochenko en 2016 pour qu’il limoge le procureur général ukrainien Viktor Shokin, ceci afin d’annuler une enquête criminelle sur Burisma Holdings, une entreprise d’énergie ukrainienne au conseil d’administration de laquelle était présent le fils de l’ancien vice-président, Hunter Biden.
Dans plusieurs déclarations publiques, M. Loutsenko a également déclaré qu’il souhaitait échanger directement avec le procureur général Barr à ce sujet.
Les accusations de M. Lutsenko ont été prononcées à la veille du premier tour de l’élection présidentielle ukrainienne, le 31 mars. À ce moment-là, le président Porochenko, parrain politique de M. Loutsenko, talonnait M. Zelenski dans les sondages et semblait susceptible d’être vaincu. M. Zelenski avait fait savoir qu’il souhaitait le remplacement de M. Loutsenko au poste de procureur général. Le 21 avril, M. Zelenski a battu largement M. Porochenko.
– Il a également été révélé que M. Giuliani avait rencontré M. Loutsenko à au moins deux reprises : une fois à New York fin janvier et une autre fois à Varsovie à la mi- février. En outre, il a été rapporté que M. Giuliani avait parlé fin 2018 avec l’ancien procureur général Shokin dans le cadre d’une conversation Skype organisée par deux associés de M. Giuliani.
– Le 25 avril, dans un entretien accordé à Fox News, le président Trump a qualifié les déclarations de M. Loutsenko d’“énormes” et d’“incroyables” et a déclaré que le procureur général “voudrait voir cela”.
Vers le 29 avril, de hauts responsables américains, directement informés de la situation, m’ont appris que l’ambassadrice Yovanovitch avait été soudainement rappelée à Washington par des hauts fonctionnaires expérimentés du département d’État pour “consultations”, et qu’elle serait très probablement démise de ses fonctions.
– À peu près au même moment, un responsable américain m’a également appris que des “associés” de M. Giuliani essayaient de prendre contact avec la nouvelle équipe de Zelenski.
– Le 6 mai, le département d’État a annoncé que l’ambassadrice Yovanovitch mettrait fin à sa mission à Kiev “comme prévu”.
– Cependant, plusieurs hauts responsables américains m’ont dit qu’en fait sa mission avait été interrompue à cause des pressions découlant des accusations de M. Loutsenko. M. Giuliani a par la suite déclaré dans une interview avec un journaliste ukrainien publiée le 14 mai que l’ambassadrice Yovanovitch avait été “limogée... parce qu’elle était partie prenante des agissements contre le président”.
Les agissements de Rudy Giuliani, avocat personnel de Donald Trump
Le 9 mai, le New York Times a annoncé que M. Giuliani prévoyait de se rendre en Ukraine afin de faire pression sur le gouvernement ukrainien pour qu’il poursuive des enquêtes qui pourraient aider le président dans sa candidature à la réélection en 2020.
– Dans la multitude de ses déclarations publiques qui ont précédé et suivi la publication de cet article, M. Giuliani a confirmé qu’il souhaitait avant tout encourager les autorités ukrainiennes à ouvrir une enquête sur les accusations d’ingérence de l’Ukraine dans les élections américaines de 2016 et d’actes répréhensibles présumés de la part de la famille Biden.
– Dans l’après-midi du 10 mai, le président Trump a déclaré dans un entretien avec Politico qu’il envisageait de s’entretenir avec M. Giuliani sur son voyage.
– Quelques heures plus tard, M. Giuliani a annoncé qu’il annulait son voyage, affirmant que M. Zelenski était “entouré d’ennemis du président [américain]... et des États-Unis”.
Le 11 mai, M. Loutsenko a rencontré le nouveau président Zelenski pendant deux heures, selon un témoignage rendu public plusieurs jours plus tard par M. Loutsenko. M. Loutsenko a déclaré qu’il avait dit à M. Zelensky qu’il souhaitait rester à son poste de procureur général.
À partir de la mi-mai, de nombreux hauts responsables américains ont été profondément préoccupés par ce qu’ils considéraient comme le détournement par M. Giuliani des procédures de prise de décision en matière de sécurité nationale, afin de dialoguer avec les responsables ukrainiens et de relayer les messages entre Kiev et le président Trump. Ces hauts responsables m’ont également dit :
– que des responsables du département d’État, notamment les ambassadeurs Volker et Sondland, avaient parlé à M.
Giuliani dans le but de “limiter les dégâts” causés à la sécurité nationale des États- Unis.
– que les ambassadeurs Volker et Sondland, au cours de cette période, ont rencontré des membres de la nouvelle administration ukrainienne et, en plus de discuter de questions de politique générale, ont également cherché à aider les dirigeants ukrainiens à comprendre les messages divergents qu’ils recevaient des canaux américains officiels d’un côté, et de M. Giuliani de l’autre, et à y répondre.
Au cours de la même période, de nombreux hauts responsables américains m’ont dit que les dirigeants ukrainiens avaient été amenés à croire qu’une réunion ou un appel téléphonique entre le président et le président Zelenski dépendraient de la volonté de Zelenski de “jouer le jeu” sur les questions qui avaient été exposées publiquement par Loutsenko et Giuliani.
Peu après l’investiture du président Zelenski, M. Giuliani aurait rencontré deux autres responsables ukrainiens : le procureur spécial ukrainien chargé de la lutte contre la corruption, M. Nazar Kholodnytskyy, et un ancien diplomate ukrainien, Andrei Telizhenko. Kholodnytskyy et Telizhenko sont tous deux des alliés de M. Loutsenko et ont formulé des accusations similaires dans la série d’articles de The Hill sus- mentionnée.
Le 13 juin, le président a déclaré à George Stephanopoulos de la chaîne ABC qu’il accepterait des informations préjudiciables sur ses rivaux politiques provenant d’un gouvernement étranger.
Le 21 juin, M. Giuliani a tweeté : “Le nouveau président ukrainien reste silencieux sur l’enquête relative à l’ingérence ukrainienne en 2016 et à la corruption présumée par Biden de Porochenko. Il est temps de diriger et d’enquêter sur les deux si vous voulez découvrir comment l’Ukraine a été maltraitée par Hillary Clinton et son entourage.”
À la mi-juillet, j’ai appris un changement soudain de politique concernant l’aide américaine à l’Ukraine. »
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DÉBAT AVEC KAKO NUBUKPO
L’Afrique est-elle instrumentalisée comme laboratoire du néolibéralisme, avec la complicité active ou passive de ses propres élites ? Comment promouvoir un espace de réflexion plurielle et endogène sur les économies africaines ?
L’Afrique subsaharienne est la seule région du monde où la population extrêmement pauvre a doublé en cinquante ans. Si croissance il y a, elle est loin de profiter à l’ensemble des habitants. L’Afrique est-elle instrumentalisée comme laboratoire du néolibéralisme, avec la complicité active ou passive de ses propres élites ? Comment promouvoir un espace de réflexion plurielle et endogène sur les économies africaines et leurs perspectives de prospérité ?
La Fondation en débat avec : • Kako Nubukpo, directeur de l’Observatoire de l’Afrique subsaharienne de la Fondation, ancien ministre de la prospective du Togo, auteur de "L’urgence africaine. Changeons le modèle de croissance" (Éditions Odile Jacob, septembre 2019),
• Caroline Roussy, chercheure à l'Iris,
• Martial Ze Belinga, économiste et sociologue, lors d’une rencontre publique animée par Alexandre Minet, coordinateur du secteur International de la Fondation.
Reconnue d’utilité publique dès sa création en 1992, la Fondation Jean-Jaurès est la première des fondations politiques françaises. Lieu de réflexion, de dialogue et d’anticipation, elle agit depuis vingt-cinq ans pour construire un monde plus démocratique, comprendre l’histoire du mouvement social et ouvrier et inventer les idées de demain.
PAR Tierno Monénembo
MUGABE, SÉKOU TOURÉ, LE FLN ET LES AUTRES
Disons-le une fois pour toutes parce que c'est aussi évident que le nez au milieu du visage : ce sont nos nationalistes les plus radicaux qui ont démoli nos nations
Détrompons-nous, l'Afrique n'est pas le continent que l'on croit. C'est Ouroboros, vous savez, ce serpent de la mythologie qui se mord la queue. Disons-le une fois pour toutes parce que c'est aussi évident que le nez au milieu du visage : ce sont nos nationalistes les plus radicaux qui ont démoli nos nations. Regardez la Guinée de Sékou Touré ! Regardez l'Algérie du FLN ! Regardez le Zimbabwe de Mugabe ! Tous des régimes de gauche, comme par hasard ! Sans doute, les pires de nos catastrophiques indépendances !
Une époque charnière
Me revient à l'esprit le constat amer que me faisait le célèbre économiste Samir Amin, en marge d'un colloque tenu à Alger en 2012, sur Frantz Fanon : « Malheureusement, le bilan est plus positif de l'autre côté. » Maintenant que la cruelle réalité a eu raison du concert des théories faciles et des flonflons de la démagogie, reconnaissons que Bourguiba, Senghor, Houphouët-Boigny et Jomo Kenyatta ont mieux fait que les autres. On peut certes leur reprocher d'avoir flirté avec le colon et d'avoir manqué d'idéalisme panafricain, mais leur bilan s'impose de lui-même. Ces messieurs ont favorisé l'éducation et la culture, jeté les bases d'un essor aussi bien agricole qu'industriel et surtout, surtout, préservé la trame sociale, la seule clef qui ouvre sur une perspective d'avenir. En tout cas, la Tunisie et le Maroc se portent mieux que l'Algérie ; le Sénégal et la Côte d'Ivoire, mieux que la Guinée, le Botswana et le Kenya, mieux que le Zimbabwe. L'état de déliquescence dans lequel se trouvent les pays dits révolutionnaires est tel qu'ils sont devenus, de fait, moins indépendants que les autres.
À chaque dictature son complot
Nos révolutionnaires ont débuté non pas avec du plomb dans l'aile, mais avec deux balles dans les pieds. Deux balles en forme de petites phrases, de celles qui ont tué l'époque. D'abord, celle de L'Internationale : « Du passé, faisons table rase. » Celle de Lénine, ensuite : « Le sang est le combustible de l'histoire. » Ils ont commencé par démolir la société traditionnelle sous le prétexte qu'elle était archaïque sans se douter que leur idéologie d'emprunt était bien plus archaïque. Et ils se sont mis à couper les têtes avec la frénésie des coupeurs de canne. À chaque dictature, son complot. Chez Staline, « le complot juif ». Chez Sékou Touré, « le complot peul ». Chez Boumediene, « le complot berbère ». Chez Mugabe, « le complot matabele ». Le bébé a besoin de lait pour grandir, ces messieurs-là, de boucs émissaires. Tout est de la faute de l'autre : de l'impérialisme, du colonialisme, de la pluie, du vent, du coq qui chante, de la tribu d'en face. Ces gens ont raison, toujours raison, surtout quand ils conduisent leurs peuples droit au mur. Jamais de remords, jamais d'excuses ! Tout est parfait chez ces gens-là : Dieu, au ciel ; eux, sur terre !
Évidemment, il y aura toujours des ethnologues, des sociologues – pourquoi pas des tératologues ? – pour justifier la barbarie et défendre l'indéfendable. Normal, ce sont des intellectuels, donc des individus dont la démagogie est la raison de vivre. Et qu'est-ce qui est plus démagogue qu'un intellectuel ? Un intellectuel africain ! OK, ces héros aux mains tachées de sang ont brillamment libéré leurs peuples du joug colonial. OK, ce sont eux et personne d'autre qui nous ont rendu notre fierté d'Africains ! Cela ne fait pas d'eux les propriétaires de notre sol et de notre sous-sol, de notre mémoire et de notre âme.
Cela dit, une terrible question demeure. Comment les Guinéens réussiront-ils un jour à concilier le prestigieux Sékou Touré du 28 septembre 1958 au sordide Sékou Touré tribaliste et bavant de haine du camp Boiro ? Comment l'Algérie réussira-t-elle à concilier les merveilleux enfants de la Toussaint avec cette bande d'affairistes et criminels qui prend un malin plaisir à ruiner l'Algérie ? Comment le Zimbabwe réussira-t-il à concilier le Titan de la lutte contre les racistes blancs de la Rhodésie avec le génocidaire du Matabeleland, le millionnaire de Singapour, l'époux de Grace, la scandaleuse. Ce n'est pas à moi de répondre. Le seul juge, c'est l'histoire.
Tierno Monénembo, 1986, grand prix littéraire d'Afrique noire ex aequo, pour « Les Écailles du ciel » ; 2008, prix Renaudot pour « Le Roi de Kahel » ; 2012, prix Erckmann-Chatrian et grand prix du roman métis pour « Le Terroriste noir » ; 2013, grand prix Palatine et prix Ahmadou-Kourouma pour « Le Terroriste noir » ; 2017, grand prix de la francophonie pour l'ensemble de son œuvre.