La Commission d’enquête parlementaire (créée par résolution n° 01/2024 de ce mercredi 31 janvier 2024) s’est réunie, le jeudi 1 février 2024, à 17 heures, dans la salle de la Commission des Finances, à l’effet de former son bureau ainsi composé:
Président: Monsieur Abdou Mbow, Président du Groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar;
Vice-président: Monsieur Mamadou Lamine Thiam, Président du Groupe parlementaire Liberté Démocratie et Changement:
Rapporteur: Monsieur Saliou Dieng, membre du Groupe parlementaire Liberté Démocratie et Changement
Les autres membres de la Commission sont :
1. M. Ibrahima Baba SALL: Benno Bokk Yaakar:
2. M. Seydou Diouf: Benno Bokk Yaakar:
3. M. Cheikh Seck: Benno Bokk Yaakar;
4. Mme Astou Niaye: Benno Bokk Yaakar:
5. Moussa Diakhaté: Benno Bokk Yaakar:
6. Mme Syra Ndoye Sall: Représentante des Non-inscrits.
Pour rappel, ladite commission vise à élucider les conditions d’élimination de certains candidats à l’élection présidentielle du 25 février prochain.
Le BigDeal
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SÉNÉGAL AUJOURD'HUI ET DEMAIN
Initiative d'un débat public structuré à cheval entre 2023 finissant avec son lot d'incertitudes et ses promesses d'un Sénégal du pétrole et du gaz pour… 2024 et ses bonnes résolutions
C'est assurément le « Débat de l'Année », si bien nommé « Le BigDeal ». Initiative d'un débat public structuré à cheval entre 2023 finissant avec son lot d'incertitudes et ses promesses d'un Sénégal du pétrole et du gaz pour… 2024 et ses bonnes résolutions.
Avec *Dr. Mame Aby Seye - Déléguée Générale DER/FJ
*Dr. Mabouba Diagne - Banquier International d'Investissement, Vice-président BIDC, Entrepreneur et Fondateur des Fermes « Gade gui »,
*Omar Dioum - Administrateur Directeur Général de FBNBank - Sénégal,
*Mouhamed Bachir Niang - Entrepreneur et Président du CNE (Conseil National de l'Entrepreneuriat)
Présentation : Abdoulaye Cissé.
LES INSUFFISANCES D'UN SYSTÈME JUDICIAIRE SOUS TENSION
RAPPORT SENEPLUS D’ANALYSE PRÉ-ÉLECTORALE - Le contentieux pré-électoral a dévoilé à la fois des points positifs et négatifs dans son traitement, soulevant des enjeux structurels pour la démocratie
(EXCLUSIF SENEPLUS) - Le présent rapport est le troisième du genre, et le dernier avant l’élection présidentielle du 25 février 2024. Il porte sur l’événement majeur intervenu depuis un mois, qui est la collecte des parrainages et les suites judiciaires de celle-ci. Au-delà de l’aspect topique et contentieux de cette phase du processus, il sera question, dans une perspective plus « structurelle », d’identifier des goulots d’étranglement de la démocratie électorale sénégalaise mais également de repérer, s’il y’a lieu, des motifs de satisfaction dans l’évolution récente de la situation politique sénégalaise.
Sur la base de ce tableau général, des recommandations seront faites.
II – Analyse du traitement judiciaire du contentieux préélectoral
Le contentieux déféré au Conseil constitutionnel (juge essentiel du processus préélectoral) mais aussi à la Cour suprême (qui a été saisie dans le cadre de la contestation du décret présidentiel renouvelant la composition de la CENA) a mis en évidence, dans son traitement, des points positifs (entendus comme éléments de renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit) et des points sans doute négatifs (dans la mesure où ils cristallisent ou suscitent des désaccords profonds).
Points positifs
Dans les deux décisions majeures qu’il a eu à rendre dans le cadre de la préparation de l’élection – décisions du 12 et du 20 janvier 2024 -, le Conseil constitutionnel a réglé deux questions d’une manière propre à contribuer à un apaisement de la situation préélectorale.
La première est la garantie des droits du candidat lorsque des carences observées dans son dossier sont imputables à l’Administration. La juridiction était attendue sur ce point, qui concernait directement le principal opposant, Ousmane Sonko. Ayant essuyé plus d’une fois le refus de la Direction générale des Elections (DGE) et de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) de faire diligence dans la perspective de la constitution de son dossier de candidature, ce candidat avait été, de fait, mis dans l’obligation de présenter un dossier incomplet. Le juge a toutefois refusé de le sanctionner pour la raison, écrit-il, que « ce fait ne saurait lui être reproché, puisqu’il est indépendant de sa volonté » (§ 16 de la décision du 20 janvier 2024). Ce faisant, le Conseil se situe dans la continuité d’une décision qu’il avait rendue le 15 avril 1998.
La seconde décision qui peut contribuer à détendre l’atmosphère est l’admission, à défaut d’Ousmane Sonko, de candidats qui lui sont proches, et qui sont notamment trois : Habib Sy, Cheikh Tidiane Dièye et Bassirou Diomaye Faye. Il convient sans doute de se féliciter d’une telle présence dans l’élection car après la dissolution du principal d’opposition (« Pastef ») et l’arrestation de nombre de ses dirigeants, le spectre d’une élimination totale de ce courant dans l’élection a plané. Il est heureux, pour le caractère compétitif du scrutin, que cette négation du pluralisme n’ait pas eu lieu.
A côté de ces sujets de satisfaction, il existe des raisons de s’inquiéter du traitement judiciaire du contentieux préélectoral.
Points préoccupants
Il est possible de relever quatre sujets d’inquiétude à cet égard.
Le premier concerne la décision de la Cour suprême rendue le 3 janvier 2024 contre M Ndiaga Sylla, expert électoral et simple citoyen.
Ce dernier avait, avec d’autres dans un premier temps, saisi la Cour pour l’annulation du décret présidentiel pris à la fin de l’année 2023, qui a procédé au remplacement de la totalité de l’équipe de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA). On rappelle que ce décret avait été pris suite à l’injonction, faite par l’équipe sortante, de remettre au mandataire de M Sonko des fiches de parrainage, après que la justice eût demandé sa réinscription sur les listes électorales. Or, M Sylla - qui critiquait le fait que de nouveaux membres de la CENA avait affiché des convictions politiques dans le passé et qu’au moins un des membres ne pouvait être « limogé » du fait que son mandat était en cours de validité - a vu sa demande rejetée au motif, dit la Cour, qu’il n’avait pas d’intérêt à agir.
Une telle motivation est bien entendu très discutable car cela revient à dire qu’un électeur n’a pas intérêt à ce que le processus même de l’élection soit, de son point de vue, transparent, ce qui passe par l’impartialité des organes chargés de le surveiller. Ce faisant, la cour suprême a eu une conception particulièrement restrictive et logiquement contestable de l’intérêt à agir. Il est certain qu’une telle vision des choses ne contribue pas à favoriser une implication purement civique dans le processus électoral.
Un deuxième motif d’inquiétude concerne le comportement de l’Administration et la sanction – ou pas – attachée à ce comportement.
Il s’agit précisément du refus persistant de la DGE et de la CDC de permettre à un candidat de constituer son dossier, alors même qu’une décision de justice lui avait reconnu un tel droit. On a vu que le Conseil constitutionnel a refusé d’en faire subir les conséquences au candidat, mais le vrai problème est celui des suites réservées à un tel comportement de la part des autorités administratives. En d’autres termes, le tout n’est pas de dire qu’un candidat empêché peut tout de même voir son dossier admis, il est aussi de savoir si le comportement affiché par l’Administration en cause ne doit pas être fustigé ou sanctionné. Le Conseil constitutionnel n’a pas traité de ce point précis, alors qu’il aurait sans doute dû le faire. Ce silence peut signifier qu’à l’avenir, l’Administration pourra violer les règles du processus électoral sans coup férir, le Conseil n’ayant pas eu à critiquer – a fortiori à parler de sanctions - les libertés que des fonctionnaires se sont données.
La décision du 20 janvier 2024, celle qui statue définitivement sur les candidatures, révèle un « taux d’élimination » plutôt élevé et les motifs mêmes de ces éliminations peuvent parfois susciter une forme de frustration.
Il faut d’abord rappeler le verdict final, qui est le suivant :
10 demandes déclarées irrecevables
29 demandes rejetées (c’est-à-dire estimées mal – fondées)
20 candidats finalement admis.
Il faut cependant, préalablement, clarifier un point, relatif au principe même d’une sélection par le parrainage. Au départ, près de 90 candidatures ont été enregistrées. Il est évident qu’un tel nombre est élevé et que dans de telles conditions, un « écrémage » peut s’imposer. Nul ne conteste donc qu’une sélection des candidatures soit une nécessité et à vrai dire, il n’y a pas vraiment une forte position hostile au parrainage lui-même.
Le problème, à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, est plutôt de savoir pourquoi et comment les candidatures sont rejetées. Sur ce point, et en poursuivant toujours l’analyse de la décision, deux ordres de motifs de rejet peuvent être relevés :
les rejets fondés sur des questions purement techniques, liées au maniement de l’outil informatique (au moins 8 cas) ;
les rejets fondés sur ce qu’on pourrait appeler le théorème de « la différence entre l’inscription sur le fichier et l’identification sur le fichier ». L’idée est la suivante : on peut être inscrit sur le fichier mais si au moment de la collecte des parrainages, des erreurs se glissent dans la transcription des données de l’électeur, le système « refuse d’identifier » le parrain, et celui-ci n’est pas comptabilisé (au moins 5 cas).
Beaucoup de candidats ont manifestement été « surpris » par cette règle. Ajoutons que d’autres ont été victimes des aléas de l’outil informatique et de la délicatesse de son maniement.
On ne discutera pas longuement de la « légitimité » de tels motifs de rejet mais l’élection de cette année a au moins mis en évidence, dans une proportion plus spectaculaire que celle de 2019, la nécessité d’élucider les règles techniques du parrainage. Rien ne s’oppose, par exemple, à ce que le juge des parrainages ou l’Administration en charge des élections organise des rencontres avec les acteurs politiques – séminaires d’initiation – afin de réduire le risque de rejets massifs fondés sur des motifs qui peuvent laisser pantois le non-averti.
Il en a en définitive résulté un lourd contentieux préélectoral, qu’il n’est plus question de traiter judiciairement compte tenu de l’épuisement des voies de recours, mais qui contribuera à vicier le climat de l’élection.
A la suite de la décision du 20 janvier 2024, le PDS, dont le candidat, Karim Wade, a de nouveau été « recalé », a non seulement demandé la « dissolution » du Conseil constitutionnel et nommément mis en cause deux de ses membres, mais un « Front » des « recalés » regroupant 41 personnes a protesté auprès de chancelleries établies à Dakar – parfois partenaires dans le cadre du financement des élections – et décidé de porter l’action au plan international. S’ils ne doutent, d’ores et déjà, de la fiabilité des résultats de l’élection du 25 février, certains membres de ce Collectif ont déjà suscité une forme de bipolarisation de la compétition en appelant dès à présent à battre le candidat du pouvoir. Nombre d’hommes politiques, même ayant réussi à franchir le cap du parrainage, n’hésitent pas à critiquer sinon ce mode de sélection, du moins les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel le fait opérer.
En définitive, les récentes évolutions de la situation politique et préélectorale sénégalaise laissent apparaître un problème qui, s’il n’était pas rapidement éradiqué par une clarification des règles du jeu, pourrait devenir cyclique ou structurel : le problème de l’ « inclusivité » de l’élection présidentielle, avec le jeu de deux techniques de sélection et donc d’exclusion : le parrainage et les conséquences de condamnations pénales sur l’éligibilité des personnes (dispositions du Code électoral, articles L.28 à L.31, L. 125… ). La question s’est posée en 2019, elle se pose de nouveau en 2024.
Recommandations
Eu égard à ce tableau et à la veille de l’élection présidentielle, les recommandations suivantes sont faites :
Promouvoir une éthique de la campagne électorale à travers une « Charte » que les candidats doivent s’engager à respecter. Pour l’essentiel, ce Document portera sur la prohibition de la violence physique et verbale, appel à l’esprit d’ouverture et de responsabilité des leaders, prohibition de déclarations de nature à exacerber des tensions ou à préjuger des résultats de l’élection
Mener des campagnes de sensibilisation à l’endroit des citoyens : importance du vote et promotion de la paix et du respect mutuel ;
Dépasser la conjoncture actuelle et travailler ultérieurement, selon des modalités à déterminer, sur les limites structurelles de la démocratie sénégalaise et du processus électoral dans son ensemble, telles qu’elles ont été retracées dans les différents rapports d’analyse périodiques.
Ci-dessous, le rapport de décembre précédemment publié en trois volets et celui de janvier plus bas :
NOTRE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET ASSEMBLÉE NATIONALE DÉSHONORÉS
Ce séisme contre notre République et nos institutions, n’a d’autre but que de rebattre les cartes pour déboulonner ou repositionner certains candidats. Lorsque je regarde ces gens, je me demande bien qui représentent-ils ?
Les débats violents sont un classique de la vie politique au Sénégal. Clashs et coups d’éclat à l’Assemblée nationale, menaces en pleine séance parlementaire ne sont pas rares chez nous, mais les agressions physiques n’ont pas leur place dans un débat politique sain.
L’atmosphère délétère qui régnait au sein de l’Assemblée nationale sénégalaise ce mercredi 31 janvier 2024, a en effet transformé l’hémicycle en scène indigne d’affrontements verbaux et physiques.
La honte et le déshonneur sur nos institutions démocratiques ont atteint leur paroxysme lorsque Mame Diarra Fam a dépassé toute bienséance, en interceptant physiquement Thierno Alassane Sall pour l’empêcher de s’exprimer, outrepassant ainsi toutes les attentes de respect et de décence dans un environnement politique de plus en plus haineux et choquant.
Mais posons-nous la question de ce que cache cette confrontation explosive. Au-delà de l’incident lui-même, cette confrontation ne révèle-t-elle pas, outre les tensions croissantes au sein de la vie politique sénégalaise, une tentative d’user de manœuvres pour empêcher un vote démocratique ? D'une stratégie consciente de déstabilisation de l’appareil politico-judiciaire sénégalais et d’un appel au chaos démocratique ?
Là, dans une Assemblée nationale vernaculaire, sans coup férir, une députée drapée dans ses lâchetés et calculs politiciens accuse de conflits d’intérêts et de soupçons de corruption certains membres du Conseil constitutionnel, la plus haute institution de notre pays. En clair, selon certains députés, ils auraient été corrompus pour faire invalider certaines candidatures. Les accusations sont graves et ont toutes les chances de se retourner contre leurs auteurs sous le trait d’une plainte en bonne et due forme !
Dieu merci, Thierno Alassane Sall a échappé ce mercredi à une agression et sur ces entrefaites, le président de l'Assemblée nationale a finalement suspendu la séance.
Ce qui me choque, me meurtris et m’inquiète c’est qu’il se dit que ce séisme contre notre République et nos institutions, n’a d’autre but que de rebattre les cartes pour déboulonner ou repositionner certains candidats. Lorsque je regarde ces gens, je me demande bien qui représentent-ils ?
Au Sénégal, la polémique enfle concernant un potentiel report de l’élection présidentielle du 25 février prochain, ce que Macky Sall lui-même a réfuté. Ce que le Premier ministre Amadou Ba et candidat à la magistrature suprême, a clairement écarté, précisant que les autorités administratives sont déjà à pied d’œuvre pour poursuivre le processus électoral.
Alors, commission d’enquête parlementaire ou pas, que nous retrouvions vite confiance en nos institutions, que nous reparlions à nouveau de l’avenir qui nous attend et que la campagne présidentielle commence pour que nous débattions enfin sur le fond et le sens des idées et de la politique.
TOUT SAVOIR SUR LE PACTE DE BONNE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE
La société civile rappelle aux candidats leurs engagements en matière de réformes institutionnelles. Par le pacte qu'ils ont signé, 12 d'entre eux se sont engagés à mettre en œuvre les conclusions des Assises et les recommandations de la CNRI
En perspective du scrutin présidentiel du 25 février prochain, la coalition de la société civile pour l'application des recommandations de la Commission nationale de réformes des institutions (Cnri) a proposé un pacte de bonne gouvernance aux candidats en lice. Rappel des points saillants desdites conclusions.
A la date du 30 janvier, 12 des 20 candidats engagés dans la course à la présidentielle du 25 février prochain ont officiellement signé le pacte national de bonne gouvernance démocratique. Il s’agit, en effet, de Mamadou Lamine Diallo, Cheikh Tidiane Dièye, Mahammed Boun Abdallah Dione, Bassirou Diomaye Faye, Serigne Mboup, Khalifa Ababacar Sall, Thierno Alassane Sall, Rose Wardini, Malick Gackou, Anta Babacar Ngom et Boubacar Camara. Cette initiative est de la coalition de la société civile pour l'application des recommandations de la Commission nationale de réformes des institutions (Cnri). Ce pacte vise à établir les bases d'une prise en charge transparente et responsable des Assises nationales et de la Cnri, jetant ainsi les fondements d'une réforme institutionnelle profonde.
« Cette fois-ci, il y aura un suivi qui sera fait par les membres de la société civile pour veiller au respect de ces engagements. En cas de non-respect, on peut rappeler à l’ordre. Si jamais, il y a problèmes, on peut voir comment faire respecter les engagements », a rassuré Dior Fall Sow, membre de la coalition de la société civile. Mais c’est quoi ? Seneweb revient sur quelques points saillants de ce rapport de 154 articles déposé sur la table du président de la République, Macky Sall, depuis le 13 février 2014. Lesquels aspects ne sont toujours pas appliqués par le président.
Consolidation de l’État de droit
Le premier point, concerne l’État de droit qui est celui où l’État est soumis aux normes juridiques, au même titre que les citoyens, sous le contrôle d'une justice indépendante et impartiale. Il suppose l’existence de normes juridiques hiérarchisées, de recours à la disposition des administrés et de juridictions pour faire respecter le Droit. Et pour une consolidation de l’État de droit au Sénégal, la Cnri a proposé un système judiciaire à la tête duquel se trouve une Cour constitutionnelle, aux pouvoirs renforcés, assurant un meilleur contrôle de la constitutionnalité des lois et garantissant la primauté de la Constitution. Ce qui contribue à un meilleur respect de la hiérarchie des normes juridiques. L’initiative d’un contrôle a priori est étendue aux citoyens qui disposent désormais du droit de saisine. En proposant la création de la Cour Constitutionnelle, la Cnri entend renforcer, élargir et clarifier les compétences du Juge constitutionnel, ce qui devrait conduire à moins de déclarations d’incompétence. Le contrôle a posteriori s’effectue par voie d’exception. A cet égard, la Cnri vise l’instance d’appel et non plus le niveau de la juridiction suprême où l’on peut soulever une exception d’inconstitutionnalité. Désormais, à l'occasion d'une instance en cours devant une Cour d’Appel, il peut être soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ou est contraire aux engagements internationaux du Sénégal. Le cas échéant, la Cour d’Appel apprécie et transmet, s’il y a lieu, l’exception soulevée au Conseil d’État ou à la Cour de Cassation (devenue Cour suprême). Si le Conseil d’État ou la Cour de Cassation estime le renvoi nécessaire, la Cour Constitutionnelle se prononce dans un délai de deux mois. Si la Cour estime que la disposition dont elle a été saisie n’est pas conforme à la Constitution, il ne peut plus en être fait application.
La Commission a également préconisé le renforcement du dispositif des droits et libertés qu’elle a proposé de placer sous la surveillance d’un juge spécifique, le juge des libertés qui devrait pouvoir ordonner des mesures provisoires mais rapides tendant à préserver les droits du demandeur, s’il estime, comme le soutient ce dernier, que ses droits fondamentaux ont été violés.
Soucieuse de rapprocher davantage la justice du justiciable, la Cnri souhaitait le rapprochement du juge de l’excès de pouvoir du justiciable soit par la création d’un ordre administratif de juridictions (Tribunaux administratifs, Cours administratives d’appel, Conseil d’État), soit par la déconcentration du contentieux de l’excès de pouvoir aux niveaux régional et départemental.
Chef de l’Etat et non chef de parti
Sur l’équilibre des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la Commission dirigée par le professeur Ahmadou Makhtar Mbow a estimé que les nombreux dysfonctionnements notés dans l’exercice du pouvoir trouvent leur source dans l’aménagement du pouvoir d’État qui consacre une concentration de l’autorité au niveau de l’Exécutif. Ainsi, elle préconise le renforcement de l’indépendance des pouvoirs législatif et judiciaire et une meilleure distribution des responsabilités au sein de l’Exécutif pour un meilleur équilibre.
Elle pense tout de même que le président de la République doit demeurer le chef de l’Exécutif, pour déterminer la politique de la Nation, en disposant de pouvoirs propres qu’il exerce sans contreseing mais aussi d’autres qu’il ne peut exercer que sur proposition soit du Premier ministre soit d’autres instances comme le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Toutefois, « parce qu’il incarne l’unité et la cohésion nationales, le chef de l’Etat ne doit plus être chef de parti dès qu’il entre en fonction », a préconisé la Cnri dans ses conclusions.
Si celle-ci estime que pour des raisons liées à la stabilité des institutions, il est souhaitable que le gouvernement dispose au niveau du Parlement d’une majorité de soutien, il y a lieu d’écarter les risques d’abus de majorité par la création des conditions de participation effective de l’opposition parlementaire au travail législatif. Celle-ci est dotée d’un statut et la présence effective au sein du bureau lui est garantie. C’est ainsi que l’un des postes de vice-président, au moins, est réservé à l’opposition parlementaire.
Elle demande, par ailleurs, une meilleure maîtrise par le parlement de son ordre du jour. C’est ainsi qu’elle propose que dix jours de séance par mois soient réservés par priorité, et dans l'ordre que le gouvernement aura fixé, à l'examen des textes et aux débats dont il demande l'inscription à l'ordre du jour ; que six jours de séance par mois soient réservés par priorité et dans l'ordre fixé par l’Assemblée nationale au contrôle de l'action du gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques.
Le président et le ministre de la justice ne sont plus membres du Conseil supérieur de la magistrature
Seule une justice indépendante à l'égard des pouvoirs législatif et exécutif est en mesure de garantir un État de droit. L’indépendance de la Justice a toujours été formellement proclamée mais n’a pas toujours été vécue surtout en ce qui concerne les magistrats du parquet. La Cnri recommande quatre mesures aux fins de renforcer l’indépendance de la Justice.
A l’égard des magistrats du parquet, il est nécessaire de redéfinir l’autorité évoquée à l’article 6 du statut de la magistrature qui dispose que « les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des Sceaux, ministre de la Justice… Ils peuvent être affectés sans avancement par l’autorité de nomination d’une juridiction à une autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature ». Cette autorité ainsi déclinée a pu, par le passé, constituer le fondement des « instructions » données au Parquet. Celles-ci sont désormais écartées avec le renforcement des pouvoirs du Conseil supérieur de la Magistrature mis à l’abri de toute intervention politique et qui gère entièrement la carrière des magistrats (voir infra). Désormais les rapports entre le judiciaire et l’exécutif perdent toute dimension hiérarchique et se limitent à des liens administratifs et fonctionnels.
A l’égard des magistrats du siège, il faut respecter le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège (article 5 de la loi organique n° 92-27 du 30 mai 1992 modifiée portant statut de la magistrature) qui signifie que ces derniers ne peuvent recevoir une affectation nouvelle, même par voie d’avancement, sans leur consentement préalable.
Il faut, par ailleurs, rendre au juge d'instruction son pouvoir d’appréciation de l’opportunité de décerner ou non un mandat de dépôt, quelle que soit l’infraction.
Pour garantir la séparation des pouvoirs, le Conseil Supérieur de la magistrature est autrement composé. Celui-ci est l’organe de gestion de la carrière des magistrats. Le Président de la République et le Ministre de la justice n’en sont plus membres.
Le président de la Cour Constitutionnelle préside le Conseil Supérieur de la Magistrature. Outre le président de la Cour Constitutionnelle, son président et deux personnalité de haut rang, désignées respectivement par le Président de la République et le président de l’Assemblée nationale, le Conseil Supérieur de la Magistrature est composé, au titre des membres de droit, du président du Conseil d’État, du premier président de la Cour de Cassation (devenue Cour suprême)et du Procureur général près ladite Cour, des premiers présidents des Cours d’Appel et des Procureurs généraux près lesdites Cours et, au titre des membres élus, d’au moins un nombre égal de membres choisis conformément aux dispositions prévues par la loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Le Conseil Supérieur de la magistrature veille au bon fonctionnement de la justice. Il examine et sanctionne, s’il y a lieu, les détentions préventives abusives, les défauts ou insuffisance de motivation des décisions de justice ainsi que les lenteurs préjudiciables constatées dans leur mise à disposition.
Bonne gouvernance, transparence et éthique dans la gestion des affaires publiques
La Cnri s’est efforcée en conséquence de renforcer le dispositif des droits et libertés et de créer les conditions d’effectivité de leur jouissance par l’aménagement de mécanismes supplémentaires de protection. C’est ainsi que pour rendre effectif le droit de manifestation, les délais pour notifier une interdiction doivent être suffisants pour permettre l’exercice de recours. En outre, les interdictions en la matière doivent être clairement motivées. Concernant les personnes vivant avec un handicap, l’État et les collectivités publiques doivent leur garantir un libre exercice de leurs droits et les préserver de l’abandon moral, de la discrimination, de la marginalisation et de la stigmatisation. De surcroît, il est recommandé que la Cour des Comptes fasse annuellement un rapport sur l’état d’avancement de la mise en œuvre de la loi d’orientation sociale, dans ses volets liés à l’emploi, l’accès aux infrastructures (notamment scolaires, sanitaires, etc.), la mise aux normes des équipements sociaux (transport, etc.).
La Commission, en proposant que les dispositions touchant aux libertés fondamentales de la personne humaine ne puissent être révisées que par voie référendaire, a entendu leur apporter une protection supplémentaire.
Toujours dans ses conclusions, la Cnri considère que la bonne gouvernance se présente difficilement comme une réalité sans un système de contrôle complet mais aussi efficace. Le paradoxe, au Sénégal, c’est qu’il existe une multiplicité de corps de contrôle dont l’efficacité n’est pas avérée du fait d’un régime juridique et d’un positionnement institutionnel qui ne favorisent pas toujours l’exercice en toute indépendance de leurs missions, la coordination de leur action et le suivi adéquat de leurs recommandations.
Par conséquent, elle recommande un réaménagement du dispositif de contrôle autour de la Cour des comptes, de la Vérification générale d’État (VGE), de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp, devenue Arcop), de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), et une meilleure coordination avec les systèmes de contrôle interne. Sur ce point, la Cnri préconise une aggravation des sanctions financières, pénales et administratives applicables en cas d’infraction à la législation financière.
Financements des partis politiques
La multiplication exponentielle du nombre de partis politiques amène à des interrogations légitimes sur les modalités de leur création et de leur fonctionnement.
Le défaut de contrôle du circuit de financement des activités des partis politiques favorise les financements occultes, source de corruption et la stricte application de la loi est de nature à entrainer la réduction drastique du nombre de partis politiques.
Le Sénégal ayant ratifié les Conventions des Nations Unies et de l’Union africaine contre la corruption qui préconisent l’adoption de mesures visant à accroitre la transparence du financement des partis politiques, devrait amener l’État à étudier les modalités de mise en œuvre d’un financement public des partis politiques notamment de ceux (hors coalition) représentés à l’Assemblée nationale. Cela aura comme avantage, une meilleure maîtrise des circuits de financement des partis, la réduction des inégalités et des injustices et plus d’équité dans l’allocation des ressources publiques mais aussi et surtout la création des conditions de compétitions électorales sincères. En effet, un système électoral crédible doit promouvoir des conditions d’exercice garantissant la transparence et la sincérité du scrutin ainsi que l’égalité des candidats Un scrutin sincère est celui qui se déroule dans des conditions garantissant une expression correcte du suffrage. Tout ce qui peut fausser cette expression est à bannir ; l’inégalité des chances ne découlant que des conditions disparates de jouissance des ressources publiques est à écarter.
La CNRI propose la création d’une Autorité de Régulation de la Démocratie qui, outre la mission de contrôle et de supervision de l’ensemble du processus électoral, assure le contrôle de la régularité du fonctionnement et du financement des partis politiques, la vérification du financement des campagnes électorales. Elle organise aussi la tenue de concertations régulières entre les acteurs du jeu politique.
Elle propose que la délivrance d’un récépissé attestant la création d’un parti politique soit assujettie à la production d’une liste de 10.000 adhérents domiciliés dans 10 régions au moins à raison de 700 adhérents au moins par région.
LA MÉTAMORPHOSE DE Y EN A MARRE
12 ans ans après avoir battu le pavé contre le troisième mandat, le collectif a perdu de son influence. Ses projets d'éducation populaire sont décriés tandis que d'autres collectifs ont supplanté sa fonction contestataire
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 01/02/2024
Y en a marre, figure de proue de l'opposition au troisième mandat d'Abdoulaye Wade dans les années 2010-2012, occupe aujourd'hui "une place politique aussi centrale qu'à l'époque", souligne le magazine XXL Afrique. En effet, d'autres mouvements contestataires comme le Parti des Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l'Ethique et la Fraternité (Pastef) d'Ousmane Sonko ont émergé. Toutefois, Y en a marre reste actif sur le terrain de l'engagement citoyen à travers différents programmes, tout en conservant son esprit contestataire lorsqu'il s'agit de défendre la démocratie.
Un signe du recul du mouvement est l'emprisonnement depuis plus de trois mois de son coordonnateur Aliou Sané, arrêté alors qu'il se rendait chez Ousmane Sonko. Une centaine de personnalités, dont le militant Alioune Tine, ont dénoncé dans une lettre ouverte en janvier 2024 "l'acharnement" judiciaire à son égard. Le mouvement cherche aujourd'hui à obtenir sa libération.
Né en 2011 d'une frustration face aux coupures d'électricité, Y en a marre s'est imposé dans la lutte contre le troisième mandat d'Abdoulaye Wade aux côtés de l'opposition et de Macky Sall. Suite à la victoire de ce dernier en 2012, le mouvement a conservé son indépendance en refusant des postes au gouvernement. Il s'est progressivement transformé en une association spécialiste de l'engagement citoyen à travers des "chantiers du nouveau type de Sénégalais", rompant avec le fatalisme.
Parmi ses programmes figurent les "Dox ak sa gox", visant à renforcer les capacités citoyennes de contrôle des élus locaux, ou les "Jeunes reporters citoyens" formant des jeunes au journalisme participatif. Cependant, le financement de tels projets par des bailleurs internationaux a égratigné la réputation du mouvement auprès de certains jeunes qui l'accusent d'être devenu "du système".
Si Y en a marre a perdu en influence sur la scène politique au profit de mouvements plus radicaux comme le Pastef, il continue d'incarner des "combats de principe" pour la démocratie aux côtés d'autres collectifs. Le mouvement souhaiterait par ailleurs à l'avenir créer une "cité des dissidents" au Sénégal pour accueillir les activistes africains contraints à l'exil.
Par Meissa Diakhaté
L’ARGUMENT DE DROIT EST-IL CONTRE LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE ?
La question de fond est celle de penser si la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 en vigueur a institué des conditions et des modalités d’un report de l’élection présidentielle.
L’agitation parlementaire autour du report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 a fini de semer l’angoisse dans l’esprit du citoyen sénégalais. Le seul jour-là, où le Peuple aura le don d’apparaître en majesté et le pouvoir de reprendre sa souveraineté, est emblématique dans une société naguère réputée être l’exception démocratique en Afrique francophone. Certes, c’est le temps d’une rose démocratique, mais c’est le seul moment au cours duquel l’élu est suspendu à la volonté de l’électeur. C’est bien cette vertu démocratique qui est aujourd’hui mise en question dans le débat public consacré à la Commission d’enquête parlementaire.
Mais en toile de fond, c’est notre référentiel constitutionnel qui est, de nouveau, interpelé par l’actualité politique, et c’est réconfortant qu’il en soit ainsi. Disons-le bien, le droit constitue la sève nourricière d’une démocratie en pleine croissance, comme la nôtre.
Cela nous donne alors, abstraction faite des dispositions d’esprit des acteurs politique, de réfléchir sur l’état du droit constitutionnel par rapport à une question de report de l’élection présidentielle.
A ce titre, deux arguments de droit méritent d’être investis : l’imprévisibilité du report et l’improbabilité du contrôle.
I/ Un report constitutionnellement imprévisible
La question de fond est celle de penser si la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 en vigueur a institué des conditions et des modalités d’un report de l’élection présidentielle. A l’analyse, certaines dispositions constitutionnelles pourraient contenter les tenants de la thèse du report. Cependant, celles-ci gagneraient à être relativisées voire contestées.
En premier lieu, il ressort de l’alinéa premier de l’article 27 de la Constitution que « la durée du mandat du Président de la République est de cinq (05) ans ». Dans la syntaxique légistique, l’usage du présent de l’indicatif a valeur impérative et rend superfétatoire les adverbes « obligatoirement / impérativement / absolument ».
A la différence, la durée du mandat des députés ou des conseillers territoriaux de nature législative (fixée dans le Code électoral) peut être allongée ou raccourcie au gré d’une simple loi votée par l’Assemblée nationale à la majorité relative des suffrages exprimés.
Plus fondamentalement, la durée du mandat présidentiel, en plus d’être figée dans le marbre constitutionnel, est élevée au rang des dispositions constitutionnelles interdites de révision par l’article 103 de la Constitution : « La forme républicaine de l’Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ».
Ces dispositions irrévisables sont aussi appelées, dans le narratif qualifié des constitutionnalistes, de « clauses intangibles » ou de « clauses d’éternité ».
Autrement exprimé, défense est faite au pouvoir constituant de porter atteinte, de quelque maniérée que ce soit, à de telles dispositions sanctuarisées. Ainsi, toute initiative de révision de la Constitution ne saurait prospérer dans le contexte actuel.
Au demeurant, et pour ce qui reste à dire sur ce point, il devrait être possible d’opérer une révision de la disposition irrévisable pour faire sauter le verrou constitutionnel. Mais, il reste simplement une improbable hypothèse d’universitaire.
En second lieu, l’argument des pouvoirs exceptionnels du Président de la République (article 52 de la Constitution) est convoqué par certains analystes : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate, et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ou des institutions est interrompu, le Président de la République dispose de pouvoirs exceptionnels. Il peut, après en avoir informé la Nation par un message, prendre toute mesure tendant à rétablir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions et à assurer la sauvegarde de la Nation ».
Force est de constater que ce principe est assoupli par deux interdictions absolues : « Il [le Président de la République] ne peut, en vertu des pouvoirs exceptionnels, procéder à une révision constitutionnelle (…). Elle [l’Assemblée nationale] ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels ».
En conclusion, la durée du mandat présidentiel est placée hors de portée de toute initiative de révision constitutionnelle et à l’abri des pouvoirs exceptionnels du Président de la République.
II/ Un contrôle constitutionnellement improbable
Sur la question de la justification de la Commission d’enquête parlementaire dirigée vers l’institution constitutionnelle, ou du moins de certains de ses membres, deux pistes de réflexion s’offrent justement à notre curiosité.
D’une part, la souveraineté nationale appartient-elle au Peuple sénégalais qui l’exerce par « ses représentants » ou par la voie du référendum ?
Cet argument constitutionnel a abondé certaines déclarations relatives à la Commission d’enquête parlementaire mise en place lors de séance la plénière du 31 janvier 2024. La pratique des institutions nous a jusque-là habitués à l’exercice de la souveraineté par la représentation parlementaire. Tout de même, il s’agit d’une lecture assez réductrice de l’incarnation institutionnelle de la souveraineté. Sur le fondement de la tradition révolutionnaire de 1789, la souveraineté du Peuple sénégalais est, depuis la première Constitution sénégalaise du 24 janvier 1959, exercée régulièrement par le Parlement et épisodiquement par la voie du référendum constitutionnel (1963, 1970, 2001 et 2016). Au gré de cette évolution, les parlementaires ont cessé de détenir ce quasi-monopole depuis la légitimation au suffrage universel de la figure présidentielle (référendum du 28 octobre 1962 en France et référendum du 3 mars 1963 au Sénégal).
D’ailleurs, on aurait pu discuter du cas de la juridiction constitutionnelle à travers la légitimité de ses décisions rendues au nom du Peuple. Ce phénomène accentué par le fait majoritaire (soutien du Gouvernent par une majorité parlementaire) a radicalement transfiguré l’Assemblée nationale en chambre de ratification systématique de la volonté du pouvoir exécutif. Dans notre modèle démocratique, plus de 99,99% des textes votés sont des projets de loi initiés par le Gouvernement.
En tout état de cause, la représentation n’est plus une fonction « exclusivement » exercée par les parlementaires ou par la voie du référendum. A tout point de vue, elle est désormais l’œuvre solidaire des pouvoirs légitimes de la République. Conséquemment, l’Assemblée nationale doit évoluer en conformité avec cette nouvelle réalité constitutionnelle.
Cette précision faite, il reste maintenant à affronter l’épineuse question de la compétence de la Commission d’enquête parlementaire à contrôler ou à entendre un membre du Conseil constitutionnel. Deux arguments en présence : le statut de magistrat des juges mis en cause et l’exercice de la souveraineté par les parlementaires. Néanmoins, il est nécessaire de comprendre que les deux preuves d’autorité alléguées par les protagonistes majeurs du débat partagent un dénominateur commun : elles ne résistent pas à la controverse.
A noter que les magistrats nommés membres du Conseil constitutionnel sont-ils toujours assujettis à la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats. Si oui, sont-ils nommés conformément aux dispositions de l’article 7 de ladite loi organique disposant que « les magistrats du corps judiciaire sont nommés par décret sur proposition du ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature ». Sinon, deux hypothèses peuvent se présenter : soit leur nomination est entachée d’un vice de forme substantiel, soit ils ne font plus partie intégrante de la compagnie judiciaire ; cette seconde hypothèse étant plus plausible.
s’il y a lieu d’infliger une sanction à un magistrat membre du Conseil constitutionnel, comment moduler judicieusement de l’échelle des peines disciplinaires telle que le blâme, la réprimande avec inscription au dossier, le déplacement d’office, l’interdiction temporaire de fonctions pour une durée de trois (03) mois à un (01) an, l’abaissement d’échelon, la rétrogradation , la mise à la retraite d’office, etc. Certainement, il ne restera à ce magistrat, qui n’a plus de soucis de carrière dans la magistrature, que les peines ultimes que sont « la révocation avec droits à pension » ou « la révocation sans droits à pension ».
La difficulté résiderait même dans l’application de la mesure disciplinaire parce que le Conseil constitutionnel, doté d’une autonomie administrative et de crédits propres, est placé sous l’autorité de son Président et non du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Cela revient à penser que toute sanction disciplinaire sera logiquement inopérante.
Qui plus est, la mise à la retraite « entraîne radiation du corps et perte de la qualité de magistrat » (deuxième point de l’article 63 de la loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant statut des magistrats). Autant dire que la mise à la retraite variablement fixée à 65 ans et, selon la fonction, à 68 ans produit le même effet que la révocation, la condamnation à une peine criminelle, la perte de la nationalité ou le décès du magistrat, à savoir la radiation du corps et perte de la qualité de magistrat.
C’est pourquoi on pourrait, avec la plus la commodité d’esprit, s’interroger sur la compétence du Conseil supérieur de la Magistrature de « juger » un magistrat mis à la retraite et nommé membre du Conseil constitutionnel poursuivi pour des faits postérieurs à ses fonctions judiciaires au sein de la Cour suprême ou des cours et tribunaux. Par voie de conséquence, le magistrat nommé membre du Conseil constitutionnel, après la retraite, n’est plus dans l’une des positions statutaires (le congé assimilé à l’activité, le détachement, la disponibilité). Seulement, il lui reste le prestige du corps et la solidarité agissante de ses anciens collègues magistrats.
L’Assemblée nationale peut-elle soumettre le Conseil constitutionnel ou un de ses membres à ses contrôles autorisés par la Constitution et loi organique n° 2002-20 du 15 mai 2002 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale (RIAN), modifiée ?
C’est une hypothèse critique qui sollicite la prudence et met à l’épreuve la courtoisie républicaine.
Tout de même les fonctions de l’Assemblée nationale sont précises au regard de la lettre et de l’esprit de la Constitution : elle « vote, seule, la loi, contrôle l’action du Gouvernement et évalue les politiques publiques » (alinéa premier de l’article 67 de la Constitution). Subséquemment, le contrôle des autres institutions constitutionnelles ne semble pas être consacré. Avec le précédent en cours, on est en droit de s’attendre qu’une Commission d’enquête parlementaire soit diligentée à l’avenir contre le Président de la République, le Haut Conseil des Collectivités territoriales (HCCT), le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour suprême, la Cour des Comptes, les cours et tribunaux.
Plus précisément, le contrôle dont il est question ici est un contrôle spécifique : le contrôle politique de l’action du Gouvernement. Ce contrôle est strictement adossé à la réalisation de la politique générale du Premier Ministre et à l’application des lois dont les lois de finances. Donc, n’étant ni disciplinaire ni pénal, il est purement politique.
En effet, les seules sanctions afférentes au contrôle parlement restent l’engagement de la responsabilité du Gouvernement et la mise en accusations du Président de la République en cas de haute trahison ainsi du Premier Ministre et des autres membres du Gouvernement pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délit au moment au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice, présidée par un magistrat depuis 1963 et de membres élus de l’Assemblée nationale.
Tout aussi, la Commission d’enquête parlementaire pourrait dénoncer au Procureur de la République les faits constitutifs d’infractions relevés au cours de leur mission. L’Assemblée nationale serait également fondée à voter une résolution pour inviter le Président de la République à agir dans un sens déterminé en tirant les conséquences des recommandations du rapport de la Commission d’enquête parlementaire. Tout bien considéré, le dernier mot appartiendra au Président de la République, la clé de voûte des institutions.
En fin de compte, ce n’est pas sans raison que le « TITRE VII » de notre Constitution soit baptisé ; « DES RAPPORTS ENTRE LE POUVOIR EXECUTIF ET LE POUVOIR LEGISLATIF ». Jusqu’à preuve du contraire, c’est en vain qu’on chercherait dans la loi fondamentale de la République du Sénégal une quelconque idée de « rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire » sous l’angle du contrôle parlementaire.
D’ailleurs, c’est le caractère politique du contrôle parlementaire qui délimite le périmètre organique des auditions par les Commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Ainsi que l’articule sans aucune ambiguïté l’article 81 de la Constitution reprise par les dispositions pertinentes du Règlement intérieur, « le Premier Ministre et les autres membres du Gouvernement peuvent être entendus à tout moment par l’Assemblée nationale et ses commissions. Ils peuvent se faire assister par des collaborateurs. Les commissions permanentes de l’Assemblée nationale peuvent entendre les directeurs généraux des établissements publics, des sociétés nationales et des agences d’exécution. Ces auditions et moyens de contrôle sont exercés dans les conditions déterminées par la loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ».
Partant de ces dispositions qui s’appliquent, mutatis mutandis, à la Commission d’enquête parlementaire, il s’impose de se demander : quelle est la possibilité ouverte à l’Assemblée nationale pour entendre un membre du Conseil constitutionnel ?
Enfin, il y a lieu aussi de compter fatalement avec le scénario selon lequel « si une Commission a été déjà créée », comme c’est le cas d’espèce, « sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire aux faits qui ont motivé sa création » (voir article 48 du RIAN). Dès lors, l’information judiciaire peut être ouverte à la demande du Procureur de la République, certainement à toute étape de la procédure.
Pour ne pas clore la réflexion, on retiendra que l’autre lame de fond du débat sur la Commission d’enquête parlementaire en cours est manifestement la problématique de la révocabilité ou non d’un membre du Conseil constitutionnel (à suivre …).
PRÉSIDENTIELLE, CE QUE LE PRÉSIDENT MACKY SALL A DIT À ALIOUNE TINE
Le Sénégal vit un début de crise institutionnelle sérieuse. L’alerte est donnée par Alioune Tine. Le leader de Afrikajom Center révèle même qu’il a entamé une médiation qui l’a mené au palais présidentiel.
Le Sénégal vit un début de crise institutionnelle sérieuse. L’alerte est donnée par Alioune Tine. Le leader de Afrikajom Center révèle même qu’il a entamé une médiation qui l’a mené au palais présidentiel et à l’Assemblée nationale.
«Nous vivons, et il faut bien le dire, le début d’une crise institutionnelle sérieuse et grave, à tous les étages». Ces mots, alarmants, sont de Alioune Tine. En effet, le président de Afrikajom Center, qui s’exprimait sur le climat charrié par les accusations graves portée à l’encontre de certains «Sages», déclare qu’ une institution comme le Conseil constitutionnel, «qui est là pour l’intérêt général, aucun parti politique et aucun groupe ne peut mettre et ne doit mettre la main sur cette institution».
L’ex patron de la Rencontre africaine des droits de l’Homme (Raddho) révèle même qu’il a rencontré le président Macky Sall dans le cadre d’une médiation qu’il a entamée. «Nous sommes en train de parler à tout le monde aujourd’hui. Nous avons rencontré le président de l’Assemblée nationale, il nous a rassurés. Il nous a bien parlés. Nous avons rencontré le président de la République, le discours qu’il nous a tenu nous a rassurés. Il a été très clair: il ne regarde pas derrière. Il a quand même fixé par décret la date de la présidentielle. Et quand les gens sont venus le voir il a été très clair : une fois qu’une décision a été prise par le Conseil constitutionnel, on n’y revient pas», rapporte M. Tine.
Le président de Afrikajom center, qui s’exprimait sur la Rfm, appelle au calme. Puisqu'une enquête a été ouverte, ce n’est plus la peine de se précipiter ou de se battre, dit-il. «On va voir ce que l’enquête va donner. On a demandé à rencontrer le Pds, j’ai appelé M. Thiam il a demandé à me revenir. Nous allons rencontrer également Benno et Yewwi. Nous avons déjà écrit une lettre au Président du Conseil Constitutionnel pour aller le voir. C’est cela aussi le travail que nous devons faire, écouter tout le monde dans la sérénité, dans le calme, pour pouvoir faire les propositions les plus pertinentes», calme M. Tine.
PRÉSIDENTIELLE, 1214 BUREAUX DE VOTE DE PLUS DÉNOMBRÉS
A moins de vingt-cinq jours de la présidentielle, le processus reste encore flou avec les ombres d’un report qui planent.
Concernant la carte électorale de la présidentielle fixant le nombre de centres et bureaux de vote, elle a été publiée le 26 janvier par la Direction Générale des Elections (DGE). Cependant, selon le quotidien Bès Bi, elle n’est pas encore disponible pour l’opposition et les acteurs de la société civile.
Ainsi, ajoute le canard, après consultation de ladite carte, un surplus de 1214 bureaux de vote a été dénombré entre la dernière présidentielle et celle de 2024. En 2019, la carte électorale comptait 15 633 bureaux de vote au Sénégal et 807 à l’étranger.
A noter que lors des élections législatives de 2022, le nombre de bureaux de vote a été estimé à 15 196.
PRÉSIDENTIELLE, ALIOUNE SARR SOUTIENT KARIM WADE
Que reste-t-il du Collectif des candidats « spoliés » ? À mesure que l’on s’approche de la présidentielle, les candidats qui le constituent se dispersent, chacun choisissant son camp.
Que reste-t-il du Collectif des candidats « spoliés » ? À mesure que l’on s’approche de la présidentielle, les candidats qui le constituent se dispersent, chacun choisissant son camp. Ainsi, la Convergence pour une Alternative Progressiste en 2024 (CAP 2024), dirigée par l’ancien ministre Alioune Sarr a décidé de soutenir Karim Wade. En effet, à travers un communiqué, elle a annoncé «son soutien à la demande du Parti Démocratique Sénégalais (PDS) visant la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire ».
S’agissant de l’ancien Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye, lui également recalé pour défaut de parrainage, il a décidé de rejoindre la majorité présidentielle, en apportant son soutien à Amadou Ba.