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25 avril 2025
Culture
AU SÉNÉGAL, L’ÉCRITURE AFFAME SON HOMME
Samba Oumar Fall livre un témoignage sur la réalité des écrivains au Sénégal. Journaliste, romancier prolifique, il incarne ce contraste frappant : un pays à la vie littéraire "intense" et "foisonnante", mais où les auteurs "flirtent avec la précarité"
La journée mondiale du Livre et du droit d’auteur a été célébrée partout à travers la planète. Cette occasion a été saisie par Samba Oumar Fall pour revenir largement sur la mission ainsi que le rôle de l’écrivain. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, le journaliste du quotidien national «Le Soleil», qui a titillé l’écriture dès sa tendre enfance à SaintLouis, a lancé un appel vibrant à ceux qui veulent s’adonner à l’écriture avant d’inviter l’état à mobiliser des moyens substantiels pour accompagner ces «génies» de l’art afin de leur permettre d’éclore. Cependant, il a laissé entendre que des efforts doivent être consentis pour permettre à l’écrivain de se «nourrir de son art».
Comment vous est venue cette passion pour l’écriture ?
Entre l’écriture et moi, je crois que c’est une longue histoire qui a démarré depuis ma tendre enfance. Je lisais beaucoup quand j'étais jeune. Cet amour pour la lecture a démarré à Saint-Louis, à l’Institut français, et m'a toujours collé à la peau. Et je me suis dit que plus tard, je ferai comme tous ces auteurs en racontant des histoires. C'est ainsi que je me suis employé à écrire et cette passion pour l'écriture ne m’a jamais quitté. Ma conviction est que l’écriture ne s’improvise pas et ne s’apprend pas. C’est un don de Dieu et quand on a ce don, on écrit avec une facilité déconcertante. Et aujourd’hui, je crois que l’écriture est la chose que je fais le mieux. J'écris comme je bois de l'eau et je le fais à un rythme qui m'impressionne même parfois. Il m'arrive même de commencer plusieurs œuvres à la fois, parce que souvent, pour ne pas dire toujours, l'inspiration coule à flot, m’accule même. Actuellement, j’ai tellement de manuscrits que je me demande si je pourrai les terminer un jour, sans compter toutes ces idées qui foisonnent dans ma tête. En 1994 déjà, il écrit son premier roman, «La misère des temps», mais il n’a été publié qu'une décennie plus tard, en 2013 (édition Salamata), en même temps que «Un amour au fond de l'océan» (Harmattan) d’ailleurs. Plusieurs autres ouvrages suivront ensuite. Et aujourd’hui, j’ai neuf romans à mon actif.
Comment se porte le livre au Sénégal ?
Si on se base sur la production littéraire, on peut dire, sans risque de se tromper, que le livre se porte bien au Sénégal. La vie littéraire est intense et l’activité autour du livre, de la lecture et de l’écriture est particulièrement foisonnante. Ce foisonnement a eu comme résultat un renouveau littéraire extraordinaire. Nous avons de belles plumes qui jouent leur partition comme leurs illustres devanciers qui ont marqué l’histoire de la littérature du pays et ont permis l’éclosion et l’épanouissement de plusieurs genres littéraires.
Est-ce que le livre nourrit bien son homme au Sénégal ?
Peut-être qu’ailleurs, l’écriture nourrit son homme. Mais ici, au Sénégal, c’est loin d’être le cas. Durant toute ma carrière de journaliste, j’ai eu à rencontrer, à côtoyer une pléiade d’auteurs qui ont passé toute leur existence à écrire, mais qui n’ont malheureusement pas eu la chance de s’en sortir. Malgré le talent, la qualité de l’écriture, le thème qu’ils ont développé dans leurs écrits, beaucoup d’entre eux flirtent avec la précarité. Car, au Sénégal, il n’est pas facile de faire publier son livre et d’en vivre. Bien sûr, il existe quelques rares exceptions, des auteurs qui parviennent à bien négocier leurs prestations. Mais ce n’est pas suffisant. Il faut que l’écrivain puisse vivre de sa plume, bénéficier d’une reconnaissance. Sous d’autres cieux, certains auteurs sont hébergés dans des résidences pour écrire en toute quiétude. Des fois, ils sont pris en charge, reçoivent un soutien logistique et même une allocation mensuelle. C’est vrai que la Direction du Livre et de la Lecture fait des efforts en soutenant chaque année des auteurs pour leur permettre d’éditer leurs livres, mais c’est infime si l’on considère le nombre impressionnant d’écrivains dont regorge notre pays. Bref, je crois que l’État doit davantage aider les écrivains, subventionner les projets d’écriture, répartis par genres (poésie, roman, bande dessinée, scénario, etc.). Si toutes ces doléances sont prises en compte, la littérature ne se portera que mieux et les auteurs vivraient enfin de leurs plumes.
Quelles sont les difficultés auxquelles font face les auteurs ?
Comme je l’ai dit plus haut, les écrivains vivent dans une précarité chronique parce que les retombées escomptées ne suivent pas souvent. Passer l’écueil de l’édition ne signifie pas voir le bout du tunnel. Il y a ensuite la promotion et la vente qui ne sont pas souvent assurées par les maisons d’édition. L’auteur est souvent obligé de mouiller le maillot pour espérer écouler ses ouvrages. Et le hic au Sénégal est que nos compatriotes n’ont pas cette culture d’achat de livres pour soutenir l’effort des écrivains. Vous pouvez sortir dix livres d’un seul coup, les gens s’empressent de vous féliciter, mais rares sont ceux qui vous achèteront un ouvrage. C’est parce qu’ils n’ont pas cette culture-là. Et cela n’est guère encourageant. Être écrivain au Sénégal est très difficile. Si vous comptez sur vos œuvres pour vivre, vous risquez de mourir de faim.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent s’adonner à l’écriture ?
Si l’écriture pouvait nourrir son homme, je crois que je serai l’un des plus riches de ce pays. C’est dire que c’est difficile d’être un écrivain chez nous. Et je n’ai qu’un conseil à donner à ceux qui veulent s’adonner à l’écriture. S’ils espèrent écrire pour la gloire ou pour pouvoir vivre de leur plume, ils feraient mieux de trouver autre chose à faire, car au Sénégal, l’écriture affame son homme.
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LES POPULATIONS RENOUENT AVEC L'HISTOIRE
L'île de Dionewar a célébré les 18,19 et 20 Avril derniers la seconde édition des 72 H de "NGodane", cet ancêtre mythique, fondateur de l'île avant de migrer un peu plus loin à l'Ouest à Sangomar.
L'île de Dionewar a célébré les 18,19 et 20 Avril derniers la seconde édition des 72 H de "NGodane", cet ancêtre mythique, fondateur de l'île avant de migrer un peu plus loin à l'Ouest à Sangomar. Pendant trois (3) jours, les populations et autres ressortissants de la localité se sont fortement mobilisées autour de l'association "Simala no NGodane" pour communier, et surtout se ressourcer de l'histoire de l'Île et son génie protecteur qui s'y est implanté à une date qui n'est pas encore précisée. Au-delà des soirées culturelles où l'on a chanté aux rythmes des sonorités sérères (guitares et tams-tams), d'une partie de carnaval et la journée médicale de consultations gratuites et dons de médicaments qui mobilisait 25 spécialistes, l'association « Simala no Ngodane » a ensuite convoyé tous les festivaliers vers l'Île de Sangomar où chacun parmi les petits fils de NGodane, les invités et autres participants devait s'acquitter à des rituels et autres prières pour célébrer cet ancêtre invisible, mais toujours présent à Dionewar pour veiller sur les habitants et leur environnement.
Là, il est formellement interdit de photographier, d'avoir certains comportements indésirables ou toucher à quelque chose sans l'aval du "Alcaly" le maître traditionnel représentant la famille Simala ou ses proches collaborateurs. Ce qui, du coup, a d'ailleurs prévalu lors de la tenue d'une réunion d'informations quelques heures avant le départ pour prévenir les pèlerins sur les interdits, une fois arrivés à Sangomar. Déjà, l'Île de Sangomar n'a jamais connu d'habitat. Pas une seule personne ne s'est aventurée à y élire domicile. Les premiers à tenter l'expérience, des nomades Peulh en l'occurrence, ont vite quitté les lieux, car ils ne pouvaient pas surmonter les fréquents cauchemars qu’ils subissaient dans la cohabitation avec le maître de cet espace désert planté seul en plein océan et où poussent aujourd'hui une diversité d'espèces végétales et animales, dont les oiseaux qui y viennent régulièrement pour pondre leurs œufs et se reproduire loin des regards humains.
Pendant les années précédentes, certains habitants de Dionewar qui souffraient de terres arables avaient aménagé des périmètres champêtres et malgré l'abondance des productions obtenues à l'hectare, ils se sont eux aussi retirés de l'île pour des raisons liées au respect de ces principes traditionnels. Autrement dit, celui de ne pas déranger le gardien du temple, leur génie protecteur. Pour les habitants de Dionewar, l'île de Sangomar appartient à NGodane et à NGodane seul.
LA PROTECTION DE NGODANE SUR DIONEWAR EST SANS ÉQUIVOQUE
Comme il est raconté dans l'histoire, Ngodane fut le premier à arriver dans l'île de Dionewar en provenance du royaume du Gabou. Et ce, après un bref séjour en Gambie et Casamance, ses derniers lieux de retranchement avant son arrivée à Dionewar. Depuis, et pendant plusieurs siècles maintenant, ce génie protecteur veille sur tout dans l'île de Dionewar. Comme le révèlent les récits historiques, il protège Dionewar contre les mauvais esprits et autres aléas de la nature à l'image de l'érosion côtière qui ne cesse de provoquer les innombrables désagréments maritimes dont souffrent les plus de 2000 âmes qui peuplent cette île.
Suite à l'accident lié à l'ouverture de la brèche qui sépare la presqu'île de Palmarin à Dionewar intervenue en Février 87, les inquiétudes de voir Dionewar rayée de la carte nationale du pays se sont multipliées et la psychose grandissait. Mais 38 ans après la catastrophe, la peur commence à s'effriter du côté des populations à cause de la présence de cet esprit qui, d'après les habitants, n'est pas encore prêt à abandonner ce patrimoine terrestre ou l'exposer totalement à un phénomène destructeur. Pour les insulaires, le constat est réel, la bande de sable souterraine provenant de la brèche, sans aucune action particulière venue de l'homme, est venue progressivement se déposer aux larges de l'Île comme pour protéger ses côtes ou limiter les dégâts de cette érosion ambiante et menaçante.
LE PHÉNOMÈNE DURCIT LA SOUFFRANCE DES INSULAIRES
A présent, les populations de Dionewar figurent parmi les citoyens qui souffrent le plus du phénomène des changements climatiques. Mieux, celui de l'avancée de la mer vers le continent. Depuis février 87, elles sont constamment face à la furie des vagues en cas de tempête. Et ceci de manière constante. Les dégâts en provenance de cette calamité naturelle sont nombreux et s'accentuent de plus en plus dans cette île dont l'accès est difficile. La quasi-totalité des lieux d'entrée est aujourd'hui bouchée au niveau des anciens lieux indiqués. Pour embarquer ou démarquer, les populations sont obligées de parcourir deux (2) kilomètres et demi à bord de charrettes pour prendre la pirogue et rallier la terre ferme.
Surtout du côté médical et la prise en charge des malades où les choses sont plus compliquées. Car, sans ambulance navale ni rien, elles sont dans l'obligation de répéter la même procédure pour transférer un malade de Dionewar à une autre structure médicale de la région. En cas de complication, le malade, quel que soit son état de santé, est transporté à bord de charrettes sur le même trajet cahoteux et sablonneux jusqu'au lieu d'embarquement, le seul au village où l'on peut prendre une pirogue pour Palmarin, ce village de pêcheurs, unique point de départ pour s'ouvrir aux autres localités de la région de Fatick, et aux structures sanitaires et hôpitaux qu'elle couvre. Les promesses de l'État et ses partenaires au développement tenues au lendemain de l'ouverture de la brèche sont restées vaines. A présent, aucune solution technique ou palliative n'est apportée à ce phénomène et les espoirs des populations s'amenuisent de jour en jour. Un calvaire visiblement constaté en termes d'approvisionnement des habitants de Dionewar en denrées alimentaires, mais également dans le bâtiment où l'on est obligé de débourser deux cent mille (200.000) Frs en moyenne pour une tonne de briques.
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DÉCÈS DE VALENTIN-YVES MUDIMBE
Figure majeure de la pensée africaine, le philosophe s'est éteint à 83 ans en Caroline du Nord. Ce penseur né au Congo belge laisse une œuvre intellectuelle qui a révolutionné notre compréhension des relations entre l'Afrique et l'Occident
C'est avec tristesse que le monde intellectuel apprend la disparition de Valentin-Yves Mudimbe, décédé à l'âge de 83 ans en Caroline du Nord, aux États-Unis. Figure incontournable de la pensée africaine contemporaine, cet homme aux multiples talents laisse derrière lui une œuvre riche et diversifiée qui continuera d'influencer les générations futures.
Né en 1941 au Katanga, dans ce qui était alors le Congo belge, Valentin-Yves Mudimbe s'est imposé comme l'une des voix les plus importantes des études post-coloniales. À la fois romancier, philosophe et universitaire, il a consacré sa vie à explorer les relations complexes entre l'Afrique et l'Occident, questionnant avec finesse les fondements de notre connaissance du continent africain.
Installé aux États-Unis depuis plus de quatre décennies, il a enseigné dans plusieurs institutions prestigieuses américaines, partageant son savoir et sa vision critique avec des générations d'étudiants. Son ouvrage majeur, "L'invention de l'Afrique", traduit en français en 2021 par l'historien Mamadou Diouf, reste une référence incontournable pour comprendre les mécanismes de construction des savoirs sur l'Afrique.
L'œuvre de Mudimbe se distingue par sa diversité exceptionnelle. De la poésie aux romans, en passant par les essais philosophiques et les analyses sociologiques, il a abordé des thématiques fondamentales telles que la quête identitaire, les tensions entre tradition et modernité, ou encore les violences politiques héritées de l'époque coloniale. Sa critique des puissances coloniales, qui ont transformé des nations africaines avec leurs propres traditions et techniques en simples "tribus", témoigne de sa lucidité face aux processus historiques qui ont façonné le continent.
Si Valentin-Yves Mudimbe nous a quittés, son héritage intellectuel demeure bien vivant. Sa pensée continue d'éclairer les réflexions contemporaines sur l'Afrique et ses relations avec le reste du monde, constituant un pilier essentiel pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire et à l'avenir du continent africain.
WALLY SECK, L’ÈRE D’UNE NOUVELLE TRANSITION MUSICALE
L'héritier du légendaire Thione Seck affirme sa nouvelle vision artistique. Plus intime, plus réfléchi, l'enfant prodige du mbalax conserve son énergie caractéristique tout en explorant des territoires plus personnels
Wally Seck, figure emblématique de la scène musicale sénégalaise, a franchi un nouveau cap avec la sortie de son album « Entre Nous » et un concert exceptionnel le 12 avril 2025. À 40 ans, l’artiste, fils du légendaire Thione Seck, annonce une transition importante dans sa carrière. Avec une nouvelle vision plus intime et mature, Wally reste fidèle à ses racines tout en explorant de nouveaux horizons sonores.
Wally Seck, ce nom résonne depuis des années dans l’univers musical sénégalais. Héritier de la grande légende Thione Seck, il a su s’imposer comme l’une des figures les plus marquantes de la scène actuelle. À l’occasion de ses 40 ans, il a offert un événement exceptionnel, un concert unique au Centre international du commerce extérieur (Cices) le 12 avril 2025. Un moment qui a été fort, un véritable rendez-vous entre lui et ses fans, mais aussi avec les grandes personnalités de la musique sénégalaise. Et dire que ce n’est pas tout. Le 29 mars 2025, l’artiste a sorti son tout nouvel album « Entre Nous », un opus qui marie la maturité à l’émotion pure. Mais, jusqu’ici appelé le « chouchou » de la nouvelle génération, à quatre décennies, il est important de souligner que Wally franchit un cap important de sa vie, un moment où l’on prend un peu de recul, où l’on se redéfinit, où l’on s’apprête à embrasser de nouveaux horizons. Derrière ses rythmes, derrière sa voix, il dévoile une facette plus intime de sa personnalité, loin de l’image du jeune homme dynamique qu’il incarnait auparavant. Ainsi, cette sortie et ce concert marqueront sans aucun doute une étape importante dans sa carrière, une transition et un passage de témoin dans la musique sénégalaise contemporaine.
Avec son morceau « Célibataire », il annonce d’ailleurs ce changement, cette nouvelle phase de sa carrière. On sent une volonté de s’affirmer différemment, d’aborder des sujets plus personnels et plus matures. Cette transition, il la vit non seulement dans sa musique, mais aussi dans sa manière de se présenter au public.
Un parcours inspirant
Depuis qu’il a débuté, Wally a su se démarquer avec sa voix unique et ses rythmes enracinés dans le mbalax. Mais aujourd’hui, le paysage musical a changé. De nouveaux talents apparaissent, et la compétition est plus féroce. Pourtant, Wally reste un artiste incontournable. Il continue de captiver son public avec la même passion, la même énergie, mais d’une manière plus réfléchie. Il ne cherche pas à suivre la tendance, mais à proposer quelque chose de sincère et d’authentique, ce qui lui permet de rester pertinent, même après tant d’années.
Ce nouvel album « Entre Nous » témoigne de cette évolution. Ce n’est pas juste un projet musical, c’est un reflet de son parcours. Wally Seck, en sus de faire de la musique, raconte son histoire, partage ses réflexions, ses rêves. Aujourd’hui, ses fans, qui l’ont accompagné depuis ses premiers tubes, découvrent un autre aspect de lui. Un Wally plus mûr, plus ancré dans sa réalité, mais toujours fidèle à l’essence de ce qu’il est. Il garde ce lien fort avec ses racines, mais il n’hésite pas à explorer de nouveaux horizons sonores.
À 40 ans, Wally a compris que la musique est un éternel renouvellement. Il ne s’agit pas de s’arrêter ou de se reposer sur ses acquis, mais de continuer à surprendre, à évoluer. Et c’est ce qu’il fait. Son public est là, toujours aussi fidèle, prêt à suivre cette nouvelle direction. Le Wally d’hier, celui de la jeunesse et de l’insouciance, laisse place à un artiste plus sage, plus posé, mais toujours aussi captivant.
Nouvelle ère musicale
Abandonnant son rêve de devenir joueur de foot, son père lui avait trouvé une place au sein de son groupe « Raam Daan ». A son retour au pays natal, Wally commençait, dès sa tendre enfance, à chantonner et à mimer les chansons de son père. Le retour de l’enfant prodige a marqué les esprits et séduit plus d’un avec la sortie de son premier single, « Bo-Dioudo », en fin 2007, un élément déclencheur de sa carrière, suivi de son premier album, « Voglio », qui signifie « vouloir » en langue italienne. Un album sorti le 17 décembre 2010, composé de sept titres, et qui lui a permis d’imposer sa marque. « Le chouchou » de la jeune génération s’est adapté aux réalités sonores du moment, qui s’appuient plus ou moins sur la dimension digitale des machines. Mais, contrairement à son père qui alliait charisme et puissance des textes, bref un excellent parolier, Wally Seck, c’est plutôt la puissance des rythmes et sa capacité à polariser son public sur sa personne », avait remarqué Guissé Pène, consultant et formateur dans l’environnement juridique de la musique, sur les colonnes du quotidien national Le Soleil.
Dans le même article, Alioune Diop, journaliste et critique musical à la Radio Sénégal internationale (Rsi) corrobore : « La musique de Wally Ballago a une vitesse plus ou moins supérieure à celle de son père, qui s’inspirait beaucoup des sonorités orientales, aussi bien dans le domaine de la musique que dans le domaine du chant ». Pour lui, la musique de Wally est différente de celle de son père en termes de rythme. Wally, dit-il, sait faire vibrer réellement les instruments. Ses percussions sont beaucoup plus grooves que celles de Thione.
Wally s’est toujours distingué par un style de chant original, une voix belle, suave et surtout langoureuse, le tout couronné par sa jeunesse et sa capacité à créer une ambiance unique dans sa musique. Il répond ainsi parfaitement aux attentes de la jeunesse. Avec plus de 54 % de jeunes au Sénégal, Wally Seck a su capter l’attention de cette génération avide de rythmes et de moments festifs. « Il a compris que cette jeunesse est amoureuse de l’ambiance et de la musique. Il leur offre ce plaisir tout en imposant son propre style », avait analysé Guissé Pène.
Compte tenu de ces caractéristiques : une ambiance musicale électrisante et un style vestimentaire audacieux qui captivent la jeunesse, une question se pose : dans cette nouvelle transition, jusqu’à quand Wally parviendra-t-il à maintenir cette connexion avec une génération constamment en quête de nouveauté et de divertissement ?
YOUSSOU N'DOUR ET BURNA BOY EMBRASENT LE STADE DE FRANCE
Deux heures de folie musicale, une collaboration inédite entre deux générations d'artistes africains, et 80 000 personnes pour en témoigner.
(SenePlus) - Le Nigérian Burna Boy a réalisé un exploit historique en devenant le premier artiste africain non francophone à remplir le Stade de France. Ce concert monumental, qui s'est déroulé vendredi 18 avril, a rassemblé 80 000 spectateurs dans une ambiance électrique.
Comme le rapportent Alice Durand et Valérie Marin La Meslée, journalistes au Point, la soirée a débuté par une apparition surprise qui a immédiatement enflammé le public : "On attendait Burna. Et Youssou N'Dour, surgissant d'une trappe de la scène avec son tube '7 Seconds' (mais sans Neneh Cherry), est apparu tout de rouge vêtu. Hurlements de joie dans la foule."
La première partie était assurée par Nissi, la sœur de Burna Boy, avant que le protagoniste principal ne fasse son entrée à 21h45. "Quand le pharaon arrive, il est vêtu d'une veste Louis Vuitton – puisque Burna Boy est aussi une star de la mode", notent les journalistes du Point, rappelant sa participation récente à la Fashion Week parisienne.
Le concert de deux heures a été marqué par une succession de temps forts, dont un moment particulièrement émouvant lorsque Burna Boy a partagé la scène avec Youssou N'Dour pour interpréter "Level Up", extrait de l'album "Twice As Tall" sorti en 2020. "La guitare prend feu, on se promène à New York sur les grands écrans. Burna, déjà rayonnant, nous crie : 'It's my dream to be here, from the bottom of my heart. Paris je t'aime !'", relatent les journalistes du Point.
Plusieurs invités de marque se sont succédé sur scène, notamment le rappeur britannique Dave, le chanteur haïtien Joé Dwèt Filé et le rappeur nigérian Shallipopi. Le magazine souligne également un moment plus mitigé avec l'apparition du rappeur français Werenoi, décrite comme "la catastrophe" et "le seul raté de ce concert".
L'afrobeat était naturellement à l'honneur tout au long de la soirée. Le Point évoque "un défilé de majorettes nigérianes avec leurs gros tambours" et note que "l'afrobeat bat son plein" pendant les performances de tubes comme "It's Plenty", "Ye" et "Last Last".
Le concert s'est achevé sur un feu d'artifice et l'apparition de "Mama Burna", la mère et manager de l'artiste. "Burna Boy n'est sûrement pas un tendre, mais quand il s'engage, c'est pour de bon", commentent Le Point, rappelant son engagement auprès d'associations comme Reach et son fonds Protect qui vient en aide aux victimes de violences policières au Nigeria.
Les journalistes concluent leur reportage en soulignant l'impact culturel de cet événement : "Pas un phénomène, non, mais un artiste qui a déjà marqué l'histoire de la musique." Valérie Marin La Meslée confie être "comblée" par cette performance, tandis qu'Alice Durand, venue "en mode découverte", reconnaît s'être "pris une claque musicale, culturelle. Et surtout une claque de joie."
Ce concert historique confirme ainsi la place de Burna Boy comme figure incontournable de la scène musicale mondiale et marque une étape importante dans la reconnaissance internationale de la musique africaine.
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LA COURSE CONTRE LE TEMPS D'HAMPÂTÉ BÂ
Du papier carbone au fichier numérique, l'héritage colossal d'Amadou Hampâté Bâ, témoin de l'Afrique précoloniale à postcoloniale, traverse les époques pour atteindre les nouvelles générations
"En Afrique, chaque fois qu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle." Cette phrase célèbre prononcée par Amadou Hampâté Bâ à l'Unesco en 1960 résonne aujourd'hui avec une actualité particulière alors que la Fondation qui porte son nom s'attelle à préserver un trésor inestimable de connaissances africaines.
Né vers 1901 au Mali, Amadou Hampâté Bâ a consacré sa vie à sauvegarder les traditions orales africaines menacées de disparition. Ayant lui-même reçu une éducation à la croisée de plusieurs mondes - école coranique, école coloniale française et traditions ancestrales - il était particulièrement bien placé pour comprendre l'urgence de préserver ce patrimoine immatériel.
"Il a vu l'Afrique avant la première administration coloniale, pendant la colonisation et après les indépendances. Il a traversé le siècle et compris les enjeux", explique sa fille Roukiatou Bâ, qui dirige aujourd'hui la Fondation à Abidjan.
L'héritage documentaire est impressionnant : plus de 3000 manuscrits numérisés à ce jour, des milliers de pages de notes, de conférences et de témoignages recueillis pendant 55 années de recherche. Ces archives abordent des sujets aussi variés que l'histoire africaine, les traditions religieuses, la place de la femme ou l'avenir de la jeunesse.
La professeure Diané Assis, spécialiste de l'œuvre d'Hampâté Bâ à l'Université d'Abidjan, souligne l'importance de ce qu'elle nomme son "triple héritage" : "Il a su intégrer les traditions africaines, l'influence arabo-musulmane et la culture occidentale pour créer une œuvre accessible à tous."
Face à la rupture des modes traditionnels de transmission, causée notamment par la colonisation et l'école occidentale, Hampâté Bâ a fait le choix d'utiliser l'écrit, principalement en français, pour toucher un public plus large. "Les initiations traditionnelles ne pouvaient plus se faire car les jeunes devaient suivre le calendrier scolaire", rappelle la professeure Assis.
Aujourd'hui, la Fondation fait face à de nouveaux défis. La conservation des documents dans un environnement à 97% d'humidité représente un défi quotidien, malgré les déshumidificateurs installés. "Certains documents sont super fragiles, sur des papiers carbone. Chaque manipulation les abîme", s'inquiète Roukiatou Bâ.
La numérisation systématique est en cours, document par document, mais les moyens manquent. "On lance un appel à tous les Africains pour s'impliquer. Les États eux-mêmes devraient porter cette initiative", plaide la directrice de la Fondation.
L'enjeu est désormais de faire le pont entre l'écrit et le numérique, pour atteindre une jeunesse connectée. "Comment nous, détenteurs de contenu authentique, pouvons-nous le rendre accessible à la jeune génération sur des supports susceptibles de les attirer?", s'interroge Roukiatou Bâ, rappelant que son père avait déjà anticipé l'importance de l'audiovisuel, car "l'image prédomine dans la pensée africaine".
La Fondation Amadou Hampâté Bâ reste ouverte aux chercheurs et aux jeunes désireux de s'abreuver à cette "source inaltérée toujours d'actualité". Un trésor culturel qui, grâce à la persévérance d'un homme visionnaire, n'a pas entièrement brûlé.
L'IRRÉSISTIBLE ASCENSION DU CAFÉ TOUBA
Du Gabon à la conquête du monde, le café Touba s'est imposé comme un pilier de l'identité sénégalaise. Rapporté par Cheikh Ahmadou Bamba en 1902, ce breuvage épicé est aujourd'hui consommé par deux Sénégalais sur trois
(SenePlus) - Devenu incontournable dans la vie sociale sénégalaise, le café Touba s'est imposé comme une véritable institution nationale. À la fois symbole culturel, opportunité économique et boisson distinctive, ce breuvage aux épices conquiert les palais bien au-delà des frontières du pays. D'après BBC Afrique, "le café Touba véritable s'est imposé au fil des années comme un élément incontournable de la culture sénégalaise".
Le café Touba tire son nom de la ville sainte fondée par Cheikh Ahmadou Bamba, figure emblématique du mouridisme. Selon BBC Afrique, "la légende raconte que c'est le fondateur du Mouridisme, Cheikh Ahmadou Bamba, connu aussi sous le nom de Serigne Touba, qui a rapporté le breuvage à son retour d'exil du Gabon en 1902". Plus qu'une simple boisson, il est devenu "un symbole de résilience et d'appartenance culturelle, mêlant la dévotion à la prière et la solidarité communautaire".
Ce café occupe une place centrale dans les rituels religieux, particulièrement lors du Grand Magal, pèlerinage annuel où "des millions de personnes sirotent le café qui est distribué gratuitement", souligne le média.
La particularité du café Touba réside dans sa préparation singulière. BBC Afrique précise que "la saveur distinctive du Café Touba provient de grains de café torréfiés et infusés avec du poivre de Guinée ou grains de Selim (un piment d'Afrique de l'Ouest) et des clous de girofle". Le reportage ajoute que "les vrais amateurs de café vous diront que le goût du café Touba est proche du goût d'expresso et celui du poivre de Guinée".
Préparé principalement à partir de café Robusta originaire de Côte d'Ivoire, cette boisson "contient presque deux fois plus de caféine" que l'Arabica et possède "un goût plus corsé et plus amer", indique l'article.
Le café Touba ne se limite pas à sa dimension culturelle ; il représente également une activité économique florissante. Selon les données de l'Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) citées par BBC Afrique, "cette boisson est consommée par deux Sénégalais sur trois, soit plus de 66% de la population".
L'activité génère des revenus substantiels pour de nombreux jeunes vendeurs. "C'est un business qui marche. Chaque jour, je peux avoir un bénéfice allant de 5 000 francs à 7 000 francs CFA", confie Mame, vendeur de café Touba à Bourguiba, un quartier de Dakar, interrogé par BBC Afrique.
Son accessibilité financière contribue également à sa popularité : "Dans les rues des villes sénégalaises, il n'est pas rare de croiser de jeunes vendeurs ambulants de café Touba, qui, munis d'un fourneau, d'une bouteille isotherme (thermos) et d'une pile de gobelets, proposant au passant le liquide sucré pour la modique somme de 50 francs CFA la tasse".
Concernant les bienfaits attribués au café Touba, la prudence est de mise. BBC Afrique rapporte les propos de l'Association Nutrition Alimentation au Sénégal : "À ce jour, il n'y a pas eu d'études spécifiques permettant d'affirmer qu'il y a un effet positif ou négatif du Café Touba sur l'organisme".
Madame Adama Diouf, Assistante à cette association, précise : "Le fait qu'il existe plusieurs types de café Touba préparé avec différents ingrédients font qu'il peut y avoir un effet sur l'organisme. La seule chose que tous ces cafés Touba partagent, c'est la caféine qu'ils contiennent et qui a des effets positifs comme négatifs en fonction de l'état physiologique ou pathologique de la personne".
Le poivre de selim, appelé "Jar" en wolof, est néanmoins "utilisé pour ses vertus médicinales en particulier contre la grippe, les bronchites et contre la dysenterie", note l'article.
Aujourd'hui, le café Touba transcende les frontières du Sénégal pour s'imposer comme un produit typique "made in Senegal" qui "commence à devenir un véritable produit typique", conclut BBC Afrique.
Par Babacar Faye
LES ARTISTES À L’ASSAUT DES ASSIGNATIONS
En explorant des médiums variés — photographie, vidéo, performance, installations interactives —, une nouvelle vague d’artistes ne se contente pas d’interroger les récits muséaux : elle bouscule les pratiques institutionnelles
Si son héritage colonial est tenace, le musée peut devenir un espace de vie commun et disruptif.
Souvent perçu comme déconnecté des réalités sociales, l’art possède pourtant une portée tangible qui incite à l’action. En réintégrant les femmes noires au sein de paroles plurielles, authentiques et multidimensionnelles, il joue un rôle crucial dans les efforts de décolonisation des narratifs muséaux. Longtemps enfermées dans des représentations stéréotypées, souvent marquées par des regards exotisants ou coloniaux, notamment dans les espaces muséaux occidentaux, les figures féminines noires sont aujourd’hui au cœur d’une redéfinition historique portée par des artistes contemporains. Leurs œuvres interrogent la mémoire, le genre et la résistance, et dépassent les formats d’exposition traditionnels en sollicitant activement la participation du public.
Un lieu dynamique
En explorant des médiums variés — photographie, vidéo, performance, installations interactives —, une nouvelle vague d’artistes ne se contente pas d’interroger les récits muséaux : elle bouscule les pratiques institutionnelles. Kara Walker et Zanele Muholi, par exemple, déconstruisent les stéréotypes issus des imaginaires coloniaux tout en utilisant une grammaire visuelle puissante pour révéler les violences historiques et les stigmates de l’histoire esclavagiste américaine. Muholi, en documentant la vie des femmes noires en Afrique du Sud, leur redonne visibilité et dignité.
Le musée, longtemps figé dans son rôle de conservatoire statique, devient alors un territoire dynamique et évolutif. En intégrant la création contemporaine à leurs expositions, les institutions muséales instaurent un dialogue critique entre passé et présent. L’approche intersectionnelle adoptée par plusieurs artistes complexifie également la lecture des œuvres. En collaborant avec des artistes issus des diasporas africaines et afrodescendantes, les musées peuvent remettre en question les modèles curatoriaux traditionnels, autrefois unilatéraux, au profit de processus co-créatifs. Ce dialogue entre artistes, institutions et publics enrichit leur mission éducative et sociale. Il ouvre aussi des espaces de discussion essentiels sur la justice sociale, les droits humains et la réappropriation du patrimoine culturel.
Revisiter les récits historiques
De nombreux artistes contemporains participent à la redéfinition muséale en réinterprétant l’histoire. Lubaina Himid, par exemple, revisite les récits liés aux diasporas africaines en Europe, redonnant une visibilité aux figures effacées des collections muséales, particulièrement à l’occasion de l’exposition « Thin Black Line(s) » dont elle a été la commissaire au Tate Britain, à Londres en 2011-2012. Ces démarches s’inscrivent dans une dynamique plus large de décolonisation de l’art, où les discours ignorés trouvent enfin leur place au sein d’institutions culturelles. Héritier des luttes anti-racistes des années 1960-1970, le Black Arts Movement explore les thématiques de résistance et de fierté identitaire à travers divers supports : peinture, photographie, performance. Ce courant, qui centre la femme noire comme sujet, en souligne le rôle actif dans les mouvements de transformation sociale.
Inscrit dans la dynamique du féminisme de la quatrième vague, The Intersectional Feminist Art Movement met en lumière la créativité et la richesse des voix féminines racisées, en affirmant leur autonomie et leur force politique. Certaines photographes afro-américaines comme Carrie Mae Weems réinterprètent les corps féminins noirs en les présentant comme des symboles de dignité et d’auto-détermination, en particulier dans sa série d’autoportraits « Four Women », datant de 1988. D’autres encore questionnent les pratiques muséales héritées du colonialisme, comme Faith Ringgold, notamment depuis sa participation à l’exposition collective « The Art of the American Negro » au Harlem Cultural Council en 1966.
Enfin, l’Afrofuturisme, revisite les récits historiques en imaginant des futurs où les femmes noires occupent une place centrale dans la fabrique des mondes possibles. Cette vision se matérialise dans l’exposition « A Fantastic Journey » de la Kényanne Wangechi Mutu au Brooklyn Museum en 2013, ou encore dans la série « A Haven. A Hell. A Dream Deferred », présentée au New Orleans Museum of Art par la Libério-Britannique Lina Iris Viktor en 2018. En mêlant science-fiction, mythologie africaine et esthétique futuriste, ce mouvement réinscrit la femme noire dans des utopies actives.
Tous ces courants artistiques poursuivent un même objectif : subvertir les structures coloniales et patriarcales encore présentes dans les musées et institutions culturelles, en Occident comme en Afrique, tout en révélant la puissance narrative des subjectivités féminines noires. Par ces réinterprétations, le musée cesse d’être un simple lieu de conservation : il a le potentiel de devenir un espace de transformation.
Les belles feuilles de notre littérature par Amadou Elimane Kane
ISSA SAMB DIT JOE OUAKAM, UNE ICÔNE DU MONDE DES ARTS SÉNÉGALAIS
EXCLUSIF SENEPLUS - Le grand artiste est parvenu à cet ultime paroxysme de la création et son œuvre, comme une pierre sacrée, nourrira plusieurs générations d’êtres de manière éternelle
Notre patrimoine littéraire est un espace dense de créativité et de beauté. La littérature est un art qui trouve sa place dans une époque, un contexte historique, un espace culturel, tout en révélant des vérités cachées de la réalité. La littérature est une alchimie entre esthétique et idées. C’est par la littérature que nous construisons notre récit qui s’inscrit dans la mémoire. Ainsi, la littérature africaine existe par sa singularité, son histoire et sa narration particulière. Les belles feuilles de notre littérature ont pour vocation de nous donner rendez-vous avec les créateurs du verbe et de leurs œuvres qui entrent en fusion avec nos talents et nos intelligences.
Issa Samb est sans conteste un créateur tout à fait unique dans le monde des arts du Sénégal. Eclectique et inclassable, il n’a pas cherché à composer, il a construit une œuvre qu’il a incarnée parce qu’il était à l’écoute de la vie tout simplement. Un artiste pur, authentique au sens humain qui savait dialoguer avec les autres par l’écriture, la peinture, la poésie. C’est cette alchimie qui nous est offerte dans Poto-Poto Blues.[1]
A travers un texte tout à fait étonnant dédié à Paul Lods, personnage singulier, peintre et enseignant, ami de Senghor et amoureux de l’Afrique, Issa Samb nous livre un récit où le « je » est un autre. Il raconte Pierre Lods qu’il connaît bien et s’approprie la beauté de la création artistique de son ami pour écrire un texte absolument poignant. Tout y est juste, émouvant dans la compréhension de la sensibilité de l’autre qui est aussi la sienne. Du coup, le lecteur s’élève à ce niveau de communion. La langue pour décrire les matériaux de la peinture, inspiration humaine de la nature, est splendide et possède une forte incarnation. C’est ainsi que les arts se rejoignent, il y a un réel partage de la beauté voluptueuse du monde. Lumière, couleurs, vapeurs de l’océan, drapé des tissus, ébène, cosmogonie enchanteresse, tout est rassemblé dans l’épaisseur saisissante, fascinante de l’Art Nègre.
« Lorsqu’on est l’autre, on a cet immense avantage de ne pas être trompé par les petites habitudes »[2], voici ce qui résume l’état d’esprit de Issa Samb qui se refusait toute vanité pour exprimer son art et pour vivre. C’est à travers le regard du double qu’il trouve la poétique de l’écrit, l’esthétique de la peinture, mouvement charnel, dense, il bâtit son œuvre dans le dialogue culturel qui réunit les artistes dans un monde parallèle où les frontières, les origines, les différences sont absentes. C’est un univers métaphysique, cérébral et humainement plein. « Nous devons aller ensemble à l’essentiel. A l’amitié. A la solidarité et à la fraternité. »[3]
Quel bel exemple que ce cheminement à poursuivre dans l’espoir que les hommes et le monde se transforment pour parvenir à cette grandeur humaine.
Chez Issa Samb, ce ne sont pas que des mots, il y a une authenticité palpable et déchirante dans cette déclaration à l’autre.
Courtisé par les marchands, les politiciens, Issa Samb s’est battu pour demeurer un homme libre. Selon lui, l’artiste ne doit appartenir à aucun clan, « la liberté est son [seul] parti »[4]. La lucidité qui l’accompagne tout au long de son existence en fait un homme douloureusement inconsolable. Il redoute la perte des valeurs humaines, l’absence de respect pour les morts « [qui] se suivent et ne se ressemblent pas »[5], la disparition des idéologies qui construisent un futur, l’accélération de la misère, de la terreur, de la souffrance. Il dénonce les injustices pour ceux qui mendient pour manger, « pour passer, pour travailler », et le pouvoir des finances imperméable à la douleur « des hommes squelettiques ».
C’est ainsi que l’artiste se réfugie dans la création qui ne saurait être mensongère ou habitée de calcul. Le verbe est magnifique et une esthétique flamboyante embrase les phrases de Issa Samb : « Moi, je crée le vent, le temps, je t’invente une vie avec plusieurs paliers […]. J’y pose des couleurs et attends que le hasard t’invente une réalité ».[6]
C’est cette quête de l’absolu, celle d’une humanité reconquise, qui traverse la vie, l’œuvre de Issa Samb et cela nous transporte dans une bouleversante vérité.
Cette belle justesse se retrouve dans sa poésie qui offre parallèlement une esthétique mystérieuse. La langue est d’une grande beauté naturelle, sans fard, sans maquillage. Le regard du peintre s’aiguise et les couleurs, les matières éclatent pour former une poétique singulière, « l’odeur de la poussière efface la couleur des fleurs ».[7]
Peinture, poésie, essai, théâtre, opéra, tous les arts nourrissent l’œuvre de Issa Samb car ils représentent la vie sous toutes ses formes.
Le grand artiste sénégalais est parvenu à cet ultime paroxysme de la création et son œuvre, comme une pierre sacrée, nourrira plusieurs générations d’êtres de manière éternelle.
Car l’art est indestructible, il n’est pas poussière dans le vent, il est l’expression de la vie, des particules qui peuplent la terre et les airs, de la conscience humaine et de la beauté des cœurs.
« Et le soleil répand ses lumières
Et ce sculpteur trace ses lignes molles sur ce basalte
Après Abuja, la capitale nigériane, le Food Tour 2025 pose ses “ustensiles” pour la première fois à Dakar. Organisé par CMD Tour, une entreprise implantée au Sénégal, depuis novembre dernier, au Monument de la Renaissance, ce rendez-vous qui accueille des sommités et acteurs des secteurs du tourisme, du commerce, de l’agroalimentaire et de la communauté diplomatique, vise à aider les pays à promouvoir leurs opportunités du tourisme mais également leurs opportunités d'investissement et du commerce.
Placé sous le thème : « Explorez les traditions culinaires mondiales; l’entrepreneuriat et l’innovation agricole. », cet évènement vise à aider les pays à promouvoir leurs opportunités de tourisme mais également leurs opportunités d'investissement et de commerce. « Nous avons pensé qu'il était important de rapprocher les pays pour faciliter les relations de commerce, surtout dans le domaine du tourisme en particulier le tourisme gastronomique qui devient de plus en plus important. Pendant très longtemps, c'est un secteur du tourisme qui a été très négligé. Donc il est important de promouvoir la diplomatie culturelle, la diplomatie économique et à travers nos produits locaux », a expliqué Cécile Mambo, co-fondatrice du CMD Tour, une entreprise implantée au Sénégal.
Ce rendez-vous a vu la participation de plusieurs pays qui ont exposé leurs produits. « On a les pays comme la Namibie qui ont amené certains de leurs produits agroalimentaires transformés. Vous avez au stand du Ghana les produits agricoles et ASPT qui a déposé le thieb Dijene. Donc, il est important de se réunir comme ça pour faciliter les relations entre les pays », a souligné la co-fondatrice de l’entreprise CMD Tour basée à Dakar.
De son côté, parlant au nom du corps diplomatique, Jean Koe Ntanga, Ambassadeur de la République du Cameroun au Sénégal, a insisté sur l’importance du tourisme dans la promotion de nos produits locaux. Selon le doyen du corps diplomatique, « Le tourisme s'il connait des frontières, il va promouvoir nos arts culinaires. L'agriculture est là. Je pense que cette manifestation est là pour que vraiment notre agriculture, de tous les pays puisse prendre un décollage. Parce que là aussi, il faut le dire, la mondialisation peut être une mauvaise chose parce qu'elle fait en sorte que nos cultures ne soient pas tellement valorisées.» « Il faut que nos cultures surtout nos traditions africaines culinaires soient bien connues et qu'on puisse donner les moyens à nos agriculteurs, les moyens du peu qu'ils doivent relever et produire ce qu'il faut », a martelé l’ambassadeur du Cameroun à Dakar.
Cet événement ouvert hier, vendredi au Monument de la Renaissance, sera clôturé par une Grande soirée Gala pour célébrer et récompenser les femmes entrepreneures dans le secteur de l'agroalimentaire. A cet effet, quatre prix seront à pourvoir pour consacrer des initiatives dans les catégories Innovation et Durabilité, Croissance et Impact des entreprises, Communauté et leadership et Excellence du produit.