Mansour Seck n’est hélas plus tout jeune. Quand il se déplace, on doit lui tenir la main. Ce fils du Fouta, qui a foulé les sentiers du monde entier, reste maintenant avec ses proches et sa famille, qui l’entourent du mieux qu’ils peuvent. Auréolé de mystère et de légende, l’un des griots les plus connus au monde a parlé au journal Le Quotidien, avec une certaine nostalgie, de ses débuts et, bien sûr, de son amitié déjà bien ancienne avec Baaba Maal. Malgré son âge avancé, quiconque le croit affaibli et vieilli se trompe : il se souvient de tout et peut le raconter en français, en wolof et en peul. Peu de gens peuvent en dire ou en faire autant.
Il n’a pas les larmes aux yeux, mais presque. Quand on demande à Mansour Seck de se souvenir des méandres de son passé, sa voix semble chargée d’émotion. C’est au sein de «Lasli du Fouta», une troupe de théâtre folklorique, qu’il a fait ses premiers pas.
«C’était une très grande troupe, d’une renommée nationale.Presque tous les artistes Hal Pulaar passaient par cette troupe-là», explique-t-il.
Trois ans plus tard, c’est «Niélitaaré Fouta» qui a vu le jour et qui, à l’occasion, leur permettait de sortir et d’aller jouer dans la région ou de rester au Fouta. Et c’est à partir de là que la machine s’est emballée et que les deux compagnons, Baaba et Mansour ont commencé à s’intéresser à la musique.
«On a trouvé que ça serait bien de voyager, d’aller en France ou ailleurs, pour percer dans la musique.»
Une fois son baccalauréat en poche, Baaba Maal obtient une bourse pour poursuivre ses études en France. Pendant deux mois, il a écumé les bars et les foyers pour, grâce à sa musique, pouvoir payer un billet à Mansour qu’il a fait venir le rejoindre. Ce billet fut la porte d’entrée pour 4 années de créations et de découvertes en France.
«On avait une autre ambition, on voulait faire de la musique»
Heureusement, les deux artistes pouvaient compter sur leur famille, pour entamer une tournée de concerts dans le monde entier.
«Nos parents émigrés nous invitaient tout le temps ou organisaient des concerts.» La France, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre … l’Europe et les pays anglo-saxons n’avaient plus de secrets pour les deux vadrouilleurs.
1984, année à marquer d’une pierre blanche. Baba Maal et Mansour Seck rentrent à Dakar. Forts d’une expérience internationale, plus rien ne leur fait peur et ils se lancent avec le «Dandé Léñiol» (la voix du peuple, en français), un orchestre initialement formé par les deux compères et feu Mbassou Niang, en tant que manager.
«Nous avions beaucoup appris, nous avions compris comment monter un orchestre.» C’est alors que sort, en France, Jam leelii, leur toute première cassette pré-enregistrée. L’album a un tel succès que deux maisons de disque anglaises s’en disputent l’exclusivité.
«Quelqu’un d’Island records est venu pour nous dire que notre cassette l’intéressait vraiment, qu’il voulait l’acheter et signer un contrat avec nous, parce que notre musique, c’est ce qu’il leur manquait, ce qu’ils cherchaient.»
Et la machine était repartie. La maison de disque anglaise a organisé des concerts dans son pays, puis des tournées dans toute l’Europe et même aux Etats-Unis.
«On a tout partagé, on a voyagé ensemble à travers le monde»
Bien évidemment, on ne peut pas parler de Mansour Seck sans s’attarder sur son amitié avec Baaba Maal. «Notre compagnonnage a été quelque chose de fidèle entre lui et moi», se remémore-t-il, avec un petit tressaillement dans la voix.
«Notre relation, c’est depuis nos arrière-grands-parents». Cette amitié, c’est l’histoire de l’union entre un griot et un thioubalo. C’est aussi une histoire de famille, puisque leurs arrière-grands-parents, leurs grands-parents et leurs parents se fréquentaient déjà.
Mais c’est également une histoire de destin, car «Dieu a fait que chacun de nous a choisi d’être musicien, donc on se complétait».
Même à 13 ans, les gens les imaginaient toujours ensemble : «Quand on était plus jeunes et qu’on jouait au théâtre, les gens disaient ‘’il faut que Mansour soit là, il faut que Baaba Maal soit là, pour que le spectacle soit réussi’’. Ça a commencé par-là.»
Main dans la main, comme cul et chemise, les deux artistes ont sillonné les scènes du monde entier. «Je lui ai appris à jouer de la guitare et je chantais comme il le faisait.» Complémentaires dans leur relation professionnelle comme personnelle, ils faisaient tout main dans la main. Ou plutôt, l’un derrière l’autre. En effet, si Baaba Maal occupait le devant de la scène, Mansour Seck savait se faire plus discret … mais pas moins indispensable.
L’autre ingrédient essentiel de cette amitié, c’est cette entente si particulière qu’ils ont l’un pour l’autre. «Il n’y a jamais eu de problèmes entre nous : quand il parle, je comprends toujours où il veut en venir (…) Dans la musique des fois, chacun veut chercher son succès à part, chercher sa renommée de son côté … mais, nous, Hal Pulaars, quand on tient l’amitié, on la tient jusqu’à la mort.» C’est ça le secret d’une entente parfaite : l’amitié d’abord et le reste après.
«Notre musique est une musique de succès, parce qu’on a beaucoup travaillé»
Quand on lui parle de relève, Mansour Seck est hésitant. «C’est mon souhait le plus absolu, que de jeunes musiciens aient une aussi grande carrière», mais aucun nom ne lui vient à l’esprit. Il parle de son cousin, jeune talent, qu’il voit comme quelqu’un qui deviendra grand dans le domaine de la musique.
A défaut de jeunes, on le questionne sur les anciens, les musiciens qui ont pu l’inspirer. Et là, il est plus bavard. Il parle des grands musiciens Hal Pulaars, de Samba Diop Lélé, «le Fouta est plein de talents». Il ne tarit pas d’éloges non plus sur le Yéla, cette danse des griots, qui l’a aussi beaucoup inspiré.
Il reconnaît que ce n’est pas une vie facile, que celle d’être musicien (à succès, qui plus est !), qu’il n’est pas facile de trouver des personnes fiables avec lesquelles s’entourer … «Ce que je leur conseille, c’est de partager, de s’accepter, puis d’avoir la foi, la volonté et la sincérité.»
Pour l’artiste, en musique, il faut montrer le bon exemple, montrer le chemin à suivre à ceux qui écoutent, «que ça puisse leur servir aussi demain».
Mansour Seck, c’est quelqu’un de discret, qui va droit au but et qui ne se perd pas dans les fioritures. C’est donc tout simplement qu’il a défini son œuvre, sa musique : «C’est une musique forte, une musique vraiment très sensible quand on la comprend.»
LE SACRE DU ''ROI DE LA MER'', UN LEGS MULTISÉCULAIRE
A Fadiouth, le 23e Roi de mer, Simon Njaré Soune Ndiaye, a été intronisé, le 2 mai, à la place Nguël de Njay-Njay, au cours d’un cérémonial très particulier. L’île aux coquillages reste attachée à ses rites et traditions, malgré les mutations que vit la société.
Comme un peu partout dans le monde, les grandes étapes de la vie à Fadiouth sont marquées par des rites anciens. Depuis la nuit des temps, l’île aux coquillages est restée attachée à une religion traditionnelle sérère fortement structurée.
L’intronisation du « roi de la mer » ou « Sacuur » (le grand prêtre) en est un exemple vivant. Cette cérémonie organisée cycliquement depuis des siècles déjà a permis à Fadiouth de vivre au rythme de ce rite étroitement attaché à leur vie depuis de nombreuses générations.
Pour les pêcheurs, cette fête revêt une très grande signification. Car, visant à s’attirer une pêche abondante. Selon les gardiens de la tradition, le « roi de la mer » administre un espace qui va du nord de la Pointe Sarène à la rivière de Thiémassas jusqu’à la Pointe de Sangomar.
Le « Sacuur » est chargé de protéger les populations des intempéries en mer et de rendre abondantes les eaux en produits halieutiques (poissons, fruits de mer, etc.). Il reçoit, par la grâce de « Rog Seen » (Dieu en sérère), les charges sacerdotales et royales qui viennent du pouvoir des « Pangols » ou Bienheureux du clan, après une « nuit d’initiation ».
Les ancêtres claniques l’investissent guide et intermédiaire entre le monde des vivants et celui des morts, explique-t-on.
À Fadiouth où les populations sont à 90 % chrétiennes, la protection des ressources de la mer revient à la lignée maternelle des Jaxaanoora qui est dépositaire d’un savoir ésotérique.
Selon Raphael Ndiaye, ethnolinguiste et ancien directeur des Archives culturelles du Sénégal, qui présentait la cérémonie, cette fonction du « roi de la mer » est issue de l’origine des premiers occupants du terroir traditionnel de Fadiouth, qui étaient des lignées Jaxaanoora et Feejoor à travers le mythe de Kian et de Tiboy.
« L’appropriation de cet espace par un couple venu du Gabou vers le 10e siècle ; un homme du nom de Kian et une femme du nom de Tiboye sont arrivés dans l’espace qu’est Fadiouth. Kian s’est approprié l’espace terrestre par le droit du feu et Tiboye l’espace maritime », rappelle-t-il.
Selon lui, la royauté de la mer est une particularité du pays sérère de la Côte qui remonte à plusieurs siècles. « Les Sérères sont matrilinéaires, ils organisent la parenté par les femmes et chaque Sérère peut remonter, en partant de lui-même et de sa mère et de la mère, de sa mère jusqu’à l’ensemble de ses ancêtres jusqu’au dernier qu’il connaît », explique-t-il.
Simon Njaré Soune Ndiaye, 23ème « Sacuur »
L’intronisation du « roi de la mer » ou « Sacuur » (le grand prêtre) a été une occasion de redécouvrir le caractère unique de cette tradition bien sérère. Cette fonction est assurée, à tour de rôle, par la lignée Jaxaanoora, à travers ses branches Njaré Sarr et Tiboy Demba qui accèdent à cette dignité. L’accession se fait par alternance.
L’intronisation de Simon Njaré Soune Ndiaye comme 12e Sacuur de la branche Njaré Sarr et 23e des deux branches, a consisté en une grande fête qui a drainé des milliers de personnes venues de tout Fadiouth et de ses environs. La place Nguël de Njay-Njay, en l’espace de quelques heures, s’est transformée en un véritable lieu de pèlerinage.
Avec une dimension divinatoire, cette cérémonie qui marque un tournant très important dans la vie de la communauté lignagère de Njaré Sarr de Fadiouth et celle des villages du littoral de l’Atlantique, a permis de ressusciter l’esprit de convivialité, de solidarité, de fraternité qui a toujours prévalu en milieu sérère.
L’arrivée du « Sacuur » Simon Njaré Soune Ndiaye dans l’enceinte du lieu d’intronisation après une nuit d’initiation a été rythmée par les battements de tam-tam du tambour-major Dominique Mak Sarre. Ce dernier, selon M. Ndiaye, garde la mémoire des rythmes et connaît toute leur signification.
Tout de blanc vêtu, l’élu est accompagné de la Linguère Rose Marie Ndiaye, qui est sa sœur classificatoire, et du Boumi, Antoine Hamad Coumba Ndiaye, qui est l’héritier présomptif et qui appartient à la branche Tiboye Demba. Ce dernier est le successeur du « Sacuur ».
Ovationné par la foule, Simon Njaré Soune Ndiaye s’assied sur un coussinet préparé pour l’occasion et dans lequel se trouvent des plantes rampantes appelées « furtuut », symbole de vigueur, de dynamisme et de longévité. Une fois installé, le « Sacuur » fait face au Sud avec à sa droite la Linguère et à sa gauche le Boumi, eux aussi habillés de blanc.
« Le Sacuur n’assure pas les rituels, il est secondé par deux autres branches de la lignée Jaxaanoora, à savoir Tening Kodu et Diaxeer Goran qui assurent les fonctions rituelles. Elle ne peut prétendre au « Sacuur ».
Par contre, elle joue un rôle très important dans le succès du règne du "roi de la mer" », précise Raphael Ndiaye. Selon l’ethnolinguiste, cette cérémonie comporte toute une symbolique, qui indique un ancrage, des convictions et une vision du monde.
« Cette vision du monde, c’est le fait que comme les autres cultures africaines, les sérères pensent qu’il y a un monde visible et un autre invisible où l’homme n’est pas seul, qu’il y a des énergies positives ou négatives selon l’utilisation qu’on en fait, qu’il y a des gens auxquels est donné le pouvoir de capter ces énergies cosmiques. C’est pourquoi cette cérémonie comporte une partie qui doit permettre à l’élu de s’incorporer les énergies cosmiques liées à celles dues aux prières et au soutien des ancêtres, parce que l’ascendance des ancêtres est maintenue, elle est associée », souligne-t-il.
Un roi « interdit » de mer
L’île de Fadiouth demeure attachée depuis ses origines à une religion traditionnelle sérère fortement structurée. En milieu sérère, une importance toute particulière est accordée au mil, qui est symbole d’abondance et de bonheur, au coton, qui symbolise la discrétion et de protection et au sel, qui est symbole de protection.
Durant toute la cérémonie ponctuée de battements de tam-tam, de chants et danses, l’élu, la Linguère et le Boumi ont été aspergés de mil. Cela marque, selon les anciens, que l’autorité du « Sacuur » est désormais retenue.
À chaque instant, des femmes, calebasses bien serrées dans les bras, viennent verser du mil sur la tête du Roi, de la Linguère et du Boumi. Cette pratique, selon les anciens, permet de préparer le prochain hivernage.
Ce mil est ensuite ramassé puis mélangé aux prochaines semences pour que la campagne hivernale soit abondante. Du coton, symbole de discrétion et de protection, est ensuite posé sur la tête de l’élu. Il a ensuite été procédé au rituel de la hache, symbole de la virilité, qui a été aspergé d’eau par la fente. Et enfin, le « Sacuur » a porté le bonnet royal qui symbolise le pouvoir.
Simon Njaré Soune Ndiaye aura donc pour mission de veiller à ce que la mer soit bénéfique et pacifique, pour permettre une exploitation optimale et durable de ses richesses au profit de la société, d’assurer la protection des populations en mer et dans la vie de tous les jours sous différents angles. Il veillera aussi à rendre les terres fertiles et à écarter les maléfices du village.
QUAND LE COMITÉ D’ORIENTATION RECONNAÎT, ENFIN, LE PARADOXE DE LA BIENNALE
Ouverte vendredi dernier, c’est-à-dire le 09 mai, au Grand Théâtre, la 11ème édition de la Biennale de l’art africain contemporain donne l’impression d’une belle femme à qui il manquerait cependant de la grâce. Et pour lui donner ses atours, la présidente du comité d’orientation n’a pas manqué de dénoncer les effets paradoxaux d’une Biennale qui se tient dans un pays où il manque du tout ou presque…
Personne ne peut nier l’apport de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar sur l’intérêt croissant des jeunes à l’expression artistique et, surtout, le développement de ce secteur avec la création dans les années quatre vingt-dix de galeries à tous les coins de la capitale.
Une période où l’on sentait une véritable effervescence culturelle dans notre pays. Dakar bouillonnait d’une intense frénésie culturelle afin sans doute de mériter d’être tous les deux ans la capitale de l’art africain contemporain à travers la plus grande manifestation artistique du continent qui y était organisée.
Hélas, après quelques éditions de la Biennale, beaucoup de galeries avaient fermé leurs portes faute d’un soutien conséquent de l’Etat mais aussi par manque de retombées de cette manifestation avec un marché de l’art inexistant. C’est pourquoi, d’ailleurs, après plus de six éditions, « Le Témoin » avait posé le débat sur l’opportunité de la tenue d’une Biennale dans un pays dépourvu d’infrastructures culturelles, notamment d’un Musée d’art contemporain. Un musée dont la construction a toujours été notre cheval de bataille.
Depuis lors, beaucoup de couleurs se sont incrustés sur ce tableau qui aurait dû faire notre fierté. Malheureusement, non seulement la Biennale est mal soutenue par l’Etat, mais aussi beaucoup de partenaires qui portaient cet évènement lui ont tourné le dos. La belle était devenue un évènement qui attirait certes du monde pendant les deux semaines qu’elle durait, mais elle sombrait dans une profonde torpeur sitôt les rideaux tirés sur elle.
Mais quel bouillonnement artistique durant sa tenue ! Il est beau, en effet, le spectacle de ces amoureux du Beau qui parcourent Dakar dans tous les sens pour visiter une centaine d’expositions. Ce qui est, bien sûr, signe d’une grande vitalité culturelle. Malgré tout, lors de la première Biennale tenue sous l’ère du président Me Abdoulaye Wade, à son accession au pouvoir, on suggérait que l’on fasse une pause, le temps de mettre en place un Musée d’art contemporain au lieu de dépenser tous les deux ans plus de 700 millions pour un évènement qui tarde à gagner en popularité et qui n’intéresse qu’une infime partie de la population.
A l’ouverture de l’édition 2000 de cette Biennale, on nous avait traités d’esprit grincheux. Il avait fallu attendre l’année 2012pour que des experts tirent enfin la sonnette d’alarme pour manifester leur incompréhension de voir une ville dépourvue de musée accueillir le plus grand évènement artistique du continent. Une infrastructure qui aurait évidemment résolu beaucoup de problèmes. Malgré tout, les autorités n’avaient pas bougé d’un iota.
Et si la présidente du comité d’orientation de la présente édition, celle de 2014 bien sûr, Mme Thérèse Turpin Diatta, a insisté sur l’impérieuse nécessité de la mise en place de cet outil, c’est parce qu’il se pose à chaque édition un problème de sites. « Un musée d'art contemporain est d'une grande nécessité. Il permettrait d’apporter les meilleures réponses aux questions de site propre à la biennale, de disponibilité d’espaces de convivialité et de fonctionnalité de salles de rencontres professionnelles », disait le secrétaire général de la Biennale, Babacar Mbaye Diop, dans un entretien qu’il nous avait accordé.
Un problème qui n’a jamais été aussi crucial que pour cette édition avec le village de la Biennale relégué sur la route de Rufisque et d’accès très difficile. Il faut dire que les sites changent presque à chaque édition. En effet, plusieurs formules ont été expérimentées sans aucun succès. Du musée de la place Soweto à l’ancien Palais de Justice du Cap Manuel en passant par le Cices (centre international du commerce extérieur du Sénégal), on tourne en rond depuis plus de 20 ans que cette Biennale existe.
Une absence de Musée qui montre aussi le peu d’intérêt que l’on porte aux œuvres de nos créateurs. Sans le confesser, le secrétaire général de la Biennale, dans son souci d’exposer une partie du patrimoine artistique de l’Etat, s’est rendu à l’évidence que ce patrimoine s’était dangereusement détérioré.
En effet, les œuvres de nos plus grands artistes, à l’exception notable des tapisseries qui ornent les sièges d’institutions comme la présidence de la République et quelques représentations diplomatiques, sont vouées à la poubelle. Des œuvres qui n’ont pas pu résister à l’usure du temps en l’absence d’une politique hardie de restauration et de conservation. Ce qui, bien sûr, réclame la formation d’hommes outillés pour ce faire.
Hélas, on n’en trouve pas dans ce pays. Et les œuvres de feus Moustapha Dimé et Iba Ndiaye, offertes gracieusement à l’Etat du Sénégal, risquent de connaître le même sort malgré les déclarations tonitruantes d’un ministre qui fait du retour de ces œuvres son trophée de guerre. C’est certainement ce qui explique le cri du cœur de Mme Thérèse Turpin Diatta à doter Dakar, qui se veut la capitale de l’art africain, d’un Musée d’art contemporain en plus de la restitution du Musée dynamique — qui sert de siège à la Cour de Cassation ! — aux artistes.
Ce qui ferait fondamentalement de Dakar la capitale de l’art africain. Pour le moment, c’est une ville qui accueille une manifestation de prestige sans en avoir les moyens. Ou, de façon plus prosaïque, une belle femme sans aucune grâce. Marquer une pause pour lui permettre de s’approprier cette grâce ne lui ferait que du bien…
PAR ALASSANE SECK GUÈYE
DE QUELLE RUPTURE PARLEZ-VOUS DONC, MADAME LE PREMIER MINISTRE ?
Les acteurs de la seconde alternance politique adorent à n’en pas douter les belles formules creuses pour montrer que nous vivons dans un autre monde à tout points de vue différent de celui que nous a légué l’ancien chef de l’Etat, Me Abdoulaye Wade.
«La rupture» s’est invitée à l’occasion de l’ouverture de la Biennale, la première présidée par un Premier ministre depuis la création de cette manifestation. On se souvient que, lors de l’édition 2002, Me Wade, alors en voyage, avait retardé de quelques heures son ouverture pour la présider personnellement au Cices où il avait visité au pas de charge l’exposition internationale. Le président Macky Sall étant en voyage, l’honneur a été fait au Premier ministre de présider l’ouverture de l’édition 2014 de la Biennale.
Finalement, qui a–t-on vu samedi pour le vernissage de l’exposition internationale, à la place du chef de l’Etat ? Le ministre de la Culture ! Macky Sall aurait-il du dédain pour les choses artistiques ? Cela dit, et comme d’habitude, le mot rupture s’est invité dans le discours du Premier ministre lors de la cérémonie d’ouverture, vendredi 9 mai au Grand théâtre : «Aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle phase de la biennale. Une phase de rupture où l’universalité de l’art reprend droit de cité… »
L’on peut se demander sur quelle planète était Mme le Premier ministre lors des précédentes éditions de la Biennale.
En effet, si, dès le début, l’exposition internationale, après avoir été ouverte aux artistes du monde entier, a été, au fil des éditions, progressivement consacrée aux artistes du continent- ce que, d’ailleurs, certains artistes n’ont jamais manqué de dénoncer car soucieux d’éviter une ghettoïsation de l’art-, il faut cependant avoir le courage de reconnaître que cette Biennale n’a jamais été fermée aux artistes des autres aires culturelles du monde.
Elle s’est toujours exprimée à travers un langage universel notamment avec les «off» comme c’est le cas pour cette édition où des artistes venus de différents pays du monde exposent dans tous les coins de Dakar. Juste que, pour cette édition, l’exposition internationale qui n’accueillait que des artistes du continent est ouverte aux autres pays du monde. C’est donc un peu exagéré, pour cette seule ouverture, de parler de rupture.
On aurait dû comprendre si l’Etat avait mis des moyens conséquents en plus de la réalisation d’infrastructures culturelles pour accueillir cette Biennale qui a tourné le dos à certains sites rénovés à l’occasion du Festival mondial des arts nègres. Ce que dénonçait d’ailleurs récemment dans nos colonnes l’artiste-plasticien Daouda Ndiaye, par ailleurs professeur d’éducation artistique.
Pour en revenir au discours du Premier ministre, Mme Aminata Touré donnait souvent l’impression de s’adresser beaucoup plus à nos artistes qu’aux hôtes d’une manifestation qui se veut universelle.
Il faut reconnaître en effet que, si des artistes locaux ne parviennent toujours pas à vivre de leur art ou s’il leur manque un statut, dans d’autres pays du continent, ils ont dépassé cette situation de précarité pour entrer dans l’ère de l’universalité. Ce qui leur permet, bien sûr, de vivre dignement de leur métier sans rien attendre de leur Etat.
La rupture consistera en cela et à rien d’autre. Malheureusement pour nos artistes, le chemin semble être loin pour cet Eden qu’on leur promet depuis des lustres et qu’ils ne verront sans doute jamais. Du moins pas de sitôt…
Pour vous mettre l’eau à la bouche et pour vous faire découvrir Liou la coquine, nous vous proposons de suivre, tous les lundis, la petite Québécoise chocolat au lait. Retrouvez les personnages drôles et sympathiques : Liou, petite fille curieuse qui ne laisse jamais son imagination dormir.
La maîtresse Adèle, institutrice de Liou qui lui demande parfois de laisser son imagination se reposer. Le papa de Liou, alimente l’imagination de Liou, est à l’origine de ce projet : créer un livre où la petite métisse chocolat au lait se "retrouverait" enfin. La maman de Liou, alimente l’imagination de Liou, mais aimerait parfois qu’elle la laisse aussi se reposer.
Les amis de Liou, sont curieux, ouvrent grand leurs yeux, bouches et oreilles quand Liou débarque en classe avec un objet insolite.
ÉPISODE 5 : LA CALEBASSE DE LAUREL ET HARDY
Cette fois, Adèle la maitresse n’a rien demandé du tout,
mais Liou veut apporter la calebasse de maman à l’école.
Elle a beau réfléchir, elle ne sait pas comment faire en sorte qu’Adèle ait l’idée de dire aux amis d’amener une calebasse en classe !
C’est dur !
Elle réfléchit, elle réfléchit encore, elle réfléchit encore et encore.
Elle réfléchit encore, encore et encore.
Elle réfléchit encore, encore, encore et …D’accord, d’accord, elle ne réfléchit plus.
Elle a trouvé : Elle va demander à Adèle d’organiser un concours de chapeaux !
Adèle dit : « D’accord, mais on le fera à Haloween »
Halloween est là.
Liou dit à sa maman qu’elle veut se déguiser en Laurel et Hardy,
comme ça, elle aura un chapeau-calebasse au lieu d’un chapeau melon.
Maman rit. Liou se fâche : « Pourquoi tu ris ? » Mais maman rit trop pour répondre.
Liou arrive à l’école, mais personne ne connait Laurel et Hardy, sauf la maîtresse.
Ses amis lui demandent : « C’est quoi ce chapeau ? »
Liou dit : « C’est un chapeau magique, une bosse de dromadaire, une carapace de tortue qui vient de…»
—Liou! dit Adèle, la maîtresse. Elle ne croit pas aux bosses magiques de dromadaire, elle.
Liou dit : « Bon ! D’accord ! C’est une calebasse. On peut faire de la musique avec, on peut y mettre des fruits, on peut faire plein de choses avec ! »
Alors, Adèle explique à tout le monde d’où vient la calebasse et dit à Liou : « C’est pour ça que tu voulais un concours de chapeau, petite coquine ! »
C’est à croire que l’Etat du Sénégal est un mauvais père. Un géniteur qui nourrit mal les enfants qu’il met au monde ou, du moins, qu’il adopte avant de les laisser mourir.
Les Rencontres cinématographiques de Dakar « Recidak », créées par Mme Annette Mbaye d’Erneville et refilées à l’Etat quand leur génitrice n’a pas voulu commettre un infanticide, ont été enterrées par le même Etat qui s’était pourtant présenté en sauveur. Un Etat qui peine depuis lors à ressusciter cette manifestation cinématographique malgré un séminaire consacré aux moyens de la relancer.
Les « Recidak » étaient pourtant alors un évènement phare dans le calendrier cinématographique national. Mieux, elles commençaient même à susciter de la jalousie de la part des Burkinabés, lesquels soupçonnaient le Sénégal de vouloir leur faire un enfant dans le dos. Depuis, donc, que l’Etat a hérité des « Recidak » pas une seule édition n’a été tenue. Et l’événement est mort de sa belle mort.
Quant au Fesnac (Festival national des arts et cultures), une manifestation biennale initiée par l’Etat du Sénégal, elle croule à chaque édition — qui se tient selon les humeurs budgétaires du gouvernement — sous les difficultés financières. Cela fait d’ailleurs presque trois ans que ce festival ne s’est pas tenu, la dernière édition en 2011 ayant été un gouffre financier. La Foire du Livre et du Matériel didactique connaissait les mêmes difficultés financières. Ce n’est que lors de l’édition de décembre 2014 qu’elle a connu un léger mieux.
La Biennale de l’art africain contemporain, la Foire du livre et du Matériel didactique et le Fesnac restent les seuls évènements culturels phares initiés par l’Etat du Sénégal. Les autres émanent de privés ou d’entités régionales qui ont du mal à obtenir un soutien de l’Etat. C’est le cas du Festival international de Folklore et de Percussions de Louga, du festival de jazz de Saint Louis, de ceux de Dakar et Gorée consacrés à la même musique et de beaucoup d’autres journées culturelles.
Et si les experts appellent de tous leurs vœux à une autonomisation de la Biennale ou à un changement de statut, c’est parce que l’Etat nourrit mal son bébé. En même temps, jaloux de ses prérogatives,il empêche ceux qui auraient pu trouver d’autres ressources pour la Biennale d’en prendre les commandes.
Aujourd’hui, sa part de participation à la Biennale de Dakar reste minime par rapport au soutien des différents partenaires dont les plus importants sont lesOccidentaux. Malheureusement, ces bailleurs de fonds n’offrent pas leurs billes que pour l’amour de l’Art. En effet, ils imposent que leurs orientations artistiques soient bien prises en compte. Ce qui dénature un peu le jeu et constitue une chape de plomb sur la prétendue liberté artistique.
L’autonomie suggérée par le Comité d’orientation n’échappera pas à cette contrainte. Bien au contraire, le gap va s’accentuer. A moins que les sociétés nationales et les grandes compagnies du continent, par un sursaut d’orgueil, ne viennent financer cette fête continentale qui s’ouvre aussi au monde. Ce qui serait un point de plus.
La onzième édition de la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar bat son plein. Depuis la cérémonie d’ouverture, présidée par Mme le Premier ministre Aminata Touré, vendredi 9 mai, un public, essentiellement composé de connaisseurs, défile devant les œuvres des artistes qui ne demandaient pas moins. Heureusement !
C'est que Dak’Art 2014 a souffert vraiment d’un manque de communication et de management à cause d’une première équipe tatillonne, virée à un mois de l’événement par le ministre de la Culture et du Patrimoine, et aussi d’un manque criard de professionnalisme et d’expérience du nouveau «team» imposé par le ministre Abdoul Aziz Mbaye. Du coup, les repères se perdent et la Biennale sombre presque dans des activités confidentielles loin du grand public.
Le catalogue sorti trois jours après l’ouverture, des œuvres montées au dernier moment, des documents non finalisés, l’équipe de communication choisie par le ministre Mbaye payée, les commissaires d’exposition, des chroniqueurs du quotidien de la Biennale non payés, bref beaucoup de problèmes s’amoncellent au niveau de cette présente édition qui se poursuit jusqu’au 8 juin 2014. Ainsi, le Président a sans doute raison de ne pas s’être signalé à la Biennale à cause de l’impréparation de l’événement.
Lors de l’ouverture officielle du Dak’Art 2014, la présidente du Comité d’orientation, Mme Marie Thérèse Turpin Diatta, a fait un long plaidoyer en faveur de l’autonomie de la Biennale en ces termes : «Des experts comme Thierry Raspail, dans son rapport de 2001, et Sylvain Sankale, dans son rapport de 2008, s'accordent tous sur la nécessité d’une autonomisation de la Biennale de Dakar. Nous voulons l'autonomie de la Biennale avant 2016.» Madame Diatta de poursuivre : «Je suis convaincue que la Biennale de Dakar ne pourra assurer sa pérennité que si elle devient autonome.»
A-t-elle donc oublié que la Biennale de Dakar est un projet culturel du gouvernement du Sénégal ? Créée par le gouvernement du Sénégal depuis 1989 et réalisée en 1990, portée par le ministère en charge de la Culture, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar a fait un bon chemin. Et pourtant, dans la démarche, l’Etat donne une place importante à l’indépendance des acteurs et autres créateurs dans l’organisation de la Biennale. Le comité d’orientation est composé d’experts et de professionnels des arts visuels indépendants.
L’orientation, le contenu et même la thématique sont du ressort des membres du comité d’orientation qui sont indépendants. Les commissaires d’exposition et le comité de sélection sont composés d’experts indépendants. Aucun parmi eux n’appartient au ministère encore moins à l’Etat. Alors où est le problème ? Si c’est pour le sponsoring ou le partenariat, des sociétés, des institutions privées et publiques ont toujours répondu pour accompagner, si le management organisationnel est bien assuré. Et cela n’a rien à voir avec une prétendue autonomie.
C’est l’Union européenne, qui brille par son absence depuis trois éditions, et un groupuscule complice qui évoquent toujours l’autonomisation et la Déléguée l’avait fait comprendre à l’Agence de presse sénégalaise (APS).
Et pourtant la Biennale se tient et attire les artistes, curateurs, galeristes, collectionneurs et autres professionnels des arts des cinq continents. Pendant ce temps, cette même Union européenne commandite d’autres experts pour réclamer l’autonomie de la Biennale. Et des soi-disant mécènes embouchent la même trompette pour détacher l’Etat, qui met plus de 300 millions dans chaque édition, de son bébé qu’est la Biennale.
En plus, l’Etat met à disposition le siège de la Biennale, des agents pendant deux ans de préparation, les frais courants (eau, électricité, téléphone, véhicule, fonctionnement, etc.). L’ancien président Gérard Sénac réclamait lui aussi ouvertement l’autonomie alors qu’il ne donne aucun franc à la Biennale où pourtant son entreprise Eiffage est très visible. M. Sénac se contente seulement de réaliser avec son conseiller artistique, Mauro Pétroni, les brochures du «Off».
De qui se moque-t-on ? Si on réussit à pousser l’Etat à se désengager, ce serait un grand préjudice pour la communauté artistique !
Si l’Etat se détache, c’est la mort de la Biennale. Au Burkina Faso, on n’ose pas demander à l’Etat d’autonomiser le Fespaco. En Côte d’Ivoire, il n’y a jamais eu de débat sur l’autonomisation du MASA. Au Mali, il n’a jamais été question d’autonomiser la Biennale de la Photographie africaine de Bamako. Diantre pourquoi donc nous tympanise-t-on à chaque édition sur l’autonomie de la Biennale de Dakar ? Une revendication qui est le fait d’un groupuscule dont les intérêts sont autres que ceux des artistes.
Les précédents ministres de la Culture ont toujours rejeté cette démarche d’autonomisation-privatisation, mais l’actuel ministre de la Culture, ayant servi l’Etat français à l’Union Européenne, a commandité l’experte européenne Elizabeth Boushman et les autres pour changer le statut de la Biennale en vue de son autonomisation. Au détriment de la communauté artistique.
Dans cette même dynamique, les tenants de l’autonomie font du lobbying pour la loi sur le mécénat d’art dont l’objectif est de payer, par exemple, des miettes pour les impôts là où ils doivent payer des dizaines de millions en tant que constructeur de routes ou de grands travaux publics. Suivez mon regard.
Le mécénat d’art, oui, mais profitable à toutes les entreprises et aux artistes sans discrimination.
Qu’on se le tienne pour dit, les autorités doivent faire preuve d’une extrême vigilance pour ne pas tomber dans le piège tendu par des fossoyeurs de la Biennale. Et entretenir comme il le faut leur bébé. Quant aux artistes, ils doivent, à côté des autorités étatiques, préserver cette belle plateforme de créations et d’expressions plurielles qu’est la Biennale.
Pour La VEILLE CULTURELLE
* Artiste
DAK’ART 2014: L’AIE OU LA CULTURE POUR RAPPROCHER LES PEUPLES
Dakar, 16 mai (APS) - L’ambassade des Etats-Unis au Sénégal abrite une exposition permanente d’œuvres d’art à travers le programme ''Art in embassies'' (AIE) ou ''l'art dans les ambassades'', qui a pour objectif de promouvoir la diplomatie culturelle par l’art entre le pays d’accueil et les Etats-Unis.
Inscrite pour la première fois dans le Off de la 11ème Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Daka'Art, 8 mai- 9 juin), cette exposition change le décor des nouveaux locaux de l'ambassade des Etats-Unis inaugurés récemment dans le quartier des Almadies.
Des œuvres d'artistes sénégalais et américains ornent les différents espaces de la représentation diplomatique.
Modou Dieng avec ses ‘’cravates et 33 tours’’, Viyé Diba avec son tableau ‘’Robinet’’, l’artiste photographe Pape Seydi Samba avec ‘’Les icônes de la ville’’ ornent les murs de l’ambassade.
A côté de leurs œuvres, il y a celles des artistes américains comme Vera Vidittz-Ward et ses photographies d’un quartier de Dakar, ou encore la toile de David Huffman intitulée ‘’Chou vert’’.
''L'AIE a été créé en 1963, mais déjà en 1960 le Président John Kennedy avait nommé le directeur du bureau de l’art dans les ambassades. C’est donc pour promouvoir la diplomatie culturelle que ce bureau a été créé’’, a expliqué Aminata Fall Samb, spécialiste des affaires culturelles, à l’ambassade des Etats Unis au Sénégal.
‘’C’est un bureau qui rapproche le peuple américain et celui des autres pays pour raffermir les relations diplomatiques (…). Donc partout où il y a une ambassade des Etats Unis, le bureau envoie des œuvres pour le décor de l’ambassade’’, a t-elle précisé.
''Des expositions qui donnent une idée de la dimension de l’art et de la culture des deux pays, celui qui est reçu et celui qui reçoit. C’est dans ce cadre que des artistes américains sont venus au Sénégal pour s’inspirer de la culture au Sénégal et s’y appuyer pour produire leurs propres œuvres'', selon Mme Samb.
C’est le cas de Amy Sherald avec ‘’Equilibre’’, une œuvre inspirée des pagnes ‘’ndjaxass’’ au Sénégal ou patchwork présentant une jeune femme habillée en jupe patchwork. Debout sur ce qui semble être un fil tendu, elle est munie d’un balancier et d’une pendule, comme pour faire référence au balancier d’une horloge.
Il y a aussi l’œuvre de la Californienne, Mildred Howard, intitulée ‘’Changement dans la cuisine : de Dakar à Détroit et au Delta du Mississippi’’. Le visiteur découvre à travers ce tableau plusieurs mains sculptées sous différentes positions sortant de disques 33 tours accrochés séparément sur un mur en bois.
Il s’agit d’une œuvre qui ‘’rend hommage à la filiation directe entre la musique du Sénégal et d’Afrique de l’Ouest et les idiotismes musicaux considérés comme natifs des Etats-Unis’’, a dit Mildred Howard, dans une note de présentation de son œuvre.
‘’Détroit a été considérée comme (…) le lieu de naissance du rythme and blues américain, de la musique soul (…). En écoutant attentivement, on réalise que la plupart de ces titres de détroit qui nous sont familiers prennent leurs racines dans les traditions anciennes d’Afrique de l’Ouest’’, ajoute-t-elle.
La plus grande œuvre de l’exposition de par sa dimension ne laisse aucun visiteur indifférent, puisque l’auteur, Nick Cave, a pu créer des filets de perles multicolores, bien connues des femmes sénégalaises.
Des filets qui pourraient, selon Mme Samb, représenter la diversité des hommes, mais aussi l’amitié ou encore le mariage. D’autres pourraient voir à travers ces filets des sculptures d’artistes sénégalais que Nick Cave a ajoutées dans son œuvre pour souligner l’importance du brassage culturel qui existe aux Etats-Unis.
Avec plus de 200 sites à travers le monde, l’AIE organise des expositions temporaires et permanentes dans les espaces de représentation de toutes les chancelleries, tous les consulats et toutes les résidences des ambassades des Etats-Unis dans le monde.
LE QUOTIDIEN DE LA BIENNALE DE L’ART AFRICAIN CONTEMPORAIN
Installation auréole
La 11e édition de la Biennale Dak’art boucle sa première semaine. Vernis- sages, colloques et autres perfor- mances ont fait de ces sept jours écoulés une plateforme d’échanges
et une formidable vitrine de ce que l’Afrique et sa diaspora offrent au monde. Le mouvement de l’art se déplace pour trouver ancrage sur le continent, parce qu’il y a renouvelle- ment de la perception des arts. La pression de l’argent n’y est pas encore manifeste, ce qui laisse à la créativité une grande marge de li- berté hors des contraintes des faiseurs d’art.
Heureuse Biennale
Pour ma part, de cette Biennale, j’en tire un grand enseignement. En premier lieu, l’art n’a pas de Vocation, il en a plusieurs. Tout d’abord, celle de redonner aux objets les plus ordinaires leur esthétique et leur pouvoir de remettre en cause notre considération à leur égard. Et voici qu’une rangée de slips épinglés sur un présentoir nous fait transcender l’élé- ment sexuel qui y est d’ordinaire associé pour une autre ouverture d’esprit. L’autre enseigne- ment, en voyant les installations de Viyé Diba, est que l’art est une œuvre collective, puisqu’il associe photographe, chorégraphe, metteur en scène comme révélateur. C’est ce tout là qui fait œuvre et donne sens. Et enfin le pouvoir de l’artiste de montrer que l’ancien se renouvelle dans la modernité, que conte et légende se révèlent dans l’art, que ce qui est effrayant devient beauté rien qu’à voir les sculptures de Soly Cissé. Alors, celui qui soutient que l’Afrique ne produit pas, mais consomme, ap- partient désormais au monde des non-voyants et on peut l’en excuser. Bonne poursuite pour ces trois dernières semaines.
Baba DIOP
EDITORIAL
Jeudi 15 mai 2014 - N°7
ACTUALITÉ
TOIS QUESTIONS À ...
HÉLÈNE TISSIÈRES (Enseignante et écrivain)
«A chaque édition, la Biennale, c’est une création unique»
Passionnée de littérature et de cinéma africains, qu’elle enseigne à l’Université du Texas à Austin, aux Etats-Unis, Hélène
Tissières est une habituée de Dak’art.
Comment jugez-vous cette 11e édition de Dak’art ?
Elle est très dynamique, mais on peut difficile- ment comparer celle-ci, aux éditions de 2008 et 2012, qui ont connu des difficultés politiques, etc. En 2008, le président Wade avait ses priorités. En 2012, Macky Sall venait d’arriver, donc c’est très difficile de les comparer. Je trouve qu’à chaque édition, la Biennale, c’est une création unique. La Biennale de 2006 était brillante, exceptionnelle, et celle-ci est vraiment formidable. Et entre les deux, il y a quelque chose d’absolument unique. Mais on ne peut pas toujours avoir le summum.
Quel regard portez-vous sur les expos In de Dak’art 2014 ?
Je trouve qu’elles sont beaucoup plus inégales. Celles que j’ai vues au musée Théodore Monod (NDLR : «Diversité culturelle» et le Salon de la sculpture africaine) sont moins intéressantes que l’Expo internationale qui est plus large, et vraiment formidable. Mais on doit aussi montrer des tas de choses différentes. C’est pourquoi il faut faire attention à ne pas comparer sans arrêt, mais de se dire que c’est un projet. Pour l’Exposition internationale, c’est sûr, il y a moins d’inégalités. Là, les commissaires ont choisi la crème de la crème. Ils ont pris moins de risques quelque part, mais ils ont aussi réussi à avoir des personnes intéressantes, dynamiques et ont exposé les œuvres dans un superbe lieu.
Et comment avez-vous trouvé l’organisation de la Biennale de façon générale ?
Il y a des tas de choses merveilleuses. On a des productions fabuleuses. Et les expositions sont bien organisées.
Propos recueillis par Yacouba SANGARE
2 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
MOMINE PAULIN, SCULPTEUR IVOIRIEN
En attendant le décollage
La sculpture représente un homme assis, les bras croisés. Tout autour, il y a 7 pieds qui représentent le monde. Ce monde qui attend beaucoup de l’Afrique riche d’énormes potentialiés. Mais l’Afrique peine à décoller. Mo- minè Paulin estime que la cause de cette Lourdeur (titre donné à son œuvre) se trouve du côté de l’administration et du pouvoir. Pour dire son sujet, l’artiste utilise le bois recouvert de toiles de jute, avec une mixture mélangée à de l’alcool.
Très jeune, Mominè Paulin sculptait déjà le savon pour créer des formes d’objets usuels. Au collège moderne de Man, en Côte d’Ivoire, il gagne le pre- mier prix d’arts plastiques. Bac en poche, il s’inscrit aux Beaux-Arts d’Abidjan et décroche un diplôme supérieur des Arts : spécialité sculpture. Mominè Paulin expose à la Biennale de Dakarpourlapremièrefois. Il a notamment participé au programme At Work dans son pays, à l’exposition des 50 ans de la BICI, à l’expo «Jeunes talents» de Côte d’Ivoire.
Jean-François CHANNON DENWO
(Cameroun)
Quelques visiteurs apprécient !
Si le Dak’art est un des rendez-vous par excellence pour les artistes et les professionnels de l’art contemporain, il l’est également pour les passionnés et autres curieux, pour qui l’évènement est plein d’intérêts. Appréciations de certains d’entre eux !
MICRO-TROTTOIR
Ibou Diop, Sénégalais vivant à Berlin :
«Je suis présent à chaque édition, depuis 4 ans. Je n’ai pas encore assez visité. Mais de ce que j’ai vu, l’œuvre de Sidy Diallo qui aborde le sujet de la fuite des cerveaux m’a très impressionné.»
Régina, visiteur allemand : «Je suis un passionné et c’est ma première participa- tion au Dak’art. C’est réussi, de ce que je vois déjà, car j’ai pu découvrir davantage d’artistes très inventifs ; ce qui est de plus en plus rare.»
Léolinda Diémé, habitante de Dakar : «Je suis venue pour découvrir ce qui vient éga-
lement d’ailleurs. C’est enrichissant, toutes ces visites qui, en dehors de la découverte des œuvres, permettent même de décou- vrir certains points de Dakar que des étrangers connaissent mieux que nous ha- bitants de la ville.»
Jordan Davis, journaliste suisse : «Je suis de passage à Dakar et c’est une belle op- portunité pour moi. C’est impressionnant la diversité de l’expression artistique, cette vitalité et la haute qualité des œuvres. Je suis tout simplement heureux de découvrir cet événement.»
Propos recueillis par Jérôme William BATIONO (Cameroun)
ACTUALITÉ
SCULPTURES A LA MAIRIE DE DAKAR
PERFORMANCE DEAMBULATOIRE DANS DAKAR
L’art hémoglobine d’Alougbine Dine
Soly Cissé fait
dans l’Universuniverse
C’est un monde imaginaire que forge le peintre Soly Cissé pour marquer son entrée dans la sculpture. Dans les jardins de l’Hôtel de ville de Dakar, ses figures imposantes renvoient tantôt à des personnages, tantôt à des animaux reconnaissables. Dans sa mythologie, sont représentés un géant Cobra debout, prêt à mordre ; un Cheval ailé ; un Roi escortés par cinq warriors armés de lances. Soxna Buur, la reine, est à côtés, habillée de robes Ndoket bien taillées. Car, il arrive que le sculpteur soit styliste.
Ce qui est impressionnant dans ce minutieux travail de Soly Cissé, qui lui a pris quatre ans, c’est la précision des formes, le découpage du métal, mais surtout l’assemblage du fer à béton. Soly Cissé explore, après des années de recherches sur le matériau, le fer à béton, support plus résistant que le papier mâché qu’il trouve assez doux et fragile. Ce travail, «extrêmement difficile», fait savoir l’artiste, a été fait à la main.
Mais Soly Cissé ne compte pas abandonner la pein- ture, ni la photographie, ses premières amours. «Je suis très libre, j’aime cette possibilité de voyager et d’explorer des médiums différents», dit-il.
Fatou Kiné SENE (Sénégal)
D’abord incomprise et même dé- noncée, la performance déambu- latoire du Béninois Alougbine Dine, présentée mardi après-midi dans les rues de Dakar, a fini par rallier le public.
Sous l’échangeur de l’avenue Cheick Anta Diop, Alougbine Dine se pré- pare pour une parade dans les rues
de Dakar. Il décore ses mannequins et monte un personnage géant qui porte un masque Gêlêdê.
Attiré par cet être étrange, les passants s’attroupent peu à peu autour. Aloug- bine fait coucher une jeune fille dans une charrette. Lentement, et comme pour signifier qu’il sait exactement ce qu’il fait, il asperge la jeune fille de sang. Alors que certains se demandent la pro- venance de ce sang, d’autres, choqués, préfèrent s’éloigner de ce douteux«ri- tuel».
A une journaliste qui s’approche pour comprendre, Alougbine Dine répond : «Suivez juste. Vous comprendrez plus tard !» Une fois la jeune fille «prête», car suffisamment aspergée de sang, Aloug- bine Dine lui place des intestins de chèvre. Comme si c’était les siennes. De sorte que dès qu’elle ferme les yeux et re- tient son souffle, la jeune fille n’est rien d’autre qu’un cadavre, peut-être victime d’un accident grave, ramassée et trimbalée dans une charrette.
A quelques mètres, un groupe de dan- seurs se met en place. Habillés à la ma- nière des Gêlêdê avec, à la place des masques, des filets bariolés sur la tête, ils répètent des pas de danse. Au signal du scénographe, le cortège s’ébranle. Un cortège contrasté présentant d’un côté un malheur et de l’autre le bonheur. Deux tableaux opposés et qui n’ont de commun que leur but : Dénoncer.
Cette dualité n’a échappé à personne, tout au long du parcours qui durera près d’une heure et qui échouera à la librairie 4 Vents de Mermoz. Dans un premier temps choqués par la jeune fille «morte» et trimbalée dans une charrette, les pas- sants sont très vite contaminés par l’am- biance des danseurs et la chanson «Agolo» d’Angélique Kidjo distillée tout au long du parcours.
Pour Alougbine Dine, au-delà du côté artistique, cette performance déambula- toire contient un double message. Il s’ex- plique : «Le premier tableau est pour dénoncer les guerres en Afrique. Pour peu de choses, nous nous tuons. Les gens pensent que c’est un tableau cho- quant. Je leur réponds que ce qui est choquant, c’est de voir chaque jour com- ment des frères d’hier peuvent s’entre- tuer facilement aujourd’hui.»
Eustache AGBOTON (Bénin)
Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014 3
NEWS & CRITICS
SAM HOPKINS AT DAK’ART 2014
Insights into his Art
The role and significance of NGOs in Kenya found its way at this year’s Dak’art 2014 Biennale through installation dub- bed Logos of Non Profit Organisations working in Kenya (some of which are imaginary) mounted by Kenyan-based filmmaker and artist Sam Hopkins.
Chat with Kimani wa Wanjiru (Kenya)
H ow does it feel tobeatthe
Biennale ?
:As this is the first Biennale that I have participated in, I was slightly nervous before arriving. But it has been a wonderful ex- perience, a real pleasure, and both the curators (Smooth, Kader and Elize) and the other participating artists have been warm and friendly and there has been a genuine sense of fa- mily.
Did you imagine that your work will be a continental stage like this ?
The biennale is by application,
so of course I hoped I would be selected, but I didn't really think I would be, so it was a fantastic surprise when I heard that I was.
It is work touching on the work of NGOs. What inspired it ? The work which I exhibit is a direct result of living and wor- king in Nairobi over the last few years. During that time I co-founded Slum TV, a grass- roots media collective based in Mathare, and in the process of doing so I met with many NGOs. I was struck by the very particular language that these NGOs worked with, which so- metimes, but not always, ap- peared to be empty rhetoric.
Often this language seemed to reduce complex issues down to keywords such as 'Sustainabi- lity, Capacity-Building, Syner- gies, Beneficiation and Upscaling'. Whilst perhaps these keywords are useful in the context of 'Development', they did not seem suitable or helpful to the art project which we were developing, which was in- terested in setting up an experi- mental media project, without anticipated goals and out- comes, in Mathare. Neverthe- less, in Kenya, our work was always limited to the NGO dis- course.
What is the significance of the logos ?
On the one hand a logo reveals how an organisation chooses to represent itself, on the other hand, they represent certain subconscious assumptions about a whole industry. To take an example from a related sec- tor; why is the UNESCO logo composed of Greek columns? This is the UN organisation for world culture, so why should a Classical European symbol stand for world culture? The logos of NGOs in Kenya pose similar questions. Why do we have organisations in Kenya called 'Hope', 'Concern' and 'Empathi'? What do these names reveal about the assump- tions of the Development sec- tor? They were intriguing as they seemed to distil the icono- graphy of the industry and re- veal the expectations of the belief system that underpins the whole NGO project.
Why did you use the logos yet they don’t really tell the story of the organisations ?
It is true that the logos do not tell the entire story of the orga- nisations, and I am not com- menting on the whole
organisation. I am a visual ar- tist and as such am interested in representation. In this situa- tion I am specifically interested in how these organisations choose to represent themselves. My strategy with this piece has been to mix real logos of real organisations with fake logos of organisations that do not exist. The idea is to introduce an ele- ment of doubt into the viewer so s/he is not sure which are real. This fictionalising is des- igned to make you re-engage with all of the logos, it presents them in a new context. Hence you look at organisations called 'Hope', 'Concern', Hope for the African Child Initiative', 'Empathi' and you wonder, can these be real names?
You talk about a blurred line in as far as charity, development or aid is concerned. What is your personal take of this ?
The Development world is complex and complicated and I am in no place to critique its effectiveness. It is a heteroge- neous sector so I do not think it makes sense to make genera- lisations about it. As a visual ar- tist I am interested in the representation of this sector, be it in the logos, the adverts and the films commissioned. And, whilst the organisations are va- ried, the representation tropes are similar.
Does this mean/have an impact to your work as it evolves ? Sam Hopkins: If this legal fra- mework leads to a more critical and engaged position about how the development sector re- presents itself, then this will certainly impact on my work. To re-iterate, I am not generalising about how these NGOs are ac- tually run, or what they do. I am interested in the images they use to communicate.
Haimbe empowers women digitally
Zambian artist, Milumbe Haimbe adds 15 digital illustrations to the creative feast of the Biennale in her presentation she applies a back- ground of painting to a newer media.
Haimbe’s concern with the representation of cultural minorities is the main focus of her illustrations which is presented as graphic novel titled Ananiya the Revolutionist. She uses her work to highlight a lack of leading female heroes in popular media.
The proganist, Ananiya, is a seventeen year-old black female who works as an agent in the Covert Operations Division of the resistance movement. The resistance group calls fights against the replacement for the need of fe- male humans, after the government introduces sex robots
Ananiya leads the “Army for the Restoration of Womanhood” in the (near) future, a group that represents a fight against stereotyping women, while also addressing the issues surrounding sexuality.
The heroine, Ananiya begins to have feelings of affection towards one of the female robots, complicating her function within the resistance move- ment, making clear the struggle between internal and external conflicts.
Ananiya grapples with social conformity by being a part of the “Army for the Restoration of Womanhood”, but she must also confront her own emotions, of being gay, when they do not match with the social expecta- tions of this resistance group, which she leads.
Haimbe admits that it is the first time she is showing her works in a big art event in Africa, and is glad that the Biennale provides the opportunity for her to position her talent on the continent. Though she complained about the flow of information at the Biennale, the 40 year old artist finds time to appreciate the diversity of works showing in Dakar.
Haimbe has gotten big ideas from coming to the biannual festival, as she reveals, that 3D animation, and 2D model sequencing are at the top of her agenda, after one encounter with the Dakar Biennale.
Obidike Okafor (Nigeria)
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Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
NEWS & CRITICS
THE BICYCLE SCULPTOR OF SAINT-LOUIS
Taking broken bicycles and turning them into pieces of art
By Kyla HERRMANNSEN (South Africa)
Meissa Fall sits on an old broken wheelchair that he has adapted into a couch on the side of a Saint-Louis road, wat-
ching the donkey carts pass by as he tinkers with bits and pieces of broken bicycles. Fall’s father and his grandfather before him were both mechanics, repairing broken bi- cycles from generation to generation in the small island city of Saint-Louis, 3 hours North of Dakar.
Fall said that he started being interested in sculpture as a young boy when many years ago his father handed him a bicycle that was completely beyond repair. Instead of throwing the bicycle away at the rubbish dump, Fall saw the artistic potential in the broken parts, their shapes and textures ins- piring him. He took the bicycle apart and turned it in to a sculpture, using only the pieces he had dismantled.
Many years later Fall is now a noteworthy and celebrated artist, having perfected his craft over the years. His work graces the neighborhoods and roadsides in Saint- Louis. He plays with the juxtaposition of tradition and modernity – using modern bicycle parts to create works that reference traditional aspects of Senegalese art and African art, such as the mask.
and turns them into striking sculptures, he also uses his skills as a mechanic to repair bicycles for the people of Saint-Louis. He has, in a sense, become an ambassador for bicycles on the Island. “People have high levels of cholesterol because of the salt and sugar in the food here. More people should cycle here because it’s a very flat city,” he explained. The streets of Saint-Louis are, according to Fall, perfect for travelling by bicycle.
His studio is a room quite literally filled from floor to ceiling with old bicycles and his sculptures, some complete and some in the beginning stages of being created. His studio is, in itself a piece of installation art where on can spend hours and hours peru- sing his work, transfixed by gift of giving old items new life. Somehow, in amongst this chaos, he sees the potential in the old bicycles and spare unwanted parts – tur- ning them into human figures, animals, masks and other weird and wonderful forms.
Fall said he is inspired by “life and nature” and that “making art is beautiful.” He is very much in favour of Dak’art saying that he really values the opportunity to display his works and to engage with visitors to the Island. “Dak’art promotes us,” he said, smiling a broad toothy smile.
Fall not only dismantles broken bicycles
LAGOS SOUNDS FIND A HOME IN DAKAR
Sounds of Lagos are being heard at the Dakar art Biennale cour- tesy of the installations of Emeka Ogboh sound recording inspired by the soundscapes of Lagos.
Ogboh understands the character of a city through its sounds, and in the sound ins- tallation titled LOSlantic, he looks at a fu- turistic city, the Eko Atlantic, an ultramodern city for the wealthy, presently being constructed on the Atlantic Ocean, through a Lagos State government and a private real estate company partnership.
The wooden paneled speakers conjure an image of frightened sandcastles overwhel- med by the shape of futuristic buildings. The sounds used for the installation were recorded from cities that Lagos look up to, in its quest to reach a utopian vision of hyper modernity. These cities from around the world inspire the Eko Atlantic to be planned and clean, thereby sharply contrasting with the rest of Lagos.
Everything about the installation means something including the ropes that sepa- rate the viewer from the speakers. The ropes are both a physical barrier and a fi- gurative one that represents the psycholo- gical divide between the rich and the hopes of the poor, who are left to their imagination.
The multimedia artist deals primarily with sound and video to explore the history and auditory infrastructures of cities, with special emphasis on Lagos. He is a co- founder of Nigeria’s first video art collec- tive, called the Video Art Network Lagos, and was part of the African delegates to the Media Lab at the 16th International Symposium on Electronic Art in Dort- mund, Germany in 2010.
Most of Ogboh’s works have been recor- dings of Lagos, which he has compiled in a project called the Lagos soundscapes project. The project has been listened to in galleries and museums in the United States, Sweden Switzerland and Germany.
Obidike Okafor (Nigeria)
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CATALOGUE
Collection Photos
6 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
CATALOGUE
Collection Photos
Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014 7
OFF
VILLAGE DES ARTS
L’art contemporain DANS LA PLURALITÉ
Le Village des arts de Dakar abrite ainsi l’exposi- tion «Pluralité» ouverte mardi 13 mai dans le cadre du programme Off de Dak’art.
La galerie du Village accueille près de 50 exposants nationaux et une vingtaine d’artistes invités, entre Mauritaniens, Béninois, Espagnols et Coréens. Des œuvres d’envergure ont particulièrement émues les visiteurs. A l’instar de celle de Guibril André Diop, lauréat du prix de l’Uemoa cette année. Il s’agit d’une immense sculpture en fer qui trône à l’entrée de la galerie. C’est une démonstra- tion libre, en forme d’instrument de musique, qui rappelle les grands spectacles de plusieurs époques. Ousmane Ndiaye Dago revient avec «ses» corps de femmes, exprimant, librement, le sacré de la beauté ainsi que le naturel dans l’aimant. Limalé Diop, pour sa part, célèbre le «Takussanou Ndar», l’élégance saint-louisienne, à travers une toile qui rend hommage aux signares.
D’autres représentations, à l’instar de The Dream de Kiné Aw, de la Faune marine de Louis Bassène, du Dialogue de Joe Sogui Diop, de Transparence de Gloria Alvares, entre autres, ont attiré l’atten- tion du public par leur caractère symbolique. Et c’est dans diverses matières, allant de la peinture à la sculpture, en passant par le collage, que les expo- sants ont montré leur talent. La plupart de ces ar- tistes se sont exprimés dans un panorama de couleurs vives bien affectionnées par les visiteurs. L’œuvre de Daouda Ndiaye a singulièrement ébloui. Faite de bois et de paille, il s’agit d’un mon- tage qui rappelle les profondeurs de la culture afri- caine.
«Nous avons initié le partage à travers cette exposi- tion. Nous sommes satisfaits de voir que la matière a bien pris», explique Idrissa Diallo, Commissaire de l’expo. M. Diallo a reçu les éloges de la prési- dente du Comité d’orientation de Dak’art, Mme Diatta, venue présider le vernissage dans une am- biance festive. Autour d’une animation et d’une projection de photos et de vidéos.
Diouma Sow THIAM (Sénégal)
PORTRAIT
Rémy, l’oiseau est «Samuz»
Le vernissage, le 13 mai à la librairie 4 Vents de Dakar, de l’expo de 25 plasticiens béninois, a été l’occasion
de découvrir la technique de travail aty- pique de Rémy Samuz qui s’inspire des oi- seaux pour tisser ses œuvres.
Dans l’expo «Bois sacré» dédié au Bénin par la Wallonie-Bruxelles dans le cadre de Dak’Art Off, les quatre œuvres proposées par Rémy Samuz sont immanquables. Que ce soit La reine, Tougbédjè, Le beau lutteur noir ou Le conférencier, le visiteur est tout de suite frappé par la technique du fil de fer noué utilisé par le plasticien. Une technique qui n’est pas sans rappeler celle utilisée par les oiseaux pour construire leur nid.
«Quand j’étais enfant, explique Rémy, mon père me confiait la surveillance des oiseaux qu’il élevait. Petit à petit, je me suis surpris à être fasciné par cette façon sereine qu’ils ont de faire un nid solide avec des brins de paille. J’ai compris que les oiseaux sont les meilleurs architectes du
monde. Je me suis dit alors que j’allais faire comme eux».
Il commence alors par des œuvres de pe- tites tailles, mais qui empruntent déjà aux oiseaux leur technique, alliant du coup lé- gèreté et solidité. Mais à la place du brin de paille, Rémy s’amuse à utiliser le fil de fer.
Après des années de pratique, il passe aux personnages géants. «Quand je prends le fil de fer, je le laisse me guider. Je cherche le volume peu à peu, je laisse le temps pas- ser jusqu’à obtenir la forme», confie l’ar- tiste. La taille de ses œuvres exposées dans le Bois Sacré varie peuvent atteindre 1,80 m.
De son vrai nom Rémy Sossouvi, le sculp- teur se plaît dans cet univers aviaire où la patience est la règle d’or. C’est sa première participation à Dak’art, mais il est confiant : ce n’est que le début d’une grande aventure.
Eustache AGBOTON (Bénin) Rescap’art pour la thérapie par l’art
HÔPITAL FANN
L’hôpital Fann, pionnier dans le do- maine de la psychiatrie en Afrique subsaharienne, propose une exposi- tion Off dont le vernissage a eu lieu le 10 mai 2014. En marge de cette activité, les ateliers Graphoui de Bel- gique et l’association Rescap’art, qui rassemble des patients et d’anciens patients du service psychiatrique de Fann, ont réalisé un film de 13 mi- nutes intitulé «Ce que l’œil prétend voir». Comme quoi, art et thérapie font bon ménage. A la suite du film issu de l’Atelier d’expression du ser- vice psychiatrique, il a été donné à
voir plusieurs œuvres. Peindre pour prendre conscience de ses contradic- tions, danser pour dédramatiser ses conflits...
La création artistique permet, avec l'art-thérapie, d'accéder à des senti- ments enfouis. Si l’art est bien un moyen d’expression, il est d’autant plus une forme de thérapie. C’est ce que l’association Rescap’art et Gri- phoui veulent relever à travers cette œuvre.
Jérôme William BATIONO
8 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
OFF
VIYE DIBA - TOURE BEHAN AU KOBA CLUB
Variation sur le même thême
«Tout se sait» est le nom donné à l’installation de
l’artiste concepteur sé- négalais Viyé Diba qui, à chaque Biennale, pro-
pose une nouvelle démarche artistique.
Lors de la dernière Biennale, Viyé Diba pro- posait, dans le cadre du Off et à la galerie Arte, son installation «Nous sommes nombreux et nos problèmes avec», concept né des tracasse- ries que lui posaient les robinets dans sa mai- son. Son voyage post-génocide au Rwanda l’avait poussé à y intégrer la cohabitation dans le même espace et les tensions que cela peut engendrer. Les notions de contournement et d’enjambement avaient aussi alimenté ce pro- jet. Voici qu’avec «Tout se sait», la notion de transparence esquissé avec «Nous sommes nombreux et nos problèmes avec» se déve- loppe pour en être le thème majeur.
Diba cherche à exhumer les différents langages spatiaux dans ce rapport avec l’environnement urbain, comme il dit que qu’au bout des gestes quotidiens se dégage une écriture artistique. Tissus découpés et tantôt mis en boîte dans du plastic transparent, tantôt enroulé en boulettes et enchâssés dans du tissu transparent qui per- met de voir ce qui se passe à l’intérieur de ces boulettes, tantôt sous forme sculptures. Les bouts de tissus découpés en petits morceaux obéissent à ce que l’artiste appelle «Une ap-
proche de la proximité», car tout ce qui com- pose l’installation provient de notre cadre de vie. L’installation elle-même s’y soumet. Les objets donc modulent nos déplacements dans l’espace urbain.
Viyé Diba a travaillé avec des artistes révéla- teurs comme le photographe Mamadou Touré dit «Béan», plus connu dans sa manière de capter à l’instantané des tranches de vie dans la rue. Comment a-t-il travaillé dans ce projet ? Le photographe dit : «Je suis parti du concept de l’installation « Tout se sait» pour une approche plus abstraite que figurative des éléments que j’ai choisi de photographier. La photographie, pour moi, c’est écrire avec la lu- mière. J’ai donné mon point de vue à partir des critères de composition et de répartition des masses pour certains éléments ; pour d’au- tres, j’ai insisté sur l’effet de perspective avec un élément figuratif au premier plan et l’abs- traction en second plan».
Que retient-il de cette collaboration ? «Ce fut important de travailler en synergie. Cela mon- tre que nous pouvons développer des synergies entre différentes disciplines de l’art pour une variation sur le même thème».
L’expo se poursuit au Koba Club, face à la mairie de Dakar, jusqu’au 22 mai 2014.
Baba DIOP
GALERIE BORIBANA
Dialogue entre quatre artistes
La galerie Boribana, à Ngor, réunit quatre créateurs aux approches
artistiques différentes. Le céra- miste Cheikh Diouf offre à voir à l’étage ses masques sous un aspect nouveau. Ils sont présentés avec un cou assez long et suspendus sur du fer. La particularité réside dans les contours de visage bien dessi- nés et émaillés avec différentes couleurs vives qui contrassent l’argile et la terre. Cheikh Diouf combine terre brute, ar- gile et filage, et utilise le col- lage pour alterner les deux éléments. Il représente deux lutteurs en position de com- bat. Avec leur arsenal folklo- rique et mystique : gris-gris, cauris, pagne traditionnel noué autour de leur taille. Dans cette expo intitulée One one two (Un un deux), Diouf dialogue avec son collègue ja- maïcain Gene Pearson. Ce dernier utilise aussi la même technique pour fabriquer ses masques.
Au rez-de-chaussée, l’artiste Abdoulaye Ndoye propose dans Identité des calligraphies indéchiffrables sous verre. Il est plus dans le graphisme que dans l’écriture. «Abdoulaye dit souvent qu’il n’écrit pas, il dessine, c’est un explorateur de support», renseigne le scé- nographe Khalifa Ababacar Dieng. Il utilise des matériaux variés, papier, tissu, bois, métal, henné. Dans la cour, l’installation de Momar Seck, Fagots debout et Tackoo, fait référence à un quotidien du monde rural. Il intègre plu- sieurs matériaux de récup : les fagots de bois enrôlés avec du fer à béton et du métal sont en position verticale.
Fatou Kiné SENE (Sénégal)
Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014 9
SAINT LOUIS
EXPOSITION DES ŒUVRES D’IBA NDIAYE A SAINT-LOUIS
La vieille ville retrouve son fils prodige
EXPOSITIONS OFF
Une pléiade d’artistes rivalisent d’ingéniosité et mettent la vieille ville en mille et une couleurs
Les artistes Amadou Ndiaye et Alboury Fall ont établi leur quartier à la Loui- sienne et au Centre culturel régional de Saint-Louis.
Photographe de formation, Alboury Fall a vite attrapé le virus de la peinture en 2005, lors d’une expo collective d’ar- tistes, encouragé en cela par Alioune Ba- diane, alors directeur des Arts, qui avait flairé le talent de l’artiste. Alboury Fall se définit comme un autodidacte et aime travailler avec des matériaux de son en- vironnement. Son exposition intitulée «Sur Mer» est visible dans la cour du centre culturel Abdel Kader Fall jusqu’au 8 juin prochain.
Dans ses œuvres, il aborde des questions liées à la mer et principalement le dan- ger que constitue l’émigration clandes- tine avec les nombreux jeunes qui ont laissé leur vie en voulant découvrir un prétendu eldorado.
En dehors des expositions au Sénégal, notamment à la Galerie d’art, Alboury Fall a aussi participé à des résidences et à des expositions en Allemagne, en Bel- gique, en France, etc.
Non loin du centre culturel régional, son collègue Amadou Ndiaye étale ses toiles sur un petit couloir menant sur la berge du fleuve Sénégal. Il dit travailler sur différents supports : toile, ferraille, et utilise des matériaux de récupération comme les journaux, les débris de pi- rogues pour confectionner des œuvres de toutes sortes. Il développe des problé- matiques selon ses sources d’inspiration comme la ville de Saint-Louis, son envi- ronnement naturel, la couleur bleue de la mer ou encore l’architecture de la vieille ville. Amadou Ndiaye est allé au- delà de nos frontières pour des exposi- tions et des invitations à des résidences d’artistes, notamment en France et à Za- kapane (Pologne).
Assane DIA (Sénégal)
Sur la pointe sud de l’île de Ndar, face au bras du fleuve, le Centre de re- cherche et de documentation de Saint-
Louis (CRDS), un bâtiment à l’architecture coloniale, abrite l’exposition du grand ar- tiste peintre Iba Ndiaye. A notre arrivée, des ouvriers s’affairaient déjà au montage des œuvres avec l’appui bienveillant des deux commissaires Malick Ndiaye et Laeti- tia Pesenti.
L’exposition tient sur les deux grandes salles du 2e étage. A l’entrée, le visiteur est ac- cueilli par deux tableaux qui sont des dis- tinctions délivrées à l’artiste par l’Etat du Sénégal (diplôme du Grand Prix des Arts contemporains) et par la Fondation de la Biennale de Sao Paulo.
Dans l’une des pièces, se trouvent des pho- tos souvenirs. Iba Ndiaye est entouré d’émi- nentes personnalités des arts, comme Jack Lang, Léopold Sédar Senghor, au cours de l’exposition Rétrospective en 1966, au Musée Dynamique de Dakar.
L’exposition du défunt artiste dans sa ville natale est constituée de 145 œuvres, fruit de la donation faite par les héritiers de l’artiste à l’Etat du Sénégal. De ces centaines de ta- bleaux, une sélection a été réalisée pour re- tracer la vie et l’œuvre de l’artiste sénégalais
à travers des thèmes aussi divers et diversi- fiés comme la Tabaski, le jazz, les portraits, les natures mortes, les paysages. Les toiles d’Iba Ndiaye font apparaître son engage- ment, sa posture de critique et son éternel voyage d’un continent à un autre.
En abordant le thème de la Tabaski (fête musulmane), l’artiste est épris de Nostalgie de son enfance dans sa ville natale. Dans le thème Paysage, il en appelle à un dialogue avec l’histoire de la représentation de l’Oc- cident alors que le jazz, dans son œuvre, fait référence au métissage.
L’objectif visé par l’organisation de l’exposi- tion est d’avoir une vue large sur l’œuvre d'Iba Ndiaye. D’après l’un des commis- saires de l’expo, Malick Ndiaye, l’artiste est à la fois un enseignant et un pédagogue, parce qu’ayant formé d’éminents artistes contemporains sénégalais.
Aujourd’hui, il s’agit de mettre à profit cette donation des œuvres de l’artiste afin d’en faire un large partage avec les Sénégalais et les Africains pour qu’ils puissent en tirer des leçons et des connaissances.
Assane DIA (Sénégal)
Le design au rendez-vous à la galerie Arte
Les biennalistes ont visité, le 14 mai 2014 à la galerie Arte, le Patio Saint-Louis, l’expo Art & Design : «Appartement avec vue», avec Barkinado Bokoum, Dominique Zinkpé, Tchif, Fati- mata Ly, Marie Jampy, Joëlle le Bussy, Johanna Bramble, Issaka Bonkoungou, Mauro Petroni, Bibi Seck, Tetou Gologo,
Djengue Daniel, Constant Ado- non et Malobé Diop.
Ces artistes nous explorent dans un environnement habituel pour les uns et insolite pour d’autres. C’est le cas de Marie Jampy qui présente deux photos avec pour titre : «Saint-Louis 1et 2». Elle décrit une image de la
vieille ville du Nord.
Joëlle le Bussy, quant à elle, nous plongent dans un assemblage du bois, de fer, de bronze, de cuivre et parfois du textile pour aboutir à un mobilier électrique.
Avec sa pièce «Taboo et la table», Bibi Seck, inspiré par les habi- tudes quotidiennes en Afrique
de l’Ouest, offre un recyclage des déchets plastiques.
Pour Joëlle le Bussy, Commis- saire de cette exposition, il s’agit, ici, de valoriser l’art et le design d’Afrique en les mixant subtile- ment au style européen.
Patrick NZAZI (Congo)
10 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
RENCONTRE
RENCONTRES ET ECHANGES
Regards croisés sur la fonction
du CRITIQUE D’ART
La deuxième table-ronde des Rencontres scientifiques de Dak’art 2014
s’est tenue au Village de la Biennale. Parmi les cinq panélistes d’enver- gure, trois étaient francophones. Ils ont analysé, à travers de perti- nentes réflexions, le travail du critique d’art.
Quel rôle assi- gner au cri- tique d’art ? Quelle est sa relation avec
l’artiste et l’œuvre ? Les pané- listes cooptés pour la deuxième table ronde des Rencontres et échanges de ce 11e Dak’art ont apporté des éléments de ré- ponse, en confrontant, bien entendu, leurs expériences res- pectives et leur culture pictu- rale.
Docteur en esthétique, histo- rien et critique d’art, Vangelis Athanassopoulos s’inscrit dans une approche sociologique de la critique d’art, à l’ère de la mondialisation, pour examiner les mutations actuelles dans le monde de l’art et leur impact sur le métier de critique d’art. Il souligne, en insistant sur les conditions qui régissent la mondialisation de l’art et de la connaissance, le double mou- vement d’hyperspécialisation et de décloisonnement des mé- tiers d’art et les liens qui le rat- tachent aux politiques culturelles et éducatives. «C’est à l’intérieur de cela que le cri- tique d’art doit se position- ner», fait-il savoir.
A ses yeux, le rôle de la cri- tique dans la légitimation de l’œuvre d’art est essentiel, d’autant que «la critique fait partie intégrante du méca- nisme du marché d’art».Profes- seur des universités, membre de l’AICA (Association inter- nationale des critiques d’art) et commissaire d’expositions, Dominique Berthet considère
l’œuvre d’art comme une énigme et un défi. Enigme parce qu’il est impossible de la cerner dans sa totalité, de la lire. « a deuxième épaisseur. L’œuvre est, selon lui, un défi Dominique Berthet estime que la relation entre le critique et l’œuvre est un défi que le cri- tique tente de relever.
Le critique, selon lui, se situe dans l’immédiateté, à la diffé- rence de l’historien qui l’inscrit plutôt dans le temps. Une œuvre, Dominique Berthet l’envisage en termes de rencon- tre. La posture qu’il préfère, avant tout, c’est la critique complice. Il explique : «Ce qui m’intéresse, c’est cette forme de critique qui me met au contact de l’œuvre et de l’artiste. J’accorde une impor- tance considérable au lieu de critique.» Dominique Berthet considère que tout artiste est engagé dans sa création. Un engagement auquel le critique ne peut se dérober, car «le dis- cours qu’il produit doit être
une œuvre d’art».
Dernier panéliste s’exprimant en français, Dr Marie-Noëlle Ryan fait une analyse des en- jeux théoriques de la réception et de la critique artistique en lien avec une théorie de l’œu- vre d’art inspirée. Elle s’appuie sur les travaux de Theodor W. Adorno et de Luigi Payerson. De son intervention, il ressort que l’œuvre d’art est un point de rencontre dynamique entre deux intentionnalités : une in- tentionnalité «projective», c’est-à-dire ce que l’œuvre, à partir des intentions initiales de l’artiste, cherche à produire comme effets sensoriels, émo- tifs, réflexifs, et une intention- nalité «réceptive», qui est, en fait, ce que l’interprétation de l’œuvre prend en considéra- tion, notamment sa logique ou sa normativité interne.
Yacouba SANGARE
(Côte d’Ivoire)
Ce qui plombe la mobi- lité des œuvres d’art
Les rencontres scientifiques de Dak’art 2014 ont donné un cachet particulier à ces acteurs qui assurent l’après-création : marchands d’art, ga- leristes, collectionneurs, etc. Ils occu- pent une place de choix dans les relations entre le champ de la création et celui de la réception. C’est l’un des enseignements de la thèse de François Diouane Ndiaye intitulée : «La circu- lation des œuvres d’art contemporain en Afrique de l’Ouest. Cas des arts plastiques à travers l’exemple du Sé- négal.»
Présentée le 13 mai à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, en marge de la Biennale, cette soute- nance a posé le débat sur la mobilité des œuvres d’art dans un contexte d’instabilité sociale ou de conflit armé. Et au-delà de l’insécurité qui pousse les potentiels consommateurs de l’art à se terrer chez eux, ces situa- tions influent négativement sur la sauvegarde du patrimoine mondial. Directeur de thèse de François Ndiaye, le Pr. Bernard Lafargue note, toutefois, que la circulation des œu- vres d’art se développe de manière réelle lors d’événements culturels mondiaux, tels que les biennales, fes- tivals, entre autres. Cette mobilité est aujourd’hui devenue «un phénomène social», constate le Pr. Abdou Sylla. Ce dernier déplore, toutefois, l’ab- sence des artistes qui ont créé les œu- vres ainsi que des statistiques sur le nombre réel de créations qui circulent dans l’étude présentée par François Ndiaye. Son regard critique porte aussi sur l’omission faite sur le trans- port des œuvres qui, estime-t-il, «de- meure primordial», si l’on prend en compte les contraintes notées aux ni- veaux des frontières aéroportuaires et maritimes.
Mbagnick NGOM
(Sénégal)
Dak’art veut cultiver le goût de l’art à la base
Le Dak’art reçoit régulièrement élèves et étudiants venus regarder les expositions. La Biennale a vu juste : l’avenir del’artafricaincontemporain, c’estaussi untravail profond à la base. C’est dans cette perspective d’ailleurs qu’uneexposition«Artaucampus» àl’UniversitédeDakara eulieudansleslocauxde l’UCAD.
Faire comprendre et aimer l’art commence par la déconstruc- tion despréjugés défavorablesdontestvictimelacréationar- tistique en Afrique. L’art n’est pas destiné aux pauvres. Nous avons la manie de dire que l’art ne peut pas prospérer en Afrique, car nous avons faim... Par conséquent, nous ne pouvons pas nous promener dans les musées et les galeries. L’art, pour beaucoup de nos compatriotes, ne peut être en aucun cas une priorité. La création artistique est l’affaire d’une minorité assimilée, à l’abri des besoins les plus élémentaires. Pourtant, l’art est une affaire sérieuse. L’école est le lieu indi-
qué pour le dire. Il faut grandir avec l’art pour en avoir le goût. C’est ce que Dak’art a compris, en décidant de trans- portergratuitementlesélèvespourunevisitedesexpositions. Cette proximité de nos écoliers avec les œuvres leur permet- trad’accorderautravaildel’artisteladignitéqu’ilmérite. L’artcontemporainafricainestl’expressiondelaconscience africaine, une expression qui traduit nos plus hautes aspira- tions.
Nous devons envahir les lieux d’exposition. Arthur Schopen- hauer a raison de dire que l’expression artistique serait inutile si le réel procurait à l’humain le bonheur. Un homme heu- reux n’a pas besoin de l’art. L’art est l’affaire des malheureux, une façon de dire que l’Afrique a intérêt à encourager la créa- tion.
Souleymane SARR - AICA/Sénégal.
Oeil Du CRITIQUE
Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014 11
DER
INSTALLATION DE EUN JUNG PARK
La Corée du Sud à Dak’Art
Contact
Biennale de l’art africain contemporain Email : info@biennaledakar.org Site web : www.biennaledakar.org Tél : +221 33 823 09 18
Fax : +221 33 821 16 32 Secrétariat Général de la Biennale des Arts de Dakar
19, Avenue Hassan II
BP 3865 Dakar RP
Dakar - Sénégal
Life story, tel est l’inti- tulé de l’œuvre de Eun Jung Park, composée de dizaines de tubes en plas- tique de 2m30 de lon- gueur sur 1m30 de largeur et de diamètre sur lesquels s’accrochent des sachets remplis de sable. «Le sable fait partie de l’environnement, il y a beaucoup de sable doux au Sénégal, c’est une bonne chose», ap- précie Eun Jung. Celle-ci a résidé au Village des arts et s’est promenée dans certains endroits de Dakar pour concevoir son installation. «J’ai une bonne impression sur les Sénégalais ouverts, ac- cueillants et doux», dit- elle.
L’artiste s’intéresse aussi à la nature, l’eau, l’arbre, la mer, fruits de mer, au cycle de la vie, etc. Expo- sant ses œuvres grâce à la galeriste Thérèse Turpin Diatta, Eun Jung compte présenter plus tard à Dakar ses peintures et sculptures.
Alassane CISSE
Les friands d’œuvres d’art sont invités au vernissage de l’exposition de la Coréenne Eun Jung Park dont le ver- nissage est prévu le 22 mai à 18 h au Terrou Bi à Dakar. Dak’art 2014 a accueilli des créations d’artistes venus de tous les continents. L’artiste sud-coréenne Eun Jung Park, représentant l’Asie, en plus d’autres créateurs de la
Chine, présente son œuvre à Terrou Bi, dans le cadre du programme Off de la Bien- nale de l’art africain contem- porain. Une manifestation à vocation panafricaine certes, mais ouverte aux souffles fé- condants des créateurs et des propositions picturales, sculpturales et autres dé- marches esthétiques en pro- venance d’horizons divers.
COMMUNIQUÉ
L’artiste Amandine Tochon expose ses œuvres à la Di- rection du Patrimoine Cul- turel (3, rue Galandou Diouf, à côté du siège de l’Hôtel de Ville de Dakar). Le vernissage aura lieu ce 16 Mai à 18 heures.
Le travail de l’artiste est composé d’œuvres inédites qu’elle propose pour cette présente édition.
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actu
UN JOYAU QUI RETROUVE SON LUSTRE D'ANTAN
MANUFACTURES SÉNÉGALAISES DES ARTS DÉCORATIFS DE THIÈS
Les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès respirent, à présent, la forme. Sous perfusion depuis, presque, une trentaine d’années, l’entreprise culturelle est, de nos jours, bien en convalescence. Aujourd’hui, plus que jamais, l’espoir renaît avec la détermination de la nouvelle direction à faire symbole de l’établissement : “l’expertise et la qualité pour un décor de rêve”. Avec, bien sûr, un personnel dynamique qui a assimilé une “nouvelle culture d’entreprise”. Reportage sur un temple artistique vieux de plus d’une quarantaine d’années.
Vendredi 9 mai 2014. Un ciel clément berce les mystères des manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès (MSAD). A l’entrée, le jardinier de la maison, la mine joyeuse, remeuble coins et recoins. Nous sommes bien dans un espace artistique qui respire l’aisance. Dans ce site, l’ordre est de rigueur. Y compris la disposition des bâtiments à l’architecture coloniale. Lesquels restent alignés de façon symétrique. Une manière d’obéir à une certaine harmonie. “Chez l’artiste, le souci du détail est très important”, confie un cartonnier. Ici, l’ordre est un principe qui va au-delà de l’apparence physique des individus ou des bâtiments. Il est bien assimilé par le personnel des MSAD. “Nous ne laissons rien au hasard. Même l’environnement est surveillé jusqu’au plus petit détail”, a soutenu le directeur de l’établissement, Sidy Seck.
Pourtant, il y a deux ans, cet endroit ne ressemblait à rien du tout. “La fleur de Léopold Sédar Senghor est à la poubelle” disait même l’illustre fils de Thiès, poète-écrivain, feu Mbaye Gana Kébé, ex Pca des MSAD, pour parler de l'état de délaissement de l'endroit. Et c’était lors d’une visite, sur les lieux, de l’ancien ministre de la Culture, Youssou Ndour, en 2012, qu'il avait tenu de tels propos. Il tenait à montrer aux autorités comment l’entreprise culturelle créée depuis 1966 était en train de tomber en ruine. En effet, depuis les années 1970 jusqu’en 2010, les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs étaient sous perfusion. L’établissement était confronté à un déficit de moyens financiers et matériels. Également, à un personnel vieillissant. Aujourd’hui, tout cela semble être conjugué au passé. “Les manufactures des arts, jusqu'à la venue du nouveau Directeur, Sidy Seck, n’avait qu’un seul produit : la tapisserie murale. Laquelle, comme support, ne pouvait prendre en charge tous les besoins de l’entreprise. Ce qui faisait que les charges des manufactures restaient éminemment exorbitantes par rapport à la subvention de l’État. C’était insuffisant à telle enseigne que même à 3 mois de la fin des exercices, les manufactures étaient en rupture de fonds. “Nous étions souvent dans l’impossibilité de payer les salaires régulièrement durant les 12 mois de l’année. L’outil était tellement dégradé que personne ne voulait le reprendre. Il n’y avait presque plus d’espoir”, lâche Seydina Issa Laye Ndoye, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des MSAD. Aujourd’hui, en plus de la tapisserie, les MSAD tissent de nouveaux supports comme le “tapis de sol, le tapis de prière et le tissage de logotypes”. “La visibilité de l’établissement et de ses produits reste parmi les principaux actes que la nouvelle direction a posés. “Nous avions un problème de visibilité et de commercialisation. Le conseil d’administration nous avait souvent reproché une absence de dynamisme commerciale”, rappelle-t-il. Après 4 années de gestion, l’espoir renaît avec le nouveau directeur. “En toute chose, il faut prendre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut”, chantonnent en chœur les travailleurs des MSAD.
Des nouvelles infrastructures
Toujours dans l'optique de faire revivre ce joyau sénégalais, la direction a entrepris de diversifier ses activités. Malgré les projets inachevés nés des fameux chantiers de Thiès, parmi lesquels le “village des arts”, on compte aux MSAD bien d’autres chantiers terminés. “Nous avons bâti une salle polyvalente qui va abriter, en plus du restaurant, des rencontres, entre plusieurs autres manifestations. Aussi, nous avons réhabilité la salle d’exposition qui était dans un état de délabrement avancé”, confie le directeur de l’établissement. Et Sidy Seck de poursuivre : “en dehors de cela, l’entreprise culturelle fait maintenant dans le tapis de sol et de prière, il y a de cela un an. Ces nouveaux produits lancés marchent à merveille, car la demande excède de loin l’offre. En plus, la nouvelle administration a aménagé un espace pour une machine d’impression numérique. Il s’agit d’une machine qui va permettre de tirer à grande échelle les produits. Il arrive qu’on reçoive des clients qui aimeraient bien acheter nos produits, mais qui n’ont pas la possibilité de payer la tapisserie car cela coûte cher (entre 500 000 et un million de francs CFA le m2). Maintenant, avec cette machine, ils peuvent avoir l’œuvre sur bâche. C’est le support qui change et la technique. Et nous pouvons avoir des centaines et des centaines de coupe de la tapisserie que nous mettons à la disposition des Sénégalais qui aimeraient bien avoir du beau chez eux et qui n’ont pas les moyens, ou bien les touristes qui passent”. Cela va permettre aux manufactures d’entrer dans une autre phase, celle de l’industrialisation. L’entreprise étant un établissement public à caractère industriel et commercial. “Nous ne sommes pas à un niveau industriel, mais lorsque nous disposerons de cette machine pour pouvoir tirer à grande échelle, nous commencerons à mettre un pied dans le champ industriel”, promet Sidy Seck.
Un tour dans l'atelier de cartonnage permet de savoir en effet que l'industrialisation serait un pas de plus dans le travail de ces artistes. Trouvé à l'intérieur dudit atelier, Abdou Diouf, un des trois artistes qui partagent cet espace, une maquette entre les mains, déclare tout de go : “tout part d’ici”. Une manière de dire que cet espace est la pièce maîtresse des MSAD. C'est ici que l'on agrandit les toiles avant qu'elles ne soient tissées. Haut comme trois pommes, Abdou Diouf tient un papier calque entre ses mains. Ce dernier sert, à l'en croire à “développer l’œuvre dans un carton selon les besoins du client. Nous dessinons avec des traits. C’est de la peine, de la recherche, de la couleur, des chiffres, des numéros. Nous travaillons avec des millions de chiffres sur un carton. Le tout, dans un code appelé chapelet de couleurs qui détermine le nombre de couleurs de telle ou telle autre œuvre”. “L’art, c’est de la science exacte. C’est pourquoi il faudra être précis. C’est un travail fastidieux car une seule erreur peut se répercuter sur le travail de l’atelier”, poursuit notre artiste. Cette étape franchie, l’œuvre est enrôlée pour être tissée dans l’atelier dénommé “basse lice”.
Ici, les conceptions sont en “sous métier”. “Nous confectionnons le trame avec du fil de laine selon la longueur et la largeur du carton fabriqué dans l’atelier de cartonnage. Une fois la trame achevée, nous épinglons le carton sous celle-ci pour qu’il reste immobile et commençons à tisser”, informe El Hadji Alassane Diop. Ce licier assis sur une chaise tient la maquette de l’œuvre de Joseph Essamone Coly. “Le carton mesure 1m 20. C’est fait en 1 mois 15 jours, parfois même 2 mois. Il arrive qu’une œuvre soit tissée durant 6 mois. Cela dépend de la dimension”, dit-il. Le symbole de l’entreprise : “L’expertise et la qualité pour un décor de rêve”, est bien incarné par les agents des MSAD, lesquels ont assimilé, selon le délégué du personnel, une “nouvelle culture d’entreprise”. “Il y avait une absence totale de culture d’entreprise et les gens n’étaient pas conscients de ce qui les attendait”, informe Seydina Issa Laye Ndoye.