LE QUOTIDIEN DE LA BIENNALE DE L’ART AFRICAIN CONTEMPORAIN
Installation auréole
La 11e édition de la Biennale Dak’art boucle sa première semaine. Vernis- sages, colloques et autres perfor- mances ont fait de ces sept jours écoulés une plateforme d’échanges
et une formidable vitrine de ce que l’Afrique et sa diaspora offrent au monde. Le mouvement de l’art se déplace pour trouver ancrage sur le continent, parce qu’il y a renouvelle- ment de la perception des arts. La pression de l’argent n’y est pas encore manifeste, ce qui laisse à la créativité une grande marge de li- berté hors des contraintes des faiseurs d’art.
Heureuse Biennale
Pour ma part, de cette Biennale, j’en tire un grand enseignement. En premier lieu, l’art n’a pas de Vocation, il en a plusieurs. Tout d’abord, celle de redonner aux objets les plus ordinaires leur esthétique et leur pouvoir de remettre en cause notre considération à leur égard. Et voici qu’une rangée de slips épinglés sur un présentoir nous fait transcender l’élé- ment sexuel qui y est d’ordinaire associé pour une autre ouverture d’esprit. L’autre enseigne- ment, en voyant les installations de Viyé Diba, est que l’art est une œuvre collective, puisqu’il associe photographe, chorégraphe, metteur en scène comme révélateur. C’est ce tout là qui fait œuvre et donne sens. Et enfin le pouvoir de l’artiste de montrer que l’ancien se renouvelle dans la modernité, que conte et légende se révèlent dans l’art, que ce qui est effrayant devient beauté rien qu’à voir les sculptures de Soly Cissé. Alors, celui qui soutient que l’Afrique ne produit pas, mais consomme, ap- partient désormais au monde des non-voyants et on peut l’en excuser. Bonne poursuite pour ces trois dernières semaines.
Baba DIOP
EDITORIAL
Jeudi 15 mai 2014 - N°7
ACTUALITÉ
TOIS QUESTIONS À ...
HÉLÈNE TISSIÈRES (Enseignante et écrivain)
«A chaque édition, la Biennale, c’est une création unique»
Passionnée de littérature et de cinéma africains, qu’elle enseigne à l’Université du Texas à Austin, aux Etats-Unis, Hélène
Tissières est une habituée de Dak’art.
Comment jugez-vous cette 11e édition de Dak’art ?
Elle est très dynamique, mais on peut difficile- ment comparer celle-ci, aux éditions de 2008 et 2012, qui ont connu des difficultés politiques, etc. En 2008, le président Wade avait ses priorités. En 2012, Macky Sall venait d’arriver, donc c’est très difficile de les comparer. Je trouve qu’à chaque édition, la Biennale, c’est une création unique. La Biennale de 2006 était brillante, exceptionnelle, et celle-ci est vraiment formidable. Et entre les deux, il y a quelque chose d’absolument unique. Mais on ne peut pas toujours avoir le summum.
Quel regard portez-vous sur les expos In de Dak’art 2014 ?
Je trouve qu’elles sont beaucoup plus inégales. Celles que j’ai vues au musée Théodore Monod (NDLR : «Diversité culturelle» et le Salon de la sculpture africaine) sont moins intéressantes que l’Expo internationale qui est plus large, et vraiment formidable. Mais on doit aussi montrer des tas de choses différentes. C’est pourquoi il faut faire attention à ne pas comparer sans arrêt, mais de se dire que c’est un projet. Pour l’Exposition internationale, c’est sûr, il y a moins d’inégalités. Là, les commissaires ont choisi la crème de la crème. Ils ont pris moins de risques quelque part, mais ils ont aussi réussi à avoir des personnes intéressantes, dynamiques et ont exposé les œuvres dans un superbe lieu.
Et comment avez-vous trouvé l’organisation de la Biennale de façon générale ?
Il y a des tas de choses merveilleuses. On a des productions fabuleuses. Et les expositions sont bien organisées.
Propos recueillis par Yacouba SANGARE
2 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
MOMINE PAULIN, SCULPTEUR IVOIRIEN
En attendant le décollage
La sculpture représente un homme assis, les bras croisés. Tout autour, il y a 7 pieds qui représentent le monde. Ce monde qui attend beaucoup de l’Afrique riche d’énormes potentialiés. Mais l’Afrique peine à décoller. Mo- minè Paulin estime que la cause de cette Lourdeur (titre donné à son œuvre) se trouve du côté de l’administration et du pouvoir. Pour dire son sujet, l’artiste utilise le bois recouvert de toiles de jute, avec une mixture mélangée à de l’alcool.
Très jeune, Mominè Paulin sculptait déjà le savon pour créer des formes d’objets usuels. Au collège moderne de Man, en Côte d’Ivoire, il gagne le pre- mier prix d’arts plastiques. Bac en poche, il s’inscrit aux Beaux-Arts d’Abidjan et décroche un diplôme supérieur des Arts : spécialité sculpture. Mominè Paulin expose à la Biennale de Dakarpourlapremièrefois. Il a notamment participé au programme At Work dans son pays, à l’exposition des 50 ans de la BICI, à l’expo «Jeunes talents» de Côte d’Ivoire.
Jean-François CHANNON DENWO
(Cameroun)
Quelques visiteurs apprécient !
Si le Dak’art est un des rendez-vous par excellence pour les artistes et les professionnels de l’art contemporain, il l’est également pour les passionnés et autres curieux, pour qui l’évènement est plein d’intérêts. Appréciations de certains d’entre eux !
MICRO-TROTTOIR
Ibou Diop, Sénégalais vivant à Berlin :
«Je suis présent à chaque édition, depuis 4 ans. Je n’ai pas encore assez visité. Mais de ce que j’ai vu, l’œuvre de Sidy Diallo qui aborde le sujet de la fuite des cerveaux m’a très impressionné.»
Régina, visiteur allemand : «Je suis un passionné et c’est ma première participa- tion au Dak’art. C’est réussi, de ce que je vois déjà, car j’ai pu découvrir davantage d’artistes très inventifs ; ce qui est de plus en plus rare.»
Léolinda Diémé, habitante de Dakar : «Je suis venue pour découvrir ce qui vient éga-
lement d’ailleurs. C’est enrichissant, toutes ces visites qui, en dehors de la découverte des œuvres, permettent même de décou- vrir certains points de Dakar que des étrangers connaissent mieux que nous ha- bitants de la ville.»
Jordan Davis, journaliste suisse : «Je suis de passage à Dakar et c’est une belle op- portunité pour moi. C’est impressionnant la diversité de l’expression artistique, cette vitalité et la haute qualité des œuvres. Je suis tout simplement heureux de découvrir cet événement.»
Propos recueillis par Jérôme William BATIONO (Cameroun)
ACTUALITÉ
SCULPTURES A LA MAIRIE DE DAKAR
PERFORMANCE DEAMBULATOIRE DANS DAKAR
L’art hémoglobine d’Alougbine Dine
Soly Cissé fait
dans l’Universuniverse
C’est un monde imaginaire que forge le peintre Soly Cissé pour marquer son entrée dans la sculpture. Dans les jardins de l’Hôtel de ville de Dakar, ses figures imposantes renvoient tantôt à des personnages, tantôt à des animaux reconnaissables. Dans sa mythologie, sont représentés un géant Cobra debout, prêt à mordre ; un Cheval ailé ; un Roi escortés par cinq warriors armés de lances. Soxna Buur, la reine, est à côtés, habillée de robes Ndoket bien taillées. Car, il arrive que le sculpteur soit styliste.
Ce qui est impressionnant dans ce minutieux travail de Soly Cissé, qui lui a pris quatre ans, c’est la précision des formes, le découpage du métal, mais surtout l’assemblage du fer à béton. Soly Cissé explore, après des années de recherches sur le matériau, le fer à béton, support plus résistant que le papier mâché qu’il trouve assez doux et fragile. Ce travail, «extrêmement difficile», fait savoir l’artiste, a été fait à la main.
Mais Soly Cissé ne compte pas abandonner la pein- ture, ni la photographie, ses premières amours. «Je suis très libre, j’aime cette possibilité de voyager et d’explorer des médiums différents», dit-il.
Fatou Kiné SENE (Sénégal)
D’abord incomprise et même dé- noncée, la performance déambu- latoire du Béninois Alougbine Dine, présentée mardi après-midi dans les rues de Dakar, a fini par rallier le public.
Sous l’échangeur de l’avenue Cheick Anta Diop, Alougbine Dine se pré- pare pour une parade dans les rues
de Dakar. Il décore ses mannequins et monte un personnage géant qui porte un masque Gêlêdê.
Attiré par cet être étrange, les passants s’attroupent peu à peu autour. Aloug- bine fait coucher une jeune fille dans une charrette. Lentement, et comme pour signifier qu’il sait exactement ce qu’il fait, il asperge la jeune fille de sang. Alors que certains se demandent la pro- venance de ce sang, d’autres, choqués, préfèrent s’éloigner de ce douteux«ri- tuel».
A une journaliste qui s’approche pour comprendre, Alougbine Dine répond : «Suivez juste. Vous comprendrez plus tard !» Une fois la jeune fille «prête», car suffisamment aspergée de sang, Aloug- bine Dine lui place des intestins de chèvre. Comme si c’était les siennes. De sorte que dès qu’elle ferme les yeux et re- tient son souffle, la jeune fille n’est rien d’autre qu’un cadavre, peut-être victime d’un accident grave, ramassée et trimbalée dans une charrette.
A quelques mètres, un groupe de dan- seurs se met en place. Habillés à la ma- nière des Gêlêdê avec, à la place des masques, des filets bariolés sur la tête, ils répètent des pas de danse. Au signal du scénographe, le cortège s’ébranle. Un cortège contrasté présentant d’un côté un malheur et de l’autre le bonheur. Deux tableaux opposés et qui n’ont de commun que leur but : Dénoncer.
Cette dualité n’a échappé à personne, tout au long du parcours qui durera près d’une heure et qui échouera à la librairie 4 Vents de Mermoz. Dans un premier temps choqués par la jeune fille «morte» et trimbalée dans une charrette, les pas- sants sont très vite contaminés par l’am- biance des danseurs et la chanson «Agolo» d’Angélique Kidjo distillée tout au long du parcours.
Pour Alougbine Dine, au-delà du côté artistique, cette performance déambula- toire contient un double message. Il s’ex- plique : «Le premier tableau est pour dénoncer les guerres en Afrique. Pour peu de choses, nous nous tuons. Les gens pensent que c’est un tableau cho- quant. Je leur réponds que ce qui est choquant, c’est de voir chaque jour com- ment des frères d’hier peuvent s’entre- tuer facilement aujourd’hui.»
Eustache AGBOTON (Bénin)
Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014 3
NEWS & CRITICS
SAM HOPKINS AT DAK’ART 2014
Insights into his Art
The role and significance of NGOs in Kenya found its way at this year’s Dak’art 2014 Biennale through installation dub- bed Logos of Non Profit Organisations working in Kenya (some of which are imaginary) mounted by Kenyan-based filmmaker and artist Sam Hopkins.
Chat with Kimani wa Wanjiru (Kenya)
H ow does it feel tobeatthe
Biennale ?
:As this is the first Biennale that I have participated in, I was slightly nervous before arriving. But it has been a wonderful ex- perience, a real pleasure, and both the curators (Smooth, Kader and Elize) and the other participating artists have been warm and friendly and there has been a genuine sense of fa- mily.
Did you imagine that your work will be a continental stage like this ?
The biennale is by application,
so of course I hoped I would be selected, but I didn't really think I would be, so it was a fantastic surprise when I heard that I was.
It is work touching on the work of NGOs. What inspired it ? The work which I exhibit is a direct result of living and wor- king in Nairobi over the last few years. During that time I co-founded Slum TV, a grass- roots media collective based in Mathare, and in the process of doing so I met with many NGOs. I was struck by the very particular language that these NGOs worked with, which so- metimes, but not always, ap- peared to be empty rhetoric.
Often this language seemed to reduce complex issues down to keywords such as 'Sustainabi- lity, Capacity-Building, Syner- gies, Beneficiation and Upscaling'. Whilst perhaps these keywords are useful in the context of 'Development', they did not seem suitable or helpful to the art project which we were developing, which was in- terested in setting up an experi- mental media project, without anticipated goals and out- comes, in Mathare. Neverthe- less, in Kenya, our work was always limited to the NGO dis- course.
What is the significance of the logos ?
On the one hand a logo reveals how an organisation chooses to represent itself, on the other hand, they represent certain subconscious assumptions about a whole industry. To take an example from a related sec- tor; why is the UNESCO logo composed of Greek columns? This is the UN organisation for world culture, so why should a Classical European symbol stand for world culture? The logos of NGOs in Kenya pose similar questions. Why do we have organisations in Kenya called 'Hope', 'Concern' and 'Empathi'? What do these names reveal about the assump- tions of the Development sec- tor? They were intriguing as they seemed to distil the icono- graphy of the industry and re- veal the expectations of the belief system that underpins the whole NGO project.
Why did you use the logos yet they don’t really tell the story of the organisations ?
It is true that the logos do not tell the entire story of the orga- nisations, and I am not com- menting on the whole
organisation. I am a visual ar- tist and as such am interested in representation. In this situa- tion I am specifically interested in how these organisations choose to represent themselves. My strategy with this piece has been to mix real logos of real organisations with fake logos of organisations that do not exist. The idea is to introduce an ele- ment of doubt into the viewer so s/he is not sure which are real. This fictionalising is des- igned to make you re-engage with all of the logos, it presents them in a new context. Hence you look at organisations called 'Hope', 'Concern', Hope for the African Child Initiative', 'Empathi' and you wonder, can these be real names?
You talk about a blurred line in as far as charity, development or aid is concerned. What is your personal take of this ?
The Development world is complex and complicated and I am in no place to critique its effectiveness. It is a heteroge- neous sector so I do not think it makes sense to make genera- lisations about it. As a visual ar- tist I am interested in the representation of this sector, be it in the logos, the adverts and the films commissioned. And, whilst the organisations are va- ried, the representation tropes are similar.
Does this mean/have an impact to your work as it evolves ? Sam Hopkins: If this legal fra- mework leads to a more critical and engaged position about how the development sector re- presents itself, then this will certainly impact on my work. To re-iterate, I am not generalising about how these NGOs are ac- tually run, or what they do. I am interested in the images they use to communicate.
Haimbe empowers women digitally
Zambian artist, Milumbe Haimbe adds 15 digital illustrations to the creative feast of the Biennale in her presentation she applies a back- ground of painting to a newer media.
Haimbe’s concern with the representation of cultural minorities is the main focus of her illustrations which is presented as graphic novel titled Ananiya the Revolutionist. She uses her work to highlight a lack of leading female heroes in popular media.
The proganist, Ananiya, is a seventeen year-old black female who works as an agent in the Covert Operations Division of the resistance movement. The resistance group calls fights against the replacement for the need of fe- male humans, after the government introduces sex robots
Ananiya leads the “Army for the Restoration of Womanhood” in the (near) future, a group that represents a fight against stereotyping women, while also addressing the issues surrounding sexuality.
The heroine, Ananiya begins to have feelings of affection towards one of the female robots, complicating her function within the resistance move- ment, making clear the struggle between internal and external conflicts.
Ananiya grapples with social conformity by being a part of the “Army for the Restoration of Womanhood”, but she must also confront her own emotions, of being gay, when they do not match with the social expecta- tions of this resistance group, which she leads.
Haimbe admits that it is the first time she is showing her works in a big art event in Africa, and is glad that the Biennale provides the opportunity for her to position her talent on the continent. Though she complained about the flow of information at the Biennale, the 40 year old artist finds time to appreciate the diversity of works showing in Dakar.
Haimbe has gotten big ideas from coming to the biannual festival, as she reveals, that 3D animation, and 2D model sequencing are at the top of her agenda, after one encounter with the Dakar Biennale.
Obidike Okafor (Nigeria)
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Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
NEWS & CRITICS
THE BICYCLE SCULPTOR OF SAINT-LOUIS
Taking broken bicycles and turning them into pieces of art
By Kyla HERRMANNSEN (South Africa)
Meissa Fall sits on an old broken wheelchair that he has adapted into a couch on the side of a Saint-Louis road, wat-
ching the donkey carts pass by as he tinkers with bits and pieces of broken bicycles. Fall’s father and his grandfather before him were both mechanics, repairing broken bi- cycles from generation to generation in the small island city of Saint-Louis, 3 hours North of Dakar.
Fall said that he started being interested in sculpture as a young boy when many years ago his father handed him a bicycle that was completely beyond repair. Instead of throwing the bicycle away at the rubbish dump, Fall saw the artistic potential in the broken parts, their shapes and textures ins- piring him. He took the bicycle apart and turned it in to a sculpture, using only the pieces he had dismantled.
Many years later Fall is now a noteworthy and celebrated artist, having perfected his craft over the years. His work graces the neighborhoods and roadsides in Saint- Louis. He plays with the juxtaposition of tradition and modernity – using modern bicycle parts to create works that reference traditional aspects of Senegalese art and African art, such as the mask.
and turns them into striking sculptures, he also uses his skills as a mechanic to repair bicycles for the people of Saint-Louis. He has, in a sense, become an ambassador for bicycles on the Island. “People have high levels of cholesterol because of the salt and sugar in the food here. More people should cycle here because it’s a very flat city,” he explained. The streets of Saint-Louis are, according to Fall, perfect for travelling by bicycle.
His studio is a room quite literally filled from floor to ceiling with old bicycles and his sculptures, some complete and some in the beginning stages of being created. His studio is, in itself a piece of installation art where on can spend hours and hours peru- sing his work, transfixed by gift of giving old items new life. Somehow, in amongst this chaos, he sees the potential in the old bicycles and spare unwanted parts – tur- ning them into human figures, animals, masks and other weird and wonderful forms.
Fall said he is inspired by “life and nature” and that “making art is beautiful.” He is very much in favour of Dak’art saying that he really values the opportunity to display his works and to engage with visitors to the Island. “Dak’art promotes us,” he said, smiling a broad toothy smile.
Fall not only dismantles broken bicycles
LAGOS SOUNDS FIND A HOME IN DAKAR
Sounds of Lagos are being heard at the Dakar art Biennale cour- tesy of the installations of Emeka Ogboh sound recording inspired by the soundscapes of Lagos.
Ogboh understands the character of a city through its sounds, and in the sound ins- tallation titled LOSlantic, he looks at a fu- turistic city, the Eko Atlantic, an ultramodern city for the wealthy, presently being constructed on the Atlantic Ocean, through a Lagos State government and a private real estate company partnership.
The wooden paneled speakers conjure an image of frightened sandcastles overwhel- med by the shape of futuristic buildings. The sounds used for the installation were recorded from cities that Lagos look up to, in its quest to reach a utopian vision of hyper modernity. These cities from around the world inspire the Eko Atlantic to be planned and clean, thereby sharply contrasting with the rest of Lagos.
Everything about the installation means something including the ropes that sepa- rate the viewer from the speakers. The ropes are both a physical barrier and a fi- gurative one that represents the psycholo- gical divide between the rich and the hopes of the poor, who are left to their imagination.
The multimedia artist deals primarily with sound and video to explore the history and auditory infrastructures of cities, with special emphasis on Lagos. He is a co- founder of Nigeria’s first video art collec- tive, called the Video Art Network Lagos, and was part of the African delegates to the Media Lab at the 16th International Symposium on Electronic Art in Dort- mund, Germany in 2010.
Most of Ogboh’s works have been recor- dings of Lagos, which he has compiled in a project called the Lagos soundscapes project. The project has been listened to in galleries and museums in the United States, Sweden Switzerland and Germany.
Obidike Okafor (Nigeria)
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CATALOGUE
Collection Photos
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CATALOGUE
Collection Photos
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OFF
VILLAGE DES ARTS
L’art contemporain DANS LA PLURALITÉ
Le Village des arts de Dakar abrite ainsi l’exposi- tion «Pluralité» ouverte mardi 13 mai dans le cadre du programme Off de Dak’art.
La galerie du Village accueille près de 50 exposants nationaux et une vingtaine d’artistes invités, entre Mauritaniens, Béninois, Espagnols et Coréens. Des œuvres d’envergure ont particulièrement émues les visiteurs. A l’instar de celle de Guibril André Diop, lauréat du prix de l’Uemoa cette année. Il s’agit d’une immense sculpture en fer qui trône à l’entrée de la galerie. C’est une démonstra- tion libre, en forme d’instrument de musique, qui rappelle les grands spectacles de plusieurs époques. Ousmane Ndiaye Dago revient avec «ses» corps de femmes, exprimant, librement, le sacré de la beauté ainsi que le naturel dans l’aimant. Limalé Diop, pour sa part, célèbre le «Takussanou Ndar», l’élégance saint-louisienne, à travers une toile qui rend hommage aux signares.
D’autres représentations, à l’instar de The Dream de Kiné Aw, de la Faune marine de Louis Bassène, du Dialogue de Joe Sogui Diop, de Transparence de Gloria Alvares, entre autres, ont attiré l’atten- tion du public par leur caractère symbolique. Et c’est dans diverses matières, allant de la peinture à la sculpture, en passant par le collage, que les expo- sants ont montré leur talent. La plupart de ces ar- tistes se sont exprimés dans un panorama de couleurs vives bien affectionnées par les visiteurs. L’œuvre de Daouda Ndiaye a singulièrement ébloui. Faite de bois et de paille, il s’agit d’un mon- tage qui rappelle les profondeurs de la culture afri- caine.
«Nous avons initié le partage à travers cette exposi- tion. Nous sommes satisfaits de voir que la matière a bien pris», explique Idrissa Diallo, Commissaire de l’expo. M. Diallo a reçu les éloges de la prési- dente du Comité d’orientation de Dak’art, Mme Diatta, venue présider le vernissage dans une am- biance festive. Autour d’une animation et d’une projection de photos et de vidéos.
Diouma Sow THIAM (Sénégal)
PORTRAIT
Rémy, l’oiseau est «Samuz»
Le vernissage, le 13 mai à la librairie 4 Vents de Dakar, de l’expo de 25 plasticiens béninois, a été l’occasion
de découvrir la technique de travail aty- pique de Rémy Samuz qui s’inspire des oi- seaux pour tisser ses œuvres.
Dans l’expo «Bois sacré» dédié au Bénin par la Wallonie-Bruxelles dans le cadre de Dak’Art Off, les quatre œuvres proposées par Rémy Samuz sont immanquables. Que ce soit La reine, Tougbédjè, Le beau lutteur noir ou Le conférencier, le visiteur est tout de suite frappé par la technique du fil de fer noué utilisé par le plasticien. Une technique qui n’est pas sans rappeler celle utilisée par les oiseaux pour construire leur nid.
«Quand j’étais enfant, explique Rémy, mon père me confiait la surveillance des oiseaux qu’il élevait. Petit à petit, je me suis surpris à être fasciné par cette façon sereine qu’ils ont de faire un nid solide avec des brins de paille. J’ai compris que les oiseaux sont les meilleurs architectes du
monde. Je me suis dit alors que j’allais faire comme eux».
Il commence alors par des œuvres de pe- tites tailles, mais qui empruntent déjà aux oiseaux leur technique, alliant du coup lé- gèreté et solidité. Mais à la place du brin de paille, Rémy s’amuse à utiliser le fil de fer.
Après des années de pratique, il passe aux personnages géants. «Quand je prends le fil de fer, je le laisse me guider. Je cherche le volume peu à peu, je laisse le temps pas- ser jusqu’à obtenir la forme», confie l’ar- tiste. La taille de ses œuvres exposées dans le Bois Sacré varie peuvent atteindre 1,80 m.
De son vrai nom Rémy Sossouvi, le sculp- teur se plaît dans cet univers aviaire où la patience est la règle d’or. C’est sa première participation à Dak’art, mais il est confiant : ce n’est que le début d’une grande aventure.
Eustache AGBOTON (Bénin) Rescap’art pour la thérapie par l’art
HÔPITAL FANN
L’hôpital Fann, pionnier dans le do- maine de la psychiatrie en Afrique subsaharienne, propose une exposi- tion Off dont le vernissage a eu lieu le 10 mai 2014. En marge de cette activité, les ateliers Graphoui de Bel- gique et l’association Rescap’art, qui rassemble des patients et d’anciens patients du service psychiatrique de Fann, ont réalisé un film de 13 mi- nutes intitulé «Ce que l’œil prétend voir». Comme quoi, art et thérapie font bon ménage. A la suite du film issu de l’Atelier d’expression du ser- vice psychiatrique, il a été donné à
voir plusieurs œuvres. Peindre pour prendre conscience de ses contradic- tions, danser pour dédramatiser ses conflits...
La création artistique permet, avec l'art-thérapie, d'accéder à des senti- ments enfouis. Si l’art est bien un moyen d’expression, il est d’autant plus une forme de thérapie. C’est ce que l’association Rescap’art et Gri- phoui veulent relever à travers cette œuvre.
Jérôme William BATIONO
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OFF
VIYE DIBA - TOURE BEHAN AU KOBA CLUB
Variation sur le même thême
«Tout se sait» est le nom donné à l’installation de
l’artiste concepteur sé- négalais Viyé Diba qui, à chaque Biennale, pro-
pose une nouvelle démarche artistique.
Lors de la dernière Biennale, Viyé Diba pro- posait, dans le cadre du Off et à la galerie Arte, son installation «Nous sommes nombreux et nos problèmes avec», concept né des tracasse- ries que lui posaient les robinets dans sa mai- son. Son voyage post-génocide au Rwanda l’avait poussé à y intégrer la cohabitation dans le même espace et les tensions que cela peut engendrer. Les notions de contournement et d’enjambement avaient aussi alimenté ce pro- jet. Voici qu’avec «Tout se sait», la notion de transparence esquissé avec «Nous sommes nombreux et nos problèmes avec» se déve- loppe pour en être le thème majeur.
Diba cherche à exhumer les différents langages spatiaux dans ce rapport avec l’environnement urbain, comme il dit que qu’au bout des gestes quotidiens se dégage une écriture artistique. Tissus découpés et tantôt mis en boîte dans du plastic transparent, tantôt enroulé en boulettes et enchâssés dans du tissu transparent qui per- met de voir ce qui se passe à l’intérieur de ces boulettes, tantôt sous forme sculptures. Les bouts de tissus découpés en petits morceaux obéissent à ce que l’artiste appelle «Une ap-
proche de la proximité», car tout ce qui com- pose l’installation provient de notre cadre de vie. L’installation elle-même s’y soumet. Les objets donc modulent nos déplacements dans l’espace urbain.
Viyé Diba a travaillé avec des artistes révéla- teurs comme le photographe Mamadou Touré dit «Béan», plus connu dans sa manière de capter à l’instantané des tranches de vie dans la rue. Comment a-t-il travaillé dans ce projet ? Le photographe dit : «Je suis parti du concept de l’installation « Tout se sait» pour une approche plus abstraite que figurative des éléments que j’ai choisi de photographier. La photographie, pour moi, c’est écrire avec la lu- mière. J’ai donné mon point de vue à partir des critères de composition et de répartition des masses pour certains éléments ; pour d’au- tres, j’ai insisté sur l’effet de perspective avec un élément figuratif au premier plan et l’abs- traction en second plan».
Que retient-il de cette collaboration ? «Ce fut important de travailler en synergie. Cela mon- tre que nous pouvons développer des synergies entre différentes disciplines de l’art pour une variation sur le même thème».
L’expo se poursuit au Koba Club, face à la mairie de Dakar, jusqu’au 22 mai 2014.
Baba DIOP
GALERIE BORIBANA
Dialogue entre quatre artistes
La galerie Boribana, à Ngor, réunit quatre créateurs aux approches
artistiques différentes. Le céra- miste Cheikh Diouf offre à voir à l’étage ses masques sous un aspect nouveau. Ils sont présentés avec un cou assez long et suspendus sur du fer. La particularité réside dans les contours de visage bien dessi- nés et émaillés avec différentes couleurs vives qui contrassent l’argile et la terre. Cheikh Diouf combine terre brute, ar- gile et filage, et utilise le col- lage pour alterner les deux éléments. Il représente deux lutteurs en position de com- bat. Avec leur arsenal folklo- rique et mystique : gris-gris, cauris, pagne traditionnel noué autour de leur taille. Dans cette expo intitulée One one two (Un un deux), Diouf dialogue avec son collègue ja- maïcain Gene Pearson. Ce dernier utilise aussi la même technique pour fabriquer ses masques.
Au rez-de-chaussée, l’artiste Abdoulaye Ndoye propose dans Identité des calligraphies indéchiffrables sous verre. Il est plus dans le graphisme que dans l’écriture. «Abdoulaye dit souvent qu’il n’écrit pas, il dessine, c’est un explorateur de support», renseigne le scé- nographe Khalifa Ababacar Dieng. Il utilise des matériaux variés, papier, tissu, bois, métal, henné. Dans la cour, l’installation de Momar Seck, Fagots debout et Tackoo, fait référence à un quotidien du monde rural. Il intègre plu- sieurs matériaux de récup : les fagots de bois enrôlés avec du fer à béton et du métal sont en position verticale.
Fatou Kiné SENE (Sénégal)
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SAINT LOUIS
EXPOSITION DES ŒUVRES D’IBA NDIAYE A SAINT-LOUIS
La vieille ville retrouve son fils prodige
EXPOSITIONS OFF
Une pléiade d’artistes rivalisent d’ingéniosité et mettent la vieille ville en mille et une couleurs
Les artistes Amadou Ndiaye et Alboury Fall ont établi leur quartier à la Loui- sienne et au Centre culturel régional de Saint-Louis.
Photographe de formation, Alboury Fall a vite attrapé le virus de la peinture en 2005, lors d’une expo collective d’ar- tistes, encouragé en cela par Alioune Ba- diane, alors directeur des Arts, qui avait flairé le talent de l’artiste. Alboury Fall se définit comme un autodidacte et aime travailler avec des matériaux de son en- vironnement. Son exposition intitulée «Sur Mer» est visible dans la cour du centre culturel Abdel Kader Fall jusqu’au 8 juin prochain.
Dans ses œuvres, il aborde des questions liées à la mer et principalement le dan- ger que constitue l’émigration clandes- tine avec les nombreux jeunes qui ont laissé leur vie en voulant découvrir un prétendu eldorado.
En dehors des expositions au Sénégal, notamment à la Galerie d’art, Alboury Fall a aussi participé à des résidences et à des expositions en Allemagne, en Bel- gique, en France, etc.
Non loin du centre culturel régional, son collègue Amadou Ndiaye étale ses toiles sur un petit couloir menant sur la berge du fleuve Sénégal. Il dit travailler sur différents supports : toile, ferraille, et utilise des matériaux de récupération comme les journaux, les débris de pi- rogues pour confectionner des œuvres de toutes sortes. Il développe des problé- matiques selon ses sources d’inspiration comme la ville de Saint-Louis, son envi- ronnement naturel, la couleur bleue de la mer ou encore l’architecture de la vieille ville. Amadou Ndiaye est allé au- delà de nos frontières pour des exposi- tions et des invitations à des résidences d’artistes, notamment en France et à Za- kapane (Pologne).
Assane DIA (Sénégal)
Sur la pointe sud de l’île de Ndar, face au bras du fleuve, le Centre de re- cherche et de documentation de Saint-
Louis (CRDS), un bâtiment à l’architecture coloniale, abrite l’exposition du grand ar- tiste peintre Iba Ndiaye. A notre arrivée, des ouvriers s’affairaient déjà au montage des œuvres avec l’appui bienveillant des deux commissaires Malick Ndiaye et Laeti- tia Pesenti.
L’exposition tient sur les deux grandes salles du 2e étage. A l’entrée, le visiteur est ac- cueilli par deux tableaux qui sont des dis- tinctions délivrées à l’artiste par l’Etat du Sénégal (diplôme du Grand Prix des Arts contemporains) et par la Fondation de la Biennale de Sao Paulo.
Dans l’une des pièces, se trouvent des pho- tos souvenirs. Iba Ndiaye est entouré d’émi- nentes personnalités des arts, comme Jack Lang, Léopold Sédar Senghor, au cours de l’exposition Rétrospective en 1966, au Musée Dynamique de Dakar.
L’exposition du défunt artiste dans sa ville natale est constituée de 145 œuvres, fruit de la donation faite par les héritiers de l’artiste à l’Etat du Sénégal. De ces centaines de ta- bleaux, une sélection a été réalisée pour re- tracer la vie et l’œuvre de l’artiste sénégalais
à travers des thèmes aussi divers et diversi- fiés comme la Tabaski, le jazz, les portraits, les natures mortes, les paysages. Les toiles d’Iba Ndiaye font apparaître son engage- ment, sa posture de critique et son éternel voyage d’un continent à un autre.
En abordant le thème de la Tabaski (fête musulmane), l’artiste est épris de Nostalgie de son enfance dans sa ville natale. Dans le thème Paysage, il en appelle à un dialogue avec l’histoire de la représentation de l’Oc- cident alors que le jazz, dans son œuvre, fait référence au métissage.
L’objectif visé par l’organisation de l’exposi- tion est d’avoir une vue large sur l’œuvre d'Iba Ndiaye. D’après l’un des commis- saires de l’expo, Malick Ndiaye, l’artiste est à la fois un enseignant et un pédagogue, parce qu’ayant formé d’éminents artistes contemporains sénégalais.
Aujourd’hui, il s’agit de mettre à profit cette donation des œuvres de l’artiste afin d’en faire un large partage avec les Sénégalais et les Africains pour qu’ils puissent en tirer des leçons et des connaissances.
Assane DIA (Sénégal)
Le design au rendez-vous à la galerie Arte
Les biennalistes ont visité, le 14 mai 2014 à la galerie Arte, le Patio Saint-Louis, l’expo Art & Design : «Appartement avec vue», avec Barkinado Bokoum, Dominique Zinkpé, Tchif, Fati- mata Ly, Marie Jampy, Joëlle le Bussy, Johanna Bramble, Issaka Bonkoungou, Mauro Petroni, Bibi Seck, Tetou Gologo,
Djengue Daniel, Constant Ado- non et Malobé Diop.
Ces artistes nous explorent dans un environnement habituel pour les uns et insolite pour d’autres. C’est le cas de Marie Jampy qui présente deux photos avec pour titre : «Saint-Louis 1et 2». Elle décrit une image de la
vieille ville du Nord.
Joëlle le Bussy, quant à elle, nous plongent dans un assemblage du bois, de fer, de bronze, de cuivre et parfois du textile pour aboutir à un mobilier électrique.
Avec sa pièce «Taboo et la table», Bibi Seck, inspiré par les habi- tudes quotidiennes en Afrique
de l’Ouest, offre un recyclage des déchets plastiques.
Pour Joëlle le Bussy, Commis- saire de cette exposition, il s’agit, ici, de valoriser l’art et le design d’Afrique en les mixant subtile- ment au style européen.
Patrick NZAZI (Congo)
10 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
RENCONTRE
RENCONTRES ET ECHANGES
Regards croisés sur la fonction
du CRITIQUE D’ART
La deuxième table-ronde des Rencontres scientifiques de Dak’art 2014
s’est tenue au Village de la Biennale. Parmi les cinq panélistes d’enver- gure, trois étaient francophones. Ils ont analysé, à travers de perti- nentes réflexions, le travail du critique d’art.
Quel rôle assi- gner au cri- tique d’art ? Quelle est sa relation avec
l’artiste et l’œuvre ? Les pané- listes cooptés pour la deuxième table ronde des Rencontres et échanges de ce 11e Dak’art ont apporté des éléments de ré- ponse, en confrontant, bien entendu, leurs expériences res- pectives et leur culture pictu- rale.
Docteur en esthétique, histo- rien et critique d’art, Vangelis Athanassopoulos s’inscrit dans une approche sociologique de la critique d’art, à l’ère de la mondialisation, pour examiner les mutations actuelles dans le monde de l’art et leur impact sur le métier de critique d’art. Il souligne, en insistant sur les conditions qui régissent la mondialisation de l’art et de la connaissance, le double mou- vement d’hyperspécialisation et de décloisonnement des mé- tiers d’art et les liens qui le rat- tachent aux politiques culturelles et éducatives. «C’est à l’intérieur de cela que le cri- tique d’art doit se position- ner», fait-il savoir.
A ses yeux, le rôle de la cri- tique dans la légitimation de l’œuvre d’art est essentiel, d’autant que «la critique fait partie intégrante du méca- nisme du marché d’art».Profes- seur des universités, membre de l’AICA (Association inter- nationale des critiques d’art) et commissaire d’expositions, Dominique Berthet considère
l’œuvre d’art comme une énigme et un défi. Enigme parce qu’il est impossible de la cerner dans sa totalité, de la lire. « a deuxième épaisseur. L’œuvre est, selon lui, un défi Dominique Berthet estime que la relation entre le critique et l’œuvre est un défi que le cri- tique tente de relever.
Le critique, selon lui, se situe dans l’immédiateté, à la diffé- rence de l’historien qui l’inscrit plutôt dans le temps. Une œuvre, Dominique Berthet l’envisage en termes de rencon- tre. La posture qu’il préfère, avant tout, c’est la critique complice. Il explique : «Ce qui m’intéresse, c’est cette forme de critique qui me met au contact de l’œuvre et de l’artiste. J’accorde une impor- tance considérable au lieu de critique.» Dominique Berthet considère que tout artiste est engagé dans sa création. Un engagement auquel le critique ne peut se dérober, car «le dis- cours qu’il produit doit être
une œuvre d’art».
Dernier panéliste s’exprimant en français, Dr Marie-Noëlle Ryan fait une analyse des en- jeux théoriques de la réception et de la critique artistique en lien avec une théorie de l’œu- vre d’art inspirée. Elle s’appuie sur les travaux de Theodor W. Adorno et de Luigi Payerson. De son intervention, il ressort que l’œuvre d’art est un point de rencontre dynamique entre deux intentionnalités : une in- tentionnalité «projective», c’est-à-dire ce que l’œuvre, à partir des intentions initiales de l’artiste, cherche à produire comme effets sensoriels, émo- tifs, réflexifs, et une intention- nalité «réceptive», qui est, en fait, ce que l’interprétation de l’œuvre prend en considéra- tion, notamment sa logique ou sa normativité interne.
Yacouba SANGARE
(Côte d’Ivoire)
Ce qui plombe la mobi- lité des œuvres d’art
Les rencontres scientifiques de Dak’art 2014 ont donné un cachet particulier à ces acteurs qui assurent l’après-création : marchands d’art, ga- leristes, collectionneurs, etc. Ils occu- pent une place de choix dans les relations entre le champ de la création et celui de la réception. C’est l’un des enseignements de la thèse de François Diouane Ndiaye intitulée : «La circu- lation des œuvres d’art contemporain en Afrique de l’Ouest. Cas des arts plastiques à travers l’exemple du Sé- négal.»
Présentée le 13 mai à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, en marge de la Biennale, cette soute- nance a posé le débat sur la mobilité des œuvres d’art dans un contexte d’instabilité sociale ou de conflit armé. Et au-delà de l’insécurité qui pousse les potentiels consommateurs de l’art à se terrer chez eux, ces situa- tions influent négativement sur la sauvegarde du patrimoine mondial. Directeur de thèse de François Ndiaye, le Pr. Bernard Lafargue note, toutefois, que la circulation des œu- vres d’art se développe de manière réelle lors d’événements culturels mondiaux, tels que les biennales, fes- tivals, entre autres. Cette mobilité est aujourd’hui devenue «un phénomène social», constate le Pr. Abdou Sylla. Ce dernier déplore, toutefois, l’ab- sence des artistes qui ont créé les œu- vres ainsi que des statistiques sur le nombre réel de créations qui circulent dans l’étude présentée par François Ndiaye. Son regard critique porte aussi sur l’omission faite sur le trans- port des œuvres qui, estime-t-il, «de- meure primordial», si l’on prend en compte les contraintes notées aux ni- veaux des frontières aéroportuaires et maritimes.
Mbagnick NGOM
(Sénégal)
Dak’art veut cultiver le goût de l’art à la base
Le Dak’art reçoit régulièrement élèves et étudiants venus regarder les expositions. La Biennale a vu juste : l’avenir del’artafricaincontemporain, c’estaussi untravail profond à la base. C’est dans cette perspective d’ailleurs qu’uneexposition«Artaucampus» àl’UniversitédeDakara eulieudansleslocauxde l’UCAD.
Faire comprendre et aimer l’art commence par la déconstruc- tion despréjugés défavorablesdontestvictimelacréationar- tistique en Afrique. L’art n’est pas destiné aux pauvres. Nous avons la manie de dire que l’art ne peut pas prospérer en Afrique, car nous avons faim... Par conséquent, nous ne pouvons pas nous promener dans les musées et les galeries. L’art, pour beaucoup de nos compatriotes, ne peut être en aucun cas une priorité. La création artistique est l’affaire d’une minorité assimilée, à l’abri des besoins les plus élémentaires. Pourtant, l’art est une affaire sérieuse. L’école est le lieu indi-
qué pour le dire. Il faut grandir avec l’art pour en avoir le goût. C’est ce que Dak’art a compris, en décidant de trans- portergratuitementlesélèvespourunevisitedesexpositions. Cette proximité de nos écoliers avec les œuvres leur permet- trad’accorderautravaildel’artisteladignitéqu’ilmérite. L’artcontemporainafricainestl’expressiondelaconscience africaine, une expression qui traduit nos plus hautes aspira- tions.
Nous devons envahir les lieux d’exposition. Arthur Schopen- hauer a raison de dire que l’expression artistique serait inutile si le réel procurait à l’humain le bonheur. Un homme heu- reux n’a pas besoin de l’art. L’art est l’affaire des malheureux, une façon de dire que l’Afrique a intérêt à encourager la créa- tion.
Souleymane SARR - AICA/Sénégal.
Oeil Du CRITIQUE
Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014 11
DER
INSTALLATION DE EUN JUNG PARK
La Corée du Sud à Dak’Art
Contact
Biennale de l’art africain contemporain Email : info@biennaledakar.org Site web : www.biennaledakar.org Tél : +221 33 823 09 18
Fax : +221 33 821 16 32 Secrétariat Général de la Biennale des Arts de Dakar
19, Avenue Hassan II
BP 3865 Dakar RP
Dakar - Sénégal
Life story, tel est l’inti- tulé de l’œuvre de Eun Jung Park, composée de dizaines de tubes en plas- tique de 2m30 de lon- gueur sur 1m30 de largeur et de diamètre sur lesquels s’accrochent des sachets remplis de sable. «Le sable fait partie de l’environnement, il y a beaucoup de sable doux au Sénégal, c’est une bonne chose», ap- précie Eun Jung. Celle-ci a résidé au Village des arts et s’est promenée dans certains endroits de Dakar pour concevoir son installation. «J’ai une bonne impression sur les Sénégalais ouverts, ac- cueillants et doux», dit- elle.
L’artiste s’intéresse aussi à la nature, l’eau, l’arbre, la mer, fruits de mer, au cycle de la vie, etc. Expo- sant ses œuvres grâce à la galeriste Thérèse Turpin Diatta, Eun Jung compte présenter plus tard à Dakar ses peintures et sculptures.
Alassane CISSE
Les friands d’œuvres d’art sont invités au vernissage de l’exposition de la Coréenne Eun Jung Park dont le ver- nissage est prévu le 22 mai à 18 h au Terrou Bi à Dakar. Dak’art 2014 a accueilli des créations d’artistes venus de tous les continents. L’artiste sud-coréenne Eun Jung Park, représentant l’Asie, en plus d’autres créateurs de la
Chine, présente son œuvre à Terrou Bi, dans le cadre du programme Off de la Bien- nale de l’art africain contem- porain. Une manifestation à vocation panafricaine certes, mais ouverte aux souffles fé- condants des créateurs et des propositions picturales, sculpturales et autres dé- marches esthétiques en pro- venance d’horizons divers.
COMMUNIQUÉ
L’artiste Amandine Tochon expose ses œuvres à la Di- rection du Patrimoine Cul- turel (3, rue Galandou Diouf, à côté du siège de l’Hôtel de Ville de Dakar). Le vernissage aura lieu ce 16 Mai à 18 heures.
Le travail de l’artiste est composé d’œuvres inédites qu’elle propose pour cette présente édition.
12 Dak’art actu N°7 - Jeudi 15 mai 2014
Nos Partenaires
actu
UN JOYAU QUI RETROUVE SON LUSTRE D'ANTAN
MANUFACTURES SÉNÉGALAISES DES ARTS DÉCORATIFS DE THIÈS
Les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès respirent, à présent, la forme. Sous perfusion depuis, presque, une trentaine d’années, l’entreprise culturelle est, de nos jours, bien en convalescence. Aujourd’hui, plus que jamais, l’espoir renaît avec la détermination de la nouvelle direction à faire symbole de l’établissement : “l’expertise et la qualité pour un décor de rêve”. Avec, bien sûr, un personnel dynamique qui a assimilé une “nouvelle culture d’entreprise”. Reportage sur un temple artistique vieux de plus d’une quarantaine d’années.
Vendredi 9 mai 2014. Un ciel clément berce les mystères des manufactures sénégalaises des arts décoratifs de Thiès (MSAD). A l’entrée, le jardinier de la maison, la mine joyeuse, remeuble coins et recoins. Nous sommes bien dans un espace artistique qui respire l’aisance. Dans ce site, l’ordre est de rigueur. Y compris la disposition des bâtiments à l’architecture coloniale. Lesquels restent alignés de façon symétrique. Une manière d’obéir à une certaine harmonie. “Chez l’artiste, le souci du détail est très important”, confie un cartonnier. Ici, l’ordre est un principe qui va au-delà de l’apparence physique des individus ou des bâtiments. Il est bien assimilé par le personnel des MSAD. “Nous ne laissons rien au hasard. Même l’environnement est surveillé jusqu’au plus petit détail”, a soutenu le directeur de l’établissement, Sidy Seck.
Pourtant, il y a deux ans, cet endroit ne ressemblait à rien du tout. “La fleur de Léopold Sédar Senghor est à la poubelle” disait même l’illustre fils de Thiès, poète-écrivain, feu Mbaye Gana Kébé, ex Pca des MSAD, pour parler de l'état de délaissement de l'endroit. Et c’était lors d’une visite, sur les lieux, de l’ancien ministre de la Culture, Youssou Ndour, en 2012, qu'il avait tenu de tels propos. Il tenait à montrer aux autorités comment l’entreprise culturelle créée depuis 1966 était en train de tomber en ruine. En effet, depuis les années 1970 jusqu’en 2010, les Manufactures sénégalaises des arts décoratifs étaient sous perfusion. L’établissement était confronté à un déficit de moyens financiers et matériels. Également, à un personnel vieillissant. Aujourd’hui, tout cela semble être conjugué au passé. “Les manufactures des arts, jusqu'à la venue du nouveau Directeur, Sidy Seck, n’avait qu’un seul produit : la tapisserie murale. Laquelle, comme support, ne pouvait prendre en charge tous les besoins de l’entreprise. Ce qui faisait que les charges des manufactures restaient éminemment exorbitantes par rapport à la subvention de l’État. C’était insuffisant à telle enseigne que même à 3 mois de la fin des exercices, les manufactures étaient en rupture de fonds. “Nous étions souvent dans l’impossibilité de payer les salaires régulièrement durant les 12 mois de l’année. L’outil était tellement dégradé que personne ne voulait le reprendre. Il n’y avait presque plus d’espoir”, lâche Seydina Issa Laye Ndoye, secrétaire général du Syndicat des travailleurs des MSAD. Aujourd’hui, en plus de la tapisserie, les MSAD tissent de nouveaux supports comme le “tapis de sol, le tapis de prière et le tissage de logotypes”. “La visibilité de l’établissement et de ses produits reste parmi les principaux actes que la nouvelle direction a posés. “Nous avions un problème de visibilité et de commercialisation. Le conseil d’administration nous avait souvent reproché une absence de dynamisme commerciale”, rappelle-t-il. Après 4 années de gestion, l’espoir renaît avec le nouveau directeur. “En toute chose, il faut prendre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut”, chantonnent en chœur les travailleurs des MSAD.
Des nouvelles infrastructures
Toujours dans l'optique de faire revivre ce joyau sénégalais, la direction a entrepris de diversifier ses activités. Malgré les projets inachevés nés des fameux chantiers de Thiès, parmi lesquels le “village des arts”, on compte aux MSAD bien d’autres chantiers terminés. “Nous avons bâti une salle polyvalente qui va abriter, en plus du restaurant, des rencontres, entre plusieurs autres manifestations. Aussi, nous avons réhabilité la salle d’exposition qui était dans un état de délabrement avancé”, confie le directeur de l’établissement. Et Sidy Seck de poursuivre : “en dehors de cela, l’entreprise culturelle fait maintenant dans le tapis de sol et de prière, il y a de cela un an. Ces nouveaux produits lancés marchent à merveille, car la demande excède de loin l’offre. En plus, la nouvelle administration a aménagé un espace pour une machine d’impression numérique. Il s’agit d’une machine qui va permettre de tirer à grande échelle les produits. Il arrive qu’on reçoive des clients qui aimeraient bien acheter nos produits, mais qui n’ont pas la possibilité de payer la tapisserie car cela coûte cher (entre 500 000 et un million de francs CFA le m2). Maintenant, avec cette machine, ils peuvent avoir l’œuvre sur bâche. C’est le support qui change et la technique. Et nous pouvons avoir des centaines et des centaines de coupe de la tapisserie que nous mettons à la disposition des Sénégalais qui aimeraient bien avoir du beau chez eux et qui n’ont pas les moyens, ou bien les touristes qui passent”. Cela va permettre aux manufactures d’entrer dans une autre phase, celle de l’industrialisation. L’entreprise étant un établissement public à caractère industriel et commercial. “Nous ne sommes pas à un niveau industriel, mais lorsque nous disposerons de cette machine pour pouvoir tirer à grande échelle, nous commencerons à mettre un pied dans le champ industriel”, promet Sidy Seck.
Un tour dans l'atelier de cartonnage permet de savoir en effet que l'industrialisation serait un pas de plus dans le travail de ces artistes. Trouvé à l'intérieur dudit atelier, Abdou Diouf, un des trois artistes qui partagent cet espace, une maquette entre les mains, déclare tout de go : “tout part d’ici”. Une manière de dire que cet espace est la pièce maîtresse des MSAD. C'est ici que l'on agrandit les toiles avant qu'elles ne soient tissées. Haut comme trois pommes, Abdou Diouf tient un papier calque entre ses mains. Ce dernier sert, à l'en croire à “développer l’œuvre dans un carton selon les besoins du client. Nous dessinons avec des traits. C’est de la peine, de la recherche, de la couleur, des chiffres, des numéros. Nous travaillons avec des millions de chiffres sur un carton. Le tout, dans un code appelé chapelet de couleurs qui détermine le nombre de couleurs de telle ou telle autre œuvre”. “L’art, c’est de la science exacte. C’est pourquoi il faudra être précis. C’est un travail fastidieux car une seule erreur peut se répercuter sur le travail de l’atelier”, poursuit notre artiste. Cette étape franchie, l’œuvre est enrôlée pour être tissée dans l’atelier dénommé “basse lice”.
Ici, les conceptions sont en “sous métier”. “Nous confectionnons le trame avec du fil de laine selon la longueur et la largeur du carton fabriqué dans l’atelier de cartonnage. Une fois la trame achevée, nous épinglons le carton sous celle-ci pour qu’il reste immobile et commençons à tisser”, informe El Hadji Alassane Diop. Ce licier assis sur une chaise tient la maquette de l’œuvre de Joseph Essamone Coly. “Le carton mesure 1m 20. C’est fait en 1 mois 15 jours, parfois même 2 mois. Il arrive qu’une œuvre soit tissée durant 6 mois. Cela dépend de la dimension”, dit-il. Le symbole de l’entreprise : “L’expertise et la qualité pour un décor de rêve”, est bien incarné par les agents des MSAD, lesquels ont assimilé, selon le délégué du personnel, une “nouvelle culture d’entreprise”. “Il y avait une absence totale de culture d’entreprise et les gens n’étaient pas conscients de ce qui les attendait”, informe Seydina Issa Laye Ndoye.
Alexis Peskine a-t-il lu, enfant, le conte grec «Les cheveux de céleri», pour faire des épingles un bon usage ? Puisque dans l’imaginaire collectif, et les contes en attestent, les épingles ne servent qu’à nuire, à faire du mal. Les enfoncer dans le corps d’une rivale est la meilleure façon de la transformer en oiseau. Voici que l’ar- tiste plasticien et photographe franco- brésilien s’en sert comme pinceaux pour fixer des visages si expressifs qu’on aurait cru sortir d’un peintre. Ses personnages sont des silhouettes dont les traits, muscles et courbes sont sculptés et illuminés par des clous. Il y a du gra- phisme et quelque chose qui relève d’un jeu d’enfant à la frontière du des- ign. Pour le plasticien, «le clou repré- sente la transcendance. Il peut exprimer aussi bien la douleur que la force ou la résistance.»
Il sort du nègre de l’obscurité pour le ramener à la lumière avec des éclats d’or. Ses tableaux sont en trompe l’œil. Baba Diop
Lumière Ocrée
ak‘ rt
Visage ensoleillé
Mercredi 14 mai 2014 - N°6
LE QUOTIDIEN DE LA BIENNALE DES ARTS DE DAKAR
actu
ACTUALITÉ
SERGE OLIVIER FOKOUA
L'emprise pouvoiriste
comme tare
L'artiste camerounais met en scène l’égoïsme de ceux qui contrôlent les pouvoirs.
Pour l'histoire, cette œuvre a été conçue en 2009 à Yaoundé. Le Français Hubert Maheu, alors di- recteur de l'Institut français du Cameroun, demande à Serge Olivier Fokoua de lui faire tenir un projet d'installation. L'artiste, sans se faire prier, enfonce le clou. Il sortit ainsi de son écurie cette ins-
tallation lumineuse qui traduit la force des yeux, la convoitise, mais surtout l'emprise de
tous pouvoirs par ceux qui les tiennent.
Emprise est une critique adressée à tous les dirigeants politiques se laissant entourer de
courtisans qui les encerclent et les éloignent du peuple, en vue de garantir à jamais leurs intérêts égoïstes. C'est assez courant de voir en Afrique des dirigeants qui sont sous le contrôle des collaborateurs qui exercent une influence négative sur le chef. Ces ambitions pouvoiristes les opposent en permanence. Ainsi, le chef, conscient de sa situation d'insécurité, travaille plus pour son maintien que pour la mission qui lui est assignée.
Sur le plan technique, l'artiste a utilisé un ensemble de colonnes en forme de per- sonnes humaines, sans membres, signe de leur coupure systématique avec le peuple. Tous n'ont d'yeux que pour se contrôler mutuellement dans leur quête morbide du pouvoir.
Serge Olivier Fokoua utilise l'art contemporain pour dire la société humaine dans laquelle il vit, et ainsi sensibiliser les tenants du pouvoir ou des pouvoirs sur les égocentrismes qui les entourent. Une œuvre utile, en tout cas, pour éveiller la conscience collective.
Jean-François CHANNON DENWO (Cameroun)
DIANNE REGISFORD
Salut, Mami Wata !
POINT DE VUE
ABDOULAYE KONATE
Recoudre
les déchirures du monde
L’artiste malien, lauréat du Grand Prix Léopold Sédar Senghor en 1996, est pré- sent à la 11e édition de la Biennale avec une expo à la galerie Le Manège.
Connu pour ses fameuses sculptures ocres composées de centaines d’amulettes évo- quant la tenue des Dozo ou des musiciens Sénoufo, Abdoulaye Konaté approfondit, dans cette exposition, cette démarche tout en la renouvelant. On y sent l’épurement des formes et une recherche sur les couleurs. Il assemble des milliers de bandelettes de tissus sur un support et varie les couleurs pour obtenir un effet d’optique. On a des œuvres qui paraissent monochromes comme ses Compositions et ses Bleus qui se déclinent en série, mais qui sont des dégradés avec d’infimes nuances où domine une couleur. Mais l’intrusion d’un rouge ou d’un blanc lui donne un caractère énigmatique.
En plus de ces œuvres-là, l’artiste, fidèle à son engagement social, expose aussi des créations qui sont des appliqués sur tissus qui évoquent les bruits et les fureurs du monde. Des cimeterres, des minarets et des croissants lunaires sont ainsi cousus sur des tissus.
On l’aura compris, l’artiste poursuit, avec ces œuvres, son travail d’artiste engagé dont l’œuvre questionne le monde tant sur le plan politique que spirituel. Ici, la dénonciation de l’islamisme avec Non à la Charia à Tombouctou. Génération biométrique évoque l’immigration choisie, qui est un pillage des cerveaux, tandis que Gris-gris pour Israël et la Palestine, qui juxta- pose le keffieh et l’étoile de David, est un appel à la paix des braves au Moyen-Orient.
Avec cette exposition, Abdoulaye Konaté confirme qu’il est un artiste africain ouvert sur le monde, qui crée une œuvre contemporaine tout en exploitant son fonds culturel.
Aïdou Alcény BARRY
(Burkina Faso)
Les œuvres de Dianne Regisford, présentées au musée Théodore Monod de Dakar, propose un travail sur la question de l’identité diasporique et de la citoyenneté écologique. Ses deux tableaux à huile, accompagnés d’installations audio et de poèmes traitent également du respect des us et coutumes. Dans l’une des pièces, elle rend hommage à Mami Wata, une légende des mères, pour avoir, dit-elle, «protégé ses ancêtres dans leur traversée». Carr Regisford se définit comme une fille de l’esclavage venue de la côte ouest de l’Afrique pour se retrouver aux Antilles. «Et, il y a plusieurs façons de raconter cette histoire. Certains utilisent la musique, la poésie en vue d’analyser leur appartenance», dit-elle.
Chez Dianne Regisford, l’appartenance ouvre ainsi des chemins de mémoire afin d’illuminer et de mimer plusieurs aspects de l’héritage culturel de l’artiste.
Patrick NZAZI (RD-Congo)
2 Dak’art actu N°6 - Mercredi 14 mai 2014
ACTUALITÉ
ECLAIRAGE
Interviews croisées
Dominique Zinkpè et Tchif parlent de l’expo «Koton’oo»
Organisée dans le cadre du Dak’art Off, le vernis- sage de l’exposition collective «Koton’oo» réunissant Dominique Zinkpè et Tchif, deux plasticiens béni- nois, a eu lieu ce lundi 12 mai à la galerie Arte. Dans cette interview croisée, les deux artistes nous parlent de l’expo
Pourquoi «Ko- ton’oo» ?
Zinkpè : «Koton’oo» parce que nous sommes tous deux des artistes vivant à Cotonou. On a souhaité travailler sur les thèmes se rapportant à cette ville, en tenant compte de ses diver- sités.
Pour nous, Cotonou a une âme, une vivacité que nous essayons de traduire à tra- vers nos œuvres. C’est aussi pour dire que les artistes béninois qui émergent en ce moment, comme nous deux, s’inspirent des faits sociaux, des énergies du Bénin.
Pourquoi avoir choisi de travailler ensemble ?
Tchif : Cela fait longtemps que nous travaillons en- semble, Zinkpè et moi. D’ailleurs, ce n’est pas notre première exposition collective. Nous sommes des artistes de la même gé- nération. J’aime bien l’ap- proche artistique de Zinkpè et je me sens en harmonie avec elle.
Zinkpè : C’est une idée de la commissaire de l’exposi- tion, la galeriste Joëlle le Bussy. De plus, Tchif est un plasticien béninois que j’aime beaucoup. Il a ses particularités. Nous sommes proches en affini- tés et dans les pensées. Alors, ce n’est pas étonnant que nous travaillions en- semble et la collaboration s’est bien déroulée.
Présentez-nous une de vos œuvres...
Zinkpè : Voici Atondjito ou Harmonie. J’ai choisi de montrer l’harmonie qui existe entre des jumeaux ou des triplés, ou encore au sein du foyer d’un homme qui a deux épouses. Des choses rares, mais qui exis- tent.
Tchif : Je vous présente L’embûche. A travers cette œuvre, je parle de la vie. Vous remarquerez des pois- sons qui représentent l’eau ou des cercles qui représen- tent une continuité de vie. Vous avez le ciel et la terre, le margouillat qui repré- sente l’homme et enfin la croix qui représente la souf- france. Je veux simplement montrer que la vie est faite de plusieurs choses, de joie et de souffrances.
Eustache AGBOTON
(Bénin)
Dak’art actu N°6 -
Mercredi 14 mai 2014 3
Profession : Commissaire
Ce métier est incontournable pour la pro- motion et la conceptualisation d’une œuvre dans le domaine des arts plastiques.
Elise Atangana va probablement se retourner à l’écoute d’un «Bonjour commissaire !». Mais n’allez pas croire que la jeune dame tra- vaille dans un commissariat de Dakar. Elle est commissaire d’exposition plutôt. «Moi, c’est l’art que je menotte», pourrait-elle dire. Et pour cette 11e édition de la Biennale de Dakar (9 mai-8juin), il y a trois commis- saires... sans béret. Mais alors, à quoi se ré- sume leur travail ?
«Il travaille sur un thème, une réflexion et sé- lectionne les artistes qui entrent dans cette vision», soulignait Elise Atangana, lors de la table-ronde sur le commissariat d’exposition. En français facile, le commissaire d’exposition valorise le travail d’un ou de plusieurs artistes sur un espace donné, et donne des clés pour mieux cerner l’œuvre ou les œuvres qui seront exposées au public.
Ainsi, vendredi dernier, les invités de la Biennale ont pu apprécier le travail proposé par près de vingt artistes plasticiens. L’éclairage et la disposition facilitent la lecture des sculptures, des toiles et des installations qu’abrite le musée Théodore Monod. Et pour devenir commissaire alors, nul besoin de passer par une école de police.
«Il faut vivre, faire des études de l’art et aimer les arts», tranche l’Algérien Abdelka- der Damani. Un peu péremptoire, non ? A en croire ce diplômé en architecture, devenir commissaire d’exposition n’est pas si compli- qué. Peut-être bien. Il faudra pourtant faire ses classes à l’Ecole nationale des arts de Dakar, entre autres établissements, pour acquérir des rudiments. Il faudra aussi rouler sa bosse dans le milieu de l’art, faire ses preuves au fil des expositions d’arts plastiques pour en prendre de la graine.
C’est d’ailleurs le cas des trois commissaires quadragénaires de Dak’art 2014. Maintenant, la question est : entre l’artiste et le commissaire, qui oriente le travail de l’autre ? Mirjam Westen, commissaire et critique américaine, martèle qu’elle n’impose rien à l’artiste. Toutefois, elle dit avoir un faible pour les artistes qui soulèvent certaines ques- tions qui doivent l’être.
Autrement dit, au-delà de la technique et de l’esthétique, Mirjam Westen admire le travail des artistes engagés. La conclusion sera simple dans la bouche d’Alioune Badiane, enseignant et critique d’art : «Le commissaire d’exposition nous offre une sélection d’œuvres d’artistes et nous permet de réflé- chir dessus suivant des éléments de références». Voilà qui est dit.
Monique Ngo Mayag (Cameroun)
NEWS & CRITICS
THE NEED TO COMBINE ART AND HERITAGE
Museums as sites of “knowledge production”
By Kyla Herrmannsen
The field of art and the field of heritage are usually sepa- rate from each other, according to Professor Ciraj Ras- sool, a historian based at the University of the Western Cape (UWC) in South Africa where has taught for the past 25 years. Currently, he is UWC’s Director of the African Programme in Museum and Heritage Studies as well as being a trustee of the District Six Museum.
But, he has argued that art and heritage can and should co-exist in the establishment of museums. “I want to place them together...and look at how artists have sought to work with traumatic experiences of real peo- ple,” said Rassool of the need to link art and heritage in the field of memory production and museum culture.
He advocates for a new understanding and labeling of Museums not simply as buildings that house historical artifacts and stories but rather museums as sites and ins- titutes of “knowledge production” making full use of arts installations as a vehicle for this.
The District Six Museum, of which Rassool is a trustee, is an example of a ‘knowledge producing’ museum. It was established to serve as an arts and heritage tool loo- king at the forced removal of coloured people from Dis- trict Six during apartheid under the repressive Group Areas Act that stipulated areas where people of colour were and were not allowed to live in South Africa. “The museum emerged out of generations of activism,” explai- ned Rassool, much of which is now visually depicted through are installations at the Museum.
Rassool said that the works exhibited at this year’s Dakar Biennale by South African artist, Nomusa Makhubu, are a good example of his desire for combining art and heri- tage. “I think it seeks to work with a certain history of race and representation and to work with archives, col- lections, heritage and to think of her own biography in relation to those legacies as she makes herself as a person and as an artist, as a thinker,” said Rassool of Makhubu’s works.
Makhubu’s exhibition, ‘Self-Portrait’, consists of five photographs in which she has super-imposed herself into colonial-type photographs in an attempt to depict South Africa’s colonial history through both her own body and the black subjects from the past. Because of this mode of engagement, Rassool concluded, “I think in her work you have a successful or a potential engagement between art and heritage.”
SOLY CISSE
Moving the Beasts
moved from Canvas to Metals
It was an emotional request. It was a nonetheless, a request that she couldn’t decline. When Soly Cisse approached Salimata Diop to curate his latest work that had remained a top secret for the last 6-years, Salimata was overwhelmed by emotions.
That she has previously interacted and loved his work, was never in doubt but she had never in her young curatorial career imagined that she would be asked to perform such a task. It was like a surreal dream but one that she was looking forward to seeing it come true and living because she hono- rably accepted Soly’s request.
“Will I really pull it off or will I make a real mess of myself and hence dent my curatorial pursuits?” Salimata kept on asking herself after she accepted to cu- rate Soly show. Any young and ambi- tious curator would experience this because Soly Cisse is a legend.
Born in 1969 in Dakar, Cisse has show- cased and received accolades from around the world as a painter, draughts- man and sculptor. He has cut an envia- ble place in the Senegalese and African art-scene and has dedicated himself to the “adventure of a new generation of artists who represent Africa.”
The stature and perhaps that the sculp- tures that Salimata was being asked to curate had been a closely guarded top secret and even some of Soly’s closest friends didn’t know about, added to the anxiety. She was being invited to be part
of a secret and asked to be conduit to take it to the rest of the world.
“I felt small when he asked me but when I walked into the studio where he had been working and saw all these huge sculptures all staring at me, I felt even smaller,” Salimata said during an interview when the show dubbed Uni- verse opened.
She added: “We have known Soly as a painter and when I walked into the stu- dio, there was every mark of him. You could the paintings but the difference was that the monsters in his paintings were now standing in front of me. They had stepped from his canvas in real huge sculptures.”
It was a first attempt and Salimata feels that Soly did quite well with himself. She notes: “It was a risky decision but he has managed to do well. One get the feeling that it is not him but is still him and that just illustrates that one cannot keep him from growing.”
And that is perhaps what really defines Soly when he says that he sees himself as artist “dedicated to the adventure of a new generation of artists who represent Africa.” Artists who are not afraid to take risks and dream.
“My take is that walls cannot contain him,” Salimata said as we all marveled at the giant metal sculptures exhibited at Hotel Villa de Dakar’s parking area. “Soly doesn’t create with a worry on who will buy or where the money will come. He dreams and works to realize these dreams.”
Kimani wa Wanjiru
4 Dak’art actu N°6 - Mercredi 14 mai 2014
NEWS & HOMMAGE
La Galerie nationale présente la création singulière du sculp- teur au talent re- connu à travers le monde, le Sénégalais Moustapha Dimé, dé- cédé en 1998. C’est dans le cadre de l’hommage que lui rend la Biennale Dak’art pour mar- quer le retour de ses œuvres.
Le travail présenté dévoile un sculpteur avec une dé- marche artistique surpre- nante, ancrée dans la tradition africaine. Celui que le critique d’art ivoi- rien Yacouba Konaté qua- lifie de «révolutionnaire de la sculpture» a su se départir de l’académisme occidental, pour se rap- procher de la sculpture traditionnelle africaine.
Dimé, décédé le 30 juin 1998 à l’âge de 46 ans, «a su réinventer la sculpture à un niveau frais. Il avait un engagement et aussi une écriture très poé- tique» dans la conception de ses pièces. Ce renou- vellement est visible tant dans la construction ou l’assemblage que dans le choix des objets utilisés : bois d’ébène, brûlé, métal, toile de jute,
cordes et fil de fer. Car Dimé – qui disait qu’il est façonneur d’objets, et non un créateur, selon son frère aîné Amadou Dimé - sculpte de ma- nière minutieuse ses ob- jets. Ses personnages sans tête, ni bras, sont suspen- dus à un clou ou certains, des squelettes, sont bour- rés de fil de fer et de tis- sus.
Dans un documentaire
captant son travail, l’ar- tiste n’a pas eu tort de dire à la cinéaste Laurence Attali que «les trois-quarts de son travail ont pour thème la femme». Même si, fait-il savoir, que les choses viennent sans ar- rière-pensée lors de la conception. Les pièces Femme nue ou Femme ou encore Les amou- reux... taillent la femme dans ses rôles premiers de fécondité et d’être nourri- cier. Et le corps de l’œu- vre intitulée Femme nue montre deux calebasses traditionnelles position- nées pour les seins et une troisième représentant le vendre.
Et que dire de la figure L’âme du peuple où des pilons reliés par des cordes convergent vers un mortier renversé... La croyance ancestrale com- munie avec les religions révélées dont la sculpture La Croix fait partie. Ses personnages faisant réfé- rence à diverses ethnies africaines sont enrichis au gré de ses multiples voyages en Afrique. Moustapha Dimé, sou- tient Yacouba Konaté, est un «enjeu pour l’art contemporain en Afrique».
Fatou Kiné SENE (Sénégal)
EXPO-HOMMAGE
A MOUSTAPHA DIME A LA GALERIE NATIONALE
RETOUR AU PAYS DU «RÉVOLUTIONNAIRE DE LA SCULPTURE»
Mbaye Diop, l’indispensable devoir de mémoire !
Décédé en 2013, Mbaye Diop a indéniablement marqué la scène artistique. Le Dak’Art 2014 se souvient de lui, à tra- vers une Exposition Hommage à la Place du Souvenir. Scénographiée avec brio par Mame Bintou D. Diédhou, l’expo montre une palette d’œuvres traduisant la diversité des créations de Mbaye Diop. D’ailleurs, de son vivant l’ar- tiste singularisait par son éclec- tisme. L’homme était un vrai touche-à-tout, qui refusait le conformisme pour explorer
d’autres formes d’expression picturale, en plus de la peinture classique. Mbaye Diop était peintre, mais pratiquait le col- lage et la sculpture. L’expo- hommage dévoile une facette moins connue du public. Elle explore le jardin de secret de l’artiste, avec une sculpture iné- dite qui résume, par sa virtuo- sité, sa force créatrice. L’exposition présente beaucoup de tableaux « Sans titre ». Mbaye Diop titrait rarement ses œuvres.. L’important chez lui, c’était ce qu’expriment ses
travaux. Dans ses toiles, on re- trouve un peu de tout : des fu- sions des confusions, ses coups de cœur, ses coups de gueule ! Sur quelques tableaux, Mbaye Diop livre de curieux enseigne- ments. « La vie a de longues jambes », peut-on lire sur l’un d’eux. « Il aimait parler par pa- rabole, et adorait les proverbes», explique Mame Bintou D. Dié- dhou, également commissaire de l’expo.
Entre les tableaux, recueillis pour la plupart chez des collec- tionneurs privés, trône l’emblé-
matique mobylette de Mbaye Diop, qui est, elle-même, un objet d’art. On regrettera, tou- tefois, l’absence de son œuvre monumentale : « Les 7 génies ». Sept tableaux géants (3,20 m sur 1,50 m) le révélèrent sur la scène internationale à l’exposi- tion «Arts sénégalais d’au- jourd’hui », en 1974 à, Paris. Yacouba Sangaré (Côte d’Ivoire)
EXPOSITION HOMMAGE À LA PLACE DU SOUVENIR
Dak’art actu N°6 - Mercredi 14 mai 2014 5
REFLEXION
Oeil Du CRITIQUE
CES ARTISTES QUI ONT TOURNÉ LE DOS AU MARCHÉ DE L’ART POUR PENSER L’AFRIQUE
L’Afrique ne parle plus, elle fait. Aujourd’hui, tout se passe comme
si le contenu de l’œuvre était moins important que le sens. L’ar- tiste ne demande plus à son
œuvre d’être belle pour bien la vendre, mais de signifier.
Un simple aperçu des œuvres proposées à l’oc- casion de ce 11e Dak’art, révèle l’étonnante diversité des préoccupations liées à la réalité la plus tangible, qu’elle soit sociale, politique, re- ligieuse ou idéologique. Oui ! Ils ont compris que l’art actuel n’est plus assujetti, à l’évidence, au régime du beau platonicien, ni à celui des beaux-arts. Qu’il soit en mesure d’irriter, de surprendre, de provoquer, de choquer, d’en- nuyer où même de ne coûter absolument rien, prouve bien qu’il relève toujours du régime de l’esthétique.
Ce qui compte, en définitive, c’est moins le prix (contenu) que le sens. C’est la significa- tion de l’œuvre contemporaine qui compte. Les faits sont là et on n’a pas besoin d’une loupe pour s’en convaincre. L’artiste camerou- naise Justine Gaga nous propose une installa- tion : Indignation. A travers son œuvre, elle pointe du doigt ce monde raciste, violent,
sexiste... qui est sur le point d’exploser. Elle personnifie les problèmes du monde en géné- ral et de l’Afrique en particulier par des bon- bonnes de gaz anthropomorphes, tend à démontrer la responsabilité de chacun, puisqu’on a «les dirigeants que l’on mérite». Sur ces bonbonnes qui se superposent, sont inscrits ces détestables mots qui chantent plus qu’ils ne parlent pour parler comme Paul Va- léry, à savoir : élection, libéralisme, démocra- tie, marche...
Serge Olivier Fokoua propose une installation. Son œuvre, Emprise, interroge les motivations des représentants de la démocratie. «Com- ment faire confiance à ceux qui ne réfléchis- sent plus que par leur ventre ?». Un tour dans cette installation permet de voir des casseroles supportées par des supports enveloppés avec des sacs de riz vides. Sur chacune des casse- roles, est installée une lampe allumée.
Dans la même veine, l’artiste Béninois Daniel Bamigbade, lors du symposium organisé par la Biennale de Dakar sur la sculpture afri- caine, nous propose une œuvre taillée de l’acier en sculpture ronde bosse. Ce jeune ar- tiste que le masque a choisi titre son œuvre : Le grand masque (sagesse africaine). Celle-ci
symbolise l’unité, mais aussi le métissage que ce mélange hétérogène de matériau qui la compose ne laisse aucun doute. Chacune des pièces de cette sculpture est un symbole, pour ne pas dire un message. Par exemple, la clé que l’on aperçoit dans la bouche du masque renvoie à une parole thérapeutique, une pa- role qui solutionne. Le cadenas portant une clé et placé sur le front du masque, montre selon l’artiste, que l’homme est le même dans toutes les sociétés, nous venons au monde avec les mêmes prédispositions. Autrement dit, tous les peuples ont eu le même point de départ et à partir de ce moment, chaque peu- ple sera ce qu’il a choisi d’être.
L’Afrique a eu un passé très difficile certes, mais il estime que le plus important, ce n’est pas ce qu’on a fait de l’Afrique, mais ce qu’elle fera de ce qu’on a fait d’elle, à l’image de toutes ces pièces laissées à l’abandon qu’il a récupérées pour en faire une œuvre qui a sé- duit plus d’un.
La liste de ces artistes qui ont choisi le sens à la place des sous pour sauver l’Afrique est loin d’être exhaustive.
Souleymane SARR
Critique d’art (AICA-Sénégal)
Les décompositions de Nidhal Chamekh.
Déstructurer le regard. C’est ainsi que l’on peut envisager l’œuvre de Ni- dhal Chamekh. Sa recherche plas-
tique se déploie autour des formes fragmentées inspirées de la réalité.
La série De quoi rêvent les martyrs ? (2011- 2013) sélectionnée pour cette biennale place clairement l’élément figuratif au centre du processus de création. Débutée avant la révo- lution tunisienne, celle-ci marque un vérita- ble tournant dans le parcours créatif de l’artiste. En effet, la tendance à faire des révo- lutions arabes un marqueur important de l’implication citoyenne des artistes de ce pays plus encore dans l’approche esthétique sem- ble entièrement assumée par l’artiste. Nidhal reconnaît que ses dessins sont une critique contre l’Ordre établi. Pour cette série, il a uti- lisé différentes techniques tel que le crayon ou le transfert d’images.
Croquis technique d’une arme de guerre,
étude anatomique avec parfois la présence d’êtres zooanthropiques, incrustations de portraits photos sont autant d’informations disparates que l’œil du spectateur se doit de reconstruire. En définitive, la pratique de Ni- dhal Chamekh n’est pas si éloignée des ar- tistes cubistes ou surréalistes qui ont fait les beaux jours de l’art moderne au début du XXe siècle. Tout comme les artistes de cette période préféraient laisser croire au seul ha- sard d'un rassemblement des formes, ce plas- ticien organise ces trames avec le plus grand soin, créant un monde fantastique où s’unis- sent des lignes géométriques, des éléments réalistes et des images oniriques.
Du croquis d'ensemble aux études de détails, ces esquisses jouent avec les convenances et l’utopie, l’humour et la créativité, osant la déri- sion dans le but de dédramatiser.
Yves CHATAP
6 Dak’art actu N°6 - Mercredi 14 mai 2014
OFF
EXPO YARTECRE FASO
Le Burkina est au Dak’art
L’association Yartécré Faso, avec l’appui de Wallonie- Bruxelles International, a ex-
posé huit artistes sous la houlette du sculpteur Ky Siriki, à la galerie Gemaps. Des peintures, des sculp- tures et des photographies qui, bai- gnant dans une scénographie épurée, ont montré le génie des ar- tistes plasticiens du «Pays des hommes intègres».
La Galerie Gemaps est logée dans un hôtel. Un petit hôtel à deux ni- veaux. Un petit escalier étroit et vi- cieux relie les différents étages. On monte comme on gravit un che- min de montagne. On aurait pu penser ce lieu inapproprié pour une expo. Erreur ! Grâce à une scé- nographie minimaliste de Ky Si- riki, qui épouse la topographie réduite des lieux, cet hôtel s’est mué en un écrin pour les œuvres. Du rez-de-chaussée aux couloirs et au deuxième étage, les œuvres trô- nent sur des socles ou sont accro- chées aux murs avec une scénographie réduite à l’essentiel. Un éclairage intimiste, presque na- turel, baigne ces œuvres et leur donne un doux éclat.
Dans ce cadre réduit, le visiteur est proche des œuvres. Ici, c’est la Bi-
bliothèque du peintre Sambo Boly qui vous attire. C’est un grand ta- bleau fait de collages de tissus dont la forme rectangulaire fait penser à des dos de livres serrés sur un rayon. Des sortes de hiéroglyphes et quelques noms d’auteurs figu- rent au dos des livres. Cette œuvre dit la nécessité de préserver les bi- bliothèques pour la transmission de l’histoire et des sciences. Au vu du pillage des manuscrits de Tom- bouctou, cette œuvre prend tout son sens.
On peut aussi étancher sa soif de savoir, d’amour ou simplement de beauté devant l’œuvre du même titre de Christophe Sawadogo. Le visiteur tombera certainement sous le charme de La convoitée d’Abra- ham Abga, belle demoiselle au cou gracile d’antilope dont les yeux aux cils soyeux vous couvent de son re- gard énamouré... Il lui dira le vers de Baudelaire : «Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis.»
Il y a aussi les petites sculptures de Ki Siriki, les tableaux naïfs de Seg- son et toutes les œuvres qui ont montré que le Burkina Faso n’a pas à rougir de ses artistes.
Saidou Alceny BARRY
et Bationo WILLIAM (Burkina Faso)
SHU YANG, Directeur du XIAN MUSUEUM
«NOUS VOULONS METTRE ENSEMBLE L’ART AFRICAIN ET L’ART ASIATIQUE»
Deux artistes chinois sont présents au musée Théo- dore Monod de Dakar, dans le cadre de l’exposition «Diversité culturelle». Et c’est Shu Yang, le direc- teur du Xian Museum de Beijing, qui conduit la dé- légation chinoise à Dak’Art 2014.
Qu’est qui explique cette toute première à la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar ?
Nous sommes, en effet, venus à Dak’art pour la première fois. Nous savons que la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar est un grand évènement, le plus important, en tout cas, pour ce qui est de l’art contempo- rain africain. C’est pour nous une occasion assez unique pour venir communiquer avec les artistes africains contemporains et établir des liens avec eux. Voilà pour- quoi nous sommes là.
Avant de venir à Dakar, j’avais une petite idée de l’art africain en général. Il faut savoir que l’Afrique et l’Asie ont très peu de relations dans le domaine de l’art. Il fal- lait donc être là pour développer les échanges dans ce do- maine. Notre but est de mettre ensemble les deux cultures, celle d’Afrique et celle d’Asie.
Qu’est-ce qui caractérise les deux artistes chinois qui ex- posent actuellement à Dak’art 2014 ?
Les deux artistes travaillent sur le thème de La route des Indes. Il s’agit d’un thème que l’on trouve aussi chez les artistes africains. Il s’agit d’un duo d’enseignants en art plastique qui travaillent sur divers thèmes artistiques. Ce qui est important est de savoir que leur présence à Dak’art obéit à un souci de découverte, en vue d’établir des contacts et de pouvoir travailler ensemble. Nous vou- lons ainsi transformer notre art traditionnel en art contemporain. Notre objectif est de faire une fusion. Il faut savoir que c’est l’art moderne qui nous influence. L’art contemporain doit maintenant exister en dehors des influences d’autres cultures.
Jean François CHANNON DENWO
(Cameroun
Dak’art actu N°6 - Mercredi 14 mai 2014 7
INFOS PRATIQUES
AGENDA DES VERNISSAGES Dak'art 2014 (OFF DU 15 MAI)
N 'oubliez pas de consulter votre guide et programme IN et OFF
Contact
Biennale de l’art africain contemporain Email : info@biennaledakar.org Site web : www.biennaledakar.org Tél : +221 33 823 09 18
Fax : +221 33 821 16 32 Secrétariat Général de la Biennale des Arts de Dakar
19, Avenue Hassan II
BP 3865 Dakar RP
Dakar - Sénégal
Le vernissage à St-Louis de l’exposition des œuvres de feu Iba Ndiaye (1928-2008), à travers 60 de ses tableaux hier mercredi, au Centre de recherche et de documentation du Sénégal, (Crds), a été l'occasion de rendre hommage à ce natif de la capitale du Nord.
Un tel choix est un moyen, selon le commissaire de l’exposition, Laetitia Pesanti, d'honorer un artiste qui avait émis le souhait de voir ses œuvres rapatrier dans son pays natal, souhait exaucé par ses héritiers qui ont offert 145 de ses œuvres à l'Etat. Les différentes thématiques abordées dans ses peintures, selon Laetitia Pesanti, se sont inspirées « de son expérience personnelle, avec toujours un arrière fond qui reflète son engagement d’artiste et sa posture d’aventurier en perpétuel transit entre les continents ».
L’exposition des œuvres d’Iba Ndiaye laisse apercevoir des thèmes classiques comme le portrait, la nature et la mort. D’autres séries sont également visibles dans ses travaux. Il s’agit du Jazz, des paysages et Tabaski. Si les séries des paysages fixent le souvenir de lieux connus et la mélancolie de saisons, celle de Tabaski laisse entrevoir la nostalgie de l’enfance. La série sur le jazz elle, visite ce que le métissage a produit de symbolique.
Les off de la Biennale à St-louis, à travers des expositions variées, ont permis à la capitale du nord de découvrir plusieurs aspects de la culture sénégalaise et étrangère.
150 artistes sénégalais et étrangers exposent à Saint-Louis, dans le cadre des off de la 11 éme Biennale de l’art africain contemporain. Avec les œuvres de feu Iba Ndiaye, la peinture est très en vue. On compte aussi les tableaux d’Ibrahima Diouf dont l’œuvre décline sur une palette de couleurs chaudes des portraits de signares, de peulhs et de bassaris.
L’artiste sénégalo-marocaine, Soukeina khalif, propose une exposition dénommée « les portées du C H oeur ». Ses tableaux créent la musique, le chant et la danse. Alice Bachmall, Benoit Bussard, Brigitte Tranchepain, la galerie Ataya et Vitau Mendy, ont aussi présenté expose aussi des tableaux
Hormis la peinture, la sculpture en fer et en bois est aussi visible dans les lieux d’exposition. Meissa Fall et d’autres artistes ont produit des œuvres axées sur le métal et le bois.
L’art de la décoration n’est pas laissé en rade par les exposants de la vieille ville. A la galerie Arte, une collection dénommée « art et design » a réuni 15 artistes amoureux des arts décoratifs. La présence béninoise à la ville tricentenaire est également perceptible à travers une exposition du bois sacré qui revient sur des aspects de la vie telle que l’excision. L’esprit de ce choix est, selon les artistes béninois, de montrer et de réfléchir sur différents aspects de vie. Car trouvent-ils, « le bois sacré est une école qui permet d’apprendre certains aspects de la vie ». Les artistes béninois ont également fait étalage du «Vodou».
LE DAK'ART DOIT DONNER ''PLUS D'OUVERTURE'' AUX ARTISTES
Dakar, 15 mai (APS) – Les acquis de la Biennale de l'art contemporain de Dakar (Dak'Art) doivent davantage se faire sentir en donnant ''plus d'ouverture aux artistes'', a déclaré le peintre Serigne Tako Diongue, jeudi, lors du vernissage de l’exposition de ses tableaux à la Maison de la presse, dans le cadre d’un ‘’Off’’ de la 11e édition de cette manifestation artistique qui se poursuit jusqu'au 8 juin.
‘’Les acquis de la Biennale doivent se faire sentir beaucoup plus. La Biennale doit donner beaucoup plus d’ouverture aux artistes plasticiens pour qu’ils approfondissent leur connaissance, leur formation. Elle doit conscientiser les gens sur l’importance de l’art dans le pays. L’Ecole des beaux arts doit aussi ressentir l’impact de la manière la plus positive par l’amélioration des conditions des études et au niveau des infrastructures’’, a-t-il indiqué.
Serigne Tako Diongue, plus connu sous le nom d’artiste Kota, est un ancien directeur du patrimoine culturel, un ancien professeur de l’Ecole des beaux arts et ex-chef du département des arts plastiques. Il a fait 10 ans d’études dans un institut des arts à Moscou (Russie) ou il s’est spécialisé en art mural.
L'artiste, qui en est à sa deuxième participation, présente une multitude de tableaux d’art, expliquant son choix par une volonté de cerner son exposition sur ‘’un thème diversifié lié à son environnement socio-culturel’’.
Parmi ses œuvres, il a dit sa préférence pour celle intitulée ‘’l’Harmattan’’, qui, selon lui, ''l’œuvre maîtresse'' d’une exposition qu'il avait tenue à Moscou à la fin de son stage.
''C’est un tableau qui symbolise l’Afrique. La femme debout, les mains sur les épaules de son fils (...). La poussière, le vent symbolisé par le mouvement du foulard de la femme représentent les difficultés auxquelles ils font face. La femme, souriante, symbolise l’Afrique et l’enfant le fils de l’Afrique. L’image des deux qui scrutent l’horizon montre que l’Afrique a beaucoup d’espoir sur son lendemain’’, a-t-il expliqué.
‘’J’avais participé à la première édition de la biennale. A cet époque, je faisais partie aussi des organisateurs. La Biennale contribue à la promotion de l’artiste. Elle offre un espace d’expression et un créneau pour des rencontres internationales’’, a-t-il témoigné.
L’IMPERISSABLE DANS LA NEGRITUDE
PAULIN HOUNTONDJI PRONONCE LA LEÇON INAUGURALE DE LA FONDATION LEOPOLD SEDAR SENGHOR
Le professeur béninois agrégé de philosophie, Paulin Hountondji, a prononcé hier, mercredi 14 mai, la leçon inaugurale de la Fondation Léopold Sédar Senghor au Centre international du commerce extérieur du Sénégal (Cices) sur le thème : « De la négritude à la renaissance africaine : quels concepts, clés de lecture et réponses pour aujourd’hui ». Il avait comme répondant, Felwine Sarr, Pr agrégé d’Economie de l’Université Gaston Berger de Saint -Louis.
« De la Négritude à la renaissance africaine : quels concepts, clés de lecture et réponses pour aujourd’hui ? ». C’était le thème retenu pour la leçon inaugurale de la Fondation Léopold Sédar Senghor prononcée hier mercredi, par le Pr agrégé de philosophie, le Béninois Paulin Hountondji.
Cette conférence a permis à ce dernier de revisiter l’histoire de la négritude et de convoquer ses précurseurs. De Léopold Sédar Senghor à Thabo M’Beki en passant par Léon Gontran Damas, Aimé Césaire et Cheikh Anta Diop qui, par leur plume et leur engagement, ont su rétablir l’égalité qui existe entre les différentes races qui composent le monde.
Il a ainsi retracé le parcours de ces éminents intellectuels et dirigeants africains et les luttes « feutrées » qu’ils ont menées pour que l’Africain d’aujourd’hui se départisse de tout complexe d’infériorité, pour une bonne émancipation dans le monde de demain, voire une renaissance Africaine.
Paulin Hountondji a magnifié la dimension de Léopold Sédar Senghor, l’homme qui est présent d’une façon ou d’une autre dans toutes les mémoires. « Il est difficile aujourd’hui d’aller dans un pays où vous ne trouverez ne serait-ce qu’une rue qui ne porte le nom de Léopold Sédar Senghor ». Rappelant le caractère universel de Léopold Sédar Senghor, le professeur affirme que contrairement à certains qui pourraient le penser, le président-poète n’appartient ni au Sénégal ni à l’Afrique francophone , car il est universel.
Rappelant que Senghor a rendu “ à Césaire ce qui appartient à Césaire » perçu comme le “Père de la Négritude”, il a été question de la dimension qu’il a occupé dans la lutte pour l’émancipation de la race noire. Aimé Césaire a-t-il indiqué, a apporté sa touche personnelle dans l’édifice de l‘intelligentsia négro-africaine. De par sa promptitude à répondre à ceux qui défendent la prédominance de la race blanche sur la race noire, il a su porter le combat de la négritude partout où le besoin se faisait sentir.
Cependant, à coté de ceux qui ont lutté pour que les Noirs puissent traiter d’égal à égal avec les Blancs, il y a ceux qui luttent pour que les Africains se prennent en charge eux-mêmes et soient fiers de leur ‘‘Africanité’’. Et parmi eux figure en bonne place Thabo M’Mbeki. « Dans une circonstance comme celle-ci nous devons peut être commencer par le commencement ; je commence par le commencement : je suis un Africain », avait déclaré le 8 mai 1996 Thabo M’Beki, alors vice-président de la république Sud-Africaine, - t-il relevé.
Revenant au contexte de l’époque, le Pr Felwine Sarr, répondant, a souligné que sur la Négritude, il y avait “une conscience de l’unité de combat malgré les divergences d’approche”. S’appuyant sur les propos du Pr Hountondji indiquant que : “notre identité est en partie mais en partie seulement derrière nous. Il est surtout devant nous. Notre identité est à venir”, le Pr Felwine Sarr a mis en garde contre tout “enterrement rétrospectif”. Pour lui, il est important de s’engager dans une “réinvention de soi” car, “savoir ce que nous voulons nous-mêmes, c’est savoir ce que nous voulons pour le monde”. Pour le Pr Hountondji, il y a tout de même quelque chose d’impérissable dans la Négritude : “l’affirmation de soi, la revendication d’une identité collective”.
La fondation italienne «Benetton» a exposé ses œuvres dans l’enceinte des locaux de Ccbm automobiles dans le cadre de la biennale de Dakar ouverte depuis le 09 mai dernier. Une collection de petits tableaux en peinture, maniables et faciles à transporter provenant d’artistes issus des cinq continents.
Sur l’avenue Lamine Guèye, au siège de Ccbm automobile, le logo de la biennale indique une exposition. A l’intérieur des locaux, la fondation italienne «Benetton» présente ses œuvres. En dehors de ce qu’on a l’habitude de voir dans les expositions, les organisateurs ont choisi le miniature dans les représentations 10cm x12. Le thème développé est «l’art de l’humanité» avec six collections d’art contemporain représentant différents zones de la planète.
Les artistes s’inspirent du quotidien de leurs vécus et c’est un mélange de culture qui en ressort. Si au niveau de l’Afrique, les peintres ont exploré toutes les facettes de leur culture dans la collection «Dokh Dadjé» en allant des traditions, des symboles, ces mêmes thématiques sont aussi présentes dans les autres collections de l’Asie, l’Océanie, les deux Amériques, l’Europe.
A cet effet, cette collection de « Dokh Dadjé », du Sénégalais: “Maître de maison”, avec ses 145 artistes, célèbre la rencontre entre l’art, l’humanité et la tradition de par ses contenus historiques, d’accueil et de tolérance et cette écrasante envie de futur propre à l’Afrique toute entière. La collection, Ojo Latino, dévoile un vaste paysage des artistes d’Amérique latine avec 200 œuvres qui représentent la quasi totalité des pays et racontent l’évolution culturelle et sociale d’un continent tout entier. La collection australienne, « Painting the Dreaming », quant à elle, se compose de plus de 200 oeuvres qui témoignent du dynamisme, de la poésie et de la vitalité de la peinture aborigène contemporaine du désert central et occidental d’Australie. « Greetings from South Korea », cette collection de plus de 200 oeuvres d’artistes de Corée du Sud, donne à voir l’élan vital de la “vague créative coréenne” qui, dans un échange incessant de langages, d’expériences, de cultures, annonce déjà la société de demain. « Looking Eastward », réunit pour sa part, les recherches artistiques les plus récentes et intéressantes d’environ 200 auteurs d’un espace sans frontières qui relie, par son histoire et son destin, les personnes et les régions de la Russie et de l’Est européen.
La collection Organix explore l’art des États-Unis à travers sa diversité d’expression: plus de 270 auteurs (réalisateurs, musiciens, illustrateurs, dessinateurs de bandes dessinées, stylistes de mode, peintres, chanteurs, photographes et écrivains) nous offrent leur vision au nom d’une déclaration collective, d’un voyage visuel composite. Pour la représentante de la fondation, Martina Fornasaro, ils sont en présence d’un projet qui propose de divulguer et de laisser comme héritage futur, un panorama visuel des cultures humaines du début du 3ème millénaire.
A cet effet, elle a avancé : « dans ce cadre, Imago Mundi se veut être une histoire de l’humanité à travers l’art d’aujourd’hui qui, au-delà des styles, des tendances ou des paramètres du marché, s’ouvre à de nouveaux horizons et à la cohabitation des langages d’expression ainsi que des peuples». Pour les œuvres exposées, il s’agit de 1200 peintures que l’initiateur Luciano Benetton a collectionnées. Une quantité importante qui amène la représentante à souligner : « vous comprendrez que nous ne pouvions pas faire des tableaux grand format.
L’idée est de faire voyager les œuvres, faire la promotion des artistes en quelque sorte. » Les organisateurs ont aussi avancé qu’une exposition se prépare en novembre à Rome où 15 collections dont celles exposées à Dakar vont faire l’objet de vitrine pour la fondation et de poursuivre que l’objectif est d’arrivé à faire 30 collection en 2015. En attendant la suite des événements, l’exposition se poursuit dans les locaux de Ccbm jusqu’au 08 juin prochain.
AGENDA DU JEUDI
17h:
Agence orange Almadies artistes invites par Mamadou Wade
Give one project: permission à rêver avec 08 artistes
centre socio culturel point E avec des artistes; des cinéates et un koriste
Sicap avec Cheikh Diop
Hopital principal atelier art thérapie
17h 30
Maison de la presse avec Serigne Tacko Diongue
Terrou Bi Sombe Art
18h
Loman Art « nouveau chemin » avec Khadidiatou Sow
Académie de Sherbrooke, wilane seck et Seigne Ibrahima Dièye
Les petites pierres : expo photo
Clos normand artistes invités par Jean Claude
Ga2d avec Madior Dieng
Centre culturel Blaise Senghor exposition internationale « Paka »
Ecole de formation hôtelière avec un collectif d’artistes
UN NOUVEAU DG POUR SORANO
NOMINATIONS DU CONSEIL DES MINISTRES DE CE MERCREDI 14 MAI
Massamba Guèye n’est pas plus le directeur général du Théâtre national Daniel Sorano. Il a été remplacé par Sahite Sarr Samb, conseiller aux affaires culturelles, jusque-là conseiller technique au ministère de la Culture et du Patrimoine. La décision est issue du conseil des ministres de ce mercredi 14 mai.
Toujours au titre des mesures individuelles annoncées lors de la réunion hebdomadaire du gouvernement, Maymouna Diop Sy, ambassadeur du Sénégal aux Pays-Bas, a été renforcée. Elle est désormais, cumulativement avec ses fonctions, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Sénégal en Finlande.
Les arts plastiques sont souvent vus comme un métier masculin. Pourtant, il n'y a rien de vraiment "macho" dans cette profession. Des plasticiennes sénégalaises, on en compte, même si elles ne sont pas aussi nombreuses que les hommes. EnQuête vous propose le profil de l'une d'entre elles, Kiné Aw.
"Je pense qu'il y a beaucoup de femmes qui voudraient s'impliquer dans ce que je fais. Il n'y a pas plus beau que ce que je fais. Socialement, la femme est vue comme épouse et mère. Quand on est peintre, c'est très mal vu et je ne vois pas pourquoi parce que c'est un métier très noble", dixit la plasticienne Kiné Aw. Elle parle en connaissance de cause, étant elle-même artiste.
Fatoumata Marie Françoise Anne à l'état-civil n'a pas personnellement vécu cette situation. Car si certaines ont vu leurs parents s'opposer à l'éclosion de leur talent, elle a été soutenue par les siens.
"Mon père est un administrateur diplomate retraité, ma mère est une femme très simple, ménagère. J'ai une famille très simple, sans préjugés. C'est peut-être aux parents proches à qui cela a posé problème. Mais le plus important pour moi est que j'ai le soutien de mon papa et de ma maman. Quand j'ai su que j'étais sélectionnée à l'école des arts, c'est mon père qui m'a accompagnée pour l'inscription", a-t-elle raconté.
En effet, après avoir développé un talent fou pendant l'enfance, Kiné a voulu se professionnaliser. En 2000, elle s'est renseignée sur les opportunités offertes. Un an après, elle a tenté sa chance et a passé le concours d'entrée à l'école nationale des arts (ENA). Elle en ressort en 2006, diplôme en main. Elle est d'avis que beaucoup de femmes voudraient faire comme elle.
"Le plus important, c'est ce que l'on veut faire mais pas ce que l’autre nous impose de faire." Aussi, considère-t-elle : "La peinture est une passion qui nous permet d'aller au-delà de tout. Il n'y a pas de contraintes. C'est une liberté intérieure. Les artistes sont des personnes importantes dans la société. Ce que disent les autres, c'est leurs opinions. La peinture est un métier enrichissant" et thérapeutique."
Féministe jusqu'aux bouts des ongles, elle défend la cause du sexe faible jusque dans son travail. Les femmes restent sa principale muse. A travers sa technique qu'elle décrit comme inédite, elle essaie de recréer ses pairs. "La femme sous toutes les coutures est mon principal sujet de travail. Je veux aussi montrer qu'on peut être une femme moderne tout en essayant de garder ses valeurs traditionnelles", a-t-elle déclaré.
Parlant de sa technique "inédite", elle fait savoir que c'est parce qu'elle est toujours à la recherche de "la texture d'un élément nouveau. Je veux que les gens se demandent, en voyant ce que je fais, c'est quoi, comment on en est arrivé à ce stade".
C'est pourquoi d'ailleurs elle décrit son atelier comme "un laboratoire où (elle) fait un peu de tout. De l'acrylique, de la peinture à huile, etc". "Souvent je mixe les deux, je regarde ce que ça donne. Je travaille avec le goudron et il arrive à me donner diverses tonalités sur les textures que je cherche sur les matériaux.
Actuellement, je suis plus dans l'eau, la trinité ; j'emploie peu de peinture et beaucoup d'eau et je laisse couler voir ce que ça donne et ça me donne des reliefs intéressants", a-t-elle fait savoir.
Actuellement, Kiné Aw est l'une des pensionnaires du village des arts de Dakar où elle a ses ateliers. Son amour pour les arts plastiques, elle ne saurait l'expliquer. Elle résume son histoire à la destinée. "Si je suis aujourd'hui artiste, c'est parce que c'est mon destin", a-t-elle expliqué.
Dans la même optique, elle a ajouté : "Ce que je fais là n'est que la continuité d'une passion née quand j'étais enfant." Une enfance qu'elle a vécue au Congo Kinshasa à l'époque appelé le Zaïre, et c'était sous le magistère de Mobutu.
Dans le cadre de la biennale off, Kiné Aw prend part à l'une des expositions off initiées par la galerie Kemboury. Elle a également deux de ses œuvres exhibées dans l'exposition In précisément dans celle de la diversité culturelle.