SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
30 avril 2025
International
DÉCÈS DE BABANI SISSOKO
Selon plusieurs média maliens, le maire de la commune de Dabia, Babani Sissokho est décédé ce dimanche 28 mars à l’âge de 79 ans. Retour sur la fabuleuse histoire du milliardaire malien.
Un jour d’août 1995, Foutanga Babani Sissoko entre dans le siège de la Banque islamique de Dubaï et demande un prêt destiné à l’achat d’une voiture. Le directeur de la banque accepte. Sissoko l’invite à dîner chez lui. Et c’est le début de l’un des cas d’abus de confiance les plus étonnants de tous les temps, selon Brigitte Scheffer, grand reporter de la BBC, auteure d’une enquête consacrée à l’homme d’affaires malien.
Au cours du dîner, Sissoko confie au banquier Mohammed Ayoub qu’il a des pouvoirs magiques lui permettant de faire passer n’importe quelle somme d’argent du simple au double. Le banquier revient le voir avec un montant que le mystérieux homme d’affaires venu d’un lointain village du Mali fait simplement doubler, à son grand étonnement.
Entre 1995 et 1998, Ayoub a effectué 183 transferts dans les comptes bancaires que détient Sissoko dans plusieurs pays, selon la journaliste de BBC World, qui a enquêté sur ce fait divers d’un genre particulier.
En novembre 1995, quelques semaines seulement après sa rencontre avec Mohammed Ayoub, le ressortissant malien se rend dans une banque new-yorkaise, où il ouvre un compte, témoigne Alan Fine, un avocat de Miami, à qui la Banque islamique de Dubaï a demandé d’enquêter sur l’affaire. "Un jour, Sissoko est entré chez Citibank sans rendez-vous. Il y rencontre une caissière et finit par l’épouser", affirme Alan Fine, qui en sait beaucoup des exploits de l’homme d’affaires malien.
"Il a ouvert un compte par lequel (…) plus de 100 millions de dollars ont été transférés aux Etats-Unis", rapporte l’avocat de Miami, ajoutant que Sissoko a offert à son épouse de Miami plus d’un demi-million de dollars.
Selon M. Fine, le ressortissant malien caressait le rêve de créer une compagnie aérienne en Afrique de l’Ouest, Air Dabia, du nom de son village natal. Ce rêve conduira à l’arrestation de deux douaniers auxquels il paie 300.000 dollars en 1996, pour qu’ils se chargent d’accélérer l’acquisition, à son profit, de deux avions datant de la guerre du Vietnam.
L’acquisition avortée des appareils emmène aussi Interpol à émettre un mandat d’arrêt contre Sissoko, qui est arrêté à Genève, où il est parti ouvrir un compte bancaire. L’homme d’affaires est extradé vers les États-Unis, où des personnalités influentes se mobilisent pour le tirer d’affaire, selon Tom Spencer, l’un de ses avocats.
"Je n’en connais pas la réponse", réplique M. Spencer à la question de savoir comment un étranger pouvait bénéficier de soutiens importants aux Etats-Unis, dans un tel dossier judiciaire. En tous cas, Sissoko est vite libéré en échange d’une caution de 20 millions de dollars et rémunère généreusement ses avocats, leur offrant Mercedes, Jaguar, etc., selon Tom Spencer.
"Il achetait deux, trois ou quatre voitures en même temps. Une semaine plus tard, il revenait en acheter deux ou trois autres… " affirme Ronil Dufrene, le concessionnaire automobile qui l’approvisionnait, ajoutant lui avoir vendu en tout entre 30 et 35 véhicules.
A Miami, Sissoko avait plusieurs épouses. Il occupait 23 appartements de la ville. "’Playboy’ est le mot juste pour le décrire, parce qu’il est très élégant et beau. Il s’habille avec beaucoup de style", témoigne son cousin, Makan Mousa. L’un des avocats rencontrés par Brigitte Scheffer le présente comme un "Robin des Bois moderne", en référence au héros légendaire qui volait les riches pour aider les pauvres.
L’homme d’affaires donnait aussi de grosses sommes d’argent pour soutenir certaines causes, offrant par exemple 413.000 dollars à des lycéens de Miami pour leur voyage à New York, affirme son cousin.
Du côté de la Banque islamique de Dubaï, ses collaborateurs constatent qu’Ayoub, floué, devenait de plus en plus nerveux. Sissoko avait cessé de répondre à ses appels au téléphone. Finalement, le banquier confie à un collègue combien il avait remis à Sissoko, lui tendant le montant écrit sur un bout de papier, par honte de le dire de sa bouche : 890 millions de dirhams, l’équivalent de 242 millions de dollars.
L’employé de la Banque islamique de Dubaï est reconnu coupable de fraude et est condamné à trois ans de prison. Sissoko, lui, n’a jamais fait face à la justice, pour cette affaire. Il est condamné par contumace, par un tribunal de Dubaï, à trois ans pour fraude et "pratique de la magie". Interpol émet un mandat d’arrêt, qui ne donne rien.
Brigitte Scheffer dit connaître, au terme de son enquête, plusieurs procès dans lesquels Foutanga Babani Sissoko est mis en cause, sans jamais comparaître en justice. L’un de ces procès s’est déroulé à Paris, en présence seulement de son avocat.
Rentré au Mali après une longue pérégrination, Sissoko se fait élire député pendant 12 ans, entre 2002 et 2014, ce qui le mettait à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires. Depuis quatre ans, il n’est plus député. Mais le Mali n’a pas signé de traité d’extradition avec un autre pays. Il n’est pas donc pas inquiété.
"Je ne suis pas riche..."
"Avec lui, on peut s’attendre à beaucoup de cadeaux. Il aime aider les gens", témoigne son ancien chauffeur, que la journaliste de la BBC a rencontré à Bamako, au Mali, dans le cadre de son enquête. "C’est quelqu’un qui donne toujours de l’espoir aux gens…" ajoute son ancien chauffeur.
Un orfèvre rencontré à Bamako ne tarit pas d’éloges à l’évocation de l’homme d’affaires. A Dabia, son village où l’a rencontré Brigitte Scheffer, avec l’aide de l’orfèvre, Sissoko est entouré de plusieurs gardes du corps, tous armés.
"Je m’appelle Foutanga Babani Sissoko. Le jour où je suis né, tous les villages de la contré ont pris feu…" se souvient l’homme âgé maintenant de 70 ans, affirmant que sa fortune équivalait à un moment à 400 millions de dollars.
Qu’en est-il de l’argent reçu de l’agent de Banque islamique de Dubaï ? "Madame (…) c’est une histoire un peu folle. Les messieurs de la banque devraient expliquer comment ils ont perdu tout cet argent. (…) Comment cet argent a-t-il pu quitter la banque comme ça ? Ce n’était pas seulement cet homme [le banquier Ayoub] qui autorisait les transferts. Quand la banque transfère de l’argent, ce n’est pas seulement une personne qui le fait. Il faut plusieurs personnes pour faire cela", répond-il.
Sissoko Foutanga dit Babani recourrait-il à la magie noire pour flouer ses partenaires en affaires ? "Madame, si une personne avait ce genre de pouvoir, pourquoi devrait-elle travailler ? Si vous avez ce genre de pouvoir, vous pouvez rester là où vous êtes et dépouiller toutes les banques du monde, aux États-Unis, en France, en Allemagne, partout", dira-t-il.
"Je ne suis plus riche, je suis pauvre", poursuit l’ancien homme d’affaires, recherché pendant 20 ans par Interpol, sans jamais comparaître en justice pour cette affaire.
FRANCIS NGANNOU SACRÉ AU MMA À FORCE DE VOLONTÉ
Il est devenu champion du monde des poids lourd de l’UFC, la plus prestigieuse ligue d’arts martiaux mixtes au monde, face à l’Américain Stipe Miocic. Une revanche pour ce Camerounais dont la vie a été une longue série d’épreuves. Portrait
Francis Ngannou est devenu champion du monde des poids lourd de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus prestigieuse ligue d’arts martiaux mixtes (MMA) au monde, dans la nuit du 27 au 28 mars 2021 à Las Vegas, face à l’Américain Stipe Miocic. Une revanche pour ce Camerounais dont la vie a été une longue série d’épreuves. Portrait.
Francis Ngannou est champion du monde d’arts martiaux mixtes (MMA) et c’est un exploit inimaginable, tant le parcours de ce Camerounais a été semé d’embûches. « Je sais où je suis né mais je ne pourrais pas dire où j’ai grandi », explique souvent celui qui a vu le jour à Batié, dans l’Ouest du Cameroun, en 1986.
Une jeunesse difficile
Son enfance ? Un père accusé d'être brutal, des parents qui se déchirent et divorcent, des passages d’un foyer à l’autre. Durant adolescence, il commence à travailler dans une sablière pour payer sa scolarité… Sa vie est alors très loin de ressembler à la success story que tout le monde connaît.
Un jour, le mototaxi se prend de passion pour la boxe anglaise. À 22 ans, l’intéressé plaque tout pour ce sport, à la grande stupeur de sa famille.
Ce fan de Mike Tyson croit dur comme fer en son destin. Mais à 25 ans, il est cloué au lit durant plusieurs semaines par une hépatite B. « J’étais seul à me prendre en charge. Ça s’est arrangé, heureusement. Mais psychologiquement, j’ai gardé les séquelles de cette période », glisse-t-il en 2016.
Sept tentatives avant d’arriver en Europe
Francis Ngannou n’est toutefois pas au bout de ses peines. Convaincu qu’un meilleur sort l’attend en Europe, il se lance dans un périlleux voyage vers le Vieux continent, en 2012 : Niger, Algérie, Maroc…
« Les barbelés de Melilla, je ne pourrai jamais les oublier », confesse-t-il en 2018 à InfoMigrants. De ces tentatives, il conserve des cicatrices. « J’en ai partout : sur les côtes, les jambes, les pieds… » Ce n’est qu’au bout de sa septième tentative qu’il parvient à traverser la Méditerranée jusqu’en Espagne.
Sans domicile fixe à Paris
En 2013, Francis Ngannou se retrouve en France un peu par défaut, lui qui visait plutôt l’Allemagne ou le Royaume-Uni. À Paris, il dort souvent dans un parking, mange très rarement à sa faim. Mais il refuse de s’apitoyer sur son sort. « À un moment, j'ai décidé de ne plus être la victime de la vie, de ne plus subir mais de faire face, de combattre, et j'ai pris des initiatives. Quand je suis arrivé en France, c'était l'occasion tant rêvée de me réaliser », affirme-t-il à l’AFP en 2018.
Le sans domicile fixe cherche alors une salle de boxe et atterrit dans une salle de l’est parisien. Il y rencontre Didier Carmont qui, ému par son histoire, décide de l’aider. Ce dernier, qui pressent le potentiel du Camerounais l’encourage toutefois à sa lancer en MMA. Mais lui ne jure que par la boxe anglaise.
Reportage* saisissant que celui de Roméo Langlois, Nicolas Germain et Yi Song au cœur de la Chinafrique par sa fenêtre Zambie. Ce pays d'Afrique de l'Est de 17 millions d'habitants, dont 55 % de la population est rurale, est celui où les investissements directs étrangers chinois ont été les plus importants sur le continent en 2020 : 440 millions de dollars. Par ailleurs, il abrite la première zone de coopération économique chinoise en Afrique à la suite d'une décision prise en 2006 au Forum économique organisé par l'empire du Milieu. Situé à Chambishi sur 11,58 kilomètres carrés à 70 kilomètres de la frontière congolaise, le site de la ZCCZ est une zone d'investissement multifonction où « on ne parle pas politique » et où se trouve la plus grande fonderie de cuivre d'Afrique qui est en même temps la plus grande fonderie chinoise dans le monde. À ce jour, il a attiré pour 2,7 milliards de dollars d'investissement. Il compte 74 entreprises qui ont créé quelque 10 000 emplois. Ces données devraient satisfaire les parties zambienne et chinoise. Au fil du reportage, on voit que c'est loin d'être évident. Approchée à hauteur d'hommes et de femmes, la présence chinoise en Zambie évoquée dans ce documentaire révèle le décalage entre la perception qu'en ont les Chinois et celle observée par les Zambiens.
Des Chinois en conquête et entreprenants
Les ressortissants de l'empire du Milieu, rattachés à la structure publique qu'est la ZCCZ ou à une entreprise privée, industrielle ou agricole, semblent visiblement satisfaits de l'environnement que leur offre le gouvernement zambien : achat de terres et de sols riches, accès à une main-d'œuvre bon marché, cadre de vie agréable, stress moindre par rapport à la Chine, opportunités d'investissement, plateforme multifonction, etc. Au-delà, forts de leurs capitaux, ils construisent poste de police, résidence pour leur personnel, mais aussi des fermes et des usines, d'autant plus faciles à rentabiliser qu'elles répondent aux demandes du marché local, régional, voire international. « Ce pays est sous-développé », avance un entrepreneur chinois. « Si tu as de l'argent pour investir, il y a beaucoup d'opportunités », poursuit-il, expliquant ensuite son parcours avant d'être à la tête de l'entreprise qu'il dirige actuellement dans le pays présidé par Edgar Lungu depuis 2015.
À la question de savoir si la Chine ne prend pas trop d'importance en Afrique, la réponse est toute trouvée pour le patron de la ZCCZ et représentant de l'État chinois à la tête de la plateforme : « Nous sommes là pour nous intégrer, pour créer des emplois, contribuer aux ressources fiscales du pays, créer de la valeur », explique-t-il. Et de conclure conscient des sous-entendus de rivalité avec les pays occidentaux contenus dans l'interrogation : « C'est du gagnant-gagnant au cœur d'un maillage général. » Dans le sillage de ce haut responsable, l'un des entrepreneurs, présent en Zambie depuis 10 ans et qui a pu faire venir ses parents, indique que l'écart culturel se réduit entre Chinois et Zambiens. « Je préfère vivre ici », explique-t-il avant de conclure : « Si je devais rentrer en Chine, ce serait difficile. »
Souvent nostalgiques des pères des indépendances, les populations ironisent sur des intellectuels à l’engagement limité. Qui sont les intellectuels africains et quel rôle doivent-ils jouer dans la société ?
Au moment des indépendances, c’était une priorité : former des cadres africains, des diplômés qui prendraient en main la gestion des administrations et des entreprises des pays nouvellement autonomes. Pari réussi puisque les universitaires sont désormais des nationaux, et les Etats sont pour la plupart gérés par des grands diplômés. Insuffisant pour les populations, souvent nostalgiques des pères des indépendances, qui ironisent sur des intellectuels à l’engagement limité. Qui sont les intellectuels africains et quel rôle doivent-ils jouer dans la société ?
Avec nos invités :
Mossadeck Bally, fondateur et président du groupe hôtelier Azalaï
Maître Fatoumata Sidibe Diarra, avocate au Barreau de Paris et du Mali
Youba Sokona, scientifique malien, vice-président du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat)
Karim Sy, fondateur et président du réseau panafricain dédié à l’innovation Jokkolabs, ancien président de Digital Africa.
L'émission Point USA se penche cette semaine entre autres, sur la question des fusillades meurtrières incessantes aux États-Unis, avec : René Lake, Claude Porsella, Dennis Beaver et Herman Cohen
Après la fusillade d’Atlanta du 16 mars qui a fait 8 morts dont six femmes d’origine asiatique, pourquoi cette vague de violence contre la communauté asiatique ? Témoignage de Khiem Bui, vietnamien américain.
- Moins d’une semaine, après Atlanta, nouvelle fusillade à Boulder au Colorado. Il y aura de nouveau des prières pour les victimes, mais probablement peu de changements, la culture des armes étant profondément ancrée dans le pays.
- Politique étrangère : A la question, Poutine est-il un tueur, Joe Biden répond « oui », alors que son secrétaire d’Etat fait un bras de fer avec l’envoyé de Pékin. La diplomatie américaine ne fera pas de cadeaux à ses deux principaux adversaires.
- Israel : Jamais trois sans quatre, les élections se succèdent, mais sans jamais pouvoir sortir de l’impasse
- Cinéma : René Lake a commencé à regarder tous les films selectionnés pour les Oscars : il a été particulièrement impressionné par « Promising young woman » et « Minari ».
- Point USA est une émission hebdomadaire qui s’adresse plus particulièrement à un public francophone, avec pour objectif de discuter en français de l’actualité américaine en compagnie de René Lake, analyste politique et directeur de presse, Dennis Beaver, avocat et chroniqueur juridique à Bakersfield, en Californie et Herman Cohen, ancien secrétaire d’Etat adjoint américain.
La présentation est assurée par le journaliste Claude Porcella depuis Washingon, la réalisation et le montage par Serge Ndjemba, à partir de San Francisco via French Buzz TV.
UNE COLÈRE ANTIFRANÇAISE TRÈS CIBLÉE
Quatre entreprises ont particulièrement fait les frais des troubles qui ont agité le pays après l’arrestation d’Ousmane Sonko : Eiffage, Total, Orange et Auchan
Le Monde Afrique |
Cyril Bensimon |
Publication 27/03/2021
Peint sur un mur de Dakar, le graffiti est sans nuance. On y voit le président Macky Sall, pistolet au poing, abattre de sang-froid un manifestant. La manche de son costume est aux couleurs de la France. Mais la fresque montrant le chef de l’Etat en bras armé de l’ancienne puissance coloniale n’a pas tenu longtemps : elle a été rapidement recouverte. Une couche de peinture blanche après une flambée de protestations comme le Sénégal n’en avait jamais vécu.
Le pays a connu entre le 3 et le 8 mars un nombre de morts inédit – entre dix et treize selon les bilans du pouvoir et de l’opposition – et a vu exploser les interrogations sur le devenir de sa démocratie, soulevées par l’arrestation, puis la remise en liberté sous contrôle judiciaire, d’Ousmane Sonko, opposant iconoclaste accusé de viols par une jeune employée d’un salon de massage.
Somme de ressentiments
Une autre question s’est posée dans les jours qui ont suivi les émeutes : le pays de la Teranga (« l’hospitalité », en wolof) est-il saisi par une poussée de fièvre anti-française, ce sentiment diffus qui a gagné certains pans de la jeunesse africaine ? Des enseignes venues de l’Hexagone ont subi la foudre directe des manifestants, sans que le sens de cette vindicte ait pu être identifié.
A l’exception peut-être de celle entretenue avec la Côte d’Ivoire, la relation entre la France et le Sénégal est sûrement la plus complexe d’Afrique francophone.
Nourrie par une histoire dont les plaies n’ont pas toujours cicatrisé et une somme de ressentiments qui vont d’une politique des visas à sens unique à la croyance d’une soumission permanente des dirigeants nationaux, la défiance toujours latente contre la France dans le débat public a été alimentée ces dernières années par des militants comme Guy Marius Sagna, du mouvement Frapp-France Dégage, dont l’actualité alterne entre entrées et sorties de prison, ou le Franco-Béninois Kémi Séba, expulsé du pays en 2017 après avoir brûlé en public un billet de 5 000 francs CFA (7,60 euros), une monnaie qui est, selon lui, le symbole de « l’impérialisme économique » français.
Le Congo et le Sénégal se sont quittés sur un match nul vierge (0-0), ce vendredi, à Brazzaville, lors de la 5e journée des éliminatoires de la Coupe d'Afrique des Nations de football.
Déjà qualifiée pour la CAN qui aura lieu au Cameroun en janvier 2022 et leader du groupe I avec 12 points avant le match, l'équipe du Sénégal jouait sans pression. Le sélectionneur a aligné 4 nouveaux, au stade de Brazzaville.
Sadio Mané trouve la barre
Sadio Mané a obtenu la seule grosse occasion de la première période à la 28e minute de jeu. Le numéro 10 des Lions a trouvé la barre d'une frappe. Pape Matar Sarr a été le plus en vue durant les 45 premières minutes.
En deuxième période, Mané a eu une seconde occasion sur un service de Diao Baldé Keita, mais il a placé sa frappe au dessus des buts (64'). Avec une meilleure possession de balles face à des Congolais inexistants, les Lions ont confirmé leur domination. En effet, le nouvel entrant, Abdoulaye Seck a failli trouvé la faille sur une tête qui passe à côté (77').
Les Congolais s'offrent une finale contre les Djurtus
Contraint d'apporter du sang neuf en raison de la chaleur (31°), Aliou Cissé a effectué des changements avec les entrées de Sima, Famara Diédhiou, Abdoulaye Seck, Kanouté. Malgré tout, les Lions n'ont pas réussi à remporter cette partie. Ils ont été tenus tête (0-0) par des Diables Rouges qui ne vont pas cracher sur ce nul. En freinant le Sénégal qui était sur une lancée de quatre victoires en autant de sorties, le Congo conserve ses chances de qualification à la CAN. Puisqu'il s'offre une finale contre les Djurtus de la Guinée Bissau le 30 mars prochain, pour le deuxième ticket du groupe I.
En attendant ce prochain rendez-vous, le Sénégal conforte sa première place avec 13 points devant le Congo (8 pts), la Guinée Bissau (6 pts) et l'eSwatini (1 point).
LA FRANCE A FAILLI AU RWANDA SELON UN RAPPORT REMIS À MACRON
Un président français et soutenant "aveuglément" un régime raciste et violent, en dépit de toutes les alertes : la "faillite" de Paris et ses "responsabilités accablantes" dans le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 sont exposés dans un rapport
Un président français et son cercle proche soutenant "aveuglément" un régime raciste et violent, en dépit de toutes les alertes: la "faillite" de la France et ses "responsabilités accablantes" dans le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 sont exposés dans un rapport cinglant remis vendredi à Emmanuel Macron.
Ce rapport d'historiens, fruit de deux années d'analyse des archives relatives à la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994, dresse un bilan sans concession de l'implication militaire et politique de Paris, tout en écartant la "complicité" de génocide longtemps dénoncée par Kigali.
Il pourrait marquer un tournant dans la relation entre les deux pays, empoisonnée depuis plus de 25 ans par les violentes controverses sur le rôle de la France au Rwanda.
Présente au Rwanda depuis que ce pays des Grands Lacs a pris son indépendance de la Belgique, la France "est demeurée aveugle face à la préparation" du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des "responsabilités lourdes et accablantes" dans la tragédie, assène dans ses conclusions la commission de 14 historiens présidée par Vincent Duclert, mise en place en 2019 par le président Emmanuel Macron.
Dans ce rapport de plus de 1.000 pages, les historiens reviennent sur l'engagement français durant ces quatre années décisives, au cours desquelles s'est mise en place la dérive génocidaire du régime hutu, pour aboutir à la tragédie de 1994: quelque 800.000 personnes, majoritairement tutsi, exterminées dans des conditions abominables entre avril et juillet.
Télégrammes diplomatiques, notes confidentielles et lettres à l'appui, le rapport dessine une politique africaine décidée au sommet par le président socialiste de l'époque, François Mitterrand, et son cercle proche, un entourage motivé par des "constructions idéologiques" ou la volonté de ne pas déplaire au chef de l'Etat.
Il raconte des décideurs "enfermés" dans une grille de lecture "ethniciste" post-coloniale et décidés à apporter, contre vents et marée, un soutien quasi "inconditionnel" au régime "raciste, corrompu et violent" du président rwandais Juvénal Habyarimana, face à une rébellion tutsi considérée comme téléguidée depuis l'Ouganda anglophone.
-"Alignement" -
"Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'Etat et de la présidence de la République", écrivent les quatorze historiens de la Commission, en insistant sur "la relation forte, personnelle et directe" qu'entretenait François Mitterrand avec le président hutu Juvénal Habyarimana.
Cette relation, doublée d'une obsession de faire du Rwanda un territoire de défense de la francophonie face aux rebelles tutsi réfugiés en Ouganda a justifié "la livraison en quantités considérables d'armes et de munitions au régime d'Habyarimana, tout comme l'implication très grande des militaires français dans la formation des Forces armées rwandaises" gouvernementales.
Dès octobre 1990, date d'une offensive du FPR (Front patriotique rwandais, ex-rébellion tutsi dirigée par Paul Kagame, devenu président du Rwanda), Paris prend fait et cause pour le régime Habyarimana.Elle s'engage militairement avec l'opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui de facto constitue une présence "dissuasive" pour protéger un régime vacillant contre l'offensive rebelle.
Tout en pressant Habyarimana à démocratiser son régime et négocier avec ses opposants -ce qui aboutira aux accords de paix d'Arusha en août 1993-, la France ignore les alertes, pourtant nombreuses, venues de Kigali ou Paris, mettant en garde contre la dérive extrémiste du régime et les risques de "génocide" des Tutsi.
- Cercle présidentiel -
Qu'elles viennent de l'attaché militaire français à Kigali, des ONG, de certains diplomates, ou des services de renseignement, ces mises en garde sont ignorées ou écartées par le président et son cercle.
"On peut se demander si, finalement, les décideurs français voulaient vraiment entendre une analyse qui venait contredire la politique mise en œuvre au Rwanda", écrivent les chercheurs.
Le rapport souligne notamment la lourde responsabilité de l'Etat-major particulier (EMP) de François Mitterrand, dirigé par le général Christian Quesnot et son adjoint le colonel (devenu général) Jean-Pierre Huchon.
"L'EMP porte une responsabilité très importante dans l'installation d'une hostilité générale de l'Elysée envers le FPR", écrit le rapport, qui dénonce "les pratiques irrégulières", voire les "pratiques d'officine" de cet organe qui court-circuite tous les canaux réguliers pour mettre en oeuvre la politique française sur le terrain.
Avec l'aval, tacite, du président: "aucun document ne montre une volonté du chef de l'Etat de sanctionner ces militaires ou de les retenir dans leurs initiatives", pointe le rapport.
Parallèlement, l'institution diplomatique ne se montre guère plus critique -à de rares exceptions-: "les diplomates épousent sans distance ou réserve la position dominante des autorités", et leur administration est "imperméable" à la critique.
L'arrivée en 1993 d'un gouvernement de droite -la France entre en "cohabitation"- ne modifiera pas fondamentalement la donne, malgré des affrontements parfois "impitoyables" entre l'Elysée et le gouvernement du Premier ministre Edouard Balladur, beaucoup moins enclin à l'engagement français au Rwanda.
- Incapacité à penser le génocide -
Lorsque le génocide commence, le 7 avril 1994, au lendemain de l'attentat contre l'avion du président Habyarimana (dont le rapport ne désigne pas les commanditaires, objet d'une controverse depuis près de 30 ans), cela n'entraîne pas "une remise en cause fondamentale de la politique de la France, qui demeure obsédée par la menace du FPR".Et même si le chef de la diplomatie de droite Alain Juppé est le premier à parler de "génocide" à la mi-mai 1994, la grille de lecture reviendra rapidement à des "massacres interethniques" et une "guerre civile".
Il y a une "obstination à caractériser le conflit rwandais en termes ethniques, à définir une guerre civile là où il y a une entreprise génocidaire", écrivent les historiens.
Dans un contexte de retrait ou d'immobilisme international -l'ONU, l'ancienne puissance coloniale belge, les Etats-Unis-, la France sera pourtant la première à réagir en lançant en juin 1994, sous mandat de l'ONU, une opération militaro-humanitaire visant à "faire cesser les massacres".
Cette opération controversée, Turquoise, a certes "permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide", écrit la commission, qui souligne que les autorités françaises "se refusent à arrêter" les commanditaires du génocide ayant trouvé refuge dans la zone sous contrôle français.Ce point est l'un des plus controversés de l'action française au Rwanda.
Les responsables politiques et militaires de l'époque ont pour leur part soutenu avoir sauvé l'honneur de la communauté internationale en étant les seuls à intervenir au Rwanda.
Le génocide prend fin avec la victoire du FPR en juillet 1994.Depuis, la France a entretenu des relations tendues, voire exécrables, avec le Rwanda, marquées par la rupture des relations diplomatiques en 2006.
Même si les relations entre Paris et Kigali se sont détendues avec l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017, le rôle de la France au Rwanda reste un sujet explosif depuis plus de 25 ans.Il est aussi l'objet d'un débat violent et passionné entre chercheurs, universitaires et politiques.
MITTERRAND, UN PRÉSIDENT AVEUGLÉ AU RWANDA
Chef de l'Etat français pendant le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, François Mitterrand a refusé de modifier sa politique avec Kigali pendant les années qui ont précédé le drame.Un rôle crucial selon le rapport d'une commission d'historiens
"Les autorités françaises ont fait preuve d'un aveuglement continu dans leur soutien à un régime raciste, corrompu et violent.L'alignement sur le pouvoir rwandais procède d'une volonté du chef de l'État". La conclusion du document n'entretient aucun doute sur l'implication de M. Mitterrand.
Car entre 1990 et 1994 la relation franco-rwandaise est avant tout celle d'un "coup de coeur" du président français pour son homologue rwandais, selon une note remise en 1993 à Michel Rocard, ex-Premier ministre.
Régulièrement reçu à Paris par son homologue, Juvénal Habyarimana, le président hutu, a "l'oreille de l'Elysée", selon le rapport qui parle de "liens personnels" entre les deux hommes.
"A chaque fois qu'il vient à l'Élysée, il obtient l'appui du président", précise le rapport.
Mais au-delà de cette relation d'amitié, François Mitterrand voit le Rwanda comme le laboratoire de sa nouvelle politique africaine impulsée en 1990 par le discours de la Baule.
A cette occasion, il fait passer un message simple: la France soutiendra militairement les pays qui le souhaitent à condition qu'ils s'engagent sur la voie de la démocratie.
C'est ce deal "donnant-donnant" qui est passé avec Habyarimana, même si des voix discordantes alertaient sur les risques de passer un tel accord avec un régime déjà suspecté de commettre des violences contre les Tutsi.
"Le choix, cependant, est fait au plus haut niveau de l'État de la mettre en œuvre", indique le rapport Duclert.
Dans la pratique, cette politique se traduit par l'opération Noroît, officiellement chargée de protéger les ressortissants français dans un pays secoué par des attaques des rebelles du Front patriotique rwandais (FPR).
La mission, censée être courte et limitée dans le temps, s'étirera en vérité sur plusieurs années: une volonté du président Mitterrand et de son entourage, malgré les demandes régulières du ministère de la Défense de rapatrier cette compagnie.
Le dispositif sera même renforcé au cours de l'année 1991, avec la mise en place d'un détachement d'aide et d'instruction (DAMI) qui permettra pendant les années précédant le génocide à des militaires français de former leurs homologues rwandais.
- Signaux d'alarme -
En 1992, les signaux d'alarme quant au durcissement d'une partie du régime hutu s'accélèrent.
En février d'abord, après les massacres de Tutsi au Bugesera (sud-est), le renseignement militaire français signale le doute profond qu'il faut avoir face à une grande partie des institutions rwandaises et parle de risque "d'extension des pogroms".
En août de la même année, l'Etat-major des armées craint "des incidents ethniques débouchant sur une chasse aux Tutsi".
Et en octobre, c'est une note de Jean-Marc de la Sablière, directeur des affaires africaines au Quai d'Orsay qui signale "les activités des extrémistes hutu" et leur "hostilité à ce qui pourrait entamer les pouvoirs" du président.
Mais à aucun moment la position de l'Elysée ne fléchit.
"On peut se demander si, finalement, les décideurs français voulaient vraiment entendre une analyse qui venait, au moins en partie, contredire la politique mise en œuvre au Rwanda", dénonce le rapport.
Mais Mitterrand ne prend pas ses décisions totalement seul. Autour de lui, quelques personnages-clés, des fidèles comme le secrétaire général Hubert Védrine, et d'autres qui l'ont aidé à orienter sa politique rwandaise, à commencer par son chef d'état major particulier, le général Christian Quesnot.
Dans le rapport, où il est cité plus de 150 fois, Quesnot est largement présenté comme un soutien actif du président Habyarimana.
Sa lecture du conflit au Rwanda est purement ethniciste, soutient le rapport: hostile au FPR qu'il voit comme le parti des Tutsi soutenus par un pays étranger, l'Ouganda, et qui menace la sécurité et le pouvoir en place au Rwanda.
Elle est partagée notamment par son adjoint, le général Jean-Pierre Huchon, et par le conseiller Afrique de l'Elysée, Bruno Delaye.Elle va largement influencer la politique française au Rwanda.
Face aux attaques plus pressantes du FPR en 1993, Quesnot recommande par exemple le "renforcement de notre soutien à l'armée rwandaise".Une note approuvée par le chef de l'Etat avec la mention "D'accord Urgent", écrite à la main.
La cohabitation à l'oeuvre en France à partir du printemps 1993 ne changera pas grand-chose: les décisions continuent d'être prises dans ce cercle restreint autour du président.
Le 7 avril 1994, l'avion du président Habyarimana est abattu, point de départ d'un génocide de trois mois qui tuera 800.000 personnes selon l'ONU, principalement des Tutsi.
Deux mois après le début des massacres, Mitterrand utilise le mot "génocide perpétré par des Hutu" mais l'attribue non pas à quelque chose de systémique mais à la "folie qui s'est emparée d'eux après l'assassinat de leur président".
"La France n'a aucune responsabilité dans ce drame", assure-t-il un mois plus tard.
par l'éditorialiste de seneplus, emmanuel desfourneaux
LE TALON D’ACHILLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Achille Mbembé trahit le processus de la décolonisation des esprits lancé à Dakar. La relation France-Afrique ne peut changer que s’il y a un effort accompli, individuellement et séparément, des deux rives de la Méditerranée
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 25/03/2021
Mes 10 propositions simples pour le Sommet France-Afrique
Au deuxième jour des manifestations insurrectionnelles, je m’apprêtais à écrire un éditorial assez pessimiste sur la chute imminente du régime de Macky Sall : « La révolution sénégalaise n’aura pas lieu ! » Mon observation reposait, entre autres, sur l’absence de débats d’idées antérieurs aux manifestations de mars, pourtant indispensables au jaillissement d’une pensée neuve et critique. En effet, chaque Grande révolution est précédée d’une période de fermentation des esprits. Il en fût ainsi pour les deux grandes : la Révolution française de 1789 avec les Lumières et la révolution d’Octobre avec Karl Marx.
Pour justifier sa volte-face, Achille Mbembé évoque les progrès accomplis par la France, avec la restitution des biens culturels, la saison Africa2020 et le FCFA. C’est une évidence, et c’est à mettre au crédit d’Emmanuel Macron. Cependant, la méthode questionne. Dans tous les cas cités, la France est à la manœuvre. L’Institut Montaigne, dans son ancien rapport « Prêts pour l’Afrique de demain ? », montre le vrai enjeu de notre nouvelle diplomatie : libérer les entreprises françaises d’une charge historique et politique qui handicape leur développement sur les marchés africains. Achille Mbembé n’est pas devenu brusquement naïf pour ignorer nos manœuvres soft power face à la Chine et aux autres pays émergents. La note diplomatique « L’effet Pangolin » nous édifie sur les relais de cette nouvelle stratégie : les intellectuels africains en sont la cible privilégiée !
Je n’accuse pas Achille Mbembé de prêter main-forte à la politique africaine de la France, mais d’être la triste figure de la tragédie des indépendances africaines. On attendait beaucoup des intellectuels révolutionnaires et panafricanistes, et de leurs promesses « messianiques » dans les années 60. Ce sont leurs propres contradictions qui éclatèrent en plein jour : à la fois tributaires et porte-voix d’idéologies exogènes comme le marxisme très agissant (car anti-impérialiste, donc anti-occidental), et aussi acteurs ou conseillers politiques de régimes néocolonialistes et/ou despotiques. Achille Mbembé a été aphone face au soulèvement des jeunes sénégalais. Renonce-t-il à s’immiscer dans la vie politique sénégalaise ? Pourquoi ne propose-t-il pas une garantie constitutionnelle d’un droit d’asile spécial en Occident pour les jeunes africains exposés aux balles de certains autocrates, à l’exemple de sa suggestion concernant le retour des Afro-américains victimes de racisme aux Etats-Unis ? A vrai dire, son silence ne serait-il pas la contrepartie de son passeport diplomatique accordé par Macky Sallou sa contribution au prochain sommet France-Afrique ? Ou les deux à la fois quand on sait que la France et le Sénégal, c’est du pareil au même ! Y a-t-il eu un deal ? Cette question mérite d’être posée quelle que soit la personnalité mise en cause. Accusateur du régime de Paul Biya, est-il souteneur de celui de Macky Sall, en dépit des jeunes manifestants morts ?
Je n’accuse pas Achille Mbembé d’apporter des solutions africaines dans la relation historique France-Afrique. Seulement, il trahit le processus de la décolonisation des esprits qu’il avait lancé à Dakar en ces termes : « Le moment culturel en Afrique est extrêmement fécond, et dans toutes les disciplines. La France n’en est pas du tout l’objet central. La grande question, c’est l’Afrique. Comment l’ouvrir à elle-même afin qu’elle redevienne sa force propre ? Ce n’est pas la France. Ni les Etats-Unis. Ni le colonialisme en tant que tel. C’est l’avènement de l’Afrique à son propre projet en tant que celui-ci participe d’une nouvelle donne planétaire. » La France, dans la nouvelle mission d’Achille Mbembé, redevient l’objet central ; et l’Afrique redevient un objet accessoire ! Achille Mbembé est la nouvelle « grenouille (de bénitier) » de la relation France-Afrique.
Achille Mbembé, qui débarquera à Montpellier avec son réseau d’intellectuels amis, donne une piètre image du renouveau intellectuel auquel j’ai cru. Il fait mal à ses aînés des années 30. Il fait mal aux propos de Me Abdoulaye Wade : « Seules la créativité et l’imagination peuvent sauver l’Afrique. » Et non le suivisme ! Dans ce sommet, sortira une liste de 110 propositions à la Mitterrandienne, où quelques-unes, à l’exemple du rapport Stora (Guerre d’Algérie), seront in fine piochées pour satisfaire les intellectuels africains et calmer, espérons-le, le sentiment anti-français. Surtout, il fait mal à l’avenir de la relation France-Afrique. En effet, quelle que soit leur part de sincérité, Emmanuel Macron et Achille Mbembé se trompent de méthodes et de direction.
La relation France-Afrique ne peut changer que s’il y a un effort accompli, individuellement et séparément, des deux rives de la Méditerranée. L’Afrique doit « redevenir sa propre force », en dehors de toute problématique relationnelle (cela dépend de sa propre prise de conscience et de ses actions !), et la France doit entrer dans une phase d’introspection. Personne ne peut s’immiscer dans ce travail de l’un et l’autre. Cette relation est en cours de convalescence, elle reste très fragile, nous l’avons mesurée lors des manifestations à Dakar : continuons à trouver nos nouvelles marques, sans instrumentalisation politicienne et géopolitique ! Ensuite, à travers les sommets, le temps de la thérapie de couple, sous le sceau de la Renaissance, viendra.
Il reste encore un bout de chemin à faire en France. En pleine saison Africa2020, des professeurs d’histoire, dans les lycées français, apprennent que les africains des zoos humains du début du XXème siècle, étaient des acteurs (donc volontaires) ! Quelle hérésie, par ailleurs, de vouloir faire découvrir les cultures africaines (Saison Africa2020) alors que nous ne connaissons même pas notre propre histoire et culture afro-européenne ! Et sincèrement, quel a été l’impact de cette saison Africa2020 ? Sans doute celui de créer de nouveaux réseaux France-Afrique pour le plus grand bonheur d’Achille Mbembé et de son amie N’Goné Fall ! A ce propos, quel est le coût de cette Saison « fantôme » Africa2020 et des missions « infécondes » d’Achille Mbembé en Afrique pour le compte du futur Sommet ? Quand on sait que nos jeunes étudiants crèvent la dalle !
Mes propositions (du côté de la France) sont gratuites, pas besoin de missions !
Proposition 1 : Déprésidentialiser la relation France-Afrique (suppression du Conseil présidentiel pour l’Afrique, et suppression des discours présidentiels paternalistes en Afrique, genre Dakar et Ouagadougou).
Proposition 3 : Reconnaître et enseigner l’histoire et la culture afro-européenne dans une dimension de métissage.
Proposition 4 : Remplacer le Sommet France-Afrique par celui d’Europe-Afrique.
Proposition 5 : Favoriser une économie humaine et de proximité autour d’alliances centrées sur nos TPE et PME, et laisser-faire nos multinationales qui ne nous rapportent pas grand-chose.
Proposition 6 : Créer des Maisons de la Diaspora dans les grandes villes françaises (avec missions économiques et culturelles, et lobbying dans les deux sens).
Proposition 7 : Créer une grande Agence de développement diasporique (avec un conseil d’administration à parts égales entre Européens et Africains).
Proposition 8 : Créer un média public Euro-africain destiné à diffuser l’info africaine en Europe (idem un conseil d’administration partagé à parts égales entre l’Afrique et l’Europe).
Proposition 9 : Créer un musée sur l’histoire coloniale en France et au Sénégal (à Thiaroye).
Proposition 10 : Promouvoir la convention onusienne pour les migrants avec l’ambition d’une réforme profonde des visas.
Je terminerai par l’avertissement de Norbert N. Ouendji, aux intellectuels africains : « Tout se passe comme si l’Afrique, enfoncée dans le présent et étranglée par les impératifs de la survie, n’avait guère le temps de penser (…). Pourtant, la nécessité d’une pensée neuve et critique sur les transformations en cours sur le continent n’a jamais été aussi impérieuse. »