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25 avril 2025
Diaspora
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ATTIRER LES INVESTISSEURS AMÉRICAINS
Forum de Saint-Louis - Ouvrir une porte d'entrée, au Sénégal, pour le secteur privé américain - L'investisseur cherche avant tout un partenaire local - Entretien avec René Lake
Le patron de RSL Strategies, Rene Lake, est convaincu que l'investisseur américain n'est pas toujours ce partenaire arrogant qui vient pour imposer ses idées.
Au contraire, ce qu'il faut comprendre selon Lake, c'est que ce dernier a besoin de la validation locale qui est le gage de la viabilité de son projet.
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par Abdoul Aziz Diop
SONKO AGGRAVE SON CAS MALGRÉ LA BAFFE REÇUE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
EXCLUSIF SENEPLUS - Tout commence par un viol - celui du couvre-feu en mars 2021-, et se poursuit par un viol - celui de la Constitution en avril 2025. Le multirécidiviste ne sait toujours pas que ladite opposition est surprotégée par le peuple du Sénégal
Le 2 mars 2020, le Sénégal enregistre son premier cas de Coronavirus. Le pays rentre alors dans le tourbillon de la pandémie de Covid-19. L'état d'urgence assorti d'un couvre-feu de 21h00 à 05h00 est instauré le 5 janvier 2021 pour les régions de Dakar et Thiès où se concentre la grande majorité des contaminations. La mesure est reconduite pour un mois le 20 janvier. Le samedi, 20 février 2021, le gouvernement du Sénégal annonce une prolongation pour un mois du couvre-feu. En clair, cela veut simplement dire qu’à compter du 20 février 2021, et ce jusqu’au 20 mars 2021, interdiction est faite aux populations des régions de Dakar et Thiès de circuler de 21h00 à 05h00. En droit facile, le but de la mesure avait été de permettre aux Forces de défense et de sécurité (FDS) de protéger les populations de la grave crise sanitaire à laquelle faisait face le monde entier. C’est le moment choisi par l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko pour sortir nuitamment de chez lui, violant le couvre-feu et attestant par là même d’un acte transgressif majeur d’où découlèrent les déferlements de violences sans précédent de mars 2021 et de juin 2023.
Le 14 juin 2023, des journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, Togolais pour la plupart, adressent une lettre ouverte à maître Sidiki Kaba, ministre des Forces armées du Sénégal, dans laquelle on peut lire le commentaire que leur inspirent les événements malheureux survenus chez nous 13, 12 et 11 jours plus tôt. En voici, pour l’essentiel, la teneur : « Nous sommes profondément indignés, préoccupés et très inquiets de la reculade à l’allure vertigineuse du niveau de la démocratie et des droits de l'homme en République du Sénégal, qui était considérée en la matière comme l'un des modèles en Afrique subsaharienne. »
À cela nous réagissons, dans une tribune datée du 20 juin 2023, en ces termes (extrait) : « La lettre ouverte des journalistes, des avocats et défenseurs des droits l’homme transcende la personne du ministre des Forces armées de la République du Sénégal, interpellant par la même occasion le gouvernement du Sénégal pour lui demander de tirer au clair les entorses gravissimes au maintien de l’ordre et au respect des droits de l’homme auquel le Sénégal ne saurait déroger sans perdre sa place enviable de locomotive politique dans une sous-région ouest africaine en proie à d’anciens et nouveaux phénomènes de déstabilisation. »
Pour celles et ceux dont l’intérêt pour notre modeste personne et nos modestes contributions au débat ne nous ont jamais fait défaut, notre désapprobation de la loi d’amnistie n° 2024-09, avant et après son vote le 6 mars 2024 par l’Assemblée nationale, n’était pas dictée par la fin de notre compagnonnage avec l’ancien président Macky Sall dont nous nous sommes séparé en démissionnant de son parti et de son cabinet le 19 juillet 2023.
Immobilisme bavard
Le changement de régime intervenu le 24 mars 2024 correspond à une séquence nouvelle dont les points saillants au terme d’une année d’immobilisme et de recul bavard sont la dissolution, le 12 septembre 2024, de l’Assemblée nationale par le président élu Bassirou D. D. Faye, la convocation du corps électoral et la tenue des élections législatives du 17 novembre 2024 couronnées par le succès électoral sans équivoque de la coalition Pastef dirigée par sa tête de liste Ousmane Sonko.
Le moment est enfin venu pour ce dernier de faire sa déclaration de politique générale. Le 27 décembre 2024, devant les députés de la majorité et de l’opposition réunis au grand complet, le Premier ministre Ousmane Sonko déclare : « Il sera proposé à votre auguste assemblée, dans les semaines à venir, un projet de loi rapportant la loi d’amnistie votée le 6 mars 2024 par la précédente législature ; pour que toute la lumière soit enfin faite et les responsabilités situées, de quelque bord qu’elles se situent. » En termes de législature, rapporter une loi signifie « retirer, révoquer, annuler une loi ». Au lieu de cela, la majorité se contente d’une proposition de loi interprétative de la loi d’amnistie faite par le député Pastef et 6ème vice-président de l’Assemblée nationale Amadou BA N° 2. En son article premier ladite dispose : « Au sens de l’article premier de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie, sont exclus du champ de l’amnistie les faits survenus entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique, et qualifiés notamment d’assassinats, de meurtres, de crimes de torture, d’actes de barbarie, de traitements inhumains, cruels ou dégradants, même si ces faits se rapportent à des manifestations, quelle qu’en soit la motivation, et indifféremment de leurs auteurs. » Cet énoncé porte amendement du même article dont la teneur initiale est : « Au sens de l'article 1 de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024, sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle, ayant exclusivement une motivation politique y compris ceux commis par tous supports de communication, entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu'à l'étranger. Ainsi, les faits se rapportant à des manifestations ne sont compris dans le champ de la loi que s'ils ont une motivation exclusivement politique. »
« Les faits sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique » se substituent alors aux « faits ayant exclusivement une motivation politique » pour éteindre le brasier de la polémique qui enfle partout dans le pays et sa Diaspora pour cause de discrimination des citoyens scindés en deux groupes dont le premier libre de tout mouvement épingle un second destiné aux bancs des accusés.
Adoptée par l’Assemblée nationale le 2 avril 2025, ladite loi interprétative est aussitôt attaquée par l’opposition parlementaire dont l’unique groupe Takku Wallu Sénégal (« Mobilisons-nous pour sauver le Sénégal ») est présidé par l’avocate et ancienne ministre de la Justice Aïssata Tall Sall. Il s’agit, pour elle et 22 autres députés de l’opposition, d’un « recours en inconstitutionnalité contre la loi n° 08/25 de l’Assemblée nationale du 02/04 avril/2025 portant interprétation de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie ».
Dans sa décision n° 1/C/2025, datée du 23 avril 2025, le Conseil constitutionnel, dont 5 des membres sur 7 ont délibéré, estime que « le législateur ne saurait, par une loi dite interprétative, ni faire obstacle à la répression de crimes imprescriptibles, ni priver de leur portée les principes relatifs à la sauvegarde de la dignité humaine, motif pris de ce que ces crimes seraient liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ». « Considérant qu’au sens de l’alinéa 2 de la loi attaquée, les faits tenus pour criminels d’après les règles du droit international, notamment l’assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, sont inclus dans le champ de l’amnistie lorsqu’ils ont un lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ; qu’en incluant ainsi dans le champ d’application de la loi portant amnistie des faits imprescriptibles au regard des engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, l’alinéa 2 de l’article premier de la loi n° 08/2025 du 02 avril 2025, viole la Constitution. »
« L’article premier de la loi nº 08/2025 adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 2 avril 2025 est contraire à la Constitution », décide irrévocablement le Conseil constitutionnel.
Conclusion
Tout commence par un viol - celui du couvre-feu en mars 2021-, et se poursuit par un viol - celui de la Constitution en avril 2025. Dans les deux cas de viol, le même transgresseur - le chef politique de la majorité et Premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko -, désigne un coupable dont l’identité échappe à toutes les grandes et moins grandes juridictions du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, M. Sonko aggrave son cas en injuriant publiquement, par écrit, l’opposition démocratique et républicaine dont les membres sont qualifiés de « résidus d’opposition ». C’est que le multirécidiviste ne sait toujours pas que ladite opposition est surprotégée par le peuple du Sénégal souverain qui proclame, dans le préambule de la Constitution, « la volonté du Sénégal d'être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ».
Inutile, pour notre part, d’en rajouter dès lors qu’une série de viols à laquelle un individu prend goût se termine toujours par le viol de trop qui vient.
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DU SOUVERAINISME À LA SÉNÉGALAISE
"C'est une manœuvre beaucoup plus habile que ce qui est fait dans d'autres pays de la région", analyse un spécialiste, tandis qu'un autre met en garde contre "les espoirs déçus". Le modèle sénégalais de souveraineté suscite des interprétations contrastées
(SenePlus) - Un vent de changement souffle sur l'Afrique de l'Ouest, particulièrement au Sénégal où le président Bassirou Diomaye Faye incarne cette nouvelle tendance souverainiste. À l'occasion de la fête de l'indépendance du 4 avril, le symbolisme n'a pas manqué lorsque le boulevard Général-de-Gaulle a été rebaptisé boulevard Mamadou-Dia, du nom d'un héros de l'indépendance.
Dans son discours à la nation, le président a clairement identifié la monnaie comme un enjeu de souveraineté : "Tous les pays du monde disposent de trois principaux moyens pour financer leur économie : la fiscalité, l'endettement et la monnaie. Or, avec le franc CFA, le Sénégal se prive d'un instrument essentiel", a-t-il déclaré en wolof, comme le rapporte Jeune Afrique.
Face à ce qu'il perçoit comme une inertie de la Cedeao concernant la création de l'eco, Bassirou Diomaye Faye propose que l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) prenne l'initiative "d'une monnaie souveraine avec un nom, un symbole et des billets distincts".
Élu dès le premier tour le 24 mars 2024, le président porte un discours de changement radical. Son parti, Pastef, défend "la nécessité de trouver de nouvelles voies de développement économique et social" pour mettre fin à la "dépendance-soumission à l'extérieur", avec une référence à peine voilée à l'ancienne puissance coloniale française.
Un financier actif dans la région, cité par JA, note que si "ces discours ne sont pas nouveaux", le contexte actuel marque une vraie différence : "Jusqu'à récemment, tous ces pays étaient gérés de manière post-coloniale, avec des dirigeants et des hauts fonctionnaires formés en Occident, qui cultivaient des liens avec les grandes institutions financières internationales. [...] Nous assistons donc à un changement profond de paradigme."
Au lendemain de sa prestation de serment en avril 2024, Bassirou Diomaye Faye a lancé une série d'audits sur les contrats pétroliers et gaziers conclus par le Sénégal, notamment ceux du champ de Sangomar, géré par l'australien Woodside, et du projet gazier offshore Grand Tortue Ahmeyim (GTA), partagé avec la Mauritanie et exploité par British Petroleum.
Contrairement à l'approche plus frontale adoptée par certains pays voisins comme le Mali dans le secteur minier, la démarche sénégalaise se veut plus nuancée. "Les audits lancés par les autorités sont très spécifiques et concernent essentiellement la réalité des dépenses engagées par les multinationales. C'est une manœuvre beaucoup plus habile, moins frontale que ce qui est fait dans d'autres pays de la région", analyse Joël Té-Lessia Assoko, auteur de l'ouvrage "Enterrer Sankara".
Plus d'un an après les annonces du successeur de Macky Sall, les résultats de ces audits se font encore attendre. Pour l'économiste togolais Kako Nubukpo, "ces dernières décennies, les alternances politiques n'ont pas proposé de politiques économiques alternatives. Il y a une donc une forte demande de souveraineté de la part de la jeunesse ouest-africaine. Les promesses faites par les nouvelles autorités du Sénégal tardent à produire des effets. Attention aux espoirs déçus."
Le souverainisme économique pourrait-il donc n'être qu'un discours sans conséquences concrètes ? Joël Té-Lessia Assoko suggère que "c'est parfois beaucoup de bruit pour, finalement, des conséquences économiques très limitées". Il fait remarquer que malgré la rhétorique anti-institutions occidentales, les pays qui se réclament du souverainisme continuent de s'adresser au FMI et à la Banque mondiale dès qu'ils en ont besoin.
Si la vraie recette du souverainisme économique restait à inventer ? Kako Nubukpo, malgré ses réserves, voit une opportunité : "Cette opportunité peut être saisie pour proposer des modèles différents, conquérir le marché intérieur en accélérant la transformation locale des matières premières que nous produisons."
Le Sénégal, avec son approche plus mesurée que celle des juntes militaires voisines, pourrait-il tracer une voie médiane, alliant aspiration à plus de souveraineté et pragmatisme économique ? L'histoire est en train de s'écrire, mais les enjeux sont immenses pour une jeunesse sénégalaise qui attend des résultats concrets au-delà des symboles et des discours.
TEMPÊTE SUR L'ITA
Des cadres de l'Institut de technologie alimentaire (ITA) tirent la sonnette d'alarme face à ce qu'ils qualifient de "gouvernance scandaleuse" du nouveau DG. Ils dénoncent un climat délétère qui risque de mener la structure droit dans le mur
Mécontents de la gestion “cavalière” de leur outil de travail, des cadres de l'Institut de technologie alimentaire (ITA) ont contacté ‘’EnQuête’’ pour fustiger ce qu'ils considèrent comme une gouvernance scandaleuse qui mène la structure droit vers le mur.
Rien ne va plus à l'Institut de technologie alimentaire (ITA). Depuis quelques jours, voire des semaines, la direction et les personnels se regardent en chiens de faïence. Les travailleurs, n'en pouvant plus d'évoluer dans ce climat délétère, ont décidé de sortir de leur mutisme et prennent à témoin l'opinion sur des dysfonctionnements graves qui risquent d'impacter négativement la structure. Des dysfonctionnements qu'ils imputent au nouveau directeur général. “Sa gouvernance est pire que ce que nous avons connu avec l'ancien directeur et que le personnel dénonçait”, accuse d'emblée un des représentants du personnel qui s'est confié à "EnQuête".
Notre interlocuteur rappelle d'ailleurs que la semaine dernière, les travailleurs avaient alerté avec le port de brassards rouges, mais le directeur n'a rien voulu entendre ; ce qui les pousse à vouloir passer à la vitesse supérieure. “Une réunion d'évaluation est d'ailleurs prévue aujourd'hui', rapporte la source.
Mais quels sont donc les griefs contre la nouvelle administration ? Ils sont de plusieurs ordres. Depuis quelque temps, les activités de recherche sont au ralenti au niveau de certains services. Le directeur, selon les représentants des travailleurs, fait tout pour empêcher certains chefs de service de faire leur job.
“Comme il ne peut pas grand-chose contre certains chefs de service qui sont statutairement protégés, il fait tout pour les bloquer dans leur fonctionnement. Par exemple, avant, il y avait des réunions auxquelles participaient tous les chefs de service ; il ne les tient plus. Il se réunit juste avec son staff et après nous transmet ses décisions. Il n'y a presque plus de véritables activités de recherche”, dénonce notre interlocuteur.
Copinage dans la gestion des personnels
Les impacts sont déjà palpables au niveau de la plupart des services de l'ITA. C'est le cas, par exemple, avec le projet agropole. Lequel aurait été enlevé au cadre qui jusque-là s'en occupait et qui y a fait d'excellents résultats. “On l'a enlevé juste parce qu'il était nommé à ce poste par son prédécesseur. Aujourd'hui, le projet marche au ralenti, parce qu'au niveau supérieur on connait l'ancien responsable”, renseigne notre source.
La direction a également pris des mesures qui risquent d'entraver le projet de l'institut relativement au développement des pôles territoires. “Comme vous le savez, l'État veut mettre en place des pôles territoriaux, avec une volonté de développer des filières dans chaque pôle. L'ITA doit jouer un rôle important dans cette perspective, avec notamment la mise en place d’antennes. Pour empêcher certains d'avoir des responsabilités, le directeur a supprimé une zone, dans le seul but de combattre un des responsables”, regrette notre source.
Faible plateau technique, absence de motivation
Pour lutter contre ces dérives et sortir l'ITA de l'impasse dans laquelle il se trouve depuis des semaines, les travailleurs ont engagé le bras de fer et somment la direction de revenir à l'orthodoxie et au respect des partenaires sociaux. Dans un document reçu à ‘’EnQuête’’, ils reviennent sur leurs différentes revendications.
En ce qui concerne les recrutements et la gestion de la carrière des agents, ils exigent une plus grande implication des partenaires sociaux ; plus de justice et de transparence dans la gestion de la carrière. Les travailleurs demandent aussi la finalisation de certains textes réglementaires et de tous les points d'accord du protocole conclu avec l'ancienne administration.
En sus de ces revendications, les agents réclament également de meilleures conditions de travail et plus de motivation. Dans le même sillage, ils demandent des mesures pour renforcer le plateau technique, indispensable pour permettre aux chercheurs de faire leur travail. La plateforme parle également de l'amélioration de l’environnement de travail “pour la sécurité du personnel, conformément à la réglementation en vigueur”.
Les travailleurs exigent, en outre, “la réparation des toilettes défectueuses, l'aménagement d’un système de drainage de l’eau de pluie, etc.”. Pour eux, il est indispensable que la direction traite les agents et les services avec la même dignité, le même respect. “Aujourd'hui, tous les projets sont orientés vers son domaine : phyto, lutte contre les nuisibles au détriment de l'agroalimentaire. Aussi, il y a trop de copinage dans la gouvernance”, dénoncent les délégués des travailleurs.
Après plusieurs tentatives restées infructueuses, ‘’EnQuête’’ a réussi à entrer en contact, hier, avec le directeur, M. Guèye, vers les coups de 18 h. Ce dernier a, dans un premier temps, sollicité de notre part de rappeler vers 20 h, puisqu'il était en route. Comme convenu, nous avons essayé à plusieurs reprises de le rappeler, en vain. Tantôt les appels tombaient dans la boite vocale, tantôt ça sonnait dans le vide. Nous lui avons alors laissé un message auquel il a réagi vers les coups de 21 h 30. C'était pour voir si l’on peut sursoir à la publication, parce qu'il était toujours en route pour Saint-Louis, a-t-il précisé.
Nos colonnes lui sont ouvertes pour donner sa version des faits quand il le souhaitera.
L'ACCUSATION FANTÔME CONTRE MACKY SALL
Le Pastef veut juger l'ex-président pour "haute trahison", une infraction invisible dans les codes. Sans définition légale, sans jurisprudence, sans précédent au Sénégal : jamais procédure judiciaire n'aura reposé sur des fondations aussi fragiles
(SenePlus) - La confrontation entre le nouveau pouvoir et Macky Sall a pris un tournant judiciaire inédit. L'ex-président est visé par une procédure pour "haute trahison", une première dans le pays. Mais cette accusation, qui repose sur de présumées manipulations des chiffres de la dette publique, navigue en eaux troubles : aucun texte au Sénégal ne définit ce crime constitutionnel.
La proposition s'appuie sur un rapport explosif de la Cour des comptes qui a "mis le pays en émoi", comme le rapporte Jeune Afrique. Ce document accuse l'administration précédente d'avoir "minoré frauduleusement le montant de la dette publique" et, inversement, d'avoir "surévalué celui du PIB".
Pour Guy Marius Sagna, député de la majorité présidentielle qui a déposé la résolution le 11 avril dernier, ces manœuvres constituent "une politique de dissimulation systématique, de manipulation des chiffres publics et de mise en péril de la souveraineté financière de l'État", ce qu'il qualifie de "manquement d'une exceptionnelle gravité pouvant être qualifié de haute trahison au sens de l'article 101 de la Constitution", comme le cite JA.
Cette initiative n'a rien de surprenant. Selon le magazine panafricain, "plusieurs semaines" avant le dépôt de cette résolution, "le porte-parole du gouvernement, Moustapha Njëkk Sarré, n'avait-il pas prophétisé qu'« inévitablement, Macky Sall fera face à la justice » ?"
Des obstacles juridiques majeurs
Si l'adoption de la résolution semble acquise d'avance, compte tenu de la "majorité écrasante" dont dispose le parti Pastef à l'Assemblée nationale, son application se heurterait à plusieurs difficultés juridiques majeures, souligne Jeune Afrique.
Premier écueil, et non des moindres : "ni la Constitution, ni la loi organique sur la Haute Cour de justice, ni le code pénal ne fournissent la moindre définition de la 'haute trahison'". Cette absence de définition contrevient au principe fondamental de légalité des délits et des peines, selon lequel nul ne peut être condamné pour un crime qui n'aurait pas été préalablement défini par la loi.
Autre difficulté relevée par Jeune Afrique : dans les 56 pages du rapport de la Cour des comptes, "ce corps de contrôle ne mentionne nulle part le nom de l'ex-chef de l'État", ce qui fragilise considérablement la procédure.
Un concept rarissime sur le continent africain
L'infraction de "haute trahison" reste exceptionnelle dans la jurisprudence internationale, particulièrement en Afrique. Historiquement, ce chef d'accusation a plutôt été utilisé dans des contextes de collaboration avec l'ennemi, comme lors de la condamnation du maréchal Pétain en France en 1945, ou plus récemment celle de l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch en 2019, rappelle le magazine.
Dans un article de 2022 sur "le statut judiciaire de l'ancien président de la République" dans les pays francophones d'Afrique subsaharienne, Jean-Michel Olaka, enseignant-chercheur à l'Université Marien-Ngouabi de Brazzaville, cité par Jeune Afrique, précise que seulement une poignée de pays du continent définit cette infraction dans leur Constitution.
Au Tchad, elle inclut "tout acte portant atteinte à la forme républicaine, à l'unicité et à la laïcité de l'État", tandis qu'au Bénin, la définition reste "partiellement vague", englobant la violation du serment présidentiel ou "d'acte attentatoire au maintien d'un environnement sain".
Selon l'analyse de Jeune Afrique, la situation au Sénégal s'apparenterait davantage au cas brésilien de Dilma Rousseff, destituée en 2016 pour "maquillage des comptes publics". Toutefois, contrairement à l'affaire brésilienne, Macky Sall n'est plus en fonction, et la procédure d'impeachment n'avait pas débouché sur une condamnation pénale de l'ex-présidente.
Une "distraction massive" selon les proches de Macky Sall
Les partisans de l'ancien président dénoncent une manœuvre politique. Yoro Dia, ancien porte-parole de la présidence sous Macky Sall, fustige "une nouvelle tentative de distraction massive de Pastef, dont le Projet a pour moteur le 'détestisme'", selon ses propos recueillis par JA.
Il ironise en comparant la situation à celle d'autres pays : "Si Macky Sall devait être poursuivi pour haute trahison, que dire de la France où l'endettement public atteignait 113% du PIB à la fin de 2024, ou aux États-Unis où il était de 125% ? Emmanuel Macron va-t-il être condamné à la prison à perpétuité et Joe Biden à la chaise électrique ?"
LE SYSTÈME BRETTON WOODS À L'ÉPREUVE DE TRUMP
Après avoir claqué la porte de plusieurs organisations internationales, le président américain fait retenir son souffle au FMI et à la Banque mondiale. Premier contributeur, Washington pourrait bouleverser ces piliers de la stabilité financière mondiale
(SenePlus) - Dans un contexte économique mondial tendu, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale tiennent cette semaine à Washington leurs premières réunions depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine. Ces deux piliers du système économique international, nés des accords de Bretton Woods en 1944, font face à des remises en question sans précédent de la part de l'administration Trump, comme le rapporte Le Monde.
"Nous vivons dans un monde de revirements soudains et radicaux", a déclaré Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, le 17 avril dernier, précisant que cette situation "nous impose de réagir avec sagesse". Une déclaration qui intervient alors que Donald Trump a demandé une revue complète, d'ici le mois d'août, de toutes les participations américaines dans les organisations internationales.
Cette remise en question intervient dans un contexte où le FMI vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2025, à 2,8%, soit une réduction de 0,5 point de pourcentage par rapport à janvier. Cette révision est directement liée à l'offensive protectionniste de l'administration Trump.
Le FMI, qui a traditionnellement évité d'aborder frontalement la question des déséquilibres commerciaux, semble désormais prendre en compte les préoccupations de Donald Trump. L'institution pointe du doigt "une consommation trop faible en Chine, qui pousse cette dernière à écouler sa production vers le reste du monde et, a contrario, d'une demande américaine si élevée qu'elle creuse son déficit commercial et augmente sa dette", comme le souligne Le Monde.
Cette nouvelle approche paraît être une réponse au "principal grief de Donald Trump, à savoir que les Etats-Unis financent les excédents commerciaux du reste du monde en creusant leurs propres déficits."
Premier contributeur du FMI avec 16,1% des droits de vote (contre 6,1% pour la Chine), les États-Unis disposent d'un droit de veto sur les décisions importantes de l'institution. Si un retrait complet des États-Unis semble peu probable, certains analystes envisagent des scénarios où "les États-Unis pourraient contraindre le FMI à restreindre ses prêts en direction de certains pays rivaux ou alignés sur la Chine", selon William Jackson, économiste chez Capital Economics, cité par le quotidien français.
Elizabeth Shortino, ancienne directrice exécutive du FMI, souligne dans une note publiée mi-avril par l'Atlantic Council que "le coût de sa participation est faible alors que son rôle dans la lutte contre les crises financières est inestimable pour l'économie américaine". Elle ajoute qu'un retrait américain permettrait à la Chine, qui "se pose en nouvelle gardienne d'un ordre économique mondial fondé sur des règles, de jouer un rôle de premier plan dans l'institution."
Le FMI, dont la mission principale est d'assurer la stabilité du système financier international, dispose de réserves s'élevant à 1 000 milliards de dollars (environ 872 milliards d'euros) pour venir en aide aux pays en difficulté comme l'Égypte, le Pakistan ou l'Argentine. L'institution joue également un rôle central dans la restructuration de la dette des pays pauvres.
Dans ce contexte de tensions géopolitiques accrues et de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, les discussions qui se tiennent cette semaine à Washington revêtent une importance particulière pour l'avenir du système économique mondial tel que nous le connaissons depuis près de 80 ans.
LE FIASCO JURIDIQUE DE PASTEF
"Un comble de narcissisme et de bêtise populiste" : c'est en ces termes que la République des valeurs dénonce la communication du régime suite à la décision du Conseil constitutionnel. Il fustige le parti au pouvoir pour sa "déraison"
Dans un communiqué acerbe, la République des valeurs/Réewum Ngor fustige le régime Pastef pour sa "déraison" et son "incompétence", pointant notamment le considérant 31 de la décision qui interdit explicitement l'amnistie de crimes graves comme l'assassinat, le meurtre ou la torture, même lorsqu'ils sont liés à l'exercice d'une liberté publique.
"La décision du Conseil constitutionnel n° 1/C/2025, déclarant contraire à la Constitution la loi portant interprétation de l’amnistie, constitue un camouflet pour le régime Pastef et ses juristes autoproclamés. Il est pour le moins curieux de constater qu’ils persistent dans la manipulation, tentant de faire passer une décision censurant leur loi pour une décision qui leur donnerait raison. Le comble du narcissisme et de la bêtise populiste.
Voici ce qu’il convient de retenir de cette décision du Conseil constitutionnel :
1. Les arguments soulevés dans les mémoires de l’Agent judiciaire de l’État et du Président de l’Assemblée nationale pour faire déclarer irrecevable la requête des députés de l’opposition n’ont pas convaincu le juge constitutionnel.
2. La loi dite interprétative modifie en réalité substantiellement la loi portant amnistie. À ce titre, elle doit être considérée, au regard de son contenu, comme une loi pénale plus sévère, insusceptible de rétroactivité. Contrairement au discours tenu par Pastef, cette loi n’était interprétative que dans son intitulé : sur le fond, elle constituait une modification de la loi d’amnistie.
3. L’article 1er, alinéa 2, de cette loi prétendument interprétative, qui permettait l’amnistie de crimes imprescriptibles (assassinat, meurtre, torture, actes de barbarie, etc.) dès lors qu’ils sont liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique, viole la Constitution (voir considérant 31).
Contrairement à la communication de PAstef, fondée sur la manipulation, le considérant 31 de la décision du Conseil constitutionnel rejette fermement cette tentative de contournement juridique. Le juge constitutionnel rappelle clairement que ces crimes imprescriptibles ne peuvent faire l’objet d’une amnistie, même lorsqu’ils sont liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique.
C’est à se demander s’il ne règne pas au sein de Pastef une épidémie de déraison entretenue par un gourou comme dans certaines sectes apocalyptiques. Après avoir trouvé matière à interpréter une loi d’amnistie d’une clarté manifeste, les voilà récidiver en se glorifiant d’une décision qui étale toute leur incompétence."
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POUR AMADOU BA, CEUX QUI PARLENT DE REJET DE LA LOI INTERPRÉTATIVE DE L’AMNISTIE SE TROMPENT
Le député dénonce une "désinformation" autour de la décision du Conseil constitutionnel. "Je ne comprends pas l'agitation de certaines à aller dire au public que la loi d'amnistie a été censurée, c'est faux", défend-il
Le Conseil constitutionnel vient de rendre une décision majeure concernant la loi interprétative 08-2025, déposée par les députés de Pastef et votée le 2 avril dernier. Cette décision, loin de constituer un rejet total comme certains l'affirment, établit un principe fondamental concernant les limites de l'amnistie au Sénégal, selon Amadou Ba, initiateur du texte.
D'après les explications du député, invité de l'émission "Soir d'infos" sur TFM mercredi 23 avril, le Conseil constitutionnel a confirmé que "les crimes de sang, assassinats, meurtres et tortures ne peuvent être couverts par une loi d'amnistie", conformément aux engagements internationaux du pays. Le considérant 31 de la décision marque ainsi, selon lui, une évolution notable par rapport à la jurisprudence antérieure de 2005, qui accordait au législateur un pouvoir quasiment illimité en matière d'amnistie.
Cette clarification juridique ouvre désormais la voie aux victimes et aux familles des personnes assassinées ou torturées pour saisir les tribunaux et faire valoir leurs droits, dès la publication de la décision au Journal officiel, à en croire le parlementaire. "Toutes les victimes vont pouvoir brandir ce considérant 31 et se présenter devant les procureurs des différentes juridictions de ce pays", souligne-t-il.
À l'en croire, le Conseil a certes censuré une partie du texte concernant l'exclusion du bénéfice de l'amnistie pour ceux qui "exerçaient une liberté publique ou démocratique", mais cette censure partielle ne remet pas en cause l'objectif principal visé par les auteurs de la loi.
Le député a également justifié le choix d'une loi interprétative plutôt qu'une abrogation totale, qui aurait pu entraîner le retour en prison de toutes les personnes libérées et provoquer une désorganisation judiciaire conséquente.
Cette décision du Conseil constitutionnel intervient dans un contexte politique tendu, alors que l'Assemblée nationale s'apprête également à examiner la mise en accusation de cinq anciens ministres devant la Haute Cour de Justice, pour des faits qui concerneraient notamment la gestion des fonds Covid.
LES ÉVANGILES SELON MAGA
Milliardaires athées, théologiens réactionnaires, complotistes et évangéliques s'unissent sous la bannière du nationalisme chrétien avec un objectif : "mettre fin à la démocratie américaine telle que nous la connaissons", révèle Katherine Stewart
(SenePlus) - Katherine Stewart, journaliste américaine qui a infiltré pendant plus de quinze ans les mouvements nationalistes religieux américains, dévoile les dessous de cette puissante machine politique dans un entretien accordé au journal Le Monde paru ce 23 avril 2025. Son analyse, issue de son dernier ouvrage "Money, Lies and God: Inside the Movement to Destroy American Democracy", déconstruit méthodiquement ce mouvement qu'elle considère comme une menace réelle pour la démocratie américaine.
Le nationalisme chrétien américain, explique Stewart, réunit sous la bannière MAGA (Make America Great Again) des acteurs aux profils étonnamment divers : "des prétendus 'apôtres' de Jésus, des milliardaires athées, des théologiens catholiques réactionnaires, des intellectuels pseudo-platoniciens, des opposants à la 'gynocratie' qui détestent les femmes, des évangéliques à la tête de réseaux puissants, des pronatalistes, des complotistes du Covid-19". Malgré cette apparente hétérogénéité, la journaliste souligne que "ces groupes éclectiques peuvent sembler ne pas avoir grand-chose en commun, mais leur objectif est le même : mettre fin à la démocratie aux États-Unis telle que nous la connaissons."
Ce mouvement repose sur "quatre piliers" idéologiques : "une vision identitaire de l'Amérique, définie comme une nation fondamentalement chrétienne ; la victimisation, qui consiste à prétendre que la discrimination viserait avant tout les chrétiens conservateurs ; le catastrophisme et l'autoritarisme." Mais contrairement aux apparences, le nationalisme chrétien "ne relève pas de la spiritualité. Il n'est pas nécessaire d'être chrétien pour être un nationaliste chrétien, et beaucoup de chrétiens patriotes ne veulent rien savoir de ce mouvement."
L'enquête de Katherine Stewart révèle que derrière l'image d'un mouvement populaire spontané se cache une organisation rigoureuse et extrêmement bien financée. "L'un des plus grands mythes à propos de ce mouvement est qu'il vient d'en bas", affirme-t-elle au Monde. "Bien plus qu'un simple phénomène social, c'est d'un vaste mouvement façonné par une élite déterminée qu'il s'agit."
Cette machine politique s'appuie sur trois piliers : "les bailleurs de fonds : des milliardaires, qui ont décidé d'investir leur fortune dans la destruction de la démocratie", "des penseurs [qui] fournissent l'armature intellectuelle au mouvement" et enfin "ceux que j'appelle des 'sergents', déployés sur le terrain, qui font en sorte que l'argent et les messages du mouvement permettent de gagner des votes, en s'adaptant au contexte local."
La journaliste cite notamment l'exemple de la Fondation Lindsey qui, "entre 2019 et 2022, a versé plus d'1 million de dollars (près de 880 000 euros) à une nouvelle organisation, Faith Wins, destinée à mobiliser les pasteurs des églises conservatrices dans les États pivots pour faire gagner le vote républicain pro-Trump."
La manipulation des "valeurs bibliques"
L'un des aspects les plus frappants de cette stratégie réside dans l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques. Les "sergents" du mouvement "sillonnent le pays, faisant des présentations dans des églises devant des dizaines, voire des centaines, de pasteurs, à qui l'on explique comment amener leurs fidèles à voter 'selon les valeurs bibliques'."
Mais Stewart souligne que "les 'valeurs bibliques' sur lesquelles ils s'appuient ne sont pas celles du christianisme, telles que beaucoup, sinon la plupart des Américains, l'entendent. Il n'est pas question d'attention portée aux plus humbles, de l'amour de son prochain." Ces valeurs sont réduites à quelques questions sociétales clivantes comme l'avortement ou le mariage homosexuel, "parce qu'ils savent que si vous pouvez amener les gens à voter sur deux ou trois questions-clés, vous pouvez contrôler leur vote."
La journaliste rappelle d'ailleurs que "le Parti républicain d'aujourd'hui, 'pro-life', est une création moderne" et que "pour comprendre cela, il faut remonter à la fin des années 1970, à une époque où la plupart des républicains soutenaient le droit à l'avortement et le considéraient comme conforme aux valeurs protestantes de responsabilité personnelle." L'opposition à l'avortement a été stratégiquement choisie comme "cheval de bataille" car touchant "à la sexualité et à l'insécurité des gens concernant l'évolution des mœurs et de la famille".
Au cœur de cette stratégie se trouve également un appareil intellectuel sophistiqué. Stewart cite notamment l'influence de théoriciens comme Carl Schmitt, philosophe nazi, dont le concept d'"état d'exception" a été repris par les penseurs de cette droite radicale : "nous serions confrontés à une situation d'urgence absolue à cause du libéralisme, du wokisme, etc. Tous les moyens sont bons pour vaincre cet ennemi intérieur [...] Nous avons donc besoin d'un homme fort."
La journaliste évoque également la communication à deux niveaux inspirée de Leo Strauss : "une 'écriture ambiguë', qui comporte un message 'entre les lignes', que seuls les initiés peuvent comprendre." Ainsi, "on transmet à la base des messages simples — ce qui est dit n'a pas vraiment d'importance, il suffit de les faire adhérer au projet. Et il y a une autre forme de compréhension, réservée à l'élite."
Cette stratégie explique, selon elle, pourquoi "la désinformation joue un rôle aussi important" et que de nombreux "électeurs républicains [...] vivent dans un monde imaginaire où Trump a remporté haut la main l'élection de 2020, qui leur a été volée."
Un nihilisme réactionnaire alimenté par les inégalités
Katherine Stewart qualifie finalement cette idéologie de "nihilisme réactionnaire" car "au lieu de promouvoir le progrès, il s'agit d'un mouvement qui met l'accent sur un retour à une version imaginaire d'un passé prétendument meilleur" et qu'il "se définit mieux en termes de ce qu'il souhaite détruire plutôt que de ce qu'il propose de créer."
L'analyse de la journaliste établit un lien entre cette montée en puissance et "l'explosion des inégalités" qui "a largement contribué à la vague de déraison qui a balayé notre vie politique et notre culture. Elle a fracturé notre foi dans le bien commun."
Stewart conclut néanmoins en pointant une contradiction potentielle au sein de cette coalition : "un conflit pourrait éclater au sein du mouvement nationaliste chrétien. La base et les bailleurs de fonds ne partagent pas les mêmes opinions. Les grands donateurs se soucient peu en vérité des guerres culturelles ou des 'valeurs familiales'. Leur priorité reste la préservation d'une politique économique qui va justifier et accroître la concentration massive de la richesse."
PAR Thierno Bocoum
LA VÉRITÉ FACE À LA MANŒUVRE
La prétendue victoire n’est donc qu’un rideau de fumée. La loi interprétative a été retoquée, ses intentions démasquées. Le bluff ne prend plus. Ce que les juges constitutionnels ont réellement fait, c’est mettre à nu une entreprise politique grossière
« Nous avons gagné, notre objectif est atteint, les crimes pourront être jugés malgré l’amnistie. » Voilà le nouvel argument fabriqué à la hâte pour maquiller un désaveu aussi éclatant qu’embarrassant. Une tentative de manipulation, encore une pour cacher une défaite juridique retentissante.
Soyons clairs : cet argument est totalement fallacieux. Le respect des engagements internationaux du Sénégal en matière de torture, de traitements inhumains ou dégradants n’a jamais dépendu de cette loi. Les juridictions compétentes étaient déjà en mesure de s’y référer, avec ou sans texte interprétatif.
Invoquer cela aujourd’hui pour sauver la face est un non-sens juridique.
Ce que les juges constitutionnels ont réellement fait, c’est mettre à nu une entreprise politique grossière, celle de déguiser en loi d’interprétation une tentative d’amnistier des actes que le droit international considère comme des crimes imprescriptibles. Une manœuvre qui visait à blanchir, sous couvert de liberté publique, des faits d’une extrême gravité.
Le Conseil constitutionnel, dans un considérant limpide numero 31, a rappelé l’évidence « Considérant qu'au sers de l'alinéa 2 de la loi attaquée, les faits tenus pour criminels d'après les règles du droit international, notamment l'assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, sont inclus dans le champ de l'amnistie lorsqu'ils ont un lien avec l'exercice d'une liberté publique ou d'un droit démocratique ; qu'en incluant ainsi dans le champ d'application de la loi portant amnistie des faits imprescriptibles au regard des engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, l'alinéa 2 de l'article premier de la loi n° 08/2025 du 02 avril 2025, viole la Constitution »
La prétendue victoire n’est donc qu’un rideau de fumée. La loi interprétative a été retoquée, ses intentions démasquées. Le bluff ne prend plus.
Et comme à chaque fois que l’argumentaire ne tient pas, les éléments de langage sont distribués comme des tracts, répétés en boucle par des relais sans esprit critique, sans lecture préalable, sans recul.
Mais le peuple n’est pas dupe. Nous connaissons les ficelles des manipulateurs. L’enjeu aujourd’hui, c’est que celles et ceux qu’ils cherchent à tromper soient assez lucides et informés pour ne pas tomber dans leur piège. Car la lumière finit toujours par percer les ténèbres de la supercherie.
Thierno Bocoum est juriste, ancien parlementaire, président AGIR.