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26 avril 2025
Economie
LE LONG CHEMIN VERS L'ÉLECTRICITÉ ABORDABLE
La récente déclaration du ministre de l'Énergie sur une baisse du prix de l'électricité à 60 FCFA/kWh a été mal interprétée comme immédiate, alors qu'elle s'inscrit dans une stratégie à long terme conditionnée par d'importantes réformes. Explications !
(SenePlus) - La récente déclaration du ministre de l'Énergie concernant une possible baisse du prix de l'électricité a déclenché une vague d'enthousiasme, rapidement transformée en confusion. Qu'a réellement promis le gouvernement, et dans quels délais cette réduction tant attendue pourrait-elle se concrétiser ? Une analyse approfondie des faits s'impose.
Les propos de Birame Souleye Diop, ministre de l'Énergie, du Pétrole et des Mines, ont été au centre d'une confusion médiatique majeure en avril 2025. Plusieurs médias et internautes ont cru comprendre que le coût du kilowattheure (kWh) allait immédiatement passer "de 117 francs CFA à 60 francs CFA après des réformes structurelles", selon Africa Check.
Lors d'une intervention à la radio nationale le 6 avril 2025, le ministre a effectivement évoqué cette baisse, mais dans un contexte bien précis : "L'objectif du gouvernement est de faire en sorte que ce coût, qui se situe actuellement à environ 117 FCFA le Kwh, puisse baisser à 60 FCFA le Kwh", a-t-il déclaré. Toutefois, cette diminution ne surviendra qu'après "plusieurs mesures à introduire et des changements à réaliser dans le secteur énergétique", précise Africa Check.
Cette promesse s'inscrit en réalité dans le cadre de l'"Agenda National de Transformation - Sénégal 2050", document référentiel lancé en octobre 2024. Ce plan stratégique prévoit une baisse progressive du coût de l'électricité : "Notre électricité de demain sera entièrement générée par la transformation de nos ressources nationales (gaz, vent, soleil, cours d'eau). Cette énergie sera propre et compétitive, avec un prix modéré (moins de 60 FCFA le kWh) pour les besoins des ménages et de nos entreprises et industries", mentionne le document à sa page 8.
La feuille de route fixe des étapes intermédiaires claires : le prix moyen, actuellement "à 110 FCFA/KWh", devrait descendre à "moins de 80 FCFA/KWh d'ici 2034", avant d'atteindre l'objectif final de "moins de 60 FCFA/KWh en 2050". Néanmoins, le Premier ministre Ousmane Sonko semble avoir accéléré le calendrier en déclarant devant l'Assemblée nationale, le 14 avril 2025, que le gouvernement compte atteindre ce prix "dans les cinq ans".
Alioune Badara Camara, consultant en énergie cité par Africa Check, replace ces annonces dans leur contexte : "Les réformes structurelles en matière d'énergie ont effectivement été initiées par le régime précédent, notamment à partir de 2014, dans le cadre du Plan Sénégal Émergent (PSE)". Ces réformes "visent à moderniser le secteur, réduire les coûts de production, attirer des investissements privés et accroître l'accès à une énergie plus propre et moins chère".
Un document stratégique élaboré avec le Millennium Challenge Corporation en 2018 prévoyait déjà une baisse du prix à 80 FCFA/kWh, rappelle le site de fact-checking. Malick Ndaw, journaliste et consultant en énergie, ajoute qu'en 2020, "les coûts de production étaient censés baisser à 80 FCFA/kWh en 2023, mais la crise de la Covid, les effets du conflit ukrainien, entre autres, avaient contribué à retarder l'exploitation des ressources pétrolières et gazières".
Le ministre Birame Souleye Diop a détaillé les leviers qui permettront d'atteindre ces objectifs. La SENELEC (Société nationale d'électricité du Sénégal) prévoit d'adopter "un mix énergétique", notamment en "convertissant certaines centrales fonctionnant au fioul vers le gaz". Africa Check précise que ce terme désigne "la répartition des différentes sources utilisées pour les besoins énergétiques dans une zone géographique donnée".
L'État sénégalais envisage également "d'ouvrir des négociations avec les fournisseurs d'énergie" et de "développer davantage de centrales solaires", selon le ministre, qui affirme que ces projets reposent sur "des études déjà finalisées".
Malick Ndaw souligne que "la baisse effective des tarifs doit être attendue désormais à moyen terme, mais pas maintenant". Selon lui, "la baisse du prix de l'électricité nécessite des machines performantes et efficaces et le dernier maillon pour concrétiser la baisse des tarifs est tributaire de l'arrivée du gaz domestique".
Malgré le démarrage de la production du site gazier de Grand Tortue Ahmeyim en février 2025, "à court terme, une baisse des prix de l'électricité semble improbable", car il faut considérer "les investissements requis pour développer des infrastructures de production performantes", explique l'expert.
Le Sénégal, devenu producteur d'hydrocarbures depuis juin 2024, pourrait voir sa situation économique transformée par cette nouvelle ressource. Toutefois, la promesse d'une électricité à 60 FCFA le kWh reste, pour l'instant, un objectif à moyen ou long terme, contrairement à ce que certaines interprétations hâtives ont pu laisser croire.
L’ETAT RECOLTE UN MILLIARD
Depuis le 1er juillet 2024, les plateformes numériques et les fournisseurs en ligne étrangers sont obligés de payer, conformément aux dispositions de l’article 355 bis du Code général des impôts (Cgi), une Tva sur les prestations de services numériques.
La Tva sur les prestations de services numériques, en vigueur depuis juillet 2024, a permis à l’Etat sénégalais d’encaisser un milliard de francs Cfa, un montant en deçà de l’objectif de 4 milliards de francs Cfa, a indiqué, hier, le Directeur général des Impôts et domaines, Jean Koné, en marge de l’ouverture de la Conférence internationale sur la fiscalité de l’économie numérique organisée à Dakar par la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (Acbf), en partenariat avec le ministère sénégalais des Finances et du budget.
Depuis le 1er juillet 2024, les plateformes numériques et les fournisseurs en ligne étrangers sont obligés de payer, conformément aux dispositions de l’article 355 bis du Code général des impôts (Cgi), une Tva sur les prestations de services numériques. L’application de cette taxe a permis au Trésor public d’encaisser une somme d’un milliard de francs Cfa. L’objectif était de collecter trois ou quatre milliards de francs Cfa, a déclaré, hier, le Directeur général des Impôts et domaines, Jean Koné, en marge de la Conférence internationale sur la fiscalité de l’économie numérique organisée à Dakar par la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (Acbf), en partenariat avec le ministère sénégalais des Finances et du budget.
Cette rencontre vise à faire «un état des lieux des avancées réalisées par les pays africains en matière de fiscalité du numérique, à la lumière de l’évolution des politiques fiscales nationales, régionales et internationales».
Le ministre des Finances et du budget rappelle qu’en «2023, le Forum économique mondial a noté qu’au cours des dix dernières années, l’économie numérique a cru à un rythme 2, 5 fois supérieur à celui du Pib de l’économie traditionnelle ; alors que selon la Banque mondiale, elle constitue plus de 15% du Pib mondial». Ainsi, souligne Cheikh Diba, «en Afrique, l’économie numérique est un moteur de transformation. Avec 70% de la population âgée de moins de 30 ans, un taux de pénétration d’Internet en hausse de 27% en 2023 et une adoption massive de la «mobile money» entraînant une transaction de 1105 milliards de dollars sur le continent durant l’année écoulée, ce qui représente une augmentation de 15% par rapport à 2023».
Mais aux yeux du Secrétaire exécutif de l’Acbf, cette révolution digitale pose un défi fiscal crucial. En effet, précise Mamadou Bitèye, «seuls moins de 20% de pays africains ont mis en place des régimes fiscaux adaptés au service numérique. Ce qui entraîne des pertes fiscales estimées à 6, 5 milliards de dollars par an». Pour lui, «l’harmonisation fiscale permettrait non seulement de lutter contre l’évasion fiscale, mais aussi d’assurer une répartition plus juste des richesses générées par l’économie numérique».
Pour répondre à ces enjeux, recommande le Secrétaire exécutif, «nos administrations fiscales doivent elles-mêmes embrasser la transformation digitale. L’intégration des technologies numériques dans leurs processus fiscaux renforcera leur efficacité, leur transparence et la responsabilité, garantissant ainsi une fiscalité adaptée aux réalités économiques contemporaines et contextuelles.
La fiscalité de l’économie numérique et la transformation digitale de nos administrations fiscales sont des enjeux majeurs en Afrique».
Il invite les Etats à adopter des réformes adaptées, à renforcer leurs capacités et à promouvoir des stratégies fiscales modernes pour capter les opportunités du numérique, tout en assurant une justice fiscale équitable.
Cette conférence de deux jours a pour thème : «Fiscalité de l’économie numérique dans les pays africains : renforcer les capacités pour une fiscalité efficace de l’économie numérique en Afrique.»
GUY MARIUS SAGNA DEPOSE UNE PROPOSITION DE RESOLUTION A LA HAUTE COUR DE JUSTICE
Selon le rapport de la Cour des Comptes sur les fonds Force Covid-19, plus de 2517 milliards Fcfa ont été engagés hors cadre légal, sans aval de l’Assemblée nationale, ni inscription dans une loi de finances votée.
Selon le rapport de la Cour des Comptes sur les fonds Force Covid-19, plus de 2517 milliards Fcfa ont été engagés hors cadre légal, sans aval de l’Assemblée nationale, ni inscription dans une loi de finances votée. Face à cela, le députéGuy Marius Sagna, dénonçant fermement ces faits, a soumis à la Haute Cour de justice une proposition de résolution visant à accuser l’ex-président Macky SALL de haute trahison.
L e député Guy Marius Sagna a déposé à la Haute Cour de justice une proposition de Résolution de mise en accusation de l’ancien Président Macky SALL pour haute trahison. « La Constitution du Sénégal dispose dans son article 101, alinéa 1er, que « le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison » Elle précise que la mise en accusation du Président de la République est votée parl’Assemblée nationale à la majorité des trois cinquièmes de ses membres. Cette procédure exceptionnelle par nature, vise à garantir que les plus hautes charges de l’Etat soient exercées dans le strict respect des principes républicains, conformément à l’attachement solennel exprimé dans le préambule de la constitution à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques , ainsi qu’au principe de bonne gouvernance », lit-on dans une lettre du député.
Selon lui, il ressort du rapport de la Cour des Comptes que plus de 2517 milliards de francs Cfa ont été contractés en dehors de tout circuit légal, sans autorisation parlementaire ni inscriptions dans une loi de finance régulièrement votée. Ces engagements opérés sans contrôle a priori ni exécution conforme à la loi organique relative aux lois de finances, ajoute-t-il, constituent une violation manifeste des principes de transparence, de sincérité et de responsabilité budgétaires. En outre, il indique que la cour relève l’usage massif et irrégulier de comptes de dépôt auprès du trésor, à hauteur de 2562 milliards de francs Cfa, échappant totalement au contrôle parlementaire. « Cette gestion opaque se caractérise également par des manipulations comptables telles que des rattachements irréguliers de recettes, des dépenses non retracées ou des opérations extrabudgétaires non reversées. Ces actes de gestion dissimulée, opérés sans informations ni autorisation du Parlement, portent atteinte aux fondements de l’Etat de droit budgétaire. Ils traduisent une volonté délibérée de contourner les institutions de la république, de masquer la réalité de la situation financière du pays et d’engager les générations futures sans débat démocratique ni consentement éclairé », soutien-t-il.
Guy Marius Sagna estime qu’une telle politique de dissimulation systématique, de manipulation des chiffres publics et de mise en péril de la souveraineté financière de l’Etat ne saurait rester sans conséquence. « Elle constitue au regard de son ampleur, de sa récurrence et de ses effets dévastateurs sur la crédibilité du Sénégal, un manquement d’une exceptionnelle gravité pouvant être qualifié de haute trahison au sens de l’article 101 de la Constitution’ » a-t-il insisté. Selon lui, il appartient donc à l’assemblée nationale en sa qualité de garante de l’intérêt général et de la légalité républicaine, d’exercer sa compétence constitutionnelle de se prononcer sur la mise en accusation de l’ancien président de la République.
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LA SORTIE MUSCLÉE DE PAPE DJIBRIL FALL
Transparence financière, pressions sur la justice, licenciements politiques : Le député n'a épargné aucun sujet lors de sa conférence de presse ce mardi 15 avril, exigeant notamment des explications de la part du gouvernement d'Ousmane Sonko
Ce mardi 15 avril 2025, le député Pape Djibril Fall a tenu une conférence de presse particulièrement virulente à l'encontre du gouvernement. Dans une sortie médiatique remarquée, le parlementaire a formulé de graves accusations concernant des licenciements massifs qu'il qualifie de "politiques".
"Nous disposons de documents confidentiels prouvant que plus de 781 personnes ont été licenciées de façon abusive", a déclaré le député, précisant que ces licenciements touchaient également des ressortissants étrangers, notamment burkinabè et maliens. Selon lui, ces mesures seraient prises "pour satisfaire une clientèle politique" et constitueraient une "rupture" avec les promesses faites durant la campagne.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a été particulièrement ciblé par les critiques. Pape Djibril Fall l'accuse de ne pas respecter la loi et de vouloir exercer des pressions indues sur l'appareil judiciaire. "Le Premier ministre n'est pas la loi", a-t-il martelé, appelant dans la foulée l'Union des magistrats du Sénégal à "faire bouclier autour du ministre de la Justice" face à ce qu'il considère comme une "persécution".
La transparence financière a également été au cœur des préoccupations exprimées par le député. Il réclame des explications claires concernant la gestion de 405 milliards de francs CFA, estimant que les Sénégalais ont droit à la vérité sur l'utilisation des fonds publics dans un contexte où le gouvernement serait, selon lui, incapable de faire face au chômage malgré ses promesses.
En tant que membre de l'opposition, Pape Djibril Fall a tenu à définir sa vision du rôle parlementaire : "Nous sommes une opposition responsable et républicaine", a-t-il affirmé, promettant d'utiliser tous les outils législatifs à sa disposition, notamment les questions écrites et les propositions de loi, pour tenir le gouvernement responsable de ses actes.
Le député a conclu en lançant un appel à la presse, l'invitant à rester neutre et à jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir. Il a également mis en garde contre ce qu'il perçoit comme une transformation de l'Assemblée nationale en "quartier général" par une majorité qu'il juge "écrasante", promettant que l'opposition ne l'accepterait pas.
L’ÉTAT DÉPLOIE SA STRATÉGIE POUR LA CAMPAGNE AGRICOLE 2025
Avec un budget de 120 milliards FCFA, le gouvernement veut lever les obstacles structurels du secteur, moderniser les pratiques agricoles et garantir un meilleur accès aux intrants, au financement et au matériel.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a présidé, ce mardi 15 avril, un Conseil interministériel consacré à la préparation de la campagne de production agricole 2025. À l’issue des travaux, un ensemble de mesures ambitieuses a été adopté pour consolider les acquis, corriger les faiblesses structurelles du secteur et impulser une dynamique nouvelle, dans une optique de souveraineté alimentaire.
Sur instruction du président de la République, un budget historique de 120 milliards FCFA a été alloué à cette campagne, avec une attention particulière portée à l’accessibilité des intrants. Le prix plancher de l’arachide a été relevé de 25 FCFA/kg, ce qui a contribué à une hausse notable de la collecte de graines par la SONACOS. Des résultats encourageants ont également été enregistrés dans les productions céréalière et horticole. Mais les défis restent nombreux : faiblesse des rendements arachidiers, manque d’infrastructures de stockage, logistique agricole vieillissante, fertilité dégradée des sols, manque de certification des semences, difficultés de commercialisation, entre autres.
Face à ce constat, le Premier ministre a ordonné le règlement immédiat des arriérés dus aux opérateurs privés et l’organisation d’une rencontre entre les parties prenantes du financement agricole – État, banques, institutions de microfinance, FONGIP, DER/FJ, BCEAO – pour structurer de manière durable l’appui financier au secteur.
L’approvisionnement en engrais auprès des ICS devra être assuré au plus tard le 30 avril, tandis qu’une campagne nationale de fertilisation des sols (phosphatage, chaulage, engrais organiques) sera lancée. Parallèlement, le processus de reconnaissance formelle des interprofessions agricoles sera accéléré, de même que la digitalisation de la distribution des intrants, testée d’abord à Tivaouane et Nioro.
Un dispositif innovant sera mis en place pour accompagner la campagne sur le terrain : 1000 jeunes volontaires issus des communes rurales seront mobilisés pour appuyer l’enrôlement digital des producteurs, la gestion des intrants et la vulgarisation des bonnes pratiques agricoles. Les coopératives seront pleinement intégrées à ce dispositif.
Le matériel agricole motorisé, souvent inaccessible, sera mis à disposition via le programme « Allo Tracteur », reposant sur un partenariat public-privé. Ce programme inclura des subventions sur les heures de service et la création de Centres d’Utilisation du Matériel Agricole (CUMA). Le gouvernement s’est également engagé à renforcer les infrastructures de stockage, à optimiser le système de récépissé d’entrepôt pour faciliter l’accès au crédit, et à promouvoir l’assurance agricole dans les zones à risque.
La contractualisation des filières (maïs, niébé, riz, horticulture) sera encouragée dès cette campagne. Un arrêté conjoint Agriculture-Commerce sur les circuits de commercialisation devra être finalisé d’ici le 21 avril. Des efforts ciblés seront menés par filière : soutien à la production et à la commercialisation du maïs, planification de la production horticole, réalisation de digues pour protéger les périmètres bananiers, transformation locale de l’anacarde, apurement des paiements aux producteurs de coton, modernisation des systèmes d’irrigation pour le riz, introduction de semences hybrides pour le mil, le sorgho et le blé.
La recherche agricole est également au cœur de cette stratégie. Le gouvernement veut restaurer l’ISRA dans la plénitude de ses missions, renforcer la production nationale de semences et promouvoir des variétés agricoles résilientes face aux aléas climatiques. Une réunion spécifique sur la reconstitution du capital semencier est prévue avant le 15 mai.
Enfin, le Secrétariat général du Gouvernement sera chargé de superviser la mise en œuvre de toutes ces mesures et d’en faire un suivi régulier auprès du Premier ministre.
WOODSIDE DÉFIE LES VENTS CONTRAIRES AU SÉNÉGAL
Le géant australien, opérateur du gisement de Sangomar, envisage d'investir 2,5 milliards de dollars dans une seconde phase de développement. Un pari sur l'avenir qui intervient paradoxalement alors que Dakar souhaite renégocier ses contrats pétroliers
(SenePlus) - Le groupe pétrolier australien Woodside Energy s'apprête à entamer des négociations avec les autorités sénégalaises pour le développement de la deuxième phase du gisement offshore de Sangomar, premier projet pétrolier en eaux profondes du pays. Ces discussions surviennent dans un contexte particulier, marqué par la volonté du nouveau président Bassirou Diomaye Faye de renégocier les contrats pétroliers et miniers.
Selon les informations recueillies par Jeune Afrique, les discussions concernant le concept de développement de cette nouvelle phase devraient se dérouler « entre 2025 et 2026, après un rapport d'évaluation complet de 12 à 24 mois de production de Sangomar ».
Situé à 100 km au sud de Dakar, le développement de la phase 1 du gisement avait nécessité un investissement considérable de 5,2 milliards de dollars, soit une augmentation de 21% par rapport aux 4,1 milliards initialement prévus lors de la validation du décret d'exploitation en 2020 par l'ancien président Macky Sall.
Pour cette première étape, Woodside a réalisé « la construction de 23 puits, dont onze de productions, soutenus par 10 puits d'injection d'eau et 2 puits d'injection de gaz », rapporte JA. Le dispositif comprend également « l'installation du navire flottant de production, de stockage et de déchargement (FPSO) Léopold Sédar Senghor, doté de deux lignes de production en boucle, et des infrastructures sous-marines associées ».
Concernant la phase 2, les plans de la compagnie australienne prévoient la construction de « 33 puits sous-marins, 16 producteurs et 17 injecteurs d'eau, reliés au FPSO Léopold Sédar Senghor ». Selon une source officielle sénégalaise citée par le magazine panafricain, « le montant des investissements nécessaires pour la phase 2 avoisinera les 2,5 milliards de dollars ».
Les démarches de Woodside interviennent alors que d'autres acteurs internationaux comme BP semblent se désengager du pays. Le groupe britannique a notamment cédé l'exploitation de la découverte Yakaar-Teranga à Kosmos Energy et « songerait même à renoncer à la phase 2 de GTA », le méga-gisement gazier dont il est l'opérateur principal, indique Jeune Afrique.
Malgré ces mouvements et les tensions liées à une possible renégociation de son contrat ainsi qu'à un différend fiscal avec l'administration sénégalaise, Woodside affirme être « très fière de la relation que la compagnie a nouée avec Petrosen et le gouvernement du Sénégal pour développer Sangomar ».
Le potentiel du gisement semble d'ailleurs justifier cette confiance. D'après JA, « les réserves prouvées de Sangomar ont augmenté de 54,9 millions de bp/j en 2025 dans une récente mise à jour de Woodside » pour atteindre 1 975,7 millions de barils équivalent pétrole. La durée de vie de ces réserves est désormais estimée à 9,6 ans, tandis que « les réserves prouvées et probables, dont la quantité est estimée à 3 092,2 millions de bp/j a une durée de vie de 15 ans aux niveaux de production de 2024 ».
Lors de son discours à la Nation du 3 avril, à l'occasion de la fête de l'Indépendance, le président Bassirou Diomaye Faye a clairement affiché ses intentions : « Dans le cadre de la réappropriation de nos ressources souveraines, le processus de renégociation des contrats [pétroliers et miniers] suit son cours normal. Les résultats obtenus à ce stade sont plus que satisfaisants. Ils seront communiqués à temps opportun au peuple sénégalais ».
C'est Talla Gueye, qui a succédé à Thierno Seydou Ly à la tête de la branche exploration-production de Petrosen en mars 2025, qui pilotera les discussions avec le groupe australien concernant le concept de développement de cette nouvelle phase.
Avec une production mensuelle qui a atteint « 3,08 millions de barils de pétrole brut en mars dernier » et « pas moins de 100 000 barils par jour », le gisement de Sangomar représente d'ores et déjà « des revenus importants pour l'État sénégalais et Woodside », conclut Jeune Afrique.
MACKY SALL VISÉ PAR UNE PROCÉDURE POUR HAUTE TRAHISON
Guy Marius Sagna vient de déposer une résolution accusant l'ancien président. L'initiative datée du 11 avril s'appuie sur le récent rapport de la Cour des comptes qui révèle selon l'auteur, une gestion ayant compromis la souveraineté financière de l'État
(SenePlus) - Un membre de l'Assemblée nationale du Sénégal a formellement déposé une résolution visant à mettre en accusation l'ancien président Macky Sall pour haute trahison. Selon les documents datés du 11 avril 2025, le député Guy Marius Sagna du groupe parlementaire Pastef les Patriotes accuse l'ancien président de graves malversations financières durant son mandat.
La résolution cite le récent rapport de la Cour des comptes du Sénégal qui aurait révélé :
Une dette publique non autorisée de 2 517 milliards de francs CFA contractée en dehors des circuits légaux et sans approbation parlementaire
Un usage massif et irrégulier des comptes de dépôt du Trésor (SNPE) totalisant 2 562 milliards de francs CFA, échappant totalement au contrôle parlementaire
Une représentation délibérément erronée de la situation financière du pays, le déficit réel de 2022 dépassant 10% du PIB contre les 6,5% officiellement annoncés
Une dette publique atteignant près de 100% du PIB, bien au-delà du chiffre officiellement présenté de 74%
La proposition de mise en accusation s'appuie sur l'article 101 de la Constitution sénégalaise, qui stipule que le président n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Le document soutient que la gestion financière de Sall constitue une "dissimulation systématique" et une "manipulation des chiffres publics" qui ont mis en péril la souveraineté financière de l'État.
La résolution a été soumise au président de l'Assemblée nationale, Malick Ndiaye. Si elle est approuvée par une majorité des trois cinquièmes des membres de l'assemblée, l'ancien président devra faire face à une procédure devant la Haute Cour de Justice, une procédure exceptionnelle qui n'a jamais été menée à son terme dans l'histoire politique du Sénégal.
Par Mohamed GUEYE
MABOUBA A HUE, SERIGNE GUEYE À DIA
La séance des Questions au gouvernement, hier à l’Assemblée nationale, a été une bonne occasion pour se rendre compte que jusqu’à présent, le gouvernement de Premier ministre Sonko ne donne pas d’indications claires sur ses objectifs de développement
La séance des Questions au gouvernement, hier à l’Assemblée nationale, a été une bonne occasion pour se rendre compte que jusqu’à présent, plus d’un an après sa formation, le gouvernement dirigé par le Premier ministre Sonko ne donne pas d’indications claires sur ses objectifs de développement. Il suffisait d’entendre le ministre de l’Agriculture débiter la liste des efforts que son département est en train de fournir pour assurer la sécurité et «la souveraineté alimentaire du pays» pour s’en rendre compte. Comme tous ses collègues et son Premier ministre, M. Diagne a rappelé, comme il l’avait déjà fait sur le plateau de la télévision nationale, que «le Sénégal importe 1070 milliards de denrées alimentaires». Même si ces chiffres sont contestés, il en est le seul responsable. M. Diagne les décline par produits pour affirmer que pour le riz, le Sénégal importe 1, 4 million de tonnes, 860 mille tonnes de blé, 450 mille tonnes de maïs, 347 mille tonnes de fruits et légumes, 200 mille tonnes d’huile, 210 mille tonnes de sucre et plus de 100 millions d’euros de lait.
Ces propos montrent à quel point la sécurité alimentaire est, à ce jour, toujours sous hypothèque. Les efforts entamés lors des coups de rappel des crises du Covid-19 en 2020-21, et de la guerre entre la Russie et l’Ukraine qui lui a succédé, qui ont mis fortement en évidence la dépendance du Sénégal au marché extérieur pour se nourrir, n’ont pas encore produit de résultat. Il faut néanmoins louer les efforts du ministre de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de l’élevage pour casser les goulots d’étranglement qui ont longtemps bloqué le développement de certains secteurs de son département.
Il a ainsi cité, hier, le paiement d’une grande partie de la dette due aux opérateurs, l’augmentation du budget de l’agriculture de 25% et la fourniture des engrais et des semences à temps. Entre autres efforts.
Si l’on peut, sans ironie aucune, constater que «l’hivernage de Macky Sall» n’a pas vraiment récompensé leurs efforts lors de la campagne agricole écoulée, on doit reconnaître à Mabouba d’être persévérant dans l’effort. Son plus grand adversaire, dans la réalisation de ses ambitions, partage la table du Conseil des ministres.
En effet, autant Mabouba Diagne donne le sentiment de vouloir remporter la bataille de l’autosuffisance alimentaire dans ce pays, autant son collègue, le ministre chargé du Commerce, Serigne Guèye Diop, semble avoir reçu pour consigne de transformer le Sénégal en immense souk. Sa ligne politique semble être de vouloir réduire les prix des denrées alimentaires, quoi qu’il puisse en coûter. Son dernier exploit a été de s’allier avec des négociants pour importer du riz de qualité inférieure, que le ménage sénégalais moyen n’aime pas consommer, pour pouvoir claironner à grand renfort de publicité médiatique, que le gouvernement a réussi à baisser le prix du riz.
On peut bien se demander à qui aura servi ce coup de pub, si l’on sait, comme dit plus haut, que le riz ordinaire importé dans l’espoir de faire baisser les prix n’est pas celui préféré par les familles sénégalaises, qui ne vont donc pas prendre d’assaut les échoppes pour s’approvisionner. Or, ce déchet de riz, que les esprits chagrins qualifient d’aliment de volaille, est entré sur le marché national en toute exonération de droits de douanes et de Tva. Et l’on a entendu le commerçant qui a servi de chef de file des importateurs qui ont amené ce produit, promettre aux Sénégalais de nouvelles baisses sur des produits comme l’huile, le sucre, ou d’autres encore.
Juste pour rappel, ce commerçant est poursuivi pour des questions de détournements d’engrais. Il a dû payer une forte caution pour ne pas se retrouver derrière les barreaux, comme d’autres qui ont été interpellés pour des motifs bien moins graves. En plus de cela, l’individu a été longtemps soupçonné de collusion avec des dignitaires du régime précédent pour des questions relatives à des manœuvres frauduleuses sur les produits alimentaires. Ce passif n’a pas empêché le ministre du Commerce de faire du «business» avec lui.
Il a tout simplement négligé le fait que la levée des taxes sur les produits alimentaires importés a un impact certain sur la production nationale qui, elle, ne bénéficie pas de tant de faveurs. Même si le riz ordinaire importé n’est pas celui prisé par les ménages, on peut croire que la conjoncture difficile que connaît le pays pourrait pousser les Sénégalais les moins nantis à s’en contenter, au détriment de la production locale.
De même, quand Mabouba Diagne déclare que le Sénégal importe 210 mille tonnes de sucre par an, cela se fait au détriment de la production nationale. En ce moment, la Compagnie sucrière sénégalaise, la seule entreprise sénégalaise qui produit du sucre, a 80 000 tonnes de sucre stockées dans ses entrepôts, depuis la dernière campagne agricole. Cela représente environ la moitié de sa production. Si le Sénégal est déficitaire en sucre et qu’il ne parvient pas à vendre son produit, c’est parce que le ministre du Commerce et ses services distribuent des Déclarations d’importation de produits alimentaires (Dipa), en veux-tu en voilà, à des commerçants qui vont s’en servir pour inonder le marché au détriment du producteur national. L’ironie de l’histoire est que ces importations, malgré toutes les faveurs qui leur sont faites, ne bénéficient pas au consommateur sénégalais, qui paie toujours son sucre au prix fort. Et tout cela, le ministre le sait, qui connaît également la situation difficile des huiliers, auxquels la hausse de production déclarée sur l’arachide n’a pas bénéficié, parce que sur le marché, c’est toujours l’huile végétale qui règne en maître, et qui s’achète au prix fort.
Sans doute pour limiter les dérives de ses décisions, le ministre Serigne Guèye Diop a sorti de son chapeau, la trouvaille des «Volontaires de la consommation», à savoir 1000 jeunes gens, payés au lance-pierre, pour contrôler les prix des denrées dans les boutiques. Depuis l’annonce de cette décision à ce jour, les ménagères sénégalaises n’ont pas encore vu les boutiquiers des quartiers afficher des prix à la baisse pour les produits de consommation courante.
En plus de tous les efforts financiers que le gouvernement déclare avoir déployés pour non seulement combattre les pénuries, mais surtout lutter contre les hausses intempestives des produits alimentaires, on pourrait suggérer au Premier ministre, qui semble s’être pris de passion pour les vertus du dialogue, d’organiser un dialogue entre ses deux ministres Mabouba Diagne et Serigne Guèye Diop. Il est important que ces deux se comprennent pour qu’enfin, les efforts des paysans pour nourrir les Sénégalais puissent se remarquer d’abord dans les étals des marchés, ensuite dans les paniers des ménagères. Sans cela, le discours de ces deux se résumera à un dialogue de sourds.
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SONKO SE DIT POLITIQUEMENT INDESTRUCTIBLE
Lors des questions d'actualité au gouvernement ce lundi, le Premier ministre a regretté une opposition qui, selon lui, privilégie les attaques personnelles au détriment des véritables défis du pays, appelant à un débat républicain sur le fond
(SenePlus) - Le Premier ministre Ousmane Sonko a affirmé sa détermination face aux attaques personnelles, se déclarant "politiquement indestructible" lors de la séance plénière sur les questions d'actualité du gouvernement à l'Assemblée nationale ce lundi.
"Je ne m'intéresse pas aux attaques crypto-personnelles. Je suis politiquement indestructible. Je rends grâce à Dieu pour cela", a déclaré le chef du gouvernement, répondant ainsi aux critiques formulées par certains opposants.
Sonko a déploré l'attitude d'une opposition qui, selon lui, cherche à "enfermer le pays dans des débats de personnes" plutôt que de se concentrer sur les véritables priorités nationales comme l'élevage, les ressources naturelles ou les objectifs économiques.
"À une certaine opposition, je dis que la haine ne peut pas être un moteur politique. Surtout lorsqu'elle est dirigée contre une personne qui ne vous a rien fait", a-t-il souligné, ajoutant qu'il occupe son poste "par la volonté divine" et qu'il est "honoré de l'amour" que lui portent de nombreux compatriotes.
Le Premier ministre a appelé à un débat d'idées centré sur les enjeux nationaux et non sur les personnalités. "Ce qui m'importe, c'est l'avenir d'un pays prospère. Si nous avons une opposition républicaine, qu'elle s'oppose de manière républicaine", a-t-il affirmé.
Sonko s'est dit "ouvert au dialogue et aux débats contradictoires", rappelant son attitude passée à l'Assemblée nationale lorsqu'il siégeait dans l'opposition.
PÉRIL SUR LA LIBERTÉ SYNDICALE
Dans un pays où le chômage sévit, les représailles contre les délégués syndicaux sont devenues monnaie courante, transformant l'exercice d'un droit constitutionnel en acte de bravoure parfois suicidaire
Bien que garantie par la Constitution, le Code du travail et les traités internationaux, la liberté syndicale est de plus en plus menacée au Sénégal, au vu et au su de tous.
“Tout travailleur peut adhérer librement à un syndicat dans le cadre de sa profession.” Ce droit du travailleur garanti par la Constitution et les traités internationaux n'a jamais été autant foulé aux pieds au Sénégal. Dans certaines entreprises, les employeurs étouffent systématiquement toute tentative des travailleurs à se regrouper et à créer un syndicat. Ceux qui bravent l'interdiction sont souvent victimes de représailles, qui peuvent aller jusqu'au licenciement. Journaliste, Ankou Sodjago a été licencié de son entreprise, à la suite de la mise en place d'un syndicat. Il revient sur les péripéties ayant mené à la création d'un syndicat dans leur boite.
‘’Pendant deux ans, tout était bloqué, jusqu’à ce que trois d’entre nous prennent leurs responsabilités. Mais beaucoup de collègues refusaient de se joindre à nous, par peur ou par loyauté envers l’employeur’’, raconte-t-il.
Avec ce syndicat, ils espéraient défendre leurs droits dans leur entreprise, œuvrer pour l'amélioration de leurs conditions. Finalement, cela s'est révélé être source de problème. Par des subterfuges, l'employeur a fini par licencier deux d'entre eux. Ankou s'est senti désabusé, abandonné par les siens. Le Syndicat des professionnels de l'information et de la communication (Synpics), souligne-t-il, les a certes soutenus, mais c'était d'un soutien très faible. ‘’Ils nous ont pris un avocat, ont fait un communiqué, mais j'ai l'impression qu'ils nous ont abandonnés en cours de route. Ils ne sont pas allés jusqu'au bout, à mon avis”, lâche-t-il un peu amer.
La crainte de représailles étouffe la liberté syndicale
Les représailles contre l'exercice de la liberté syndicale ne se limitent pas au secteur de la presse. C'est valable dans presque tous les secteurs de la vie professionnelle. Dans l’enseignement privé, par exemple, les syndicats sont rares ou dormants quand ils existent. Les enseignants ne s’y rallient que lorsqu’ils sont en difficulté avec leur établissement, souvent trop tard, renseignent certaines sources. Même situation dans le secteur de la santé, de l’industrie ou des transports où les travailleurs évoluent dans l’informel ou dans des zones grises du droit du travail. Isolés, sans contrat, soumis à des horaires épuisants et à des rémunérations aléatoires, ces derniers sont à la merci des propriétaires de véhicules. ‘’Il faut être prêt à tout perdre pour s’engager’’, soupire un délégué syndical du secteur, lui-même sous pression.
Face à cette tyrannie des employeurs, certains renoncent tout bonnement à exercer ou même à revendiquer ce droit constitutionnel. Victime de l'exercice de ce droit, Pape Amadou Sy semble parfaitement comprendre le pourquoi la réticence des travailleurs à s'engager des secteurs comme celui de la presse. Il déclare : ‘’Qui a envie de prendre le risque de se faire licencier dans un pays où trouver un emploi est un chemin de croix ? Pour beaucoup, il faut juste gagner sa vie, peu importe les conditions.”
Ainsi, analyse-t-il, la logique de survie l’emporte de plus en plus sur les idéaux de lutte collective ; ce qui érode la liberté syndicale.
Un droit pas assez protecteur contre les licenciements
Secrétaire général de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal/Forces du changement (CNTS/FC), Cheikh Diop reconnait les difficultés dans l'exercice de ce droit syndical. Il donne l'exemple des Ciments du Sahel, où les travailleurs rencontrent plusieurs entraves à l'exercice de la liberté syndicale. De telles violations, explique-t-il, sont assez fréquentes et il faut être tenace pour y faire face, en saisissant les instances habilitées. Mais on n’est jamais totalement à l'abri, prévient M. Diop. “Quand un employeur est hostile à l'action syndicale, tous ceux qui prennent l'initiative sont ciblés de façon sournoise. Soit on leur cherche la petite bête avec des demandes d'explication par-ci et par-là, soit, s'ils ont un CDD, on ne leur renouvelle pas à la fin du contrat. Ils cherchent tous les moyens pour liquider les travailleurs qui prennent l'initiative d'exercer leur liberté”, constate-t-il pour le regretter.
Le plus désolant, c'est que quand ils ont l'intention de licencier, difficile de les en empêcher. Le tribunal, s'il s'agit d'un travailleur ordinaire, ne peut que condamner l'entreprise à payer des dommages et intérêts, s'il estime que le licenciement est abusif.
L'autre problème, c'est que souvent, les procédures sont très longues et embarrassantes pour les travailleurs sans soutien. “La loi sénégalaise protège effectivement le travailleur, mais dans des dossiers de ce genre, la procédure peut durer un, deux ans ou même plus. Mais l'employeur est souvent condamné à payer des dommages et intérêts”.
En ce qui concerne les délégués du personnel, le tribunal peut aller jusqu'à demander leur réintégration, en cas de licenciement abusif. “Le délégué ne peut être licencié que sur autorisation de l'inspection du travail”, explique le SG de la CNTS/FC, non sans rappeler l'obligation pour les entreprises et pour l'État de respecter les conventions de l'Organisation internationale du travail sur la liberté syndicale et sur la négociation collective.
Les longues procédures judiciaires : l'autre difficulté
Engagé dans une bataille judiciaire contre son ancienne entreprise depuis des années, Pape Amadou Sy est témoin des batailles longues, couteuses, éprouvantes, et parfois vaines. ‘’On a gagné en première instance, mais l'employeur a fait appel. L’affaire est toujours pendante. Peut-être que ça se réglera dans les semaines à venir”, rapporte-t-il optimiste.
Autant de facteurs qui finissent par décourager toute initiative syndicale. Le secteur de la presse n'échappe pas à la règle. Sur plus de 200 entreprises reconnues par le ministère de la Communication, seules 16 disposent aujourd’hui d’une section syndicale du Synpics. Une sous-représentation qui est révélatrice d’un malaise profond : peur des représailles, culture syndicale faible, précarité des statuts...
Ils sont d'ailleurs nombreux les grands groupes qui n'en disposent pas. Ce qui est incompréhensible aux yeux de certains interlocuteurs. ‘’Il est de la nature du journaliste de mettre la plume dans la plaie. Donc, il est incompréhensible que les journalistes aient peur de se syndiquer”, regrette un confrère qui tente de tempérer : “La non-syndicalisation de beaucoup de confrères est liée à la peur des représailles. Le syndicalisme est perçu comme un bras de fer. Il faudrait des règles claires pour protéger ceux qui s’engagent.’’
Interpellé, ce patron de presse dit regretter surtout l'absence de culture et de formation syndicale chez les jeunes. “Je ne suis pas contre l'exercice de cette liberté syndicale, mais je pense que les gens doivent aussi essayer de se mettre à la place de l'employeur”, se défend-il. Certains, selon lui, s'endettent jusqu'au cou pour payer des salaires. “Personne n'est pas sans savoir les difficultés que les entreprises traversent. Si les patrons n'avaient pas l'esprit de sacrifice, beaucoup de travailleurs allaient se retrouver dans la rue. Je pense que parfois il faut savoir raison garder”, a-t-il plaidé.