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25 avril 2025
Société
UNE VISION GEOPOLITIQUE AU SERVICE D’UN MONDE PLUS JUSTE
L’élection du Pape François (Jorge Bergoglio) marquait une nouvelle rupture : premier pape sud-américain, premier chef de l’Église catholique issu d’un pays émergent. Un choix symbolique, et une rupture historique incarnés
En 1978, le Pape Jean Paul 2, (Karol Wojtyła) devenait le premier cardinal non italien élu pape depuis le Néerlandais Adrien VI en 1522, mais aussi le premier souverain pontife venu du bloc communiste. Trente-cinq ans plus tard, en 2013, l’élection du Pape François (Jorge Bergoglio) marquait une nouvelle rupture : premier pape sud-américain, premier chef de l’Église catholique issu d’un pays émergent. Un choix symbolique, et une rupture historique incarnés dans une promesse de transformation pour une Eglise dans un monde globalisé. Son passé jésuite, son ancrage argentin ainsi que son expérience des années sombres du Plan Cóndor ont façonné une conscience politique et spirituelle particulière, portée par l’humilité, l’austérité et un engagement fort contre l’abus de pouvoir. Le Plan Cóndor (ou opération Cóndor) désigne une alliance secrète entre les dictatures militaires d’Amérique du Sud, mise en place dans les années 1970, avec l’objectif de traquer, arrêter, torturer et éliminer les opposants politiques, au-delà des frontières nationales. Elu pour réformer une Eglise non vierge de scandales, il a engagé une refondation profonde, à la fois interne et externe. À l’intérieur, une volonté de rupture avec les dérives structurelles. À l’extérieur, une autre vision du monde, enracinée dans les périphéries, qui bouscule les équilibres. Il s’est frontalement opposé à la vision ultralibérale défendue par certains milieux conservateurs, y compris au sein même du monde catholique, ce qui lui vaut de virulentes critiques, notamment de la droite américaine.
LA FRATERNITE AU CŒUR AU MOYEN ORIENT
Dans un contexte de fractures géopolitiques et de violences au nom des religions, le Pape François a déployé une diplomatie inédite : celle de la prière, du témoignage et du dialogue. Ses déplacements au Moyen Orient – de la Terre Sainte à l’Irak, en passant par les Emirats arabes et le Liban- ont marqué une volonté affirmée d’unir les croyants de toutes confessions autour d’un idéal commun : la fraternité Le souverain pontife ne s’est pas contenté de visiter : il a interpellé. Face aux blessures de la guerre, il a invité, à construire l’unité œcuménique, et à tendre la main aux autres religions, particulièrement à l’Islam. Les gestes sont forts : signature du document sur la fraternité humaine avec le cheikh al-Tayyeb à Abu Dhabi (2019), visite historique à Najaf pour rencontrer l’ayatollah chiite Sistani (2021), ou encore la journée de prière pour le Liban au Vatican en 2021. La pensée du pape s’est enracinée dans la “théologie du peuple”, héritée de ses racines argentines. Il a conçu l’Église comme peuple de Dieu en dialogue avec les autres peuples, cultures et religions.
Cette vision l’a poussé à valoriser la “piété populaire” comme force évangélisatrice, et à reconnaître dans chaque peuple un acteur légitime de sa propre histoire, capable de contribuer à la paix mondiale. À travers ses discours et ses rencontres, le pape François a martelé que la diversité religieuse n’est pas une menace mais une richesse. Il a rejeté la violence au nom de Dieu, prôné la justice sociale, dénoncé l’indifférence, et a rappelé que tout croyant est missionnaire. Le Saint-Père a lié foi, prière, justice et engagement dans une même démarche spirituelle et politique.
En Syrie, il a jeûné et prié contre les bombardements. En Israël et Palestine, il réunit Shimon Peres et Mahmoud Abbas au Vatican pour prier ensemble, en lui signifiant clairement, la reconnaissance de la Palestine comme État En Irak, il a exhorté les chrétiens de Qaraqosh à rebâtir les liens communautaires. Quant au Liban, le pape y a vu un “message” de pluralisme pour le monde. Il a appelé à résister au découragement, à refuser les intérêts partisans et à préserver le vivre-ensemble dans un pays meurtri mais porteur d’espérance. Ses appels à l’unité des Églises et à une solidarité active s’adressent autant aux fidèles qu’aux dirigeants. Enfin, son message d’Abu Dhabi, à l’occasion de la première visite d’un pape dans la péninsule arabique, a consacré une vision audacieuse : une humanité unie par-delà les dogmes, portée par l’éducation, la justice et la reconnaissance de la dignité de chacun. La fraternité ne serait plus un idéal abstrait, mais une condition de survie. “Ou bien nous sommes frères, ou bien tout s’écroule », avait-il dit. Sa visite à Chypre et en Grèce (décembre 2021) a illustré son attention constante aux migrants, qu’il désigne comme les nouveaux visages du Christ souffrant. Il y plaide pour une Europe fraternelle et solidaire, condamnant fermement les barbelés et les murs d’exclusion.
LA RELECTURE DES DESORDRES GLOBAUX
Avec une approche résolument « sudiste », François a relu les désordres globaux depuis les marges. Son constat d’un monde fracturé, blessé par la pauvreté, miné par des conflits incessants, indifférent à la souffrance humaine et engagé dans une course à l’auto destruction environnementale l’a fait redéfinir la diplomatie du Saint-Siège qu’il a orientée vers les enjeux sociaux, écologiques et géopolitiques. Il voit un monde fracturé, blessé par la pauvreté, miné par des conflits incessants, indifférent à la souffrance humaine, et engagé dans une course à l'autodestruction environnementale. Son message est radical : il appelle à une conversion économique, écologique, migratoire et militaire. Face à la logique de profit et de puissance, il plaide pour une solidarité internationale, une vraie éthique des relations entre États, fondée sur le dialogue, la confiance et la négociation. D’abord saluée, dans un premier temps, cette voix singulière a ensuite suscité de vives critiques, en particulier aux États-Unis, où certains milieux catholiques ont frôlé la rupture.
LE PAPE DES MIGRANTS
En septembre 2023, en visite à Marseille, le Pape a maintes fois rappelé qu’il a effectué « une visite à Marseille et non en France ». En fait, le choix de se rendre dans la cité phocéenne fut bien réfléchi : il s’inscrit dans un pèlerinage commencé à Lampedusa au début de son pontificat et dans le sillage des « Rencontres méditerranéennes », avec la volonté de promouvoir une théologie depuis la Méditerranée centrée sur le dialogue interculturel et interreligieux et sur la solidarité avec les populations les plus pauvres. Ce jour-là, au Palais du Pharo dans la ville phocéenne, le pape François a lancé un cri du cœur : « La Méditerranée, berceau de la civilisation, devient le tombeau de la dignité. » Un appel vibrant à la solidarité et à l’hospitalité, dans une Europe tentée par le repli. Pourtant, à peine avait-il tourné le dos que les dirigeants politiques, Emmanuel Macron en tête, affirmaient des politiques migratoires plus sécuritaires qu’humanistes. Le président français avait reconnu la justesse du message papal, tout en défendant un durcissement de l’asile et l’externalisation des contrôles migratoires. Un discours en total décalage avec l’appel de François à protéger les plus vulnérables. Au sein des partis de droite, certains ont vu dans ce pape venu « du Sud » un étranger à la réalité européenne.
Accusé d’angélisme, voire de complicité avec une supposée islamisation, François a été la cible de critiques virulentes, notamment de l’extrême droite. Mais son choix de Marseille n’était pas anodin : ville portuaire, marquée par l’immigration, les fractures sociales et la coexistence interreligieuse, elle incarne les « périphéries » chères au pape. Lui-même enfant de migrants italiens, il revendique une théologie de l’altérité, fondée sur l’expérience, le dialogue et la solidarité. Il rejette le cosmopolitisme naïf comme l’assimilation autoritaire, plaidant pour une intégration réciproque et humaine. Marseille, entre Nord et Sud, a incarné pour le Pape François une utopie réalisable, un laboratoire de fraternité. Une vision qu’il oppose à la fermeture, au cynisme, à la peur. Pour l’Église, confrontée à un déclin en Europe, les migrants ne sont plus seulement des figures à secourir : ils en sont devenus les piliers vivants. Par leur foi, leur jeunesse, leur engagement, ils réaniment un catholicisme en quête de souffle. Le message de Marseille, au-delà des frontières, est donc clair : il y a urgence à construire une civilisation de la rencontre, ou à sombrer dans le naufrage.
AVOCAT DES PAYS SURENDETTES FACE A L’INDIFFERENCE GLOBALE
Dans un monde plombé par les inégalités économiques, le pape François s’est érigé en portevoix des pays les plus vulnérables, étranglés par une dette qu’ils n’ont souvent pas contractée seuls. Dès le début de son pontificat, il a multiplié les prises de position en faveur d’un allègement – voire d’une annulation – de la dette des pays pauvres, qu’il considère comme une injustice structurelle. Pour François, la dette n’est pas qu’une donnée comptable : elle est un carcan politique qui empêche des États entiers de garantir à leurs populations les droits les plus fondamentaux — santé, éducation, alimentation, dignité. Lors de sommet du G20 ou dans ses discours à l’ONU, il n’a cessé de dénoncer un système économique mondial fondé sur la spéculation et l’écrasement des plus faibles. En 2020, alors que la pandémie du Covid 19 mettait à nu les vulnérabilités du Sud global, le souverain pontife appelait à un « allègement substantiel de la dette » pour permettre aux pays touchés de se relever. « On ne peut pas demander aux peuples de payer le prix de la crise avec leur avenir », déclarait-il, fustigeant les conditionnalités draconiennes imposées par les institutions financières internationales. Sa critique du « dieu argent », du capitalisme de consommation et d’exclusion, est centrale. Il oppose à la mondialisation-sphère — uniforme, lisse, centrée sur l’intérêt économique — une mondialisation polyèdre, faite d’identités multiples et d’interdépendances respectueuses. Cette vision irrigue ses discours, voyages et encycliques, notamment Laudato Si’ (2015), qui lie écologie, justice sociale et responsabilité morale. Le Pape y dénonce la dette écologique des pays riches envers les pays pauvres et invite à une action collective au sein des institutions internationales. Son plaidoyer n’a pas été développé que lors aux grandes tribunes.
Dans Fratelli tutti, il invite à repenser la logique de domination économique au profit d’un « nouveau contrat social mondial » plus équitable. Il y accuse la dette d’être une arme de contrôle, utilisée par les puissances pour maintenir leur hégémonie sur les pays en développement. En défendant un modèle de développement centré sur l’humain, le Pape François a bousculé les certitudes du capitalisme mondialisé. Son message : aucun pays ne doit être condamné à la pauvreté pour des dettes héritées, souvent odieuses, qui empêchent toute perspective de justice et de paix durables
LE PAPE FRANÇOIS ET LES « SUD »
Pour la première fois de son histoire, l’Église catholique a un pape qui, bien qu’issu de l’émigration italienne, vient de l’hémisphère sud. Il porte dans sa trajectoire personnelle les cicatrices et les espérances des peuples du Sud : ceux d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, longtemps relégués aux marges du monde et de l’histoire. Or, c’est dans ces parties du monde que le catholicisme est en progression numérique. Cette situation provoque une évolution culturelle : privilégier les situations concrètement vécues par les personnes plutôt que les principes théoriques, universels et permanents. Mais elle révèle aussi une pluralité de sensibilités : le « Sud » est loin d’être homogène.
Le pape François, lui, engage une véritable reconfiguration de la posture géopolitique du Saint-Siège et inscrit son action dans une volonté de rendre l’Église visible, audible et influente dans un monde où les religions sont devenues des acteurs géopolitiques à part entière. L’objectif : proposer une vision alternative de la mondialisation, non comme une uniformisation stérile, mais comme une coexistence enrichie des différences. Le Pape François a dès le début de son pontificat affirmé une rupture symbolique et politique avec l’eurocentrisme de l’Église catholique. Ce regard venu « d’en bas » structure sa pensée. Il n’a cessé de rappeler que les périphéries – géographiques, sociales ou spirituelles – sont le cœur battant de l’Évangile.
À travers ses voyages, ses discours et ses gestes, le pape François a donné un visage aux invisibles: les favelas brésiliennes, les bidonvilles africains, (le Congo compte la plus grande communauté de Catholiques des pays d’Afrique : plus de 70 millions) les camps de migrants en Asie. Il s’est fait l’avocat des peuples oubliés, dénonçant le cynisme d’un système mondial qui « sacrifie des vies humaines sur l’autel du profit ». Il s’est attaqué au néocolonialisme économique, aux dettes écrasantes, aux ingérences politiques et à l’exploitation des ressources naturelles au détriment des populations locales. La Pape François n’a jamais caché sa méfiance envers les logiques de domination imposées par le Nord global. Il a appelé à une mondialisation plus humaine, fondée sur la solidarité, le dialogue interreligieux et la justice sociale. Son concept d’« Église pauvre pour les pauvres » s’enracine profondément dans les luttes populaires d’Amérique latine, mais résonne aussi dans les espoirs des Africains et des communautés d’Asie. Il Plus qu’un chef spirituel, le pape François s’est imposé comme une conscience morale pour un monde fracturé. Et son message est clair : il est temps que les peuples du Sud cessent d’être les oubliés du développement, et deviennent les acteurs d’un avenir partagé. Le Pape François ne s’est pas limité pas aux mots. Sa diplomatie active s’est illustrée dans le rétablissement des relations entre Cuba et les États-Unis.
APOTRE D’UNE ECOLOGIE INTEGRALE FACE AU DEREGLEMENT CLIMATIQUE
Dès son élection en 2013, le pape François s’est imposé comme l’une des voix les plus fortes et les plus singulières sur la scène internationale face à l’urgence climatique. Dès 2015, avec l’encyclique Laudato si’, il a redéfini le rapport entre l’homme, la nature et Dieu, appelant à une « écologie intégrale » où la sauvegarde de la planète est indissociable de la justice sociale. Pour lui, la crise écologique n’est pas seulement une question de pollution ou de climat : elle est aussi morale et spirituelle. La dégradation de la nature est le reflet d’un modèle économique prédateur qui sacrifie les pauvres et les générations futures sur l’autel du profit immédiat. « Tout est lié », a-t-il martelé, en insistant sur la solidarité entre les êtres humains et la Terre, notre « maison commune ».
À chaque sommet international, le souverain pontife multiplie les appels à une conversion écologique radicale. Lors de la COP28, il n’a pas hésité à dénoncer l’inaction des puissances économiques, accusées de « discours creux » face à des catastrophes qui frappent en premier lieu les plus vulnérables. Il exhorte les décideurs à sortir d’une logique d’exploitation pour entrer dans une logique de soin et de partage. La Méditerranée, qu’il a choisie comme symbole lors de sa visite à Marseille, incarne ce cri d’alarme : berceau de civilisations, elle est aujourd’hui menacée par le changement climatique, les migrations forcées et la désertification. François y a vu le signe d’un naufrage civilisationnel si rien n’est entrepris. À travers ses paroles et ses gestes, le Pape a rappelé que l’enjeu climatique est aussi un enjeu de fraternité. Il a invité croyants et noncroyants à s’engager ensemble pour sauver ce monde que nous partageons.
Son message est clair : lutter contre le dérèglement climatique, c’est aussi lutter contre l’indifférence, l’injustice et l’exclusion. Son projet est clair : inscrire l’Église dans une géopolitique des peuples, et non des puissances. En cela, François s’inscrit dans une tradition spirituelle mais aussi stratégique, où la foi ne se dérobe pas aux réalités du monde, mais en propose une lecture engagée, tournée vers les périphéries, les exclus et les oubliés. Une Église moins dogmatique, plus incarnée, et profondément ancrée dans les contradictions du temps présent. Avec François, la géopolitique du Vatican devient un laboratoire moral et diplomatique qui pèse, dialogue et dérange. Et si cette Église-là dérange, c’est peut-être qu’elle est enfin de retour dans l’histoire Tout au long de son pontificat, François, loin de se laisser intimider, a assumé son rôle de médiateur planétaire. Il a engagé l’Église sur le front des grands bouleversements du XXIe siècle : dérèglement climatique, migration, pauvreté, fractures Nord-Sud. Il a appelé à une mondialisation construite par les peuples et les cultures, et non subie. Dans ce cadre, les pays du Sud doivent faire entendre leurs voix, avec leurs douleurs, leurs richesses et leurs combats.
PLUS D’UN MILLIARD DE CATHOLIQUES EN DEUIL
Le Pape François tire sa révérence. Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, la capitale de l’Argentine, de parents (tous les deux) immigrés italiens, le chef spirituel de plus d’un milliard de catholiques s’est éteint hier, lundi de Pâques, 21 avril à 7:35
Le Pape François n’est plus. À la tête de l'Église catholique depuis 12 ans (élu en 2013), le Pape François s'est éteint hier, lundi 21 avril 2025, à l'âge de 88 ans, a annoncé le Vatican. Il est apparu en public pour la dernière fois la veille, dimanche, lors de la célébration de Pâques, place Saint-Pierre au Vatican, pour un bain de foule surprise. Après la mort d'un Pape se met en place un rituel huilé et codifié. Ainsi, neuf (09) jours de deuil, appelées les «Novemdiales», débutent pour l’Église universelle. Entre réunion des congrégations, le rituel mis en place dès l'annonce de la mort du Pape permet de combler la vacance du siège apostolique et organiser la succession. En attendant, le Cardinal irlandais Kevin Farrell, est désigné Pape «par intérim».
Le Pape François tire sa révérence. Né le 17 décembre 1936 à Buenos Aires, la capitale de l’Argentine, de parents (tous les deux) immigrés italiens, le chef spirituel de plus d’un milliard de catholiques s’est éteint hier, lundi de Pâques, 21 avril à 7:35 du matin, à l'âge de 88 ans. Comme le veut la tradition, le décès du Souverain pontife (Jorge Mario Bergoglio avant d’être élu Pape), a été annoncé par le camerlingue, le cardinal Kevin Farrell. L’Argentin dirigeait l’Église catholique romaine depuis la démission du Pape allemand Benoît XVI, en 2013. Le Préfet du Dicastère pour les Laïcs, la Famille et la Vie a souligné une vie «consacrée au service du Seigneur et de son Église». Le corps diplomatique et les chefs d’États du monde entier ont eux été informés par le doyen du collège cardinalice, le Cardinal Giovanni Battista Re. Il aura passé 12 ans à la tête de l'Église catholique.
NEUF JOURS DE DEUIL
Après son décès débutent neuf (9) jours de deuil pour l'Église universelle, appelées les «Novemdiales», marqués par des réunion des congrégations, conclave... bref tout un rituel bien huilé mis en place dès l'annonce de la mort du pape pour combler la vacance du siège apostolique et organiser la succession. Ainsi, dès hier lundi, à 20h00, le cardinal Farrell, camerlingue de la Sainte Église romaine, a présidé le rite de la constatation de la mort et de la mise en bière dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe. Auparavant, prêtres, diacres et fidèles sont invités à participer à la messe de suffrage à l’intention du Pape à 19h en la basilique Saint-Jean-de-Latran, informe Vaticannews.va. Durant ces neuf (9) jours de deuil, appelées les «Novemdiales», des messes seront célébrées tous les jours dans les basiliques vaticanes et églises romaines afin de prier pour le repos de l’âme du Pape défunt. Le cardinal Baldo Reina, vicaire pour le diocèse de Rome, a présidé une messe de suffrage à l'intention du Pape, hier lundi soir, à 19h00, en la basilique Saint-Jean du Latran, cathédrale de l'évêque de Rome, en présence de prêtres, diacres et fidèles. De l’autre côté du Tibre, au Vatican, le camerlingue présidera le rite de la constatation de la mort et de la mise en bière dans la chapelle de la résidence SainteMarthe, où le Pape François a vécu ses dernières heures. Le doyen du sacré collège, le Directeur et Vice-directeur de la Direction de la Santé et de l'Hygiène du Gouvernorat de l'État de la Cité du Vatican seront présents, ainsi que les proches du Pape argentin. Conformément aux modifications apportées en novembre 2024 par François à L'Ordo Exsequiarum Romani Pontificis, les trois cercueils traditionnels de cyprès, de plomb et de chêne, seront remplacés par un cercueil unique en bois et en zinc. Parmi les autres nouveautés introduites, l’exposition prochaine du corps du pontife à la vénération des fidèles se fera à l’intérieur d’un cercueil ouvert dans la basilique Saint-Pierre, et ne sera non plus présenté sur un catafalque comme ses prédécesseurs. Des simplifications des funérailles pontificales expliquées par François dans «Espère», livre autobiographique publié en janvier 2025 : «Des funérailles dignes, mais comme n’importe quel chrétien: car l’évêque de Rome est un pasteur et un disciple, il ne fait pas partie des puissants de ce monde».
L’INHUMATION PREVUE ENTRE VENDREDI ET DIMANCHE
Le transfert du corps du SaintPère dans la basilique vaticane pourrait avoir lieu mercredi matin, 23 avril, selon les modalités qui seront établies et communiquées ce mardi, à l'issue de la première congrégation des cardinaux, selon le Directeur de la Salle de presse du Saint-Siège Matteo Bruni. L’inhumation aura lieu entre le quatrième et le sixième jour (donc entre vendredi et dimanche), comme indiqué dans la Constitution apostolique du Pape JeanPaul II, Universi Dominici Gregis. La date exacte sera décidée par le Collège cardinalice qui se réunira quotidiennement en congrégations générales au Palais apostolique, à partir de leurs convocations par le camerlingue et les premiers cardinaux de chaque ordre. La messe solennelle des funérailles sera présidée par le doyen du Collège des cardinaux et concélébrée par les cardinaux et les patriarches. Selon le rituel officiel, elle sera organisée dans la basilique Saint-Pierre ; mais pour Paul VI, Jean-Paul Ier, et Jean-Paul II, les obsèques furent célébrées sur la place. Après la messe, le cercueil du Pape sera conduit dans la basilique SainteMarie-Majeure, lieu de sépulture choisi par François.
LE CARDINAL CAMERLINGUE, KEVIN FARRELL, PAPE «PAR INTERIM»
C'est le cardinal irlandais Kevin Farrell, Préfet du Dicastère (ministère) pour les Laïcs, la Famille et la Vie, qui a été choisi pour le poste de Cardinal camerlingue, en 2019. Tous les plus hauts responsables du «gouvernement» de l'Église, c'est-à-dire la Curie romaine, doivent eux se démettre de leurs fonctions à la mort du pape ; seul le Cardinal camerlingue reste en poste pour administrer les affaires courantes, rappelle Rfi.fr. Il convoque alors les réunions de cardinaux, appelées «congrégations», qui vont prendre en charge la suite du rituel. Réunis par le camerlingue, les cardinaux décident avec lui du jour et des modalités des obsèques du Pape, le jour du début du conclave, des dépenses courantes pendant la vacance du siège, etc. Les cardinaux font aussi le bilan de la situation de l'Église sous la houlette du doyen du Sacré Collège. Chacun des 200 cardinaux est censé prendre au moins une fois la parole pour exprimer son point de vue. Ces réunions sont importantes, car elles permettent aux cardinaux de déterminer qui peut être le futur pape compte tenu des besoins de l'Église. «C'est d'ailleurs lors de l'une de ces rencontres après la renonciation de Benoît XVI en 2013 que le cardinal Bergoglio s'était fait remarquer par la clarté de son analyse, le courage de ses propositions et la puissance de son charisme», indique Rfi citant Le Figaro.
LES CARDINAUX EN ROUTENT POUR ROME
Depuis l'annonce du décès du Pape François, les cardinaux du monde entiers convergent vers Rome, rapporte Vaticannews. Une fois qu’ils seront suffisamment en nombreux, les congrégations générales se mettront en place pour assurer la gestion des affaires courantes, l’organisation des funérailles et du conclave. L’assemblée des cardinaux ne peut en revanche prendre aucune décision dont la validité excéderait la période de vacance du Siège apostolique. Les cardinaux fixent le jour et l’heure du commencement des votes, entre le quinzième et le vingtième jour après la mort du souverain. Pendant cette période, les activités du Saint-Siège sont mises sur pause et les chefs de dicastères sont automatiquement déchus de leur fonction. La célébration eucharistique et le rite de canonisation du bienheureux Carlo Acutis, prévus dimanche 27 avril à l'occasion du Jubilé des Adolescents, est suspendue. Les affaires liées à la gestion de la cité du Vatican sont prises en charge par les secrétaires des dicastères. Ils sont assistés par les congrégations particulières, composé du cardinal Kevin Farell et de trois cardinaux, un par ordre, tirés au sort et renouvelés tous les trois jours. Jusqu’à l’élection du prochain pontife, le camerlingue est chargé de l’administration des biens temporels du Saint Siege. L'entrée en conclave, pour l'élection du successeur du pape défunt, intervient entre 15 et 18 jours après la mort du pape. La durée moyenne des dix derniers conclaves était de trois jours. Le dernier conclave, qui a élu François en 2013, n'a duré que deux jours et comportait cinq tours de scrutin.
CINQ DÉFIS POUR L'HÉRITIER DU PAPE FRANÇOIS
Dès ce mardi, les cardinaux entament 15 jours de discussions qui prépareront l'élection d'un nouveau souverain pontife. Le successeur de Jorge Bergoglio héritera d'une institution confrontée aux scandales, à la sécularisation et à des divisions internes
(SenePlus) - La disparition du pape François lundi 21 avril 2025 ouvre une période cruciale pour l'Église catholique. Dès mardi matin, les cardinaux sont appelés à rejoindre Rome pour préparer l'élection du nouveau souverain pontife et débattre des enjeux majeurs qui attendent l'institution. Selon Le Monde, ces princes de l'Église devront, "pendant au moins quinze jours, discuter des affaires courantes avant de se pencher, dans le cadre de ces assemblées quotidiennes, sur les enjeux de l'Église universelle et les défis qui se présentent à elle."
Le conclave qui désignera le successeur de Jorge Bergoglio ne débutera pas immédiatement. Conformément au protocole, la période de vacance du siège apostolique s'ouvre d'abord par des "congrégations générales" présidées par le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du Sacré Collège, pour aborder les nombreux dossiers en suspens.
Le prochain pape héritera de problématiques majeures, au premier rang desquelles figure la crise des abus sexuels. Comme le souligne Le Monde, "il ne se passe pas une semaine dans le monde sans qu'une nouvelle affaire ne soit dévoilée." Si François avait pris des dispositions concrètes après une "prise de conscience tardive lors d'un voyage au Chili, en 2018", notamment "l'obligation pour les clercs de signaler les abus à Rome" et la mise en place d'un "système pour recevoir les signalements", le chemin reste long. Le quotidien précise que "si des pays comme la France, l'Allemagne ou la Belgique se sont engagés sur la voie de la reconnaissance et parfois de la réparation à l'égard des victimes, nombre d'Églises africaines ou asiatiques considèrent encore ce sujet comme tabou."
Le nouveau pontife devra également affronter les divisions internes. "Les sujets de divisions n'ont pas manqué pendant les douze années du pontificat de François", rapporte Le Monde. "Les questions de liturgie (messe célébrée selon l'ancien ou le nouveau rite), de morale, d'acceptation des homosexuels, de rapport au monde moderne ont créé des dissensions au sein du peuple des baptisés. Au point que deux camps – progressistes et conservateurs – s'affrontent parfois dans un même pays."
L'Église fait face à une désaffection particulièrement marquée en Occident. Le Monde indique qu'"en Allemagne, plus d'un demi-million de personnes ont quitté l'Église en 2022" et qu'"en France, les baptêmes d'adultes, certes en hausse, ne compensent pas la baisse générale du nombre de baptêmes." Ce phénomène s'accompagne d'une diminution des vocations sacerdotales, créant un double défi démographique pour l'institution.
Face à cette situation, l'avenir de l'Église pourrait passer par une évolution de sa gouvernance. Le journal précise que "le prochain souverain pontife devra à l'évidence répondre à une demande qui s'est massivement exprimée lors de la préparation du synode sur la synodalité [...] : la place des femmes et l'avènement d'une Église plus inclusive."
La synodalité, ce processus de consultation et de prise de décision plus horizontal, "sera également un enjeu pour l'avenir", d'autant que François "a prolongé les travaux de l'assemblée jusqu'en 2028, l'imposant de fait au prochain pape." Selon Le Monde, "certains, à Rome, voient même le conclave comme un potentiel référendum sur le synode, tant le sujet a clivé le monde catholique."
Sur la scène internationale, le successeur de François devra se positionner sur plusieurs dossiers brûlants. Le Monde souligne trois enjeux principaux : "La guerre dans la bande de Gaza, sur laquelle François n'a cessé de s'exprimer jusqu'à son dernier souffle, demandant un cessez-le-feu et le retour des otages. Mais aussi les rapports, compliqués, de l'Église catholique avec la Russie, avec laquelle il a tenté en vain d'entrer en communication. Et, enfin, la Chine, seule puissance à nommer les évêques conjointement avec Rome, en vertu d'un accord signé en 2018 et renouvelé tous les deux ans."
Cet accord avec la Chine, en particulier, fait l'objet de critiques, "surtout parmi les [voix] les plus conservatrices", précise le quotidien français.
Le prochain pape devra également, selon un religieux cité par Le Monde, "ramener de la quiétude à une curie et à une hiérarchie ecclésiastiques qui en ont besoin, tant le gouvernement de l'Argentin a parfois été dur à leur égard." Ce même religieux note que "les conservateurs auront aussi pour priorité de ramener une forme de stabilité après un pape qu'ils accusent d'avoir déstabilisé l'Église."
Alors que les 135 cardinaux électeurs (sur 252 cardinaux au total) commencent à converger vers Rome, ces multiples défis dessinent les contours d'un conclave aux enjeux considérables pour l'avenir de l'Église catholique et ses 1,4 milliard de fidèles à travers le monde.
par Cheikh Tidiane Gadio
MULTIPLE PHOTOS
LE JAPON, MODÈLE DE RÉSILIENCE D'UN PAYS "REVENU DE LOIN POUR ALLER TRÈS LOIN"
EXCLUSIF SENEPLUS - On est frappé par la parfaite concordance des Japonais avec la consigne de Senghor (malheureusement vaine dans son pays) : « Le développement est d’abord une question d’organisation, de méthode et un sens de la rigueur"
En ma qualité de président de l'IPS (Institut Panafricain de Stratégies, Paix – Sécurité - Gouvernance) et d'ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, il m'a été donné le privilège d'une visite de travail et de séjour amical au Japon en janvier dernier.
C'était ma 3ème visite au « pays des Samouraïs », mais en vérité c'était ma première visite de contacts, de découvertes et d'échanges approfondis sur le parcours difficilement égalable de ce pays « revenu de loin pour aller très loin ». Le Japon est une puissance économique, industrielle et technologique bâtie sur les ruines et décombres du seul pays au monde qui a subi dans sa chair les affres d'un double bombardement nucléaire à Hiroshima (6 août 1945) et Nagasaki (9 août 1945).
Pendant mes deux précédentes visites, ce n'était pas moi qui m'étais rendu au Japon pour aller à la rencontre de son pays, de son peuple, de son histoire et de ses belles performances économiques et technologiques, mais c'était le ministre des Affaires étrangères du Sénégal qui y était allé participer à la visite officielle du président du Sénégal (12-15 mai 2003) et qui y était retourné pour la Ticad III (29 septembre – 1er octobre 2003). De tels voyages sont des activités "indoors" par excellence et obeïssent à la métaphore de "l'arbre qui cache la forêt". Ils ne permettent pas forcément un contact avec un peuple et avec sa culture.
De l’accueil à l’aéroport à l’arrivée, au retour à l’aéroport pour le départ, on est frappé par la parfaite concordance des Japonais avec la consigne du président Senghor (qui a malheureusement été vaine dans son pays) : « Le développement est d’abord une question d’organisation, de méthode et un sens de la rigueur." Les Japonais ne laissent aucune place à l'improvisation. Organisés et méthodiques, Ils sont d'une rigueur extrême.
C'est pour tout cela, que j'ai vite ressenti l'invitation à visiter le Japon comme une composante d'une politique diplomatique d'ouverture et d'exposition de leur pays à des visiteurs intéressés par l'expérience japonaise.
En outre, j'ai perçu assez vite la volonté de mes hôtes de m'exposer à la civilisation et à la culture plusieurs fois millénaires de leur pays qui expliquent en grande partie leur philosophie de la vie et leur spiritualité qui les poussent au travaillisme acharné comme autrefois le protestantisme qui, selon Alexis de Tocqueville, encourageait "une éthique du travail rigoureuse qui contribue à la prospérité économique"!
Diplomatie japonaise et diplomatie africaine : convergences réelles...
J'ai particulièrement apprécié mes deux visites au ministère des Affaires étrangères (MAE) qui ont été ponctuées par des rencontres avec des diplomates, experts pointus sur les questions africaines (Union africaine, Communautés économiques régionales, ZLECAF, Crises sécuritaires en Afrique...), mais aussi sur le mlmultilatéralisme, la réforme des Nations-Unies, la Coopération bilatérale et multilatérale et le développement socio-économique en Afrique sans oublier la reconfiguration en cours de la géopolitique mondiale, etc...
Dans l'exposé de la doctrine qui inspire les relations diplomatiques de leur pays avec l'Afrique, on note le confort que procure l'absence d'un passé colonial en Afrique et l'élimination du besoin (parfois inconscient) de justification ou de gestion d'un passé mémoriel douloureux comme cela arrive souvent avec les partenaires européens.
La demande très justifiée du Japon d'occuper sa place légitime au Conseil de Sécurité comme membre permanent avec tous les droits liés à ce statut, en compagnie de l'Inde, du Brésil, de l'Allemagne et de l'Afrique, a occupé une bonne partie de nos échanges sur la réforme des Nations Unies. J'étais à l'aise sur le thème de l'élargissement du Conseil de Sécurité puisque je fus et demeure un partisan fervent de l'accession du Japon au statut de membre permanent et au premier chef en compagnie de l'Afrique.
Le Japon, aligné sur les idéaux de l'ONU, pacifiste par excellence, un moment deuxième puissance mondiale et troisième contributeur au budget des Nations Unies après les deux géants que sont les Etats-Unis et la Chine, mérite sans conteste de sièger dans le Cercle (injustement fermé) des "P5".
En plus, avec son rendez-vous innovant et régulier avec l'Afrique qu'est la Ticad, le Japon jouit d'une réputation de "pays ami" grand contributeur au développement de l'Afrique. La "Conférence internationale de Tokyo sur le Développement de l'Afrique" (Ticad) est un modèle de concertation inclusive et respectueuse qui valorise grandement l'esprit d'un partenariat sans arrière pensées entre l'Afrique et le Japon.
En guise d'exemple, en août 2022, lors de la Ticad 8, le japon s'était engagé pour une contribution de 30 milliards de dollars sur trois ans pour le développement des pays africains. Le Japon a aussi lancé une initiative d'envergure pour la sécurité alimentaire avec par exemple un engagement de 15 milliards de Yens accordés sous forme de prêt à la Côte d'Ivoire dans une enveloppe d'environ 45 milliards de Yens mise en place avec la BAD pour la coopération agricole avec l'Afrique!
Lors de ma deuxième rencontre organisée par le MAE, il m'a été donné de rencontrer des cadres du ministère et des chercheurs et spécialistes japonais du National Graduate Institute for Policy Studies, tous experts sur les questions liées à la crise sécuritaire mondiale, celle de l'Afrique en particulier comme le terrorisme dans le Sahel dévasté, le conflit fratricide au Soudan entre factions militaires et la crise violente dans l'Est de la RDC qui met en scène des acteurs nationaux et des pays voisins.
Je dois avouer ma surprise quand pendant et après mon exposé j'ai noté une grande émotion dans la voix et les yeux embués de larmes de certains collègues chercheurs. Ceci m'a éduqué sur l'humanisme et la capacité intacte d'indignation de mes colègues Japonais face aux injustices infligées aux populations africaines par des conflits aux causes endogénes et exogènes.
Études africaines au Japon et "musée de la souveraineté"
J'ai aussi été très impressionné par ma visite à l'Université des Études étrangères de Tokyo à Fuyu-Cité. Mon échange à bâtons rompus avec le Professeur Shinichi Takeuchi, président de l'Association Japonaise pour les Études Africaines, m'a beaucoup marqué. Ce jour-là, j'ai eu en face de moi un universitaire dont l'attachement à l'Afrique et au monde académique africain est dificilement égalable.
Professeur Shinichi Takeuchi est un érudit, un sage et un océan d'humilité qui a un sens aigu de l'ouverture et de l'universalisme. Par la qualité de ses exposés sur l'Afrique, il m'a donné l'envie de lui suggérer de discuter et de promouvoir avec ses collègues et amais universitaires africains la multiplication des Départements d'Études Japonaises en Afrique et la mise en place de Centres culturels de promotion de la culture et de l'enseignement de la langue japonaise. Il en a été très touché et reconnaissant car c'était aussi un de ses grands objectifs pour imprimer un nouvel élan aux relations universitaires et académiques Afrique-Japon.
Un autre moment fort de mon séjour a été la visite du "Musée national du territoire et de la souveraineté". Un modèle du genre, pédagogique, non vindicatif et très instructif sur un sujet délicat et très sensibl e: la démarcation des frontières historiques et modernes du Japon contemporain. Cette démarcation qui a varié au cours de l'histoire de la nation nippone, selon les rapports de force et les époques, est impressionnante et m'a beaucoup interpelé sur la géopolitique, la géostratégie et la charge émotionnelle des démarcations frontalières de mon pays et de mon continent. L'urgence d'un Musée pédagogique du territoire et de la souveraineté au Sénégal et en Afrique m'est apparu incontournable.
Comme le disaient deux amis diplomates émérites, l'Ambassadeur Aguibou Diarra (Mali) et l'Ambassadeur et géographe Michel Fouchet (France), la démarcation a une double mission : délimiter clairement la domiciliation juridique et politique des composantes de territoires adjacents et ensuite s'empresser de les "invisibiliser" pour laisser les peuples jouir en toute quiétude de leur espace ancestral non mutilé et ouvert à une libre circulation. J'ai vu le Japon - dans une approche résolument pacifiste - porter un tel message de vérité et de quête de justice historique sur les affiliations des bouts de territoires et des bouts d'îles autrefois rattachés à son empire et à son récit national et aujourd'hui convoités ou réclamés par des voisins.
Développement, coopération et Jica
Le Japon est sans conteste une référence en matière de planification du développement (dans tous ses domaines et exigences) dont l'Afrique gagnerait à étudier le modèle. Ma rencontre avec Monsieur Tetsushi Sonobe, Directeur de l'Asian Development Bank International, m'a ouvert davantage les yeux sur le fait que les partenaires japonais sont disposés à partager leur expérience dans tous les secteurs et surtout dans celui essentiel de la mobilisation des financements pour le développement. Jai été conforté lors de nos échanges sur la priorité absolue qu'il faut accorder à l'agriculture, l'éducation, la santé, l'énergie, la sécurité,les infrastructures, en plus du numérique et de l'environnement.
Avec mes amis de longue date de la Jica (Agence Japonaise de Coopération Internationale), j'ai eu une rencontre très amicale voire fraternelle mais aussi professionnelle. C'est ce jour que des Japonaises qui ont séjourné au Sénégal, m'ont parlé dans ma belle langue maternelle le Puular et dans ma deuxième langue nationale le Wolof. Que du délice que de les entendre partager, sans accent notable et avec un riche vocabulaire, leur expérience dans des familles sénégalaises au Fouta et à Dakar.
Dans cette athmosphère conviviale, je ne pouvais manquer l'occasion d'interpeler amicalement le directeur pour l'Afrique de la Jica, M. Naoki Ando, et son staff sur la nécessité d'orienter leur coopération vers une coopération de concentration. Aussi bien pour le Japon que pour ses partenaires africains, il serait plus rentable pour la conquantaine de pays du continent de ne pas voir le Japon diviser par exemple 200 à 300 bourses de formation en de petits paquets de 4 à 5 bourses destinées à chaque pays mais plutot par pays et par rotation d'offrir dans des secteurs d'études clés 20 à 30 bourses (d'ingénieurs par exemple) par pays ciblant un groupe d'une vingtaine de pays. Ainsi dans un cycle de 10 ans pour le Sénégal, le Japon formerait entre 200 et 300 Ingénieurs qui, de retour au pays, rejoindraient une élite d'ingénieurs batisseurs hautement formés sur place ou ailleurs.
L'idée a séduit mes interlocuteurs qui ont déjà à leur actif, dans le cadre de l'Initiative ABE (African Business Education Inititiative), la formation de prés de 2.000 jeunes Africains en dix ans, soit en moyenne 200 bourses par an.
Un autre programme phare de la Jica "École pour tous", lancé en 2004 au Niger, a connu un developpement fulgurant pour s'étendre à 53.000 écoles primaires et secondaires dans huit pays d'afrique. Au total, la Jica est en phase avec les théroriciens du dévelopement de l'Afrique en ciblant comme secteurs prioritaires de son intervention dans le continent: l'Education, la Santé, les Infrastructures, l'Agriculture et la Sécurité alimentaire, la Gouvernance et la Paix, le Développement économique, l'Environnement et le Changement climatique, etc.
Sécurité et révolution digitale
Après la Jica, et en ma qualité de leader d'un Think Tank sur la Paix et la Sécurité, mes hôtes m'ont amené discuter avec le Directeur du NIDS (National Institute for Defense Studies) et un de ses collaborateurs spécialiste de l'Afrique de l'Ouest. Après avoir comparé nos notes sur la situation sécuritaire de leur région, nous avons longuement parlé de la grave crise sécuritaire du Sahel et ce que nos amis japonais pourraient apporter comme contribution.
Il est vrai que le japon n'a pas la pratique de l'intervention directe sur le terrain avec des troupes (style "boots on the ground"), mais j'ai insisté que les questions miliaires et de défense en général ont évolué et épousé aujourd'hui les formidables potentiels de la révolution digitale avec les drones, les satellites de surveillance géo-spatiale, les géolocalisations milimétrées des cibles de jour comme de nuit et que par conséquent le grand déficit en Intelligence et renseignements des FDS africaines pourrait être fortement réduit par des partenaires aussi généreux et disponibles que sont les Japonais.
Kyoto après Tokyo
Il est impossible de se rendre au Japon sans visiter la belle ville métropolitaine de Kyoto dont le nom sonne comme une inversion de sa rivale Tokyo. Kyoto vous rappellent avec fierté vos hôtes nippons, est l'ancienne capitale du Japon pendant près de mille ans (794-1868) avant le transfert en 1868 de la capitale à Tokyo avec la restauration du Meiji, du nom de l'Empereur MEIJI et qui signifie "gouvernace lumineuse" ou "gouvernement éclairé".
A Kyoto où nous sommes arrivés par le TGV japonais (d'une remarquable modernité, tranquilité et propreté), nous avons surtout été l'hôte de deux grandes unversités : l'Université Ritsumeikan et l'Université de Kyoto.
À l'université de Ritsumeikan, des collègues, brillants universitaires africanistes ont engagé un débat de fond avec moi sur la situation globale du continent africain et ses ambitions dans la nouvelle géo-politique mondiale. Discussions passionnantes avec ces Professeurs et chercheurs japonais dont certains ont déjà visité l'Afrique pour des recherches de haut niveau.
À l'Université de Kyoto, j'a été réçu très chaleureusment par un universitaire de renom, Professeur Motoki Takahashi, un vibrant défenseur de l'Afrique qui d'ailleurs ce jour-là recevait la vice-présidente de l'Université de Nairobi venue consolider le partenariat très fort entre leurs deux institutions. Le Professeur Takahashi m'a tout de suite mis en première ligne, à côté de ma collégue univresitaire kenyane, dans un webinaire portant sur "Les échanges universitaires Afrique-Japon IAFP (Innovative Africa: Educational Networking Programs for Human Ressource Development in Africa SDGs)".
La satisfaction du Professeur Takahashi, après notre contribution, s'est manifestée dès mon retour à Dakar par sa proposition d'un webinaire entre son Université et notre "Institut Panafricain de Stratégies" sur le thème : « La coopération du Japon avec l'Afrique subsaharienne et ses implications pour la Ticad. »
Hiroshima, résilience et nouvelle espérance
L'étape finale de ma visite au Japon a été d'une haute intensité émotionnelle, car mes hôtes m'ont fait visiter et séjourner pendant huit longues heures dans la ville historique et emblématique d'Hiroshima, mondialement connue pour les funestes raisons que l'on sait. Je suis venu, j'ai vu, j'ai vécu, j'ai été bouleversé et je me suis emmuré dans un long silence de doutes et de questionnements sur la nature humaine et sur la capacité de barabarie inouïe de l'être dit "humain".
J'ai été impressionné et ému par le choix de ma guide d'aborder en ce moment l'impact des évènements tragiques d'Hiroshima sur la question de la spiritualité des Japonais et de leur rapport à la foi religieuse. La visite du Musée révèle l'ampleur de l'apocalypse causée par la fameuse bombe atomique, jetée dans un élan de punition collective sur des populations innocentes, avec en illustration les photos des victimes pétrifiées, réduites en cendres ou déshabilées de leur peau humaine en une fraction de seconde... L'horreur est telle que votre poussée de larmes est difficilement maîtrisée devant la simple vue du désastre humain!
Paradoxalement, on quitte Hiroshima, habité par une nouvelle espérance que le "PLUS JAMAIS ÇÀ" est forcé de prendre corps en tout visiteur surtout après avoir entendu partout le silence lourd et les gémissements des victimes de ce jour fatidique et après avoir imaginé le champignon atomique, pour paraphraser le grand poête David Diop, anéantissant "les rires à peine nés"! Mes valeurs africaines fondamentales me font croire avec Birago Diop, un autre grand poète, que "les morts ne sont pas morts. Ils sont dans le Feu qui s'éteint, Ils sont dans les Herbes qui pleurent, Ils sont dans le Rocher qui geint, Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure", c'est pour cela que j'ai senti leur forte présence dans la ville martyre d'Hiroshima.
L'humanité entière devrait visiter Hiroshima et sa tragique jumelle : Nagasaki. On entre dans l'histoire de ces deux villes comme on entre dans un vers du sublime Poète Mallarmé, comme disait l'autre "pour ne plus jamais en sortir"!
C'est peut-être aussi pourquoi ces deux villes ont inspiré et boosté la résilience du peuple des Samourais au point que l'Afrique, qui a subi le grand génocide de l'esclavage (une destruction humaine à nulle autre pareille si on considère les atrocités, les souffrances et le nombre total des victimes), devrait être inspirée par ce que le Japon à fait de l'horreur sans nom et sans limite en faisant obstinément cap sur l'avenir et en devenant très vite la deuxième puissance économique mondiale avant de se stabiliser comme la troisième après l'irruption du géant chinois...
Presque détruit par la Guerre, le Japon, avec un PIB en 1945 estimé entre 15 et 20 milliards de dollars, amorce dès les année 60 une croissance annuelle continue de 10%. Dès les années 80, l'Empire nippon est classé deuxième économie mondiale. Aujourd'hui le Japon est classé troisième puissance économique mondiale avec un PIB de 4.365 milliards de dollars, immédiatement aprés les deux géants de l'économie mondiale: les USA 26.185 milliards, la Chine 21.643 milliards (estimations FMI pour l'année 2024).
La résilience c'est non seulement la capacité à absorber un choc (même très brutal) mais c'est surtout la capacité à rebondir! Allez voir à Tokyo, à Kyoto et partout au Japon, ces jeunes aux regards pétillants de vie et de projets et vous comprendrez qu'ils ont décidé que leurs grands parents et leurs parents (générations post-Apocalypse) leur ont légué un avenir radieux et non un cimétière peuplé de lamentations incandescentes!
Je n'oublierai jamais ma récente visite au Japon. Je souhaite aux Japonais qui visiteront bientôt la nouvelle Afrique que nous voulons construire et que nous souhaitons unie, prospère et renaissante, arrivent eux aussi à la conclusion que notre continent a reconquis sa part du futur radieux des peuples résilients. Comme ceui du Japon!
Dr. Cheikh Tidiane Gadio est président de l'Institut Panafricain de Stratégies (Paix-Sécurité-Gouvernance), ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal.
par Bassirou Sakho
VERS LA FIN D’UNE GOUVERNANCE PRÉSIDENTIELLE ARCHAÏQUE À LA FSF ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Notre Fédération, pour avancer et évoluer en toute sérénité, doit se doter de services indépendants au soutien de son football et de ses licenciés, sans l'indispensable aval de sa gouvernance autocrate
L'élection du futur président de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF) approche. Mais si les semaines passent, les questions restent. Alors que les acteurs du football national devraient débattre avec passion et engagement, un alarmant statu quo persiste, le flou règne. Plutôt que de se questionner sur le meilleur programme pour notre football, la seule interrogation dont il est urgent d'attendre la réponse, presque sainte de l'actuel président Senghor, est semble-t-il celle de son désir de briguer un éternel dernier mandat. D'ailleurs, cette élection aura-t-elle lieu dans les temps promis ?
Au-delà de cette appétence pour le pouvoir du président en fonction et de sa capacité à pouvoir (vouloir ?) différer arbitrairement une élection démocratique, il est légitime de s'interroger sur le mode de gouvernance actuellement à l'œuvre au sein de notre Fédération.
L'organisation décisionnaire en place depuis plus de 60 ans, héritée d'un passé colonialiste d'antan, est actuellement désuète. Le Comex, la Commission permanente, l'Assemblée Générale et autres organes gestionnaires pâtissent d'une transversalité coupable. L'omnipotence de l'empreinte présidentielle sur les actions et les décisions prises (ou trop souvent non prises, comme celle de la limitation à deux mandats de présidence) pose un réel problème de séparation des pouvoirs.
Notre Fédération, pour avancer et évoluer en toute sérénité, doit se doter de services indépendants au soutien de son football et de ses licenciés, sans l'indispensable aval de sa gouvernance autocrate.
Notre football se professionnalise poussivement, contraint par les atermoiements de son organe directif. Les bons résultats sportifs de la tanière n'ont pas eu l'impact économique qui aurait dû en découler, faute d'une organisation claire, efficace et transparente. Ces bénéfices financiers auraient notamment dû permettre à la FSF d'actualiser son mode de fonctionnement ; par exemple, la digitalisation des documents nécessaires au bon fonctionnement du football sénégalais local.
De très nombreuses fédérations africaines (marocaine et ivoirienne, pour ne citer qu'elles) ont pris ces mesures qui ont favorisé le fort développement de leur équipe nationale et de leurs clubs. Notre fédération reste toujours à l'âge du papier et perd du terrain chaque jour dans son évolution. Un comble quand de nombreuses sociétés nationales, pourtant moins pourvues d'argent, sont mieux organisées que notre Fédération.
L'attente de la décision du président actuel quant à sa possible candidature ne saurait être qu'un épiphénomène, si notre Fédération avait une gouvernance saine, souveraine et indépendante. Cela va sans dire qu'il en serait de même à propos de la question de la tenue ou non de l'élection en août prochain.
On peut espérer que les prochains candidats à la présidence de notre Fédération sauront s'interroger sur la fonction qu'ils brigueront, et auront le courage de la faire mûrir pour le bien commun et non pour l'immuable intérêt personnel qu'elle engendre.
Le peuple sénégalais est à un tournant de son histoire. Le désir d'imposer une probité sans faille à classe dirigeante s'intensifie et la Fédération ne peut en faire fi. Charge au prochain président de la FSF de se montrer à la hauteur de sa future fonction, dans l'intérêt unique du football et des Sénégalais.
Bassirou Sakho est Conseiller sportif.
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LA SOUVERAINETÉ SOUS CONTRAINTE
"Construire un récit de la patience" : voilà le défi que doit relever le nouveau pouvoir sénégalais selon Kako Nubukpo. L'économiste souligne les similitudes entre la situation du Sénégal et celle des régimes de l'AES face à l'étau de la dette
Dans une interview accordée à Jeune Afrique, l'économiste Kako Nubukpo s'est penché sur la situation particulière du Sénégal face aux enjeux de souveraineté économique et politique. Contrairement aux pays de l'Alliance des États du Sahel (AES), le Sénégal a connu une transition démocratique qui constitue "un actif politique" pour le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko.
Cependant, Nubukpo souligne que cet avantage politique est considérablement réduit par le poids de la dette sénégalaise. "Paradoxalement, alors qu'on n'est pas du tout parti du même point, on se retrouve dans la même situation d'urgence" que les États sahéliens, explique-t-il. Face aux fortes attentes de la jeunesse en matière d'emploi, d'éducation et de santé, le nouveau pouvoir sénégalais dispose de marges de manœuvre budgétaires et monétaires limitées.
L'expert recommande au gouvernement sénégalais de "construire un récit de la patience" tout en négociant activement avec les partenaires internationaux pour obtenir des réductions de dette et des financements nouveaux. Il insiste sur l'importance d'articuler politique budgétaire et monétaire afin d'éviter une austérité budgétaire contre-productive.
Une différence majeure distingue toutefois l'approche sénégalaise de celle des États de l'AES : si le Sénégal cherche à réviser certains contrats jugés "léonins", il ne remet pas en cause "son insertion dans l'ordre géopolitique international", contrairement aux pays sahéliens qui diversifient leurs partenariats vers la Russie, la Chine et d'autres puissances émergentes du "Sud global".
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QUAND DAKAR S'ÉLÈVE, QUI RESTE SUR LE TROTTOIR ?
Almadies, Fann Résidence, Ngor, Yoff : ces quartiers dakarois deviennent le terrain de jeu d'une clientèle fortunée, majoritairement étrangère, tandis que le Sénégalais moyen, avec ses 96.206 francs CFA mensuels, observe de loin cette métamorphose urbaine
La capitale sénégalaise connaît une transformation immobilière spectaculaire. Dans les quartiers prisés comme les Almadies, Fann Résidence, Ngor et Yoff, les immeubles de grand standing se multiplient à un rythme effréné, témoignant d'une dynamique immobilière en plein essor.
Cependant, cette tendance révèle un paradoxe économique préoccupant. Avec des loyers pouvant atteindre 1,5 million de francs CFA mensuels, ces logements représentent environ 15 fois le salaire moyen d'un Sénégalais, estimé à 96.206 francs CFA selon l'Agence nationale de la Statistique et de la démographie (ANSD).
"Ce sont les personnes riches et les étrangers, notamment les diplomates, qui peuvent se permettre ces logements", explique un observateur du marché immobilier dakarois. En effet, cette offre de luxe répond principalement aux besoins d'une clientèle composée d'expatriés, de diplomates et d'une minorité de Sénégalais très aisés.
La stabilité politique du Sénégal et l'attractivité de Dakar comme centre d'affaires régional contribuent à ce phénomène. Ces résidents privilégiés recherchent un confort comparable aux standards européens, tout en restant à proximité des écoles internationales, des universités et des centres commerciaux.
Cette urbanisation verticale de luxe soulève néanmoins une question fondamentale : à qui profite réellement cette transformation urbaine dans une ville où le besoin en logements abordables demeure criant ? Alors que la capitale sénégalaise se métamorphose, le fossé entre les différentes couches sociales ne cesse de s'élargir, illustrant les défis persistants de l'accès au logement dans l'une des métropoles les plus dynamiques d'Afrique de l'Ouest.
YOUSSOU N'DOUR ET BURNA BOY EMBRASENT LE STADE DE FRANCE
Deux heures de folie musicale, une collaboration inédite entre deux générations d'artistes africains, et 80 000 personnes pour en témoigner.
(SenePlus) - Le Nigérian Burna Boy a réalisé un exploit historique en devenant le premier artiste africain non francophone à remplir le Stade de France. Ce concert monumental, qui s'est déroulé vendredi 18 avril, a rassemblé 80 000 spectateurs dans une ambiance électrique.
Comme le rapportent Alice Durand et Valérie Marin La Meslée, journalistes au Point, la soirée a débuté par une apparition surprise qui a immédiatement enflammé le public : "On attendait Burna. Et Youssou N'Dour, surgissant d'une trappe de la scène avec son tube '7 Seconds' (mais sans Neneh Cherry), est apparu tout de rouge vêtu. Hurlements de joie dans la foule."
La première partie était assurée par Nissi, la sœur de Burna Boy, avant que le protagoniste principal ne fasse son entrée à 21h45. "Quand le pharaon arrive, il est vêtu d'une veste Louis Vuitton – puisque Burna Boy est aussi une star de la mode", notent les journalistes du Point, rappelant sa participation récente à la Fashion Week parisienne.
Le concert de deux heures a été marqué par une succession de temps forts, dont un moment particulièrement émouvant lorsque Burna Boy a partagé la scène avec Youssou N'Dour pour interpréter "Level Up", extrait de l'album "Twice As Tall" sorti en 2020. "La guitare prend feu, on se promène à New York sur les grands écrans. Burna, déjà rayonnant, nous crie : 'It's my dream to be here, from the bottom of my heart. Paris je t'aime !'", relatent les journalistes du Point.
Plusieurs invités de marque se sont succédé sur scène, notamment le rappeur britannique Dave, le chanteur haïtien Joé Dwèt Filé et le rappeur nigérian Shallipopi. Le magazine souligne également un moment plus mitigé avec l'apparition du rappeur français Werenoi, décrite comme "la catastrophe" et "le seul raté de ce concert".
L'afrobeat était naturellement à l'honneur tout au long de la soirée. Le Point évoque "un défilé de majorettes nigérianes avec leurs gros tambours" et note que "l'afrobeat bat son plein" pendant les performances de tubes comme "It's Plenty", "Ye" et "Last Last".
Le concert s'est achevé sur un feu d'artifice et l'apparition de "Mama Burna", la mère et manager de l'artiste. "Burna Boy n'est sûrement pas un tendre, mais quand il s'engage, c'est pour de bon", commentent Le Point, rappelant son engagement auprès d'associations comme Reach et son fonds Protect qui vient en aide aux victimes de violences policières au Nigeria.
Les journalistes concluent leur reportage en soulignant l'impact culturel de cet événement : "Pas un phénomène, non, mais un artiste qui a déjà marqué l'histoire de la musique." Valérie Marin La Meslée confie être "comblée" par cette performance, tandis qu'Alice Durand, venue "en mode découverte", reconnaît s'être "pris une claque musicale, culturelle. Et surtout une claque de joie."
Ce concert historique confirme ainsi la place de Burna Boy comme figure incontournable de la scène musicale mondiale et marque une étape importante dans la reconnaissance internationale de la musique africaine.
LES DICTATEURS PERDENT TOUJOURS À LA FIN
La journaliste Peggy Sastre bouscule les idées reçues dans sa tribune publiée ce lundi dans Le Point. Derrière la lenteur et les compromis des démocraties se cache une force insoupçonnée que les dictatures sous-estiment systématiquement à leurs dépens
(SenePlus) - Ce lundi 21 avril 2025, la journaliste et chroniqueuse Peggy Sastre signe un éditorial remarqué dans Le Point, intitulé "La leçon que les dictateurs refusent d'apprendre : la démocratie gagne toujours à la fin". Dans cette tribune, l'autrice défend vigoureusement la supériorité du modèle démocratique face aux régimes autoritaires, malgré les apparentes faiblesses qu'on lui prête.
Peggy Sastre part d'un constat : dans le climat politique actuel, les démocraties sont souvent taxées de "mollesse" tandis que les régimes autoritaires séduisent par leur apparente efficacité et leur capacité de décision rapide. Elle réfute cette vision binaire qu'elle juge non seulement trompeuse mais "pernicieuse".
"La force de la démocratie ne réside ni dans la violence ni dans la pureté idéologique, mais dans sa complexité assumée, sa plasticité, sa capacité à absorber le conflit sans se désagréger", écrit-elle, défendant ce qu'elle nomme la "psychologie modérée" comme l'un des piliers essentiels de la démocratie libérale.
L'éditorialiste s'appuie notamment sur les travaux de Nassim Nicholas Taleb pour développer son argumentation. Elle explique que la démocratie appartient à la catégorie des systèmes "antifragiles" - ceux qui, loin de se briser face aux chocs, s'améliorent grâce à eux. "Ce qui passe pour de l'instabilité est en réalité une formidable capacité d'adaptation", souligne-t-elle.
À l'inverse, Peggy Sastre pointe la fragilité intrinsèque des régimes autoritaires : "Leur vision est unique, imposée d'en haut, leur hostilité à la critique est farouche – autant d'ingrédients d'une solidité de façade." Elle illustre son propos par plusieurs exemples historiques, de l'URSS à l'Irak de Saddam Hussein, en passant par le Venezuela chaviste et la Libye de Kadhafi.
"La démocratie est d'une autre nature. Plus humble dans ses promesses. Plus apathique dans ses décisions. Mais plus robuste, précisément parce qu'elle ne prétend pas tout contrôler", conclut-elle dans cet éditorial qui intervient dans un contexte mondial marqué par la montée de discours autoritaires et la fragilisation de plusieurs démocraties.
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LA COURSE CONTRE LE TEMPS D'HAMPÂTÉ BÂ
Du papier carbone au fichier numérique, l'héritage colossal d'Amadou Hampâté Bâ, témoin de l'Afrique précoloniale à postcoloniale, traverse les époques pour atteindre les nouvelles générations
"En Afrique, chaque fois qu'un vieillard meurt, c'est une bibliothèque qui brûle." Cette phrase célèbre prononcée par Amadou Hampâté Bâ à l'Unesco en 1960 résonne aujourd'hui avec une actualité particulière alors que la Fondation qui porte son nom s'attelle à préserver un trésor inestimable de connaissances africaines.
Né vers 1901 au Mali, Amadou Hampâté Bâ a consacré sa vie à sauvegarder les traditions orales africaines menacées de disparition. Ayant lui-même reçu une éducation à la croisée de plusieurs mondes - école coranique, école coloniale française et traditions ancestrales - il était particulièrement bien placé pour comprendre l'urgence de préserver ce patrimoine immatériel.
"Il a vu l'Afrique avant la première administration coloniale, pendant la colonisation et après les indépendances. Il a traversé le siècle et compris les enjeux", explique sa fille Roukiatou Bâ, qui dirige aujourd'hui la Fondation à Abidjan.
L'héritage documentaire est impressionnant : plus de 3000 manuscrits numérisés à ce jour, des milliers de pages de notes, de conférences et de témoignages recueillis pendant 55 années de recherche. Ces archives abordent des sujets aussi variés que l'histoire africaine, les traditions religieuses, la place de la femme ou l'avenir de la jeunesse.
La professeure Diané Assis, spécialiste de l'œuvre d'Hampâté Bâ à l'Université d'Abidjan, souligne l'importance de ce qu'elle nomme son "triple héritage" : "Il a su intégrer les traditions africaines, l'influence arabo-musulmane et la culture occidentale pour créer une œuvre accessible à tous."
Face à la rupture des modes traditionnels de transmission, causée notamment par la colonisation et l'école occidentale, Hampâté Bâ a fait le choix d'utiliser l'écrit, principalement en français, pour toucher un public plus large. "Les initiations traditionnelles ne pouvaient plus se faire car les jeunes devaient suivre le calendrier scolaire", rappelle la professeure Assis.
Aujourd'hui, la Fondation fait face à de nouveaux défis. La conservation des documents dans un environnement à 97% d'humidité représente un défi quotidien, malgré les déshumidificateurs installés. "Certains documents sont super fragiles, sur des papiers carbone. Chaque manipulation les abîme", s'inquiète Roukiatou Bâ.
La numérisation systématique est en cours, document par document, mais les moyens manquent. "On lance un appel à tous les Africains pour s'impliquer. Les États eux-mêmes devraient porter cette initiative", plaide la directrice de la Fondation.
L'enjeu est désormais de faire le pont entre l'écrit et le numérique, pour atteindre une jeunesse connectée. "Comment nous, détenteurs de contenu authentique, pouvons-nous le rendre accessible à la jeune génération sur des supports susceptibles de les attirer?", s'interroge Roukiatou Bâ, rappelant que son père avait déjà anticipé l'importance de l'audiovisuel, car "l'image prédomine dans la pensée africaine".
La Fondation Amadou Hampâté Bâ reste ouverte aux chercheurs et aux jeunes désireux de s'abreuver à cette "source inaltérée toujours d'actualité". Un trésor culturel qui, grâce à la persévérance d'un homme visionnaire, n'a pas entièrement brûlé.