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25 avril 2025
Société
PAR L’ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, BOUBACAR BORIS DIOP
CE VIEIL HOMME, NOTRE ENFANT…
Wade a desservi Karim, renforcé la cote de popularité de Macky tout en donnant de lui-même une image négative. En somme, trois coups de pierre contre sa réputation et contre la libération de son fils
Boubacar Boris Diop, Éditorialiste de SenePlus |
Publication 24/03/2015
Des analystes pourtant peu suspects de passion partisane continuent à regretter que la Crei n’ait été apparemment réactivée que pour juger Karim Wade. Même si on peut leur reprocher de tenir pour quantité négligeable ses co-inculpés ou d’oublier trop vite les nombreux dossiers déjà instruits, leur trouble mérite la plus grande attention. Il nous rappelle qu’au Senegal l’autorité publique n’a jamais vraiment su quelle attitude adopter à l’égard des auteurs de crimes économiques. C’est peu de dire que ces derniers, du fait de leur forte capacité de redistribution, sont plus souvent admirés que stigmatisés.
Il se raconte du reste, sous forme de blague populaire, qu’à des détenus ordinaires se plaignant des faveurs accordées à ces prisonniers de luxe, un régisseur aurait répliqué, excédé : «Ecoutez, ce n’est pas pareil, vous, vous êtes des voleurs alors qu’eux ont détourné !» Cette complaisance à l’égard de ceux qui dilapident nos maigres ressources s’explique-t-elle par le fait que le même personnel politique se partage le pouvoir depuis l’Indépendance ? L’hypothèse peut être avancée sans risque.
Le plus fascinant, c’est que Me Abdoulaye Wade, alias le «pape du Sopi», a été élu, après une exceptionnelle mobilisation populaire, pour briser ce cercle vicieux de la gabegie et de l’impunité. Quel Sénégalais peut s’en souvenir aujourd’hui sans un formidable éclat de rire ? Sous son règne, le système est devenu complètement fou ! Dès ses premières heures au Palais, il déclare à Idrissa Seck, qui l’enregistre en secret– drôle de gens, n’est-ce pas ?- : «Nos problèmes d’argent sont désormais derrière nous», avant d’ajouter cette phrase hallucinante : «Même les gangsters savent s’en tenir a un strict code d’honneur quand vient l’heure de se partager le butin.»
Il n’est dès lors pas étonnant qu’au cours de ses deux mandats à la tête du pays, on ait eu l’impression d’un gigantesque foutoir financier. Bien des cadres ayant travaillé avec Me Wade, en particulier ceux qui venaient de la Gauche, n’étaient pas des corrompus, loin s’en faut. Mais ceux qui l’étaient ne se sont pas du tout gênés. Les affaires en tous genres– terrains, trafic de devises voire de drogue– ont sans cesse défrayé la chronique et des milliers de gens qui tiraient le diable par la queue, ont amassé en peu de temps une colossale fortune.
Dans un petit pays à l’élite aussi «compacte», tout finit par se savoir, même, et peut-être surtout, ce que les medias choisissent, pour diverses raisons, de taire. Et– ne soyons donc pas si oublieux– Karim Meissa Wade, à la tête de moult ministères stratégiques, était au centre de tout. La justice lui demande depuis juillet 2014 de justifier l’accroissement phénoménal de sa fortune à l’époque où son père était chef de l’Etat. Il n’en a pas été capable et cela lui a valu une peine ferme de six ans et une amende de 138 milliards de francs Cfa.
On peut certes entendre les critiques des ONG des Droits de l’homme qui voient dans la Crei une juridiction d’exception violant les normes du droit international mais on a aussi eu le sentiment que pour ses avocats leur client, lâché par certains de ses prête-noms et complices, confondu sur des points importants, était devenu indéfendable. On les a donc davantage entendus en conférence de presse qu’à la barre du tribunal qu’ils ont du reste finalement boycotté. Il est d’ailleurs difficile de savoir à quoi ont bien pu servir les avocats étrangers supposés plaider en faveur de Karim Wade.
Malgré le gros cafouillage sur le compte de Singapour– un point, il faut le souligner, non pris en compte par le juge Henri-Grégoire Diop–, personne n’a été surpris par le verdict du 23 mars. Il n’y a pas lieu de se réjouir qu’une personne encore dans la force de l’âge soit obligée de rester quatre années en prison mais des dizaines de milliers d’autres Sénégalais purgent la même peine sans que cela n’émeuve personne.
L’avertissement vaut pour tous nos futurs chefs d’Etat. Ce qui arrive à Karim Wade doit leur faire comprendre qu’il est inadmissible et dangereux de détourner les suffrages populaires au profit de sa famille.
L’ex-président Wade, naguère tout-puissant, n’a rien pu faire pour sauver son fils. Il n’a même pas pu trouver un hôtel pour y organiser ce que le politologue Mbaye Thiam a appelé sur Sud FM «la dévolution paternelle du parti». Cela en dit long sur la brutalité de la chute de Wade. Il s’était pourtant montré si agressif à maintes reprises que le pays a eu de sérieuses craintes pour la sécurité des biens et des personnes le jour du verdict. A l’arrivée il y a eu plus de peur que de mal.
Me Wade, conscient de son faible pouvoir de nuisance ces temps-ci, s’y était sûrement attendu et c’est sans doute pour cela qu’il a fait de son fils le candidat du PDS à la présidentielle de 2017. Le projet, c’est de lui faire porter les habits de lumière du prisonnier politique, si populaire que le régime n’aura d’autre choix que de ne pas le maintenir en détention. Est-ce bien sérieux ? En vérité, cela s’appelle raisonner la tête à l’envers.
Tout d’abord, Karim Wade, qui n’a jamais remporté le moindre scrutin, est un binational. On le voit mal renoncer à son passeport français pour briguer les suffrages des électeurs sénégalais. Et au fait, dans quelle langue leur demanderait-il de voter pour lui ? C’est un point central que tout le monde semble avoir oublié. Sauf, probablement, l’intéressé lui-même et son père. Me Wade, qui a affronté tous les présidents, de Senghor à Macky Sall, sait bien ce qu’élection veut dire dans notre pays. Il serait étonnant qu’il entretienne au fond de lui-même la moindre illusion quant aux chances de son fils pour l’élection de 2017.
Il sait bien, pour le dire familièrement, que les carottes sont cuites.
Wade aura en effet tout essayé mais les appels du pied à l’armée n’ont pas eu plus d’écho que sa menace insolite de prendre le maquis. Et pour faire monter la tension, il ne s’est interdit aucune grossièreté à propos de la famille Sall. Ce faisant, il a desservi Karim Wade, renforcé la cote de popularité de Macky Sall tout en donnant de lui-même une image encore plus négative qu’à l’ordinaire. En somme, trois coups de pierre contre sa réputation et contre une cause, la dernière d’un vieux combattant, qui lui tient tant à cœur : la libération de son fils.
Une fin de parcours aussi douloureuse– il est des moments où le vieil homme suscite en effet une vague compassion– rappelle, toutes proportions gardées, celle d’Alboury Ndiaye. La tradition rapporte qu’au soir de sa vie, affamé et au bord de l’épuisement, le Bourba Djoloff fut obligé de voler une écuelle de lait dans l’arrière-cour d’une maison de Dosso, dans l’actuel Niger. Surpris par la propriétaire, il n’eut d’autre choix que de nier avec véhémence. En vain : un enfant l’avait vu en secret, qui témoigna contre lui. Il aurait alors déclaré à son griot : « J’ai été tout-puissant au Djoloff et voilà à quoi je suis réduit. Tout est perdu et je sais que ma fin est proche.»
Alboury Ndiaye, immortalisé entre autres par le dramaturge Cheik Aliou Ndao, a été peut-être le moins ambigu, le moins controversé de nos héros nationaux mais un cruel destin avait pris avantage sur le guerrier errant, panafricaniste avant la lettre. Du célèbre politicien libéral aussi, on peut dire, mais hélas pour de moins glorieuses raisons, que tout est perdu aujourd’hui, même l’honneur.
Il ne lui reste plus qu’à solliciter la clémence de celui dont il a dit tout récemment que jamais il ne serait au-dessus de Karim Wade. Peut-être s’exprimait-il ainsi en surestimant ses capacités à infléchir le cours de la justice. En homme qui a toujours cru au seul rapport de force, il est bien conscient d’être à la merci du régime de Sall. La surenchère verbale va rester de mise pendant quelque temps pour sauver les apparences mais il est très probable qu’il va bientôt jouer, en coulisses, la seule carte qui lui reste raisonnablement : solliciter la grâce présidentielle. Et si Macky Sall venait à céder aux pressions, l’on n’entendra probablement plus parler ni de l’homme Karim Wade ni encore moins du candidat sans peur et sans reproche. On peut supposer qu’il sera aussi oublié des Sénégalais que l’est à l’heure actuelle sa sœur. Le président pourrait être tenté de se montrer magnanime après avoir su se montrer ferme.
Qu’adviendrait-il des Bibo Bourgi et autres Mamadou Pouye, condamnées en même temps que Karim ? La question n’est pas simple car une libération générale ferait désordre dans l’opinion.
Quoi qu’il arrive, gardons-nous de jeter trop vite la pierre à Me Abdoulaye Wade. Ce quasi centenaire au regard perdu, si tragiquement solitaire, c’est nous-mêmes qui l’avons librement enfanté dans l’allégresse générale il y a une quinzaine d’années. Au-delà du sort personnel de son fils, c’est de cela que nous devrons nous souvenir demain et après-demain.
Enlevés le 3 mai dernier à Kaïlou (Ziguinchor) par une faction du mouvement indépendantiste MFDC et emmenés au plus profond de la forêt casamançaise, les démineurs otages font part, pour la première fois, de leurs conditions de détention et exposent leur vœu ardent de rejoindre «le plus tôt possible» leurs familles respectives. Dans la forêt, ils pratiquent la chasse et la pêche. Le journaliste et Reporter d'Image Christian Thiam de SenePlus.Com s'est entretenu avec les otages et plusieurs chefs militaires du MFDC dont César Atoute Badiate. Dans les toutes premières minutes de la vidéo, César Atoute Badiate s'exprime en diola mais les réactions des otages sont toutes en français.
Le voyage est long pour accéder au cantonnement militaire. Après plusieurs heures de conduite, il faut encore plusieurs kilomètres à pied pour accéder à la zone d’influence de César Atoute Badiate au fin fond de la forêt de Casamance. Un fief qui se «trouve bel et bien en territoire sénégalais», comme nous le précise le reporter de SenePlus.Com Christian Thiam qui a effectué ce voyage avec Jean Michel Mathiam un employé de la société sud-africaine Mechem pour qui travaillaient les otages.
Au plus profond de cette forêt, ils sont faits otages depuis le 3 mai 2013, loin de leurs familles, de leurs proches et de leur environnement social habituel. Cet enlèvement porte la signature d'une des factions séparatistes du Mouvement des Forces démocratiques de la Casamance (MFDC) dirigé par César Atoute Badiate.
Depuis que la vie de ces démineurs a basculé, personne ne les avait vu, ni entendu s'exprimer publiquement.
Assis sur des bancs en plein milieu de la forêt, les otages de César Atoute Badiate semblent en bonne forme physique. Pour la première fois, ils ont eu l’occasion de faire part de leurs conditions de vie et leur vœu ardent de retrouver leurs familles respectives.
Tout s’est passé sous l’œil vigilant du chef d’Etat-major du maquis César Atoute Badiate. C’est lui en premier qui prend la parole et s’exprime dans sa langue maternelle, le joola. Fixant droit la caméra, par moments, il expliqué les circonstances de sa rencontre avec Christian Thiam ainsi que l’objet de la visite de ce dernier dans le maquis.
A la suite, du général maquisard, c’est Charles Coly un des otages qui prend la parole. Serein, il confesse que depuis leur enlèvement, ses compagnons et lui n’ont été victimes d’aucune forme de maltraitance, ni de terreur de la part de leurs ravisseurs. En d’autres termes, ils ont été bien traités. Charles parle même de liberté de circuler dans les environs immédiats alors même qu’ils sont retenus comme otages.
«On est libre ici, on se déplace comme on veut»
«Depuis que nous avons été arrêtés, nous n’avons eu aucun problème. On a un peu marché, et cela c’est normal », a-t-il dit. Poursuivant son propos, Charles explique également que même la nourriture n’a jamais été un problème pour eux. «Nous allons à la pêche et à la chasse. On se déplace comme on veut », a-t-il souligné en tentant de se débarrasser des insectes de la brousse qui bourdonnent dans ses oreilles. Personne dans le maquis n’a jamais pointé une arme sur un otage pour lui ordonner d’exécuter une action, assure Charles.
En revanche, ce qui reste pénible et insupportable pour eux, c’est la séparation d’avec leurs familles respectives. «Le seul problème que nous avons, dit-il, c’est qu’on n’a pas nos familles». Doucouré, qui semble le plus jeune des otages qui ont fait face à la caméra, ne semble pas apprécier le propos très apaisants tenu par son collègue Charles.
Et il a tenu à marquer son désaccord, en prenant la parole : «On tient ici des discours pour dire que tout va bien… Mais on sera mieux chez nous», rétorque Doucouré, très ému avec une voix grinçante et empreinte d’émotion. «C’est bien beau de dire oui on n’a pas de problème. Mais nous, nous voulons rentrer chez nous le plus rapidement possible», a poursuivi l’otage.
«C’est très dur de vivre ici »
Gilbert Tendeng corroborant les propos de Charles, se dit persuadé qu’ils n’auront pas de problème. Seulement, reconnait-il «c’est dur de vive ici». Gilbert Tendeng se préoccupe du sort qui leur sera réservé après leur libération du point de vue professionnel. En effet, il craint qu’après leur libération, leurs familles respectives les déconseillent de continuer à travailler comme démineurs pour la société sud-africaine Mechem, parce que cette activité sera perçue comme une activité bien trop risquée.
Pour rappel, ils étaient douze démineurs travaillant pour la société sud-africaine Mechem, à être enlevés par la faction séparatiste du MFDC de César Atoute Badiate. Ils exécutaient tranquillement leur tâche ce 3 mai au soir dans le village de Kaïlou, (département de Ziguinchor), quand les rebelles ont fait irruption et les ont kidnappés.
Le général Badiate qui a commandité ce rapt estime que le gouvernement du Sénégal n’a pas respecter son engagement à arrêter le déminage dans les zones que le chef rebelle considère comme zone contrôlée par le mouvement rebelle.
Le 28 mai 3 femmes faisant partie des 12 démineurs ont été libérées pour des raisons humanitaires après une médiation des autorités de Bissau, de la Croix Rouge, le groupe de réflexion pour la recherche de la paix en Casamance, entre autres acteurs.
Mais auparavant le chef de l’Etat, Macky Sall avait commis, ce que plusieurs observateurs de la vie politique sénégalais avaient considéré comme "une maladresse" en affirmant dans une série d’entretien accordé à l’AFP que les « otages seront libérés », et que ce n’était «pas un problème». Ainsi, le président Sall en minimisant cet enlèvement a peut-être donné l'occasion aux ravisseurs de faire monter les enchères, ajoutent des analystes interrogés par SenePlus.Com.
Depuis 1982 la Casamance, sud Sénégal, fait face à une rébellion indépendantiste qui entrave le développement économique de cette région dû à l’insécurité : braquages, enlèvements, et autres assassinats.
TRADUCTION DES PROPOS DE CÉSAR ATOUTE BADIATE, AU DÉBUT DE LA VIDÉO
"Charles, bonjour à toi et à tes amis. Comme vous le savez, d’habitude nous effectuons des voyages. Et Dieu a fait qu’au cours de notre dernier voyage, avant hier, nous avons eu l’occasion de rencontrer ce monsieur qui voulait voir dans quelles conditions vous vivez.
Il faut dire que cela fait un moment qu'il souhaitait vous rencontrer mais nous avions estimé que n’aviez pas un assez bon moral pour que nous puissions donner une suite favorable à cette demande. Nous avions donc préféré reporter cette rencontre.
Mais comme maintenant vous êtes un peu plus habitués aux conditions de vie ici, j'ai pensé que cette fois-ci, il n'y avait aucun obstacle à ce que vous le rencontriez aujourd'hui. "
par Abdoul Aziz Diop
SONKO AGGRAVE SON CAS MALGRÉ LA BAFFE REÇUE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
EXCLUSIF SENEPLUS - Tout commence par un viol - celui du couvre-feu en mars 2021-, et se poursuit par un viol - celui de la Constitution en avril 2025. Le multirécidiviste ne sait toujours pas que ladite opposition est surprotégée par le peuple du Sénégal
Le 2 mars 2020, le Sénégal enregistre son premier cas de Coronavirus. Le pays rentre alors dans le tourbillon de la pandémie de Covid-19. L'état d'urgence assorti d'un couvre-feu de 21h00 à 05h00 est instauré le 5 janvier 2021 pour les régions de Dakar et Thiès où se concentre la grande majorité des contaminations. La mesure est reconduite pour un mois le 20 janvier. Le samedi, 20 février 2021, le gouvernement du Sénégal annonce une prolongation pour un mois du couvre-feu. En clair, cela veut simplement dire qu’à compter du 20 février 2021, et ce jusqu’au 20 mars 2021, interdiction est faite aux populations des régions de Dakar et Thiès de circuler de 21h00 à 05h00. En droit facile, le but de la mesure avait été de permettre aux Forces de défense et de sécurité (FDS) de protéger les populations de la grave crise sanitaire à laquelle faisait face le monde entier. C’est le moment choisi par l’actuel Premier ministre Ousmane Sonko pour sortir nuitamment de chez lui, violant le couvre-feu et attestant par là même d’un acte transgressif majeur d’où découlèrent les déferlements de violences sans précédent de mars 2021 et de juin 2023.
Le 14 juin 2023, des journalistes, avocats et défenseurs des droits de l’homme, Togolais pour la plupart, adressent une lettre ouverte à maître Sidiki Kaba, ministre des Forces armées du Sénégal, dans laquelle on peut lire le commentaire que leur inspirent les événements malheureux survenus chez nous 13, 12 et 11 jours plus tôt. En voici, pour l’essentiel, la teneur : « Nous sommes profondément indignés, préoccupés et très inquiets de la reculade à l’allure vertigineuse du niveau de la démocratie et des droits de l'homme en République du Sénégal, qui était considérée en la matière comme l'un des modèles en Afrique subsaharienne. »
À cela nous réagissons, dans une tribune datée du 20 juin 2023, en ces termes (extrait) : « La lettre ouverte des journalistes, des avocats et défenseurs des droits l’homme transcende la personne du ministre des Forces armées de la République du Sénégal, interpellant par la même occasion le gouvernement du Sénégal pour lui demander de tirer au clair les entorses gravissimes au maintien de l’ordre et au respect des droits de l’homme auquel le Sénégal ne saurait déroger sans perdre sa place enviable de locomotive politique dans une sous-région ouest africaine en proie à d’anciens et nouveaux phénomènes de déstabilisation. »
Pour celles et ceux dont l’intérêt pour notre modeste personne et nos modestes contributions au débat ne nous ont jamais fait défaut, notre désapprobation de la loi d’amnistie n° 2024-09, avant et après son vote le 6 mars 2024 par l’Assemblée nationale, n’était pas dictée par la fin de notre compagnonnage avec l’ancien président Macky Sall dont nous nous sommes séparé en démissionnant de son parti et de son cabinet le 19 juillet 2023.
Immobilisme bavard
Le changement de régime intervenu le 24 mars 2024 correspond à une séquence nouvelle dont les points saillants au terme d’une année d’immobilisme et de recul bavard sont la dissolution, le 12 septembre 2024, de l’Assemblée nationale par le président élu Bassirou D. D. Faye, la convocation du corps électoral et la tenue des élections législatives du 17 novembre 2024 couronnées par le succès électoral sans équivoque de la coalition Pastef dirigée par sa tête de liste Ousmane Sonko.
Le moment est enfin venu pour ce dernier de faire sa déclaration de politique générale. Le 27 décembre 2024, devant les députés de la majorité et de l’opposition réunis au grand complet, le Premier ministre Ousmane Sonko déclare : « Il sera proposé à votre auguste assemblée, dans les semaines à venir, un projet de loi rapportant la loi d’amnistie votée le 6 mars 2024 par la précédente législature ; pour que toute la lumière soit enfin faite et les responsabilités situées, de quelque bord qu’elles se situent. » En termes de législature, rapporter une loi signifie « retirer, révoquer, annuler une loi ». Au lieu de cela, la majorité se contente d’une proposition de loi interprétative de la loi d’amnistie faite par le député Pastef et 6ème vice-président de l’Assemblée nationale Amadou BA N° 2. En son article premier ladite dispose : « Au sens de l’article premier de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie, sont exclus du champ de l’amnistie les faits survenus entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique, et qualifiés notamment d’assassinats, de meurtres, de crimes de torture, d’actes de barbarie, de traitements inhumains, cruels ou dégradants, même si ces faits se rapportent à des manifestations, quelle qu’en soit la motivation, et indifféremment de leurs auteurs. » Cet énoncé porte amendement du même article dont la teneur initiale est : « Au sens de l'article 1 de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024, sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle, ayant exclusivement une motivation politique y compris ceux commis par tous supports de communication, entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu'à l'étranger. Ainsi, les faits se rapportant à des manifestations ne sont compris dans le champ de la loi que s'ils ont une motivation exclusivement politique. »
« Les faits sans lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique » se substituent alors aux « faits ayant exclusivement une motivation politique » pour éteindre le brasier de la polémique qui enfle partout dans le pays et sa Diaspora pour cause de discrimination des citoyens scindés en deux groupes dont le premier libre de tout mouvement épingle un second destiné aux bancs des accusés.
Adoptée par l’Assemblée nationale le 2 avril 2025, ladite loi interprétative est aussitôt attaquée par l’opposition parlementaire dont l’unique groupe Takku Wallu Sénégal (« Mobilisons-nous pour sauver le Sénégal ») est présidé par l’avocate et ancienne ministre de la Justice Aïssata Tall Sall. Il s’agit, pour elle et 22 autres députés de l’opposition, d’un « recours en inconstitutionnalité contre la loi n° 08/25 de l’Assemblée nationale du 02/04 avril/2025 portant interprétation de la loi n° 2024-09 du 13 mars 2024 portant amnistie ».
Dans sa décision n° 1/C/2025, datée du 23 avril 2025, le Conseil constitutionnel, dont 5 des membres sur 7 ont délibéré, estime que « le législateur ne saurait, par une loi dite interprétative, ni faire obstacle à la répression de crimes imprescriptibles, ni priver de leur portée les principes relatifs à la sauvegarde de la dignité humaine, motif pris de ce que ces crimes seraient liés à l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ». « Considérant qu’au sens de l’alinéa 2 de la loi attaquée, les faits tenus pour criminels d’après les règles du droit international, notamment l’assassinat, le meurtre, le crime de torture, les actes de barbarie, les traitements inhumains, cruels ou dégradants, sont inclus dans le champ de l’amnistie lorsqu’ils ont un lien avec l’exercice d’une liberté publique ou d’un droit démocratique ; qu’en incluant ainsi dans le champ d’application de la loi portant amnistie des faits imprescriptibles au regard des engagements internationaux à valeur constitutionnelle du Sénégal, l’alinéa 2 de l’article premier de la loi n° 08/2025 du 02 avril 2025, viole la Constitution. »
« L’article premier de la loi nº 08/2025 adoptée par l’Assemblée nationale en sa séance du 2 avril 2025 est contraire à la Constitution », décide irrévocablement le Conseil constitutionnel.
Conclusion
Tout commence par un viol - celui du couvre-feu en mars 2021-, et se poursuit par un viol - celui de la Constitution en avril 2025. Dans les deux cas de viol, le même transgresseur - le chef politique de la majorité et Premier ministre du Sénégal Ousmane Sonko -, désigne un coupable dont l’identité échappe à toutes les grandes et moins grandes juridictions du pays. Et comme si cela ne suffisait pas, M. Sonko aggrave son cas en injuriant publiquement, par écrit, l’opposition démocratique et républicaine dont les membres sont qualifiés de « résidus d’opposition ». C’est que le multirécidiviste ne sait toujours pas que ladite opposition est surprotégée par le peuple du Sénégal souverain qui proclame, dans le préambule de la Constitution, « la volonté du Sénégal d'être un Etat moderne qui fonctionne selon le jeu loyal et équitable entre une majorité qui gouverne et une opposition démocratique, et un Etat qui reconnaît cette opposition comme un pilier fondamental de la démocratie et un rouage indispensable au bon fonctionnement du mécanisme démocratique ».
Inutile, pour notre part, d’en rajouter dès lors qu’une série de viols à laquelle un individu prend goût se termine toujours par le viol de trop qui vient.
VIDEO
DU SOUVERAINISME À LA SÉNÉGALAISE
"C'est une manœuvre beaucoup plus habile que ce qui est fait dans d'autres pays de la région", analyse un spécialiste, tandis qu'un autre met en garde contre "les espoirs déçus". Le modèle sénégalais de souveraineté suscite des interprétations contrastées
(SenePlus) - Un vent de changement souffle sur l'Afrique de l'Ouest, particulièrement au Sénégal où le président Bassirou Diomaye Faye incarne cette nouvelle tendance souverainiste. À l'occasion de la fête de l'indépendance du 4 avril, le symbolisme n'a pas manqué lorsque le boulevard Général-de-Gaulle a été rebaptisé boulevard Mamadou-Dia, du nom d'un héros de l'indépendance.
Dans son discours à la nation, le président a clairement identifié la monnaie comme un enjeu de souveraineté : "Tous les pays du monde disposent de trois principaux moyens pour financer leur économie : la fiscalité, l'endettement et la monnaie. Or, avec le franc CFA, le Sénégal se prive d'un instrument essentiel", a-t-il déclaré en wolof, comme le rapporte Jeune Afrique.
Face à ce qu'il perçoit comme une inertie de la Cedeao concernant la création de l'eco, Bassirou Diomaye Faye propose que l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) prenne l'initiative "d'une monnaie souveraine avec un nom, un symbole et des billets distincts".
Élu dès le premier tour le 24 mars 2024, le président porte un discours de changement radical. Son parti, Pastef, défend "la nécessité de trouver de nouvelles voies de développement économique et social" pour mettre fin à la "dépendance-soumission à l'extérieur", avec une référence à peine voilée à l'ancienne puissance coloniale française.
Un financier actif dans la région, cité par JA, note que si "ces discours ne sont pas nouveaux", le contexte actuel marque une vraie différence : "Jusqu'à récemment, tous ces pays étaient gérés de manière post-coloniale, avec des dirigeants et des hauts fonctionnaires formés en Occident, qui cultivaient des liens avec les grandes institutions financières internationales. [...] Nous assistons donc à un changement profond de paradigme."
Au lendemain de sa prestation de serment en avril 2024, Bassirou Diomaye Faye a lancé une série d'audits sur les contrats pétroliers et gaziers conclus par le Sénégal, notamment ceux du champ de Sangomar, géré par l'australien Woodside, et du projet gazier offshore Grand Tortue Ahmeyim (GTA), partagé avec la Mauritanie et exploité par British Petroleum.
Contrairement à l'approche plus frontale adoptée par certains pays voisins comme le Mali dans le secteur minier, la démarche sénégalaise se veut plus nuancée. "Les audits lancés par les autorités sont très spécifiques et concernent essentiellement la réalité des dépenses engagées par les multinationales. C'est une manœuvre beaucoup plus habile, moins frontale que ce qui est fait dans d'autres pays de la région", analyse Joël Té-Lessia Assoko, auteur de l'ouvrage "Enterrer Sankara".
Plus d'un an après les annonces du successeur de Macky Sall, les résultats de ces audits se font encore attendre. Pour l'économiste togolais Kako Nubukpo, "ces dernières décennies, les alternances politiques n'ont pas proposé de politiques économiques alternatives. Il y a une donc une forte demande de souveraineté de la part de la jeunesse ouest-africaine. Les promesses faites par les nouvelles autorités du Sénégal tardent à produire des effets. Attention aux espoirs déçus."
Le souverainisme économique pourrait-il donc n'être qu'un discours sans conséquences concrètes ? Joël Té-Lessia Assoko suggère que "c'est parfois beaucoup de bruit pour, finalement, des conséquences économiques très limitées". Il fait remarquer que malgré la rhétorique anti-institutions occidentales, les pays qui se réclament du souverainisme continuent de s'adresser au FMI et à la Banque mondiale dès qu'ils en ont besoin.
Si la vraie recette du souverainisme économique restait à inventer ? Kako Nubukpo, malgré ses réserves, voit une opportunité : "Cette opportunité peut être saisie pour proposer des modèles différents, conquérir le marché intérieur en accélérant la transformation locale des matières premières que nous produisons."
Le Sénégal, avec son approche plus mesurée que celle des juntes militaires voisines, pourrait-il tracer une voie médiane, alliant aspiration à plus de souveraineté et pragmatisme économique ? L'histoire est en train de s'écrire, mais les enjeux sont immenses pour une jeunesse sénégalaise qui attend des résultats concrets au-delà des symboles et des discours.
LA CHUTE DES BARONS DU RIZ
Le dossier du Fonds de riposte contre les effets de la Covid 19 n’a pas fini de parler de lui. De gros calibres du milieu des affaires sénégalaises sont sur la corde raide. Les enquêteurs de la Dic ont été chargés de les arrêter
Le dossier du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid 19 (Force Covid) n’a pas fini de parler de lui. De gros calibres du milieu des affaires sénégalaises sont sur la corde raide. Les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (Dic) ont été chargés de les arrêter.
Certains noms sont méconnus des Sénégalais.
Les nommés Moustapha Ndiaye, Hachem Rayam, Mouhamed Dieng, Mariata Basse, Ibrahima Macodou Fall, Mouhamed Ady San et Abdoulaye Diallo sont passés, hier mercredi 23 avril 2025, dans les locaux de la Division des investigations criminelles (Dic) pour y être interrogés avant d’être déférés. Et s’ils ne mettent pas de caution de garantie sur la table, nul doute que les portes de la prison risquent de leur être grandement ouvertes.
Les poursuites engagées contre ces personnes sont la conséquence du rapport d’audit de la Cour des comptes, intitulé ‘’Contrôle de la gestion du Fonds de riposte et de solidarité contre les effets de la Covid-19 (Force Covid) – Gestion 2020-2021. Initié sous l’ancien régime, le rapport définitif n’a été rendu public que le 19 août 2022, sans connaître de suites judiciaires. Dépoussiéré par le nouveau pouvoir, il a déjà permis l’arrestation de plusieurs dizaines de personnes, dont des agents de l’État.
Au cœur de la mafia du riz
Nos sources renseignent que l’œil du cyclone dans cette affaire, à cette étape de la procédure, est le dossier du riz et des gels hydroalcooliques qui aurait fait l’objet de grosses surfacturations. Le rapport définitif de la Cour des comptes indiquait bien que ‘’le montant du surplus facturé par les fournisseurs qui s’établit à 2 749 927 498 F CFA’’. Et comment ? ‘’Les prix facturés pour l’acquisition des gels hydroalcooliques et des denrées doivent être conformes à ceux prévus par les arrêtés susvisés portant homologation des prix. La cour constate que les prix d’acquisition sont supérieurs à ceux fixés par les arrêtés précités’’ et décortique plus clairement les termes de la présumée surfacturation en ces termes : ‘’Concernant les acquisitions de riz, l’arrêté n°007111 précité fixe le prix de la tonne chez le grossiste à 245 000 F CFA la tonne ; les frais de manutention sont fixés à 5 001 F CFA la tonne par le ministère du Commerce, soit un prix global de 250 001 F CFA. Or, il a été fixé par le MDCEST à 275 000 F CFA la tonne, soit un manque à gagner de 24 999 F CFA par tonne’’.
C’est sur ce dossier précis que Hachem Rayam, en sa qualité de directeur général de la société Avanti et Afri&Co, Moustapha Ndiaye de CCMN et Mouhamed Dieng de Bambouck ont été entendus. Les enquêteurs, nous indique-t-on, ont interrogé ces derniers sur le surplus facturé pour les achats de riz, en insistant sur le pourquoi du différentiel. Sur les 2,7 milliards indexés, Avanti, spécialisée dans la distribution du riz, même si elle ratisse dans d’autres domaines, se taille la part du lion avec 1,1 milliard, suivi par Afri&Co 749,989 millions, CCMN 749,970 millions F CFA.
La société Avanti, qui a son siège à l’avenue Lamine Guèye, était restée discrète dans cette affaire depuis que le dossier a été agité, malgré les charges lourdes retenues contre elle. Et si Rayan Hachem, dont le nom est associé à la boîte Planet Kebab, est bien connu à Dakar, celui qui se cache derrière lui, qui est le vrai patron d’Avanti, est quant à lui d’une extrême discrétion. Il s’agit de Ramez Samir Bourgi. Les investigations entamées remonteront-elles jusqu’au cerveau ? Mystère et boule de gomme !
Ce qui est clair, c’est qu’il y a des anguilles sous beaucoup de dossiers et qu’à force de creuser, les enquêteurs pourraient tomber sur d’autres affaires plus sulfureuses.
Moustapha Ndiaye et Rayam Hachem ne sont pas les seules personnes entendues sur le riz. Selon nos sources, Mouhamed Dieng de la société Bambouck est aussi sous la menace de la prison. Il est politique et membre de l’Alliance pour la République (APR) dans le département de Koungheul. Il fut membre du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
À noter qu’avant ces gros calibres de l’agrobusiness sénégalais, l’ex-directeur de l’Administration générale et de l’équipement du ministère du Développement communautaire, de l’Équité sociale et territoriale, Aziz Sow avait été arrêté pour surfacturation sur le riz. Aux dernières nouvelles, certains ont bel et bien accepté le principe de cautionner à coups de montants faramineux.
Nous y reviendrons dans notre prochaine édition.
TEMPÊTE SUR L'ITA
Des cadres de l'Institut de technologie alimentaire (ITA) tirent la sonnette d'alarme face à ce qu'ils qualifient de "gouvernance scandaleuse" du nouveau DG. Ils dénoncent un climat délétère qui risque de mener la structure droit dans le mur
Mécontents de la gestion “cavalière” de leur outil de travail, des cadres de l'Institut de technologie alimentaire (ITA) ont contacté ‘’EnQuête’’ pour fustiger ce qu'ils considèrent comme une gouvernance scandaleuse qui mène la structure droit vers le mur.
Rien ne va plus à l'Institut de technologie alimentaire (ITA). Depuis quelques jours, voire des semaines, la direction et les personnels se regardent en chiens de faïence. Les travailleurs, n'en pouvant plus d'évoluer dans ce climat délétère, ont décidé de sortir de leur mutisme et prennent à témoin l'opinion sur des dysfonctionnements graves qui risquent d'impacter négativement la structure. Des dysfonctionnements qu'ils imputent au nouveau directeur général. “Sa gouvernance est pire que ce que nous avons connu avec l'ancien directeur et que le personnel dénonçait”, accuse d'emblée un des représentants du personnel qui s'est confié à "EnQuête".
Notre interlocuteur rappelle d'ailleurs que la semaine dernière, les travailleurs avaient alerté avec le port de brassards rouges, mais le directeur n'a rien voulu entendre ; ce qui les pousse à vouloir passer à la vitesse supérieure. “Une réunion d'évaluation est d'ailleurs prévue aujourd'hui', rapporte la source.
Mais quels sont donc les griefs contre la nouvelle administration ? Ils sont de plusieurs ordres. Depuis quelque temps, les activités de recherche sont au ralenti au niveau de certains services. Le directeur, selon les représentants des travailleurs, fait tout pour empêcher certains chefs de service de faire leur job.
“Comme il ne peut pas grand-chose contre certains chefs de service qui sont statutairement protégés, il fait tout pour les bloquer dans leur fonctionnement. Par exemple, avant, il y avait des réunions auxquelles participaient tous les chefs de service ; il ne les tient plus. Il se réunit juste avec son staff et après nous transmet ses décisions. Il n'y a presque plus de véritables activités de recherche”, dénonce notre interlocuteur.
Copinage dans la gestion des personnels
Les impacts sont déjà palpables au niveau de la plupart des services de l'ITA. C'est le cas, par exemple, avec le projet agropole. Lequel aurait été enlevé au cadre qui jusque-là s'en occupait et qui y a fait d'excellents résultats. “On l'a enlevé juste parce qu'il était nommé à ce poste par son prédécesseur. Aujourd'hui, le projet marche au ralenti, parce qu'au niveau supérieur on connait l'ancien responsable”, renseigne notre source.
La direction a également pris des mesures qui risquent d'entraver le projet de l'institut relativement au développement des pôles territoires. “Comme vous le savez, l'État veut mettre en place des pôles territoriaux, avec une volonté de développer des filières dans chaque pôle. L'ITA doit jouer un rôle important dans cette perspective, avec notamment la mise en place d’antennes. Pour empêcher certains d'avoir des responsabilités, le directeur a supprimé une zone, dans le seul but de combattre un des responsables”, regrette notre source.
Faible plateau technique, absence de motivation
Pour lutter contre ces dérives et sortir l'ITA de l'impasse dans laquelle il se trouve depuis des semaines, les travailleurs ont engagé le bras de fer et somment la direction de revenir à l'orthodoxie et au respect des partenaires sociaux. Dans un document reçu à ‘’EnQuête’’, ils reviennent sur leurs différentes revendications.
En ce qui concerne les recrutements et la gestion de la carrière des agents, ils exigent une plus grande implication des partenaires sociaux ; plus de justice et de transparence dans la gestion de la carrière. Les travailleurs demandent aussi la finalisation de certains textes réglementaires et de tous les points d'accord du protocole conclu avec l'ancienne administration.
En sus de ces revendications, les agents réclament également de meilleures conditions de travail et plus de motivation. Dans le même sillage, ils demandent des mesures pour renforcer le plateau technique, indispensable pour permettre aux chercheurs de faire leur travail. La plateforme parle également de l'amélioration de l’environnement de travail “pour la sécurité du personnel, conformément à la réglementation en vigueur”.
Les travailleurs exigent, en outre, “la réparation des toilettes défectueuses, l'aménagement d’un système de drainage de l’eau de pluie, etc.”. Pour eux, il est indispensable que la direction traite les agents et les services avec la même dignité, le même respect. “Aujourd'hui, tous les projets sont orientés vers son domaine : phyto, lutte contre les nuisibles au détriment de l'agroalimentaire. Aussi, il y a trop de copinage dans la gouvernance”, dénoncent les délégués des travailleurs.
Après plusieurs tentatives restées infructueuses, ‘’EnQuête’’ a réussi à entrer en contact, hier, avec le directeur, M. Guèye, vers les coups de 18 h. Ce dernier a, dans un premier temps, sollicité de notre part de rappeler vers 20 h, puisqu'il était en route. Comme convenu, nous avons essayé à plusieurs reprises de le rappeler, en vain. Tantôt les appels tombaient dans la boite vocale, tantôt ça sonnait dans le vide. Nous lui avons alors laissé un message auquel il a réagi vers les coups de 21 h 30. C'était pour voir si l’on peut sursoir à la publication, parce qu'il était toujours en route pour Saint-Louis, a-t-il précisé.
Nos colonnes lui sont ouvertes pour donner sa version des faits quand il le souhaitera.
ISMAILA MADIOR FALL, LA SURPRISE DU PROCUREUR
Contrairement à ses anciens collègues du gouvernement poursuivis pour la gestion des fonds Covid, l'ancien ministre de la Justice fait face à des accusations d'une tout autre nature : des faits présumés de corruption qui surprennent les observateurs
Alors que la plupart de ses anciens collègues sont poursuivis pour des faits relatifs à la gestion des fonds Covid, l'ancien ministre Ismaila Madior Fall est poursuivi pour des faits de corruption.
On en parlait depuis quelques jours, depuis la sortie des procureurs sur la reddition des comptes. Sans donner de noms, le procureur général, Mbacké Fall, révélait qu'une procédure de mise en accusation par l'Assemblée nationale a été déclenchée. “Le moment venu, vous serez informés sur l'identité de ces cinq ministres, parce que les résolutions de mise en accusation seront débutées à l'Assemblée”, soulignait le chef du parquet du ressort de la Cour d'appel de Dakar, tout en précisant que la liste n'est pas exhaustive.
Depuis, la chronique a beaucoup épilogué sur les noms des ministres concernés. Pour certains, il n'y avait pas de suspense. C'est le cas en particulier des ministres Mansour Faye et Moustapha Diop dont les noms reviennent très souvent dans le dossier Covid-19. Hier, la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale s'est réunie à l'effet d'examiner la lettre du ministre de la Justice portant demande de levée de l'immunité parlementaire des députés Salimata Diop et Moustapha Diop, préalablement à leur mise en accusation.
Le compte rendu de la réunion a levé le voile qui couvrait jusque-là le reste des ministres concernés. Outre la confirmation des ministres Mansour Faye et Moustapha Diop, la Conférence des présidents cite également Aissatou Sophie Gladima et Salimata Diop. Mais la grande surprise, c'est l'ancien ministre de la Justice, ancien ministre des Affaires étrangères Ismaila Madior Fall. Que fait-il donc dans cette liste, vu que son nom ne semble pas ressortir dans le dossier Covid ?
Selon nos informations, l'ancien ministre est effectivement poursuivi pour une affaire de corruption le concernant. Nos sources n'ont pas voulu donner plus de détails sur la question.
Le calendrier de l'Assemblée dévoilée au public
Les prochains jours seront donc très mouvementés à l'hémicycle. D'abord, en ce qui concerne la levée de l'immunité parlementaire de Salimata Diop et Moustapha Diop, le calendrier se décline comme suit : mise en place de la commission ad hoc le vendredi 25 avril 2025 à 10 h ; plénière de ratification le lundi 28 à 10 h et enfin la plénière de levée le vendredi 2 mai à 10 h.
Relativement à la résolution de mise en accusation, la Conférence des présidents a fixé la réunion de la Commission des lois le vendredi 2 mai à 15 h. La plénière est prévue le jeudi 8 à 10 h, selon les services de communication de l'institution parlementaire.
L'acte de mise en accusation devant l'Assemblée nationale est donc la première étape d'une longue procédure. Elle sera suivie de la phase cruciale de l'instruction qui, elle, est mise en œuvre par une commission exclusivement composée de magistrats. La loi relative à la Haute cour de justice précise : “Il est créé auprès de la Haute cour une commission d'instruction présidée par le premier président de la Cour d'appel de Dakar suppléé, en cas d'empêchement, par le président de la Chambre d'accusation de la même cour et comprenant quatre membres titulaires et quatre suppléants.” Ces derniers, prévoit la loi, sont désignés au début de chaque année judiciaire parmi les magistrats du siège de la Cour d'appel de Dakar par l'assemblée générale de la cour, hors la présence des magistrats du parquet.
“Le ministère public est, quant à lui, assuré par le procureur général près la Cour suprême. Et le service du greffe par le greffier en chef près la Cour suprême. Dans les 24 heures qui vont suivre la transmission de la résolution, le procureur général notifie la mise en accusation au président de la cour et au président de la commission d'instruction”, rappelait-on dans nos précédentes éditions.
Par ailleurs, il convient de noter que les arrêts de la cour ne sont susceptibles “ni d'appel ni de pourvoi”. Il en est de même des actes de la commission d'instruction qui “ne sont susceptibles d'aucun recours”, aux termes de l'article 21 al 2 de la loi sur cette haute juridiction. C'est d'ailleurs une des principales critiques, au-delà de sa composition essentiellement politique. Contrairement à une idée répandue qui estime que les politiques ne participent pas à la délibération, il faut noter que devant cette juridiction, les décisions sont prises de manière collégiale comme dans n'importe quelle juridiction. L'article 33 de la loi 2002-10 du 22 février 2022 est formel à ce propos. Il dispose : “La Haute cour, après clôture des débats, statue sur la culpabilité des accusés. Il est voté séparément pour chaque accusé sur chef d'accusation et sur la question de savoir s'il y a des circonstances atténuantes. Le vote a lieu par bulletin secret à la majorité absolue.”
L’ÉTAT RESTERA ENGAGE AUX COTES DES JEUNES POUR UN TRAVAIL DECENT
Le président Bassirou Diomaye Faye a présidé ce jeudi la cérémonie d’ouverture de la conférence sociale sur l’emploi et l’employabilité, tenue au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) à Diamniadio.
Le président Bassirou Diomaye Faye a présidé ce jeudi la cérémonie d’ouverture de la conférence sociale sur l’emploi et l’employabilité, tenue au Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) à Diamniadio. Dans une allocution, il a appelé à un sursaut collectif face au défi du chômage, insistant sur l’importance de l’innovation et du dialogue social.
« Il faut placer l’innovation au cœur des priorités. La lutte contre le chômage n’est pas que l’affaire de l’État. Il faut un sursaut commun », a-t-il lancé devant un parterre de jeunes, de partenaires sociaux et d’acteurs économiques.
S’adressant directement à la jeunesse sénégalaise, le chef de l’État a tenu à rassurer : « Le gouvernement est conscient de vos aspirations. Soyez assurés que, quelles que soient les difficultés, l’État restera engagé aux côtés des jeunes pour que chacun accède à un travail décent. »
Bassirou Diomaye Faye a également plaidé pour un dialogue social permanent, facteur, selon lui, de « productivité et de compétitivité ».
Il a par ailleurs souligné les nouveaux défis liés à l’employabilité dans un contexte de transformation numérique : « Trouver un emploi qualifié requiert des compétences et des aptitudes. C’est un défi permanent face aux enjeux de notre époque avec l’intelligence artificielle et les robots. »
La conférence sociale s’inscrit dans une série d’initiatives visant à renforcer l’employabilité des jeunes et à adapter le marché du travail aux mutations technologiques.
L'ACCUSATION FANTÔME CONTRE MACKY SALL
Le Pastef veut juger l'ex-président pour "haute trahison", une infraction invisible dans les codes. Sans définition légale, sans jurisprudence, sans précédent au Sénégal : jamais procédure judiciaire n'aura reposé sur des fondations aussi fragiles
(SenePlus) - La confrontation entre le nouveau pouvoir et Macky Sall a pris un tournant judiciaire inédit. L'ex-président est visé par une procédure pour "haute trahison", une première dans le pays. Mais cette accusation, qui repose sur de présumées manipulations des chiffres de la dette publique, navigue en eaux troubles : aucun texte au Sénégal ne définit ce crime constitutionnel.
La proposition s'appuie sur un rapport explosif de la Cour des comptes qui a "mis le pays en émoi", comme le rapporte Jeune Afrique. Ce document accuse l'administration précédente d'avoir "minoré frauduleusement le montant de la dette publique" et, inversement, d'avoir "surévalué celui du PIB".
Pour Guy Marius Sagna, député de la majorité présidentielle qui a déposé la résolution le 11 avril dernier, ces manœuvres constituent "une politique de dissimulation systématique, de manipulation des chiffres publics et de mise en péril de la souveraineté financière de l'État", ce qu'il qualifie de "manquement d'une exceptionnelle gravité pouvant être qualifié de haute trahison au sens de l'article 101 de la Constitution", comme le cite JA.
Cette initiative n'a rien de surprenant. Selon le magazine panafricain, "plusieurs semaines" avant le dépôt de cette résolution, "le porte-parole du gouvernement, Moustapha Njëkk Sarré, n'avait-il pas prophétisé qu'« inévitablement, Macky Sall fera face à la justice » ?"
Des obstacles juridiques majeurs
Si l'adoption de la résolution semble acquise d'avance, compte tenu de la "majorité écrasante" dont dispose le parti Pastef à l'Assemblée nationale, son application se heurterait à plusieurs difficultés juridiques majeures, souligne Jeune Afrique.
Premier écueil, et non des moindres : "ni la Constitution, ni la loi organique sur la Haute Cour de justice, ni le code pénal ne fournissent la moindre définition de la 'haute trahison'". Cette absence de définition contrevient au principe fondamental de légalité des délits et des peines, selon lequel nul ne peut être condamné pour un crime qui n'aurait pas été préalablement défini par la loi.
Autre difficulté relevée par Jeune Afrique : dans les 56 pages du rapport de la Cour des comptes, "ce corps de contrôle ne mentionne nulle part le nom de l'ex-chef de l'État", ce qui fragilise considérablement la procédure.
Un concept rarissime sur le continent africain
L'infraction de "haute trahison" reste exceptionnelle dans la jurisprudence internationale, particulièrement en Afrique. Historiquement, ce chef d'accusation a plutôt été utilisé dans des contextes de collaboration avec l'ennemi, comme lors de la condamnation du maréchal Pétain en France en 1945, ou plus récemment celle de l'ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch en 2019, rappelle le magazine.
Dans un article de 2022 sur "le statut judiciaire de l'ancien président de la République" dans les pays francophones d'Afrique subsaharienne, Jean-Michel Olaka, enseignant-chercheur à l'Université Marien-Ngouabi de Brazzaville, cité par Jeune Afrique, précise que seulement une poignée de pays du continent définit cette infraction dans leur Constitution.
Au Tchad, elle inclut "tout acte portant atteinte à la forme républicaine, à l'unicité et à la laïcité de l'État", tandis qu'au Bénin, la définition reste "partiellement vague", englobant la violation du serment présidentiel ou "d'acte attentatoire au maintien d'un environnement sain".
Selon l'analyse de Jeune Afrique, la situation au Sénégal s'apparenterait davantage au cas brésilien de Dilma Rousseff, destituée en 2016 pour "maquillage des comptes publics". Toutefois, contrairement à l'affaire brésilienne, Macky Sall n'est plus en fonction, et la procédure d'impeachment n'avait pas débouché sur une condamnation pénale de l'ex-présidente.
Une "distraction massive" selon les proches de Macky Sall
Les partisans de l'ancien président dénoncent une manœuvre politique. Yoro Dia, ancien porte-parole de la présidence sous Macky Sall, fustige "une nouvelle tentative de distraction massive de Pastef, dont le Projet a pour moteur le 'détestisme'", selon ses propos recueillis par JA.
Il ironise en comparant la situation à celle d'autres pays : "Si Macky Sall devait être poursuivi pour haute trahison, que dire de la France où l'endettement public atteignait 113% du PIB à la fin de 2024, ou aux États-Unis où il était de 125% ? Emmanuel Macron va-t-il être condamné à la prison à perpétuité et Joe Biden à la chaise électrique ?"
LE SYSTÈME BRETTON WOODS À L'ÉPREUVE DE TRUMP
Après avoir claqué la porte de plusieurs organisations internationales, le président américain fait retenir son souffle au FMI et à la Banque mondiale. Premier contributeur, Washington pourrait bouleverser ces piliers de la stabilité financière mondiale
(SenePlus) - Dans un contexte économique mondial tendu, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale tiennent cette semaine à Washington leurs premières réunions depuis le retour de Donald Trump à la présidence américaine. Ces deux piliers du système économique international, nés des accords de Bretton Woods en 1944, font face à des remises en question sans précédent de la part de l'administration Trump, comme le rapporte Le Monde.
"Nous vivons dans un monde de revirements soudains et radicaux", a déclaré Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, le 17 avril dernier, précisant que cette situation "nous impose de réagir avec sagesse". Une déclaration qui intervient alors que Donald Trump a demandé une revue complète, d'ici le mois d'août, de toutes les participations américaines dans les organisations internationales.
Cette remise en question intervient dans un contexte où le FMI vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2025, à 2,8%, soit une réduction de 0,5 point de pourcentage par rapport à janvier. Cette révision est directement liée à l'offensive protectionniste de l'administration Trump.
Le FMI, qui a traditionnellement évité d'aborder frontalement la question des déséquilibres commerciaux, semble désormais prendre en compte les préoccupations de Donald Trump. L'institution pointe du doigt "une consommation trop faible en Chine, qui pousse cette dernière à écouler sa production vers le reste du monde et, a contrario, d'une demande américaine si élevée qu'elle creuse son déficit commercial et augmente sa dette", comme le souligne Le Monde.
Cette nouvelle approche paraît être une réponse au "principal grief de Donald Trump, à savoir que les Etats-Unis financent les excédents commerciaux du reste du monde en creusant leurs propres déficits."
Premier contributeur du FMI avec 16,1% des droits de vote (contre 6,1% pour la Chine), les États-Unis disposent d'un droit de veto sur les décisions importantes de l'institution. Si un retrait complet des États-Unis semble peu probable, certains analystes envisagent des scénarios où "les États-Unis pourraient contraindre le FMI à restreindre ses prêts en direction de certains pays rivaux ou alignés sur la Chine", selon William Jackson, économiste chez Capital Economics, cité par le quotidien français.
Elizabeth Shortino, ancienne directrice exécutive du FMI, souligne dans une note publiée mi-avril par l'Atlantic Council que "le coût de sa participation est faible alors que son rôle dans la lutte contre les crises financières est inestimable pour l'économie américaine". Elle ajoute qu'un retrait américain permettrait à la Chine, qui "se pose en nouvelle gardienne d'un ordre économique mondial fondé sur des règles, de jouer un rôle de premier plan dans l'institution."
Le FMI, dont la mission principale est d'assurer la stabilité du système financier international, dispose de réserves s'élevant à 1 000 milliards de dollars (environ 872 milliards d'euros) pour venir en aide aux pays en difficulté comme l'Égypte, le Pakistan ou l'Argentine. L'institution joue également un rôle central dans la restructuration de la dette des pays pauvres.
Dans ce contexte de tensions géopolitiques accrues et de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, les discussions qui se tiennent cette semaine à Washington revêtent une importance particulière pour l'avenir du système économique mondial tel que nous le connaissons depuis près de 80 ans.