«Ange protecteur» pour le village, le Saltigué est de plus en plus jeté en pâture, diabolisé. Ses pouvoirs mystiques et sa capacité de divination sont mis en doute. Il ne serait, aux yeux de ses contempteurs, qu’un pauvre mystificateur, un vendeur d’illusions, un charlatan avide de reconnaissance et prêt à tout pour l’appât du gain. Au centre Malango, temple des Saltigués et autres guérisseurs traditionnels, on ne prend pas de gants pour battre en brèche une telle conception du Saltigué, même si les principaux concernés estiment qu’il y a des brebis galeuses dans leurs rangs. Comme dans toute profession.
Le Sine, zone d’agriculture par excellence, vit au rythme de l’hivernage, en ce début du mois de septembre. Partout, des champs de mil, d’arachide et de maïs s’étendent à perte de vue. Un décor de carte postale qui invite le visiteur à contempler ce tableau idyllique, cette merveille, cette beauté renaissante de Dame nature.
Dans ce terroir sérère situé au cœur du bassin arachidier, les paysans sont entrés de plain- pied dans la saison des pluies. Ils sont dans les champs, chaque jour, du matin au soir, pour labourer la terre et enlever les herbes sauvages. Chez ces peuples de la terre, l’hivernage, vu sa durée relativement courte, équivaut à une course contre la montre.
Il faut, tout le temps, mettre les bouchées doubles pour espérer de belles moissons, début octobre au plus tard, mois qui coïncide avec la fin de l’hivernage. Du coup, les paresseux n’ont point de place, encore moins de chance de réussir, dans cet univers de cultivateurs ! Quid de la canicule, qui en cette période hivernale a tendance à redoubler d’intensité ?
Manifestement, les paysans n’en ont cure ; eux qui, tous les jours, travaillent, sous le chaud soleil, jusqu’à 14 heures avant de prendre leur petite pause d’une heure ou de deux heures de temps maximum. Ainsi, jusqu’à la fin des récoltes, il n’y aura pas de répit.
Ce rythme de travail bien intense restera le même. Mais, le jeu en vaut la chandelle ; car, pour ces agriculteurs qui ne vivent que de la terre, l’objectif est de faire de belles moissons afin de couvrir toute la dépense de la famille durant toute une année.
Un pari qui risque, tout de même, de se heurter à la faible pluviométrie enregistrée depuis le début de cette saison, contrairement aux précédents hivernages où la situation était généralement excédentaire en pareille période.
Le Sine n’échappe donc pas à la situation pluviométrique déficitaire qui prévaut globalement sur l’ensemble du territoire national.
HOUPHOUËT, SENGHOR, MACKY SALL, LA BATAILLE DE SOMB...
« Il n’a pas beaucoup plu. Depuis le début de l’hivernage, nous n’avons enregistré que quatre pluies », confirme avec inquiétude, Ibrahima Mbow, un jeune agriculteur du village de Langhème (16 kilomètres de Fatick). Résultat : les semis, comparé aux années passées, ont pris un énorme retard dans leur évolution. D’où l’inquiétude des paysans qui, à l’image de Ibrahima Mbow, sont pessimistes quant à la suite de l’hivernage.
Sauf que le « Saltigué » Guedj Sène n’est pas de cet avis. Le vieux prédicateur, originaire du village de Galangué (Gandiaye), estime qu’il n’y a pas péril en la demeure. En clair, les récoltes seront bonnes, selon lui, en dépit de la faible pluviométrie et du démarrage tardif de la saison hivernale.
«Je leur avais dit qu’il n’y aura pas beaucoup de pluies cette saison. En revanche, il y aura bel et bien de bonnes récoltes !», explique celui qui est également le président des « Saltigués » du Sine-Saloum. La soixantaine sonnée, le vieux dit hériter sa science occulte de son père qui fut aussi Saltigué de son vivant.
Le pouvoir de divination, il affirme l’avoir détenu depuis le bas-âge. « Tu as entendu l’histoire de celui qui, alors tout petit bébé, est tombé dans un puits avec sa maman ?
C’est ce Guedj Sène », témoigne Diène Ndiaye, le vice-président de Malango, l’association des guérisseurs traditionnels locaux, sans doute pour confirmer les immenses pouvoirs mystiques qu’on prête au patron des «Saltigués».
Selon Guedj Sène, ceux qui doutent des capacités de divination des Saltigués ont tout faux. D’après lui, beaucoup de choses ayant été prédites par les voyants sérères se sont, dans le passé, réalisées avec exactitude.
Et il cite, en exemple, la mort des anciens présidents Houphouët Boigny et Léopold Sédar Senghor, l’accession de Macky Sall au pouvoir, les évènements sénégalo-mauritaniens de 1989, la bataille de Somb en 1867, etc. ; tous des évènements qui, à son avis, ont été vus par les « oracles » sérères. Il appelle aussi à relativiser les « fausses » prédictions.
DES PREDICTIONS EN PROCES
«J’entends des gens dire que les Saltigués ne savent rien. Ils oublient que lors du ‘xoy’, quand un voyant prédit un malheur, tout le monde dit «saa» en chœur, pour que cet évènement ne se produise pas. En même temps, les « yal pangols » (les spécialistes des pangols) et les « yal khokh » (savants) entrent toujours en action pour repousser le malheur.
Cela explique le fait que certaines mauvaises prédictions ne se réalisent pas. Et tant mieux. Le rôle du Saltigué est de faire des prédictions afin que les gens prennent des dispositions pour que la chose vue se réalise, si c’est un bon évènement et qu’il ne se produise pas si c’est un malheur », martèle-t-il.
Diène Ndiaye embouche la même trompette. « On fait un mauvais procès aux Saltigués, en remettant en cause leur pouvoir de divination. Les Saltigués devraient normalement être traités en princes ; vu le rôle important qu’ils jouent pour le bien-être des populations. La nuit, pendant que tout le monde dort, ce sont eux, les Saltigués qui veillent sur les gens car ils ont un rôle protecteur», renchérit-il.
Il ajoute que le Saltigué ne se décrète pas, contrairement à ce que certains croient. «Il est intronisé par les villageois», poursuit le vice-président de Malango. «Jadis, c’étaient des gens vertueux qui étaient désignés Saltigués. D’ailleurs, le terme ‘Saltigué’ vient des deux mots ‘Sali’ et ‘tigui’ qui signifient littéralement ‘prédire vrai’ », déclare le responsable du laboratoire du Centre expérimental de la médecine traditionnelle (Cemetra), Emile Niane.
Ce dernier rappelle, dans le même cadre, que le statut de prédicateur chez les sérères, n’est pas une sinécure. «Etre Saltigué est une lourde responsabilité. Aussitôt après son intronisation, le Saltigué prend des engagements dont la protection et le bien-être des populations», fait-il remarquer.
Risques du métier
Outre cette lourde responsabilité qui pèse sur les épaules des Saltigués (la protection des populations), il y a aussi les risques du métier. « Le Saltigué ne vit jamais longtemps ! Le plus souvent, il meurt relativement jeune. Son statut l’oblige à porter tout le temps secours aux gens qui en ont besoin. Cela ne fait pas que des heureux et c’est ainsi que le Saltigué se retrouve combattu par plusieurs ennemis à la fois. Seul contre tous, il meurt donc un peu prématurément», affirme Diène Ndiaye, de Malango.
Alors que leurs compétences en divination sont de plus en plus mises à rude épreuve, les prédicateurs sérères reconnaissent toutefois qu’il y a des brebis galeuses dans leurs rangs, comme c’est le cas d’ailleurs dans toutes les professions. «Le recours à l’alcool par certains Saltigués, lors des cérémonies de divination, n’est pas une bonne chose.
Quand on est ivre, on ne peut pas prédire. Je considère que ces gens qui font de telles pratiques ne sont pas sûrs d’eux. Ils ne sont pas de vrais Saltigués. Un Saltigué n’a pas besoin de boire pour s’adresser aux populations et faire des prédictions», se convainc Hamad Ndong, un Saltigué du village de Langhème.
Il dénonce aussi l’incursion, dans le milieu de la divination, de charlatans et autres chasseurs de primes. Et Dieu sait, si l’on en croit Diène Ndiaye, le vice-président de Malango, que la vocation du Saltigué n’est pas d’amasser une fortune. Celui-ci explique-t-il, est un être bénévole, désintéressé qui fait don de soi pour le grand bénéfice de la communauté.
«A preuve, le Saltigué, en dépit de sa science occulte, n’est jamais riche. Il demeure pauvre toute sa vie durant, parce que tout ce qu’il possède appartient aux voisins et à tous les villageois. Idem pour le « khoss » (Ndlr : richesse) qu’il amène au village la nuit, au moment où ses compatriotes sont en sommeil », fait-il encore remarquer.
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APRÈS LE CARTON DE "LUCY", VIRGINIE BESSON-SILLA LANCE SON AUTRE "BÉBÉ" AUX USA
Los Angeles, 23 sept 2014 (AFP) - Virginie Besson-Silla, épouse du cinéaste français Luc Besson et heureuse productrice du carton estival "Lucy", lance à présent outre-Atlantique son autre "bébé", "Jack et la mécanique du coeur".
Ce film d'animation musical de Mathias Malzieu et Stéphane Berla, sorti en France en février, arrive sur les écrans américains mercredi.
"Quand on sort un +bébé+ comme ça, on a envie qu'il soit vu par le plus de monde possible. +La mécanique+ c'est un film tellement poétique sur l'amour, le romantisme, la différence, des thèmes universels, j'espère qu'il arrivera à toucher" les Etats-Unis, a expliqué à l'AFP Virginie Besson-Silla.
C'est toujours un pari car "le succès au cinéma ne peut jamais se prédire", raconte-t-elle depuis Los Angeles, où elle vient d'emménager avec mari et enfants.
Le succès de "Lucy", porté par l'actrice Scarlett Johansson, est "une surprise parce qu'en apparence, c'est un film d'action, mais on passe le dernier tiers du film à regarder l'univers, à se demander d'où on vient, où on va, toutes ces questions plutôt métaphysiques, et son succès n'était donc pas assuré".
Même avec le nom de Scarlett Johansson sur l'affiche. "Elle tenait le rôle-titre d'un autre film sorti quelques mois avant, +Under the Skin+, qui a fait beaucoup moins d'entrées que +Lucy+, donc c'est un raccourci de se dire +on va mettre untel dans le film et ça va marcher+", relève la productrice.
Depuis sa sortie fin juillet aux Etats-Unis, "Lucy", le plus gros succès au box-office mondial pour Luc Besson, a récolté 378 millions de dollars dans le monde. Et ce, alors que ce long-métrage partiellement tourné à Taïwan, sur une jeune femme qui voit ses capacités cérébrales décuplées par une drogue, n'est même pas encore sorti sur l'énorme marché chinois.
Rêve africain
"Dans chaque pays où le film a été lancé, il a été numéro un. C'est extraordinaire, ça fait du bien, et ça permettra de faire plein d'autres films", poursuit Virginie Besson-Silla.
"Lucy" est le quatrième long-métrage sur lequel elle collabore avec son mari, le premier ayant été "Les Aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec".
"Jack et la mécanique du coeur", qui a mis six ans à voir le jour, est son projet à elle. C'est aussi le premier film d'animation d'EuropaCorp, la société de production et distribution fondée par Luc Besson en 1999.
"Les films d'animation prennent beaucoup plus de temps qu'un film +live+. Une fois qu'on a le scénario, il faut savoir à quoi les personnages vont ressembler, créer l'univers, tout dessiner image par image, animer les personnages, les faire interagir...", explique la productrice.
Le film a coûté cher: 26 millions d'euros, d'autant qu'il a connu un"accident de parcours": "On a travaillé avec un studio qui a fait faillite, on a perdu beaucoup de plumes, mais on s'est battu pour le film".
Si EuropaCorp connaît grâce à "Lucy" une année faste, Virginie Besson-Silla garde un souvenir ému du tournage de "The Lady" (2011), le "biopic" réalisé par Luc Besson sur la vie d'Aung San Suu Kyi, héroïne de la résistance à la junte birmane et aujourd'hui chef de l'opposition de son pays. "Ca a été très fort comme expérience", d'autant que le tournage a coïncidé avec la levée de l'assignation à résidence du prix Nobel de la paix 1991.
Le tournage à Bangkok lui a également donné envie de partir de la grisaille parisienne où elle vivait depuis 25 ans. "Paris est la plus belle ville du monde mais j'ai passé mon enfance à déménager tous les deux ou trois ans. J'adorais ça".
Petite soeur de Karine Silla, la femme de l'acteur Vincent Perez, elle a connu une enfance nomade au gré des affectations de son père diplomate sénégalais.
"Je suis moitié africaine, j'y ai vécu jusqu'à l'âge de 18 ans, c'est quelque chose qui m'est très important. L'Afrique a une culture tellement riche et méconnue. Je rêve de réaliser un film" sur ce continent, conclut-elle.
''POUR LA PREMIÈRE FOIS, NOUS CÉLÉBRONS LE MOIS DE L’HÉRITAGE SANS NELSON MANDELA''
ABEL MXOLISI SHILUBANE, AMBASSADEUR DE L’AFRIQUE DU SUD AU SENEGAL
L’Ambassade d’Afrique du Sud au Sénégal prépare activement la célébration du « Heritage month » ou mois du Patrimoine prévue à partir de demain (24 septembre). Cette année, la célébration de cet évènement revêt une importance à plus d’un titre ; en ce sens qu’elle coïncide avec les 20 ans de démocratie et de liberté de la Nation Arc-en-ciel. Dans cet entretien, l’ambassadeur de l’Afrique du Sud au Sénégal, Abel Mxolisi Shilubane, revient sur le sens du « Heritage month », le vide laissé par Nelson Mandela, son héritage, les activités culturelles prévues tout au long de la manifestation.
L’Afrique du Sud célèbre, ce 24 septembre, comme c’est le cas chaque année, la semaine de l’héritage (The Heritage month). Quel est le sens de cet évènement ?
Il faut d’abord souligner que le mois de septembre a été déclaré mois de l’héritage en Afrique du Sud. C’est le moment durant lequel les Sud-Africains sont appelés à célébrer certains aspects de leur culture et de leur patrimoine. Les Sud- Africains sont aussi invités à exprimer leur créativité en participant à des évènements musicaux et artistiques.
2014 est une année spéciale, car la célébration coïncide avec celle des 20 ans de notre démocratie et de notre liberté. C’est l’année où nous réfléchissons sur les progrès qui ont été effectués dans la réalisation et la concrétisation du rêve de l’ancien président, Nelson Mandela, qui consistait à faire en sorte que la diversité de notre héritage soit respectée et reconnue.
C’est aussi la première fois que nous célébrons le mois de l’héritage sans notre père, notre ancien président, le défunt Nelson Mandela. C’est pourquoi, nous avons décidé, en tant que Nation, de célébrer cette édition en lui rendant hommage.
En résumé, que peut-on retenir de l’héritage de Nelson Mandela ?
Malheureusement, c’est la première fois où nous célébrons le mois de l’héritage sans Nelson Mandela. Il faut souligner que l’une des choses essentielles que nous devons nous rappeler est que, même durant les périodes difficiles, il faut toujours s’asseoir autour d’une table et discuter des problèmes, en respectant les autres et leurs opinions.
Qu’est-ce que cela vous fait de célébrer le « Heritage month » sans Nelson Mandela ?
Il y a un sentiment de vacuité, de vide. On sent le vide créé par l’absence de l’homme. Au même mo- ment, on apprécie ce qu’il a fait pour nous. On commence à s’interroger en tant qu’individu sur ce qu’on peut faire pour combler ce vide.
L’absence de Mandela est devenue un défi dans le continent africain. Car, on se demande comment faire avancer les populations et le continent.
Au-delà de l’hommage qui sera rendu à Mandela, quelles seront les autres activités ?
Pour l’Ambassade sud-africaine au Sénégal, cet évènement a une signification particulière. L’histoire qui n’est pas racontée probablement à l’opinion et dont les journalistes ne parlent pas est que c’est à l’Ile de Gorée que les parties en conflit, le parti au pouvoir et l’Anc, se sont rencontrés pour arrondir les angles.
C’est pourquoi, l’Ile de Gorée, revêt une importance capitale pour les Sud-Africains. C’est là où les deux parties se sont rencontrées et ont accepté de négocier sans un médiateur pour régler leur problème. Nous allons célébrer cet évènement avec les Sénégalais pour dire au Sénégal, merci de son soutien à la libération de notre peuple et à la construction d’une Nation libre.
L’Ile de Gorée symbolise l’esclavage, mais il symbolise également un autre élément : la liberté pour beaucoup de gens. C’est une chose essentielle que les gens doivent savoir à propos de l’Ile de Gorée.
En quelle année, les deux parties se sont-elles rencontrées à l’Ile de Gorée ?
C’est en 1987 que cette discussion a eu lieu à Gorée. Et nous avons encore un certain nombre de personnes au Sénégal qui ont joué un rôle important dans l’histoire de l’Afrique du Sud et sa libération.
Y a-t-il d’autres activités prévues ?
Il y aura deux principales activités. La première sera une exposition en hommage à Nelson Mandela. Elle aura lieu du 24 au 30 septembre au musée Théodore Monod de l’Ifan, à la Place Soweto.
Le 26 septembre, on aura une soirée culturelle au Grand Théâtre avec la participation d’artistes sénégalais et sud-africains notamment l’orchestre Limpopo et les danseurs zoulous. Pour l’exposition, des artistes sénégalais de renom vont exposer des œuvres d’art sur la vie de Nelson Mandela.
Il faut aussi souligner que parmi les artistes locaux qui seront présents, il y a Suzanne Camara, Pape Niang, pour ne citer que ceux-là. Il est essentiel de savoir que l’Ambassade d’Afrique du Sud travaille en étroite collaboration avec le ministère de la Culture qui est très impliqué dans la réalisation de cette activité.
Nous avons aussi d’autres partenaires notamment le Codesria, le Centre d’Information des Nations unies, la South African Airways, Ngululu, l’Université Cheikh Anta Diop et d’autres compagnies sud-africaines.
Le legs de Mandela est très lourd. Pensez-vous que l’Afrique sera en mesure de bien veiller à cet héritage ?
D’abord, si nous regardons en arrière, les 10 dernières années, nous nous rendons compte que les conflits ont diminué sur le continent. Ensuite, nous sommes tous conscients que c’est l’incapacité à partager qui entraîne souvent les conflits. Il y a plusieurs années, certains qui étaient au pouvoir ne voulaient pas quitter. Ce temps est aujourd’hui révolu.
Comment sauvegarder l’héritage de Nelson Mandela ? La seule façon de le faire, c’est de transmettre, comme on l’a dit lors d’une table ronde à l’Université Cheikh Anta Diop, les valeurs et la personnalité de Nelson Mandela aux jeunes générations.
Finalement, je ne crois pas que c’est seulement de la responsabilité de l’Afrique du Sud de sauvegarder l’héritage de Nelson Mandela parce qu’il n’appartient pas à ce seul pays. Il appartient au continent et au monde. La question de la sauvegarde de l’héritage de Mandela s’adresse donc à tous.
Vous avez fait état de l’implication du ministère de la Culture et de la Communication à cet évènement. Pouvez- vous nous faire le point sur l’état de la coopération entre le Sénégal et l’Afrique du Sud ?
Je dois vous rappeler que s’il y a un ministère qui nous a particulièrement assistés pour l’organisation de cette manifestation, c’est bien le ministère de la Culture et de la Communication. Dès qu’on a parlé avec le ministre Mbagnick Ndiaye, il a tout de suite donné son accord bien qu’il soit nouveau à ce poste. Il faut aussi se rappeler que l’année dernière, lors de la visite d’Etat du président Zuma, un accord de coopération culturelle a été signé entre les deux pays.
Les évènements prévus à l’occasion de la célébration du « Heritage month » entrent donc dans ce partenariat culturel. Le ministère de la Culture et de la Communication a contribué, de manière significative, à la réalisation de cette activité afin que celle- ci soit un succès. On peut dire que grâce à lui, on aura une manifestation couronnée de succès.
La coopération entre les deux pays est donc au beau fixe ?
Nous sommes en train d’avancer très rapidement vers une coopération économique. Et nous devons matérialiser cela très rapidement parce que nos populations, notamment les jeunes, ont besoin de travailler, d’être des citoyens responsables.
Tous les deux gouvernements doivent, du coup, s’assurer que cela ait lieu. Il y a beaucoup d’activités en cours sur le plan économique.
D’ailleurs, vous verrez très prochainement que les investissements de l’Afrique du Sud au Sénégal ont augmenté. Je voudrais rappeler que l’Afrique du Sud est une jeune démocratie. C’est un pays qui célèbre le mois de l’héritage en tant que jeune démocratie. Et nous espérons que cet évènement nous donnera l’occasion de célébrer, ensemble, avec les Sénégalais, pas seulement la liberté politique mais aussi la liberté économique.
A travers une nouvelle, Babacar Mbaye, écrivain, apporte sa contribution dans la célébration du centenaire de la première guerre mondiale. Il rappelle la place des tirailleurs sénégalais dans cette guerre à travers le sacrifice d’une femme qui a voulu, à l’instar de ses frères, participer à la libération de la métropole.
"Cette Diaba vaut mieux que 10 hommes réunis. Elle avait l’âme d’une Linguère, le cœur d’une amazone et l’élégance d’une lionne". Ainsi est décrite à la page 25 de l’ouvrage "Diaba, l’ange tirailleur", l’héroïne de l’histoire contée par le sociologue et homme de culture Babacar Mbaye. Il raconte à travers une fiction le destin d’une Africaine dénommée Diaba dans la grande guerre. Cette dernière est l’aînée d’une fratrie de dix garçons. Quand en 1914 la guerre fut déclarée, trois ans plus tard, en 1917, la France a eu besoin de bras solides pour faire face aux assauts de l’ennemi. C’est ainsi qu’au soir de la fête des récoltes, tel que raconté par l’auteur, un commis vient annoncer aux habitants du village de Darou que "borom Ndar" (ndlr le gouverneur) avait besoin des "indigènes pour la défense de l’empire". "Il faut que vos garçons les plus forts, musclés et vaillants puissent y participer", a dit le commis du gouverneur. L’auteur lui, a préféré nous plonger dans la cour du patriarche Mbissane, pater de la reine de l’ouvrage, Diaba. Après discussion avec sa première dame Khady Dieuré à qui il demande son avis, Mbissane décide d’appeler ses fils pour savoir qui allait partir. Tous les dix se portent candidats pour l’aventure. Ils partiront tous. Et Diaba aussi. S’étant déguisée en peulh, elle est parvenue à infiltrer le groupe. Elle arrivera en métropole et perdra la vie au cours des combats.
Ce livre de 75 pages édité par "Fannyo" est la contribution de Babacar Mbaye dans le cadre de la célébration du centenaire de la guerre mondiale. Les Noirs qui ont beaucoup contribué à la délivrance de la France sont oubliés. Ce qui n’est pas nouveau dans la nouvelle de M. Mbaye. "Après une brève escale au Maroc, ils (ndlr les tirailleurs sénégalais) débarquent sur le port de Toulon dans un hiver glacial. On les parque ailleurs ; toujours l’ailleurs ! Ils viennent libérer la métropole mais les officiels et l’administration de la ville ne veulent pas de ces hommes de couleur dans leurs communes", dénonce l’auteur qui vit en France. Et cela se ressent toujours à travers la montée du Front national en Europe, où "l’étranger est toujours vu comme étrange", à en croire Babacar Mbaye.
Au-delà de l’histoire des tirailleurs sénégalais, l’auteur revient sur la vraie place de la femme africaine dans nos sociétés à travers les personnages de Diaba et de Khady Dieuré. En 1917 déjà, ces femmes savaient s’imposer et bénéficier du respect de tous.
Mbissane, patriarche du village de Darou, n’a pas voulu envoyer ses fils à la guerre sans en parler au préalable à leur mère qu’il considère comme sa principale conseillère. Conscient du fait que ses fils risquaient de perdre la vie dans cette guerre, il lui a demandé pardon de lui arracher ces fils qu’elle a enfantés et a couvés d’amour.
Diaba, l’aînée de la famille, était respectée de tous ses jeunes frères ainsi que des hommes du village. Son père avait de quoi être fier de cette fille qui valait mieux que certains hommes.
D’autres facettes de la culture africaine ressortent dans "Diaba l’ange tirailleur" dont le cousinage à plaisanterie. Une histoire racontée dans un style simple à travers un vocabulaire plus qu’accessible.
HOMMAGE À BOCANDÉ : 23 ARTISTES S'UNISSENT POUR UN SINGLE
Dakar, 22 sept (APS) – Vingt-trois musiciens ont décidé d’interpréter un single, pour rendre hommage à l’ancien joueur et ancien entraîneur des Lions du Sénégal, Jules-François Bertrand Bocandé, a appris l’APS auprès de Guissé Pène, un des initiateurs du projet.
Décédé le 7 mai 2012 à Metz après avoir subi une opération chirurgicale, Bocandé a débuté sa carrière de footballeur au Casa Sports de Ziguinchor, le club de sa ville natale, où il a gagné la finale de la Coupe du Sénégal de football en 1979, contre l'ASC Jaraaf.
A l'initiative de la chanteuse Facoly et du secrétaire général de l'Association des métiers de la musique, Guissé Pène, le single, intitulé "Hommage à Bocandé", a été déjà enregistré et sortira à la fin du mois de septembre.
D'ailleurs, selon Guissé Pène, le clip est actuellement en train d’être tourné et sera présenté au public lors du lancement officiel du produit, prévu le 25 novembre, date anniversaire de la naissance de Jules François Bocandé.
Outre Facoly, co-initiatrice de cette production, l'on peut également noter la participation de Thione Seck, Fallou Dieng, Pape et Cheikh, Aida Samb, Les Frères Guissé, Ablaye Mbaye, Djiby Dramé, Bakhaw Dioum, Carlou D, Marie Bakana, Fata, Déesse Major, Idy Diedhiou, Marie Ngone Ndione, Bill Diakhou, Fogny, Ben Manga, Queen Biz, Malouida, Guereti Badji et Mariama.
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"GET ON UP", UN BIOPIC PLUTÔT RÉUSSI SUR JAMES BROWN
(CHAINE YOUTUBE DE BFMTV) - Mercredi prochain sort "Get On Up", un film sur la vie du légendaire James Brown produit par Mick Jagger. De son exigence presque tyrannique avec ses musiciens à son enfance misérable, la vie du chanteur le plus samplé de tous les temps est totalement décortiquée, en évitant tout de même de trop s’attarder sur ses multiples addictions et sur sa violence chronique.
EN MÉMOIRE DE LA SAGA DES NDAOCOUNDA SUR LA TERRE DE LA BRAVOURE
Après la dislocation de l’Empire du Gabou, les guerriers Ndaocounda ont migré, suivant les siècles, vers toute la Casamance, le Sénégal oriental, passant par Niani Sandougou, Niani Wouli, Niani Kalankadougou, «Namandirou ou Njarmeew». Retour sur le périple de Namandirou au Ndoukoumaane, en passant par le Djolof, le modèle d’organisation des Ndaocounda, le règne des Beuleup, etc.
Ndoucoumane, terre de bravoure. L’évocation de cette ville ou cette province du Saloum convoque l’histoire marquée par les Ndao qui portaient le titre de « Beuleup ».Selon Mamadou Gaye, professeur d’histoire et de Géographie, le Ndoucoumane était constitué de Nguer, Birkelane, Pakala, Bambouck, de Mandakh et Hoddar.
« La première capitale du Ndoukumaane était Mbellbouck. Puis, en 1896, ce fut Kaffrine (fondée en 1602) dépendant de Kahone qui était à l'époque la capitale du Saloum. Le nom de Kaffrine, qui signifie « non croyant » en langue arabe et socé, lui a été donné du fait du refus de ses habitants d'embrasser la religion musulmane », explique-t-il.
Les rois qui régnaient au trône portaient le titre de Beuleup Ndoucouman ou roi du Ndoucouman. Selon Abdoulaye Faye Ndao, professeur d’histoire, les Ndao, venant du village de Karta situé entre le Guidimakha et le Fouta- Toro, avec à leur suite les Peulhs du Thinore, les Top, les Thiobane, les Dioum et d'autres ethnies, s'étaient regroupés dans une contrée au Nord-est du Sénégal et y fondèrent le village dénommé Namandirou.
« Après avoir vécu pendant très longtemps sans enregistrer aucun décès ou signe de vieillissement, les Ndaocounda prirent alors la décision de quitter le Namandirou. C’est alors que commença un long et tragique exode marqué par la fa- mine, la soif, la pauvreté, la maladie, la mort », raconte-t-il.
Après plusieurs errements à Péthie-Péthie, Mandéra, Nébakh- Nébakh, Nébakhatou, Demba Fourou, explique-t-il, ils rebroussèrent chemin. Avec les interminables guerres fratricides, Waly Mbéry Mbacké Ndao et les siens, souligne ce professeur d’histoire, se résolurent à quitter définitivement le Namandirou. Ainsi le patriarche Waly Mbéry Mbacké Ndao et son fils Sangoulé Yeguéne Diaw Ndao s’installèrent au Djolof.
EN BONS TERMES AVEC LE SALOUM
Ses fils Tagouthie Waly Ndao et Diagone Waly se fixèrent à Ndoucoumane (qui est une déformation de l’expression sérére « Ndok fa Mac » qui signifie « la grande du roi », selon Mamadou Ndao Seune ou encore « Dougou Meune », expression wolof qui signifie « vainqueur dans toute épreuve », selon feu Ndiock Faye). Pour M. Ndao, la création du Ndoucoumane est fixée entre 1519 et 1543.
Satisfait du travail accompli par les guerriers Ndao conduits par Tagouthie Waly Ndao et Diagone Waly, Lat Mengué Dieulène Ndiaye donna aux Ndaocounda toute la contrée située entre le Nguer, le Bambouck, Colobane, Pakala jusqu'au Fleuve Gambie.
Ceux-ci créèrent le royaume de Ndoucoumane dont la capitale prit le nom de Mbelbouck avant de devenir Kaffrine en 1896, qui est la traduction littérale de l'expression mandingue«awkafri»qui veut dire:« soyez les bienvenus, installez-vous, vous êtes chez vous ».
Installés à Kaffrine, les Ndaocounda donnèrent très vite une expansion phénoménale à leurs bases. Ils bénéficiaient d'une attention enviable auprès du roi du Saloum et de son peuple. La preuve, ces derniers ne faisaient rien sans y associer le roi du Ndoucoumane. Celui- là porte le titre de « Beuleup », comme ailleurs le roi porte le titre de «Brack ».
Quand il se passait quelque chose d'important dans le territoire du Saloum et qui nécessitait la prise d'une importante décision, elle pouvait être prise dès que le « Beuleup » faisait acte de présence dans l’assemblée.
INGENIOSITE ET EFFICACITE A TOUTE EPREUVE
Lorsque l'armée du Saloum était en guerre, là aussi, le « Beuleup» n'avait nullement besoin d'annoncer qu'il va y prendre part avec ses troupes. Il vient directement se jeter dans la bataille. On peut dire donc à juste raison que le «Beuleup» jouissait d'une prééminence incontestée dans l'administration du Saloum, et pour cause.
Le roi de Kaffrine était la synthèse des qualités de son peuple, qui se déclinent en ingéniosité et efficacité à toute épreuve. C'est pourquoi certains attribuent le nom Ndoukoumaan à l’expression wolof «Dougoumane », ce qui veut dire « lou gnou dougou rek gno thiamane ». Ce qui signifie tout simplement qu’ils sont meilleurs dans tout ce qu'ils entreprennent avec les autres.
Il est important de rappeler que le nom du territoire, à savoir Ndoucoumane, ainsi que le titre de « Beuleup », sont les principales marques de reconnaissance des Ndao de Kaffrine. Les « Beuleup », du premier, c'est-à-dire Tagouthie, au dernier, Kimintang ou Ibrahima Ndao, dont le début de règne remonte à 1901, sont au nombre de 46.
Les plus populaires des 46 Beuleup sont : Beuleup Fary Awa Diop Ndao, Beuleup Gale Maïssa Ndao, Beuleup Gnoukhy Ndao, Beuleup Ndéné Ndiaye Marone Ndao (premier Beuleup au trône du royaume de Saloum), Beuleup Biram Khourédia Tiek Ndao (second Beuleup à accéder au trône du royaume de Saloum de 1732-1734) Beuleup Ndéné Ndiaye Bigué Ndao (autre Beuleup qui restera Bour Saloum pendant 19 ans (1734-1753) Beuleup Sandéné Kodou Bigué Ndao (Bour Saloum de 1767- 1769), Beuleup Sandéné Kodou Fall Ndao (Bour Saloum dont le règne dura 9 ans de 1778-1787), Beuleup Balé Ndoungou Khourédia Ndao (Bour Saloum de 1823 à 1851) Beuleup Ndiémé Diénoum Ndao (quarante-quatrième souverain du Saloum, 3 ans de règne de 1899 à 1902) et Beuleup Ibrahima Ndao.
Le «Tangtangkosila » ou l'expression rythmique de la batterie mandingue s'ouvre à beaucoup de jeunes maîtres qui perpétuent des pratiques ancestrales. Sadibou Dabo, le conservateur de l'Espace ''Kankourang'', revient ici sur la tradition orale mandingue à travers la musique et la danse.
De nos jours, les familles Guèye, Koité occupent la scène à côté de Moussa Seydi et Mamadou Fofana. Les deux dernières décennies appartiennent incontestablement à Daouda Daffé connu sous le nom de Jean. Il a eu l'honneur et la chance de faire vibrer les foules avec sa baguette magique. Son maître initiateur, Bambo Camara, est venu à Mbour, sur la demande de Bacary Daffé, le père de Daouda. On le connaît aussi grand ami de feu Abdoulaye Sagna Dabo.
Bambo Camara débarque à Mbour dans les années 1945-1950. Il est venu de Dakar où il a été repéré dans un baptême, à la Rue Sandiniéry. Ses origines lointaines remontent à la zone comprise entre la Gambie, les régions voisines du Niombato et les contrées occidentales du Ouly. Ce maître incontesté, ce Tangtangkosila a connu des prédécesseurs non moins célèbres dont Thiécouta Konaté, qui lui a laissé le terrain grâce à son aura et sa montée en puissance avec sa magie de drainer les foules et de les faire danser.
Auparavant, Mamading Diamé, Siaka Ndour venu du Niambato, Malang Bafata de la Guinée-Bissau et Sissao Niamby ont fait des passages remarqués à Mbour. L'originalité de Bambo Camara, selon l'historien, ethnomusicologue et conservateur de l'Espace kankourang, reste sa sédentarisation à Mbour d'une part et, d'autre part, l'intégration des rythmes et musiques du terroir à ceux du pays mandingue. La symbiose a vu la synchronisation de la batterie mandingue aux tamtams wolofs et sérères. Matouré Mbaye est resté célèbre avec son xiin dans le sawrouba. La diversification et les variations rythmiques sont dès lors admises, un produit de synthèse ou d'innovation avec Bambo Camara.
Le Tangtangkosila, selon Sadibou Dabo (auteur d'un ouvrage sur la tradition orale et la musique mandingue), est l'expression rythmique du manding, une symbiose de poésie, de chants et de danses. Selon lui, le bon batteur mandingue reste un chanteur, un poète hors pair et un excellent danseur. Beaucoup de jeunes Mbourois du début des indépendances et des années 1970 ont pu accéder au Théâtre national Daniel Sorano et sont devenus de grands artistes professionnels. Papa Guèye Diarra, Papa Dabo, Ibou Signâté… sont de ceux-là.
La Collectivité mandingue, par le canal du conservateur de l'Espace Kankourang, pose une kyrielle de doléances dont la plus urgente demeure la construction d'un musée, lieu de protection des archives et objets cultuels des communautés mandingues.
LE VOYAGE DE BODIEL
ROMAN D’ALIOUNE BADARA BèYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
Il marchait désormais avec un bâton, il ne voulait plus de la vie. Il se demanda si le destin vengeur ne l’avait gardé en vie que pour qu’il sente l’immense douleur de perdre des êtres les plus chers.
Il dirigea la cérémonie funèbre et dans une solitude indescriptible gagna la mosquée, son unique lieu de recueillement.
Bodiel ne pouvait résister très longtemps à cette épreuve, elle devint folle et même dangereuse ! Elle était sujette à d’étroites surveillances.
Parfois d’immenses éclats de rire fuyaient de sa chambre ; elle avait une crise de folie hystérique. Saré-Lamou était devenu un enfer. Que de choses se sont passées depuis le départ de Raki ?
Un jour de pluie, Bodiel devenue folle, eut une crise cardiaque et rendit l’âme à Dieu. C’était la deuxième déception du vieux Bakar.
Pourquoi tant de malheur s’abattent sur lui à son âge ? Devait-il payer les années de joie, de satisfaction ? Devait-il payer de ses années de gloire ? Qu’est devenu le beau jeune homme des forêts heureuses ?
Un découragement total s’empara de lui au retour des cimetières.
-Où est Raki, qu’attend-elle pour revenir ? Pourquoi ne vient-elle pas soutenir son vieux père que le destin impitoyable frappe chaque fois de son fléau ?
Le vieux Bakar retrouva son calme devant la vieille Dado aux cheveux blanchis par l’âge.
Elle était encore beaucoup plus jeune que lui, mais les dures épreuves avaient fini par vaincre leur résistance.
« Diom Galam », lui dit-elle, repose ton esprit, Allah est seul Tout Puissant. Raki sera là bientôt.
Même si elle vient, sera-t-elle épargnée par cette malédiction qui me poursuit ?
-« Diom Galam », Dieu est grand. Repose en paix et n’y pense plus.
Un matin de très bonne heure, Raki laissa derrière elle Thillé. Elle laissa son amour derrière elle. Le voyage fut cette fois fatiguant, la chaleur était intenable.
Raki rêvait de son Meïssa. Elle devrait rester des jours sans le voir. Comment est- ce possible ? les mêmes questions revenaient sur ses pensées, mais elles restaient sans réponse, emportées dans les flots des regrets.
Elle revoyait les moments de tendresse infinie !
Elle revoyait l’immense paix des champs fleuris dans le « Bépar Gorom ».
Elle se revoyait disciple de Meïssa divulguant les secrets des sauriens dans les eaux du Oualo ! Elle avait appris à aimer cette mystérieuse terre, elle l’aima fortement et comprit pourquoi le Oualo était si glorieux et intouchable ; c’était la terre des Dieux noirs ensevelis dans les empires en ruines, le refuge éternel des êtres supérieurs.
Les vautours et les aigles partaient découvrir quelques tombes esseulées de ces cœurs éteints, ceux là même dont parle encore l’histoire. Raki pensait encore à cette concurrence justifiée. Elle avait grandi. Les temps ont vraiment changé. Elle se rendit compte maintenant que le Oualo n’était pas ce qu’elle pensait. C’était une terre de grandeur, mais surtout de fraternité et d’amour.
Perdue dans ses rêves, elle ne se rendit pas compte que Saré-Lamou se dessinait maintenant majestueusement en face du convoi. Un moment elle frissonna et s’adressa à Awa:
- Awa ! Crois-tu que mon père comprendra ?
- Peut-être répondit Awa, je sais seulement qu’il aimerait que l’étoile qui eclaire sa maison reste dans le Fouta, quel que soit son pouvoir.
-Je sais que se sera très difficile.
Raki garda le silence, décidée à défendre son amour jusqu’au bout.
Déjà, les premiers guides étaient au village, les enfants dans leur insouciance légendaire s’exerçaient à des courses folles à la rencontre des chevaux.
Raki sortit de sa tente, l’air fatigué et découragé ; elle ne comprenait pas pourquoi ses parents ne sont pas venus à sa rencontre. Elle se dirigea directement dans la maison et vit son Baba Bakar que la souffrance avait vieilli de plusieurs années.
Voyant la seconde partie de la maison fermée, elle demanda à son père :
-Baba ! Qu’est-ce qui ne va pas ?
-Raki ma fille ! Comment as-tu fait pour rester si longtemps sans me voir ?
-Papa, je tenais compagnie à grand-mère ! Maintenant ! Mais pourquoi ce silence ?
-Ma fille ! Répondit Bakar, depuis ton départ, deux drames se sont passés derrière toi : Oulèye s’est suicidée, elle s’est brulée vive. Bodiel est morte folle ! Cela en était trop pour ton vieux père.
Raki était désarmée, venue parler de son amour, elle trouva un double deuil et un père abattu.
Pendant un moment, elle oublia ses joies passées, ses victoires encore récentes, elle oublia son Meïssa ! Elle demanda sa mère. Le vieux Bakar l’emmena jusqu’au lit de Dado.
Elle regardait le lit, Dado était allongée, le regard livide. Raki embrassa chaleureusement sa mère :
-Maman, tu es malade ?
-Un peu seulement, répondit sa mère, j’étais très inquiète à ton sujet, je croyais même, qu’un certain malheur t’était arrivé ? Tu n’as écrit qu’une seule fois. Ce n’était pas gentil ma fille.
-Excuse-moi maman.
-De rien ma fille, et ta grand-mère ?
-« Al ham doulilahi » reprit Raki.
-Bien maintenant va te reposer, nous reparlerons de tout cela demain.
-Maman et Oulèye ?
-Paix à son âme, elle a beaucoup souffert ta sœur, elle s’est suicidée. -Parce qu’elle était atteinte de la lèpre.
Raki sursauta, les yeux déjà remplis de larmes, elle tomba sur le lit et pleura à chaudes larmes. Elle oublia très vite les réprimandes, les jalousies, les méchancetés lancées à son égard, elle oublia les souffrances de sa mère. Raki était incapable de haïr comme toutes les grandes âmes, elle pardonnait facilement.
Toute sa pensée était maintenant vers sa sœur disparue, une sœur qui ne l’a jamais acceptée comme telle, elle ne put s’empêcher de penser que le destin était allé trop loin.
Sa sœur avait trop souffert avant de mourir, à son âge, c’était trop injuste. Le destin n’avait pas été trop tendre avec sa sœur, il avait frappé trop fort. Elle regagna sa chambre et continua à pleurer, la nuit recueillait ses larmes perdues sous le grondement du tonnerre insensible à sa douleur.
Raki passa l’une de ses plus longues nuits. Elle pensait à peine à son Meïssa retenu dans les rives du Oualo, elle comprenait déjà que la vie n’était qu’un fétu de paille qui se brise au moindre coup de vent.
Elle se demandait à quoi cela servait d’être si belle si les messagers des ténèbres pouvaient venir à tout moment prendre ton souffle ? Elle se demandait puérilement pourquoi la personne devait mourir, pourquoi ne pas vivre éternellement comme le vent invisible ?
Cette nuit passa muette et obscure. La lune dans son onde cristalline avait regagné sa cachette. Le village gardait un calme inquiétant.
Les jours passèrent rapidement et Saré Lamou avait repris son visage d’alors. La pluie avait été bénéfique, les champs fleurissaient sous la joie des cultivateurs, les bétails satisfaits rentraient tous les soirs sous la surveillance des éleveurs amusés par la lourdeur de leur bas ventre.
Les nuits reprenaient leurs veillées sublimes sous le clair de lune royale enveloppé. Son étoile était désormais là pour protéger son ciel qui commençait à oublier sa pâleur.
LE PEUPLE DJALONKÉ DE KÉDOUGOU
UNE RICHESSE ENTRE PERTE DE VITESSE ET RISQUES DISPARITION
hormis son potentiel minier qui aiguise l’appétit, la région de Kédougou est l’une des plus riches régions du Sénégal culturellement parlant. C’est dans cette localité nichée à l’extrême sud-est du pays qu’on retrouve ce qu’on appelle communément ou abusivement les ethnies minoritaires composées de quatre communautés conservatrices. Il s’agit des bassaris, des djalonkés, de bediks (tenda) et des peuls. Ce groupe ethnique est regroupé dans une Association des minorités ethniques qui a pour ambition la valorisation et la conservation de ces cultures menacées de disparition et méconnues de bon nombre de Sénégalais. Dans cet article, Le Quotidien vous embarque dans un voyage en profondeur à la découverte du Peuple djalonké, établi à Fongolimbi après l’éclatement de l’empire mandingue et pour se protéger de la guerre de l’islamisation enclenchée à l’époque par le guerrier guinéen, Alpha Yaya Diallo, du Xiiième au XiVème siècle.
Tout comme les autres, le peuple djalonké a son histoire et ses origines. Originaire de l’empire mandingue, une partie de l’ethnie djalonké se serait dirigée en direction du Sierra Leone après l’éclatement de l’empire du Mali et une autre vers la Guinée, dans la zone du Fouta Djalon. Ils sont très proches des Soussou de Guinée, appelés par eux (Banisosone), du nom de leur région, Bani, et d’une population soussou foulanisée vivant dans le Fouta, les Fulamasosone, par la langue comme par les traditions.
D’ailleurs, d’aucuns estiment que c’est des groupes qui viennent d’une même ethnie. Cette communauté habite une vingtaine de villages dans l’arrondissement de Fongolimbi au sud-est de Kédougou.
Se dressant à 42 Km de la commune de Kédougou, l’accès à Fongolimbi est un véritable parcours du combattant du fait de l’état cahoteux de la route qui y mène. L’hivernage installé, cette localité bordée par les contreforts du Fouta Djalon est doté d’un paysage luxuriant qui fait subjuguer les cœurs et éveille l’envie.
Pour s’y rendre, il faut bien ménager sa monture. D’après la légende contée dans cette localité, «tous les villages djalonké sont situés à l’est de la Gambie et à quelques encablures des frontières du Mali, de la Guinée où vivent des djalonké du même groupe. Les djalonké s’appellent eux-mêmes Yalungané et/ou Yalungana».
Ce nom recouvrirait plusieurs groupes dont la langue présente certaines différences bien qu’ils se comprennent entre eux. Ces trois groupes sont : le Sangala qui s’étend à l’est jusqu’au village de Saroudia en Guinée comme au Sénégal, puis un autre groupe qui occupe l’extrême sud-est de la région et déborde sur les territoires du Mali et de la Guinée et le troisième, qui serait le plus important, se dresserait autour de Wontofa, au Mali.
Ces trois groupes parlent des langues voisines et peuvent se comprendre.
L’IMPLANTATION DES DJALONKÉ AU SÉNÉGAL ORIENTAL
D’après les traditions écrites et orales, ce serait Tanou Kamara qui se serait installé dans les montagnes sur la rive droite du fleuve Gambie. Il y fonda le village de Ouyoukha. Lequel nom a été formé sur le nom de Ouya (captif de Tanou).
Ce, parceque conte la légende djalonké, «le nom d’un homme non captif ne saurait être appliqué à un village». Ainsi, narre la légende «Ouyoukha, village le plus ancien et le plus important, joua le rôle de capitale pour une partie de cette contrée qui portait le nom de Sangala. Elle se serait étendue au nord jusqu’au rebord du plateau qui domine Vélingara. Au delà, la plaine porte le nom de Dantila».
Toujours poursuit notre légende, «d‘autres familles djalonké sont venues rejoindre Tanou à Ouyoukha. Il s’agirait de son frère Manga Kasa Kamara qui lui succéda comme chef de village».
Par ailleurs, nous apprend Cheikh Oumar Keïta président de l’Association pour le développement culturelle et artistique des Djalonké (Adcad) et membre fondateur de l’Association des minorités ethniques (Ame) que, «d’autres familles Djalonké ont fui la région pour se réfugier sur la rive droite de la Gambie». «Ainsi, ont été créés Dioulabaya par les Niakhasso et Dombya par les Keïta», renchérit la légende.
Toujours poursuit notre conteur, le Sieur Keïta, «les Peuls auraient ensuite porté la guerre jusque dans cette région. Néanmoins, Ouyoukha a été un solide village fortifié qui n’a jamais pu être pris par ses assaillants. Dont les principaux furent : Tégényé, Peul du Fouta, Tamba Bakari, un djalonké de Toumba en Guinée et Alfa Gassouma, frère de même père de l’empereur Alfa Yaya, que ce dernier tua par la suite».
Et Cheikh Oumar Keïta d’expliquer que le Ouyoukha avait comme guerriers des abeilles. Et quiconque osait s’approcher de la localité de Ouyoukha avait affaire à ces derniers. Avant de préciser que «seuls les djalonké avaient accès à Ouyoukha et que les abeilles ne protégeaient que les djalonké».
A en croire les traditions écrites, «au moment de l’arrivée des Européens, les djalonké étaient encore à Ouyoukha. Au temps de Al- mamy Samory, le village a encore été attaqué. Encore une fois, il résista victorieusement et les assaillants ont été surpris par les Européens commandés par un lieutenant venant de Khaso au Mali pour s’attaquer à Samory».
Cette intervention a marqué la fin de la guerre et le Sangala serait passé sous la protection du lieutenant. C’est par la suite, de file en aiguille, que la sécurité a fini par être restaurée. Le village de Ouyoukha, abandonné, les djalonké ont fini par se disperser.
Toutefois, ce lieu a laissé des traces visibles dans l’organisation actuelle des villages en groupes distincts et dans l’attribution des chefferies des villages. A cet effet, la création des villages dans le Sangala obéit aux trois centres que sont : Ouyoukha, Dombya et Dioulabaya dont la chefferie revient respectivement aux Kamara, Keïta et Niakhasso.
Les Niakhasso de Dioulabaya ont créé le village de Lébédiyoukouré qui se trouve entre Saroudia et Wamba puis ceux de Moulounga et de Taméguidia dont ils ont la chefferie. Quant à Dombya, la légende raconte que la localité a été fondée par Manga Dombi Keïta qui a été succédé par son fils Sinbara Keïta.
De nos jours, les Keïta de Dombya détiennent les chefferies des villages de Kobokoto. Ces derniers sont des descendants de la famille de Soulémani, fondateur de Bagata, Sakhouya et Dindiary. Le premier village créé au Sénégal par les Kamara de Ouyoukha est celui de Timbéry. Il aurait été d’abord occupé par Ténin Kamara fils de Sambé.
Puis par Kassa Kamara. Ils proviennent tous de Ouyoukha. C’est par la suite que sont venus les Dangnokho, forgeron de Solya. «Les premiers djalonké, qui ont quitté la Guinée pour s’établir à Timbéry, fuyaient les contraintes de l’administration qui exigeait d’eux la fourniture de quantités très importantes de caoutchouc de cueillette», renseigne la légende de ce peuple. De même que les autres localités, Marougou a été fondé par Pâté Kamara, accompagné de Yango Niakhasso, originaires de Ouyoukha.
Plus tard Kassa Kamara a quitté Timbéry pour aller créer Sécréta où il devient le chef de village. A sa mort, il sera remplacé par son fils Kallé. «L’emplacement choisi par Kassa- Kamara pour établir le nouveau village était connu d’avance par les populations de Ouyoukha. En fait, toute la région nord du Sangala, inhabitée à l’époque, constituait pour eux une zone de chasse et de récolte de miel. Le point d’eau et les grands arbres qui s’y trouvaient en ont fait un lieu de repos fréquenté depuis longtemps par les chasseurs de Ouyoukha», raconte notre source.
Le village porterait le nom d’un arbre qu’on trouve en grand nombre à cet endroit. Cependant, force est de constater que les temps changent. Et comme tel, depuis quelques années le mode de chefferie semble avoir perdu beaucoup de sa rigueur. Pourtant, on raconte qu’autrefois «seuls les Kamara (Kassaya et Boloya) avaient le privilège d’être chefs dans le pays de Ouyoukha».
Ils étaient désignés dans les familles Boloya et Kassaya en fonction des villages, par les autres sections. Il s’agit pour cela des Keïta, des Niakhasso et des Samoura. Les mêmes étaient chargés d’arbitrer toutes querelles ou contestations entre les Kassaya et les Boloya.
Les Kondjira considérés comme des étrangers parce qu’arrivés plus tard ainsi que les forgerons et les griots Dangnokho, Touré et Cissokho et/ou Soussokho étaient exclus de ceux qui pouvaient nommer les chefs. Aujourd’hui, la distribution des tâches est plus fluctuante qu’autrefois : les chefs de village sont élus par la population et peuvent appartenir à n’importe quelle famille.
Par ailleurs, la société djalonké est composée de trois classes d’âge. La première commence à la naissance et va jusqu’au quinzième anniversaire du jeune djalonké. Ensuite, la seconde comprend les jeunes gens jusqu’à ce qu’ils atteignent trente cinq à quarante ans.
Enfin pour la dernière classe, elle symbolise la sagesse, le savoir et le pouvoir. Par opposition à la seconde qui consacre l’âge de la procréation, la force de travail. La dernière classe a pour mission ou rôle de transmettre aux jeunes gens les secrets légués par les ancêtres et veiller au respect des us et coutumes.
L’INITIATION CHEZ LES DJALONKÉ
L’un des principaux rites de la société djalonké est l’initiation qui regroupe la circoncision et le séjour dans le bois sacré. L’initiation permet à l’enfant le passage dans la classe des adultes responsables. Initiés selon la tradition, autrefois, narre, Yaya Niakhasso petit-fils du fondateur de Fongolimbi, Sagnégné Niakhasso, «la circoncision avait lieu lorsque le jeune garçon avait atteint une taille suffisante et était doté d’une certaine force physique».
Ces derniers doivent être le plus souvent capables de porter un certain poids et de parcourir une certaine distance en courant. Cela signifierait, d’après l’histoire, que le jeune djalonké est prêt à devenir homme.
A en croire Talibé Samoura, la date du rituel est fixée après «les récoltes». Concomitamment, les futurs initiés étaient pris en main par leurs aînés qui les éloignent de leurs cama- rades plus jeunes. Une fois circoncis, les jeunes garçons prennent le chemin du bois sacré pour une durée d’«un à deux mois», informe Yaya Niakhasso.
Une fois dans le bois sacré, ces derniers sont confrontés à la souffrance physique et à des labeurs pénibles par leurs aînés. Ce, dans le but de les préparer aux souffrances qu’ils auraient à affronter tout au long de leur vie terrestre. Par la suite, les nouveaux initiés reprennent le chemin du village où ils peuvent désormais accéder à la case des adultes. En attendant le mariage qui ne tardait pas à se pointer. C’est le même cas qui était appliqué aux filles.
Après le rite de l’excision, les jeunes filles devenues femmes pouvaient être données en mariage. De nos jours, ces pratiques ne sont plus d’actualité chez les filles notamment avec la loi interdisant l’excision chez cette couche de la société.
Par ailleurs, la période de l’initiation coïncide avec la période de l’apparition des masques qui accompagnent les circoncis durant leur vie d’homme avant, pendante et après leur sortie du bois sacré. Les principaux masques chez cette communauté sont au nombre de trois.
Le masque «Quindin» qui est un mot djalonké qui veut dire «un bon fils» d’après le président de l’Association des ethnies minoritaires Talibé Samoura qui est lui, même de cette ethnie. A en croire ce dernier, ce masque ne sort que pour «protéger les circoncis contre le mauvais sort» lors de leur passage à la case des hommes.
Ensuite, les djalonké disposent d’un autre masque dénommé «Woulounding-Kindéna». C’est le masque qui sort avant «l’initiation pour préparer le terrain aux futurs circoncis», informe le président Talibé Samoura. Cependant, contrairement au premier, il ne doit pas être vu par une femme. Au cas contraire, cette dernière est condamnée à ne point avoir d’enfant.
Comme «woulounding-kindéna, «tamaguira- kindéna» est un autre masque djalonké qui précède l’entrée dans le bois sacré et sort bien avant l’annonce de la date de la circoncision. Tous ces masques jouent un rôle important dans la vie de cette ethnie et participent à la promotion de l’identité culturelle de cette dernière.
En outre, les femmes ne sont pas en reste. En pays djalonké, l‘ensemble des femmes excisées était appelé ; ginedine. Les filles non excisées sont : les sungulune. On trouvait des groupes d’âges féminins seulement parmi les sungulune.
Lorsque la fille était excisée. Elle quittait son carré, son groupe et, éventuellement, son village pour aller vivre chez son futur mari. A l’époque, elle ne pouvait plus participer à une vie collective du fait de la dislocation du groupe d’âge de son village par son mariage et celui de ses compagnes.
A en croire nos informateurs, «il ne se reconstituait pas, au niveau du nouvel habitat, de nouveaux groupes de femmes». Les filles les plus jeunes sont appelées : sungutukhurine, (les plus petites). Elles ont un chef de groupe dans chaque village mais n’ont pas de fonctions sociales bien définies.
Elles ne participent pas non plus aux cadeaux faits aux Dukusine. Trois ans avant leur excision, les filles entrent dans le groupe des ; sunguiumokhine, «les plus grandes». Il faut dire que cette hiérarchisation n’est plus d’actualité car, elle a tendance à disparaître avec l’interdiction de l’excision des filles.
PRINCIPALES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET RELIGION
Les djalonké qui, au départ, vivaient de chasse et de cueillette sont aujourd’hui agriculteurs. «Les cultures principales, semées alternativement sur la même parcelle sont le mil (mengina) et l’arachide (kansina). Généralement, chaque famille consacre une petite parcelle à la culture des pois de terre qui sont appelés landakansine.
Les cultures secondaires sont le fonio et le riz. Il arrive aussi qu’on sème des haricots dans le champ de mil lorsque celui-ci a environ cinquante centimètres de haut. Les hommes, comme les femmes, peuvent travailler dans les champs d’arachide, de riz, de fonio et de pois de terre ; mais les hommes sont seuls à s’occuper du champ de mil et les femmes sont chargées de toutes les opérations relatives à la culture du maïs».
La jouissance des récoltes revient aux hommes pour le mil et le riz ; aux femmes pour le fonio et le maïs. L’arachide est généralement pour les femmes mais il arrive parfois que les hommes en aient une parcelle dont le produit leur est attribué. Les produits de l’agriculture sont, pour leur plus grande part, destinés à l’autoconsommation.
Cependant, l’excédent éventuel peut être commercialisé. Seulement, les populations de la localité sont confrontées à un réel problème d’écoulement de leur production du fait de la situation cahoteuse de la route. En plus, informe, Cheikh Oumar Keïta, «les djalonké sont dans la poterie, la vannerie, le tissage de tissu avec les tisserands». Entre autres métiers qui, aujourd’hui, font la fierté de cette communauté.
L’élevage avait peu d’importance dans la vie économique. Les djalonké possédaient quelques vaches et surtout des moutons qui entrent pour une part importante dans la constitution de la dot. Pendant la saison sèche, la seule occupation importante dans les villages djalonké est le tissage du coton que peuvent pratiquer tous les hommes.
Ce qui a favorisé une importante émigration temporaire vers les grandes villes et le centre du Sénégal. Les hommes reviennent ensuite au village pour la saison des cultures. Avant l’islamisation, et comme tant d’autres ethnies du Sénégal oriental, les djalonké étaient des animistes.
Toutefois, depuis plus d’un siècle, ils sont majoritairement musulmans même s’ils conservent des croyances animistes. L’Islam, a maintenant gagné l’ensemble de la population et les personnes âgées qui n’ont jamais quitté la région pratiquent régulièrement les rites musulmans. La fabrication et la consommation de la bière de mil ont disparu dans tous les villages.
LA FAMILLE
Il n’existerait pas de mot Djalonké pour désigner les grandes sections : Kamara, Keïta, Niakhasso, etc. Bien qu’on emploierait quelques fois le mot Khabilana. Ce nom désignerait les différentes branches à l’intérieur d’une section.
Cette dernière porterait un nom particulier comme les kassaya ou les boloya, du nom de leur ancêtre, ou bien les Kamara de Bourya qui sont appelés yambatounni, du nom d’une montagne. Généralement, nous dit-on, «on désignait le Khabilana par le nom de la section suivi du nom du village d’origine : les Niakhasso de Ouyoukha, les Niakhasso de Bourya, les Kondjira de Morya, les Keïta de Solya, etc.»
A l’origine le khabilana serait une «unité exogamique». Mais son extension, après plusieurs générations aurait provoqué sa division et va permettre les mariages à l’intérieur du khabilana originel. C’était à partir de la division de la société en khabilana que furent organisés les groupes de villages, les chefferies et les commandements des groupes d’âges.
L’ensemble des habitants d’une concession familiale pouvait porter deux noms qui seraient synonymes : dimbayana ou encore bengune. L’endroit où vit un dimbayana, l’ensemble des cases, la cour, les dépendances est appelé landena qui voudrait dire : «carré». Le chef de carré était appelé tandekana. Au pluriel, tandekane, désignant l’ensemble des chefs de carré du village.
Certaines personnes, qui ne seraient pas des parents directs du chef de carré, pouvaient vivre chez lui et faire partie de son dimbayana. Il n’y avait pas de noms propres pour désigner les divisions à l’intérieur du dimbayana. On pouvait distinguer cependant la (ou les) femme (s) et les enfants de chacun des hommes du dimbayana en disant fodéyane «ceux de Fodé», ou talibéyane «ceux de Talibé».
Quand une femme se mariait, elle quittait le dimbayana de son père pour entrer dans celui de son mari (ou du père de son mari). En fait, elle venait habiter dans le carré de son futur mari dès qu’elle a été excisée. Bien que ce dernier n’avait pas toujours fini de payer la dot et de distribuer les divers cadeaux dus à la famille de sa femme.
Il fallait longtemps pour s’acquitter de tout. La dot consistait principalement en argent, bétail (des moutons, mais aussi des vaches et des chèvres) et bandes de coton. Il était également fréquent de donner des arachides à la mère de la future femme si elle manquait de semence.
En principe, on ne donnait pas à un enfant le nom de son père ou de sa mère. Il y avait une préférence pour le nom du père de son père, lorsqu’il s’agissait d’un garçon ; et pour le nom de la mère de son père lorsqu’il était question d’une fille.
Pourtant de nos jours, indique Yaya Niakhasso, «le mariage n’est pas aussi contraignant qu’avant, on a la possibilité d’épouser dans une autre communauté que la nôtre». Alors que poursuit ce dernier, «cela n’était pas permis à l’époque».
Une société en quête d’ouverture
Comme les autres ethnies dites minoritaires de la région de Kédougou, les djalonké sont méconnus par une bonne partie de la population sénégalaise. Pour se faire connaître et mieux valoriser la culture, ces derniers se sont mobilisés en formant l’Association pour le développement culturel et artistique des djalonké (Adcad).
L’association regroupe l’ensemble des membres de l’ethnie djalonké. Elle a pour objectif la défense et la promotion du riche patrimoine culturel djalonké. D’ailleurs, la langue a été la 18e langue à être codifiée par le Sénégal. Par ailleurs, l’association a initié l’organisation des journées culturelles djalonké qui se déroulaient à Fongolimbi.
La première édition a eu lieu en 2004 et la deuxième en 2006. Ces journées qui ont l’habitude d’être célébrées tous les deux ans n’ont pas pu être célébrées depuis leur dernière édition. En cause, des querelles internes.
En fait, les journées culturelles djalonké sont à l’origine de la création du festival des ethnies minoritaires dont la première édition a été célébrée en 2006 à Bandafassi. Cependant, son président national en l’occurrence, Cheikh Oumar Keïta rassure «toutes les dispositions ont été prises pour qu’on puisse reprendre la célébration de ces moments qui consacrent la richesse de notre culture».