Le ministère de la Jeunesse, de l’Emploi et de la Construction citoyenne et le Conseil national de la jeunesse du Sénégal, en partenariat avec l’Initiative prospective agricole et rurale (Ipar), ont organisé le Forum international des jeunes francophones sur le thème : «L’avenir en face». Lors d’un point de presse hier à l’hotel Ngor Diarama, ils ont fait le point sur leurs travaux.
Après deux jours de réflexions et de discussions, les jeunes de l’espace francophone vont soumettre deux recommandations fortes aux chefs d’Etat et de gouvernement qui assisteront au 15e Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Dakar en novembre.
«La recommandation forte de ce Forum international des jeunes francophones, c’est pour une prise en charge efficiente de la question de l’emploi des jeunes» explique le Président du conseil national des jeunes du Sénégal (Cnjs) Me Alioune Sow dont l’organisation est un des initiateurs de cet évènement. Selon Me Sow, qui a animé un point de presse au terme de la rencontre, «il urge de trouver des mécanismes opérationnels pour régler cette question de l’emploi des jeunes qui est une question de dignité humaine».
Des centaines de jeunes venus de 23 pays francophones se sont réunis à Dakar pendant deux jours. A l’issue des discussions, il ressort que la question de l’emploi est une préoccupation pour tous les jeunes du monde. Des préoccupations qui seront portées aux dirigeants présents à Dakar.
«Les jeunes de l’espace francophone se sont mobilisés pour le succès du 15e Sommet de la Francophonie.Ils ont réfléchi et élaboré un certain nombre de recommandations qu’ils vont soumettre aux chefs d’Etat et de gouvernement qui seront au Sommet» explique le jeune avocat.
«Le thème du 15e Sommet de la Francophonie, c’est femmes et jeunes en francophonie, vecteur de paix, acteurs de développement. Nous avons dit que l’espace francophone doit être un espace d’opportunités, un espace ouvert pour les jeunes, un espace solutionnel» souligne Me Sow qui espère que les dirigeants présents à Dakar entendront la voix des jeunes et prendront les mesures nécessaires pour une meilleure prise en charge des préoccupations des jeunes.
La deuxième recommandation des jeunes francophones porte sur la paix. «L’espace francophone est traversée parfois par des conflits. Et le premier intrant du développement, c’est la paix et la stabilité dans l’espace francophone». Dans une Afrique en proie à de nombreux conflits, le Forum des jeunes a mis l’accent sur la promotion de la paix et du développement durable.
Pour cette rencontre préparatoire qui vient de s’achever, les organisateurs ont opté pour une approche novatrice en sélectionnant des jeunes porteurs de projets qui ont échangé sur leurs réussites. «Au-delà de ce forum, nous allons continuer à animer des week-ends francophones dans toutes les régions du pays» informe Me Sow.
Dakar abrite, depuis deux jours, le Forum international des jeunes francophones. Un cadre de dialogue et d’échanges qui permet de s’imprégner des réalités au sein de l’espace francophone.
"Que symbolise la francophonie pour vous ?" A la place d’une réponse à cette question, ce sont des yeux grand ouverts qui nous fixent. La réponse n’est pas spontanée, chez la plupart des participants au forum international des jeunes francophones qui s’est tenu à Dakar les 09 et 10 octobre. Chez ces ressortissants des pays africains, l’horizon semble du coup se rétrécir quand il est question de disserter sur le sens de la francophonie. "Vous nous prenez au dépourvu", lâchent-ils d’emblée tout en essayant de se donner le temps de cogiter.
C’est une jeune Sénégalaise qui a eu le courage de se jeter à l’eau non sans dévoiler son identité. " C’est une perte de temps. Je ne m’attends à aucune retombée après ce 15ème sommet sur la francophonie. L’argent aurait pu servir au financement d’autres projets porteurs. Je me demande ce que la francophonie a réellement apporté à nos nations..."Une image qui contraste d’avec celle de jeunes Américains voire des Anglophones de manière générale, tout heureux de s’épancher sur toute question relative à leur identité et leur appartenance sociale. Les mots sont brefs mais utilitaires. Quand le pragmatisme est une règle d’or chez eux, dans l’espace francophone, on apprécie encore les discours lénifiants, quitte à se laisser endolorir.
Dans les couloirs, c’est une belle envolée de Rrrrrrrr qui s’empare de l’espace. On s’évertue, surtout chez nos compatriotes, à parler un français de France.... On roule les R par là, on massacre de l’autre côté la langue de Molière. La France s’impose dans les esprits sans pénétrer également des cœurs.
"J’ai passé plusieurs années en France mais pour rien au monde, je ne m’installerai dans ce pays. J’ai la possibilité d’y passer mes vacances chaque année, mais je ne saute jamais sur l’occasion’,’ souligne une jeune Sénégalaise qui travaille au Confejes. Pour elle, comme pour d’autres, ses souvenirs de la France ne sont pas enchanteurs..." Les Français sont froids et distants, ils ont encore du mal à s’ouvrir à l’autre...", lâche-t-elle.
Une remarque qui attire l’attention des deux participantes venues respectivement de Lettonie et de Roumanie. Elles font partie des rares "blancs" à assister à ce forum qui réunit beaucoup plus d’Africains. "Cette attitude n’est pas spécifique aux Français, même si on a tendance à s’en désoler. Chez moi, les gens manifestent leur étonnement face à mon commerce facile. Ils ont du mal à comprendre que je puisse communiquer aisément avec différents peuples ; mais c’est grâce au réseau établi par francophonie que j’ai pu développer ces habiletés. Je voyage beaucoup et cela a grandement contribué à améliorer ma perception du monde", souligne Liza Riznokova qui a réussi à cultiver une finesse d’esprit au fil des ans.
"Par pure ignorance, on a tendance à se braquer devant les étrangers. Mais grâce à la francophonie, nous avons pu lever plusieurs barrières...", renchérit sa collègue de la Lettonie. Sous des abords assez revêches, elle se dévoile comme une jeune femme sympathique au fur et à mesure qu’elle s’exprime.
Belle occasion pour d’autres participants de chanter, avec enthousiasme, les vertus de la francophonie qui leur a permis d’humaniser leurs rapports. "Le mérite revient au secrétaire général de la francophonie, Abdou Diouf, qui a eu à développer des approches nouvelles pour susciter un vif intérêt chez les jeunes. La francophonie qui avait des relents politiques se tourne de plus en plus vers des thématiques liées au développement durable. Elle est devenue plus solidaire et s’intéresse aux jeunes qui y trouvent leur compte ", croit savoir la jeune camerounaise Anne Michelle Ekedi. Elle précise pour autant que l’anglophonie est en train de porter ombrage à la francophonie qui est en perte de vitesse un peu partout dans le monde. ‘Chez nous, les parents préfèrent inscrire leurs enfants dans des écoles anglophones pour leur assurer un meilleur avenir."
Pour la Sénégalaise Aminata Diagne, doctorante en économie, ce genre de rencontre est importante dans la mesure où "elle repose sur une approche participative des jeunes, elle pousse des leaders à prendre en compte les préoccupations de cette catégorie sociale, mais elle assure une présence plus soutenue de la francophonie sur la scène internationale. Car, l’anglais est la langue internationale la plus parlée, même au niveau de certaines rencontres internationales, on est mis à l’écart."
Toujours est-il que lorsque les jeunes francophones continuent à se répandre en louanges pour leurs dirigeants, à qui ils adressent des remerciements dans leur discours, du côté anglophone, on s’inscrit dans d’autres perspectives. Le peuple incarne le leadership qui lui est inculqué depuis le bas âge, les gouvernants sont au service du peuple avec une obligation de résultats dans un discours ponctué de concision et de précision. Mais comme les subtilités de la langue française font son charme, on se complait encore à discourir.
''RESTRUCTURER, RÉNOVER ET MODERNISER POUR AVOIR UN PLATEAU TECHNIQUE RELÉVE''
SAHITE SARR SAMB, DIRECTEUR DE LA COMPAGNIE DU THEATRE DANIEL SORANO
Amadou Maguette Ndaw et Ibrahima Ba |
Publication 11/10/2014
Il a une vue circulaire des problèmes de la culture, eu égard à sa trajectoire entre l’éducation, la formation et la communication. En fait, Sahite Sarr Samb a un cursus académique et professionnel très fourni et assez atypique. Entre une maîtrise en Histoire et Géographie, un diplôme de Troisième Cycle en Sciences de l’information à l’Université Libre de Bruxelles, une formation de conseiller aux Affaires culturelles, l’actuel directeur de Sorano fait son chemin. Aujourd’hui, avec le recul, il a une autre perception de Sorano, avec des approches novatrices qu’il compte mettre en œuvre, afin de trouver des esquisses de solutions aux problèmes. Parmi celles-ci, le cinquantenaire de l’an prochain occupe une place de choix. Un grand rendez-vous en perspective.
Existe-t-il un lien entre le triptyque communicant, formateur et agent du ministère de la Culture ?
Ah oui, il est réel ce lien ! Quand on fait l’archéologie de l’histoire administrative du Sénégal, on se rend compte que le ministère de la Culture, par rapport à ses premiers cadres, était essentiellement composé d’enseignants.
Cela s’explique par le fait que le corps des conseillers culturels, dont je suis membre, n’a été créé qu’en 1978. Dans la réalité, je pense qu’ entre la culture et l’éducation, la frontière n’est pas très nette.
Oui, mais comment faire pour que le binôme culture et formation soit bénéfique à nos populations et, par ricochet, à notre développement ?
Je pense qu’il faut amener la culture à l’école, mais également dans la première place de l’enfant, qu’est le cercle familial. C’est là qu’on donne à l’enfant les fondamentaux. Vous savez, c’est comme le livre.
L’enfant, pour aimer et s’approprier le livre, doit le découvrir dans la cellule familiale, avoir goût à la lecture et plus tard, être un consommateur, pas seulement les livres au programme à l’école, mais les ouvrages en général, comme les bandes dessinées et autres. C’est comme le théâtre. Avant, le théâtre était pratiqué à l’école et c’est là qu’ont émergé les jeunes talents.
Ramener cette culture à l’école oui, mais quel rôle jouera la compagnie Sorano ?
Cette donne existait déjà à Sorano, à l’initiative de certains comédiens. Il faudrait l’accentuer avec des matinées scolaires, ciblant un public jeune. Avec ce projet, on va essayer de trouver ce lien entre école et culture. Il faut amener les enfants au théâtre, comme on devrait également les amener au musée, à la bibliothèque, etc.
L’autre avantage, c’est la possibilité de monter des pièces sur des œuvres au programme. Cela donnera un double intérêt à l’élève : il va allier le ludique du théâtre et la pratique de la classe.
En 2015, on va davantage travailler dans cette perspective, avec un certain nombre d’écrivains, mais également des écoles qui veulent bien nous suivre dans cette nouvelle et enrichissante expérience.
Depuis mai 2014, vous êtes directeur général de Sorano. Quelles marques comptez-vous imprimer à votre magistère à la tête de cette structure ?
Sorano est dans un paradoxe. En fait, cette structure a une longue histoire. C’est un patrimoine, à la fois, matériel (le bâtiment) et immatériel (toutes les œuvres produites, comme les répertoires par les différentes entités). Sorano était la matrice, l’âme et l’esprit de la culture sénégalaise. Ce théâtre est héritier des théâtres du Palais et des ballets africains de l’ancienne fédération du Mali.
Voilà toute cette âme qui nous donne une renommée internationale, un certain label, une expertise artistique et une salle mythique. Malgré cela, nous sommes confrontés à des problèmes.
Les lignes ont bougé dans le milieu de la production et Sorano n’a pas suivi l’évolution. Jusqu’à présent, nous gérons une réalité - voire la culture dans son ensemble - avec un discours des années 1970-80. Les choses vont vite !
Que faire donc pour replacer Sorano sur la bonne voie ?
Il y a des activités de restructuration, de rénovation et de modernisation à faire, pour avoir un plateau technique relevé. Tout talent, même débordant, a besoin, pour éclore, d’être accompagné par une bonne technique. Sorano doit aller vers une création en son et lumière, en utilisant toute la potentialité du numérique. L’autre question : on affirme que la culture n’est pas rentable.
Tant qu’on restera sous la rentabilité à caractère économique, on ne va jamais pouvoir défendre la culture. Elle n’est pas seulement matérielle, loin de là. Elle est un besoin immatériel, qui équivaut à l’appartenance (à une ethnie, à une culture), à la référence à quelqu’un ou à quelque chose.
Ce besoin-là, on ne peut le régler que par la culture, que par les productions artistiques également, particulièrement pour les enfants. S’il n’est pas réglé, on ne pourra pas aller au développement ou à l’émergence. Il faut que l’on sache qui on est et où l’on veut aller. C’est la raison pour laquelle, en culture, la rentabilité est différée.
Aujourd’hui, quelles sont les difficultés auxquelles votre institution fait face ?
Nous avons des difficultés structurelles. La crise est là et les ressources se font rares. Or, la culture a un coût. Le premier intrant de notre travail, c’est l’électricité alors que nous peinons à régler nos factures ; ce qui oblitère considérablement notre budget. L’autre difficulté est liée à l’organisation de Sorano.
Nos produits émanant de l’Ensemble lyrique national, de la Troupe dramatique et du ballet national La Linguère sont figés, du point de vue commercial. Nous n’avons pas une stratégie de marketing, de relations publiques et de communication. Il nous faut essayer de trouver des solutions, car un produit, même très bon, ne sera pas bien vendu sans un bon plan marketing.
Il faudrait aussi diversifier nos offres, qui sont un peu figées. C’est dans ce sens que je pense à la rentabilisation de nos locaux et aussi de notre devanture pour une régie publicitaire. Car la place est assez stratégique. Il nous faut des supports visuels pour mieux présenter nos produits, au niveau national.
Le même effort doit être fait à l’étranger, afin de reprendre nos tournées internationales, surtout avec le ballet La Linguère. Ce qui pourrait permettre, avec des tournées en Amérique du Nord et en Europe surtout dans le Benelux, d’engendrer des ressources additionnelles. Au- delà, il faut que tous les Sénégalais puissent s’y retrouver à travers des tournées décentralisées.
Et cela passera par un partenariat avec les structures publiques, qui ont un certain maillage de l’intérieur du pays, comme l’Education nationale avec son réseau d’universités, l’armée et les corps paramilitaires qui peuvent être demandeur de certaines formes d’animation dans les casernes.
Qu’en est-il du cinquantenaire de Sorano ?
Le grand projet, c’est 2015, pour notre cinquantenaire. En fait, le 16 juillet 1965, Sorano accueillait sa première pièce, « La fille des dieux » d’Abdou Anta Kâ. L’événement était présidé par le président Léopold Sédar Senghor. Pour cette commémoration, nous avons déjà l’accord du ministre de la Culture. Nous souhaitons également mettre cet événement sous le patronage du président de la République et lui donner un caractère sous-régional. Un colloque et une série de rencontres professionnelles sont aussi prévus.
Dans le court terme, nous voudrions être présents dans le XVème sommet de la Francophonie. Déjà, il y a une réflexion autour d’un projet artistique. Nous attendons l’accord des autorités. Par ailleurs, sur le plan structurel, nous projetons d’avoir un plan de développement stratégique sur 5 ans, lequel prendra en compte les aspects liés à la structure, l’équipement, la modernisation du matériel pour une bonne qualité de la production artistique, mais également l’organisation structurelle.
Parmi vos projets, vous envisagez aussi la réhabilitation du Théâtre national Daniel Sorano...
Le bâtiment de Sorano a 50 ans et n’a jamais bénéficié d’une réhabilitation complète. Ce n’est qu’à deux reprises qu’il a fait l’objet d’une petite réhabilitation : dans les années 1990 avec l’Agence d’exécution des travaux d’intérêt public (Agetip) et en 2010, pour préparer le Festival mondial des arts nègres. Dans tous les cas, c’est un édifice qui nécessite une réhabilitation.
Nous avons beaucoup de problèmes par rapport à l’étanchéité, à l’obsolescence de certains équipements, etc. D’ailleurs, ce sont ces problèmes qui expliquent les difficultés que nous avons, pour ce qui est de l’alimentation en énergie. La vétusté des installations augmente la consommation en électricité. Il y a également un problème de sécurité. Nous venons d’avoir le dernier rapport de la Direction de la protection civile. Nous nous attèlerons à régler ces problèmes, mais cela nécessite des moyens.
Que comptez-vous faire pour trouver ces ressources ?
Je pense que l’Etat doit augmenter les moyens de Sorano. Nous avons une subvention de 376 millions de FCfa, et c’est peu pour fonctionner. Avec notre plan de développement stratégique, nous comptons nous engager devant l’Etat, à travers un Contrat de performance. Nous envisageons aussi de chercher des moyens additionnels, en améliorant la qualité de nos productions artistiques, pour les mettre, en perspective, dans une stratégie commerciale.
Nous comptons sur la coopération bilatérale et multilatérale. Il faudrait également reprendre nos relations avec des pays comme la France, le Japon, la communauté française de Belgique, la Turquie...
Lors de la dernière Korité, le Théâtre national Daniel Sorano a offert un spectacle aux Sénégalais. Envisagez-vous de perpétuer cette dynamique ?
C’est ce que nous voulons. C’était un spectacle de présentation d’un Cd, qu’il fallait montrer au public. Dans cette optique, nous envisageons aussi d’avoir un clip, lequel permettra de donner une meilleure visibilité à nos productions. D’ici la fin de l’année, la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano compte offrir un autre spectacle au public sénégalais.
Ce spectacle va essayer de faire une fusion entre les derniers produits que nous avons, à savoir le dernier répertoire de l’Ensemble lyrique et certaines productions comme « Ñoo yem kepp » de la Troupe nationale, ainsi que «Ce qui nous lie » du ballet « La Linguère ».
Pour 2015, nous comptons développer d’autres œuvres, en reprenant par exemple des classiques. Je pense profondément qu’un théâtre doit reprendre toujours ses classiques. « Roméo et Juliette » est toujours joué sur les scènes européennes. Il faut noter que certains classiques ont fait entrer le répertoire sénégalais dans celui de l’Universel.
Dans la même perspective, il sera question, en 2015, de mettre l’accent sur les œuvres des auteurs africains, non Sénégalais. Un théâtre doit être ouvert... Cela permettra de faire circuler ces auteurs dans l’espace africain.
Les questions sociales sont souvent la pomme de discorde entre la direction et les syndicats. Aujourd’hui, dans quelle logique êtes-vous avec les partenaires sociaux ?
Dans l’ensemble, tout se passe bien. J’ai essayé d’instaurer un dialogue social. La commission mixte paritaire, qui se compose du syndicat et des représentants de la direction générale, est un cadre qui permet de poser sur la table tous les problèmes et d’en discuter en toute responsabilité. A Sorano, nous avons un syndicat très responsable et constructif.
Récemment, on a organisé une journée d’études sur la gestion administrative et financière de la structure, avec des représentants de syndicats, afin qu’ils partagent avec nous l’ensemble des problèmes. Cela a été très bénéfique. Le problème le plus sérieux reste celui de l’Ipres, avec un déficit d’organisation et des prélèvements non versés à certains moments. On essaiera de trouver une solution.
L’AMBASSADEUR DE LA CULTURE BÉDIK
MAURICE KEITA, ALIAS « KALY », MUSICIEN
Babacar Dione et Aly Diouf |
Publication 11/10/2014
Jeune informaticien à la SSPP « le Soleil », Maurice Keïta, 31 ans, est également un artiste adulé dans la région de Kédougou, plus précisément à Bandafassi, au cœur du pays bassari. « Kaly », de son nom d’artiste, est élevé au rang « d’ambassadeur de la culture bédik » par ses fans. Un lourd fardeau qu’il entend porter.
Un aîné journaliste culturel, qui capitalise plusieurs années d’expériences dans le monde de la musique, s’est trituré les méninges pour identifier la voix qui a interprété ce titre qu’il vient d’écouter si religieusement. C’est un titre de Maurice Keïta sans identifier l’auteur.
Il a manifestement cherché loin, alors que la voix qu’il voulait identifier est souvent à ses côtés pour remettre en marche son ordinateur. Les autres collègues qui le côtoient matin et soir ne savent pas, non plus, que Maurice Keïta, jeune informaticien, a un talent caché, celui de musicien, auteur de plusieurs titres qui défendent les valeurs du pays bassari.
Pour découvrir le talent caché de ce jeune informaticien disponible et courtois qui arpente tous les jours les couloirs et bureaux du siège de la Sspp « le Soleil », il faut parcourir plus de 700 kilomètres. Il faut se rendre à l’Est du Sénégal, plus précisément à Kédougou, puis emprunter la route qui mène à Salémata.
A mi-parcours sur ce tronçon fait en latérite et jonché de nids de poule sans doute causés par les fortes pluies qui s’abattent sur la région de Kédougou, se trouve Bandafassi. Un village lové au pied d’une longue montagne avec ses bâtiments et ses établissements scolaires en dur qui renseignent sur son ouverture à la modernité, mais aussi ses cases en paille qui rappellent l’ancrage des populations dans leurs traditions ancestrales.
Ces valeurs incarnées à travers le paysage sont portées par Maurice Keïta à travers la musique. « Il est notre fierté. Il défend notre culture à travers les mélodies. Tout le monde l’adore ici », confie Antoine, son ami d’enfance.
Teint clair, taille élancée, Maurice Keita, 31 ans, est né à Bandafassi, au cœur du pays bassari, une zone où vivent des minorités ethniques : les Bédiks, les Bassaris, les Koniaguis et d’autres citoyens sénégalais qui conservent leurs traditions ancestrales. La relation entre Maurice Keïta et la musique est, visiblement, fortement influencée par ces traditions.
« Nous gardions les champs pendant l’hivernage pour éviter que les cultures ne soient détruites par les singes et d’autres animaux sauvages. On est obligé de chanter à tout moment pour repousser ces animaux. Maurice Keïta aimait bien s’atteler à cette tâche », se souvient Nicolas Camara, un ami d’enfance du jeune artiste. « Depuis l’enfance, il aimait la musique. Il a toujours eu une passion pour la musique. Quand on partait au champ, il aimait reprendre les sonorités locales. Il les entonnait bien. Ça le passionnait », ajoute Pierre Keïta son grand-frère.
La passion pour la musique, Maurice Keïta l’a visiblement gardée dans son cœur en attendant de faire ses preuves à l’école. Il se consacre aux études. Il a passé l’école élémentaire à la mission catholique de Kédougou avant de partir à Tambacounda, au collège Jean 23, où il décroche le Brevet de fin d’études moyennes (Bfem). C’était en 2001.
Les portes de la capitale s’ouvrent à l’enfant du pays bassari qui a été accueilli au collège Saint-Michel de Dakar. Après une formation en informatique, Maurice renoue avec son rêve d’enfance. Il s’engage dans le chant choral tout en ayant l’œil rivé sur d’autres genres musicaux qui lui permettraient de mieux défendre les valeurs de sa communauté. « Je me considère comme la voix des sans-voix », lance-t-il au cours d’une brève conversation au cours de laquelle le natif de Bandafassi accepte enfin de se dévoiler.
Etre la voix des sans-voix signifie forcément défendre, dénoncer,... D’où le choix du RNB, du Rap soul, mais surtout du Reggae comme genres musicaux de prédilection pour le jeune artiste. Kaly, comme l’appellent affectueusement ses proches pour désigner le cinquième enfant de la famille chez les Bédiks, évolue en solo à Dakar.
Sa vie dans la capitale est rythmée par les obligations professionnelles et les répétitions. Il dispose déjà d’une maquette de trois tubes intitulés « Qu’ai-je-fait », « So amul dara », « Oyo ». Dans ses tubes où il allie le bédik, le peul, le bassari, le wolof et le français, Kaly dénonce la violence, chante la paix et invite à la tolérance.
Il appelle aussi les peuples à cultiver la paix et la solidarité. Kaly loue également la dignité qui est une valeur forte chez les Bédiks. « Les Sénégalais ne connaissent pas trop les Bédiks. Il y a eu des étiquettes collées à notre ethnie et distillées par des gens qui ne nous connaissent pas », explique-t-il.
Le jeune chanteur fait manifestement allusion à un reportage sur la culture bédik récemment diffusé par une chaine de télé de la place. Il promet de sortir une chanson pour faire connaître les valeurs du peuple du pays bassari. « Je veux y aller doucement. Je sais l’immense espoir que toute la communauté porte sur moi pour la défendre par la musique », explique-t-il.
ETHIOUAR, LE VILLAGE TRADITIONNEL NE REVIT QUE PENDANT LES FÊTES
JADIS FORTERESSE IMPRENABLE
Babacar Dione et Aly Diouf |
Publication 11/10/2014
Les jeunes ont l’œil rivé sur un horizon neuf. Ils ne se rendent plus au sommet des montagnes où se trouve la forteresse imprenable. Ethiouar, le village niché au sommet des montagnes, est supplanté par la plaine. C’est un conflit de générations.
Au sommet de la montagne, se trouve Ethiouar le village traditionnel des Bédiks de Bandafassi. Comme une forteresse imprenable, ce village haut perché a sauvé les Bédiks des envahisseurs. Longtemps après les menaces, ils sont restés au sommet de la montagne. Ils ont été obligés de descendre dans la plaine lorsqu’il s’est produit un tremblement de terre en Guinée, abaissant drastiquement le niveau de la nappe phréatique.
Ne pouvant plus avoir de l’eau au sommet de la montagne, les Bédiks qui le pouvaient descendent dans la plaine où se trouvaient les terres arables. Ils se sont implantés à Indar. Juste au pied de la montagne.
Toutefois, toutes les familles ont des résidences à Ethiouar. Des maisons dans lesquelles elles séjournent le temps des fêtes. Selon Mark Keïta, Indar signifie en quintessence « une terre fertile qui requiert beaucoup de courage pour en tirer profit ». Et Ethiouar signifie « met le feu et active ».
Au sommet de la montagne où se trouve Ethiouar et ses grottes refuges, ne sont restées que les familles ne pouvant pas quitter. Selon Mark Keïta, il s’agit principalement de deux familles : celle qui possède le village et celle qui possède les masques. Ils sont restés pour ne pas s’éloigner des génies protecteurs des Bédiks.
Toutes les autres familles sont descendues dans la plaine. Toutefois, elles ont leurs maisons à Ethiouar. Au sommet. Elles s’y rendent à l’occasion des fêtes traditionnelles qui sont célébrées sept fois dans l’année.
Les fêtes se passent toujours à Ethiouar. Pendant ces périodes, les villageois, qui sont au pied de la montagne, « montent » et restent deux à trois jours durant pour célébrer la fête. En effet, c’est « en haut », à Ethiouar, que se font les fêtes. Celles du génie de la place, des morts, des récoltes, du chef de village, etc. « Que sera le village traditionnel dans une cinquantaine d’années ? », s’interroge Mark.
A l’en croire, il y a un conflit de générations dans le village. Les anciens veulent perpétrer les traditions et les jeunes veulent embrasser la modernité. « Les jeunes préfèrent aller en boîte ou regarder la télévision plutôt que d’aller au village traditionnel pendant les fêtes », fait remarquer Mark.
EST HOMME L’INITIE !
Les Bédiks font environ 7 à 8.000 habitants divisés en trois sous-groupes ethniques que sont les Banapass, les Biwol et les Boniolo. La société bédik est très bien structurée. L’éducation ou l’initiation à la vie future est très importante chez les Bédiks. A Ethiouar, peuplé par les Banapass, tous les garçons âgés de 14 ou 15 ans font trois mois d’initiation dans le bois sacré.
C’est ici, dans la case initiatique, que se fait la transition de l’adolescence à l’adulte. Pendant ces trois mois, on apprend aux garçons la débrouillardise, le respect des aînés et les pratiques animistes bédiks, entre autres.
Après cette phase, il y a une seconde qui dure six ans. Elle est appelée « accès à la case coutumière ». Ces deux étapes se bouclent à l’âge de 20 ou 21 ans. C’est seulement après que le garçon peut maintenant prendre part au conseil du village. On peut aussi lui attribué des responsabilités au sein de la société. Il peut se marier. Chaque sous groupe a quelques particularités mais les trois ont ceci de particulier : les hommes passent d’une classe d’âge à une autre tous les six ans. Tout se fait par classe d’âge.
Jadis, les gens du village allaient travailler pour le chef de village. Les rai- sons, explique Mark, c’est que ce dernier est très souvent sollicité pour régler des problèmes sociaux. Il vient en aide aux autres et n’a pas assez de temps pour se consacrer correctement à ses propres travaux.
« On est en train de perdre nos traditions, les jeunes qui sont allés à l’école sont plus tournés vers le modernisme. Avant, chaque semaine, on allait travailler chez le chef de village », se souvient Mark qui rappelle que ce sont des choses qu’ils sont en train de perdre petit à petit.
LA SOLIDARITE, UNE VERTU CARDINALE
Autant la société bédik est structurée, autant elle est organisée et autant elle est solidaire. Et cette solidarité se mesure à l’aune des travaux champêtres. Pendant ces travaux, les gens organisent des corvées pendant lesquelles une classe d’âge vole au secours d’un de ses membres pour effectuer lesdits travaux. Le membre secouru prépare un copieux repas. Il sert aussi de la boisson aux hôtes. Et, à tour de rôle, les membres des classes d’âge organisent des corvées pour faire face à leurs travaux.
C’est ainsi que les Bédiks viennent à bout de ces terres farouches. Au-delà de ces corvées organisées par les classes d’âge, les Bédiks ont un autre système de secours à l’endroit des personnes malades ou invalides. Sous la houlette du chef de village, les Bédiks organisent occasionnellement des corvées pour venir en aide à ces personnes.
Chez les Bédiks, la société est très hiérarchisée. A Bandafassi, on a quatre noms de famille : les Keïta, les Camara, les Kanté et les Samoura. Selon le guide Mark, les Keïta sont les nobles et c’est en leur sein qu’on choisit le chef de village, qui n’est « pas forcément le plus âgé mais le plus sage, qui connaît les traditions et qui ne fait pas dans la langue de bois ».
Il faut aussi, renseigne Mark, être âgé d’au moins 45 ans et jouir de toutes ses facultés mentales. Ces deux familles qui veillent sur le village et des fétiches sont ceux qui sont restées à Ethiouar. Au sommet de la montagne.
Les Camara, souligne Mark, sont les chefs coutumiers. Ils s’occupent des fêtes. A Bandafassi, une partie des Camara et des autres noms de famille occupent les autres catégories sociales.
LES BEDIKS DE BANDAFASSI
LE PAYS DES MASQUES, LE REFUGE DES MONTAGNES ET LES RITES INITIATIQUES
Babacar Dione et Aly Diouf |
Publication 11/10/2014
Au pied des montagnes de l’ancien Sénégal oriental, il y a une ethnie dite minoritaire qui attache beaucoup d’importance à la solidarité. Les Bédiks de Bandafassy, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, ont cette autre particularité : ils ont deux demeures, croient aux masques et pratiquent les rites initiatiques.
Au pays Bédik, les masques, appelés Djalan, ont une importance capitale. Chez les Bédiks, toutes les fêtes ont des masques spécifiques. Il existe une très grande diversité de masques, chacun ayant sa signification et son rôle. Chaque masque sort à des occasions très précises (initiation, période de semis, circoncision, changement de classe d’âge), et anime un esprit spécifique.
Tous ces masques, auditifs ou végétaux, sont des « esprits » habités par certains morts. Selon la légende, « les masques n’existent, dit‐on, que depuis que les morts ont cessé de re- venir au village. Lors de leurs visites, les femmes, reconnaissant leurs morts, pleuraient, et les hommes ont décidé d’utiliser les masques pour qu’elles ne les voient plus ».
D’après le guide Mark Keïta, l’origine de ces masques remonte au temps où les Bédiks vivaient en réclusion dans les montagnes, fuyant les envahisseurs. Le masque, à la fois mystique et mythique, devait assurer la protection des populations. Las des poursuites dont ils faisaient objet, les Bédiks imploraient aussi les Djalans pour que le Dieu créateur leur envoie des gens qui pouvaient les sauver de ces envahisseurs.
Pour remercier les Djalans d’avoir exaucé leurs vœux, ils sacrifiaient des bœufs, des coqs ou des chèvres. A en croire Mark, les Bédik sont originaires du Mali. L’islamisation a poussé ce peuple cousin des Dogon du Mali à fuir ce pays pour d’autres contrées moins hostiles.
C’est ainsi que ces « animistes minoritaires », qui ne voulaient pas se convertir à la religion musulmane, sont allés vers le relief accidenté du Sénégal oriental, à la recherche de nouvelles terres. Dans un premier temps, ils se sont installés au pied des collines. Et ils ont rencontré, à nouveau, les mêmes problèmes d’islamisation.
ET, ILS SE REFUGIERENT DANS LA MONTAGNE !
Le chef guerrier musulman de la Guinée Conakry, en l’occurrence Alpha Yaya, a vainement tenté d’islamiser les Bédiks qui ont finalement trouvé refuge dans les montages. Ils se sont cachés dans les grottes des montagnes. Ils restaient là le jour et, une fois la nuit tombée, ils sortaient pour cher- cher à manger. A l’époque, ils pratiquaient surtout la cueillette et la chasse. L’agriculture venait en seconde position.
Les Bédiks ont connu d’autres envahisseurs, mais ceux-là, explique Mark, étaient pacifiques. Il s’agit des missionnaires catholiques. Lorsqu’ils sont venus dans la zone, ils ont constaté la présence d’humains, mais ils ne pouvaient pas les localiser.
Le soir, ces missionnaires projetaient des films sur la vie et l’œuvre du Christ et, en se retirant, ils laissaient sur les lieux des bonbons et des gadgets. « Ils n’étaient pas venus avec des armes, mais ils voulaient aussi convertir les Bédiks », souligne Mark.
Leur stratégie fut payante. Ce peuple pacifique et réservé que constituent les Bédiks a fini par croire que ces « gens de couleur », qui projetaient des films tous les soirs sur des histoires pacifiques autour d’un apôtre de la paix et qui, en partant laissaient derrière eux des bonbons et des gadgets, n’étaient ni plus ni moins que les sauveurs qu’ils demandaient à leurs génies. C’est ainsi que le contact a eu lieu et la christianisation s’est ensuivie, puis l’implantation des écoles catholiques.
D’après Mark, le premier contact des missionnaires avec les Bédiks était positif. C’était d’abord un homme qui avait des plaies. Les missionnaires ont soigné les plaies et ont couvert l’homme de vêtements et de cadeaux. Ce qui a facilité les choses puisque les Bédiks n’avaient plus peur des Blancs.
Ainsi donc, au lieu de se cacher dans les grottes comme ils le faisaient avec les envahisseurs musulmans, ils sortirent et allèrent à la rencontre des missionnaires catholiques qui ont mis du temps à dissiper la méfiance de ce peuple si réservé.
Le Forum international qui rassemble à Dakar les jeunes francophones depuis hier, jeudi 9 octobre, et prend fin ce jour, est comme un avant-goût du XVe Sommet de la Francophonie. Car, pour l’un, comme l’autre, les jeunes sont à l’honneur. Dans la journée d’hier, 40 jeunes francophones, tous plus enthousiastes les uns que les autres, ont exprimé l’idée qu’ils se faisaient de l’avenir. C’est en tout 40 projets porteurs qui ont été retenus, dont 17 sélectionnés dans le secteur agricole. Celui d’Agbadjagan Maranatha en est un. Le jeune homme de 28 ans est un être hybride, entre l’entrepreneur producteur de jus de fruits, et l’universitaire.
Agbadjagan Maranatha a 28 ans et presque deux vies. Chez lui, au Bénin, il étudie la sociologie du développement à l’Université d’Abomey où il est assistant. Et depuis quelques années, il est aussi producteur de jus de fruits. Sa petite histoire commence alors qu’il est étudiant en développement communautaire. Il présente alors un mémoire de fin d’études sur la transformation de l’ananas en jus. Le jeune homme de l’époque ne se contente pas de concepts théoriques. Il met la main à la pâte et touche un peu à tout, il séjourne même dans des fermes où il apprend le métier. Au-delà de son diplôme, il veut surtout maîtriser tout le processus. Alors, il pose des questions, et on lui explique…Lui aimerait bien se lancer, mais comment, et avec quels moyens ?
A l’époque, il ne dispose que d’une bourse de second cycle : une quarantaine de mille francs. Avec ses petites économies mensuelles, il commence à financer ce qui n’est alors qu’un petit projet. Ce qui le motive sans doute, c’est qu’il sait qu’il peut compter sur l’aide de ses parents qui le soutiennent du mieux qu’ils peuvent, moralement, et aussi financièrement.
Entre-temps, il s’envole pour le Canada pour un second stage, de six mois cette fois. Là, il se perfectionne, dans la transformation de produits agro-alimentaires toujours. Il touche même à autre chose qu’à ses jus de fruits. Car, sur place, on lui apprend aussi à fabriquer de la provende, de l’aliment pour bétail.
Un homme mieux organisé rentre chez lui…
C’est donc un homme mieux organisé qui rentre chez lui, avec, dans sa valise, une idée un peu plus précise de ce qu’il veut faire. Même s’il se débrouille toujours un peu comme il peut, avec ses petites économies… En 2008, il signe une convention avec le Programme d’appui à la diversification Agricole (PADA), financé en partie par la Banque Mondiale. Ce que dit le contrat, c’est qu’il touchera 8. 745. 000 F. CFA. Une somme consistante qu’il attend toujours de recevoir, mais avec mille et une idées qui lui trottent déjà dans la tête. Avec cet argent, il achètera surtout de l’équipement : des pasteurisateurs, des broyeurs et même des tricycles pour distribuer ses produits. Agbadjagan Maranatha aimerait aussi construire des installations hydrauliques. Dans l’activité qu’il mène, avoir de l’eau c’est primordial. Il lui faut aussi de la matière première. L’ananas, par exemple, lui provient de la ville d’Allada, au sud du Bénin.
Ce projet est le sien, mais neuf personnes l’accompagnent. Sa petite entreprise n’a pour l’instant que très peu de clients, des privés pour la plupart. On lui commande des jus de fruits pour des baptêmes et des fêtes d’anniversaire par exemple. Il vend aussi à quelques supermarchés.
Il faut dire que la concurrence est là, le jeune porteur de projet y avait déjà pensé au tout début, mais rien n’aurait pu l’arrêter. Agbadjagan Maranatha s’est dit : « Je serai plus original. » Chez lui, au Bénin, le jus de fruits est surtout conditionné sous verre. Lui, voudrait servir son breuvage dans des emballages plastiques. On ne sait pas si le jeune entrepreneur est écolo, mais il composte les résidus qu’il obtient et les revend ensuite aux jardiniers et aux maraîchers.
Aujourd’hui, son petit séjour, ici au Sénégal, lui qui vient pour la toute première fois, est une nouvelle opportunité. Peut-être pourrait-il y trouver un ou des partenaires. Et pour y avoir déjà été, il songe aussi au Canada ou ailleurs sur un coin de la planète. Point de toit au-dessus de ses rêves !
L’ULTIME CRÉATION D’UNE BATTANTE
UNE SIMPLE PAROLE, FILM POÉTIQUE, ŒUVRE ETHNOGRAPHIQUE DE VALEUR
Loin des clichés, Une simple parole de Mariama et Khady Sylla est un film qui invite la jeunesse à puiser aux sources de la culture. Ce film ethnographique est non seulement très poétique, mais il pose véritablement un questionne- ment sur l’humain, sur l’avenir.
Une simple Parole. Le titre du dernier film de Mariama et Khady Sylla. Un long métrage qui plonge le cinéphile dans la relation qui lie trois femmes d’exception. La première Penda Diogo Sarr serait «l’une des dernières gardiennes de la généalogie» chez les Sylla. La seconde Khady, qui sert de trait d’union entre la première et la troisième et qui pourrait être l’incarnation de «cette simple parole».
Et la dernière Mariama Sylla qui aujourd’hui porte la lourde responsabilité de porter loin cette «simple parole». Sa défunte sœur telle une prophétie la lui rappelle à travers ce film : «Moi je suis Lasy et toi Sylla...Deux métaux fondus ensemble...»
En réalité Une simple parole est l’ultime œuvre de Khady Sylla. Ce long métrage, à la fois testament et hommage, semble bien être «une réflexion filmée autour de la question du passage de l’oralité à la parole filmée à travers le cheminement des deux sœurs sur les pas de leur histoire familiale».
Et ce qui fait la particularité de cette œuvre, c’est encore une fois cette belle poésie, reflet de la marque, de la belle plume, mais aussi du talent d’écrivain de Khady Sylla. Comme dans ses films Une fenêtre ouverte ou encore Colobane Express , elle réussie encore à servir un texte filmé d’un lyrisme dont elle seule a le secret.
Ici, s’y ajoute une dose de pro- verbes typiquement sénégalais qu’elle et sa sœur font bercer par la succulente musique de Wasis Diop (l’autre grande voix de la scène sénégalaise).
Une simple parole est incontestablement un film prémonitoire. Tout, du début à la fin, résonne dans cette réalisation comme la dernière note rebelle d’une «femme révolutionnaire et battante». Elle a su le dire elle-même (en voix off), paraphrasant le Président poète : «Seul est mort, un mort dont on ne prononce plus le nom.»
Elle fera savoir plus loin dans le documentaire que «l’irréalité de la mort n’a d’égale que l’irréalité de la vie...Mais la mort, elle, est bien réelle». Khady Sylla n’aurait pas su mieux faire. En choisissant pour cette ultime création d’aller à la rencontre de sa grand- mère accompagnée de sa petite sœur, pour une initiation, elle dessine sans le savoir, son propre portrait, celui d’une femme de savoir.
Puisqu’en faisant la lumière sur Penda Diogo Sarr avec la seule ambition de ne pas la voir disparaître avec sa précieuse connaissance, elle laisse à la postérité une leçon de vie. Cette leçon qui, comme une boutade, annonce et termine l’œuvre : «Rien que de l’humain et du trop humain...» C’est là, tout le sens d’Une simple parole. Mais de quelle parole s’agit-il en réalité ?
Pour répondre, l’œuvre de Khady et Mariama Sylla se nourrit aux sources des belles litanies de Penda Dioga Sarr. Le film révèle que celle- ci connaît les hauts faits des ancêtres et les précieux noms de la lignée. Mais en plus cette œuvre, qui montre la tendresse féminine à travers le bel amour entre trois femmes, n’occulte pas le fait qu’une parole peut être à la fois «bénéfique et maléfique».
Avec quelques notes d’humour par endroits, le documentaire donne l’occasion de prendre conscience que la jeune génération perd l’importance de l’oralité, de la parole. Les deux réalisatrices au delà de tout, posent véritablement l’enjeu dans la société actuelle de la perte de parole. Ce qui fait que ce film est incontestablement «un recueil ethnographique de paroles mais aussi un portrait et un questionnement sur le monde».
Rémy Sagna, directeur de cabinet, représentant le ministre de la Culture et de la communication à cette première séance de projection nationale, n’a-t-il pas raison de dire que «Khady et Marième Sylla sont les porte-voix des sans voix » ?
En tout cas, Thierno Seydou Sall ne dira pas le contraire. Car, en affirmant sur les planches de Sorano que «Khady Sylla aura simulé la folie 40 ans durant», il rend ainsi un bel hommage à l’œuvre de cette femme mystérieuse et engagée jusqu’à la mort.
UNE SIMPLE PAROLE POUR DIRE LES CHOSES
DÉSAMOUR POUR LA CULTURE, DÉSAFFECTION POUR SORANO, DÉSINTÉRÊT POUR LE CINÉMA ?
Mercredi dernier, c’était la projection en première diffusion nationale du film Une simple parole de Mariama et Khady Sylla. L’évènement coïncidait avec la célébration du premier anniversaire de décès de l’auteur de Une fenêtre ouverte.
Une belle opportunité pour le monde de la culture, mais surtout du cinéma sénégalais, de se réunir pour non seulement rendre hommage à leur défunte consœur, mais surtout vivre ce moment unique de la vie de ce film posthume de Khady Sylla. Mais quelle déception à Sorano, lorsque l’on jette un regard sur le public présent.
Quelle déception de constater qu’à peine une centaine de personnes ont pu faire le déplacement à l’occasion de cette sortie nationale. Khady Sylla ne méritait-elle pas mieux ? Le cinéma sénégalais ne mérite-t-il pas mieux ?
Loin de se servir de ma plume pour donner des leçons, je pense que la culture, le cinéma sénégalais et ce qu’a été Khady Sylla (réalisatrice rebelle et talentueuse), méritent plus d’égard. Certes, j’ai été réconforté lorsque j’aperçu dans la salle de Sorano certains pontes et ténors du monde de la culture, tels que Tata Annette Mbaye D’Erneville, Amadou Lamine Sall, Moussa Touré, Jo Ouakam, Thierno Seydou Sall, Hugues Diaz,...
Toutefois, je ne peux m’empêcher de poser des questions au regard du désintérêt réservé à cette production nationale. La culture a- t-elle encore une importance au Sénégal ? De plus en plus, l’on note un désintérêt total à la chose culturelle. Cela se remarque au fil du temps au point de faire dire à un observateur avisé de la vie culturelle sénégalaise, qu’ «il existe un lobby qui tue la culture».
Je ne veux pas y croire. C’est bien ici au Sénégal que ce digne fils du pays avait crié en direction du monde que «la culture est au début et la fin de toute chose». C’est bien ce pays que depuis les années 60, l’on cite comme référence et carrefour de la culture africaine. Que se passe-t-il donc ? Est-ce un simple dégoût du Théâtre Daniel Sorano qui, selon certains, aurait «perdu son âme», qui justifie cette absence du public culturel aux rendez-vous les plus essentiels ? Non !!! Je ne pense pas. Serait-ce déjà que les amis, proches et acteurs du monde du 7e art, auraient déjà oublié l’existence et le talent qu’avait Khady Sylla ?
Ce serait une erreur. Le monde du cinéma pendant que l’on porte un combat pour le renouveau n’a plus le droit de rester en marge de ces rendez-vous. Les jeunes réalisateurs d’ici, ceux qui sont à l’école comme ceux qui aspirent à devenir un acteur du 7e art, devraient être présents à ces rencontres. Les films de Khady sont une poésie et sa façon de réaliser ses œuvres poussent l’humain à réfléchir sur sa vie, sur tout.
Avant-hier encore, elle en a donné la belle illustration à travers Une simple parole, ce film qui tonne comme une chanson généalogique, mais qui surtout présente la beauté et la richesse de la culture d’ici.
Un film à voir absolument en hommage à celle qui fut pour tous, «un talent du cinéma sénégalais». Sa sœur Mariama Sylla disait à juste raison : «Ce qui nous a poussé à faire ce film, c’est l’humain.» L’humain !!! N’est-ce pas finalement ce qui résume toute la cinématographie de Khady Sylla ?
''LA FRANCOPHONIE NE PROFITE QU’À LA FRANCE''
ALIOU OUMAROU, PRÉSIDENT DU CONSEIL NATIONAL DE LA JEUNESSE DU NIGER
Aliou Ouamarou met les pieds dans le plat de la Francophonie. Pour lui, cette institution doit faire sa mue parce que, dit-il, il n’est pas question que la France continue d’en faire un instrument de propagande pour sa langue et pour ses intérêts au mépris des autres pays membres. Ce jeune homme attend du 15ème sommet prévu au mois de novembre à Dakar, un plaidoyer fort des chefs d’Etat africains pour un traitement équitable entre les pays membres.
Les jeunes africains issus des pays franco- phones, contrairement à leurs chefs d’Etat, ont une perception peu reluisante de la Francophonie. Décrite par les dirigeants comme un instrument d’intégration, de solidarité et un cadre de partage des valeurs communes, certains jeunes voient en la Francophonie, un lieu où s’exerce la discrimination.
Sinon, comment comprendre qu’aux derniers Jeux Olympiques certaines délégations n’ont pas pu prendre part, faute de visas, s’interroge Aliou Oumarou, président du Conseil national de la jeunesse du Niger. «La France qui prône l’intégration a tout bonnement refusé de délivrer des visas à certaines délégations. C’est frustrant. Comment pouvez-vous demander aux pays membres de partager votre langue, vos valeurs et quand cela vous arrange vous les mettez de côté ? Cela n’a pas de sens», dénonce le président du Conseil national de la jeunesse du Niger.
Aliou Oumarou se dit persuader que cette institution ne peut marcher sans une ouverture des frontières entre les pays membres. Fustigeant le fait que même pour aller au Congo, au Rwanda il faut un visa, il se demande pourquoi ne pas faire comme l’Europe. «Les européens circulent librement dans les 28 Etats sans problème», clarifie-t-il.
Autre tache noire soulevée par Aliou Oumarou, c’est la perspicacité de cette institution à prendre en charge les problèmes des pays membres. «Nous avons l’impression que la Francophonie profite seulement à la France. Elle utilise ses anciennes colonies pour valoriser sa langue et servir ses intérêts», analyse-t- il.
Un avis que partage Bart Dévos, président du parlement mondial de la jeunesse pour l’eau, une organisation financée par l’Organisation de la Francophonie (Oif). Ce jeune belge, qui dit respecter la France, reconnaît quelque part que ce pays bénéficie le plus ne serait ce que pour son image et sa langue à travers cette institution.
Ce qui désole Aliou Oumarou dans cette situation, c’est que les chefs d’Etat semblent jouer le jeu de la France. L’exemple le plus illustratif, c’est le 14 juillet, fête de l’indépendance de la France. Des chefs d’Etat africains font le déplacement jusqu’à Paris alors que quand certains africains fêtent leur indépendance, ils ne voient même l’ambassadeur de la France.
«Nous attendons de nos dirigeants lors de ce sommet, un plaidoyer fort pour que la donne change et qu’il y ait un traitement équitable entre les pays membres», conseille Aliou Oumarou.