(CHAINE YOUTUBE DE FRANCE 24) - En Ouganda, les Ghetto Kids, ces enfants de 8 à 11 ans, ont conquis les cœurs et les pistes de danse avec leur incroyable sens du rythme. Un succès inattendu, un miracle pour ses enfants défavorisés.
PAR OUMAR SANKHARE
LE FRANÇAIS NDIALAKHÂR DE ... LÉOPOLD SÉDAR SENGHOR
Le Pr. Oumar Sankharé est le deuxième africain francophone agrégé de grammaire après Léopold Sédar Senghor, en 1935. D’ailleurs, dans ses travaux, il s’intéresse beaucoup à l’œuvre de Senghor. Il est professeur titulaire à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).
Le Poète- Président Léopold Sédar Senghor aura marqué son époque tant par sa pensée politique que par son art poétique. A une époque où l’Afrique subissait encore le parti unique et la dictature, il a osé innover avec le multipartisme et la démocratie. Cette maturité politique que lui doit le continent noir ne saurait occulter la révolution qu’il a su opérer dans l’écriture poétique africaine.
Et de fait, la première période de la littérature est caractérisée en Afrique par un académisme rigide qui imposait aux écrivains une langue française exempte de tout écart grammatical. Les textes des premiers écrivains africains ne sont que des copies ou, à tout le moins, des imitations d’auteurs français.
La pratique du manuel de français Mamadou et Bineta destiné aux cours moyens et supérieurs des écoles de l’Afrique noire et rédigé par des pédagogues coloniaux, Davesne et Gouin, a profondément marqué les premiers écrivains.
A cela s’ajoutait l’usage du « symbole » qui dissuadait l’enfant de parler sa langue maternelle au profit du français. D’où le respect strict de la langue de Molière qu’il était interdit de violer. Cette révérence presque religieuse du français est perceptible dans les poèmes de Birago Diop composés dès 1925 mais publiés seulement en 1960.
Non seulement son recueil Leurres et lueurs est constitué de sonnets en alexandrins terminés par des rimes mais encore l’inspiration est fortement classique. Il ne s’agissait alors que de « Décalques », pour emprunter l’appellation même de l’auteur. Avec la publication de Chants d’ombre en 1945, Senghor allait libérer l’écriture littéraire des contraintes linguistiques.
La question de la langue s’est toujours posée aux écrivains africains obligés d’utiliser le français qui est étranger à leur culture. C’est Senghor qui a publié en 1948, dans son Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, ces vers du poète haïtien
Léon Laleau : Sentez-vous cette souffrance Et ce désespoir à nul autre égal D’apprivoiser avec des mots de France Ce cœur qui m’est venu de Sénégal ?
Et Senghor lui-même de s’écrier dans Liberté I (p.470) : « On ne pourra plus faire parler les Nègres comme des Blancs... Il ne s’agira même plus de leur faire parler "petit nègre" mais wolof, malinké, éwondo en français ».
Il y a donc chez Senghor une nette volonté de réafricaniser la littérature à travers sa langue d’expression : « Nous sommes pour une langue française mais avec des variantes, plus exactement des enrichissements régionaux (Préface au Lexique du français du Sénégal Clad, 1979 Blondé, Dumont, Gontier ).
Ne dit-il pas dans la « Lettre à trois poètes de l’Hexagone » : « Je voudrais parler non seulement en Nègre mais encore en Francophone » ? Aussi le français de France se trouve- t-il africanisé par le poète qui ne répugne pas à insérer des mots wolofs ou sérères : combassou, p.264 ; khakham p.268 ; poto-poto p.281 ; Toubab p.290 ; ndeïssane p.320).
Parfois, Senghor forge des néologismes à partir de racines africaines: lamarque : de lamane, propriétaire terrien et du suffixe grec « arque », qui commande, donc maître de terre ; Viguel war : du préfixe français « vice », sous et de guelwar, noble de haut rang.
Remarquable est ce refus obstiné de se plier aux normes de la langue et de la poésie du colonisateur que Senghor dés- agrège et disloque à volonté. Plus de rimes ni d’alexandrins ou de sonnets. Le philosophe français Jean-Paul Sartre avait déjà perçu ce phénomène de la défrancisation du français qu’il salue dans sa préface intitulée « Orphée noir ». Senghor lui-même en a donné le ton dans Nocturnes : Que meure le poème se désagrège la syntaxe que s’abîment tous les mots qui ne sont pas essentiels « Elégie des circoncis ».
L’académicien agrégé de grammaire ne recule même pas devant les violations de la langue. Le présent du subjonctif du verbe prévaloir (que je prévale) devient dans l’ « Elégie pour Georges Pompidou » *que je prévaille. Le verbe intransitif « crouler » est construit avec un complément d’objet direct dans l’ « Elégie de Carthage » : Tu fus bien près de la crouler. Le verbe pronominal « se lamenter » est conjugué à la voix active avec un complément d’objet direct dans l’ « Elégie des eaux » de Nocturnes : Je vous lamente.
Senghor emploie « comparer » avec la conjonction « et » unissant les deux termes de la comparaison dans Chants d’ombre alors qu’on compare une chose à ou avec une autre : * Comparez sa beauté et celle de vos filles.
Même l’orthographe n’est pas épargnée : « balafon » est toujours écrit avec un « g » (*balafong) par le Maître -de- langue.
Par l’usage constant de ces écarts, Senghor aura accompli une révolution dans la langue de la littérature africaine.
Comment la postérité a-t-elle accueilli ces innovations senghoriennes ? Les procédés de désarticulation de la langue ont fait fortune par la suite avec un continuateur comme Ahmadou Kourouma qui, en 1968, a publié une œuvre romanesque en français « malinkisé » : Les soleils des indépendances. En outre, le verset et le vers libre senghoriens ont définitivement remplacé chez les auteurs africains la poésie classique rimée de naguère.
En somme, la littérature africaine, autant dans son inspiration que dans son expression, dérive de Léopold Sédar Senghor, le premier poète africain de langue française.
Toutefois, il est à craindre que les audaces linguistiques et grammaticales des jeunes écrivains africains, qui résultent le plus souvent d’un manque de maîtrise du français, n’en arrivent à conduire la littérature dans une impasse.
Aussi, pour paraphraser le Général de Gaulle, dirons- nous qu’après Senghor, ce n’est ni le chaos ni le désert mais....le trop plein.
LE VOYAGE DE BODIEL
ROMAN D’ALIOUNE BADARA BèYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
Bodiel passa une nuit parsemée de cauchemars, une nuit où la pleine lune absente s’effaçait devant l’arc- en- ciel dans sa courbe multicolore annonçant la colère des cieux ; tandis que les étoiles enfouies dans les planètes mystérieuses découvraient quelques sites célestes, ces rares sites dont rêvent les poètes et les guetteurs d’aurore.
Bodiel, malgré cette nuit angoissante, trouva le sommeil, mais un sommeil très léger entrecoupé de rêves. Elle rêvait d’un parc, d’un immense parc au milieu d’un ruisseau verdoyant où quelques cygnes nonchalants étalaient sous leur pâle blancheur leur insouciance et leur innocence légendaire.
Dans ce parc, Bodiel voyait l’antilope sacrée bondissant à travers quelques haies de bougainvilliers fleuris, d’une étonnante beauté, une ceinture de roses aux couleurs vives et étranges se mêlant avec le défilé des flots, une vue étrange et attirante, une vue fascinante qui faisait penser à la magie, un florilège d’images, de son et de lumière servi par un ciel paternel où régnaient les cumulus.
Le rêve de Bodiel s’arrêta au moment où elle se voyait poursuivie par un cavalier blanc, blessé et perdant abondamment son sang. Le rouge se mêlant au blanc, les images floues perdaient de leurs teintes mystiques tandis que le vent effaçait les dernières traces du cavalier solitaire.
Bodiel se leva brusquement et comprit que son rêve était terminé dans la confusion la plus nette sans verdict, ni condamnation. Ce rêve symbolisait bien son existence floue, balancée par les travers d’un ménage instable où les non dits prenaient le pas sur le réel.
Dès les premiers rayons du soleil, Bodiel quitta le village de Fanaye Dièri, un départ aussi brusque qu’improvisé, témoignage d’une certaine précipitation, d’un manque de préparation méticuleuse, mais elle n’avait pas le temps de réfléchir à tout ceci, tellement sa douleur était grande.
Elle reprit le chemin du retour aussi angoissée que le jour où elle avait pris connaissance des révélations du guérisseur, une ombre traversait de temps en temps son esprit perdu dans la sveltesse des cocotiers. Cette ombre était celle de Raki. Quelle chance pouvait bien avoir cette fille ! Si c’était sa fille ?
Quel bonheur elle aurait ressenti ! Mais hélas trois fois hélas ! Raki était la fille de sa rivale ; mais aussi la fille de tout un peuple. Réussite ne pouvait être plus grande.
Le soleil dardait ses rayons dorés, quand Bodiel presque en cachette, arrêta sa calèche devant Saré- Lamou. Il y régnait un silence de cathédrale, une ambiance de cimetière, tellement la lune de Saré-Lamou avait perdu de sa splendeur.
Rien ne pouvait être plus lugubre que la maison du vieux Bakar en ce midi de septembre. Elle prit son courage à deux mains, franchit le portail d’entrée où la silhouette imposante du vieux Bakar apparut tout de blanc vêtu.
C’était la première vision de son rêve, elle était donc sûre de retrouver vivant le vieux Bakar. Avec politesse elle s’agenouilla devant son mari : -As-tu la paix ? Lui demanda-t-elle. -Paix seulement, lui répondit-il tout en arrangeant son turban blanc.
L’accueil n’était pas trop chaud, plutôt glacial mais Bodiel était maintenant habituée aux sautes d’humeur du vieux Bakar.
Après avoir fait un tour d’horizon de certaines de ses démarches, elle mit l’accent sur les diverses péripéties de son voyage, des connaissances disparues, des jeunes filles devenues mères de familles, des jeunes garçons partis découvrir d’autres cieux, des sujets épars sans grande importance.
Après un long moment d’hésitation, elle changea de sujets pour s’adresser solennellement au vieux : « Diom Galé », pour la première fois de ma vie j’ai menti, mais je l’ai fait pour votre fille et pour toi, j’ai voulu souffrir seule, t’épargner cette nouvelle épreuve mais hélas, trois fois hélas, mon silence fut vain, mon voyage presque inutile. -Soit brève, s’énerva Bakar.
-Oui « Diom Galé », reprit Bodiel, la révélation que je ne voulais pas te faire était si dure à accepter que j’ai dû prendre des initiatives personnelles avant de t’en informer. Notre fille est gravement malade.
-Ce n’est donc pas toi qui étais malade ? -Non « Diom Galé ». -Mais la maladie de notre fille est une malédiction du bon Dieu. Allah détient notre santé entre les lignes de ses mains, nul ne peut lutter contre lui.
-Oui, réplique Bakar -Je sais « Diom Galé ». Ma fille a une maladie qui déshonore toute une famille, une maladie dont on parle avec honte. Quelle maladie ? La lèpre, comprends-tu maintenant, la lèpre ! Oulèye est lépreuse. Elle doit même aller se faire soigner à Fanaye Diéri.
La porte céda brusquement sous la poussée de Oulèye qui était derrière. Elle et avait tout entendu.
Pétrifiée par cette révélation si brusque et inattendue, Oulèye resta figée devant le seuil de la porte. Ses larmes tombèrent sur ses joues ! Des larmes d’impuissance ! Des larmes d’innocence, des larmes de détresse.
La pauvre fille comprit à l’instant qu’elle avait perdu la dernière bataille livrée au destin. Elle retourna brusquement sur ses pas, bouscula la porte et s’enfuit dans la nuit.
Les cris de Bodiel se perdirent dans l’écho des vents. Oulèye courait encore, elle courait toujours. Rien ne pouvait l’arrêter, la nuit servait de refuge à sa douleur. Voilà des heures qu’elle courait, elle ignorait la piété des hiboux attentifs.
La complicité des bêtes dans leurs tanières. Seul le vent glacial accompagnait sa course. Elle commença à marcher. Arrivée au milieu de la forêt tranquille, elle rassembla quelques branches desséchées et alluma un grand brasier.
Quand les premières flammes prirent forme, elle éleva la voix comme un sorong : Feu ! Te voila conquérant et dévastateur ! Te voilà témoin de ma malédiction ! Feu, te voilà souvenir de la terre violée ! Fais de moi en cette nuit ivre, la proie de tes flammes ! Fais de moi l’alliance de tes braises. Si tu veux encore de mon corps que nul humain ne touche. Fais de moi la nourrice des tes cendres.
Avec une assurance froide et un courage légendaire, elle s’avança vers le feu, les flammes avaient l’air de refuser cette offrande martyre, mais elle avança toujours, sans aucune plainte, sans un cri, elle gagna le centre du feu. Les flammes augmentèrent d’un coup et les lambeaux de sa chair se confondirent à la rougeur des braises.
Déjà le feu reprenait son allure mystérieuse elle venait de dérober celle qui l’a provoqué. C’est la sentence légendaire du feu : il avale et dévore tout ce qui se met à l’encontre de son chemin. Le feu tolère point l’adversité et Oulèye en était une. Depuis les cris de Bodiel, tous les habitants du village suivaient avec des torches les traces de Oulèye.
De loin les hommes aperçurent les flammes et se dirigèrent vers les lieux signalés par la fumée. Nul parmi eux, ne pouvait prévoir ce qui les attendait.
Arrivés à quelques mètres, leur surprise fut totale. Ils ne découvrirent que les chaussures et les habits de Oulèye. Ils découvrirent un feu meurtrier, attisé par les vents en colère. Il n’y a pas de doute, Oulèye s’est brulée vive. Ces cendres retournées à Saré-Lamou, Bodiel avait perdu l’usage de sa langue. Elle avait subi un tel choc qu’une lueur de folie se lisait sur son visage.
Le vieux Bakar était lui aussi secoué. Ne venait-il pas de perdre tragiquement sa première fille, celle qui les Dieux lui avaient offerte devant les larmes d’une autre femme ?
C’est un véritable paradoxe que de destiner un ouvrage à la conceptualisation de la conduite du changement et à la promotion d‘une nouvelle citoyenneté pour s’adonner en fait à un véritable délire ethniciste dont le thème de la "pulaarisation du pouvoir" offre un raccourci.
Par ethnicisme il faut entendre un travers idéologique à prétention scientifique et à effet politique et social pervers. Il consiste à donner au facteur ethnique, y compris là où sa réalité ou sa prépondérance ne sont pas ou plus avérées, un poids déterminant dans le fait politique ou social . L’ethnicisme est la substitution illégitime d’une approche idéologique (souvent orientée) à une explication politique ou scientifique qui fait défaut.
Pour les chercheurs il n y a pas de tabou : rien n’interdit à priori de parler des ethnies et de l’ethnicité. Quand la rigueur scientifique ou la probité intellectuelle l’exigent il faut appeler un chat un chat une fois prise les précautions épistémologiques nécessaires. Mais c’est la même exigence qui dicte d’éviter de prendre des vessies pour des lanternes, des perceptions périphériques pour des réalités vérifiées et des percepts pour des concepts.
Il faut rendre compte des dynamiques politiques dans leurs réalités intrinsèques. Cela exige de travailler sur des faits qui eux-mêmes ne peuvent jamais se réduire aux opinions ni à la seule idée que les acteurs se font eux-mêmes de leur rapport à la politique.
Même si des membres d’un groupe socio-culturel se considéraient au pouvoir du seul fait de l’élection d’un des leurs, il va de soi que la perception des faits politiques au travers d’un prisme déterminé par la logique d’appartenance ethnique ne doit pas être confondue avec la réalité des choses, notamment dans le cadre républicain et démocratique qui est le nôtre.
Mais nos observations ne portent pas simplement sur cette éventualité. Il s’agit ici des analyses et discours d’un auteur qui émet des thèses ayant une prétention critique, scientifique et politique. L’ouvrage de Malick Ndiaye Sénégal où va la république ? (Paris, l’Harmattan ,2014) a surtout été perçu, dans les médias notamment, comme le cri de dissidence d’un membre de la mouvance présidentielle qui critique et charge politiquement le Pouvoir qu’il était censé devoir conseiller.
S’il est important en toute chose de prendre en compte les intentions déclarées, (et de reconnaître l’importance vitale de la critique intellectuelle),il n’en reste pas moins indispensable de se concentrer sur les actes réels, qu’ils soient d’ordre moral, politique, ou théorique. C’est à la pratique que l’on peut jauger les intentions (le projet) et juger ou évaluer.
L’ouvrage aborde beaucoup de problèmes importants, alerte sur des pratiques qui si elles sont avérées, constituent des défis à relever pour garder le cap d’un changement approfondi et concrétiser chaque jour d’avantage l’orientation de gouvernance vertueuse et démocratique.
Ethnicisme inattendu
Mais justement nous avons été très surpris de découvrir dans le discours critique de Ndiaye et à un niveau sérieux puisqu’il concerne son approche théorique et politique, le mal même qu’il prétend sur le tard dénoncer.
En effet la rhétorique sur l’élaboration de la doctrine de conduite du changement initié par la deuxième alternance enchâsse, sans réussir à l’occulter, un ethnicisme inattendu. Cela s’est traduit par des incriminations non fondées et une lecture très paradoxale, peut-être révisée, et dans tous les cas très déformante, de l’accession au pouvoir du Président Macky Sall et de ses alliés en mars 2012.
Y a-t-il en effet des faits qui autorisent à affirmer, comme c’est le cas dans l’ouvrage, que lors des élections présidentielles de 2012 au Sénégal il y a eu "une modification de l’équilibre démographique électoral" (p : 137) par "des naturalisations massives" de membres d’un groupe ethnique ?
Si cela avait été le cas n’y aurait-il pas alors eu complicité et faute de non dénonciation et à temps ? Par simple civisme, par devoir militant et/ou au nom de la nouvelle éthique politique proclamée,il eût vraiment fallu réagir à temps, si tant est que cette fable était avérée au-delà de simples accusations polémiques.
Comment des accusations aussi lourdes sont-elles conciliables (dans une conscience marquée par l’éthique citoyenne) avec les dithyrambes qui ont célébré chez l’auteur le "plébiscite" du peuple sénégalais qui a donné une victoire sans tâche au Président Macky Sall avec un score incontesté de 65%. ?
Y aurait-il donc eu des tâches cachées par le théoricien de la Réformation politique, et en l’occurrence une sorte de manipulation ethnique masquée d’un peuple dont le niveau de conscience et d’unité est pourtant connu ou reconnu de tous ?
Y a-t-il scoop ou délire. ? Est-on face à un procès de "réformation" ou ne s’agit-il pas plutôt d’une déformation idéologique avérée et mettant rétroactivement en cause la légitimité incontestable d’une accession au pouvoir ?
Nous avons ici affaire à un phénomène proche de ce que le philosophe Marcien Towa désignait par le terme de rétrojection : Cela consiste à attribuer au passé des idées actuelles que l’on y injecte après coup mais avec une volonté idéologique mystificatrice de leur assigner la dignité de faits réels.
Il y a contradiction et schizophrénie idéologique dans l’ouvrage de M Ndiaye. Celui-ci , tout en ayant célébré une nouvelle République émergente, nous livre aussi des développements parmi lesquels figure l’"hypothèse d’une prise du pouvoir d’Etat sinon par le Fuuta du moins par les émigrés et la diaspora du Fuuta, singulièrement les Tukuloor du Fuuta". A ceux-ci s’ajouteraient d’ailleurs, toujours selon lui, "l’Internationale halpulaar" où l’on retrouverait tout le Pulagu de Mauritanie, Guinée,
Cameroun, Mali, Gabon : (p.137138) :
Cette hypothèse, selon l’auteur est étayée et validée par "des frasques, des écarts de langages, des provocations de proches du Président" ou par des "réactions de tout ou partie de l’opinion à l’égard du profil marqué de certaines nominations" (p. 138).
Il y a ici un sérieux problème de raisonnement : l’argumentation pose problème. Des attitudes qui, si elles étaient avérées devraient à la limite être considérées comme des conséquences ou effets sont au contraire posées comme des causes explicatives !
L’analyse ethniciste persiste même quand l’auteur de Sénégal Où va la République ? envisage l’hypothèse basse où les nominations pourraient s’inscrire dans le cadre d’une sorte de redressement de torts par la promotion notamment des élites d’un groupe ethnique qui aurait subi auparavant des formes d’ostracisme.
Non ici encore Ndiaye a tout faux car le Sénégal ne connait pas ce type de problème, et la nouvelle alternance n ́’est pas en train de mettre en oeuvre une sorte d’accords d’Arusha à l’instar du Burundi en redressant, par torsion inverse, les exclusions de l’Etat qui y avaient frappé un certain groupe ethnique.
Dans le texte les inversions d’hypothèse comme les quelques précautions oratoires (vite tombées du reste) laissent entière une logique d’analyse profondément ethniciste. Celle-ci présuppose puis postule explicitement qu’avec la nouvelle alternance il s’est produit une prise ethnique de pouvoir avec une alliance de "groupes minoritaires enrôlés au nom d’une certaine stigmatisation de la wolofisation du Sénégal". (p .138).
Délire incompréhensible
Il est très surprenant qu’en 2014 quelqu’un puisse raisonner au Sénégal e n termes d’une alliance des Futanke avec des "ethnies minoritaires" dans un processus d’accession au pouvoir d’Etat ; c’est du délire incompréhensible. La surprise est encore plus grande quand cela vient d’un intellectuel qui annonce l’ambition de nous instruire de nos réalités socio-politiques et de construire une doctrine du changement pour conduire vers une nouvelle société.
Ses thèses sont évidemment inexactes et graves. L’ouvrage contient beaucoup de considérations qui le démentent. L’auteur y rend compte de sa participation aux évènements et luttes ayant débouché sur les élections de 2012 dont les résultats finaux ont été incontestés dans leur régularité.
Et même en scrutant à la loupe la nature et la composition des partis et mouvements alliés au Parti du candidat victorieux, il est impossible de retrouver les présumées minorités ethniques qui se seraient alliées avec le parti de Macky sall pour prendre le pouvoir !
L’accession au pouvoir est un processus politique socialement enraciné et légalement déterminé par une constitution qui est fort claire. Elle ne saurait être recevable si elle devait revêtir un caractère racial, régional, ethnique, confessionnel ou simplement violent et illégal. Il n n’y a pas que la Constitution qui s’y oppose car le peuple sénégalais lui-même a un ancrage républicain et démocratique. La diversité des identités et des origines se subsume dans une unité politique historiquement construite.
L’idée d’une prise du pouvoir d’Etat par un groupe et/ou une alliance ethnique est clairement démentie par la réalité des résultats incontestés des élections présidentielles de 2012. Les scores enregistrés par les deux candidats les mieux placés aux deux tours contredisent avec force le délire ethniciste. Ils montrent le caractère national et politique des choix électoraux qui ne sont pas une adjonction de votes ethniques.
Puisque Ndiaye a parlé de prise de pouvoir fuutanké interrogeons les résultats électoraux de zones représentatives du Fuuta, en l’occurrence les régions de Matam et de SaintLouis. Au 1er tour dans la région de Matam WADE a eu un score de 38,8% et Macky Sall 49%.
Cela ne dénote aucun basculement ou différentiel important pouvant signifier une préférence fortement marquée par l’origine ethnique des candidats. Dans la région de Saint-Louis WADE a eu au 1er tour 40,53% face à Sall qui obtint 28,66%.
Isolons-y comme exemple le Département de Podor pour rester cohérent dans la vérification de l’impact de l’ethnicité des candidats sur les choix électoraux : Au premier tour Wade y avait obtenu 40,46% contre 26% pour Macky Sall. Au 2ème tour des présidentielles les scores les plus élevés pour le candidat Macky Sall sont venus des régions suivantes : Fatick (74.27%), Dakar (73.59%), et kaolack (73.32%), Thiès (72.86%).
Il va de soi ainsi que l’idée de Futaankes qui montent à l’assaut du pouvoir d’Etat est plus proche d’un imaginaire à la Don Quichotte que de notre réalité socio-politique nationale. Celle-ci met en évidence un jeu politique marqué par une conscience populaire mure et l’impact des enjeux républicains sur le comportement des électeurs.
Quand elle existe, la mobilisation s’appuyant sur les réseaux ethniques n’a pas la capacité de dénaturer le cadre et les dynamiques démocratiques et républicains. Il faut préserver cet acquis et nous prémunir de l’intoxication ethniciste au plan intellectuel, idéologique et la manipulation politique du facteur ethnique.
Le leadership du Président Macky Sall a été et demeure national et politique . Sa légitimité n’est ni ethnique, ni réduite à une territorialité limitée. Il est d’ailleurs fort intéressant de rappeler que son leadership local comme maire s’exerça non pas chez les "Fuutanke" mais plutôt chez les sereer au coeur du Sine.
Il est important aussi de rappeler que son ascension a été servie par une forte adhésion citoyenne directe. Son leadership qui a marqué un renouvellement générationnel s’est nanti d’une très forte adhésion citoyenne qui est allée largement au-delà des partis.
Quant à la diaspora, pratiquement perçue dans le texte comme le cheval de Troie de la pénétration politique fuutanke, il faudrait plutôt saluer le nouveau tournant de 2012 qui peut prendre les allures d’une irruption. Le leader Macky Sall a réussi à drainer très majoritairement dans son sillage cette force qui a voté pour lui à 73% au 2ème tour.
Avant cette implication politique où s’est fédérée une diversité par l’origine et l’affiliation politique, la Diaspora s’est distinguée par son dynamisme et son engagement économique pour le Sénégal. Par exemple en 2012 les transferts d’argent opérés par les émigrés ont été en volume plus importants que l’Aide publique internationale au développement et aussi plus que l’Investissement Direct Etranger dont notre continent a bénéficié.
Et notre pays vient en 4ème position (en quasi égalité avec le Nigeria) pour ce qui est du volume de transferts opérés par les émigrés. En effet au Sénégal les transferts issus de la diaspora ont fait 10,4% du PIB entre 2005 et 2012. La mobilisation politique amplifiée pendant l’ascension de Macky Sall exprime une tendance forte de la composante expatriée de la communauté nationale à prendre part à la vie du pays et à la construction d’un avenir meilleur.
Il serait très dommage et inexact d’en avoir une lecture ethniciste n’y voyant qu’une prise de pouvoir des fuutankés au travers de leurs ressortissants émigrés. Il faudrait plutôt saluer la concrétisation de la volonté politique exprimée déjà en 2004 lors de la Conférence des Intellectuels d’Afrique et de la Diaspora et qui voulait donner à cette dernière un statut identique à celui des Communautés Economiques régionales de l’Union Africaine.
Les actes posés par le Président Sall s’inscrivent non pas dans une récompense clanique mais plutôt dans la concrétisation d’une gouvernance inclusive qui doit valoriser et promouvoir politiquement et économiquement la diaspora au travers de ses compétences et initiatives. La vérification n’est pas difficile au niveau des politiques en cours.
Responsabilité des élites
Au plan global notre peuple n’a pas une perception ou des penchants ethnistes. Très vieux par son histoire qui a forgé son unité dans des cadres étatiques multi-séculaires avant même la colonisation, il est aussi très jeune. C’est un atout mais aussi un risque.
Une rupture ou une perturbation dans la transmission ou la reproduction du lien social ainsi que des valeurs républicaines, civiques et démocratiques peut tout à fait menacer nos acquis.
Sur les plans politique, social et institutionnel leur solidité ne les met pas en effet à l’abri d’une réversibilité Les élites, au pouvoir ou non, ont ainsi des responsabilités sur le devenir d’une société et d’une nation dont près de 50% de la population constitutive a moins de 18 ans, et environ 43% a moins de 15 ans.
Il faut mettre notre peuple à l’abri de toutes les menaces. Elles sont sécuritaires (en matière de santé, d’extrémisme violent, de narco trafic et autres criminalités) ; elles sont aussi économiques (trafics, blanchiment et autres délinquances financières qui interpellent les capacités de l’Etat de droit à faire face).
Ces menaces sont aussi politiques et idéologiques, notamment celles qui ont des intentions ou des effets régressifs sur l’unité national, la solidité républicaine et la cohésion sociale formées dans la durée.
Tout en évitant l’alarmisme et dans le respect de la fonction et la liberté de critique des intellectuels et de tout citoyen il ne faut pas attendre que ce qui rampe atteigne la clôture ; l’ethnicisme n’est ni scientifique , ni républicain ;il a vocation à ramener en arrière, à diaboliser et diviser.
Il peut favoriser des antagonismes au sein du peuple et agresser une légitimité politique en la rabaissant à des logiques claniques présentées comme l’irréductible réalité sociale africaine dans l’idéologie coloniale et ses survivances.
Deux ouvrages importants permettent entre autres de situer et pondérer la place de l’ethnicité dans la dynamique de construction nationale du Sénégal inscrit dans un cadre géopolitique plus large : Sénégal les Ethnies et la nation de Makhtar Diouf ( Paris , L’harmattan ,1994.205 p.) et le texte collectif Les Convergences culturelles au sein de la Nation Sénégalaise (Dakar, Ministère de la Culture et Coopération Française, 1996.366 p.).
Ces textes montrent comment des dynamiques sociales et culturelles ont historiquement précédé et pratiquement fortifié les politiques et stratégies (post-indépendance ) de construction nationale. Il existe une identité et une conscience nationales nonobstant la persistance d’une ethnicité ne constituant pas un facteur surdéterminant des réalités socio-politiques
Comme le souligne Makhtar Diouf, si en Afrique il arrive souvent que le facteur ethnique intervienne "de façon décisive dans la configuration du paysage politique de bon nombre de pays" (p : 44) au Sénégal, à l’époque où il écrit "sur plus d’une quinzaine de partis politiques que compte le pays aucun n’a été constitué sur une base ethnique ou confessionnelle.".
Aujourd’hui, en ayant dépassé la centaine de partis la réalité n’a pas du tout changé. Quand un pays est touché au niveau de l’Etat par de l’ethnicisme il y a des marqueurs incontestables dans la composition des institutions qui dénoteront la discrimination ou la préférence et le déséquilibre quant à l’origine.
Or ni notre armée, ni notre parlement ni l’administration, ni l’exécutif ou le judiciaire ou encore l’Ecole ne connaissent cette maladie qui induit ou exprime une fragilité étatique et une république chancelante. Mais aucun pays au monde n’est à l’abri d’une régression dont on a vu les dégâts en Belgique , au Rwanda et au Burundi.
Le peuple sénégalais ne s’est pas simplement construit sur des convergences de communautés différentes. Au cours de son histoire s’est progressivement formé un socle structuré par des invariants sociaux, culturels et politiques constitués dans le temps long de l’évolution des sociétés de notre aire géopolitique.
Entre autres les travaux de Pathé Diagne (Pouvoirs Politiques traditionnels en Afrique occidentale ; Paris, Présence Africaine, 1967.294 p.) rendent compte des marques et tendances institutionnelles qui témoignent de la permanence dans notre histoire du souci d’équilibre et d’inclusion aux antipodes des types de pouvoirs sectaires.
Dans l’ouvrage sur les Convergences culturelles l’historien feu le Pr Oumar Kâne montre dans son texte intitulé Les racines d’une nation comment l’analyse du peuplement de la Sénégambie établit "l’ancienneté et la profondeur des brassages ethniques et culturels qui sous-tendent la formation du peuple sénégalais dans son ensemble". Cela a constitué un socle dans la dynamique de constitution /construction nationale.
Nit nit ay garabam
C’est donc vraiment se méprendre que d’imaginer que d’un groupe ethno-culturel ou d’un terroir à un autre les valeurs et conceptions puissent être très différentes ou se contredire : Quand le Nit Nit ay garabam (l’homme est le remède de l’homme) est connu en Wolof , il ne faut pas imaginer qu’un autre groupe comme les Hal pulaaren soit dans une distance culturelle telle qu’ils développeraient une conception non pas altruiste mais plutôt étroitement clanique de l’Homme.
Parmi les critiques adressées au régime actuel l’auteur Ndiaye évoque le précepte Neddo ko Bandum au travers de la dénonciation du "Neddobanduisme" posé comme expression de clanisme. Ici aussi Ndiaye fait fausse route comme l’a récemment souligné un universitaire puularophone par ailleurs professionnel de la traduction. Il précise dans sa contribution adressée au SAES que Neddo ko Bandum n’est pas à entendre au sens littéral de "l’Homme, sa famille" mais plutôt comme l’équivalent humaniste de Nit Nit ay Garabam.
Sans donc diluer artificiellement les identités ethniques du Sénégal dans une "(meta-) culture nationale" il faut savoir qu’il y a effectivement une communauté psychique qui relie les sénégalais dans leur diversité . Aux antipodes de cette réalité l’ethnicisme met en avant leurs différences en fragmentant la nation et le peuple sénégalais.
Le livre de Malick Ndiaye aborde par ailleurs beaucoup de problèmes importants mais la crédibilité politique et la pertinence théorique y sont hypothéquées ou à tout le moins contrariées par divers facteurs dont nous retenons trois à titre d’exemple :
1o) La temporalité et la tonalité politiques du discours sont marquées par une discontinuité contradictoire (voir entre autres le chapitre VI). L’auteur célèbre ou défend puis pourfend et voue aux gémonies des régimes successifs, différents et opposés. Les retournements répétés finissent par poser un problème de crédibilité des positions et propositions.
2o) Le livre voit ses ambitions politiques et doctrinales affectées par un lyrisme (lié au vécu intense de l’auteur. Il a en effet pris part aux divers évènements liés au 23 mars 2011).Mais cela finit par le plonger dans un onirisme politique qui voit se profiler "une constituante" dans les AG de la place de l’Obélisque.
Il n’est pas interdit de rêver ; les utopies peuvent être des formes d’expression doctrinale ; mais quand il s’agit de décrire le réel pour le transformer ce n’est pas ou plus le bon moment. Justement là aussi la perspective de systématisation théorique ambitionnée par Ndiaye souffre largement d’un langage plutôt théoriciste avec notamment des tentatives conceptuelles et une forme discursive posant parfois des problèmes d’intelligibilité. Or Comme le soulignait le grand philosophe Spinoza, il faut livrer nos pensées d’une manière qui puisse susciter "des oreilles bienveillantes pour entendre" les vérités éventuelles qu’elles proposeraient :
·3o) L’ethnicisme du livre de Ndiaye enchâssé dans un discours sur la transformation et la démocratie citoyenne fracasse ses ambitions scientifiques et réformatrices sur le terrain toxique d’une idéologie dont les effets dévastateurs sont largement connus en Afrique et ailleurs.
C’est un très mauvais signal donné par celui-là même qui veut "renormer une conscience collective" dite "en divagation". C’est un paradoxe pour un auteur affichant la volonté de se dégager des valeurs et paradigmes d"origine occidentale, orientale et nord africaine : L’ethnicisme dans son histoire a des racines coloniales et s’alimente dans les stratégies impériales visant à diviser pour régner, fragmenter des peuples réellement constitués au plan politique en une multitude d’ethnies et/ou de tribus.
Avant la chute de l’Apartheid l’ethnicisme a fait partie de la quincaillerie idéologique et des outils tactiques pour tenter de prolonger ce système de domination et d’oppression. C’était avec l’assistance vaine d’idéologues de l’Extrême Droite européenne.
Diverses théories et manoeuvres ont ainsi tenté de fragmenter la majorité noire unie par son histoire et sa conscience politiques par-delà même sa racialité. Il y avait volonté de disloquer le peuple d’Afrique du Sud déjà sur le chemin du triomphe politique, pour en faire de nombreuses minorités ethniques destinées à une sorte d’ "ethno-développement" sur le modèle des bantoustans.
Le groupe Afrikaaner se poserait ainsi comme une minorité ethnique parmi d’autres , et susceptible ainsi prétendre à un cadre politique séparé . La manoeuvre échoua mais cette arme idéologique et politique pour désagréger des peuples constitués existe toujours.
Idéologie de la déformation
L’histoire de l’ethnicisme est ainsi riche de nombreux autres exemples venant de toutes les régions de notre continent. Parmi les leçons à en tirer figure un devoir impérieux de démarcation, de critique et de démystification politique, scientifique et civique.
Ce qui pourrait ressembler à la simple expression d’une pensée polémique nourrie par des frustrations n’a rien d’un outil politique tactique pour diaboliser ponctuellement l’adversaire et/ou attirer vers soi des masses de personnes au nom de la communauté ethnique.
Non l’ethnicisme par de-là ses possibles fonctionnalités tactiques, elles-mêmes perverses, est stratégiquement non seulement diviseur mais aussi et surtout destructeur pour la construction nationale , démocratique et citoyenne .Il faut donc prendre clairement conscience qu’il contient , nolens volens, des germes de menace pour la République.
Ainsi à la question de savoir "Qui gouverne au Sénégal", seule une approche polémique non pertinente peut y répondre en envisageant de pouvoir identifier une "parentèle", un groupe ou une alliance de groupes ethniques. C’est pour cela que nous avons considéré que la théorie de la "Réformation" appelée de ses voeux par Malick Ndiaye est investie par une idéologie de la déformation. Et ce n’est pas un simple jeu de mots.
Et pourtant la politique ethnocentrée (ou ethnocentriste) n’est pas une fatalité africaine. Le Sénégal, comme d’autres pays de la région y échappe. Faisons en sorte que cela s’inscrive dans la longue durée. Cela impose de se départir des prismes déformants déterminés par l’idéologie (coloniale et post-coloniale) et/ou enracinés dans le sens commun.
Il faut sortir de ces carcans pour être à la hauteur de toute ambition scientifique ou politique saine .Et comme Réforme ordonnée commence par soi-même, l’autocritique énoncée dans le titre de l’ouvrage devrait (devra) commencer par une réforme de l’entendement au niveau de son auteur : Elle est au coeur de toute éthique nouvelle mais aussi de tout projet réel de connaissance.
Les journaux sénégalais sont caractérisés par l’usage abusif d’expressions employées de manière inappropriée qui aboutissent souvent à des contresens. Aussi nous proposons-nous d’étudier ces formules incorrectes qui parsèment la presse tant écrite que parlée.
Chercher midi à quatorze heures (et non chercher de midi à quatorze heures) : C’est compliquer inutilement une affaire très simple.
Tirer les marrons du feu : accomplir au bénéfice d’un autre une action risquée.
Aller à Canossa : c’est demander pardon d’une faute commise (Canossa est un village italien ou l’empereur d’Allemagne Henri IV excommunié vint solliciter le pardon du Pape Grégoire VII).
Le calendrier républicain : Il ne désigne pas le calendrier fixant les dates des élections d’une République. Il s’agit du calendrier décrété le 5 octobre 1793 par la Convention nationale. Ce calendrier comprenait douze mois de trente jours chacun dont les noms étaient en rapport avec les saisons : vendémiaire, brumaire, frimaire, nivôse, pluviôse, ventôse, germinal, floréal, prairial, messidor, thermidor, fructidor. A ces douze mois étaient ajoutés cinq jours complémentaires (six jours les années bissextiles) pour arriver à trois cent soixante-cinq jours. Le premier mois, vendémiaire, commençait du 22 ou 23 septembre au 22 ou 23 octobre. Le calendrier républicain fut aboli par Napoléon le 1er janvier 1806.
Rebattre les oreilles : répéter toujours la même chose (et non rabattre les oreilles).
Une alternative : C’est l’obligation de choisir entre deux solutions. On dit aussi un "dilemme" (2 "m"). L’alternative est formée par deux termes, deux éventualités. Il est donc incorrect de dire qu’on est devant deux alternatives car cela ferait quatre situations différentes.
L’irrédentisme est un mouvement de revendication visant à réunir à la mère patrie les territoires peuplés par le même groupe ethnique se trouvant sous domination étrangère. L’irrédentisme est un mouvement italien lancé en 1877 afin de réclamer pour l’Italie les territoires placés sous la domination de l’Autriche et de la Hongrie. Il est donc impropre de dire "l’irrédentisme casamançais". Il faut plutôt parler du "séparatisme casamançais".
Malgré que : Cette expression est incorrecte. Il faut utiliser "bien que" ou "quoique" avec le subjonctif. "Malgré que" ne s’emploie correctement qu’avec l’expression "en avoir" qui signifie "en dépit de ma volonté", "contrairement à mon désir". Exemple : Malgré que j’en aie, je viendrai à la réunion : bien que cela me déplaise, je viendrai à la réunion.
Ne… guère : Cette expression signifie "peu, pas beaucoup, presque, rarement". Exemples : Il ne travaille guère en classe : il travaille peu en classe. Il ne vient guère chez moi : il vient rarement chez moi. "Ne guère" n’est donc pas une négation mais une affirmation atténuée.
Dans le but de : Le but est ce que l’on vise. "Dans le but de" est donc incorrect. Il faut dire : afin de, dans l’intention de, dans le dessein de.
Se baser sur : L’expression est rejetée par les puristes. Il faut dire : s’appuyer sur, se fonder sur, se référer à, prendre pour base.
Aussi : cet adverbe doit être remplacé par "non plus" dans une phrase négative. Exemple : Je viens moi aussi. Je ne viens pas moi non plus.
Voire : ce mot signifie "et même". Donc, il est incorrect de dire "voire même".
Par contre : cette expression est bannie par les grammairiens qui préfèrent "en revanche", "cependant".
État : Quand "État" signifie "pays", il s’écrit avec "É" majuscule. Il s’écrit avec "é" minuscule s’il signifie "situation". Exemple : le chef de l’État a évoqué l’état de l’économie.
Soi-disant : il s’emploie pour les personnes et reste invariable. Pour les choses et les animaux, on utilise "prétendu". Exemples : un soi-disant vainqueur ; une prétendue victoire
Pécuniaire : cet adjectif est appelé "épicène", c’est-à-dire qui a la même forme au masculin et au féminin. Il qualifie ce qui se rapporte à l’argent. Il ne faut pas le confondre avec son synonyme "financier" qui fait au féminin "financière ". Exemple : des avantages pécuniaires.
Surtout que : l’expression est incorrecte. Elle doit être remplacée par "d’autant plus que". Exemple : Il va le terrasser d’autant plus qu’il s’est mieux préparé.
Une écritoire : c’est un étui renfermant tout ce qui est nécessaire pour écrire. Il ne s’agit pas d’un stylo comme on le croit généralement. C’est dans l’écritoire que se trouve le stylo.
De nouveau ; à nouveau : "De nouveau" signifie "une fois de plus". "A nouveau" signifie "de façon complètement différente". Exemple de l’Académie française : Ce travail est manqué, il faut le refaire à nouveau. Il pleuvait de nouveau (une fois de plus).
En vue de la correction de la langue, la consultation du dictionnaire s’avère nécessaire. C’est ainsi seulement qu’on pourrait éviter ces fautes de français
LE VOYAGE DE BODIEL
ROMAN D’ALIOUNE BADARA BèYE, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION DES ECRIVAINS DU SÉNÉGAL
Les yeux baissés, il fixait une calebasse remplie de petits cailloux et au fond de laquelle on pouvait apercevoir l’écaille dorsale d’un reptile. D’un ton sec et ferme, le vieux Oumarou qui avait gardé jusqu’ici le silence demanda enfin :
-Vous êtes venue pour votre fille ? Bodiel, étonnée, répliqua : -Mais comment le savez-vous ? Le vieux Oumarou sourit enfin, et elles comprirent que, derrière le visage du guérisseur, se cachait un certain enthousiasme, une bonne humeur qui désarmait et assurait à la fois.
Vous savez, mes filles, répondit-il, j’ai appris dès mon jeune âge à lire entre les lignes, à entrevoir les mystères de la conscience humaine. J’ai aussi appris à traduire les significations des rêves, des projets, des nouvelles, j’ai appris à creuser et à développer les pensées des individus, leurs réflexions et surtout à déterminer les causes de leurs angoisses.
Une fois toutes les conditions réunies, je peux alors me pencher sur les remèdes, le traitement en particulier. Il va sans dire que mon diagnostic est gratuit.
Les génies refusent en effet les récompenses matérielles. Il peut arriver cependant qu’ils exigent un don, une offrande pour certains services rendus. Pour votre cas personnel, je ne crois pas qu’on en arrivera là, mais précisez-moi les maux de votre fille.
Bodiel nerveusement :
Elle est atteinte de la lèpre. Je voudrais qu’elle guérisse rapidement avant que la rumeur publique ne s’en empare. Je sais aussi que les maux dont souffre ma fille proviennent de ma rivale Dado qui a tout fait pour me détruire.
Elle nourrit à mon endroit une haine immense, et, malgré sa victoire matérialisée par les succès de Raki, elle n’est pas encore satisfaite. En réponse à toutes ses provocations, je voudrais donc qu’elle soit réduite en poussière, rejetée au plus humble rang d’un mortel ; que sa fille Raki, ne revienne plus à Saré-Lamou. Enfin, je désire ardemment retrouver l’amour et l’affection du vieux Bakar.
Pendant tout le discours de Bodiel, le vieux Oumarou avait les yeux fixés au sol. Avec sa main droite, il pilait dans un petit mortier quelques graines de gomme arabique mélangées avec de l’encens encore fumant.
Quand Bodiel finit de faire sa déposition, le vieux Oumarou s’adressa enfin à elle.
- Ma fille, je vais peut-être vous décevoir, mais je ne vous cacherai aucune vérité, tout vous sera précisé sans faiblesse. Pour la maladie de votre fille, sachez tout d’abord que votre rivale est innocente, les dieux me l’ont confirmé. C’est un mal providentiel.
Quant au traitement, je vais la suivre jour après jour jusqu’à sa guérison complète, dont je me porte garant dans trois à quatre mois au plus. Et si je vous dis que je vais vous décevoir, c’est surtout en ce qui concerne la fille de votre rivale.
-il s’agit de Raki. Sachez tout d’abord que cette fille a reçu la bénédiction des Dieux, son présent est fulgurant, son avenir radieux, dans mes rêves, les génies l’on baptisée la « lumière de Saré-Lamou ». Le Fouta l’a vu naître, le Oualo l’a baignée avec l’urine de Ninki Nanka, les deux forces occultes de ces grandes régions ne peuvent échouer.
Raki est bien une créature à part, une bénédiction des eaux que ni les vagues, ni les océans ne peuvent détruire. Raki à quelque chose de surhumain car même la nature couve à pas de velours la destinée de cette fille.
La prophétie s’est prononcée en confirmant que Raki deviendra le trait d’union de cette partie de notre pays qui a vécu plus de deux cents ans dans la tourmente et la méfiance et parfois sous le feu de la haine entre le Fouta et le Oualo. La prophétie confirmera Raki dans les annales de l’histoire comme celle qui a incarné le rapprochement entre les peuples du Oualo et du Fouta.
Après une petite pause, le vieux Oumarou continua :
Dieu a créé la nature, les êtres humains, les animaux, parmi ces êtres, il n’a pas créé d’immortels, mais il a donné vie à certains êtres qui ne connaîtront jamais l’amertume de la défaite. Raki immortalisera l’union des peuples du Oualo et du Fouta.
Une seule ombre apparaîtra dans sa vie, un amour qui ne sera pas accepté par son peuple, mais elle vaincra ce dernier obstacle et plus rien ne l’arrêtera. Raki sera un symbole, elle le démontrera avec une aisance et une invulnérabilité insolentes que les génies frustrés tenteront de lui disputer mais sans espoir car, comme je vous l’ai affirmé, Raki ne trouvera aucun obstacle sur son chemin. C’est une divinité absolue, venue sur terre pour triompher.
Elle survolera tous les obstacles, et son nom restera gravé dans les obélisques, dans les monuments, sur les troncs des arbres millénaires et dans les limbes de l’histoire.
Ma fille, la science du vieux Oumarou est impuissante devant cette créature bénie par les Dieux.
Bodiel ne pouvait plus cacher sa déception, ses sanglots résonnèrent dans la case du vieux Oumarou qui s’empressa de la réconforter.
Du calme ma fille ! Je ferai le maximum pour que ta fille guérisse. Quant à Dado ta rivale, essaie d’effacer la haine qui couve entre vous. Considère-la comme un havre de paix et de gaieté.
Les conseils du vieux guérisseur Oumarou réconfortèrent un peu Bodiel qui se mit subitement à regretter sa haine envers Dado. Mais tant d’années de suspicions, de désaccords, de méfiance ne pouvaient pas s’effacer en un jour.
Tant de choses se sont passées depuis la première maternité de sa rivale. Une succession de malentendus et d’accusations entretenues par la nouvelle situation de Raki.
Les yeux remplis de larmes, Bodiel qui avait l’air d’avoir vieilli de dix ans, ne voulait pas obtempérer malgré les assurances du vieux Oumarou. Elle finit quand même par lui confirmer sa haine :
- Je ne pourrai jamais plus accepter Dado, dit-elle rageusement. Elle m’a fait beaucoup trop de mal, et si vous n’y pouvez rien qu’est ce qui me reste à faire ?
- Rien ma fille sinon retourner à Saré- Lamou et attendre le verdict des cieux. En ce qui concerne ta fille, il ne faut pas tarder à me l’emmener, je sacrifierai la plupart de mes heures pour qu’elle redevienne comme avant, je vous le certifie et que Dieu vous protège.
Bodiel se leva, salua poliment le vieux Oumarou et sortit de la hutte suivie de sa tante Aïssatou qui était encore abasourdie par les révélations du guérisseur.
Elles marchèrent longtemps ensemble. Sur le chemin du retour, chacune essayait de lire dans la pensée de l’autre, mais leur impuissance devant la réalité était manifeste, car Oumarou était le dépositaire des secrets d’hier, l’homme qui était là pour analyser le bien-fondé des diseurs de louanges.
Oumarou était l’unique recours. Elles comprirent qu’elles viennent d’épuiser leurs derniers espoirs.
Tante Aïssatou savait-elle que le vieux Oumarou était devenu dans ce village le détenteur des richesses ancestrales. Cinquante années de profondes études historiques avaient fait de lui l’homme le plus vénéré de la cité. C’était l’homme clé, l’homme miracle, l’homme destin, l’homme Dieu.
L’inévitable devait donc se produire par la force des choses : arrivera-t-elle à convaincre sa fille ? Pourra-t-elle continuer à cacher la vérité à son mari ?
Sera-t-il nécessaire de le faire ?
Toutes ces questions hantaient sa conscience, et Bodiel était devenue un être vaincu, incapable de toute réaction, de toute résistance. En définitive, un rêve vaincu par la vie et par le destin.
Le retour s’annonça difficile pour Bodiel, un avenir plus qu’incertain faisait maintenant d’elle une victime, une proie facile, livrée aux forces destructrices de la vie.
Elle passa une dernière nuit à Fanaye Diéri en compagnie de tante Aïssatou, une nuit ténébreuse entrecoupée par les éclairs. Les étoiles minuscules avaient disparu dans les nuages emportant avec elles leur clarté et leur charme.
Le berger nostalgique des chaudes matinées fiévreuses songeait à son troupeau apeuré, dans cette nuit ténébreuse, les cours d’eau prosternés faisaient appel à la compréhension de cette pluie providentielle guettée par les mers océanes.
A 30 ans seulement, Pape Birahim Ndiaye est parvenu à faire son trou dans le paysage de la musique au Sénégal. Sur les plages, dans les radios, ou les télévisions, le jeune artiste est incontestablement l’une des stars du show-biz de cet été. Il fait chavirer son public. Dans cet entretien, qu’il a accordé au journal Le Quotidien dans les locaux de son label Prince Arts, le chouchou de la Médina entend néanmoins garder les pieds sur terre, non sans écarter ceux qui l’accusent d’instrumentaliser sa voix. Pourtant, la trajectoire de l’homme aux dreadlocks est pour le moins inédite.
Transfuge du RnB et du reggae, Pape Birahim s’épanouit aujourd’hui dans le mbalax. Pouvez-vous faire brièvement un résumé de votre parcours ?
Avant tout, permettez-moi de saluer tout le monde, aussi bien au Sénégal qu’en Europe. Je remercie tous les fans de Pape Birahim. Cela dit, j’ai un long parcours. J’ai commencé à chanter lorsque j’étais à l’école franco-arabe. En fait, je m’amusais à le faire. Parfois lorsqu’on revenait de l’école, c’était moi qui dirigeais les récitals des versets de Coran. J’avais un oncle qui s’activait dans ce milieu de chants religieux. Parfois c’est moi qui le secondais. Je chantais dans les séances de faux lion, dans les séances de lutte traditionnelle. Ce- pendant, je n’avais jamais pensé que je pouvais un jour être musicien. Je ne le faisais que pour me divertir, mais le bon Dieu en a décidé autrement
Quand avez-vous donc décidé de vivre de la musique?
A l’époque, j’avais fait un duo avec un ami qui s’appelle Doudou Kaïré. J’assurais le rôle de choriste dans ce tube. Ensuite, j’ai continué à chanter dans les écoles. J’ai rencontré une femme, prénommée Juliette, qui m’a dit qu’elle allait m’emmener à Prince Arts. Au début, j’étais un peu réticent car je n’y croyais pas tellement. J’ai hésité plusieurs fois, et finalement j’en ai parlé à un ami qui m’a donné son approbation. En ce moment-là, le label se trouvait au niveau des Almadies. J’y suis allé et j’ai fait des tests en chantant en studio. L’amour de la musique commençait à s’introduire en moi. Et je me suis dit que peut- être c’est mon destin qui est en marche.
On vous a connu aussi dans le milieu du RnB et du reggae...
Effectivement, je faisais du rap avec groupe Klan de l’Ouest de la Medina. Dans ce groupe, j’assurais les refrains. J’ai aussi été Reggae man dans beaucoup de groupes, comme Timshell Band et tant d’autres. Je rappelle que lorsque Richie Spice venait au Sénégal, c’est moi qui avais assuré la première partie. Quand Adia man est venu au stade Ibar Mar Diop, je faisais partie de ceux qui chantaient la première partie. J’avais un groupe de reggae qui se dénommait Osez family. J’étais le lead vocal et les autres comme Papis, Issa, Lamine Kaolack, Tacko et Iba complétaient le groupe.
Toujours dans la musique reggae vous avez sorti Africa Unity dans le groupe Black Light
Exactement, c’était avec l’ami dont je vous ai parlé tout à l’heure, Doudou Kaïré. J’étais son choriste dans un Cd de reggae et après on est venu au Prince Arts. Ce tube, on l’a produit lors d’un concours qui a eu lieu sur la chaîne Africable. Au finish, c’est nous qui avons rem- porté la timbale.
Mais ce n’est qu’en 2007 que vous vous êtes révélé aux Sénégalais, dans le morceau Sa Rimbam avec Babacar Seck et Pape Dali Ndiaye. Pouvez- vous revenir un tout petit peu sur ce tube qui avait fait grand bruit dans le milieu du show- biz ?
En ce moment-là, je venais d’intégrer Prince Arts. Et dans les règles du label, il faut impérativement faire des duos pour les nouveaux venus. Il fallait que je compose des duos avec d’autres chanteurs du label pour me faire connaître du public. C’est pourquoi, j’ai partagé avec eux (Babacar Seck et Pape Dali Ndiaye. Ndlr). Je dois avouer qu’au début, ils ne me connaissaient pas. C’est Ibou Ndour qui me les avait proposés, en leur faisant comprendre que j’avais du talent. J’avais fait avec eux ce tube Sa Rimbam.
En dépit de ce succès, vous avez pris sept années pour sortir un album. Pourquoi cette longue absence de la scène musicale ?
Je ne partage pas votre avis. Après le tube Sa Rimbam, j’étais le choriste de Titi. Avant cela, depuis 2004, je suis au Prince Arts. Donc cela fait dix ans que je n’ai pas quitté la musique. Durant cette décennie, je secondais d’autres chanteurs du label, par modestie. Ce n’était pas par manque d’ambition. Loin s’en faut ! Pour moi, quand on veut devenir, il faut accepter d’être un élève. J’assurais ce rôle secondaire. A cause de cela, j’ai eu à essuyer certaines critiques. Parfois, on disait que j’étais meilleur que ces gens que je secondais. Néanmoins, je ne me suis pas monté la tête. J’ai su garder les pieds sur terre en me disant qu’à partir du moment que le label m’a demandé de les accompagner, je devais assurer sans broncher. Aujourd’hui je ne regrette pas de l’avoir fait. D’ailleurs, je suis fier d’eux parce que ce sont de grands artistes et ce sont des amis qui vraiment, ont de la reconnaissance envers moi.
Venons-en maintenant à votre album From Médina, qui a fait son trou dans le show-biz. D’abord pourquoi ce titre ?
Avant tout, Médina représente beaucoup pour moi : c’est ma fierté. J’ai grandi là-bas. J’ai étudié également dans cette commune. Au Sénégal, c’est la première fois qu’un album porte le nom de Médina. Souvent, les autres chanteurs sortent des titres comme Ndortel (premier album de feu Ndongo Lo), Aduna, Jamm etc. Moi, j’apporte une touche originale avec From Médina. Pourquoi ? Parce que, Médina était jadis un quartier très peuplé. Maintenant, la plupart des premiers habitants ont déménagé. J’ai senti que les gens commençaient à se désintéresser de la Médina. Par devoir de rappel à la conscience collective envers la beauté de cette commune, j’ai produit cet album histoire de ressusciter la Médina. Bien entendu, Youssou Ndour a été le premier à chanter Médina et cela avait un grand succès. Comme il est mon idole, j’ai aussi voulu faire de même. Je me suis porté volontaire avec l’aide des gens de la Médina, pour produire cet album avec mon label Prince Arts.
Donc vous vous identifiez à Youssou Ndour ? Est-ce qu’il vous aide ?
Youssou Ndour est tout pour nous. Si j’ai aujourd’hui le courage de chanter, c’est à lui que je le dois. Je lui dois une fière chandelle.
Vous avez évoqué une originalité dans votre musique. Pourtant vous insistez sur le thème de l’amour que l’on retrouve dans les autres morceaux des chanteurs de Mbalax. A part le titre de l’album, où se trouve votre originalité ?
Pourtant dans l’album de 9 titres, vous ne pouvez pas me citer plus de deux morceaux relatifs à l’amour. C’est le tube Ki ma doon set en version mbalax et acoustique et Love you forever. Les autres morceaux s’intitulent Jogalfight, la manière dont l’homme doit préserver sa femme, Nitt, From Médina, Jamm Jusaax où je relate les problèmes qui existent dans les familles : un thème d’actualité, Naby ou le prophète Mahomed (Psl) qui est l’exemple de tout musulman. Ce- pendant, les gens font la confusion en disant que je ne parle que d’amour.
Est-ce que ce ne sont pas les plus écoutés ?
Peut-être mais alors, qu’on arrête de dire que Pape Birahim ne chante que l’amour. Les titres que j’ai énumérés tout à l’heure sont des sujets d’actualité.
Est-ce que cette diversité dans votre musique vous conduit à produire avec le rappeur Pps dans le morceau Love you forever ?
Absolument. Je suis un produit du Rnb et du reggae. Je ne pouvais pas laisser ce passé en rade. Surtout que Pps est un jeune très talentueux et promu à un bel avenir dans la musique. Parfois je change ma musique. Bref, je suis polyvalent.
Aujourd’hui, vous avez écarté les genres Rnb et reggae au profit du Mbalax ?
Pas du tout. On est au Sénégal et je fais ce qui plaît aux Sénégalais. Je ne vais pas chercher à me casser la tête. Je ne suis ni un Américain encore moins un Jamaïcain, je suis un Sénégalais.
Qu’est ce qui plaît aux Sénégalais ?
Le Mbalax ! (Il répète avec des éclats de rires) Vous savez que les gens aiment cette musique bouillonnante. Ce n’est pas pour rien qu’on la met lors des baptêmes et toutes les autres fêtes. Les gens vous invitent et vous jouez avec votre groupe. Sur le plan international, je peux faire autre chose mais ici, je produis du mbalax pur, avec du piment dedans. Je vous assure que je peux transformer mes sons mbalax en d’autres genres musicaux. Quand je joue au Just 4 U, je ferai autre chose que du mbalax.
On s’aperçoit que le mbalax non seulement ne s’exporte pas ailleurs, vous l’avez-vous- même admis. Aujourd’hui Pape Birahim a du succès mais demain, vous serez forcément victime de l’usure qui frappe cette musique, comme vos prédécesseurs. Qu’allez-vous faire pour pérenniser votre album auprès du public ?
Je suis un fan de Youssou Ndour, un monument de la musique. Comme c’est notre référence, on va voir ce qu’il a fait pour s’en sortir. Je rappelle que les sons de Youssou sont toujours d’actualité parce qu’il a eu le courage, le sérieux, et la discipline pour réaliser l’image qu’il incarne aujourd’hui. L’artiste doit gérer sa carrière avec ses vertus que je viens d’énumérer. Le métier d’artiste est un peu dur. Mon objectif n’est pas de produire un album et avoir du succès. J’œuvre dans le sens de faire une grande carrière. Par conséquent, je ne vais pas limiter ma musique au Sénégal. Je prie Dieu de me donner la santé pour réaliser ce projet d’envergure, car rien ne sera facile. Quelqu’un qui se réfère à Youssou Ndour n’ira jamais à gauche.
En dehors de la musique, qu’est-ce que vous faites pour aider les jeunes de la Médina?
J’ai prié Dieu de me donner quelque chose pour que j’aide mes jeunes frères. Pour l’instant, je viens de débuter une carrière musicale. Après, le futur appartient au Tout-Puissant.
Maintenant, vous chantez les louanges du prophète Mahomed (Psl). Un domaine qu’on croyait réservé aux chanteurs religieux avec un style très oriental ?
Vous pouvez vous-même chanter les louanges du prophète. C’est un champ qui n’est réservé à personne. Si la musique ne vous plaît pas, vous pouvez l’écrire en poème. Les chanteurs religieux n’aiment pas Naby plus que nous. Le prophète n’est pas seulement pour eux. Tout musulman peut chanter Mahomed s’il le sent. Je vais vous raconter une anecdote. J’ai une fan chrétienne qui m’a dit que le son Naby lui va droit au cœur. Il la fait pleurer. Un Français m’a dit aussi la même chose.
Maintenant on dit que la voix de Pape Birahim n’est pas naturelle. Autrement dit, la beauté de votre voix n’est que le fait d’instruments de musique.
(Il éclate de rires) Est ce que vous le croyez ?
Je n’en sais rien. Vous êtes devant les Sénégalais. Alors, édifiez-les !
La musique est faite à base de techniques. Ma voix est un don de Dieu. Je n’ai pas la plus belle voix du Sénégal. Je ne fais rien d’extraordinaire. J’ai travaillé pour la rendre plus belle. Cette beauté parfois induit les gens à croire que j’instrumentalise ma voix, parce qu’il y a un écho que produit cette voix.
Donc vous convenez avec moi qu’il y a des gens qui affirment cela ?
Bien sûr ! Ce que je peux dire, c’est qu’il y a plusieurs manières d’appréhender la musique. On peut chanter sans se fatiguer. C’est pourquoi, j’utilise ma voix comme je le veux (il se met à chanter). Vous voyez que ma voix est naturelle. Elle n’est pas le fruit de mon travail mais un don du Ciel. Parfois, j’ai du mal à réaliser ce que produit ma voix.
Fatalement, vous souffrez de la piraterie en ce qui concerne votre album ?
Évidemment ! Mais ce n’est pas grave. Quand on pirate ton album, c’est parce que ton produit est bon. Celui qui fait cela, achète l’album en question avant de s’adonner à cette pratique illicite. Un artiste qu’on ne pirate pas doit se regarder dans un miroir. Pour moi, la piraterie n’est pas une tragédie. Dans cet album, grâce à Dieu, on s’en sort tant bien que mal financièrement.
Quel âge avez-vous ?
Je suis né en 1984. Par conséquent j’ai 30 ans.
Etre-vous marié ?
Je suis célibataire sans enfant.
Pourquoi ?
Le temps ne me permet pas d’avoir une vie de famille. Il faut que je me concentre sur mon album qui vient de sortir. Je dois être patient car je ne veux pas me causer du stress.
Mais Pape Birahim a une petite amie qui s’occupe de lui quand-même ?
Je cherche toujours mais je n’ai pas encore trouvé.
Mais vous subissez donc les harcèlements des filles ?
Je n’en sais rien. En tout cas, je cherche une fille qui pourrait me convenir.
Quels sont vos projets ?
En fait, après la promotion de l’album le 7 septembre dernier à la Maison de la culture Douta Seck, on prévoit aussi d’autres séries de promotion. Pour moi, l’album From Médina est un album international
Pourquoi ?
Mais parce que les Européens l’écoutent. D’ail- leurs, certains parmi eux doivent venir me rendre visite parce que le style et l’harmonie de l’album leur plaisent. Au début, ils croyaient que je n’étais pas un Sénégalais à cause de la mélodie que j’ai produite. Avec cela, je me suis dit tout simple- ment que la musique du Sénégal peut s’exporter, cela dépend de la manière de la faire. Les Européens me disent comment je peux utiliser certains rythmes. Par conséquent, je m’inscris en faux contre ceux qui disent que le mbalax ne peut dépasser les frontières du Sénégal. Cela dépend de la manière de l’arranger. Je peux même produire un album avec des tam-tam tout court. On peut aussi produire des albums en reggae ou en Rnb.
Votre passage du rap au mbalax ne va-t-il pas vous créer des ennuis avec vos ex-camarades du rap ? On l’a vu avec Fata qui subit des critiques de la part des rappeurs ?
Le reggae et le rap sont des genres très jaloux. Y sortir des albums et vouloir migrer vers des genres comme le mbalax est souvent source de critiques. Mais heureusement, je n’ai pas pu sortir des albums dans ces genres musicaux. Autrement dit, je ne me suis pas fait un nom dans ces milieux.
En tant qu’artiste, quel est le message que vous lancez aux autorités ?
D’abord, j’exhorte mes fans à m’appuyer pour tout ce qui concerne cet album. Je lance un appel aux autorités à œuvrer dans le sens de réussir l’union pour que chacun ne soit pas lésé et apporte sa pierre à l’édifice. Le public aussi ne doit pas t’aimer aujourd’hui et t’oublier demain. C’est ce qui freine l’exportation de la musique. Le public doit aider les artistes en les poussant vers le succès pour que les gens nous considèrent avec respect à l’extérieur. C’est important. Aujourd’hui les Nigérians sont en train de cartonner au niveau mondial (comme P-Square). Ils sont poussés et aidés par leurs fans. Même en Guinée, les gens le font. Les autorités doivent aussi aider les jeunes artistes qui n’ont pas les moyens de sortir des albums. Tous les chanteurs sont d’égale dignité.
CHRONIQUE DE LA DISPARITION «INELUCTABLE» D’UNE CIVILISATION MILLENAIRE…
«DANS LES MINES D'OR DU SENEGAL ORIENTAL: LA FIN DE L'ORPAILLAGE?», 198 PAGES
«Dans les mines d’or du Sénégal oriental: La fin de l’orpaillage?», c’est le titre du nouvel ouvrage du sociologue Kaly Niang, publié par l’Harmattan (juin 2014). Il ressort de cette étude de terrain que l’Etat du Sénégal n’a pas encore pris conscience de l’importance de l’orpaillage pour les populations de Kédougou. Pis, à défaut d’une politique minière cohérente et rationnelle, l’on s’achemine inéluctablement vers la fin des orpailleurs estimés à plus de 50.000 personnes recensées sur les différents sites dans la région. Pourtant, l’orpaillage est un rempart essentiel contre la pauvreté, qui affecte 80% des ménages et 89% des individus, et peut occasionner une amélioration durable de la qualité de vie. Pourvu que la priorité maximale soit accordée à la satisfaction des besoins élémentaires des orpailleurs.
Dépossédée par la grande industrie minière et exclue des chaînes de transformation et d’échange, l’exploitation traditionnelle de l’or (ou orpaillage) vit aujourd’hui, au Sénégal, les derniers jours d’une pratique ancestrale, vieille de plusieurs siècles. Avec des machines concasseurs-broyeurs, l’orpaillage perd son caractère traditionnel et sacré, pour devenir une banale activité à haute intensité de main-d’œuvre, qui comporte d’énormes inconvénients pour la santé humaine et l’environnement. Dès lors s’achemine-t-on vers la disparition d’une civilisation millénaire porteuse de sens, caractérisée par une économie de subsistance.
Kaly Niang, Docteur en sociologie et spécialiste en développement durable, pose le débat dans son nouvel ouvrage intitulé «Dans les mines d’or du Sénégal oriental: La fin de l’orpaillage?». Ce livre de 198 pages publié chez l’Harmattan (juin 2014) se veut un éclairage sociologique sur une pratique séculaire, qui existe toujours dans l’univers mental des orpailleurs, malgré les difficultés et les contraintes techniques et environnementales. Le livre se décline en deux parties: la première, qui traite des «Aspects traditionnels de l’orpaillage: analyse d’une pratique séculaire», comprend trois chapitres alors que la seconde revient sur «L’orpaillage aujourd’hui: entre tradition et changements», à travers cinq chapitres, le tout bouclé par une conclusion générale.
D’emblée, à travers la photo de couverture, l’auteur plonge le lecteur dans l’univers des dioura, le quotidien des diouratigui venant de divers horizons et de la sous région et établis dans différents placers de cette région très pauvre du Sénégal, mais qui regorge de potentialités économiques énormes. L’étude, dresse une cartographie de différents sites d’orpaillage (‘’dioura’’), des activités qui s’y déroulent, de l’organisation des communautés, du temps de travail, etc. C’est une sorte de miroir que le «sociologue-diouratigui», pardon l’auteur, promène dans des «dioura» avec, à l’appui, des témoignages, des images et illustrations prises sur place et reflétant la réalité sur une pratique séculaire menacée.
L’orpaillage est plus important que l’agriculture…
Activité complémentaire ou de «passe-temps» à l’époque coloniale, l’orpaillage est devenu aujourd’hui plus que jamais l’une des activités les plus importantes de Kédougou, et a tendance à surclasser l’agriculture, tributaire de la pluviométrie. En atteste, la production annuelle qui s’élève à plus de 500 Kg d’or, la moyenne étant 165 grammes par orpailleur. Selon certaines estimations, l’orpaillage mobilise près de 4 milliards de F Cfa sans contrôle rigoureux de l’Etat. Ces données chiffrées corroborent une irrationalité sur le plan économique, car, là, on peut effectivement produire annuellement jusqu’à ? milliard de nos francs. Et, paradoxalement, la région est la plus pauvre du Sénégal, note l’ouvrage.
Et, sur la base de cette grille d’analyse, il ressort qu’un orpailleur peut gagner en moyenne jusqu’à 500.000 F Cfa, donc le double du revenu d’un cultivateur moyen produisant une tonne d’arachide par exemple. Suffisant pour que certains orpailleurs pensent même que l’orpaillage est plus important que l’agriculture dans la zone. D’où la nécessité de développer cette pratique, en la rationalisant davantage, c’est-à-dire en essayant d’adapter les moyens à mettre en œuvre, par rapport aux fins escomptées, conseille l’auteur. Cette alternative peut à long terme réduire les conséquences de certaines manifestations concrètes de la pauvreté à savoir la «malnutrition», la «mauvaise santé», «l’insuffisance d’éducation scolaire», le «logement de mauvaise qualité».
Le Sénégal n’est pas conscient de l’importance de l’orpaillage
Seulement, déplore-t-il dans l’ouvrage, «l’Etat du Sénégal n’a pas encore pris conscience de l’importance de l’orpaillage pour les populations». Aujourd’hui, aucune forme de soutien n’est réservée à ses adeptes, ni l’Etat encore moins les collectivités locales ne s’intéressent aux orpailleurs ou à l’orpaillage. Sur les différents sites d’étude, le constat est que les orpailleurs sont laissés à eux-mêmes. S’agit-il d’un manque de responsabilité et/ou de rationalité des populations? En attendant des solutions durables, la question reste entière.
Or, cette activité constitue un «rempart essentiel contre la pauvreté rurale et la précarité» car pouvant occasionner une amélioration durable de la qualité de vie. L’orpaillage permet notamment de limiter l’exode rural en maintenant une activité dans cette zone considérée comme un «bout du monde» et favorise l’émergence «d’îlot de prospérité dans un océan de pauvreté». Toutefois, il faut au préalable accorder la priorité maximale à la satisfaction des besoins élémentaires des orpailleurs, pour leur permettre au moins de survivre. Et, l’état de pauvreté des populations est une donnée à prendre en compte dans les stratégies de leur implication en matière de gestion des ressources naturelles et l’environnement. Aussi, selon Khaly Niang, l’action pour être efficace doit s’attaquer de front aux multiples facettes de la problématique et s’inscrire dans la durée. Le caractère participatif, intégré, global et durable de tout projet d’appui à l’orpaillage est primordial…
Jeter les bases pour des échanges entre les acteurs
Justement à ce propos, le sociologue spécialisé en développement durable prévient que cet ouvrage ne prétend pas apporter les réponses à toutes les questions sur l’exploitation minière au Sénégal, mais il jette les bases pour des échanges entre les acteurs que sont l’Etat, les compagnies minières et les communautés. Convaincu, qu’il est, qu’il n’y a pas de raison que les communautés soient toujours les grands perdants, surtout que la récente relance du secteur minier a abouti à la découverte de nouveaux gisements d’or, dont l’exploitation est pour bientôt.
Ces gisements viendront compléter le projet d’exploitation de l’or de Sabodala (SMC) nécessitant un investissement de 98 millions de dollars et produisant 150.000 onces d’or (4,65 tonnes), selon la compagnie Mineral Deposit Limited (MDL), qui a démarré sa production au deuxième semestre de l’année 2007. Dans sa phase opératoire, la gestion du projet reviendra à MDL à travers la société d’exploitation Sabodala Operating Company S.A, qui sera créée à cet effet. L’Etat du Sénégal détiendra 10% d’actions gratuites dans la société d’exploitation.
Oui à la petite mine et non aux solutions «clés en main»
En attendant, pour un développement économique régional, l’émergence de la petite mine semble, pour certains orpailleurs, une alternative souhaitable pour tenter de combler les multiples carences du secteur artisanal et ainsi limiter ses impacts négatifs. «Le développement de la petite mine ne saurait-il pas être un rempart contre la pauvreté, la précarité et le chômage des jeunes ? Cette petite entreprise plus souple et adaptable ne devrait-elle pas permettre de multiplier les opportunités économiques et de valoriser au mieux la productivité de l’or dans la zone de Kédougou?», s’interroge-t-il.
Et de relever que l’expérience a montré que des approches trop «clés en main» et sectorielles sont vouées à l’échec. Mieux, les besoins et les demandes, très spécifiques suivant les contextes, doivent être formulés par les orpailleurs eux-mêmes, après concertation étroites avec les principaux acteurs institutionnels et économiques locaux. L’action pour être efficace doit s’attaquer de front aux multiples facettes de la problématique et s’inscrire dans la durée. Dans cette approche sociologique du développement local, le caractère participatif, intégré, global et durable de tout projet d’appui à l’orpaillage est primordial.
A défaut d’une politique minière cohérente et rationnelle…
Car, prévient Khaly Niang, «à défaut d’une politique minière cohérente et rationnelle, nous assisterons inéluctablement à la fin des orpailleurs dans la région de Kédougou et la disparition d’une civilisation millénaire porteuse de sens, caractérisée par une économie de subsistance». La menace est d’autant plus d’actualité que les orpailleurs traditionnels sont progressivement remplacés par des exploitants miniers qui organisent leur production selon un ordre capitaliste et cannibale qui bouleverse toute la structure de l’orpaillage traditionnel devenue aujourd’hui anomique.
Toutefois, reconnaît-il, cette activité n’est pas sans générer des problèmes sociaux et environnementaux. En effet, l’exploitation minière contribue au déboisement et à la dégradation des sols, à la pollution de l’air par la poussière, la perte de biodiversité, la détérioration du paysage, etc. Ce sont souvent d’énormes inconvénients de l’orpaillage notamment sur la santé humaine, l’environnement et les ressources naturelles que les pouvoirs publics impliqués dans la problématique du développement et de la protection de l’environnement ont longtemps mis en avant pour décrier l’exploitation minière artisanale qui se pratique sur une centaine de sites, procurant ainsi des revenus à des milliers de personnes vivant principalement en milieu rural. Pourtant, à l’origine, l’orpaillage n’était pas une activité à forte nuisance sur l’environnement. Et, au regard des nombreux interdits et mythes, n’importe qui ne pouvait pas être orpailleur.
''IL N’Y A AUCUNE RAISON QUE CE SOMMET SOIT REPORTÉ''
ANNICK GIRARDIN, SECRETAIRE D’ETAT AU DEVELOPPEMENT ET A LA FRANCOPHONIE
Satisfaite de la visite effectuée à Dakar, le secrétaire d’Etat français au développement et à la Francophonie annick Girardin soutient que le 15ème sommet de la Francophonie se tiendra, en novembre, à Dakar. elle se dit rassurée de la capacité du système de santé sénégalais à pouvoir faire face à la menace d’Ebola.
Malgré un contexte marqué par la présence du virus Ebola en Afrique de l’Ouest, la Secrétaire d’Etat au développement et à la Francophonie Annick Girardin soutient que le 15ème sommet de la Francophonie se tiendra, en novembre, à Dakar.
Elle souligne qu’avec la guérison du jeune guinéen, unique cas d’Ebola interné à Dakar, montre que le système de santé sénégalais a su faire face à une telle situation. « Il n’y a aucune raison que ce sommet soit reporté, même s’il devait y avoir un cas d’ici le sommet », a affirmé le secrétaire d’Etat français au développement et à la Francophonie.
Annick Girardin qui achève une visite officielle au Sénégal s’est dite « très rassurée » de ce qu’elle a vu. Non pas qu’elle s’inquiète mais parce qu’on lui posait beaucoup de questions sur la présence d’Ebola et la tenue du sommet à la date prévue.
« C’est important de dire qu’il y a des comportements à adopter, des systèmes de santé qui sont résistants et qui pourront assumer ce virus Ebola comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire. Malheureusement, c’est autre chose en Guinée et dans d’autres pays où les systèmes de santé ont moins résisté à cette épidémie », a indiqué Annick Girardin.
Evoquant les préparatifs du sommet, elle n’a aucune crainte concernant l’achèvement des travaux et la préparation des débats. Elle estime que le sommet de Dakar est un « signe » et une occasion pour remercier le président Abdou Diouf pour tout ce qu’il a fait pour la Francophonie.
« Je pense qu’il a amené l’Oif vers davantage de présence sur les questions politiques et notamment un investissement sur la paix dans le monde », a dit Annick Girardin soutenant, toutefois, que l’Oif fait face à un « nouveau tournant ».
Ce tournant est, selon elle, une demande de modernité qui s’exprime dans plusieurs domaines et à la prise en compte des préoccupations des jeunes et des femmes. Le volet économique doit aussi être pris en compte au-delà de l’éducation et de la formation, a indiqué Annick Girardin.
Interpellé sur la personnalité qui succédera à Abdou Diouf, elle précise que la France ne soutient personne même si les candidats déclarés se sont signalés auprès des autorités françaises pour un probable soutien. Annick Gérardin estime que le prochain secrétaire général de l’Oif doit être d’une « nouvelle génération », non pas obligatoirement jeune ou être forcément un ancien chef d’Etat africain.
Le secrétaire d’Etat français au développement et à la Francophonie souhaite que les chefs d’Etat africains se réunissent afin de trouver un consensus face à cette question.
Au cours de son séjour au Sénégal, Annick Gérardin a été reçue en audience par le chef de l’Etat Macky Sall, le Premier ministre Mahammed Dionne. Elle a rencontré des membres du gouvernement, les responsables de l’Institut Pasteur de Dakar, des entrepreneurs impliqués dans les domaines de la Responsabilité sociale des entreprises (Rse) et d'entrepreneuriat innovant. Elle s’est rendue en Casamance pour visiter les actions menées dans la lutte contre les changements climatiques.
Après le Sénégal, Annick Girardin se rendra en République de Guinée pour, dit-elle, montrer le soutien de la France à ce pays touché par la fièvre hémorragique Ebola.